Orthotypographie
Volume II
de G Ă Z
Ă
2007
â
2009
.
Orthotypographie est publié sous licence
Ă
, quâon peut consulter (en
français) sur http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr/.
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â
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de
1
Ă
30
, des volumes I & II
dâ
Orthotypographie.
Le
du présent exemplaire
du volume II ne comporte pas
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Orthotypographie
Volume II
de G Ă Z
Du mĂȘme auteur
Typographie, orthotypographie.
Site web (
1997-2002
) : http://users.skynet.be/typographie/.
La Liste Typo, Typographique Tombeau de Jean-Pierre Lacroux, textes
rassemblĂ©s et prĂ©sentĂ©s par Thierry Bouche, s. l. [Ăchirolles],
2003
.
Orthotypographie, Orthographe
&
Typographie françaises, Dictionnaire
raisonné, [ouvrage collectif ], deux volumes hors-commerce, s. l.,
2007
â site web : www.orthotypographie.fr
Orthotypo, Orthographe
&
Typographie françaises, Dictionnaire raisonné,
Quintette, Paris,
2008
.
Plumes et papier.
La MĂ©moire des Sergent-Major, avec Lionel Van Cleem, Ramsay â
Quintette, Paris,
1988
. Traduction en italien : Il Pennino, Ulisse
Edizioni, Turin,
1988
.
Papier, SeghersâQuintette, Paris,
1991
.
Une a
â
aire de stylos, avec Pierre Haury, SeghersâQuintette, Paris,
1990
. Traduction en italien : La Seduzione delle stilo, Ulisse Edi-
zioni, Bologne,
1991
. Traduction en anglais : A Passion for Pens,
Greentree, Ridgefield (Connecticut),
1993
.
Une petite histoire du papier, Quintette, Paris,
2001
.
Littérature générale.
Panique à Calixta, coll. « Mots », Ramsay, Paris,
1986
. RĂ©Ă©dition revue
et intégrale sous le titre : Nihil obstat, Quintette, Paris,
2001
.
Dessins.
Portfolio, coll. « Trait tiré », éditions Le Champ du possible, Paris,
1974
.
Orthotypographie
Orthographe
&
Typographie françaises
Dictionnaire raisonné
Volume II
de G Ă Z
Jean-Pierre Lacroux
Le PDF de cet ouvrage et sa version HTML
sont di
â
usés sous licence
Ă
avec lâaimable autorisation de ses ayants droit.
Ă A. A. et Ă. Ă.
Sommaire du volume II
Sommaire du volume I
15
Table des abréviations, signes et symboles
25
Galerie, voir Musée, galerie (vol. II, p.
135
)
Gagner, voir Chasse, chasser (vol. I, p.
242
)
Galaxie, voir Astre (vol. I, p.
206
)
Genre des noms communs
33
Genre des noms propres, voir Ville et village (vol. II, p.
316
)
Gentilé, voir Peuple (vol. II, p.
184
)
GĂ©ographie
36
GĂ©ologie
39
Grade
39
Graisse
41
Grec
42
Gris
42
Guerre
43
Guillemet
47
Habillage
53
Habitant, voir Peuple (vol. II, p.
178
)
Hauteur
53
Heure
55
Hors-texte
55
HĂŽtel
56
Incipit
57
Incunable
57
Index
57
Indice, voir Exposant (vol. I, p.
360
)
9
Institut
69
Interfolier
69
Interlignage, interligne, interligner
69
Italique
69
Jardin
75
JĂ©sus-Christ
76
Jeu
76
Justification
76
Langues Ă©trangĂšres
79
Latin
79
Latitude, longitude, voir Point cardinal (vol. II, p.
190
)
LĂ©gende
83
LĂ©gion
83
Lettre
84
Lettrine
85
LĂ©zarde
89
Ligature
91
Ligne creuse
96
Lisibilité
104
Livre
105
Livre sacré
105
Lune, voir Astre (vol. I, p.
206
)
Madame, mademoiselle, monsieur
107
Mademoiselle,
voir Madame, mademoiselle, monsieur (vol. II, p.
107
)
Majuscule
111
Manchette, voir Addition (vol. I, p.
149
)
Manifestation culturelle ou commerciale
117
Manifestation sportive
118
Manuscrit
118
Marque déposée
119
Mastic
125
Maxime, voir Proverbe (vol. II, p.
231
)
Membre, voir Adepte (vol. I, p.
149
)
Mer
125
10
sommaire du volume ii
Mesure typographique
125
Midi, minuit
126
Mille, mil, millier
126
Millénaire
127
Millésime
127
MinistĂšre, ministre
128
Minuit, voir Midi, minuit (vol. II, p.
126
)
Minuscule,
voir Addition (vol. I, p.
149
) et Majuscule (vol. II, p.
111
)
Monnaie, voir Euro (vol. I, p.
358
) et Franc (vol. I, p.
380
)
Monsieur,
voir Madame, mademoiselle, monsieur (vol. II, p.
107
)
Monument
131
Mot Ă©tranger
133
Musée, galerie
135
Muséum
137
Musique
137
Mythologie
140
Navire, voir Bateau (vol. I, p.
212
)
NĂ©buleuse, voir Astre (vol. I, p.
206
)
NĂ©ologisme
141
Nombre
141
Nom propre
147
Nord, voir Point cardinal (vol. II, p.
190
)
Note
148
Note de musique, voir Musique (vol. II, p.
137
)
Nouveau, voir Ancien, nouveau (vol. I, p.
173
)
Numéro
150
Océan, voir Géographie (vol. II, p.
36
)
Ćil
153
Opéra
154
Ordre, voir DĂ©coration (vol. I, p.
307
)
Orpheline, voir Ligne creuse (vol. II, p.
96
)
Orthographe multiple
154
Ouest, voir Point cardinal (vol. II, p.
190
)
11
sommaire du volume ii
Pacte
155
Page
155
Palais, voir Monument (vol. II, p.
131
)
Palme, voir Académie (vol. I, p.
99
)
Panse
156
Papier, voir Format (vol. I, p.
371
)
Paragramme, voir Coquille (vol. I, p.
280
)
Paragraphe
156
ParallĂšles
158
Parangonner
158
Parc, voir Jardin (vol. II, p.
75
)
ParenthĂšse
158
Parti, mouvement
162
Particule
162
Pays
171
PĂ©riode historique, voir Ăge (vol. I, p.
158
), Ăpoque
(vol. I, p.
341
) et Style artistique (vol. II, p.
268
)
Petite capitale
176
Peuple
178
Place, voir Voie et espace public (vol. II, p.
326
)
PlanĂšte, voir Astre (vol. I, p.
206
)
Planche
186
Pléonasme
186
Pluriel des mots Ă©trangers
186
Pluriel des noms propres, voir Nom propre (vol. II, p.
147
)
PoĂšme
189
Point
190
Point cardinal
190
Point dâexclamation
191
Point dâinterrogation
192
Points de suspension
194
PĂŽle
202
Police
202
Ponctuation
210
Porte
228
12
sommaire du volume ii
Pourcentage
228
Préfecture, préfet
228
Premier
229
Prénom
229
Préparation de copie
230
Président
230
Produit
230
Prote
231
Proverbe
231
Quasi
233
Quelque
233
RĂ©forme
235
RĂ©gion
235
RĂ©glure
236
Religion
236
RĂ©volution
237
Saint
239
Satellite, voir Astre (vol. I, p.
206
)
ScĂšne, voir Acte dâune piĂšce de thĂ©Ăątre (vol. I, p.
147
)
Second
244
Sic
245
SiĂšcle
245
SiĂšge, voir Guerre (vol. II, p.
43
)
Sigle
247
Signature
266
Soleil, voir Astre (vol. I, p.
206
)
Soulignement
267
Souverain, voir Titre honorifique (vol. II, p.
297
)
Square, voir Jardin (vol. II, p.
75
)
Style artistique
268
Sud, voir Point cardinal (vol. II, p.
190
)
Suisse
268
Symbole
269
Télégramme, voir Petite capitale (vol. II, p.
176
)
Terre
271
13
sommaire du volume ii
Théùtre
271
Tierce
271
Tiers
271
Tiret
272
Titre de civilité, voir Madame, mademoiselle, monsieur
(vol. II, p.
107
), Titre honorifique (vol. II, p.
297
)
et Titre religieux (vol. II, p.
299
)
Titre de départ
278
Titre dâĆuvre
278
Titre honorifique
297
Titre intérieur
299
Titre religieux
299
Tome
299
Tour, voir Manifestation sportive
(vol. II, p.
118
) et Monument (vol. II, p.
131
)
Trait dâunion
300
Traité, voir Accord, conférence, traité (vol. I, p.
135
)
Transcription, translittération
303
Troncation
305
Union
309
Unité de mesure
309
Université
311
VĂ©hicule
313
Vers
313
Veuve, voir Ligne creuse (vol. II, p.
96
)
Ville et village
316
Vin
324
Virgule
325
Voie et espace public
326
ZĂ©ro
329
Zodiaque
329
Zoo
330
Zoologie
330
Liste des auteurs mentionnés
333
Bibliographie
339
14
sommaire du volume ii
Sommaire du volume I
Sommaire du volume II
17
Avertissement
23
Table des abréviations, signes et symboles
29
Avant-propos
37
Abréviation
55
Académie
99
Accentuation
103
Accolade
134
Accord, conférence, traité
135
AchevĂ© dâimprimer
135
Acronyme
136
Acropole
147
Acte dâune piĂšce de thĂ©Ăątre
147
Adage, voir Proverbe (vol. II, p.
231
)
Addenda
148
Addition
149
Adepte
149
Adhérent, voir Adepte (vol. I, p.
149
)
Administration
152
Adresse
152
AĂ©ro-
157
Ăge
158
Ajout
160
Alinéa
161
Allégorie
167
15
Allemand
167
Alliage
169
Alliance
170
An, année
170
Ancien, nouveau
173
Anglais
173
Année, voir An, année (vol. I, p.
170
)
Annexe
175
Anti
176
Aparté
179
Aphorisme, voir Proverbe (vol. II, p.
231
)
Apocope, voir Abréviation (vol. I, p.
55
)
AposiopĂšse
179
Apostrophe
179
Appel de note
186
Appendice, voir Addenda (vol. I, p.
148
)
Approche
191
Arc, arche, voir Alliance (vol. I, p.
170
)
et Monument (vol. II, p.
131
)
Armée
195
Arrobe
196
Arrondissement
202
Article dans les noms propres
203
Astérisque
204
Astre
206
Auberge, voir Enseigne (vol. I, p.
334
)
Avant-propos
208
Avertissement
208
Bandeau
209
Barre oblique
209
Bas de casse
210
B. Ă T., voir Bon Ă tirer (vol. I, p.
230
)
Bataille, voir Guerre (vol. II, p.
43
)
Bateau
212
16
sommaire du volume i
Bavocher
213
Belle page
214
Bible
214
Bibelot, voir Bilboquet (vol. I, p.
228
)
Bibliographie
223
BibliothĂšque
228
Bilboquet
228
Blanc
229
Blanchir
229
Bois, voir Jardin (vol. II, p.
75
)
et Voie et espace public (vol. II, p.
326
)
Bon Ă tirer
230
Botanique
231
Bourdon
231
Brochure
232
Bureau
232
Cabochon
233
Cadrat
233
Cadratin
233
Calendrier républicain
235
Calibre
235
Campagne, voir Guerre (vol. II, p.
43
)
Capitale
236
Carat, voir Alliage (vol. I, p.
169
)
Cartouche
236
Casse
236
CathĂ©drale, voir Ăglise (vol. I, p.
331
)
Caviarder
239
CĂ©dille
239
Cent
240
CĂ©sure
240
Chambre
241
Championnat, voir Manifestation sportive (vol. II, p.
118
)
Chapelle, voir Monument (vol. II, p.
131
)
17
sommaire du volume i
Chapitre
241
Chasse, chasser
242
ChĂątain
243
ChĂąteau, voir Monument (vol. II, p.
131
)
Cheminée, voir Lézarde (vol. II, p.
89
)
Chi
â
res
243
Chi
â
res romains
248
Chimie
249
Cicéro
252
Circonscription universitaire, voir Académie (vol. I, p.
99
)
Citation
252
Classe
261
Classification typographique
261
Club
275
Code
276
Code postal, voir Adresse (vol. I, p.
152
)
Colombelle
276
Colonne, voir Monument (vol. II, p.
131
)
Colophon
277
Combat, voir Guerre (vol. II, p.
43
)
Commission
277
Compagnie
277
Composition
278
Confédération, voir Pays (vol. II, p.
171
)
Conférence, voir Accord, conférence, traité (vol. I, p.
135
)
Conflit, voir Guerre (vol. II, p.
43
)
CongrĂšs
278
Conseil
279
Constellation, voir Astre (vol. I, p.
206
)
Convention
279
Copie
280
Coquille
280
Corps
282
Correcteur
284
18
sommaire du volume i
Correction
289
CĂŽte
290
Couillard
291
Couleur
292
Coupure
295
Cour
301
Cran
301
Crénage
301
Crochet
302
Croisade, voir Guerre (vol. II, p.
43
)
Croix
303
Cul-de-lampe
304
Date
305
De, voir Particule (vol. II, p.
162
)
DĂ©coration
307
DĂ©dicace
307
Degré
312
Deleatur
313
DĂ©partement
314
DépÎt légal
316
DeuxiĂšme, voir Second (vol. II, p.
244
)
Deux-points
316
Devise
319
Dialogue
320
Dicton, voir Proverbe (vol. II, p.
231
)
Disciple, voir Adepte (vol. I, p.
149
)
Division
323
Doctrine
325
Doublon
326
Durée
326
Dynastie
327
Ăchelle
329
Ăcole
329
Ăglise
331
19
sommaire du volume i
Ălision, voir Apostrophe (vol. I, p.
179
)
Empattement
334
Empire
334
Enseigne
334
Entrelarder, larder
334
ĂnumĂ©ration
335
Ăpigraphe
339
Ăpoque
341
Ăre
341
Errata, erratum
341
Espace
342
Espacement
347
Est, voir Point cardinal (vol. II, p.
190
)
Et, esperluette
347
Ătat
353
Ătats-Unis
353
Etc.
355
Ethnique, voir Peuple (vol. II, p.
178
)
Ătirement
358
Ătoile, voir Astre (vol. I, p.
206
)
Euro
358
Ăvangile
364
ĂvĂ©nement historique
364
ĂvĂ©nement sportif, voir Manifestation sportive (vol. II, p.
118
)
Exergue, voir Ăpigraphe (vol. I, p.
339
)
Expédition, voir Guerre (vol. II, p.
43
)
Exposant
365
Extrait, voir Citation (vol. I, p.
252
)
Faculté
367
Famille
367
Fascicule
367
Fausse page, voir Belle page (vol. I, p.
214
)
Faux titre
367
FĂ©minin
368
20
sommaire du volume i
Feuille, feuillet
374
Figure
374
Folio
374
Fonction
375
Fonte
375
Format
375
Fraction
379
Franc
380
Fronton
381
21
sommaire du volume i
23
« Juste une remarque sur le fond esquivĂ© du dĂ©bat. Sâimaginer
que la méconnaissance des conventions typographiques est
un paramÚtre essentiel pour expliquer une prétendue dégra-
dation de la âchose imprimĂ©eâ (quelle quâelle soit) est une
erreur grĂŽssiaire (sur tous les plans) ou une quĂȘte dâalibi facile.
Avant dâapprendre oĂč placer les caps ou les nombres en chi
â
res
romains, apprenons Ă Ă©crire.
« La soif de connaissances anecdotiques (typographiques)
sâexplique aisĂ©ment, mais jamais un coup de deleatur nâabolira
le bazar. »
Jean-Pierre Lacroux Ă Typographie, le
8
mai
1999
.
25
Tables des abréviations,
signes et symboles
Signes et symboles.
fi
Mot
Voir ce mot (définition, informations essentielles).
fi
Mot Voir ce mot (informations complémentaires).
=
Convergence, accord.
â
Divergence, désaccord.
±
Usage trĂšs incertain.
âąâąâą
RĂšgle absolue, quelle que soit la nature du texte.
âąâą
Textes littéraires, « bon usage ».
âą
Textes spécialisés, usages particuliers.
â
Forme traditionnelle Ă respecter.
¶ Typographie, « traitement de texte ».
â
Commentaire.
>
Correction, Ă©volution.
â
Rappel dâune Ă©vidence. Par exemple : « Ce mot nâa
â
jamais de majuscule initiale » nâimplique pas que
le mot en question Ă©chappe aux rĂšgles communes
lorsquâil figure en tĂȘte dâune phrase ou dans une com-
position en capitales. « La
â
seule forme admissible »
ne prĂ©tend pas entraver la crĂ©ation littĂ©raireâŠ
[Etat] Faute. Dans cet exemple : il faut accentuer la capitale.
Les crochets ne retrouvent leur rĂŽle traditionnel que
dans quelques cas : [
sic], [?], [âŠ], [interpolation, ajout
ou hypothÚse, transcription phonétique].
{moyen-ùge} Forme non fautive mais déconseillée.
* ** *** Appel de note (exceptĂ© dans les exemples dâemploi de
lâastĂ©risque).
guillo[tine Coupure admise.
guilloti|ne Coupure déconseillée.
guillot/ine Coupure prohibée.
Abréviations employées dans la bibliographie.
coll. collection
Ă©d. Ă©dition
s. d. sans date
s. l. sans lieu
t. tome
vol. volume
Ouvrages de référence les plus souvent cités *.
Académie
1994
Dictionnaire de lâAcadĂ©mieâŠ,
1994,
(
5
).
Code typ.
1993
Code typographique,
17e
Ă©d.,
1993,
(
2
).
Doppagne
1991
Doppagne (Albert), Majuscules, Abrévia-
tions, Symboles et Sigles,
1991,
(
2
).
Frey
1857
Frey (A.), Nouveau Manuel complet de typo-
graphie,
1857,
(
2
).
Girodet
1988
Girodet (Jean), PiĂšges et Di
â
cultés de la
langue française,
1988,
(
11
).
Gouriou
1990
Gouriou (Charles), MĂ©mento typogra-
phique,
1990,
(
2
).
Grevisse
1986
Grevisse (Maurice), le Bon Usage,
1986,
(
9
).
Guéry
1996
Guéry (Louis), Dictionnaire des rÚgles typo-
graphiques,
1996,
(
2
).
Hanse
1987
Hanse (Joseph), Nouveau Dictionnaire des
di
â
cultés du français moderne,
1987,
(
11
).
26
abréviations, signes et symboles
* Voir p.
345-374
les noms et les références bibliographiques complÚtes de ces
ouvrages. Les chi
â
res entre parenthĂšses renvoient aux rubriques de cette bibliographie.
Impr. nat.
1990
Lexique des rĂšgles typographiquesâŠ,
1990,
(
2
).
Larousse
1933
Larousse du
xx
e
siĂšcle,
1928
-
1933,
(
5
).
Larousse
1970
Larousse, Trois Volumes en couleurs,
1970,
(
5
).
Larousse
1985
Grande Encyclopédie Larousse (la),
1971
-
1976,
suppléments :
1981
,
1985,
(
5
).
Larousse
1992
Petit Larousse illustré (le),
1991,
(
5
).
Larousse
1997
Petit Larousse illustré (le),
1996,
(
5
).
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Dans les passages reprenant certaines des interventions de Jean-
Pierre Lacroux dans les forums Internet auxquels il participait*, le
groupe Fr.Lettres.Langue.Francaise est abrégé F.L.L.F.
Les appellations
Bob, Little Bob et autres dérivés désignent familiÚ-
rement
le Petit Robert. Dâautres ouvrages sont citĂ©s de façon aussi ami-
cale que cavaliĂšre, en particulier le
Lexique de lâImprimerie nationale :
parfois
lâHyĂšne et trĂšs frĂ©quemment lâI.N.
Lâacronyme FAQ abrĂšge la bien connue « Foire aux questions » des
sites web.
31
abréviations, signes et symboles
* Forums et listes de discussion : Alt.Culture.Cajun, France-Langue, Fr.Comp.Pao,
Fr.Lettres.Ăcriture, Fr.Lettres.Langue.Francaise (F.L.L.F.), Fr.Soc.Internet, Langue-Fr.,
Typographie.
On trouvera Ă©galement dans cette partie de larges extraits du site web de lâauteur :
http://users.skynet.be/typographie/, laissĂ© par lui en lâĂ©tat le 13 avril 2002.
Galerie fi
Musée, galerie
Gagner fi Chasse, chasser
Galaxie fi Astre
Genre des noms communs fi
FĂ©minin.
« Il y a des rĂšgles de grammaire qui nâont Ă©tĂ©
décrétées que pour en finir avec une liberté qui
nâavait aucun inconvĂ©nient. [âŠ] Il nây a aucune
raison pour ne pas admettre
amour aux deux
genres, selon lâhumeur. »
Paul Valéry, Cahiers.
Masculin :
Un abaque romain, un abysse de
6 000
mĂštres, un acrostiche grivois.
Un albĂątre dĂ©licat, un alvĂ©ole profond, lâambre gris des cachalots
blĂȘmes.
Lâamiante mortel du Berlaymont, un antidote au dĂ©sespoir.
Un apogée trÚs bref, un arcane subtil (alchimie), les arcanes puérils
du Palais.
Un armistice dĂ©shonorant, lâasphalte mou des rues de Sfax.
Un astérisque bien venu, un astragale corinthien.
Un augure, bon ou mauvais, est masculin comme un devin ou un
présage.
Un colchique dans les prés, un e
â
uve plaisant.
33
Un éphémÚre adulte déjà vieux de vingt heures, un équinoxe
désastreux.
Le girofle, un haltÚre plutÎt lourd, un hypogée, le lignite, le myrte
est lassant.
Le naphte, un obélisque, un ocelle de léopard, un opprobre, un ove
est un Ćuf.
Des pénates princiers, un pétale, un planisphÚre.
Le saccharose nâest pas moins masculin que le sucre, le solde
(vente).
Un joyeux trille.
FĂ©minin :
Une acre de bonne terre, lâalgĂšbre, {une} alluvion.
Une anagramme transparente, une argile molle.
Des arrhes scandaleuses.
Une cĂąpre, lâĂ©bĂšne (bois de lâĂ©bĂ©nier) est prĂ©cieuse, une Ă©chappatoire.
Une écritoire, une enzyme gloutonne, une éphéméride (mais : un
éphémÚre).
Une Ă©pigraphe touchante, une escarre douloureuse, une immondice.
Une oasis surpeuplĂ©e, une oriflamme prise Ă lâennemi, une palabre
assez vaine.
Une scolopendre vigoureuse, la sépia, une topaze, une vicomté.
±
Un ou une alvéole, un ou une perce-neige.
=
Larousse
1997
, Thomas
1971
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±
Robert
1993
[éphémÚre, enzyme : masculin ou féminin].
â
Impr. nat.
1990
[amiante, anthracite : féminin].
« Un » automobileâŠ
à France-Langue, le 21 février 1998.
B. Picard :
Cet usage nous vaut une trĂšs rare note dans lâĂ©dition de « la
Pléiade » (1954) de la
Recherche du temps perdu
dont lâappareil critique se
concentre sur les variantes : «
Automobile
est encore donné comme nom
masculin au tome I du
Nouveau Larousse illustré
, paru vers 1900 ; mais ce
mĂȘme mot est fĂ©minin dans dâautres endroits de lâĂ©dition (par ex., p. 995). »
34
GENRE DES NOMS COMMUNS
Cette note de « la PlĂ©iade » nâest pas trĂšs claire, car elle semble suggĂ©rer que
le masculin pourrait ĂȘtre antĂ©rieur au fĂ©minin, voire quâĂ lâorigine il aurait Ă©tĂ©
dominant⊠Je dispose de deux éditions du
Nouveau Larousse illustré
.
Or, dans la plus ancienne (1897, numéro 18 !), « automobile » est un substantif
féminin (avec cette mention : « Quelques-uns font ce mot masculin »), ce qui
sâexplique par « une voiture automobile ». Dans la plus rĂ©cente (1920,
numĂ©ro 246287 !), câest devenu un substantif masculin (sans la moindre
variante)âŠ
Ă mon sens, un petit malin Ă lâesprit Ă©troit est passĂ© par là ⊠avec un vĂ©hi-
cule automobile. Quant Ă savoir Ă quelle date⊠câest une autre affaireâŠ
Faudrait consulter les Ă©ditions successives⊠entre 1898 et 1919⊠Câest proba-
blement bien avant 1920, puisque cette date est donnée par de nombreuses
sources comme celle de lâextinction du masculin⊠à noter toutefois que le
Larousse du
xx
e
siĂšcle
(1928), sâil revient bien sĂ»r au fĂ©minin, reprend la
mention « Quelques-uns font ce mot masculin »âŠ
B. Picard :
Mobile
et
rail
sont du masculin, mais pourquoi aujourdâhui une
automobile et un autorail ?
Sans doute parce que « automobile », avant de devenir un substantif, fut
un adjectif Ă©ventuellement fĂ©minin⊠ce qui nâest pas le cas dâ« autorail ».
⊠et « une » bug informatique
Ă France-Langue, du 2 au 18 mars 1998.
J. Theriault :
Je crois quâil faut se fier Ă lâoreille. Il y a des mots qui sonnent
masculin et dâautres qui sonnent fĂ©minin, sans que lâunanimitĂ© soit possible
dâailleurs. Certains proposent
la bogue
(pour
bug
) ; moi, ça mâĂ©corche les
oreilles et jâopte pour
le bogue
.
Ben⊠ça se discute⊠Au dĂ©part vous avez tort, mais je crois bien quâĂ
lâarrivĂ©e vous avez raisonâŠ
Le
bogue, câest un poisson (sauf pour lâAcadĂ©mie⊠qui, fidĂšle Ă elle-mĂȘme,
en fait un féminin).
La
bogue, câest ce machin piquant (donc nĂ©fasteâŠ) qui
enveloppe les chĂątaignes.
Il me semble que les officiels conseilleurs ont été séduits par la double (donc
dangereuse) analogie de la bogue avec bug (bestiole ou erreur nĂ©faste)âŠ
CâĂ©tait oublier un peu vite que tous ceux qui ont employĂ© le terme anglais en
ont fait, Ă juste titre, un masculin :
un bug
. Il me semble donc que lâofficielle
bogue aura bien du mal Ă sâimposer⊠Si je tombe sur « un bogue informa-
tique », je ne le corrige pas⊠Nous ne sommes pas tenus dâobĂ©ir Ă des ordres
stupides. Dâautant que nous avons
Larousse
avec nous (uniquement masculin).
Little Bob
est plus prĂ©cautionneux (fĂ©minin⊠mais « cour. » masculinâŠ).
35
GENRE DES NOMS COMMUNS
Câest bien joli de vouloir dĂ©fendre le français contre les foreign bugs⊠mais
on se retrouve avec un binz presque aussi foireux que lâillustre MĂ©l⊠Tout ça
pour nommer un dĂ©faut, une erreur, une couilleâŠ
Ah ! dernier mot⊠Bogue est également un terme argotique qui signifie
« montre, toquante »⊠Quand on songe au « bogue de lâan 2000 », ça ne
manque pas de piquantâŠ
J. Fontaine :
Je mâinterroge sur le « Ă juste titre »⊠Pourquoi, a priori, le mot
anglais
bug
serait-il plus masculin que féminin ?
Tous les substantifs français se terminant par
g
sont masculins⊠Les seuls
féminins sont des sigles (
A.G.
,
I.V.G.
,
O.N.G.
), des troncations (
agrég
,
santiag
)
et trois exceptions explicables :
starking
(une pomme),
tong
(une sandale),
Weltanschauung
(une vision du monde).
Genre des noms propres fi Ville et village
Gentilé fi Peuple
GĂ©ographie fi
Pays.
Les Français se flattent abusivement en se prétendant des paran-
gons de nullitĂ© gĂ©ographique. Ils sont loin derriĂšre le peloton de tĂȘte ;
pis, en la matiĂšre, leurs traditions orthotypographiques comptent
parmi les plus subtiles : lâAfrique-Ăquatoriale française (A.-Ă. F.),
lâAfrique-Occidentale française (A.-O. F.), lâAfrique du Nord, lâAra-
bie Heureuse, lâAsie Mineure, lâAsie du Sud-Est ; le Bassin aquitain,
le Bassin parisien ; la ForĂȘt-Noire, la GĂ©orgie, la VĂ©nĂ©tie Julienne ;
Saint-Louis (SĂ©nĂ©gal), ± Saint Louis (Ătats-Unis), voir :
Saint.
Moyen et Proche-Orient
à Langue-Fr., le 7 août 2001.
P. Declercq :
Pendant trĂšs longtemps on nâa jamais dit quâ
Orient
pour le
Proche ou Moyen-Orient.
Jadis, le Proche-Orient sâappelait le Levant⊠Cela me rappelle une ancienne
contribution, que voici :
Les définitions ont hélas évolué : naguÚre synonyme de Levant (ce qui impli-
quait une façade mĂ©diterranĂ©enne), le Proche-Orient est devenu aujourdâhui,
36
GENRE DES NOMS COMMUNS
GĂOGRAPHIE
pĂ©trole aidant, un sous-ensemble sans intĂ©rĂȘt (car trop procheâŠ) du Moyen-
Orient : il englobe certains riverains de la mer Rouge et, surtout, miam-miam,
du golfe PersiqueâŠ
Moyen-Orient nous vient de lâanglais
Middle East
et désigne ce que nous
appelons désormais le Proche-Orient en y ajoutant (éventuellement) des pays
plus « orientaux » comme lâAfghanistan, qui sont nĂ©anmoins situĂ©s en Asie occi-
dentale⊠La nuance est donc bien faible. [âŠ] On est toujours lâoriental (ou
Ă lâest) de quelquâun : si pour certains le Soudan commence Ă Calais, il
est logique que le Levant soit déjà qualifié de Moyen-Orient⊠AprÚs tout,
de nombreux pays de lâEurope dite de lâEst (ou orientale) Ă©taient des pays
dâEurope centrale.
Blague Ă part, nous sommes une fois de plus face Ă une adaptation et Ă une
adoption un peu rapides. Si nous avions sauvegardé le sens initial de Proche-
Orient (Levant), un Moyen-Orient aurait été bien utile⊠alors que le calque
(territorialâŠ) de
Middle East
a introduit une certaine confusion. [âŠ]
En français, « Est » nâa pas la mĂȘme signification quâ« Orient » (les majuscules
indiquent quâil sâagit de lieux et non de directions). En revanche, « est » et
« orient » sont Ă peu prĂšs synonymes (si lâon oublie deux vieilles et prĂ©cieuses
acceptions dâ« orient » : commencement, Ă©clat). La nuance est intermittente
avec lâadjectif « oriental » (de lâest mais Ă©galement de lâEst ou dâOrient : les
Pyrénées-Orientales ne sont pas en Orient), mais on la retrouve avec le
substantif « orientaliste », qui en français ne désigne pas un spécialiste de
lâallemand ou de lâitalien, ni un peintre des vallĂ©es du Tessin. En revanche, de
nombreux orientalistes ont peint des scÚnes du Maghreb (qui signifie « occi-
dent »âŠ). LâOrient, en français, Ă©voquait bien sĂ»r lâEst lointain mais aussi le Sud
et particuliĂšrement lâAfrique du Nord⊠[âŠ]
P. Declercq :
LâInde ne fait partie dâaucune rĂ©gion du monde dont le nom
se compose dâun adjectif et du mot
Orient
.
Câest vrai, mais si le port de Lorient se nomme ainsi câest grĂące aux Indes
orientales !
B. Picard :
Non, en anglais ce nâest pas une notion de nuance mais une
différence de sens.
Je ne parlais pas des acceptions anglaises⊠mais du flou introduit en
français par leur adoption inconsidérée, car elles ne se superposent pas inté-
gralement aux notions françaises.
B. Picard :
Le
Near East
englobe la Palestine, IsraĂ«l, la Syrie, lâArabie Saou-
dite, le Yemen, Oman, la Turquie. Le
Middle East
comprend tous ces pays plus
lâIrak, lâAfghanistan et lâIran.
Eh bien, vous confirmez mes craintes⊠Allez dire à un francophone
dâIstanb(o)ul quâil vit au Moyen-OrientâŠ
37
GĂOGRAPHIE
B. Picard :
Le
Larousse
en la matiĂšre sâest plantĂ© (trompĂ©).
Pas vraiment⊠Il est imprĂ©cis sur ce point (et mĂȘme un peu vaseuxâŠ),
mais vous ne pouvez pas lui reprocher de se tromper⊠du moins tant que
vous lui ferez Ă©crire ce quâil nâĂ©crit pas. Relisez votre message initial⊠« Recou-
vrir partiellement » ne signifie nullement « ĂȘtre plus grand ou plus petit que »âŠ
Les capitales du Pays basque⊠et de la mer Noire
Ă Typographie, les 9 et 10 mars 2000.
Je vais te dire⊠dans le domaine de lâonomastique et des majuscules dites
distinctives, [le correcteur orthographique Prolexis] a beaucoup de progrĂšs Ă
faire. Un exemple, un seul (les autres, je me les gardeâŠ) : demande-lui de
vérifier « Pays basque »⊠il te « proposera » un trÚs amusant « Pays Basque ».
Alors⊠leur avis sur la capitalisationâŠ
A. Hurtig :
« Pays Basque », câest une mauvaise saisie dans le dictionnaire
des noms propres.
Si câĂ©tait la seuleâŠ
Restons dans la toponymie⊠qui est une source de divertissement. Tente ta
chance avec un autre classique du genre : « Massif central »⊠Farce garantie !
Viens ensuite me rĂ©pĂ©ter que je suis de mauvaise foiâŠ
J. Fontaine :
Par exemple, dans le
Grand Robert
: « le Pays Basque » ou « Pays
Basque français ».
Exemple habile⊠Le
Grand Robert
est un mauvais souvenir.
Le Petit Robert
et
le Petit Robert des noms propres
composent : « le Pays basque ».
J. Fontaine :
Le « pays basque » sur le modÚle de « béret basque ».
HihiâŠ
Ă Typographie, le 8 juillet 2002.
O. Randier :
Dans certains contextes (particuliĂšrement en gĂ©ographie), câest
lâadjectif seul qui forme le dĂ©terminatif. Il porte alors seul la majuscule et peut
souvent ĂȘtre employĂ© seul (
lâocĂ©an Pacifique
ou
le Pacifique
).
Souvent, oui⊠donc, « argument » dangereux. LâIndien, la Rouge, la Morte, le
Blanc ?
O. Randier :
Dans lâindex dâun atlas, on aurait :
â Noire (mer)
â Noire (montagne)
Hum⊠Dâaccord pour la mer Noire (câest une merâŠ) ou le causse Noir
(câest un causseâŠ), non pour la « montagne Noire » (câest un massif et une
38
GĂOGRAPHIE
rĂ©gionâŠ), donc : la Montagne Noire, indexĂ©e à « M ». Lâ
I.N
., cohérente mais
insoucieuse de lâusage, Ă©crit « Montagne noire ». (Il serait bon de la suivre, mais
si câest pour se faire opposer
Larousse, Robert
et autres références populaires,
merci bienâŠ)
GĂ©ologie fi
Ăre.
Les divisions géologiques prennent la majuscule initiale : le Tertaire
(mais : lâĂšre tertiaire).
=
Impr. nat.
1990
.
Grade fi
Fonction.
âąâą
Majuscule.
Les grades, les titres et les fonctions militaires ne prennent
â
jamais la majuscule initiale : maréchal de France, généralissime,
amiral, général, colonel, commandant, capitaine, lieutenant, aspirant,
adjudant, sergent, maĂźtre, brigadier, caporal, etc.
âąâą
Trait dâunion.
Dans les grades composés, chef, contre, major, quartier, sous et vice
appellent le trait dâunion : vice-amiral, vice-amiral dâescadre, contre-
amiral, sous-lieutenant, adjudant-chef, sergent-chef, sergent-major,
maréchal des logis-chef, quartier-maßtre, caporal-chef, brigadier-
chef, etc.,
â
commandant en chef, général en chef, etc.
Deux grades (substantifs) associés pour en former un troisiÚme
sont liĂ©s par un trait dâunion : lieutenant-colonel. Un lieutenant-
colonel nâest pas lieutenant
et colonel, alors quâun mĂ©decin colonel
est médecin
et colonel.
Dans tous les autres cas, pas de trait dâunion : maĂźtre principal,
premier maßtre, second maßtre, premier matelot, commissaire géné-
ral, ingénieur général, médecin général, o
â
cier marinier, premier lieu-
tenant (Suisse). Câest une Ă©vidence avec la prĂ©position de ou lâarticle
contractĂ© des : gĂ©nĂ©ral dâarmĂ©e, gĂ©nĂ©ral de corps aĂ©rien, gĂ©nĂ©ral de
39
GĂOGRAPHIE
GRADE
brigade, capitaine de frégate, chef de bataillon, lieutenant de vaisseau,
maréchal des logis, etc.
=
Impr. nat.
1990
, Larousse
1933
,
1997
, Robert
1985
,
1993
.
â
Bien quâil nây ait pas de troisiĂšme classe, on dit : soldat de
deuxiĂšme classe.
Anciens titres et grades, grades étrangers ou francisés.
RÚgle identique : maréchal de camp, colonel général, capitaine-
major, lieutenant général, capitaine général, adjudant général,
adjudant-major, etc. (Tous ces généraux sont des adjectifs.)
Attention ! Lieutenant-colonel (deux substantifs) mais un lieute-
nant général (substantif et adjectif ) ; sergent-fourrier mais quartier-
maĂźtre fourrierâŠ
Grades étrangers, grades francisés : feld-maréchal, amiral de la Flotte,
brigadier général, commodore, feldwebel.
Fonctions et titres civils historiques.
Un lieutenant général du royaume, un lieutenant général de police,
un lieutenant criminel (magistrat), un sergent de ville (gardien de
la paix).
Accord en nombre.
Contre, sous, vice : des contre-amiraux, des vice-amiraux, des sous-
lieutenants ; chef, major, quartier : des sergents-chefs, des caporaux-chefs,
des sergents-majors, des quartiers-maĂźtres, des caporaux-chefs. Des
lieutenants-colonels, des commandants en chef, des feld-maréchaux.
Surnoms.
Le Petit Caporal (Napoléon I
er
), le Roi-Sergent (Frédéric I
er
).
Divers.
â
Voies publiques : avenue du Maréchal-Lyautey, place du Général-
Gouraud, rue du Capitaine-MĂ©nard, rue du Sergent-Maginot.
â
Belgique : boulevard du Général Jacques.
40
GRADE
â
Les plumes dâacier exigent la majuscule et sont invariables : des
Sergent-Major.
â
Un maréchal-ferrant, des maréchaux-ferrants.
â
le Capitaine Fracasse.
Ă France-Langue, le 29 juillet 1997.
K. Mukundi :
Général, avec
G majuscule
, parce quâil sâagit dâun titre officiel
(comme PrĂ©sident, SecrĂ©taire dâĂtat, Ministre, DuchesseâŠ), mais je crois
savoir que lâapplication de cette rĂšgle nâest pas stricte.
Non, non⊠câest le contraireâŠ
Les titres, les grades, les fonctions ne prennent pas de capitale initiale, du
caporal Ă. P inglĂ© au gĂ©nĂ©ral de Gaulle, du maire dâIssy au roi de Prusse, du
prĂ©sident Lebrun Ă la duchesse de LangeaisâŠ
Câest prĂ©cisĂ©ment parce que « le GĂ©nĂ©ral » dĂ©signe un individu « bien par-
ticulier » (Charles de Gaulle) et non un gradĂ© indĂ©terminĂ© que lâon peut
mettre une capitale initiale Ă ce grade
employé seul
ou
absolument
(mais ce
nâest pas obligatoireâŠ). Comme on en met une (ou deuxâŠ) au Petit Caporal
ou Ă lâEmpereur quand on dĂ©signe NapolĂ©on I
er
, empereur des FrançaisâŠ
Le titre ou le grade remplace le patronyme, câest quasiment un surnom
(câen est mĂȘme un dans le cas du Petit Caporal ou du Roi-Sergent). [âŠ]
Ah ! Exceptions : les titres nâayant eu (heureusement) quâun seul titulaire
sont considĂ©rĂ©s comme des noms propres (façon de parlerâŠ) : le Prince-
Président.
Graisse fi
Police.
â
Maigre HOP hop
Normal HOP hop
Demi-gras HOP hop
Gras HOP hop
Extra-gras HOP hop
Ultra-gras HOP hop
41
GRADE
GRAISSE
Grec fi
Symboles.
Gris fi
Blanc, Espacement.
Dans une composition bien interlettrée et bien interlignée, im-
primĂ©e en noir sur un papier plus ou moins blanc, sâobservent trois
couleurs : le blanc, qui nâapparaĂźt franchement comme tel que dans
les marges ou entre les paragraphes ; le noir, qui nâapparaĂźt rĂ©ellement
comme tel que vu dâassez prĂšs ; le gris du texte, synthĂšse, alliance,
mĂ©tissage harmonieux des deux autres couleurs. La lecture sâe
â
ectue
grĂące Ă lâalternance du noir de lâencre et du blanc du papier, mais
la couleur essentielle de la page, la plus belle, la plus Ă©mouvante, câest
le gris du texte, prĂ©caire, irrĂ©el. Certes, les mĂ©faits dâun mauvais
imprimeur sont toujours décisifs, mais le gris est la seule couleur dont
la qualité dépend avant tout du compositeur.
Ă Typographie, le 11 mai 1998.
T. Bouche :
Pour ma part, je ne suis pas
contre
les didones, mais je pense
que, toutes ces annĂ©es aprĂšs, elles continuent Ă ĂȘtre trĂšs exigeantes sur le
plan technique. Nâoublions pas que sans vĂ©lin, point de didone.
Dâaccord⊠(Mais Ă lâinverse, pas de vĂ©lin⊠sans Baskerville). Ce que tu
dis est incontestable pour les vrais didots purs et durs, beaucoup moins pour
les bodonis. Jâentends les vrais didots Ă©lectroniques, qui sont par nature les
A
a
alpha
A a
B
Ă
b
bĂȘta
B b
C
c
gamma
G g
D
d
delta
D d
E
e
epsilon
E e {Ă©}
F
f
dzĂȘta
Z z
G g
ĂȘta
Ă ĂȘ (
Ă Ă
)
H h
âą
thĂȘta
Th th
I
i
iota
I i
J j
kappa
K k
K
k
lambda
L l
L l
mu
M m
M m
nu
N n
N
n
ksi, xi
X x
O o
omicron
O o
P p
©
pi
P p
Q
Âź
rhĂŽ, rĂŽ
R r {rh}
R
r y
sigma
S s
S
s
tau
T t
T
t
upsilon
U u {y}
U u
phi
F f {ph}
V v
khi
H h {ch}
W w
psi
Ps ps
X x
oméga
Ă ĂŽ (
Ă Z
)
42
GREC
GRIS
polices ayant le plus souffert de la disparition (provisoire ?âŠ) des corrections
pour chaque corps.
Il ne faut pas oublier que pendant tout le
xix
e
siĂšcle et pendant les premiĂšres
décennies du
xx
e
siĂšcle (câest-Ă -dire pendant le rĂšgne de la pĂąte mĂ©canique
merdique), la majoritĂ© des polices de labeur françaises furent des didonesâŠ
Certes Ă©paissies au point dâavoir des airs de mĂ©canes allĂ©gĂ©es⊠mais fonda-
mentalement des didones.
Cela explique en partie pourquoi nous sommes si nombreux Ă Ă©prouver une
sorte dâĂ©cĆurement visuel face aux rĂ©ales et aux transitionnelles molassonnes
aujourdâhui si successfoules. Avis personnel : engendrĂ© par des lettres fai-
blement contrastées, grisùtres quoi, le gris typographique des réales
modern(isĂ©)es est moins admirable que celui dâun beau didot oĂč le noir de
chaque lettre mĂ©rite son nom. Faire du gris avec du gris sur du blanc, câest
quand mĂȘme moins difficile quâavec du noir et du blanc non mĂ©langĂ©sâŠ
Guerre fi
ArmĂ©e, Date, DĂ©coration, Ăcole, Grade, Titre dâĆuvre.
âąâąâą
Ce mot ne mérite
â
jamais la majuscule initiale, sauf si la
guerre est
Grande, mondiale ou folle.
1
.
Dans les dénominations de conflits armés précis, si le terme
caractéristique est un nom, il prend la majuscule initiale (
â
ou la
conserve, sâil sâagit dâun nom propre), ainsi que lâĂ©ventuel adjectif
antĂ©posĂ© ; si câest un adjectif, lâinitiale demeure une minuscule.
Noms.
La guerre dâAlgĂ©rie, la guerre de CorĂ©e, la guerre de CrimĂ©e, la
guerre dâEspagne.
La guerre des Boers, la guerre des Esclaves, la guerre des Mercenaires.
La guerre de Cent Ans, la guerre du Kippour, la guerre de Sept Ans,
la guerre des Six Jours*, la guerre de Trente Ans.
La guerre des Deux-Roses.
43
GRIS
GUERRE
* Sans trait dâunion. Mais : les Six-Jours de Dunkerque (voir : Manifestation
sportive).
La guerre de lâIndĂ©pendance*, la guerre de SĂ©cession, la guerre de
la Succession dâAutriche**.
Adjectifs.
La guerre civile espagnole, la guerre lamiaque, les guerres
médiques, les guerres puniques, la premiÚre guerre punique, la guerre
franco-allemande de
1870
(ou guerre de
1870,
voir : Date), la guerre
russo-japonaise de
1904
-
1905
.
Exceptions.
â
La Guerre folle (
1485
-
1488
),
â
la Grande Guerre,
â
la PremiĂšre
Guerre mondiale (ou guerre de
1914
-
1918
),
â
la Seconde Guerre mon-
diale (ou guerre de
1939
-
1945
; U.R.S.S. : la Grande Guerre patriotique),
voir :
Date.
=
Code typ.
1993
, Girodet
1988
, Larousse
1992
.
â
Gouriou
1990
, Impr. nat.
1990
: [guerres MĂ©diques, guerres
Puniques, premiĂšre guerre mondiale, deuxiĂšme guerre mondiale].
2
.
Si le terme caractĂ©ristique sâapplique Ă une catĂ©gorie, Ă un
ensemble de conflits, à une guerre virtuelle, à une lutte non armée,
sâil qualifie la nature dâun conflit, etc., il conserve la minuscule initiale
(nom commun ou adjectif ) : une (des) guerre(s) de religion â mais
les guerres de Religion (Europe, xvi
e
siĂšcle) â le (les) conflit(s)
israélo-arabe(s), la drÎle de guerre, la guerre froide, la (une) guerre
civile, la guerre éclair, une guerre coloniale, la (une) guerre révolu-
tionnaire, la (une) guerre sainte, etc. ; la guerre psychologique, la
(une) guerre Ă©conomique, la guerre du porc, la guerre de la sardine, la
guerre des Ă©toiles (Ronald Reagan),
â
la Guerre des Ă©toiles (film de
George Lucas), voir : §
4
.
44
GUERRE
*
â
{La guerre dâIndĂ©pendance}. Attention Ă la « DĂ©claration dâindĂ©pen-
dance » (
1776
).
**
â
{La guerre de Succession dâAutriche}.
Remarque. â Sâils ne sont pas obligatoires, les guillemets sont
parfois opportuns : « guerre des étoiles », « drÎle de guerre », « guerre
sainte ».
3
.
âąâąâą
Batailles et conflits divers.
Guerre a rarement droit Ă la majuscule initiale, bataille
â
jamais.
Cette rÚgle vaut pour campagne, combat, croisade, expédition, opé-
ration, percée, prise, sac, siÚge, victoire, etc. Pour défaite, massacre,
retraite Ă©galement. Pour lâinitiale du terme caractĂ©ristique, les lois de
la guerre (voir : §
1
et
2
) sâappliquent.
=
Larousse
1985
,
1992
, Robert
1985
,
1993
.
La bataille dâAlger, la bataille dâAngleterre, la bataille du Chemin
des Dames, la bataille des Dunes, la bataille des Ăperons dâor,
â
la
bataille des champs Catalauniques, la bataille de LĂ©pante, la bataille
de la Marne
.
La campagne de France, la campagne de Sicile.
Le combat des Thermopyles.
La croisade, les croisades, la quatriĂšme croisade, la IV
e
croisade*,
la croisade contre les albigeois (voir :
Adepte).
Exceptions. â
â
la Croisade des enfants (
1212
), la Croisade des
pastoureaux (v.
1250
).
=
Larousse
1997
, Robert
1991
(entre guillemets).
â
Micro-Robert
1990
{croisade des enfants}.
LâexpĂ©dition des Dardanelles, lâexpĂ©dition des Mille (Garibaldi),
lâexpĂ©dition de Suez.
LâopĂ©ration Barberousse.
La prise de Constantinople.
Le massacre de Wounded Knee.
Le sac de Dinant.
45
GUERRE
* Les croisades et les croisĂ©s font quasiment lâunanimitĂ© depuis bien longtemps :
=
Larousse
1885
,
1933
,
1970
,
1985
, 1999
, Lexis
1989
, Littré
1872
, Robert
1985
,
1993
.
â
Gouriou
1990
[Croisades].
Le siĂšge de La Rochelle.
La bataille de Valmy.
â
Lorsque le sens nâest pas Ă©quivoque (grĂące Ă la dĂ©nomination
seule ou grùce au contexte), le terme générique est fréquemment
et judicieusement omis : Austerlitz,
â
les champs Catalauniques, le
Chemin des Dames, les Thermopyles, les héros de Valmy, etc.
±
Cartes, légendes, tableaux : si les ordinaux sont composés en
chi
â
res (romains), la majuscule nâest pas fautive mais inutile et peu
pédagogique (manuels scolaires).
Exemple. â La {VIII
e
Croisade} sur la carte et, dans le texte, la
VIII
e
croisade.
4
.
â
Conflits non armés, hostilités économiques, conflits dont la
réalité historique est douteuse ou nulle, conflits fantaisistes : les rÚgles
Ă©noncĂ©es ci-dessus nâinterdisent pas lâallĂ©gorie, la personnification, lâem-
phase, la dĂ©rision, etc. Si une quelconque guerre de religion nâest pas
autorisĂ©e Ă sâa
â
ubler dâune majuscule initiale, rĂ©servĂ©e aux nĂŽtres, la
guerre du maquereau peut Ă lâoccasion devenir la guerre du Maquereau.
â
Les titres dâĆuvres obĂ©issent Ă leurs propres rĂšgles, qui peuvent
avoir une incidence sur lâinitiale des termes gĂ©nĂ©riques :
la Bataille de
San Romano, La guerre de Troie nâaura pas lieu, la Victoire de Samo-
thrace, etc. (voir : Titre dâĆuvre).
5
.
âąâąâą
Si « hier » et « demain » sont des adverbes, « guerre » nâen est pas
encore un : frĂ©quents, [avant-guerre, tu Ă©tais jeune], [aprĂšs-guerre, jâai
dĂ©mĂ©nagĂ©] sont fautifs comme le serait lâimprobable [avant-veille, je
suis revenu]. En revanche, « Entre deux guerres, il faut bien sâoccuper »
est tout Ă fait correct.
Exemples. â Avant la guerre, il pleuvait moins, câĂ©tait lâavant-
guerre. Entre les deux guerres, il sâennuya, câĂ©tait lâentre-deux-
guerres. AprĂšs la guerre, les choses changĂšrent, câĂ©tait lâaprĂšs-guerre.
±
Genre et nombre : un ou une avant-guerre, des avant-guerres,
un ou une entre-deux-guerre
s
, des entre-deux-guerres, un ou une
aprĂšs-guerre, des aprĂšs-guerres.
46
GUERRE
Masculin ou féminin : Girodet
1988
, Grevisse
1986
, Hanse
1987
,
Larousse
1992
, Lexis
1989
; masculin : Robert
1985
,
1993
, Thomas
1971
(un
aprĂšs-guerre, un entre-deux-guerres).
6
.
La croix de guerre, voir : Croix, DĂ©coration.
7
.
LâĂcole supĂ©rieure de guerre, voir : Ăcole.
Guillemet fi
Apostrophe, Citation, Dialogue, Italique.
Exemple de ponctuation défectueuse, due à Abel Hermant (Xavier,
ou les Entretiens sur la grammaire française), principal rédacteur de la
Grammaire de lâAcadĂ©mie française, puriste linguistique et ethnique
justement épuré en
1944
: Pourtant, il appelait Boileau, qui Ă©tait son
ami, « Monsieur Despréaux. »
Cas trÚs particulier (point abréviatif ), dû à Maurice Grevisse
(
ProblÚmes de langage, III), grammairien débonnaire, chantre du bon
usage Ă©tabli par les Ă©crivains du premier rayon : le Dictionnaire de
lâAcadĂ©mie, nâa pas laissĂ© de faire une petite place Ă cet emploi de sortir,
non sans faire prĂ©cĂ©der lâexpression, bien entendu, de lâenseigne : « Pop. ».
Cette ponctuation nâest en principe guĂšre recommandable, mais
lâĂ©limination du point final engendrerait un lĂ©ger malaise. Dans de
semblables occurrences, la meilleure solution consiste Ă modifier la
structure de la phrase â ce quâici je me garderai bien de faire â, afin
dâĂ©loigner le point abrĂ©viatif du point final. (La virgule aprĂšs « Aca-
démie » est en revanche trÚs fautive : bien que relevée chez un gram-
mairien de premier plan, elle nâappartient pas au bon usage. On me
dit quâelle est imputable Ă un correcteur ou Ă un typographe ? Certai-
nement, mais pas plus et pas moins que quantité de formes réguliÚres
attribuées aux auteurs par les recenseurs du bon usage.)
Traditionnellement, les guillemets fermants sont utilisés comme
signe de nullité. Cette tradition est nulle.
Dans les ateliers, la machine Ă cintrer les guillemets Ă©tait lâĂ©qui-
valent de la désopilante clé du champ de tir des militaires. Plus
47
GUERRE
GUILLEMET
dâun apprenti fut envoyĂ© la quĂ©rir ; parfois avec une brouette. Selon
Chautard
1937
, quelques benĂȘts dĂ©sireux de ne pas rentrer bredouilles
se rendaient chez un forgeron.
Les
ĂĄ
guillemets
ĂĄ
de machine Ă Ă©crire
à F.L.L.F., le 11 août 2000.
D. Liégeois :
Par ailleurs, je me demande si les « guillemets droits » des
machines à écrire méritent vraiment le nom de guillemets anglais, appellation
que je réserverais aux véritables
curly quotes
.
Ah ! malheureux ! Vous rouvrez la « Querelle des gants de toilette »⊠Un truc
magique⊠Bien entendu, les guillemets anglais sont ceux que vous appelez
ainsi. Les petites saloperies verticales sâappellent « guillemets dactylogra-
phiques » (eh ouiâŠ) ou, pour les intimes, « chiures de mouche » (la « chiure de
mouche » est lâapostrophe verticale, ou « apostrophe dactylographique »), ou
« gants de toilette », ou tout autre blaze désobligeant mais évocateur.
à F.L.L.F., le 17 août 2001.
D. B. :
Quel que soit le nom quâon leur donne, je les aime bien.
Quel que soit le nom quâon leur donne, je ne les aime pas.
Une raison, parmi dâautres⊠comparez : l
Ă ĂĄ
Ă©cart de 11
Ă ĂĄ â
lâ« Ă©cart de 11
Ăą
».
Bons et mauvais usages
des guillemets (anglais et français)
Ă Typographie, du 26 au 27 novembre 1998.
P. Jallon :
En presse magazine, il y a aussi un autre cas dâutilisation : pour
les titres (ou intertitres) Ă©crits dans un grand corps et faisant appel Ă des
guillemets (en gĂ©nĂ©ral, pour des citations). Dans ce cas, lâesthĂ©tique du guille-
met anglais vaut bien souvent mieux que celle du guillemet français. On
trouve ce cas de figure mĂȘme dans des publications oĂč, dans le corps des
« papiers », le guillemet français est systématiquement utilisé.
J.-D. Rondinet :
Je suis tout Ă fait dâaccord (et je pratique !), mais je nâavais
pas osé le dire en FAQ. Je vais le faire, sauf majorité contraire.
Oh ! non⊠pas ça⊠ou alors, en insistant lourdement sur le fait que câest
une licence que la presse * sâaccorde Ă elle-mĂȘmeâŠ
48
GUILLEMET
* Et dâautres⊠mais tu ne fais pas une FAQ-Graphisme⊠Serre la vis, nom de Diou !
J.-D. Rondinet :
Je compte ajouter ça : Certains pensent, à tort selon
nous, quâon pourrait mĂ©langer les guillemets français et anglais, les premiers
indiquant des citations et les seconds des mises en relief ou des mots Ă©tran-
gers. Ex. :
Il mâa dit que le âcarvingâ Ă©tait « une mode dĂ©bile qui passera vite »
.
Oui ? Non ?
Oui⊠enfin, oui, tu peux dire que câest trĂšs con ! Que câest du surcodage
de et pour maniaques ! En outre, ça viole toutes nos chÚres conventions !
Ăa associe la carpe et le lapin, les prĂ©tendues mises en relief (expression qui
renvoie Ă des cas trĂšs variĂ©sâŠ) et les termes Ă©trangers non intĂ©grĂ©s au lexique
français (et lâital, il sert Ă quoi ?) !
Toutefois, je me demande si câest bien raisonnable dâĂ©voquer une pratique
si marginale⊠Qui sait ? Elle pourrait sĂ©duire quelque farfelu lâayant dĂ©cou-
verte grĂące Ă notre FAQ !⊠Nos recommandations, peau de balle ! Câest
chouette, jâadopte !
Mets bien dans la tĂȘte de lâĂ©ventuel lecteur que ce « mĂ©lange » nâa rien Ă
voir avec lâune des formules de citation seconde ! Myself, en commençant Ă
lire ta phrase, je me suis demandé pourquoi tu condamnais le mélange⊠Il
est vrai que je suis un rien abruti, this evening⊠Tout de mĂȘme⊠faut que le
lecteur comprenne que si :
Il mâa dit que le âcarvingâ Ă©tait « une mode dĂ©bile
qui passera vite »
est une ignominie⊠eh ben⊠surpriseâŠ
Il mâa dit que « le
âcarvingâ est une mode dĂ©bile qui passera vite »
est déjà moins pénible,
mĂȘme si, Ă©videmment, dans cet exemple, lâital ferait meilleure figure⊠ce qui
me fait penser quâun exemple avec un terme français mis en relief (hihiâŠ), par
exemple pour indiquer une acception trĂšs particuliĂšre, serait plus probant.
Mauvais, pas bon, odieux :
Il mâa dit que la âtypographieâ Ă©tait « une mode
débile qui passera vite »
.
Bon, subtil, correct :
Il mâa dit que « la âtypographieâ est une mode dĂ©bile
qui passera vite ».
Ă Typographie, le 14 septembre 2001.
J. Tombeur :
Jean MĂ©ron sâest interrogĂ© sur cette question. Il prĂ©conise les
guillemets doubles pour marquer les citations, les guillemets simples pour
marquer une notion de doute, dâincertitude, ou cet usage de distanciation.
La citation et la prise de distance relĂšvent de la mĂȘme dĂ©marche. Vouloir les
diffĂ©rencier graphiquement est une idĂ©e farfelue. Du surcodage, lâhorreur
doncâŠ
J. Tombeur :
Son raisonnement : puisquâil y a des doubles et des simples,
autant tirer parti des simples.
Quels « guillemets simples » ? Quâest-ce que tu appelles des « guillemets
simples » ?⊠Les âč chevrons âș ? Que le Seigneur te vienne en aide, malheureux
Ă©garĂ©âŠ
49
GUILLEMET
J. Tombeur :
Lâorigine de lâemploi des guillemets, câest le besoin de marquer
« ce qui nâappartient pas Ă lâauteur ».
Lâorigine des guillemets fut le souci de remplacer lâitalique quand on nâen
disposait pas. Ces temps sont révolus depuis lure-lure. Des rÎles distincts et
prĂ©cis ont Ă©tĂ© attribuĂ©s Ă lâitalique et aux guillemets. Du moins en France.
J. Tombeur :
Certains seraient assez partisans de se dispenser totalement
des guillemets.
Des noms !
Guillemets et italique
Ă Typographie, le 13 janvier 1998.
D. Punsola :
Ăa me fait penser Ă lâabus des guillemets. Câest un processus
exclusivement liĂ© Ă lâĂ©crit. Lorsque le texte est lu, lâintention que veulent
traduire les guillemets disparaĂźt. Les guillemets sont souvent une paresse de
lâauteur. Il veut par lĂ exprimer une nuance, mais il serait tellement mieux de
lâexprimer par des mots. Il arrive mĂȘme parfois que lâon nâarrive pas Ă com-
prendre lâintention que lâauteur a voulu mettre dans les guillemets. Je trouve
que tout cela traduit un mépris de la langue.
Sur un certain usage des guillemets, je suis plutĂŽt dâaccord avec vous, mais
je me garderai bien de le condamner sans appel. Encadrant un mot ou une
expression appartenant en propre au texte de lâauteur (nâĂ©tant donc pas une
citation dâun tiers), les guillemets sont le signe dâune acception subjective, Ă
lâinverse de lâitalique, qui est la marque de lâobjectivitĂ© (voir son emploi dans
lâautonymie).
Exemples :
â Il est clair que
typographe
est un substantif masculin.
â Ce « typographe » ne manque pas dâair.
Ăvidemment, tout abus des guillemets subjectifs est ridicule, lourdingue
et, pour le coup, un peu mĂ©prisant pour le lecteur, dont on doute quâil soit
capable de saisir sans aide une inflexion de sens. Mais là , on est déjà en pleine
stylistique typographiqueâŠ
Ă Typographie, le 28 novembre 1998.
J.-D. Rondinet :
OK pour lâexemple « guilles quand on nâa pas dâitalique »,
Attends, attends, JiDĂ© ! Câest vrai, la question se pose⊠mais pas tous les
jours et pas partoutâŠ
Qui, aujourdâhui, nâa pas dâitalique ? Jâentends⊠qui compose aujourdâhui
des textes oĂč le respect des conventions typographiques sâimpose (sinon,
pourquoi interroger la FAQ-Typo ?)⊠sans avoir dâitalique sous la main ? [âŠ]
50
GUILLEMET
Certes, je le sais bien, les guillemets remplaçaient jadis lâital⊠Certes, je le
sais bien, cette question se pose avec des polices qui par nature ignorent
lâitalique⊠Mais qui compose en gothique, en chancellerie, en Stencil machin,
en Trucwood ? Certaines polices (linĂ©ales, mĂ©canesâŠ) ayant une bonne mine
romaine (qui les rend appétissantes et aptes à la compo) sont dépourvues de
véritable italique ? Eh bien, on les fout à la poubelle ou on les oublie⊠Il existe
suffisamment de bonnes polices auxquelles il ne manque rien !
Ă Typographie, le 14 septembre 2001.
J.-C. Dubacq :
Je vais le dire bĂȘtement, mais si on met [le mot « a priori »]
entre guillemets, ça ne peut pas aider ?
Ce serait une « insistance » bien particuliĂšre puisquâelle signalerait au lecteur
que le terme ou lâexpression est Ă prendre avec des pincettes⊠en clair : que
lâauteur lâemploie dans une acception trĂšs inflĂ©chie, « personnelle », voire lour-
dement ironique, Ă ne surtout pas prendre Ă la lettre, bref, le contraire de
lâ« objective » insistance dĂ©sirĂ©eâŠ
Si lâon tient vraiment à « insister » (ce qui est quand mĂȘme une curieuse
idĂ©eâŠ) sur un terme ou une expression appelant lâitalique⊠attendu que
lâitalique de la graisse ambiante nâest dâaucun secours⊠attendu que le romain
ordinaire aurait le double inconvĂ©nient de ne pas insister et dâintroduire une
faute, que le gras est une abomination et le soulignement une horreur sata-
nique, que les guillemets sont exclus⊠que reste-t-il ? Beaucoup de chosesâŠ
par exemple, et par ordre de « tolérabilité » décroissante : les petites caps
romaines, lâital demi-gras dans le mĂȘme corps, lâital bas de casse dâun ou
deux points supĂ©rieur au corps courantâŠ
J. Tombeur :
Par ailleurs, les guillemets peuvent avoir un effet de renforcement
(totalement Ă lâopposĂ© de la distanciation, donc). Ainsi, dans lâĂ©noncĂ© :
câest
proprement « stupéfiant »
, les guillemets de « stupĂ©fiant » peuvent indiquer quâil
sâagit bien du seul terme appropriĂ©, adĂ©quat, quâil nâen vient pas dâautre Ă
lâesprit, quâil faut prendre stupĂ©fiant Ă son sens « premier ».
Niet⊠Pour insister lourdement (et le plus souvent inutilement) sur
lâemploi « objectif » du sens premier, câest lâitalique quâil faut employer.
En gros, quand le signal renvoie au locuteur (le scripteur ou un tiers
« citĂ© »âŠ), guillemets. Quand il renvoie au terme lui-mĂȘme et de ce fait
exclut autant que faire se peut le locuteur (emploi ostensiblement objectif,
autonymie, etc.), italique.
Cela dit⊠sâil faut indiquer au lecteur quels termes sont employĂ©s Ă coup
sĂ»r dans leur sens premier et quels sont ceux oĂč un inflĂ©chissement est Ă
prendre en compte⊠la néotypographie va devenir amusante⊠Rien que de
lâital et du romain entre guillemetsâŠ
51
GUILLEMET
Habillage
Disposition du texte suivant le contour dâune illustration.
Habitant fi Peuple
Hauteur fi
Ćil.
Hauteur de page.
Hauteur totale de la composition, par opposition Ă la justification
(largeur). On lâexprime en points ou, aujourdâhui, en millimĂštres.
â
Hauteur en papier, ou hauteur typographique.
Distance prise de la base du caractĂšre en plomb jusquâĂ la surface
de lâĆil. En France :
23,56
mm.
Lefevre
1883
: « à Paris, cette hauteur est généralement de
10
lignes
et demie ; Ă Lyon, de
11
lignes ; Ă Strasbourg, de
11
lignes un quart. »
Ă Typographie, le 9 mai 2001.
J. André :
Pour ĂȘtre un peu pĂ©dago/dĂ©mago : la hauteur en papier, câest
la hauteur du parallĂ©lĂ©pipĂšde en plomb oĂč le caractĂšre Ă©tait moulĂ© : une
des premiÚres « normes » mondiales a justement été celle-ci qui permettait
de mettre des caractĂšres de mĂȘme hauteur dans des galĂ©es, de façon Ă ce
que le papier les touche tous. Cette troisiĂšme dimension a disparu avec la
linotypie puis surtout avec la photocomposition !
La « hauteur en papier » inclut la hauteur dâĆil : câest la hauteur
totale
du
caractĂšre, de la base jusquâau plan de lâĆil (forcĂ©ment⊠câest lui qui est en
contact avec le papierâŠ). La hauteur du parallĂ©logramme, câest la « hauteur
de moule ».
53
En Belgique, tu pouvais trouver de tout, en gros de 23 mm à 25 mm⊠le
bordel, quoi⊠Par taille décroissante : hauteur hollandaise, hauteur flamande,
hauteur belge, hauteur française, hauteur de Paris, hauteur anglaise⊠(cf. Jean
Dumont).
Sabine :
« Hauteur des caractĂšres : Avant la publication de lâordonnance
de 1723, la hauteur des caractÚres dépendait exclusivement de la fantaisie
des fondeurs, de telle sorte que les imprimeurs Ă©taient tenus de sâadresser
toujours au mĂȘme fournisseur. Il fut un temps oĂč chaque ville ayant un fon-
deur en caractĂšre avait sa hauteur de lettre particuliĂšre. La hauteur de Lyon
et celle de Strasbourg furent maintenues longtemps encore aprĂšs la mise en
vigueur de lâordonnance rendue par Louis XV. Ces hauteurs, ainsi que celle
dâAvignon, Ă©tablie Ă la fin du siĂšcle dernier dans la fonderie-imprimerie Auba-
nel, étaient supérieures à la hauteur dite française qui mesure trÚs exac-
tement 63 points Ă©quivalant Ă 0m.0235
(sic)
, lesquels correspondent eux-
mĂȘmes Ă 10 lignes
1
â
2
de lâancien pied de roi.
« La hauteur française a Ă©tĂ© admise par la plupart des pays dâEurope, sauf
par la Belgique et la Hollande, oĂč elle est supĂ©rieure dâenviron un point et
demi, et, en Angleterre, inférieure de un point. La hauteur américaine est
identique à la hauteur anglaise. »
Extrait de
Chronologie des arts graphiques
, Noël, 1935.
Encore plus exactement⊠62 points
3
â
4
⊠mais comme personne ne sait
plus Ă quel point se vouer (ici, il sâagit du point Didot), autant sâen tenir aux
millimĂštresâŠ
Hauteur anglaise : 23,31 mm.
Hauteur française : 23,56 mm.
Hauteur belge : 23,68 mm.
Hauteur hollandaise : 24,85 mmâŠ
Heureusement, toutes ces conneries, câest du passé⊠Vive le systĂšme
mĂ©trique ! (MĂȘme pour les corps⊠Allez-y, tapezâŠ)
â
54
HAUTEUR
Heure
« En ce moment il est
2
h
30
ou peut-ĂȘtre
3
h
15
du
matin et Gerfaut tourne autour de Paris Ă
145
km/h en
Ă©coutant de la musique West Coast, principalement des
blues, sur son lecteur de cassettes. »
Jean-Patrick Manchette, le Petit Bleu de la cĂŽte Ouest.
Attention à la précision⊠Il est huit heures précise
s
, mais : il est
huit heures juste.
On nâemploie pas le symbole h pour les indications dâorientation :
je lâaperçois, lĂ , Ă 10 heures !
Ă F.L.L.F., le 2 septembre 2001.
Pokao
74
:
Mais ce problĂšme de langue sâest posĂ© avec des amis dâune
mauvaise foi caricaturale.
Ah ! sâil sâagit de combattre la mauvaise foi, je fais un effort⊠Tous les
dictionnaires des « difficultĂ©s » (comme sâil y en avait !) du français (Thomas,
Girodet, Colin, Hanse, PĂ©choinâŠ) donnent Ă©videmment tort Ă vos amis. Sâils
nâen disposent pas, câest trĂšs facile Ă vĂ©rifier dans la premiĂšre librairie venue.
Il suffit de chercher à « précis » (sauf chez Hanse, qui se distingue une fois de
plus⊠et qui traite le sujet à « heure »âŠ).
Pokao
74
:
Est-ce que dans
à 20 heures précise(s)
, il faut mettre un
s
ou non ?
Précises.
Pokao
74
:
De mĂȘme, quâen est-il pour « 20 h 30 prĂ©cise(s) » ?
Kif-kif.
Pokao
74
:
Et en Ă©largissant un peu, quâen est-il pour 1,2 kilogramme(s) ?
Rien Ă voir. 1,2 kilogramme.
Hors-texte
âąâą
Dans un ouvrage, tout élément figurant sur un feuillet (ou un
cahier) intercalĂ© qui nâa pas Ă©tĂ© tirĂ© en mĂȘme temps que les feuilles de
texte. Il sâagit le plus souvent dâillustrations exigeant un papier et un
tirage particuliers.
Par une extension abusive mais commercialement e
â
cace, on
qualifie aujourdâhui de « hors-texte » tout ensemble dâillustrations
55
HEURE
HORS-TEXTE
figurant sur des feuillets qui interrompent le texte courant⊠ce
qui nâimplique nullement un tirage particulier, ni mĂȘme une feuille
distincte.
Le trait dâunion figure uniquement lorsque « hors-texte » est
employé comme substantif : un hors-texte, une planche hors texte.
HĂŽtel fi
Enseigne, Monument, Musée, galerie.
« Dans les hĂŽtels câĂ©tait pis encore. LĂ , les maris et
les frĂšres de ces dames entreprenaient chaque jour,
dĂšs le matin, ces championnats de claquements de
portes qui sont dans lâunivers entier les plus remar-
quables manifestations du tact et du savoir-vivre
anglo-saxons. »
Henri BĂ©raud, le Martyre de lâobĂšse.
LâhĂŽtel Carnavalet, lâhĂŽtel de Massa, lâhĂŽtel de la Monnaie.
Un hĂŽtel de ville, lâHĂŽtel de Ville (de Paris).
â«
56
HORS-TEXTE
HĂTEL
Incipit
Mot latin (« il commence ») francisé (un incipit, des incipits) dési-
gnant les premiers mots dâun manuscrit, dâun livre et, par extension,
dâun texte quelconque.
Dans les ouvrages de poésie rassemblant de nombreux poÚmes
dépourvus de titre, une table des incipits est indispensable.
Incunable
Du latin incunabula (« langes, berceau, commencement ») : ouvrage
imprimé avant
1500
.
Index fi
Abréviation, Bibliographie, Particule.
ProblÚmes généraux de classement et de présentation
Ă Typographie, du 12 au 25 janvier 1998.
J. Fontaine :
La question devrait ĂȘtre posĂ©e Ă Alain LaBontĂ©, qui frĂ©quente,
entre autres, la liste France-Langue et qui est une (sinon
la
) sommité inter-
nationale sur le sujet, puisquâil est le pĂšre dâune ingĂ©nieuse norme de clas-
sement alphabĂ©tique et de tri qui est en voie de sâimposer dans lâindustrie.
Oui, Alain est un type épatant, chaleureux et compétent ! Il apporterait beau-
coup Ă cette liste, Ă commencer par des informations de premiĂšre main sur
UnicodeâŠ
J. Fontaine :
Ă titre dâexemple, voici une liste alphabĂ©tique conforme Ă la
norme : @@@@@, 0000, 9999, Aalborg, aide, aĂŻeul, air, Ă
lborg, août, caen-
nais, cÊsium, çà et là , C.A.F., Canon, cañon, casanier, cÞlibat, coop, co-op,
COOP, CO-OP, Copenhagen, cote, COTE, cĂŽte, CĂTE, cotĂ©, COTĂ, cĂŽtĂ©, CĂTĂ,
57
Ă©lĂšve, Ă©levĂ©, GröĂe, Grossist, Ăźle, Ăle dâOrlĂ©ans, lame, lâĂąme, LâHaĂż-les-Roses,
McArthur, Mc Arthur, Mc Mahon, MĂCON, maçon, MODĂLE, modelĂ©, NoĂ«l,
NOĂL, notre, nĂŽtre, pĂȘche, pĂ©chĂ©, PĂCHĂ, pĂ©cher, pĂȘcher, relĂšve, relevĂ©,
rĂ©sume, rĂ©sumĂ©, RĂSUMĂ, rĂ©vĂšle, rĂ©vĂ©lĂ©, vice-president, vice-prĂ©sident, vice-
presidentâs offices, vice-presidentsâ offices, vice versa, VICE-VERSA.
⊠Aussi, ne lui rĂ©pĂ©tez pas que je ne suivrai pas la norme en voie de sâim-
poser dans lâindustrie⊠Dâabord parce que lâindustrie ne mâintĂ©resse pasâŠ
ensuite parce que câest une norme de
tri
(donc un machin intermĂ©diaireâŠ),
enfin parce quâelle contredit sur des points essentiels lâordre alphabĂ©tique,
le seul qui vaille en matiĂšre dâindexation.
Cette norme est valable pour les documentalistes, les techniciens, les
trieurs, les statisticiens, tout ce que vous voudrez, elle ne concerne pas véri-
tablement ceux qui sâefforcent de publier de bons livres en français, avec de
bons index. Enfin, câest ce que jâespĂšre, car je commence Ă ĂȘtre inquietâŠ
Inutile dâaller bien loin. Dans un dictionnaire ou un index, neuf mille neuf
cent quatre-vingt-dix-neuf (en supposant que ce nombre idiot désigne ou
détermine un machin quelconque, sinon que vient-il foutre dans une telle
listeâŠ) se classe à « N »⊠avant
Nuit et Brouillard
mais aprĂšs le
1900
de
Bertolucci ou le
1984
dâOrwell, qui se classent à « M »âŠ
Donc, tout dĂ©pend de quoi lâon parle⊠Ce quâil y a de terrible avec le mot
« norme », câest quâil a tendance Ă amplifier lâextension de ce quâil dĂ©signeâŠ
A. LaBonté :
Le classement dâannuaires et le tri sont deux opĂ©rations
légÚrement différentes.
Câest un « dĂ©tail » que jâai dĂ©jĂ Ă©voqué⊠et la diffĂ©rence est si lĂ©gĂšre que je
crois nécessaire de la souligner lourdement !
Autre exemple⊠Selon une norme de tri,
Henri VI le SĂ©vĂšre
sera classé
aprĂšs
Henri II le Magnifique
⊠Mais dans un dictionnaire encyclopédique bien
conçu, ce sera lâinverse, car cet
Henri VI
est un empereur germanique et cet
Henri II
un roi de Castille et LeĂłnâŠ
Je ne conteste pas la validitĂ© des normes de tri⊠je mâinquiĂšte du fait
quâelles puissent ĂȘtre confondues avec autre chose par les feignants ou les
cancres ! Le boulot nâest pas terminĂ©. Trier nâest pas ordonner⊠Lâordonnance
varie selon le lieu, la langue, les traditions, lâidĂ©ologie et toutes ces sortes de
choses humaines. Le tri est un processus bien utile, lâordonnance est parfois
une manifestation du libre choix.
Nous sommes Ă©videmment dâaccord sur ce point et mĂȘme sur un autre
qui nâa pas encore Ă©tĂ© abordĂ© : quâest-ce quâon trie ? (Je nâĂ©voque que ce que
je connais, par exemple les index dâouvrages Ă©ditĂ©s.) Si câest une liste sur
laquelle aucun choix orthotypographique nâa Ă©tĂ© maĂźtrisĂ©, cela ne servira pas
Ă grand-choseâŠ
58
INDEX
Exemples : statut des particules françaises et étrangÚres, statut des titres
dâĆuvresâŠ
Il y a deux ans, jâai indexĂ© un gros bouquin : 15 000 entrĂ©es dâindex, essen-
tiellement des titres et des patronymes. Quelques minutes pour effectuer un
tri automatique. Des jours et des jours de boulot à la main pour mettre ça dans
un ordre digne de ce nomâŠ
Ordem e progresso
, comme disent les Brésiliens,
qui jadis ont trop lu Auguste ComteâŠ
D. Pemerle :
Exemples : le Viager, le Viagra, la Vidange, la Vie Ă Paris, la Vie
aux champs, la Vie aux Champs-ĂlysĂ©es, la Vie zozotante, le ViĂȘt Nam terre de
contrastes, etc.
Ah⊠ben⊠dĂ©solĂ©, mais je ne suis pas dâaccord sur ce coup⊠Moi, dans un
index, je classe ainsi : le Viager, le Viagra, la Vidange, la Vie Ă Paris, la Vie aux
champs, la Vie aux Champs-ĂlysĂ©es, le ViĂȘt-Nam terre de contrastes, la Vie
zozotante, etc.
D. Pemerle :
Je ne me souviens plus quand on mâa transmis cette rĂšgle
de lâordre alphabĂ©tique, ni de qui je la tiens. Je vais essayer de la formuler.
Lâordre alphabĂ©tique dâune succession de « mots » est dĂ©terminĂ© par la place
quâoccupent dans lâalphabet les lettres qui les composent. Un mot, câest
une succession de lettres plus une espace (qui fait que ce qui la précÚde est,
justement, un mot).
Eh bien, je ne suis toujours pas dâaccord⊠et je ne suis pas le seul ! Ouvre
ton
Robert des noms propres
. Cherche à « roman ». Tu verras la succession
suivante :
le Roman bourgeois
, Romanche,
le Roman comique.
Prends maintenant le
Petit Larousse
:
Roman bourgeois (le)
, Romanche,
Roman comique (le).
Pour moi, la premiÚre « rÚgle » est simple : les espaces, les apostrophes
et les traits dâunion, on nâen a rien Ă foutre ! Pas de quartier ! AprĂšs, ça se
complique un peu, mais le gros est faitâŠ
M. Bovani :
Je préfÚre un systÚme qui permette de décider sans ambiguïté
de lâordre de classementâŠ
Moi aussiâŠ
M. Bovani :
Pas de quartier ?
Oc, oc, jâai Ă©tĂ© un peu violent, mais tu aurais dĂ» remarquer que jâavais pris
la prĂ©caution dâĂ©crire ceci : « Pas de quartier ! AprĂšs, ça se complique un peu,
mais le gros est fait⊠» ⊠car, aprÚs, effectivement, se pose le problÚme des
homographes et des quasi-homographes⊠et bien dâautres encore *. Il ne
59
INDEX
* Oui, il y a quantitĂ© dâautres critĂšres, selon le « genre » du classement⊠Par exemple,
un
Jean IV
peut ici ĂȘtre placĂ© avant un
Jean III
⊠alors quâailleurs il le suivraâŠ
sâagit pas dâĂ©liminer les espaces, les traits dâunion et les apostrophes ! mais
de ne pas en tenir compte dans un premier temps (ce qui nâest pas la doctrine
de Didier)⊠Ensuite, évidemment, tous ces signes sont discriminants dans le
classement des quasi-homographes (comme les diacritiques, bien entendu).
B. Lebioda :
Quitte à faire hurler quant aux pratiques des bibliothécaires et
documentalistes, jâopte moi aussi pour la premiĂšre version.
Si vous classez
ViĂȘt-Nam, terre de contrastes
aprĂšs
Vie zozotante
, pourquoi
ne pas classer
La Fontaine
avant
Lafayette
?âŠ
En soi, vos pratiques ne sont bien entendu pas dénuées de « sens »⊠mais
est-il indispensable quâelles sâĂ©loignent Ă ce point de ce qui se fait hors de
vos murs ? Lâusager (des dictionnaires et de vos cataloguesâŠ) a-t-il quelque
chose à gagner dans cette diversité, dans ces contradictions, disons dans ce
bordel⊠? Ici, il prend la saine habitude de considĂ©rer que lâordre alphabĂ©tique
dépend essentiellement de la succession des signes alphabétiques⊠là , on
lui explique quâil nâen est rien⊠Avouez quâil y a de quoi ĂȘtre perturbé⊠et
de quoi se poser deux ou trois questionsâŠ
D. Pemerle :
Mais comment peux-tu espérer classer des mots si tu ne tiens
pas compte de ce qui les fait mots, les délimite comme mots ?
Précisément parce que (dans les exemples cités), on ne classe pas des
phrases⊠mais des mots, des locutions ou des expressions figées, des déno-
minations propres (y compris les titres qui sâanalysent comme des phrases
verbalesâŠ), bref, des unitĂ©s (« lexicales », au sens largeâŠ) et non des struc-
tures (syntaxiques)⊠Tes dĂ©limiteurs nâont pas Ă ĂȘtre pris en compte ici. Sauf
Ă vouloir crĂ©er un bordel inextricableâŠ
Ton systÚme peut fonctionner dans un cadre cohérent (par exemple dans
un index oĂč ne figurent que des titres, ou dans une nomenclature homogĂšne).
DĂšs lors que tu dois classer des Ă©lĂ©ments disparates, tu ne peux plus lâappli-
quer systĂ©matiquement⊠Alors, autant ne jamais lâappliquer⊠et utiliser la
seule mĂ©thode qui fonctionne toujours⊠Inutile dâimposer au lecteur des
complications inutiles. Il y en a suffisamment dâindispensablesâŠ
D. Pemerle :
Attends, je parlais des titres dâouvrage dans les dictionnaires
qui sây consacrent. Dans ce cas-lĂ on a intĂ©rĂȘt Ă voir en succession continue
tous les titres du genre
la Vie Ă
,
aux, de
,
de la
,
des
,
du
, etc. Il me semble, Ă moi,
quâil y a gain dâinformation, de commoditĂ© de consultation.
Jâai des doutes⊠Prends le
Dictionnaire des littératures de langue française
(Bordas). Pour son index des Ćuvres, il emploie ta mĂ©thode⊠RĂ©sultat, il est
contraint de consacrer des dizaines de lignes au « mode dâemploi » ! PrĂ©caution
rĂ©vĂ©latrice, me semble-t-ilâŠ
De toute façon, lorsque la proximitĂ© de deux titres est un « gain dâinforma-
tion », elle est également assurée par un classement strictement alphabétique :
60
INDEX
je doute que lâoubli des espaces Ă©loigne beaucoup
Ă la recherche de Marcel
Proust
(Maurois) de
Ă la recherche du temps perdu
(Proust)âŠ
D. Pemerle :
Tu auras remarquĂ© quâil y a des ouvrages avec plusieurs index :
des noms de personnes, des titres dâĆuvre, des notions ou des noms com-
muns⊠Pas pour les beaux yeux du lecteur, mais parce quâil y a des
classements peu compatibles.
Nous sommes bien dâaccord : il y a des « mĂ©thodes » de classement incom-
patibles⊠Au lecteur de se démerder avec trois index construits selon des
mĂ©thodes incompatiblesâŠ
J. André :
Ce midi jâai eu lâoccasion de chercher le mot
portée
dans le
Robert
(Ă©dition de 1966, en 6 volumes).
Voici les entrées que donnait ledit
Robert
: Porte-drapeau ⊠Portée : cf.
ci-dessous (aprĂšs Porte-voix) ⊠Porte-enseigne ⊠Porte-voix ⊠PortĂ©e âŠ
Le
Grand Robert
est le dictionnaire le plus surévalué du siÚcle. à jeter
dâurgenceâŠ
J. André :
Que dit aujourdâhui le
Robert
? Et les autres dicos ?
Le Petit Robert
, qui est un des meilleurs dictionnaires du siĂšcle, fait comme
tous ses collÚgues sérieux⊠Il classe alphabétiquement⊠donc sans tenir
compte des traits dâunionâŠ
J. André :
En tout cas je retiens de ça que le Français (pardon le franco-
phone) moyen ne sait pas comment classer les choses et que finalement la
solution du
Robert
en 1966 (aider le lecteur) nâest pas trop idiote !
Câest prĂ©cisĂ©ment parce quâelle engendre des hĂ©sitations que cette solution
est complĂštement idiote !âŠ
J. André :
P.-S. Il y a beaucoup de vrais mots comme ça quâon hĂ©site Ă
classer ?
Aucun ! Il suffit de connaĂźtre son alphabet dans le bon ordre : a, b, c, d, etc.,
ce qui est gĂ©nĂ©ralement le cas des lecteurs⊠Et lĂ , aucune hĂ©sitationâŠ
Ă Typographie, le 4 juin 2001.
F. PĂ©rotin
: Convient-il de faire une diffĂ©rence entre le traitement dâannuaires
(plutÎt importants) et celui des encyclopédies ou des dictionnaires ?
Bien entendu. Il convient mĂȘme de diffĂ©rencier tout ce qui est diffĂ©rentâŠ
Ainsi, dans un dictionnaire encyclopĂ©dique (français) bien fait (câest-Ă -dire
visant et réussissant à faciliter les recherches du lecteur), le prénom (et la
particule sauteuse) nâest pas la deuxiĂšme clé⊠Celle-ci nâa rien dâalphabĂ©-
tique⊠elle est numĂ©rique : câest la date de naissance !
Machin (Paul) 1715-1788, Machin (Boris) 1812-1894, Machin (ArsĂšne) 1902-1957.
61
INDEX
Dans un index, la chronologie passe Ă la trappe, et câest heureux : la
recherche sâeffectue sur un autre mode. Pour les annuaires, je nâai pas dâavis :
jâignore tout de ce monde et de ses besoins. Autre exemple⊠Si, toujours dans
un dictionnaire encyclopédique, tu souhaites trier certains prénoms, la pre-
miĂšre clĂ© sera dâune nature trĂšs spĂ©ciale⊠Prends un machin aussi simple que
« Jean »⊠On ne mélange pas les saints, les papes, les empereurs, les rois (de
France, du PortugalâŠ), etc. MĂȘme dans un index, y a pas intĂ©rĂȘt Ă traiter
« mécaniquement » les « Jean », les « Charles » ou les « Philippe »⊠Bref, ici
comme dans tous les autres cas, la simplification du travail des professionnels
(payés) ne devrait
jamais
ĂȘtre obtenue (et mĂȘme demandĂ©eâŠ) au prix de la
complication de la vie des utilisateurs (payants).
Renvois à des numéros de page
Ă Typographie, le 14 avril 1998.
E. Curis :
Tartempion, 128
ou
Tartempion 128.
Si les deux sont « corrects », petit
sondage pour choisir : lequel préférez-vous ?
Il existe de nombreuses formules (virgule, deux-points, etc.), mais lâune de
celles que vous citez nâest pas correcte : la seconde⊠Enfin⊠« correct » ou
« incorrect », that is not the question. Ce qui compte, câest lâefficacitĂ©. Imaginez
que vous ayez Ă indexer des machins se terminant par un nombre (ou, pis, des
nombres purs et simplesâŠ) :
Fahrenheit 451
613.
Fanny
512.
Certes, vous pouvez jouer sur la graisse, lâital, tout ce que vous voudrezâŠ
Reste que ça « fonctionne » mal⊠Mieux vaut :
Fahrenheit 451
, 613.
Fanny
, 512.
Ă F.L.L.F., les 4 et 5 octobre 2000.
Ă. Savary :
Dans un index alphabĂ©tique, Ă la fin dâun ouvrage spĂ©cialisĂ©, on
trouve des références à des mots de la maniÚre suivante :
Panoplie 45-55.
Bleue 47.
Verte 49.
Mon problÚme concerne la notation des entrées se retrouvant sur une page x
et
la page suivante
seulement
(a) et les entrĂ©es dâune page x
et suivantes
(b).
En anglais, (a) est noté :
Mot indexé 5p
. ; (b) est noté :
Mot indexé 5pp
.
En allemand, (a) est noté :
Mot indexé 5f
; (b) est noté :
Mot indexé
5ff.
62
INDEX
Cela existe-t-il en français et dans ce cas, quelle en est la notation ? Je ne
connais que
mot indexé 5 et suiv.
, mais cela ne réfÚre, à ma connaissance,
quâaux pages suivantes sans distinction entre
x+
⊠ou
x + 1
seulement.
Quelquâun peut-il mâaider ?
En français, vous disposez de la fausse précision latino-pédante (sq : et
suivante ; sqq : et suivantes) et de la légÚre imprécision sympathique et
compréhensible par tous vos lecteurs (et suiv. : et suivante ou⊠et suivantes).
Sâil sâagit dâun index, la vĂ©ritable prĂ©cision est lĂ :
44 (page 44)
44, 45 (pages 44 et 45)
44, 46 (page 44 et page 46)
44-53
(de la page 44 Ă la page 53)
Sâil sâagit de rĂ©fĂ©rences, ajoutez « p. » (espace insĂ©cable aprĂšs le point abrĂ©-
viatif) devant le ou les folios⊠et oubliez le resteâŠ
J. Fontaine :
Question existentielle : dans le cas de deux pages qui se
suivent, peut-on Ă©crire 44-45 au lieu de 44, 45 ?
On pourrait (dans dâautres cas, on le doit *âŠ), mais ici (pages) il y a un
risque : celui dâendommager une convention bien utile et trĂšs efficace.
Un risque, donc, et quantité de problÚmes⊠dont celui de la « fraction-
nabilitĂ© » et celui des limites et de lâintervalle. « De 14 h Ă 15 h, je lirai votre livre
de la page 14 à la page 15 » est une phrase certes compréhensible mais assez
troublanteâŠ
Lâalternative que vous Ă©voquez (contiguĂŻtĂ©/continuitĂ©) est bien rĂ©elle.
Elle sâexprime graphiquement dans certains cas. Dans dâautres, ce nâest pas
souhaitable⊠car lâinformation apportĂ©e serait dĂ©risoire en regard du trouble
engendré.
Sâagissant des index, la prĂ©sence effective du terme (ou du nom propre)
dans la page est effectivement une question fondamentale qui recoupe celle
de lâalternative. Choix dĂ©cisif qui dĂ©pend de nombreux paramĂštres (nature de
lâouvrage, de lâindex, des termes indexĂ©sâŠ), donc, pas de rĂ©ponse toute faite.
Quâindexe-t-on ? Les occurrences (contiguĂŻtĂ©) ou leur extension (continuitĂ©) ?
Dans certains cas, les deux⊠et là je vous suivrais volontiers : une distinction
graphique est envisageable, mais ce nâest pas nĂ©cessairement un signe, ce
peut ĂȘtre un format ou un enrichissement typographique, du moins lorsque
ces marques ne sont pas employĂ©es Ă dâautres fins, plus importantesâŠ
63
INDEX
* Par exemple : « AprĂšs la funeste expĂ©rience londonienne (1842-1843), il se retira Ă
Saint-Locdu, ville oĂč ses deux premiers ouvrages avaient Ă©tĂ© publiĂ©s (1836, 1837). » La
virgule entre les dates signifie « et », et le tiret signifie « à ».
Classement des noms Ă particule
Ă France-Langue, du 25 au 30 juillet 1997.
Nobles ou roturiers, tous les « de » précédant un patronyme « français » sont
en France des prépositions (et des particules) qui ne prennent pas la capitale
initiale
et
qui ne dĂ©terminent pas lâordre alphabĂ©tiqueâŠ
A. LaBonté :
Dâailleurs je crois que la norme Afnor ignore le « de » nobiliaire
mais laisse le « De » lorsquâil y a une majuscule, car peu importe ce que lâon
dit, les deux cohabitent.
Bien sûr (pour les particules « étrangÚres » : NF Z 44-062).
A. LaBonté :
Cette pratique dâignorer parfois la particule et de ne pas lâigno-
rer dâautres fois est totalement anticonviviale et faite pour des spĂ©cialistes du
classement, certainement pas pour ceux qui cherchent un nom de familleâŠ
Pardonnez-moi, mais je suis en dĂ©saccord avec ce jugementâŠ
Que proposez-vous pour améliorer nos pratiques ? De tenir compte de
toutes
les particules ou dâ
aucune
? Dans les deux cas, on va se heurter Ă des
problÚmes insolubles⊠et, surtout, on heurtera les utilisateurs (voir le point
suivantâŠ).
Serait-il plus convivial de classer Vigny (Alfred de) à « D » avec De Valera, ou
de classer De Valera à « V » avec Vigny ?⊠Moi, je prĂ©fĂšre quâon les laisse Ă leur
place⊠Ăa Ă©vitera de perturber les spĂ©cialistes et ceux qui cherchent un nom
de famille⊠[âŠ]
Penser aux utilisateurs, câest aussi respecter leurs habitudes⊠surtout
si elles sont bonnes. Je ne suis pas sûr que les (vrais) utilisateurs soient cou-
pĂ©s des traditions (je suis mĂȘme sĂ»r du contraireâŠ). En revanche, plusieurs
normes Afnor (ou ISO) en laissent quelques-uns perplexesâŠ
Dans ce domaine comme dans beaucoup dâautres, la tradition française,
élaborée par des générations de typographes, de lexicographes et de gram-
mairiens, me semble un amer beaucoup plus sûr que les balises normalisées.
Quant aux normes internationales⊠comme vous le savez dâexpĂ©rience, elles
ne sont pas nĂ©cessairement le fruit de rĂ©flexions et de nĂ©gociations sereinesâŠ
Ă Typographie, du 1
er
au 6 juin 2001.
F. PĂ©rotin :
Machin (Albert), Machin (Bertrand), Machin (Albert
de
), Machin
(Pierre
de
), MĂąchin (Jules), MĂąchin (Albert
de
). Est-ce que cet ordre vous
paraĂźt correct ?
Ă mon sens, non. Tu ne peux Ă la fois dire (avec raison) que certaines
particules (en lâoccurrence « de ») ne jouent aucun rĂŽle dans le classement
alphabétique des patronymes⊠et lui en faire jouer un⊠La contradiction est
flagrante. Plus grave, cette façon de procéder complique la vie du lecteur
64
INDEX
dâindex⊠qui nâest dĂ©jĂ pas simple. Ici, les « de » ne devraient intervenir dans
le tri quâĂ lâendroit oĂč tu les as placĂ©s.
F. PĂ©rotin :
Sinon, quel autre ordre serait le bon pour cette liste ? Machin
(Albert), Machin (Albert de), Machin (Bertrand), Machin (Pierre de), MĂąchin
(Albert de), MĂąchin (Jules).
A. LaBonté :
à mon humble avis, cette tradition européenne (car elle existe
dans la plupart des pays europĂ©ens, et le renvoi des mĂȘmes particules varie
selon les pays !!!) de renvoyer en fin de rubrique la particule des noms de
familles date dâune pĂ©riode oĂč lâon ne voulait pas encombrer certains tiroirs
(bien réels) de fichiers au détriment des autres.
Je préconise pour ma part de considérer que la particule fait en tout temps
partie du nom de famille, et quâelle se classe en ordre alphabĂ©tique en dĂ©but
de rubrique⊠Ainsi, mon ordre de préférence est plutÎt : de Machin (Albert),
de Machin (Pierre), de MĂąchin (Albert), Machin (Albert), Machin (Bertrand),
MĂąchin (Jules)
Il y a une autre raison, plus profonde et encore valide⊠[Ne pas] classer La
Fontaine, Balzac, Musset ou Vigny à « D »⊠Je ne crois pas que le lecteur y
retrouve aisĂ©ment ses petitsâŠ
A. LaBonté :
Dans ce cas, on a depuis longtemps oublié la particule.
Avec Montherlant ou Saint-Exupéry, la particule est oubliée depuis combien
de siĂšcles ?
A. LaBonté :
Il est Ă©vident que toute rectification dâhabitude comporte des
cas limites⊠Dans ce cas les renvois ou les duplications de rubriques seraient
sans doute non seulement utiles mais nécessaires.
Mieux quâune habitude, câest une convention motivĂ©e⊠et intimement liĂ©e
Ă une autre. Ă lâinverse des particules « Du » ou « Des » (articles contractĂ©s), la
particule française « de » (prĂ©position), nobiliaire ou non (ce critĂšre nâa plus
aucune validité en France), ne détermine pas le classement alphabétique
et
ne prend pas de capitale initiale. Pourquoi ? Parce quâelle nâintervient quâaprĂšs
un prĂ©nom ou un titre, une fonction ; en leur absence (frĂ©quenteâŠ), elle
disparaĂźt, elle nâexiste plus ! [âŠ] Comment admettre quâun Ă©lĂ©ment si peu
stable, si souvent absent, détermine
prioritairement
le classement alphabé-
tique des patronymes ? ! (Les articles, eux, ne sautent jamais : Du Bellay,
De Klerk.)
Ce ne sont pas des cas limites⊠câest le gros des troupes⊠et pas seu-
lement pour les patronymes « français » affublĂ©s dâune prĂ©position sauteuseâŠ
Il faudra aussi classer CervantÚs et Unamuno à « D »⊠Goethe, Schiller,
Bismarck et Musil à « V »⊠Linné aussi⊠Si je ne connaissais pas certaines de
tes convictions, je soupçonnerais une influence néfaste⊠par exemple celle
des De La RocheâŠ
65
INDEX
A. LaBonté :
Et les « von », sâils sont ignorĂ©s en Allemagne, le sont-ils en
France ?
Oui, et dans les mĂȘmes circonstances que les « de » : Karajan⊠mais (mono-
syllabique) von Braun.
A. LaBonté :
Et les « van » ?
Ăa, câest une autre histoire⊠surtout les « Van »âŠ
A. LaBonté :
Mais il y a des conventions qui, pour ĂȘtre bien Ă©tablies pour les
spécialistes, ne le sont pas si sûrement que cela par la plÚbe chercheuse ou
« classeuse ».
Il nây a que des « spĂ©cialistes » pour sâimaginer que des non-spĂ©cialistes iront
chercher La BruyĂšre à « D » et Goethe à « V »âŠ
A. LaBonté :
Les cas historiques sont les cas historiques⊠Je nây peux
malheureusement rien. Le fait est que la plupart des gens ignorent que ces
cas sâĂ©crivent avec une particule.
Mais non⊠La plupart des gens (qui cherchent le poÚte dans une liste
quelconqueâŠ) savent que Musset sâappelait Alfred de Musset.
Ă. Angelini :
En fait je cherche une loi universelle pour que lambda sây
retrouve dans diverses listes qui, apparemment, sont classées par ordre
alphabĂ©tique, mais qui, va savoir pourquoi, nâobĂ©issent pas aux mĂȘmes rĂšgles
(comme si, par essence, certaines chaĂźnes de caractĂšres Ă©taient plus Ă©gales
que dâautresâŠ).
Je crois que tu nâas rien compris Ă mes propos⊠qui recommandent
dâappliquer la norme ISO 14651 Ă
tous
les champs.
[âŠ] Je te suggĂšre ceci : demande oralement Ă lâun de tes enfants de cher-
cher Musil dans le dictionnaire. Selon toi, nous lâaiderions grandement en
classant le brave Robert à « V ». Moi, tourmenteur patenté de la jeunesse, je
le laisse à « M ». Chacun son truc.
Ă. Angelini :
Ben moi aussi, oĂč est le problĂšme ?
Ah dâaccord⊠Je perçois enfin la cohĂ©rence de ton systĂšme⊠Jean
de
La
Fontaine, appelé le plus souvent La Fontaine, à D, mais Robert
von
Musil,
appelé le plus souvent Musil, à M.
Vive la science.
Ă. Angelini :
Ils pĂšsent les arguments des
von Musil
et des
Musil (Robert
von)
. Selon les cas (cf.
Mazo De La Roche
) ils doublonneront.
Rien Ă voir. Le « De » de De La Roche nâest pas une particule sauteuse
(tu auras remarqué la majuscule). Comme certains utilisateurs ignorent ce
dĂ©tail mais ont pris la saine habitude dâignorer la particule française « de »
dans leurs recherches, il est judicieux, dans ces cas extrĂȘmement rares (patro-
nymes anglo-saxons dâorigine française), de leur offrir un renvoi. Le nombre
66
INDEX
dâentrĂ©es est trĂšs peu augmentĂ©. En revanche, avec ton systĂšme qui implique
des renvois pour les patronymes bĂ©nĂ©ficiant dâune particule sauteuse, ce nom-
bre sera considérablement et inutilement augmenté. Si tu cherches des appuis
au délire doublonnesque et au classement fantaisiste, le
Petit Robert des noms
propres
tâen fournira de plus prĂ©cieux : il dĂ©conne Ă fond sur les « Du »⊠mais
pas sur les « Des »⊠Curieux, non ?
Ă. Angelini :
Explique-moi pourquoi
mes
enfants iraient chercher Musil Ă V ?
Je ne vois pas pourquoi je tâexpliquerais cela⊠puisque je suis persuadĂ© que
si tu leur demandes de chercher Musil ils iront, comme des grands, Ă MâŠ
oĂč, si tes suggestions Ă©taient cohĂ©rentes et prises au sĂ©rieux, les attendrait un
simple renvoi vers V, dâoĂč une seconde recherche parmi quelques dizaines de
von
. Tu fais mieux que leur simplifier la vie : tu leur fais gagner du temps.
Ă. Angelini :
Mais surtout, et tu me fournis bĂȘtement des verges, explique-
moi pourquoi
tes
enfants iraient chercher von Musil Ă M ?
Parce que personne ne dit « von Musil ». Pas mĂȘme toi⊠sauf quand tu
tentes de défendre une absurdité.
Ă. Angelini :
Tu expliqueras Ă tes enfants toutes les finesses des particules,
des usages, des monosyllabes, des dates de naissance, des papes, rois,
princes et chiffres romains en combien de temps ? !
Ne mĂ©lange pas tout⊠Ăa devient agaçant⊠Jâai donnĂ© lâexemple des dates
de naissance et celui des souverains pour illustrer la différence, fondamentale,
entre tri et ordonnance. Nâessaye pas de faire accroire que selon moi les
procĂ©dĂ©s des dictionnaires encyclopĂ©diques devraient sâappliquer Ă toutes les
listes : jâai affirmĂ© le contraire.
Ordre alphabétique
des caractÚres accentués
Ă Typographie, le 12 janvier 1998.
J. André :
Question annexe, y a-t-il un ordre alphabétique officiel (au moins
pour le français) des caractÚres accentués ?
E. Curis
: Il y a une norme ou une proposition dâalgorithme de tri fonc-
tionnant pour les codes accentuĂ©s et proposĂ©e par lâO.I.S. [âŠ] Il donne des
références, entre autres, à la norme Afnor Z 44-001. Je donne juste un extrait
qui doit répondre à la question :
« 2. Lâordre de prioritĂ© des lettres accentuĂ©es du français peut facilement
ĂȘtre dĂ©duit Ă partir des principaux dictionnaires ; tous les dictionnaires consul-
tĂ©s respectent lâordre suivant :
a A Ă Ă Ăą Ă
,
c C ç Ă
,
e E Ă© Ă Ăš Ă ĂȘ Ă Ă« Ă
,
i I Ăź Ă ĂŻ Ă
,
o O ĂŽ Ă
,
u U Ăč Ă Ă» Ă ĂŒ Ă
,
y Y Ăż
. [âŠ]
67
INDEX
« 3. Les digrammes soudés (ligatures) comme
ĂŠ
et
Ć
sont classés avec les
lettres doubles correspondantes, en les discriminant toutefois par un indice de
priorité particulier, pour assurer la
prévisibilité absolue
du classement. »
J. André :
Et quelle est la place du blanc, de lâapostrophe, du trait
dâunion, etc. ? Quand on consulte des dictionnaires, on voit quâils sont loin
dâĂȘtre unanimes !
Sâil sâagit du français et des dictionnaires, jâai lâimpression que la question
ne se pose pas⊠Lâordre alphabĂ©tique ne tient compte ni des accents, ni
des blancs, ni des apostrophes, ni des traits dâunion⊠Un problĂšme ne peut
se poser quâen cas de parfaite homographie (sauf les accents, bien sĂ»râŠ).
Exemple le plus simple « a » et « à »⊠Priorité à la lettre nue : « sur » avant « sûr ».
Question : y a-t-il des cas oĂč lâhomographie de plusieurs termes rendrait
nécessaire la hiérarchisation des accents ?
Sâil sâagit de catalogage et de documentation, câest une autre affaire⊠On
aborde des rivages inquiĂ©tants oĂč la langue perd ses droits. Voir les normes :
Z 44-001, Z 44-062, Z 44-080âŠ
à F.L.L.F., le 3 décembre 2001.
L. Bentz :
Le problĂšme est le classement selon le codage (EâĂ).
Quel problĂšme ? Je ne comprends toujours pas⊠Seule lâaccentuation
systĂ©matique vous permet dâindexer aisĂ©ment⊠mĂȘme avec Word. Les accen-
tueurs alternatifs oublient un peu vite que les accents interviennent dans le
classement alphabétique des quasi-homographes⊠Je vous le répÚte, la
« thĂ©orie » et eux, ça fait deux et mĂȘme plusâŠ
Supposez deux homographes, Ă lâaccent de lâinitiale prĂšs. Disons
Eden
et
Ăden
(câest lâargument « Anthony croqueur de pommes »). Deux inconvĂ©nients
Ă la non-accentuation des majuscules⊠Si vous insĂ©rez bĂȘtement les codes,
les folios des deux « Eden » seront associés : Eden : 5, 45, 233, 238, 347
Pas malin. Va falloir les sĂ©parer « manuellement ». Ănorme perte de tempsâŠ
Eden
: 5, 45, 347.
Eden
: 233, 238.
Ah ! mais me direz-vous, je suis malin ! Je connais les caractÚres cachés (ici
entre crochets) et jâindexe
Eden
et
Eden [(Anthony)]
. Bien. Reste le classement
alphabĂ©tique. Quâobtenez-vous dans lâindex ?
Eden
: 5, 45, 347.
Eden
(Anthony) : 233, 238.
ProblĂšme⊠Câest pas bon⊠car il faudrait :
Eden
(Anthony) : 233, 238.
Eden
:
5, 45, 347.
Encore une fois, va falloir tripoter la chose Ă la mimine. Vive la scienceâŠ
Mais⊠me direz-vous, car vous ĂȘtes trĂšs malin, si jâindexe
Eden [(jardin dâ)]
,
jâobtiens le bon classement ! Oui, car ici le hasard a bien fait les choses⊠mais
il nâest pas toujours de bonne humeur, le salaud.
68
INDEX
Si vous accentuez systématiquement les majuscules, vous obtiendrez direc-
tement le bon ordreâŠ
Eden
: 233, 238.
Ăden
: 5, 45, 347, sans avoir, Ă chaque
occurrence du patronyme et du jardin, à introduire manuellement le prénom
et la nature du lieu⊠il suffira de le faire une fois⊠dans lâindex lui-mĂȘme :
Eden
(Anthony) : 233, 238.
Ăden
(jardin dâ) : 5, 45, 347.
MĂȘme avec Word, ça rouleâŠ
Indice fi Exposant
Institut fi
Académie, Sigle.
LâInstitut de France, lâInstitut gĂ©ographique national (I.G.N.),
lâInstitut national de la recherche agronomique (INRA), lâInstitut
national de la santĂ© et de la recherche mĂ©dicale (INSERM), lâInstitut
national de la statistique et des Ă©tudes Ă©conomiques (INSEE).
Interfolier
¶
1
.
Dans lâimposition, rĂ©server des pages sans composition, afin
dâobtenir un feuillet blanc aprĂšs chaque feuillet imprimĂ©.
¶
2
.
Insérer une feuille blanche entre deux feuillets imprimés.
Interlignage, interligne, interligner fi
Approche, Blanc,
Espace.
Dans la composition au plomb, lâinterligne Ă©tait une lame de mĂ©tal
placée entre deux lignes.
Italique fi
Citation, Devise, Ăpigraphe, Guillemet, Titre dâĆuvre.
Adjectif et nom commun masculin.
Lâitalique sert Ă attirer lâattention sur un mot, Ă dĂ©signer ce qui
nâest pas de lâauteur, Ă composer les titres dâĆuvres et de journaux,
les noms propres de véhicules, les notes de musique, les devises, les
lettres de lâalphabet.
69
INDEX
ITALIQUE
1.
Jeux de scĂšne et indications diverses au lecteur.
« Georgette, dâune voix altĂ©rĂ©e. â Pour que cela reste, pour
quâon sache. Tout sâe
â
ace⊠Câest affreux. (Ă Ădith.) Je te demande
pardon, ma chĂ©rie. Il est tard, je devrais ĂȘtre partie depuis longtemps.
Ne mâaccompagnez pas !
(Ă Ădith qui sâest levĂ©e pour lâaccompagner,
dâune voix secouĂ©e par les larmes.) Non, non, pas la peine. (Elle sort.) »
â Gabriel Marcel, « lâInsondable », PrĂ©sence et ImmortalitĂ©.
2.
Citation de mots étrangers (non francisés).
âąâą
Dans les textes littĂ©raires oĂč les graphies singuliĂšres abondent,
lâitalique dĂ©nonciateur nâa rien dâindispensable. Il est parfois judicieux
dâenfreindre la rĂšgle. En Ă©pinglant les vocables Ă©trangers, en intro-
duisant de lâordre dans le dĂ©sordre, lâitalique ruinerait ici la confusion
expressive :
« â AllĂŽ ! allĂŽ ! disait la tĂ©lĂ©phoniste, en agitant son rĂ©cepteur et en
poussant Ă tout instant les fiches du standard⊠Ia wohl ! AllĂŽ ?âŠ
Donnez-moi⊠uno-otto-sei-uno⊠Citta⊠Bonsoir, monsieur
Vincent ! Merci Ă vous. Je sais : vous dĂ©sirez le quarante-trois ?âŠ
Prenez-le⊠Câest fini ?⊠Si, se
ñ
or⊠Si, si⊠Please ? Have the good-
ness to wait⊠yes⊠JâĂ©coute⊠» â Francis Carco,
Palace Ăgypte.
âą
/
âąâą
On Ă©tend lâemploi de lâitalique Ă tout ce qui sâĂ©carte de la
norme française, par exemple Ă lâargot, Ă la transcription de parlers
français locaux :
« Queu non, me rĂ©pond-elle, veyai-vĂŽ, si le malhu arrivâ, cha sârait
bin di
â
cilâ de lâpassai paâ câte coulouĂšre⊠Aleu on lâa mis au chalon. »
â Bernard Alexandre,
le Horsain.
3.
Italique
ou « guillemets » ?
On sâimagine parfois quâitalique et guillemets sont interchangeables.
Cette conception est aujourdâhui erronĂ©e. Certes, les guillemets furent
inventĂ©s et longtemps utilisĂ©s pour pallier lâabsence dâitalique, mais
depuis plus de deux siÚcles leurs rÎles respectifs ont été théorisés et
codifiĂ©s par les typographes, et aujourdâhui lâitalique ne manque plus.
70
ITALIQUE
Les guillemets dénoncent une acception particuliÚre, plaisante ou
pĂ©jorative, inĂ©dite⊠Lâitalique nâinduit aucune modification du
signifiĂ©, Il va mĂȘme jusquâĂ lâĂ©vacuer (autonymie).
Fournier
1903
: « Lâitalique est au romain ce que lâexception est Ă la
rĂšgle [âŠ]. Il arrive que des auteurs, attachant Ă certains mots une
importance particuliĂšre, [âŠ] pensent, en les soulignant, les recom-
mander Ă lâattention spĂ©ciale du lecteur. Cet expĂ©dient nâest quelque-
fois quâun stratagĂšme maladroit fait pour trahir la prĂ©tention qui lâa
suggĂ©rĂ© [âŠ]. »
Emploi comme marque dâinsistance. â « Voici une invention bien
curieuse, que lâon vient de prĂ©senter Ă lâInstitut, câest le nouveau
boomerang français, dont le bois est taillĂ© de telle sorte que lâinstru-
ment, une fois jetĂ© sur lâadversaire, ne revient pas Ă celui qui lâa lancĂ©.
On Ă©vite ainsi tout risque dâaccident. » â Gaston de Pawlowski,
Inventions nouvelles et DerniÚres Nouveautés.
4.
¶
Préparation de copie.
On souligne dâun trait continu ce qui doit ĂȘtre composĂ© en ita-
lique :
>
Je relis lâAnnĂ©e terrible avec plaisir.
5.
¶ Sauf si lâon souhaite obtenir un effet graphique particulier et
plutĂŽt dĂ©testable (lettres fortement inclinĂ©es), on Ă©vitera dâappliquer
le
style italique Ă une police italique :
Garamond italique
Les fractures (gothiques), les manuaires et les scriptes ne se mettent
jamais en italique.
Sont Ă proscrire sans pitiĂ© les faux italiques obtenus par calcul Ă
partir de polices romaines qui disposent de vrais italiques (si le fichier
italique est installĂ©, la substitution sâopĂšre en principe automati-
quement). Câest le cas des elzĂ©virs (Baskerville, Garamond, Times,
etc.), des didots (Bodoni, Didot, etc.) et de certaines antiques (Gill
Sans, etc.).
Garamond italique mis en italique
Je relis l'Année terrible avec plaisir
71
ITALIQUE
Romain et véritable italique :
Attention au
faux italique
engendré par les polices informatiques
uniquement romaines ! Considérable pour le a et le f bas de casse, la
différence est perceptible sur la plupart des signes (surtout dans les
polices Ă empattements, car lâitalique bas de casse en est dĂ©pourvu).
Romain et faux italique, dit « romain incliné » ou « penché », ou
« oblique », ou « italique électronique » :
6.
¶
Typographie soignée.
On se méfiera des mauvaises rencontres, et on jettera un peu de
blanc entre une lettre haute italique et un crochet ou une parenthĂšse
romaine (voir :
Crénage).
7.
¶
Italique et romain.
Tout Ă©lĂ©ment appelant lâitalique dans un ensemble composĂ© en
romain sera mis en romain dans un ensemble composé en italique :
Il relit les Pensées de Pascal.
Il a embarqué sur le Titanic.
Attention Ă ne pas confondre Ă©lĂ©ment et ensembleâŠ
Si (
â„
)
+
(
â„
)
= +
, ici il nâest pas vrai que [italique
+
italique
=
romain]. Italique
+
italique
=
italique⊠En dâautres termes, si,
dans un Ă©lĂ©ment exigeant lâitalique, figure un Ă©lĂ©ment exigeant lui
aussi lâitalique, celui-ci ne sera pas mis en romain.
Exemple. â Titre dâĆuvre incluant le titre dâune autre Ćuvre :
Il relit les Remarques sur les Pensées de Pascal.
Il relit les Remarques sur les Pensées de Pascal.
Exemples. â En Cronos :
f
)
>
f
)
En Garamond :
f)
>
f )
a e f g k v
â â â â â âș
a e f g k v
a e f g k v
a e f g k v
a e f g k v
a e f g k v
a e f g k v
a e f g k v
a e f g k v
a e f g k v
a e f g k v
72
ITALIQUE
Le problĂšme est trĂšs diffĂ©rent lorsquâun titre dâĆuvre est inclus
dans un titre dâarticle, car on se retrouve dans le cadre de la rĂšgle
générale :
Dans les Ătudes critiques sur lâhistoire de la littĂ©rature française, il
a un faible pour « le ProblÚme des
Pensées de Pascal ».
Dans les Ătudes critiques sur lâhistoire de la littĂ©rature française, il
a un faible pour « le ProblÚme des Pensées de Pascal ».
Des points et des virgules
Ă Typographie, le 26 janvier 1998.
T. Bouche :
La question se pose aussi pour les points. (Jamais vu la dif-
férence entre un point de Futura et de Futura oblique ?)
Si, et pas que pour le Futura⊠dont les points, ronds en romain, sâ« ovali-
sent » légÚrement en ital ; il y a plus net, par exemple les caractÚres dont les
points romains carrés deviennent en ital des parallélogrammes (Helvetica,
UniversâŠ). Câest franchement dĂ©sastreux dans des corps de titrage, câest
encore perceptible et gĂȘnant du corps 10 au corps 12⊠pour les jeunes lynx, en
corps 8 ou 9. Ou alors, en corps 5 Ă 8, avec un compte-fils.
ProblĂšme (encore une mouche qui va souffrirâŠ) : supposons une phrase
(pas un titre, sinon la question ne se poserait pasâŠ) en Helvetica romain
corps 14 (!) sâachevant sur un titre dâĆuvre en ital qui sâachĂšve lui-mĂȘme par
un point abréviatif⊠par exemple
lâAbbĂ© C.
de Bataille. Le point sera-t-il en
romain ou en ital ? Ă mon sens, en ital (pour indiquer que le point appartient
au titre), et ça se verra ! [âŠ]
Un autre exemple, oĂč deux signes successifs seront traitĂ©s diffĂ©remmentâŠ
« Voici des abréviations qui se composent en italique :
op. cit.
,
loc. laud.
,
ibid.
»
Les quatre premiers points sont Ă©videmment en ital, les deux virgules sont
romainesâŠ
Et le dernier point ? En ital aussi (tout le monde nâest pas dâaccord sur ce
pointâŠ). En revanche, si nous avions (ce serait une erreur pĂ©dagogiqueâŠ)
«
loc. laud.
,
ibid
⊠» les points de suspension seraient romains.
â«
73
ITALIQUE
Jardin
1
. RĂšgle,
voir : Voie et espace public
.
Le bois de Boulogne (de Vincennes, etc.), les jardins de Kensington
(voir : §
2
)
,
un jardin dâacclimatation, le jardin du Luxembourg (des
Tuileries, etc.), un jardin zoologique, le square des Innocents.
=
Girodet
1988
, Larousse
1992
.
â
Gouriou
1990
, Guéry
1996
, Robert
1985
,
1993
{le Bois de Boulogne}.
Les exceptions concernent de vénérables institutions situées
Ă Paris ; ce sont des formes traditionnelles quâil est prĂ©fĂ©rable de
respecter :
â
le Jardin dâAcclimatation, le Jardin des Plantes (le Jardin
royal des plantes médicinales).
=
Girodet
1988
, Larousse
1992
, Robert
1993
, Universalis
1990
.
â
Code typ.
1993
{le jardin des Plantes}, Impr. nat.
1990
{le Jardin
dâacclimatation, le Jardin des plantes},
Gouriou
1990
, Robert
1985
{le Jardin des plantes}.
2
.
Dans un texte français, les dénominations non francisées
continuent dâobĂ©ir Ă leurs propres rĂšgles : Chelsea Physic Garden,
Kensington Gardens, Regentâs Park, Sloane Square.
3
.
Dans quelques cas, lâemploi absolu impose la majuscule : le
Jardin (dâĂpicure).
Le Bois : le plus souvent, il sâagit du bois de Boulogne, mais
on ne voit pas ce qui interdirait lâextension de ce privilĂšge Ă
des espaces verts comparables : le Bois de Vincennes, le Bois de la
Cambre.
75
JĂ©sus-Christ fi
Abréviation, Prénom, SiÚcle, Sigle.
âąâą Les abrĂ©viations av. J.-C. et apr. J.-C. ne devraient pas ĂȘtre
employées dans le texte courant. Voir : Abréviation §
3.5
,
3.8
et
4
.
=
Lefevre
1883
.
Jeu fi
Manifestation sportive.
Jeux olympiques.
Les Jeux olympiques : Impr. nat.
1990
, Ramat
1994
, Robert
1993
.
Les jeux Olympiques : Micro-Robert
1990
, Robert
1994
, Universalis
1990
.
Les Jeux Olympiques :
Petiot
1982
.
Ici, la tradition typographique (les jeux Olympiques) devrait sâe
â
acer
devant la raison. Pour dĂ©signer les manifestations sportives de lâĂšre
moderne, la forme la plus recommandable est : les Jeux olympiques.
Les Jeux, les Jeux de Montréal, le village olympique, un champion
olympique, une mĂ©daille dâor, dâargent, de bronze.
LâacadĂ©mie des jeux Floraux,
voir : Académie
.
Larousse
1992
Ă©crit [lâAcadĂ©mie des jeux Floraux], Robert
1985
,
1993
:
[Jeux floraux], Impr. nat.
1990
: [lâacadĂ©mie des Jeux Floraux].
Justification fi
Espace, Ponctuation.
Largeur dâune composition, dâune colonne, dâune illustration, etc.
Elle sâexprime en points typographiques ou en millimĂštres.
Une fausse justification sâĂ©carte volontairement de la trame adoptĂ©e
pour un type de page.
Justification Ă©troite des journaux
Ă Typographie, du 6 au 7 mai 2001.
Oudin-Shannon :
Dans les quotidiens, les C&J se font avec un premier impé-
ratif : entrer le maximum de signes dans un minimum de place.
76
JĂSUS-CHRIST
JUSTIFICATION
Non⊠lâimpĂ©ratif est de donner lâillusion de la densitĂ© en faisant entrer
un maximum de signes dans un espace donné, donc de fournir les signes
nĂ©cessaires Ă lâillusion.
Vieille ficelle : donnez lâimpression que vous ĂȘtes Ă lâĂ©troit, et nul ne sâima-
ginera que vous allongez la sauce, que vous Ă©crivez en grande partie pour ne
rien dire⊠ou si peu.
Oudin-Shannon :
Croyez-vous que les gens qui travaillent au
Monde
et Ă
Libération
sont tous des zozos qui nâont pas rĂ©flĂ©chi Ă ces questions ?
Oui, par simple charitĂ©, je prĂ©fĂšre le croire⊠Câest leur seul alibi⊠Tenez,
puisque vous aimez les débats sérieux et exempts de dogmatisme, dites-moi
ce qui justifie
aujourdâhui
le maintien de justifications trĂšs Ă©troites dans la
presse ?
Oudin-Shannon :
Je vais me limiter au cas de la nouvelle formule du
Monde
que je connais un peu.
Le Monde
est dans un format dit « berlinois ». Câest un choix stratĂ©gique qui
a Ă©tĂ© fait Ă lâĂ©poque oĂč le journal a eu sa nouvelle imprimerie. [âŠ]
Comparez la construction du
Monde
par rapport Ă un tabloĂŻd comme
Libération
.
Libération
a une construction plutĂŽt simple, identique aux tabloĂŻds
populaires et bas de gamme anglo-saxons. Pour
le Monde
la comparaison
est plutÎt avec les quotidiens « de référence » comme le
Times
, le
New York
Times
, etc.
Le Monde
a une construction plus complexe avec beaucoup
plus de papiers sur une mĂȘme page, disons pour employer une image
une construction en mosaĂŻque. LĂ oĂč il y a un hic, câest que les quotidiens
anglo-saxons ont un format beaucoup plus large leur permettant dâavoir huit
colonnes, alors que
le Monde
est sur six colonnes comme
Libération
.
Il ne vous a certainement pas échappé que plus le nombre de colonnes est
important, plus le nombre de combinaisons est grand. Il se trouve quâavec
six colonnes les combinaisons sont réduites pour un quotidien « mosaïque ».
Introduire des photos devient plutĂŽt difficile : une col câest petit, trois cols câest
dĂ©jĂ la moitiĂ© de la largeur, il vous reste pour lâessentiel le deux cols.
Le Journal du dimanche
Ă©tait au format quotidien classique (le double du
tabloĂŻd comme
le Figaro
). Aujourdâhui ce journal passe sur les rotos du
Monde
,
donc au format berlinois. Ils le font sur sept colonnes parce que câest pour eux
le seul moyen de conserver leur type de mise en pages qui est en mosaĂŻque
mais avec une large utilisation de la photo.
Peut-ĂȘtre que vous vous souvenez de la calamiteuse nouvelle formule dite
de
Libération 3
? On avait un tabloïd allongé avec sept colonnes⊠Le modÚle
Ă©tait le
Guardian
avec un systĂšme de cases prĂ©Ă©tablies, lâactualitĂ© venant
se couler dans le « concept » du journal. Ce nâest certainement pas la seule
raison de lâĂ©chec de cette formule, mais il y avait certainement une erreur
complĂšte sur le format.
77
JUSTIFICATION
La pub impose un plus grand nombre de colonnes ? Peut-ĂȘtre, mais les
choses ne sont pas aussi simples. Si vous avez moins de colonnes elles sont
plus larges et vous les vendez plus cher. [âŠ] Les choix liĂ©s Ă la pub sont trĂšs
certainement présents mais ils ne sont pas toujours faciles à cerner.
Le Canard
enchaßné
est exempt de pub, il est au format quotidien avec sept colonnes qui
ont la mĂȘme largeur que celles du
Monde
.
Niez-vous le rĂŽle de la « densitĂ© » dans lâillusion graphique ?
Croyez-vous quâĂ corps, interlignage, gouttiĂšres et empagement Ă©gaux vous
ferez tenir davantage de signes sur sept colonnes que sur six ?
Votre analyse est intĂ©ressante, mais elle ne rĂ©pond pas vĂ©ritablement Ă
la question des justifications Ă©troites. Je ne conteste pas lâexistence dâautres
paramĂštres (gestion souple de la grille, cohabitation avec lâespace vendu, etc.),
dont certains ont Ă©tĂ© Ă©voquĂ©s par plusieurs intervenants, mais jâaimerais que
lâon nâoublie pas celui-ci : le conformisme. En clair, la perpĂ©tuation irrĂ©flĂ©chie
de traditions naguĂšre motivĂ©es par des contraintes techniques aujourdâhui
disparues. Exemple : dans lâurgence (plus vive dans la presse que dans lâĂ©di-
tion), il était jadis plus facile et moins risqué de manipuler des « paquets » de
lignes courtes. Est-ce encore le cas ?
Autre chose⊠Tout le monde sait quâune « bonne » justification dĂ©pend
aussi
du style, en particulier de la longueur moyenne des phrases. Les justifi-
cations étroites « justifient » les ùneries enseignées sur le « style journalistique ».
Essayez de composer les plus beaux textes de la prose française sur trente
signes Ă la ligneâŠ
Plus un pavé est étroit, plus il est difficile à composer correctement. En
drapeau, quoi quâon en dise, ce nâest guĂšre mieux. Quelle est donc cette
pesanteur qui nous pousse encore Ă composer trente signes Ă la ligne, alors
que nulle contrainte technique ne lâexige, alors que la fluiditĂ© de notre langue,
le gris typographique et les divisions en souffrent ? Je ne souhaite Ă©videmment
pas que les colonnes de la presse quotidienne passent au cinquante-cinq
Ă soixante signes « monocolonnes » de lâĂ©dition⊠mais quâelle Ă©vite de des-
cendre sous les trente-cinq, voire, si jâosais, sous les quarante⊠Sauf pour les
cours de la Bourse, les petites annonces et le carnet mondainâŠ
â«
78
JUSTIFICATION
Langue Ă©trangĂšre fi
Allemand, Anglais.
« [âŠ] On peut ainsi analyser la voyelle contenue
dans le mot anglais âfullâ comme
a
3b
b,,g
4j
d
0
e
1.
»
Otto Jespersen, la Syntaxe analytique.
Cet ouvrage est consacrĂ© Ă lâorthotypographie française⊠Les
rĂšgles, les indications, les conseils relatifs Ă la composition des langues
étrangÚres ne concernent donc que les fragments insérés dans des
textes français.
Les traditions typographiques sont diverses : quiconque souhaite
composer correctement un ouvrage dans une autre langue que le
français doit consulter les codes typographiques idoines.
Latin fi
Abréviation, Bibliographie, Etc., Incipit, Index.
« Sic transit, comme chantait HomÚre. »
ComĆdia,
12
décembre
1910
.
A fortiori, a posteriori, a priori.
â
Gouriou
1990
[Ă priori].
Ab initio, ad hoc, ad hominem, ad libitum, ad litteram, ad nominem,
ad patres, ad vitam ĂŠternam, bis, casus belli, exeat, exequatur, grosso
modo, ibidem, idem, in extenso, in extremis, in fine, infra, loco citato,
minus habens, modus vivendi, numerus clausus, op. cit., passim, quater,
sic, supra, ter, via, vice versa.
A priori :
a priori
? Ă -priori ?
Ă F.L.L.F., Alt.Culture.Cajun, du 1
er
au 2 septembre 1999.
D. B. :
Lâopposition aux rĂ©formes vient souvent dâune certaine ignorance.
Bien entenduâŠ
79
Il se trouve que la rĂ©forme du Cons. sup. sâest intĂ©ressĂ©e au substantif « a
priori »⊠quâelle Ă©crit « un apriori, des aprioris », sans accent, Ă©videmment⊠Le
retour de la locution « a priori » à la forme « à priori » est une proposition
du
Robert
(cf. son
Banc dâessai
) consécutive aux travaux du Cons. sup., propo-
sition que, jusquâĂ ces derniers temps, cette maison dâĂ©dition nâa pas mise en
Ćuvre, ce que je regrette.
La réforme « simplificatrice » dont on parle ici consisterait donc à passer
dâune forme unique (substantif invariable et locution : « a priori ») Ă deux
formes contradictoires : « Ă priori » et « apriori »âŠ
Je nâai rien contre les rĂ©formes, cher D. B. Je suis pour la graphie « Ă priori »
(locution), parfaitement claire et françaiseâŠ
et
pour un substantif cohérent :
un Ă -priori, des Ă -prioris (par exempleâŠ) et je reste, par ignorance, fermement
opposé à une réforme bùclée, démagogique, supercomplexifiantesque.
L. Bentz :
Dans
le Petit Robert
(éd. 1999), je trouve « a priori », mais « aprio-
rique », « aprioriste » et non « a-priorique » ou « a-prioriste ».
Je le sais bien, ce nâest pas une nouveauté⊠et elle ne me choque pas (tant
que « a priori » sâĂ©crit ainsi, ce que je ne souhaite pasâŠ). Vous semblez oublier
que mon message portait sur le couple simplificateur « à priori, un apriori » et
que ma proposition (un Ă -priori) nâest pas attribuable au
Robert
⊠Permettez-
moi un autre petit rappel : en français, on écrit « à propos, un à -propos ; à peu
prĂšs, un Ă -peu-prĂšs ; Ă pic, un Ă -pic »âŠ
Souhaitez-vous, pour demeurer cohĂ©rent et fidĂšle Ă lâesprit de la rĂ©forme,
écrire « un apropos, un apeuprÚs, un apic » ?
Voyez-vous le problĂšme ? Et voyez-vous pourquoi le Cons. sup. sâest bien
gardĂ© de lâaborder, se contentant lĂąchement, piteusement, de proposer une
rectification du substantif, pour le reste dĂ©merdez-vous ? Lâadoption dâ« Ă priori »
(hautement souhaitable pour des raisons honnĂȘtes) est aussi un piĂšge mortel
pour les rectificateursâŠ
L. Bentz :
[Pour Jouette] « A [Ă] priori » a une couleur dâexpression (comme
« Ă premiĂšre vue »), mais la substantivation nâinterdit pas lâagglutination.
Elle est bonne, monsieur Jouette⊠On agglutine quoi ? « a priori » ou « Ă
priori » ? Ces crochets sont dâun pratiqueâŠ
Ă F.L.L.F., du 19 au 20 octobre 2000.
L. Bentz :
Ceux qui tiennent à la formule latine (« a » sans accent) devraient
alors, comme il sied selon la Sainte Ăcriture ( le
Lexique de lâI.N.
) utiliser
lâitalique (ou le romain dans un texte en italique).
Sur ce point, lâ
HyĂšne
est Ă cĂŽtĂ© de ses pompes et fait preuve dâune rigiditĂ©
à la fois excessive et⊠approximative. Observez ses deux listes. Elles associent
deux critÚres de natures trÚs différentes et dont un seul est explicite. Consé-
quence : le bordelâŠ
80
LATIN
La seconde (romain) regroupe « des expressions latines passées dans le lan-
gage courant » et ne compte que des substantifs, mais des substantifs dont le
« degrĂ© de francisation » est loin dâĂȘtre identique. Personne ne sâamusera Ă
composer « référendum », « visa » ou « minus » en ital⊠mais « minus habens » ?
Quant Ă lâentrĂ©e de « exequatur » dans le langage courantâŠ
La premiÚre (italique) regrouperait des « locutions latines non francisées ».
Soit, mais⊠en français, elle regroupe des locutions (
ad hoc
,
in extenso
) et,
surprise, deux substantifs (
modus vivendi
,
statu quo
)⊠Ce qui nous amĂšne Ă
« a priori » (qui est à la fois une locution et un substantif) et au Cons. sup. de
la française langue⊠[âŠ]
Ătat des lieuxâŠ
Sont indiscutablement corrects : a priori, un a priori (en ital ou en romain,
les deux sont dĂ©fendablesâŠ).
Devrait ĂȘtre admis comme correct : Ă priori (en romain⊠mais que devient
le substantif ?). Ă la rigueur (Cons. supâŠ), mais autant oublier : un apriori (en
romain⊠mais que devient la locution ?) Dans le
Banc dâessai
nous avons
droit à « apriori » et à « Ă postĂ©riori »âŠ
Il serait si simple de former un beau couple (en romain), « à priori, un
à -priori », sur le modÚle de « à propos, un à -propos », « à peu prÚs, un à -peu-
prĂšs », « Ă pic, un Ă -pic ». HĂ©las, le trait dâunion nâest pas en odeur de saintetĂ©
chez les rectificateurs phobiques, dont lâune des manies me semble ĂȘtre la
démotivation du lexique. On me dira⊠que deviendraient « apriorisme » et les
trĂšs utiles (pour ceux qui renoncent aux beautĂ©s des locutions adjectivesâŠ)
« apriorique » et « aprioriste » ? Facile : « à -priorisme », etc. Facile, mais, à vue de
nez, pas pour demainâŠ
B. Lombart :
SĂ©duisant, mais lâaccent fait perdre ici lâĂ©tymologieâŠ
Oui, et ce nâest pas un malâŠ
B. Lombart :
⊠ou plutÎt introduit une étymologie erronée⊠(« a » et « ad »
ont des sens contrairesâŠ).
En latin. Ici, en « latin du
xvii
e
»⊠En français, je suis prĂȘt Ă vous parier un
paquet de Gitanes sans filtre quâau bas mot et Ă vue de nez 99
%
des locuteurs
perçoivent ce « a » comme notre préposition « à »⊠Ils ont bien entendu tort,
mais je ne leur donne pas tortâŠ
B. Lombart :
Bref, je trouve votre argument analogique un peu voyou.
Ma jeunesse me rattrapeâŠ
D. Liégeois :
Câest un a priori qui tomberait peut-ĂȘtre si seulement les gens
songeaient plus souvent Ă lâimmense intĂ©rĂȘt du raisonnement
ab absurdo
.
Il serait encore plus facile de le faire tomber avec un raisonnement
a
contrario
⊠car ici la pose subreptice dâun accent grave serait grotesque,
81
LATIN
contresensique, nâayons pas peur des mots, crapuleuse⊠Mais faut-il le faire
tomber ?
A contrario
est une locution dont lâemploi justifiĂ© â oublions ceux qui en
font un synonyme chicos de « au contraire »⊠â est rare, spĂ©cialisĂ©, quasi
jargonnesque. Et dont le caractÚre « latin » ou, au minimum, « non français pur
sucre » est une Ă©vidence pour tous ceux (ou presqueâŠ) qui lâemploient, le
lisent ou lâentendent.
Ce nâest Ă©videmment pas le cas de « a priori », qui est une locution et un
substantif trÚs couramment employés en français. Pour la plupart des locuteurs
dâaujourdâhui, « a priori »⊠câest « du français » (ils ont raison), certainement
pas « du latin » (ils se gourent, mais, franchement, quelle importance ?). Pour
eux, le sens est Ă©vident, ici, « a = à », comme dans « Ă lâavance », et ça fonc-
tionne trĂšs bien, en français⊠Dire quâils font un contresens nâaurait dĂšs lors
guĂšre de sens.
A posteriori : un mĂ©dium, des mĂ©diasâŠ
Ă France-Langue, le 8 octobre 1997.
H. Landroit :
Je voulais simplement faire remarquer que la nouvelle ortho-
graphe propose effectivement « multimédia » et « multimédias » ainsi que
« apriori » et « aprioris » du moins lorsquâils sont utilisĂ©s comme noms.
Hum⊠« MultimĂ©dias » est parfait et doit ĂȘtre adoptĂ© avec enthousiasme !
mais « apriori » (substantif) est si discutable quâil nâa pas encore Ă©tĂ© adoptĂ© par
les lexicographes (
Larousse
,
Robert
).
Ă F.L.L.F., le 23 mars 2000.
J.-V. Gruat :
⊠mĂ©dia, hĂ©las, comme dĂ©jĂ suggĂ©rĂ©. HĂ©las, car il sâagit dâune
barbarie linguistique.
Barbarie ? Que non ! Il sâagit dâune belle francisation dâun pĂ©nible anglo-
latinisme, bref, dâune manifestation de la plus haute culture ! Laissez les
langues mortes enterrer leurs morts.
Un média, des médias.
Un médium, des médiums.
â
82
LATIN
Latitude, longitude fi Point cardinal
LĂ©gende
Texte accompagnant une illustration (dessin, photographie, etc.)
ou un tableau.
Liste explicative des signes conventionnels employés sur un plan,
une carte, un tableau.
Ă Typographie, le 16 juillet 1999.
J. André :
On dit souvent que les légendes des figures se mettent sous
celles-ci alors que celles des tableaux se mettent au-dessus.
Es-tu certain de ne pas confondre titre et légende externe ? Une légende
(externe) de figure se place oĂč lâon veut, en haut, en bas, Ă droite, Ă gauche,
selon la nature de la mise en pages, mais il est vrai que câest en bas que
se situe généralement son meilleur emplacement. Un titre de tableau (non
« graphique ») se place en haut, comme tous les titres⊠LâĂ©ventuelle lĂ©gende
externe se situe sous le tableau. Bien entendu, il y a des cas particuliers
(titre suivi « organiquement » dâune lĂ©gende externeâŠ) qui rendent parfois
impossible une nette distinction entre titre et lĂ©gende externeâŠ
LĂ©gion fi
Armée.
La LĂ©gion arabe, la LĂ©gion Ă©trangĂšre, la LĂ©gion.
La LĂ©gion dâhonneur, lâordre de la LĂ©gion dâhonneur.
La légion Condor.
Ï
83
LATITUDE, LONGITUDE
LĂGION
Lettre
Lettres courtes : a c e m n o r s u v w x z.
Lettres longues du haut : b d f h i k l t.
Lettres longues du bas : g p q y.
Lettres longues du haut et du bas : j f.
Les capitales, Ă lâexception de certains J et de la plupart des Q, ont
une hauteur unique :
A B C D E F G H I K L M N O P R S T U V W X Y Z
Dissymétrie des caractÚres
à Typographie, le 8 février 1998.
La symĂ©trie nâest pas une qualitĂ© typographique⊠on ne la rencontre que
dans la mise en pages (pages en regard, grands titres *) et dans des linéales
extrĂ©mistes⊠Pour le reste, câest-Ă -dire lâessentiel, elle est heureusement
absente⊠et quand elle se prĂ©sente, on fait tout pour lâĂ©liminer⊠Non sans
raison.
Dans la plupart des polices en romain, les lettres prétendument symétriques
(A H I M OT U V W X Y, i o u v w x ) le sont rarement (I, Ă©ventuellement O), sauf Ă
nây voir que des squelettes⊠Des gĂ©nĂ©rations de graveurs ont insufflĂ© la vie
à ces formes. Seuls quelques signes échappent à la dissymétrie vivifiante
(point, point dâexclamation, points de suspension, astĂ©risque, tiret, plus, moins,
etc.). Beaucoup peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des « arrĂȘts », des pauses
dans le mouvement gĂ©nĂ©ral du Verbe⊠Dâautant que notre obĂšle (croix mor-
tuaire) appartient aussi au club trÚs fermé des signes parfaitement symé-
triques. Ce nâest sans doute pas un hasardâŠ
La typographie nâest pas lâarchitecture (sauf, encore une fois, dans la mise
en pages), elle nâorganise pas lâimmobilitĂ© mais le mouvement, celui de la
lecture, qui a un sens⊠La dissymĂ©trie subtile (et non lâasymĂ©trie, faut rien
exagĂ©rerâŠ) est indispensable, sauf pour ceux qui confondent les lettres, les
mots et les phrases avec des images (encore que les plus belles ne soient pas
symĂ©triques)⊠Ils sont hĂ©las nombreux de nos joursâŠ
84
LETTRE
* Ou dans les inscriptions lapidaires, sur les pierres tombales ou les monumentsâŠ
ou, comme de bien entendu, dans les typographies architecturales (colophonsâŠ),
morbides (dĂ©dicaces pompeusesâŠ), ludiques (calligrammes) ou nulles (cartes de
visite, menus de premiĂšre communionâŠ).
Lettrine fi
Alinéa, Madame, mademoiselle, monsieur.
â
NaguÚre, ce mot désignait soit une lettre italique servant de
renvoi ou dâappel de note, soit une lettre ornĂ©e, placĂ©e au commen-
cement dâun chapitre (Ă©dition) ou dâun article (presse), Ă lâimitation
des lettres capitulaires des manuscrits enluminĂ©s. Dans le mĂȘme
emploi, les lettres non ornées étaient des initiales (caractÚres sans bas
de casse), des lettres montantes (alignées sur la premiÚre ligne) ou des
lettres de deux points (initiales sans talus, alignées sur la deuxiÚme
ligne et ayant une force de corps double de celle du caractÚre employé,
ce qui Ă©vitait le parangonnage).
Aujourdâhui, on appelle lettrine toute lettre dâun corps supĂ©rieur Ă
celui du texte courant, placĂ©e au commencement dâun chapitre (Ă©di-
tion), dâun article, voire dâun paragraphe (presse).
Lettrines et guillemets
Ă Fr.Comp.Pao, F.L.LF., le 24 juillet 2000.
Quâest-ce quâune « lettrine » ? Une lettre. Grande dĂ©couverte⊠La tradition,
qui nâa pas toujours tort, est de composer tous les signes qui prĂ©cĂšdent et
suivent la lettrine (habillée) dans le corps du texte (sans oublier les petites
caps des signes qui la suivent).
M
on nom est Arthur Gord
Pym. Mon pĂšre Ă©tait un res-
pectable commerçant dans
les fournitures de la marine, Ă Nantuc-
ket, oĂč je suis nĂ©. Mon aĂŻeul maternel
Ă©tait attorney, avec une belle clientĂšle.
Edgar Allan Poe,
Aventures dâArthur Gordon Pym.
F
ORTIS
imaginatio generat casum,
disent les clercs. Je suis de ceux
qui sentent trĂšs grand e
â
ort de
lâimagination. Chacun en est heurtĂ©,
mais aucuns en sont renversés.
Michel de Montaigne,
Essais.
L
a Question, de Henri Alleg, aux
Ăditions de Minuit. Il nây a plus
rien à en dire. Tout ce qui a été
dĂ©noncĂ© reçoit ici, dâune des victimes,
un témoignage sobre, qui a le ton neutre
de lâHistoire.
François Mauriac,
le Nouveau Bloc-Notes.
â «
M
adame Sicagne, crie Joi-
gneau, voilĂ des nouvelles
de votre apprenti-curé ! »
Augustin Sicagne est au séminaire du
diocĂšse.
Roger Martin du Gard,
Vieille France.
85
LETTRINE
Vous me direz, la tradition, on nâen a rien Ă branler. Oc, oc, mais alors
pourquoi employer des lettrines, formes traditionnelles sâil en est ? Pour jouer
avec la tradition, la dĂ©tourner, lâenrichir et toutes ces sortes de choses passion-
nantes ? Dâaccord, mais avant de jouer, mieux vaut connaĂźtre les rĂšgles du jeu.
Si vous dites « guille ouvrant dans le corps de la lettrine parce que câest plus
chouette », que ferez-vous, pour rester cohérent et fidÚle à votre parti « esthé-
tique », avec un tel début de chapitre :
« ⊠Câest la sueur des sĂšves en exil »,
Ă©crit Saint-John Perse dans
Images à Crusoé ? Guillemet ouvrant, espace,
points de suspension, espace, C cap et apostrophe dans le corps de la lettrine ?
Il est vrai que lâexemple est vicieux et que lâon nâa pas tous les jours lâocca-
sion de composer des textes oĂč lâon cite Saint-John Perse et ses points de
suspension initiaux, ce qui est bien dommage. CâĂ©tait juste pour illustrer le
propos⊠PlutĂŽt que de se demander : quâest-ce que je fous avec les guille-
mets ou lâapostrophe en contact avec une lettrine (comme si câĂ©taient les seuls
cas particuliersâŠ), mieux vaut sâinterroger sur le statut des lettrines et sur les
raisons qui nous poussent Ă les utiliser, le plus souvent nâimporte comment et
nâimporte oĂčâŠ
Le monde rĂ©el malmĂšne les grands principes, câest ce qui fait une partie de
son charme. Je ne tiens pas mes comptes Ă jour, mais disons quâune fois sur
deux je ne peux obtenir des maquettistes quâils composent correctement les
lettrines. « Trop compliquĂ© ! Les logiciels de mise en pages ont une âgestionâ
rustique des lettrines ! » Parfois, jâinsiste, parfois non (il est des cas dĂ©sespĂ©rĂ©s
oĂč se vĂ©rifie lâadage selon lequel le mieux est lâennemi du bienâŠ). Selon les
cas et dâaprĂšs mes performances personnelles, de trente secondes Ă deux
minutes pour régler finement chaque lettrine ne me semblent pourtant pas
des temps rĂ©dhibitoires, sauf si lâon sâamuse Ă foutre des lettrines partoutâŠ
mais, Ă dire vrai, tout cela nâa guĂšre dâimportanceâŠ
Petites capitales,
débord à gauche, etc.
Ă Typographie, le 9 novembre 1999.
J. André :
Je viens de voir que ton ami Perrousseaux en parle en quatre
pages bien illustrées dans son
Mise en page et impression
, et ce quâil y
raconte me va fort bien !
Pas Ă moi⊠[âŠ]
Un exemple⊠Pour « justifier » son parti (pas de retrait au premier para-
graphe), il ose Ă©crire ceci : « Il provient de lâĂ©criture manuscrite des secrĂ©tariats
dâavant les machines Ă Ă©crire, du temps oĂč lâon Ă©tait âemployĂ© aux Ă©crituresâ.
La dactylographie a suivi, ce qui se comprend. à ne pas faire en typographie. »
86
LETTRINE
Alors⊠de deux choses lâune⊠soit il nâa jamais ouvert un livre antĂ©rieur aux
temps quâil Ă©voque, soit il raconte sciemment nâimporte quoi. Je vais te direâŠ
Y en a marre de ces explications Ă la mords-moi-le-nĆud⊠DĂšs quâon ne
comprend pas une caractĂ©ristique typographique, miracle, câest la faute aux
secrĂ©taires ! Et si ce nâest toi, câest donc ton pĂšre, le gratte-papier ! Bon sang !
mais câest bien sĂ»r ! Les compositeurs sont formĂ©s chez Pigier depuis plusieurs
siĂšcles ! (PriĂšre de ne pas me renvoyer dans le nez lâinfluence considĂ©rable des
copistes sur les premiers typographes, cela nâa rien Ă voir et cela nâest pas ce
que Perrousseaux croit pouvoir dénoncer ici.)
Tiens, une autre, pas piquée des vers : « Ce qui veut dire que le premier
paragraphe (quâil soit ornĂ© dâune lettrine ou non) dĂ©bute justifiĂ© Ă gauche
car il nâoffre aucune ambiguĂŻtĂ© de comprĂ©hension. » Elle est bonne⊠SĂ»r et
certain, le lecteur nâest pas con au point de ne pas reconnaĂźtre le premier para-
graphe. Si on lui offre parfois une lettrine, câest sans doute que lâon craint de
tomber sur un quidam particuliĂšrement bornĂ© ou inattentif⊠Ah ! jâoubliais,
une lettrine⊠câest pour faire joliâŠ
Alors, supprimons la majuscule initiale des premiers paragraphes ! Pas
dâambiguĂŻtĂ© ! On nâest pas idiots ! On voit bien, oui, trĂšs distinctement mĂȘme,
quâil nây a pas de phrase avant la premiĂšre phrase⊠à pleurer.
à Typographie, le 3 décembre 1999.
O. Randier :
Sâil nây a pas de lettrine, il nây a pas lieu dâutiliser les petites
capitales dans ce cas.
Pas tout Ă fait dâaccord. La (bonne) typographie anglaise ne se prive pas de
cette possibilité. Elle a bien raison.
O. Randier :
La fonction (?) des petites caps est dâassurer une transition
visuelle entre la lettrine en grande cap et la suite du texte en bas de casse.
Câest exact, mais en lâabsence de lettrine rien nâinterdit de continuer Ă faire
jouer aux petites caps un de leurs rĂŽles, celui de seuil solennel, dâentrĂ©e
majestueuse (ou dâhĂŽtesses dâaccueilâŠ). Leur intervention suffit Ă donner Ă la
grande cap « ordinaire » qui les précÚde un air de lettrine.
O. Randier :
Et pourquoi ne pas mettre dâalinĂ©a au premier paragraphe ?
PrĂ©cisĂ©ment⊠cette pratique nâa de sens que dans les premiers para-
graphes sans retrait dâalinĂ©a. Sinon, tu as raison, ce serait complĂštement
débile.
Ă Typographie, le 5 novembre 2000.
A. Hurtig :
Lettrines, petites et grandes capitales : câest la deuxiĂšme fois
que jâutilise un systĂšme dĂ©couvert dans un ouvrage du
xvii
e
ou
xviii
e
siĂšcle :
aprĂšs la lettrine, mettre une grande capitale puis continuer avec des petites
capitales le mot ou le groupe de mots qui suivent.
87
LETTRINE
Tu veux une caution ? Voici ce quâĂ©crit Fertel (1723) : « La Lettre qui suit immĂ©-
diatement la
Lettre de deux points
, doit ĂȘtre de grande capitale,
&
le reste du
mot en bas de Casse,
&
pour un plus bel ornement, on peut le faire de petit
capital. » Le plus souvent, Fertel applique à la lettre son conseil.
A. Hurtig :
Il semble que ça a été une pratique trÚs courante, peu à peu
tombée en désuétude.
Oui, heureusement tombée en désuétude⊠Les petites caps suffisent
amplementâŠ
A. Hurtig :
Je trouve ça joli et marrant.
Je trouve ça ignoble et consternant !
A. Hurtig :
Ăa fait enrager (je ne sais pas pourquoi) certains de mes
copains, participants de la liste Typographie.
Probablement parce que tes copains ont bon goĂ»tâŠ
A. Hurtig :
Je remercie Jean-Pierre Lacroux, qui réprouve le procédé, de
mâavoir amicalement fourni la citation de Fertel.
Ă F.L.L.F., le 14 janvier 2002.
M. Guillou :
Pour revenir un instant sur ton commentaire, tu signales lâali-
gnement de la lettrine Ă gauche avec les pointes des empattements qui
auraient pu ĂȘtre en marge.
Pas « pu », « dĂ» »⊠LĂ©gĂšrement, sâentend.
Ă Typographie, le 13 janvier 2002.
A. Hurtig :
Le Monde
dâhier datĂ© dâaujourdâhui consacre un long dossier Ă
sa nouvelle formule.
DĂšs le premier paragraphe, les ravages du typographisme et de lâinculture
typographique sont patents. Belle collection dâhorreurs qui pourrait ĂȘtre utile
dans un cours pour débutants.
Lâhypertrophie de la lettrine â quelle beautĂ© ! elle occupe visuellement la
moitiĂ© de la justif, de lâĂ©troite justif ! Sens des proportions harmonieuses ! â
engendre bien des joyeusetés.
Passons sur le fait que la pointe de ses empattements est en retrait au
lieu dâĂȘtre en lĂ©ger dĂ©bord, passons sur le fait (aujourdâhui frĂ©quent) que
la premiĂšre ligne est dans lâalignement des suivantes et admirons les deux
coupes successives devant une syllabe muette finale (la seconde est une
cumularde : « xe », câest du grand art !), admirons surtout que cette audace dans
les coupes se soit arrĂȘtĂ©e devant « retrouverez »⊠afin de sauvegarder la belle
expressivité du petit blanc qui sépare « que » de « vous ».
88
LETTRINE
Pour les plus typographes dâentre nous, restent des subtilitĂ©s comme
lâinterlettrage trĂšs savant de « a f f i r mation »⊠Les mecs qui composent le
français sur une justif réduite volontairement à quinze signes par ligne sont
indubitablement géniaux.
LĂ©zarde fi
Gris.
Rencontre fortuite de plusieurs espaces-mots situées sur des lignes
successives. Il se forme alors une ligne blanche, verticale ou oblique,
sinueuse ou rectiligne. Des espaces-mots fortes, associées à des valeurs
dâinterlignage et dâapproche faibles, nulles ou nĂ©gatives, favorisent
lâapparition de ces balafres et accentuent leur e
â
et désastreux.
On dit également : coup de sabre, rue, cheminée (ligne quasi
verticale et quasi rectiligne).
Des lézardes volontaires
Ă Typographie, le 6 octobre 1998.
Cher A. H., [âŠ] tu as Ă©crit : « Je laisse les lĂ©zardes en place, trop content
quand elles sont belles et grandes, et que le regard dégouline dedans. »
TrÚs intéressant ! à ma connaissance (il est vrai limitée), les lézardes, ruelles et
autres cheminĂ©es sont peu exploitĂ©es. Quelquâun connaĂźt-il des exemples
dâimmenses lĂ©zardes volontaires ? Pas trop anecdotiques, plutĂŽt dans le genre
abstraction lyrique⊠Tu vois ce que je veux dire ? Des pavés dont la couleur (la
robe ?) serait plus proche de celle du zĂšbre (du tigre, voire plus modestement
de lâokapi) que de celle de lâĂąne gris ou du chartreuxâŠ
T. Bouche :
En restant trÚs anecdotique, je suppose que les livres cuttérisés
de Vachey ne répondent pas vraiment à ta question⊠Mais, que dire des
pavés lacérés ou estropiés de
Fuzzy sets
de Claude Ollier ?
Y a pas de lézard(e).
T. Bouche :
Sinon je réalisais récemment à quel point mes lectures de
jeunesse (essentiellement le Livre de poche, je présume) avaient été guidées
par ses coulures, et à quel point elles étaient fréquentes.
⊠Mais tristement involontaires⊠Moi, je cherche du reptile maßtrisé,
domestiquĂ© ! (Saurie, J. A., pour cet humour de cafĂ©.) ProblĂšme techniqueâŠ
Seul un « auteur-compositeur » peut obtenir une belle lézarde expressive, à la
fois volontaire et typographiquement « plausible ».
89
LETTRINE
LĂZARDE
T. Bouche :
On a beau critiquer lâinformatique, il me semble que la situation
sâest amĂ©liorĂ©e au point de provoquer ce
désir
(pervers, forcément pervers,
jây insiste !) de lĂ©zardes chez dâaucuns.
Cette nostalgie de lâaccident nâĂ©pargne personne, pas mĂȘme les dessi-
nateurs de caractĂšres.
Câest lĂ que rĂ©side la grande perversité⊠Sâil est vrai (Ă mon sensâŠ) que
lâĂ©volution des techniques (compo, impression, papier, etc.) engendre des
documents plats, sans saveur, peu sensuels, tristounets, aseptisés (du moins
pour les vieux connards comme moi qui en sont encore, certains soirs, Ă
regretter de subtils foulages ou des lignes Ă lâoccasion dansantesâŠ), je ne
crois pas que la vie soit Ă chercher en prioritĂ© dans les accidents dâhierâŠ
J. André :
Il y en a une de splendide, câest celle que Richaudeau montre
dans son bouquin
Manuel de typographie et de mise en page
(p. 129) oĂč il a
manifestement pris un texte quelconque et oĂč il a forcĂ© des blancs Ă y appa-
raĂźtre pour former une lĂ©zarde tellement grossiĂšre quâĂ©videmment personne
nâest dupe, quâelle nâest pas « plausible », comme tu dis !
Oui⊠cette lĂ©zarde nâen est pas une⊠câest une pitrerie, une supercherie
pour gogos.
Elle est nĂ©anmoins intĂ©ressante⊠puisquâelle tĂ©moigne de la difficultĂ© (pour
qui ne souhaite pas en faire tropâŠ) dâobtenir aujourdâhui une vraie lĂ©zarde
(avec une police Ă chasse proportionnelle et un logiciel qui impose ligne Ă
ligne ses calculs de lâespace justifiante)âŠ
J. André :
Mais en forçant effectivement un texte, on pourrait faire plein de
lézardes, faire un zÚbre par exemple !
Oui, mais câest pas dâjeu⊠Ce que la remarque dâAlain H. mâa donnĂ© lâenvie
de dĂ©busquer, câest une belle balafre volontaire et, comme tu lâas notĂ©, « typo-
graphiquement plausible », câest-Ă -dire constituĂ©e dâespaces « correctes »âŠ
Une sorte de signature de Zorro, une fissure inquiétante, une crevasse qui
déchire intégralement ou partiellement le pavé avec naturel, sans raideur
mĂ©canique⊠Câest probablement plus un problĂšme dâĂ©criture que de compo.
â
90
LĂZARDE
Ligature fi
Accentuation, Crénage.
&
&
ĂŠ ĂŠ
Ă Ă
Ć Ć
Ć Ć
ct
Ă
ct
â«
st
Ï
st
âŠ
f i fi
f i
fi
f l fl
f l
fl
f f
â
f f
â
f f i
â
f f i
â
f f l
â
f f l
â
Dâautres pĂ©nibles rencontres nâont jamais engendrĂ© de ligature
(Gutenberg
1995
). Câest par exemple le cas du couple
fĂź
⊠Jadis, on
jetait une espace dâun point entre ces deux lettres. Rien nâinterdit de
perpétuer cette saine pratique.
Digrammes (a-e, O-E, IJ, châŠ)
et « ligatures soudées »
à Typographie, le 31 août 1998.
B. Leraillez :
Donc, pour les digrammesâŠ
Un peu de pinaillageâŠ
Digramme : deux lettres pour un seul son⊠Les ligatures
Ć
et
ĂŠ
sont effec-
tivement des « digrammes », mais je crois quâil faut employer ce terme avec
prudence et éviter de mélanger les « plans ».
Dâabord, comme vous le faites, il faut toujours prĂ©ciser « digramme
soudé »⊠car, par exemple, dans
fleur
il y a Ă©ventuellement une ligature
fl
mais il y a nĂ©cessairement un digramme (non soudĂ©âŠ) :
eu
âŠ
Ensuite, dans
Ćufs
, il y a une ligature (ou digramme soudĂ©âŠ)
Ć
, mais il y
a aussi un pentagrammeâŠ
91
LIGATURE
Enfin⊠et surtout⊠prenez une police comme le Poetica : vous y trouverez
une ligature
Ch
:
c
⊠or, cette ligature est également un digramme⊠donc,
ici, un digramme « soudĂ© »âŠ
Voilà pourquoi je préfÚre la distinction traditionnelle entre ligatures « linguis-
tiques ou orthographiques » (
Ć
,
ĂŠ
) et ligatures « esthétiques ou typogra-
phiques » (
fi
,
fl
,
â
, etc.).
(On pourrait ajouter un autre fait⊠qui ne concerne pas les ligatures fran-
çaises : en néerlandais,
ij
est une ligature « linguistique »⊠or, ce nâest pas un
digrammeâŠ)
à F.L.L.F., le 31 août 2000.
F. Molina :
Dans dâautres langues â et peut-ĂȘtre aussi en français â on
distingue les ligatures esthétiques (par exemple
fi
).
fi
,
fl
,
â
,
â
,
â
sont des ligatures techniques, motivées par le crénage (au
sens précis de ce terme en composition chaude). Les critÚres esthétiques
nâexpliquent rien ici.
En revanche,
Ă
est une ligature « esthétique ».
F. Molina :
Et les digraphes, ou digrammes (en anglais) tels que
Ć
,
ĂŠ
; en
Italie on préfÚre dire monogramme, comme pour les initiales, ce qui semble
plus approprié : en français le digramme est le groupe de deux lettres transcri-
vant un seul son, tel « ou » pour
u
.
Câest pourquoi, dans mon jargon imprĂ©cis,
Ć
et
ĂŠ
sont des « digrammes
soudés » ou des ligatures orthographiques. Jacques André et Yannis Hara-
lambous parlent aussi de ligatures linguistiques, mais ce qualificatif me
pompe lâairâŠ
J. André :
Mais je ne sais pas si ce que tu appelles ligatures orthographiques
montre bien la spĂ©cificitĂ© dâune langue donnĂ©e⊠(
Ć
français,
ij
néerlandais,
ch
breton, etc.).
Ă mon sens, le
ij
nĂ©erlandais nâest pas un vĂ©ritable digramme (deux lettres,
certes, mais aussi deux sons)⊠et â navrĂ© pour cette coordination absurde,
mais elle me fait rire⊠â il nâest pas soudé⊠du moins physiquement
(car si « soudé » est compris comme « insécable » ou « composé de deux
signes insĂ©parables », tous les digrammes sont « soudĂ©s »âŠ). Ce nâest donc
pas davantage une ligature, au sens strict et typographique du terme. Sa
particularitĂ© est pourtant de rĂ©agir comme un digramme soudĂ© en tĂȘte des
noms propres :
Ć
dipe dans lâ
IJ
sselmeer. Câest une bizarrerie charmante, je
lâaime bien.
Quant au
ch
et au
câh
bretons⊠je te fais confiance ! mais, là encore, je ne
vois pas pourquoi il faudrait les appeler « ligatures ».
92
LIGATURE
Ă F.L.L.F., le 1
er
décembre 2000.
T. Bouche :
DâoĂč le barbarisme inventĂ© par lâISO (« digramme soudĂ© »).
Ce nâest pas un barbarisme, mais une expression Ă©patante, trĂšs claire, que
jâemploie avec plaisir et convictionâŠ
Ă
,
ĂŠ
sont Ă la fois des ligatures et des
digrammes. DâoĂč lâexcellente idĂ©e de les nommer, Ă lâoccasion, « digrammes
soudĂ©s », histoire de faire dâune pierre deux coups.
« Ligature » décrit le lien graphique, la soudure physique, mais toutes les liga-
tures ne sont pas des digrammes (
fi
âŠ), et la quasi-totalitĂ© des digrammes ne
sont pas des ligatures (
ph
,
on
,
an
,
in
,
ou
, etc.).
T. Bouche :
Il existe des digrammes dessoudĂ©s dans dâautres languesâŠ
Ce qui nâa jamais Ă©tĂ© soudĂ© nâa pas Ă ĂȘtre dessoudĂ©âŠ
T. Bouche :
⊠oĂč ils se comportent comme une lettre unique (impossible de
les diviser en fin de ligne, p. ex.) :
ij
en flamand,
ch
en espagnol, etc.
Aucun digramme, quelle que soit sa nature, ne peut ĂȘtre divisĂ© en fin de
ligne⊠Le
ch
français nâest pas plus divisible que ses confrĂšres⊠Quant au
ij
nĂ©erlandais, câest une ligature, mais ce nâest pas un digrammeâŠ
T. Bouche :
Pourquoi pas liés ou ligaturés, alors ?
« LiĂ© », je nâaime pas trop, mais « ligaturĂ© » est trĂšs bien !
T. Bouche :
Jâentrevois ce que tu veux dire :
ij
est une diphtongue, câest ça ?
à proprement parler, non, car il y a une semi-consonne dans le coup⊠Va
pour une « sorte de diphtongue »âŠ
T. Bouche :
Mais est-ce vraiment une ligature, puisque rien ne lie
i
et
j
âŠ
Alors⊠?
Alors⊠cette Ă©trange chose, qui nâest ni un digramme ni une honnĂȘte liga-
ture, réagit comme un digramme ligaturé (
ij
>
IJ
)⊠Alors⊠puisque ce nâest
certainement pas un digramme, autant lâappeler ligature⊠câest moins fauxâŠ
câest mĂȘme quasiment vraiâŠ
Ligatures esthétiques, ligatures techniques
Ă Typographie, du 27 au 28 mai 1998.
A. Hurtig :
Mon fils Martin (huit ans) a inventé ce matin « une nouvelle
lettre ». Il sâagit de ligaturer le
F
et le
L
⊠Remarque : les capitales se ligaturent
peu, voire pas du tout, et on se demande pourquoi (Ă lâexception des ligatures
linguistiques, of course).
Ă mon avis, en compo ordinaire, deux caps qui se suivent, câest plutĂŽt rare,
sauf dans les acronymes, les salauds, et, surtout, sauf si on compose en tout
93
LIGATURE
cap et alors lĂ , y a intĂ©rĂȘt Ă pouvoir jouer un peu sur lâinterlettrage, par consĂ©-
quent, des ligatures non linguistiques limiteraient la marge de manĆuvre. Le
problĂšme se pose moins avec les petites caps.
A. Hurtig :
On voit que des ligatures intelligentes sur les capitales donnent
une vie au mot, les lettres se croisent, sâentrechoquent, se marient. On dirait
presque de la calligraphie, et si le dessin est intelligemment fait, lâĆil se met
à voler au-dessus de la ligne, rendant la lecture trÚs agréable (et mystérieuse
en mĂȘme temps).
Oui⊠on dirait presque de la calligraphie⊠et câest sans doute pour cela
que je ne suis pas vraiment preneur⊠Attention ! jâexprime juste mon goĂ»tâŠ
je ne tiens pas à lancer un débat sur les relations entre calligraphie et typo-
graphie, encore moins sur la nostalgieâŠ
Si, juste un mot.
Parmi les polices modernes qui disposent dâun grand nombre de capitales
ligaturĂ©es figurent les linĂ©ales gĂ©omĂ©triques, par exemple lâAvant-Garde (et ses
divers clones). Faut bien compenser : quand on déshabille les caps, faut bien
restituer un peu de chaleur.
A. Hurtig :
Ăvidemment, ça ne peut ĂȘtre utilisĂ© que pour un slogan, une cou-
verture de livre, une affiche, bref de la typo artistique (ou se voulant telle).
Câest pourquoi je parlais de compo « ordinaire ». Les compos « graphiques »,
câest une autre affaire. Ici, on peut ligaturer Ă tour de bras. On peut mĂȘme
composer une page de titre ou une affiche comme une succession de
logotypes, voire comme un unique logotype. Câest sans doute encore de la
typographie mais ce nâest plus exactement de la composition typographique.
T. Bouche :
Pas dâaccord (ouf !). Le plomb est mort (mĂȘme la distinction
photocompo/phototitrage), il y a un continuum entre la typo dâaffiche et celle
de texte : jusquâĂ quel point un texte, pour ĂȘtre bien composĂ©, ne devrait-il pas
ĂȘtre une vaste ligature ?
Que le plomb soit mort en tant que technique, câest sĂ»r. Pour autant,
son héritage est là , considérable, massif, difficilement ébranlable dans son
ensemble. On peut lâĂ©gratigner sur ses marges, le rĂ©duire ou le modifier peu
Ă peu, câest souhaitable, et il serait dramatique de considĂ©rer que les
techniques nouvelles nâintroduisent pas des possibilitĂ©s nouvelles⊠mais je
crois quâil est abusif de considĂ©rer que lâabsence de lien entre les lettres nous
a Ă©tĂ© imposĂ©e par le plombâŠ
Ăa remonte plus haut, ça remonte mĂȘme Ă la naissance de lâalphabet. Ce
nâest pas le plomb qui a sĂ©parĂ© les lettres, je crois mĂȘme que câest lâinverse :
câest parce quâelles Ă©taient sĂ©parĂ©es quâun Strasbourgeois nĂ© Ă Mayence a
inventĂ© les caractĂšres mobiles en mĂ©tal⊠LâĂ©criture a Ă©videmment trĂšs tĂŽt
engendré des ligatures, la main la plus précise a parfois besoin de confort, il
94
LIGATURE
est normal quâelle se laisse aller Ă son propre mouvement, mais est-il prouvĂ©
que lâĆil y gagne quelque chose ?
Sans surestimer le risque de rĂ©gression (je nây crois guĂšreâŠ), il est lĂ©gi-
time de penser quâil y a une petite contradiction entre la gĂ©niale invention de
lâalphabet et la liaison Ă outrance, ou, si lâon veut⊠entre la lettre et le logo-
type gĂ©nĂ©ralisĂ©âŠ
T. Bouche :
Je tiens tout de mĂȘme Ă prĂ©ciser que, quand jâai parlĂ© de liga-
ture (généralisée), je ne pensais pas forcément à des liaisons de lettres, mais
à des combinaisons spécifiques de lettres. Ma réflexion portait sur la micro-
typo : un logotype est bien souvent simplement un mot composĂ© dâune façon
et dâune seule (police, graisse, espacement), il nây a pas
nécessairement
modification de la forme des lettres [âŠ], et encore moins de ligatures au sens
de liaisons cursives.
Bref, je voulais dire que, pour amĂ©liorer insensiblement la qualitĂ© (et lâinvi-
sibilitĂ©) dâune page de texte, on peut imaginer que le contexte influe sur la
forme et lâespacement de chaque lettre diffĂ©remment Ă chaque occurrence de
cette lettre, la page entiÚre réagissant de façon dynamique à son contenu,
pas seulement comme de nos jours deux lettres consĂ©cutives. [âŠ]
Je ne désire donc pas revenir à une écriture manuscrite cursive simulée
et illisible, mais plutĂŽt aller au-delĂ de Gutenberg (qui, soit dit en passant,
utilisait beaucoup de ligatures préfabriquées, de chasses variables, qui lui per-
mettaient dans une certaine mesure de justifier par les noirs).
Pas moins que la prĂ©cĂ©dente⊠mais, comme elle ne dit pas la mĂȘme chose
(les ligatures ont cĂ©dĂ© du terrain Ă lâapprocheâŠ), il se trouve que cette fois je
suis dâaccord avec ce que tu viens dâĂ©crireâŠ
Ă F.L.L.F., le 1
er
décembre 2000.
J. André :
Câest amusant : si on regarde le cousin (germain ou latin ?) de
Ć
,
le
ĂŠ
qui a droit Ă Iso Latin-1, on ne parle jamais, Ă ma connaissance, de
a dans
lâe
, ni du contraire.
« L, a, e dans lâa, t, i, t, i, a⊠»
J. André :
Essayez de coller (ligaturer ?)
A
et
E
pour faire la ligature capitale
Ă
, ça colle pas vraiment !
Comprends pas⊠Une ligature impose presque toujours une déformation,
une modification du dessin (ton exemple du
Ć
est parfois valide en caps, non
en b. d. câŠ). Prends un
f
et un
i
, rapproche-les⊠tu nâauras pas une ligature,
mais une approche foireuse⊠Je ne vois donc pas oĂč est la spĂ©cificitĂ© du
Ă
âŠ
â
95
LIGATURE
Ligne creuse fi
Cadratin.
Ligne creuse : ligne qui nâemplit pas entiĂšrement la justification.
Ligne perdue : ligne de texte placée entre deux lignes de blanc.
Ligne pleine : ligne qui occupe toute la justification.
Ligne pointée : ligne formée de points, destinée à remplacer un
passage omis.
Typographie soignée.
La derniÚre ligne de chaque alinéa est le plus souvent creuse : elle
nâemplit pas entiĂšrement la justification. Si le blanc restant est infĂ©-
rieur au cadratin (carré blanc de la force du corps), il est horriblement
mesquin et perturbe lâalignement de droite. Tous les typographes
sâaccordent sur ce point, non sur le remĂšde. Il faut chasser, mais oĂč ?
et pour obtenir quoi ?
Le plus simple consiste Ă jeter du blanc sur la seule derniĂšre ligne,
afin de la rendre pleine. Avantage : aucune répercussion sur la suite de
la composition. Inconvénient : pour respecter une rÚgle, on en bafoue
une autre⊠car la belle typographie nâadmet pas davantage les der-
niĂšres lignes pleines en fin dâalinĂ©a dans les compositions en alinĂ©aâŠ
En outre, si lâon est contraint de jeter beaucoup de blanc, lâespacement
de la derniÚre ligne ruinera le gris typographique, conséquence plus
dĂ©sastreuse quâun lĂ©ger dĂ©faut dâalignement Ă droite.
Il faut donc chasser sur plusieurs lignes, afin de créer une nouvelle
ligne, franchement creuse, en priant pour que cette modification
nâentraĂźne pas de consĂ©quences fĂącheuses un peu plus loin.
Si la chasse est infructueuse ou engendre un dĂ©faut dâespacement,
on peut Ă©ventuellement tenter de gagner sur plusieurs lignes afin de
raccourcir la derniĂšre. Si Ă ce jeu lâon nâa rien Ă gagner, on se rabattra
sur la ligne pleineâŠ
Veuves et orphelines
.
La typographie ne dĂ©fend pas la veuve et lâorphelin.
Elle les condamne vigoureusement.
â
Veuves et orphelines sont bien sĂ»r admises dans les dialoguesâŠ
96
LIGNE CREUSE
Veuves du haut ou veuves du bas ?
Ă Typographie, le 12 mai 1997.
T. Bouche :
Pourquoi lâorphelin est-il un garçon et la veuve nâest pas un
veuf ? Les veuves ne sont-elles pas les femmes mariĂ©es qui ont lâavenir le plus
ouvert ?
Pour
orphan
et
widow
, ça vient de leur traditionnelle dĂ©fense⊠Dâailleurs,
en anglais,
orphan
désigne aussi bien une orpheline (
Little Orphan Annie
âŠ).
Chez nous, puisquâil sâagit de lignes, veuve et orpheline ont un trĂšs bon
genre⊠On imagine mal une ligne veuf ou orphelin.
Ă Typographie, le 22 mai 1998.
J. Melot :
Le fait que le dernier mot â supposĂ© court â ou la derniĂšre
syllabe du dernier mot dâun alinĂ©a se trouve renvoyĂ© Ă la ligne est largement
de mĂȘme nature (du point de vue de la qualitĂ© de la mise en page), et
pourrait ĂȘtre Ă©galement qualifiĂ© dâorphelin dans un sens un peu Ă©largi, Ă cela
prĂšs que dans ce cas il nây a pas association Ă une notion de veuve⊠Sauf,
prĂ©cisĂ©ment, lorsquâil se produit lors dâun passage Ă la page suivante, auquel
cas les deux notions se confondent.
Justement non⊠Vous confondez (comme le
Ramat
âŠ) les lignes creuses,
les veuves et les orphelines⊠La notion de ligne creuse (qui implique
dâautres contraintes) recouvre partiellement celle de ligne veuve mais certai-
nement pas celle de ligne orpheline, qui, dans le cas dâun dĂ©but dâalinĂ©a
dâau moins deux lignes, est nĂ©cessairement pleine (moins lâĂ©ventuel retrait
dâalinĂ©aâŠ).
Pour avoir au moins une ligne « fautive » (creuse ou non), il faut des alinéas
dâau moins deux lignes (qui peuvent engendrer le top du fin du fin : une
orpheline suivie dâune veuveâŠ).
Une brĂšve ligne de dialogue, mĂȘme trĂšs courte (un ou deux motsâŠ), peut
se retrouver en tĂȘte ou en bas de page, elle ne sera pas pour autant qualifiĂ©e
de « veuve » ou dâ« orpheline ». Heureusement⊠Si lâon veut pousser un peu
le taxinomĂštre, on pourra diviser les deux espĂšces en deux sous-espĂšces, les
unes simplement non comestibles (orphelines paires et veuves impaires),
les autres vĂ©nĂ©neuses, voire mortelles (orphelines impaires, veuves paires)âŠ
Ă Typographie, du 31 mars au 23 avril 1999.
J. André :
Le
Webster
se plante car il manque dans chaque définition
quelque chose comme : « That is alone on the bottom/top of a page. »
Je ne suis pas sĂ»r quâil se plante. Il dit en tout cas la mĂȘme chose que le
Bringhurst
⊠[âŠ]
97
LIGNE CREUSE
1. En français le féminin « orpheline » est une évidence (ligne veuve, ligne
orpheline).
2. MĂȘme si les objections de J. Melot sont valides, lâadoption de ces termes
(avec des acceptions prĂ©cises et fixes) nâest pas une mauvaise idĂ©e⊠car ils
sont déjà employés (par exemple dans les logiciels) plus ou moins indistinc-
tement. Nous aurions pu nous en passer, mais il faut bien de temps en temps
tenir compte de la rĂ©alitĂ© : les veuves et les orphelines sont parmi nousâŠ
autant ne pas trop troubler leurs sens.
3. Puisque nous les adoptons, il est nĂ©cessaire de leur confier les mĂȘmes
rĂŽles quâen anglais. Il nâest jamais sain de crĂ©er des problĂšmes parfaitement
inutiles.
4. Je suis Ă peu prĂšs certain que la veuve est une ligne creuse en haut de
page (ou de colonneâŠ) et que lâorpheline est la premiĂšre ligne dâun alinĂ©a ou
dâun paragraphe en bas de page (ou de colonne). La veuve est gĂ©nĂ©ralement
creuse (mais pas nĂ©cessairement), lâorpheline a toutes les chances dâĂȘtre
pleine (moins lâĂ©ventuel retrait dâalinĂ©a)⊠Vulgaire, mais mnĂ©mo-nique.
P. Jallon :
Je suggĂšre quâon interroge un trĂšs vieux prote, quelquâun qui
aurait eu, dans un pays francophone, une trÚs longue et ancienne expé-
rience⊠et qui serait encore suffisamment lucide pour distinguer une veuve
dâune orpheline (quoique Ă cet Ăąge-lĂ , tout soit bon Ă prendre) !
DĂ©terre autant de fossiles que tu voudras : ils te rĂ©pondront tous quâils
nâont jamais entendu parler de veuves ni dâorphelines. Tu vas te salir les mains
pour rien.
P. Jallon :
Ainsi pourrait-on sâen remettre Ă la mĂ©moire (pas dĂ©faillante)
dâun ancien, plutĂŽt quâĂ des dicos anglophones qui, eux-mĂȘmes, nâont pas lâair
dâĂȘtre dâaccord entre euxâŠ
Ils ne sont pas si en dĂ©saccord que çaâŠ
J. Fontaine :
Pour fins de comparaison, voici ce que dit le mĂȘme Ramat dans
une édition ultérieure (
le Ramat de la typographie
, 3
e
édition, 1997) : « Une
ligne creuse ne doit jamais se trouver au sommet dâune colonne ni dâune
page. » « Une veuve est un mot entier ou coupé qui se trouve seul sur une
ligne au sommet dâune colonne ou dâune page, ce qui est inacceptable. Un
orphelin est un mot entier ou coupé qui se trouve seul sur une ligne au
bas dâune colonne ou dâune page, ce qui est Ă©galement inacceptable. » On
remarquera quâil a supprimĂ© quelques mots de ses dĂ©finitions antĂ©rieures.
Les nouvelles définitions ne sont pas meilleures que les anciennes⊠Elles
ont nĂ©anmoins le mĂ©rite dâajouter une voix au concert de ceux qui voient la
veuve en haut et lâorpheline en basâŠ
J. Fontaine :
Et voici ses définitions des lignes creuses et pleines : « Une ligne
creuse est une ligne plus courte que la justification. Une ligne pleine est une
98
LIGNE CREUSE
ligne justifiée pleine mesure. Une ligne creuse ne doit jamais se trouver au
sommet dâune colonne ni dâune page. »
Cela nâa aucun sens ! Admettons que lâellipse pour « composition justifiĂ©e »
soit lĂ©gitime (sinon, il y aurait beaucoup de choses amusantes Ă direâŠ), il faut
nâavoir jamais composĂ© de dialogues pour oser Ă©crire çaâŠ
Pour quâil y ait une veuve (ou une orpheline), il faut avoir affaire Ă un alinĂ©a
(ou Ă un paragraphe) qui compte au moins deux lignes⊠ĂlĂ©mentaire, mon
cher Watson.
Encore quatre mots sur les veuves et les orphelinesâŠ
1. Jâai lâimpression (jâaimerais quâelle soit confirmĂ©e par des typographes
anglophones) que les
widows
sont beaucoup plus ùgées que les
orphans
âŠ
ce qui pourrait expliquer certains flottements. Il semblerait quâĂ lâorigine
widow
dĂ©signait une ligne isolĂ©e et sĂ©parĂ©e de son alinĂ©a, quâelle soit en haut ou en
bas de page (ou de colonne). Câest pour distinguer les deux cas que les
orphans
auraient été engendrées. (Cette acception générique de
widow
est
dâailleurs celle du
widow control
de certains logiciels.)
2. Jâai trouvĂ© un argument dĂ©cisif en faveur des orphelines en bas : le vert
opuscule intitulé
Mise en page et impression
les situe en haut.
3. Ce qui mâennuie (beaucoup), câest que Paput dit la mĂȘme chose.
4. Je persisterai néanmoins à prétendre le contraire tant que personne
nâaura citĂ© une source anglaise et digne de foi plaçant (explicitement) les
orphans
en haut. Dites-moi si je me goure, mais les seules qui sây risquent
franchement sont françaises⊠alors quâil y a dâestimables connaisseurs anglo-
phones qui nous disent sans ambages quâelles sont en bas. Quitte Ă traduire,
autant le faire intelligemment.
J. André :
Bien que jâaime beaucoup Paput, je ne vois pas en quoi il est ici
une rĂ©fĂ©rence : câest un graveur de caractĂšres, pas un compositeur (mĂȘme sâil
sây connaĂźt quand mĂȘme) !
Nous sommes bien dâaccord⊠Jâai dit que sa dĂ©finition mâennuyait pour une
raison bien simple : jâaurais aimĂ© ĂȘtre dâaccord avec quelquâun dont je respecte
le travail (ce qui revient Ă dire que jâaurais prĂ©fĂ©rĂ© quâil ne se plantĂąt pasâŠ).
Puisque nous sommes en plein recensement⊠voici un autre partisan de la
veuve en bas : Louis GuĂ©ry. Tu vois, je suis honnĂȘte, je nâhĂ©site pas Ă recruter
pour le compte des adversaires de mon campâŠ
J.-D. Rondinet :
Faute dâunanimitĂ©, jâen resterai dĂ©finitivement au français
« ligne creuse » (en tĂȘte et en pied).
Tâoublies quâune orpheline (pour moi⊠donc une veuve pour dâautres) nâest
pas une ligne creuseâŠ
Je suis dâaccord avec toi et Melot pour dire que lâon peut trĂšs bien vivre sans
jamais nommer ces lignes qui par définition ne devraient pas survivre à la
derniĂšre Ă©preuveâŠ
99
LIGNE CREUSE
Le problĂšme, câest que tout le monde en parle⊠et que certains le font
aprĂšs sâĂȘtre offert une petite ligne, ce qui complique diablement la situation.
MĂȘme entre gens sains et de bonne compagnie, comme ici, câest le bordel,
tâimagines dehorsâŠ
P. Jallon :
Pourquoi faut-il absolument
traduire
? Sommes-nous donc in-
capables, nous autres francophones, de penser par nous-mĂȘmes, avec nos
propres mots et nos propres concepts ?
Ta bonne foi mâenchante.
Les traducteurs improvisĂ©s sont Ă lâĆuvre depuis longtemps. Lâennui, câest
que, selon toute vraisemblance, certains ont traduit
widow
par « orpheline »âŠ
et
orphan
par « veuve ». Ah ! ils sont bons les francophones, ils pensent par
eux-mĂȘmes !
Que tu le veuilles ou non, ces termes sont employés dans les milieux que
nous frĂ©quentons et leur sens nâest pas encore fixĂ©. Câest de ce constat quâil
faut partir et non de nos inclinations⊠Lâinterrogation de Jean Fontaine nâest
pas creuse, elle est parfaitement justifiĂ©e. Si elle est rĂ©currente, câest bien quâil
y a un problĂšme, non ? Moi, je veux bien quâune fois de plus nous brisions lĂ ,
ça reposera les muets que nos radotages incommodent, mais alors engagez-
vous Ă ne plus jamais Ă©crire, Ă ne plus jamais prononcer ces mots dont vous
contestez lâexistence mĂȘme.
Et rendez-vous dans trois mois, dans un an, pour une nouvelle séance (sans
moi, autant te le dire tout de suite). Il serait plus malin que les partisans de
la veuve en bas sortent rapidement des recrues de poids.
Pour lâheure, et en gros, oui, trĂšs grossiĂšrement, nous avons Ă gauche, pour
la veuve en haut, lâĂ©quipe
Webster
â Bringhurst⊠et Ă droite, pour la veuve en
bas, lâĂ©quipe Perrousseaux â GuĂ©ry. Je crains quâĂ moins de prompts renforts
le match ne soit trÚs déséquilibré. Mais on ne sait jamais, une surprise est tou-
jours possible⊠Jâdis ça⊠mais si un veuvedubassiste nous ramĂšne une
dream team, jâaurai pas lâair conâŠ
J.-M. Paris :
Selon le
Chicago Manual of Style
(13
e
Ă©dition, 1982, et 14
e
Ă©dition,
1993), une
widow
ne saurait quâĂȘtre creuse (plus ou moins) et en haut de
page. « A widow, that is, a short line â one word or two or three little ones
(some say anything less than a full line) â at the top of a page. » Dâautre part,
cette source ne fait aucune référence à « orphan ».
Ăa ne sâarrange pas pour les veuvedubassistesâŠ
J. André :
Jâai reçu ça [dâAlan Marshall, directeur du musĂ©e de lâImprimerie,
Ă Lyon] : Voici les quelques dĂ©finitions que jâai trouvĂ©es chez moi.
René Billoux,
EncyclopĂŠdia chronologique des arts graphiques
, 1943. «
Ligne
boĂźteuse :
une queue dâalinĂ©a lorsquâĂ la mise en pages elle tombe en tĂȘte
de page. »
100
LIGNE CREUSE
Kenneison et Spilman,
Dictionary of Printing, Papermaking and Bookbind-
ing
, 1963. «
Widow :
a single word, in a line by itself, ending a paragraph at the
top or bottom of a page.
Break-line :
the last line of a paragraph. It should not
begin a new page. »
Ken Garland,
Graphic, Design and Printing Terms
, 1980. «
Widow :
last line of
typeset paragraph consisting of one word only ; may be used by some to
apply specifically to one coming on the first line of a new column.
Orphan :
first line of paragraph appearing at foot of page ; often considered undesir-
able.
Club line :
short (because indented) line at the beginning of paragraph
appearing at the foot of column. »
Selon Hugh Williamson,
Methods of Book Design
, de nombreuses Ă©ditions
depuis plus de quarante ans, la mienne date de 1983 [âŠ]. «
Widow :
short line
at head of page or column. » Le mot
Orphan
ne figure pas dans lâindex.
John Miles,
Design for Desktop Publishing
, 1987. «
Widow :
short line â the
end of a paragraph â appearing at the top of a page. » Le mot
Orphan
ne
figure pas dans lâindex.
Seybold and Dressler,
Publishing from the Desktop
, 1987. «
Widow :
incom-
plete line that ends a paragraph appearing at the top of a page.
Orphan :
a
line that begins a new paragraph at the very bottom of the page. »
Geoffrey Glaister,
EncyclopĂŠdia of the Book
, 1996 (1960). «
Widow line :
a
line of text set at the head of a page, e.g. the concluding words of a para-
graph. Fewer than three lines in this position are considered bad setting. »
Une nouvelle Berezina pour les veuvedubassistes.
Justification des lignes creuses
à Typographie, du 27 février au 4 mars 1998.
T. Bouche :
Je regrette par exemple que la derniĂšre ligne ne soit pas auto-
matiquement justifiĂ©e quand câest possible.
A. Hurtig :
Xpress fait ça, et de deux maniÚres.
1. Brutale : il existe un format de paragraphe « au carré », dont chaque ligne
est obligatoirement justifiée.
2. ParamĂ©trĂ©e : on dĂ©clare le nombre de millimĂštres maximum au-delĂ
duquel la justification de la derniĂšre ligne ne doit plus ĂȘtre faite.
T. Bouche :
Justifier la derniĂšre ligne du dernier paragraphe dâun chapitre
devait faire partie de lâhonneur des typos dâantan : câest souvent superbe et
virtuose à réaliser. Si le paragraphe se termine par une ligne presque pleine,
câest dĂ©sagrĂ©able pour lâĆil.
A. Hurtig :
Je suis entiĂšrement dâaccord avec ça : ce nâest pas toujours
rĂ©alisable, mais je mâĂ©tonne que cette pratique se perde, et mĂȘme que lâĆil
101
LIGNE CREUSE
soit si souvent « gùché » par la mauvaise P.A.O. que les paragraphes pleins
(derniĂšre ligne justifiĂ©e) soient devenus peu naturels et mĂȘme gĂȘnants pour
certains lecteursâŠ
Je suis dâaccord avec Thierry et Alain : rien nâest plus hideux quâune derniĂšre
ligne dâalinĂ©a « presque pleine ». En revanche, je ne partage pas leur enthou-
siasme pour les derniÚres lignes pleines⊠Beaucoup de bons typographes
dâantan les considĂ©raient comme des pis-aller. Il est vrai que dâautres,
tout aussi bons (et ayant bonne mĂ©moireâŠ), les aimaient Ă ce point quâils
bourraient les lignes creuses avec des vignettesâŠ
Il y a des degrĂ©s dans lâhorreur⊠Pour une derniĂšre ligne, le pire câest la
mesquinerie : ligne creuse Ă peine supĂ©rieure au retrait dâalinĂ©a ou ligne
« presque pleine ». La ligne pleine est admissible, mais elle nâest pas souhai-
table⊠Du moins si lâon parle de composition en alinĂ©a⊠LâidĂ©al, câest une
ligne nettement plus longue que le retrait dâalinĂ©a et laissant Ă droite un blanc
nettement supĂ©rieur au retrait dâalinĂ©aâŠ
T. Bouche :
Le sentiment dâachĂšvement que cela induit.
Ben moi, ce sentiment me gĂȘne⊠Pourquoi ? Tu lâexpliques trĂšs bien dans
la suite de ton message :
T. Bouche :
Ăa participe de la fondamentale dissymĂ©trie des formes typo-
graphiques. Une phrase dĂ©bute par une majuscule et sâachĂšve par un point.
Un chapitre dĂ©bute par un retrait dâalinĂ©a (ou une lettrine) et sâachĂšve sur
une ligne pleine. On sâaperçoit que plus la typo est aux mains de
graphistes
,
plus la symĂ©trie cherche Ă sâimposer (exemples archĂ©typaux : « Le roi lioN »,
mais aussi « le bon usage »). Méfions-nous de la « raison graphique » ! Préser-
vons le déroulement de la pensée (à sens) unique !
Oui ! mille fois oui ! Alors ne réintroduisons pas
in extremis
le sentiment
statique, donc morbide, de lâachĂšvement⊠PrĂ©servons le dĂ©roulement dyna-
mique, mĂȘme aprĂšs le point final. Prends les plus grands romans⊠Leurs
ultimes lignes souffriraient beaucoup dâĂȘtre pleines ! Câest encore plus vrai si
les derniers signes prĂ©cĂšdent le nĂ©ant⊠Inutile dâĂ©voquer celles qui sont
inachevĂ©es⊠Quelle tristesse de buter bĂȘtement sur la marge ! (Sauf Ă vouloir
que cette particularitĂ© finale signifie explicitement quelque choseâŠ)
T. Bouche :
Imaginons que
Paradis
(Sollers) ou
Ulysse
(pas HomĂšre, lâautre :
« yes molly yes ») qui ne finissent pas par un point donc
Ă©ventuellement
pourraient prĂȘter le flan Ă lâargumentation ci-dessus (oui le flan : matiĂšre
verbale flasque non ponctuĂ©e) sâachĂšvent sur une ligne pleine. Câest idĂ©al : le
flot verbal interrompu de façon arbitraire ! impossible de savoir sâil manque
une ligne ! impossible de savoir sâil en manque mille ! (mĂȘme en regardant
Paradis 2
, hein) ça
colle
terriblement au projet !
102
LIGNE CREUSE
Quoi ? What ? Ouarf ! Pour
Paradis
, que ça colle horriblement à ton
immonde projet zen, je nây vois aucun inconvĂ©nient⊠Mais
Ulysse
! Y a pas de
point final ? Y en a un, et il est beau, car câest le premier point du dernier
chapitre !
« et oui jâai dit oui je veux bien Oui. »
En V.O. : « and yes I said yes I will Yes. »
Note la cap du last Oui ou du dernier Yes⊠et le final point qui suit⊠Il a
besoin dâair, faut pas le coincer dans les cordes, contre la marge.
!
Extermination des veuves !
âŠ
Liquidation des orphelinesâŠ
Ă Typographie, le 4 juillet 1997.
J.
André
: Veuves et orphelines Ă©tant bannies de la typographie, jâaime-
rais savoir comment faire, tant au plomb (froid ou chaud) quâen P.A.O. Ma
question est en fait : « Quels sont les degrés de liberté ? »
On peut se tourner vers les bonnes vieilles méthodes draconiennes, qui
ont le charme dĂ©suet de lâĂ©vidence : les pages longues et, surtout, courtes
(une ligne de moins) exterminent allégrement orphelines (éliminées par une
page courte) et veuves (
>
page longue). Lâastuce consiste Ă mettre deux pages
courtes (ou longuesâŠ) en regard. Dâaccord, ce nâest pas terrible⊠mais ce
nâest pas pire que beaucoup de tripatouillages (du texte, de lâinterlignage, etc.).
Je nâaurais pas dĂ» envoyer ce message⊠Je pressens que je vais me faire
taper sur les doigtsâŠ
A. Hurtig :
Comment justifier (câest bien le cas de le dire) ce genre de
pratique ? [âŠ] Un empagement est calculĂ© en fonction dâune esthĂ©tique,
dâun sentiment quâon veut donner Ă la lecture, du nombre de pages maximum
quâon accepte dâimprimer, etc. Il dĂ©termine le gris typographique. Il ne dĂ©pend
pas de la fantaisie meurtriĂšre dâun plan dâĂ©puration du veuvage et des
orphelinats⊠Bref, ça me semble ĂȘtre un bien mauvais parti que celui-lĂ .
Peut-ĂȘtre (sĂ»rement, mĂȘme)⊠mais câest celui de plusieurs typographes
respectables, Ă commencer par Tschichold, comme le rappelle Patrick Cazaux.
Ce fut surtout une pratique courante. Je ne la défends pas⊠je me contente
de rappeler quâelle a existĂ© et que, dans certains cas, elle est raisonnablement
envisageableâŠ
Ă Typographie, du 12 au 13 janvier 1999.
A. Joly :
Enfin, le principal : respecter le registre sans engendrer de veuves
ni dâorphelines nĂ©cessite de faire appel Ă des pratiques douteuses, ce qui est
mauvais pour la santé.
103
LIGNE CREUSE
Toutes ne sont pas malsaines⊠Quelques coupures judicieuses⊠et, si câest
insuffisant, une double « courte » (une ligne de moins).
Par ailleurs, si le foulage a disparu, les papiers transparents sont encore
parmi nousâŠ
A. Joly :
SĂ©rieusement, et sans provocation, je ne pense pas quâil faille gĂ©nĂ©-
raliser des « préconisations typographiques ».
Dâaccord. Sâagissant de la nĂ©cessitĂ© du registre, un paramĂštre nâest pas Ă
nĂ©gliger : le corps (et lâinterlignage). En corps 6/7 ou en corps 7/7,5⊠on peut
oublier le registre sans complexe, mĂȘme sur papier transparent et mĂȘme dans
les compos en colonnes (ouvrir nâimporte quel dictionnaireâŠ). Mais en
corps 10/12 ?
à Typographie, le 27 août 1999.
A. Hurtig :
Je me souviens que Jean-Pierre Lacroux mâavait expliquĂ© (câĂ©tait
au premier « dĂźner des typographes ») quâon pouvait gaillardement supprimer
une ligne en bas dâune page, si ça permettait de flinguer une veuve ou une
orpheline.
Jamais de la vie ! Jâai peut-ĂȘtre dit, aprĂšs des dizaines dâautres et non des
moindres, que dans certaines circonstances lâon pouvait accepter une double
courte (ou longue, selon les besoins), ce qui implique
deux
lignes.
Lisibilité fi
Empattement.
Williams
1992
: « Les recherches ont établi que les caractÚres à empat-
tements étaient plus lisibles dans le texte continu que les linéales. »
Richaudeau
1989
: « En particulier, il a Ă©tĂ© prouvĂ© que lâexistence ou
lâabsence dâempattement (tels ce
n
et ce
n
nâavait pas dâinfluence sur
la lisibilitĂ© des textes. » [Ponctuation dâorigine.]
En
1815
, M. Charles-François-Bienvenu Myriel Ă©tait Ă©vĂȘque de
Digne. CâĂ©tait un vieillard dâenviron soixante-quinze ans ; il occupait
le siĂšge de Digne depuis
1806
.
Victor Hugo,
les Misérables.
En 1815, M. Charles-François-Bienvenu Myriel Ă©tait Ă©vĂȘque de
Digne. CâĂ©tait un vieillard dâenviron soixante-quinze ans ; il occu-
pait le siĂšge de Digne depuis 1806.
Victor H
UGO
,
les Misérables.
104
LIGNE CREUSE
LISIBILITĂ
EN 1815, M. CHARLES-FRANĂOIS-BIENVENU MYRIEL
ĂTAIT ĂVĂQUE DE DIGNE. CâĂTAIT UN VIEILLARD
DâENVIRON SOIXANTE-QUINZE ANS ; IL OCCUPAIT LE
SIĂGE DE DIGNE DEPUIS 1806.
VICTOR HUGO,
LES MISĂRABLES.
EN 1815, M. CHARLES-FRANĂOIS-BIENVENU MYRIEL ĂTAIT
ĂVĂQUE DE DIGNE. CâĂTAIT UN VIEILLARD DâENVIRON SOIXANTE-
QUINZE ANS ; IL OCCUPAIT LE SIĂGE DE DIGNE DEPUIS 1806.
VICTOR HUGO,
LES MISĂRABLES.
Livre
Abréviation
: {liv.} (livre, livres).
Cette abréviation est devenue la norme⊠Or, elle est doublement
défectueuse, voir :
Abréviation §
3.2.4
.
âąâą
Le mot livre ne sâabrĂšge que dans les notes, les annexes, etc.
Dans le texte courant, il ne sâabrĂšge que dans les rĂ©fĂ©rences situĂ©es
entre parenthĂšses.
=
Lefevre
1883
.
Livre sacré fi
Bible, Titre dâĆuvre.
Joseph Smith (
1805
-
1844
) publie en
1830
le Livre de Mormon. Sa
préface indique que : « La période couverte par les annales du Livre de
Mormon sâĂ©tend de
600
av. J.-C. Ă
421
apr. J.-C. »
Lune fi Astre
â«
105
LISIBILITĂ
LUNE
107
Madame, mademoiselle, monsieur fi
Abréviation, Exposant.
« Voyons, continua le Piémontais, parlant tout
haut au lieutenant des chevau-lĂ©gers et tout bas Ă
La MĂŽle, Messieurs, quây a-t-il ? »
Alexandre Dumas, la Reine Margot.
« Câest un poulet pour M. M⊠»
GĂ©rard de Nerval,
MĂ©moires dâun Parisien.
Selon les circonstances, ces titres de civilitĂ© sâĂ©crivent sous une
forme abrégée ou au long :
â M
me
{Mme} : madame, M
mes
{Mmes} : mesdames ;
â M
lle
{Mlle} : mademoiselle, M
lles
{Mlles} : mesdemoiselles ;
â M. : monsieur, MM. : messieurs.
âąâąâą
La rÚgle peut se résumer ainsi :
â forme abrĂ©gĂ©e devant le nom, le prĂ©nom, le titre ou la qualitĂ©
de quelquâun dont on parle ;
â forme pleine dans tous les autres cas.
Exemples. â M. Alain Legrand succĂšde Ă M. Bruno Fontaine ;
cette fresque est lâĆuvre de M
me
RenĂ©e G. ; jâaperçois M
lle
Louise ;
pardonnez-moi, monsieur, de vous avoir confondu avec M. Brun ;
pardonnez-moi, monsieur le sénateur, de vous avoir confondu avec
M. le maire ; pardonnez-moi, madame, de vous avoir confondue avec
ce monsieur ; pardonnez-moi, mademoiselle, de vous avoir confon-
due avec madame votre mĂšre (ce dernier terme nâest ni un patronyme,
ni un prénom, ni un titre).
Il est e
â
cace dâavoir en mĂ©moire cette « grande orientation ».
Néanmoins, quantité de cas particuliers exigent une formulation plus
fine de la rĂšgle.
Remarque. â MaĂźtre (M
e
) et monseigneur (M
gr
) ont un compor-
tement identique. Docteur {D
r
} nâest pas un titre de civilitĂ©.
Les graphies {Mme, Mmes, Mlle, Mlles} sont admissibles, mais
aujourdâhui dĂ©conseillĂ©es. Les graphies [M
r
, Mr, Mr. pour Monsieur,
M
rs
, Mrs, M.M. pour Messieurs] sont fautives.
On peut le regretter pour M
r
, graphie hùtivement qualifiée
dâanglicisme, tare impardonnable en des temps oĂč pourtant les vrais
anglicismes prolifĂšrent dans notre langue. (Les Anglo-Saxons abrĂšgent
Mister en Mr, naguĂšre en {Mr.}) On accepte dumping sans sourciller
mais, au moindre « Mr » dâun correspondant inculte ou audacieux (ou
archaïsant), on se montre censeur vigilant, féroce et méprisant. Or ce
Mr (ou, mieux, M
r
) tant dĂ©criĂ© fut naguĂšre lâabrĂ©viation française
recommandée et remplacerait avantageusement notre intouchable
M., qui, source dâinnombrables ambiguĂŻtĂ©s, est lâabrĂ©viation conven-
tionnelle la plus inepte et la plus pernicieuse : « Jâaime beaucoup
M. Duhamel. » Sâagit-il de Monsieur Duhamel (Georges) ou de
Marcel Duhamel ? En outre, les graphies M
r
et M
rs
formeraient une
série cohérente (formation identique) avec M
me
, M
mes
, M
lle
, M
lles
.
Je ne peux (contre tous les codes et tous les dictionnaires actuels)
recommander explicitement lâemploi de M
r
et de M
rs
, mais je crois
aux vertus de lâimplicite et des rappels historiques.
Rappel historique. â Les dĂ©fenseurs les plus sourcilleux de nos tra-
ditions nationales sont ici, comme souvent, ceux qui les connaissent le
moins. Ce prétendu « anglicisme » figure comme seule abréviation fran-
çaise de « Monsieur » dans des grammaires françaises du xix
e
siĂšcle, par
exemple Girault-Duvivier
1838
. Ă lâarticle « AbrĂ©viation », LittrĂ©
1872
donne « M
r
» et « M
me
» pour Monsieur et Madame⊠(Il est vrai que
Larousse
1885
donne « M. » et « M
me
»âŠ) Lefevre
1855
et
1883
, bible des
typographes de la seconde moitié du xix
e
siÚcle, donne « M. » et « M
r
».
Remarque. â Ceux qui sâescla
â
ent en voyant « M
r
Untel » sur une
enveloppe et précisent que la seule forme française acceptable serait
en lâoccurrence « M. Untel » sont des connaisseurs : dans une adresse,
oĂč par dĂ©finition lâon sâadresse au destinataire, la seule forme cour-
toise est « Monsieur Untel ».
108
MADAME, MADEMOISELLE, MONSIEUR
âąâąâą
DĂ©signation de tiers
(
=
dont on parle Ă la troisiĂšme personne
du singulier ou du pluriel)
.
âąâąâą
Les abréviations sont en principe obligatoires devant un patro-
nyme ou un titre, une qualitĂ© : jâai bien connu M. Thiers ; jâai bien
connu M
me
Demy ; M. le sous-secrĂ©taire dâĂtat est en vacances ;
navré, mais M. le député-maire est en prison ; consultez M
e
LeliĂšvre
ou M
gr
Lefébure.
=
Lecerf
1956
, Lefevre
1883
.
â
Guéry
1996
, qui ne respecte pas sa propre « rÚgle », il est vrai
trĂšs imprĂ©cise, et donne comme exemple Ă lâarticle « Noms de per-
sonnes » : « Jâai rencontrĂ© [monsieur] Blavette. »
â
Lefevre
1855
et Frey
1857
, qui recommandent la forme complĂšte
devant un titre non suivi du nom propre : « On dit que {monsieur}
le comte est arrivé. »
¶
Exception. AprĂšs une lettrine, on compose toujours la forme
complĂšte (petites capitales), voir :
Lettrine.
±
Quelques auteurs recommandent la forme complĂšte lorsque
lâon parle dâune personne trĂšs proche du destinataire (correspondance
privĂ©e) : « Jâai eu lâoccasion de rencontrer votre cousin, monsieur
DuchĂȘne. »
(Girodet
1988
). Cette exception Ă la rĂšgle peut paraĂźtre
courtoise et claire â thĂ©oriquement, il nây a aucun risque de confu-
sion, car, sâagissant du destinataire (dans lâhypothĂšse oĂč il porterait le
mĂȘme nom que son cousinâŠ), la formule « titre de civilitĂ© + patro-
nyme » serait incorrecte â mais, entre lâĂ©tiquette des salons et celle de
la langue, mieux vaut toujours privilégier la seconde, plus précise, plus
ra
â
nĂ©e et plus durable : jâai eu lâoccasion de rencontrer votre cousine,
M
lle
Dugland.
±
Le nom nâest pas nĂ©cessairement prĂ©cisĂ©. PrĂ©cĂ©dĂ© de M
me(s)
, de
M
lle(s)
ou de MM. (graphies dĂ©nuĂ©es dâambiguĂŻtĂ©), il peut ĂȘtre sug-
gĂ©rĂ©, abrĂ©gĂ©, symbolisĂ© sans risque : jâai bien connu M
me
de La M. ;
jâai bien connu M
lle
G⊠; jâai assez peu connu M
lle
de ***.
M. est dâun maniement plus malaisĂ©. Certaines graphies sont
(tout juste) acceptables : M. J.-J. R. (GenĂšve) ; M. G*** ; M. *** est
introuvable. Dâautres sont Ă Ă©viter : {jâai Ă©crit Ă M. N.}. Constituant
MADAME, MADEMOISELLE, MONSIEUR
109
un tout avec le titre de civilité, les sigles et certains symboles exigent
la forme complĂšte : Monsieur K. [M. K.], Monsieur X [M. X].
âąâąâą
Devant les prĂ©noms suivis de patronymes, lâabrĂ©viation
sâimpose : il apprĂ©cie beaucoup le talent de M. Michel Dalberto ; jâai
relu le dernier discours de M. Jacques C.
± âąâą
Devant les prénoms (ou devant leurs diminutifs) non suivis
de patronymes, la rÚgle est moins stricte, mais les formes abrégées sont
prĂ©fĂ©rables dans la plupart des cas : je nâai jamais revu M
lle
Lulu.
Lorsque le couple « titre de civilité + prénom » est assimilable à une
enseigne, la forme pleine (avec la majuscule initiale) est judicieuse :
M
lle
Doiseau a rencontré M. le ministre chez Madame Claude.
Lâironie ou lâa
â
ection produisent parfois les mĂȘmes e
â
ets : « En
trente ans, Madame Maud avait eu le temps de modeler Monsieur
DĂ©dĂ© totalement Ă sa convenance. » â Pierre Combescot, les Filles du
Calvaire.
Dans tous les autres cas, la forme complĂšte sâimpose : je ne connais
pas ce monsieur ; ce Legrandin est un tout petit monsieur.
DĂ©signation dâinterlocuteurs ou de destinataires
(
=
Ă qui lâon
sâadresse, gĂ©nĂ©ralement, en employant la deuxiĂšme personne du
singulier ou du pluriel) : la forme complĂšte est obligatoire en toutes
circonstances. Voici un titre qui illustre la di
â
Ă©rence de traitement
graphique entre destinataire(s) et tiers :
Lettre Ă messieurs de lâAcadĂ©mie
française sur lâĂ©loge de M. le marĂ©chal de Vauban, Pierre Ambroise
François Choderlos de Laclos.
Titres dâĆuvres.
Avant le nom ou le titre dâun tiers, la forme abrĂ©gĂ©e sâimpose
lorsque madame, mademoiselle ou monsieur nâest pas le premier mot
dâun titre dâĆuvre : « la ChĂšvre de M. Seguin » est une des
Lettres de
mon moulin, dâAlphonse Daudet ; le Crime de M. Lange est un film de
Jean Renoir.
En revanche, la forme complĂšte est obligatoire sâil sâagit du premier
mot du titre : Madame Bovary est un roman de Gustave Flaubert.
110
MADAME, MADEMOISELLE, MONSIEUR
Cas particuliers.
Par dĂ©fĂ©rence, respect, contrainte ou ironie, on sâadresse parfois
Ă quelquâun Ă la troisiĂšme personne. Le titre de civilitĂ© sâĂ©crit Ă©vi-
demment sous sa forme complĂšte, avec une majuscule initiale : alors,
Monsieur a bien dormi ?
Tiers et destinataire se confondent parfois, sans aucune consé-
quence graphique : « â Vous pouvez mâindiquer oĂč se trouve
M
me
Ghyka ? â Oui, bien sĂ»r, câest moi. » â Didier Daeninckx, le
Der des ders.
« Quand jâarrivais chez M
me
Swann, elle me demandait : â Com-
ment va Madame votre mĂšre ? » â Marcel Proust, Ă lâombre des jeunes
filles en fleurs.
â
La Grande Mademoiselle, Madame Royale.
Mademoiselle fi Madame, mademoiselle, monsieur
Majuscule fi
Accentuation, Capitale, Petite capitale.
« Un imprimeur de Paris avait fait une tragédie
sainte, intitulĂ©e JosuĂ©. Il lâimprima avec tout le luxe
possible, et lâenvoya au cĂ©lĂšbre Bodoni, son
confrĂšre, Ă Parme. Quelque temps aprĂšs, lâimpri-
meur-auteur fit un voyage en Italie ; il alla voir son
ami Bodoni : âQue pensez-vous de ma tragĂ©die de
JosuĂ© ? â Ah ! que de beautĂ©s. â Il vous semble
donc que cet ouvrage me vaudra quelque gloire ? â
Ah ! cher ami, il vous immortalise. â Et les carac-
tĂšres, quâen dites-vous ? â Sublimes et parfai-
tement soutenus, surtout les majuscules.â »
Stendhal, Racine et Shakespeare.
Du bon usage des majuscules et des minuscules.
On ne le répétera jamais assez : majuscule et capitale ne sont pas
synonymes ! Minuscule et bas de casse pas davantage ! Majuscules
et minuscules ressortissent Ă lâĂ©criture, capitales et bas de casse Ă la
composition typographique. Dans « JE PENSE, DONC JE SUIS »,
tout est en capitales, mais il nây a quâune majuscule.
MADAME, MADEMOISELLE, MONSIEUR
MAJUSCULE
111
Cette premiĂšre distinction (Ă©criture et composition) est insu
â-
sante : lâessentiel rĂ©side dans la di
â
Ă©rence des rĂŽles, singuliĂšrement
pour le couple majuscule-capitale.
Dâailleurs, dans cette a
â
aire, tout dépend des couples : écriture-
composition, majuscule-capitale, majuscules Ă©nonciatives-majuscules
distinctives, terme générique-terme spécifique, unicité-multiplicité,
temps-espaceâŠ
Lâemploi des majuscules distinctives est souvent considĂ©rĂ© comme
la terre dâĂ©lection du caprice, de la coutume corporatiste, de la
marotte archaĂŻque. Or, ici comme ailleurs, la composition typogra-
phique française nâest ni arbitraire ni incohĂ©rente. Elle obĂ©it Ă deux
grands principes. Le premier est intangible ; le second est une grĂące
conquise, une élégance menacée. De leur hymen naissent parfois
dâĂ©tranges rejetons.
1
. Les noms propres (et assimilés) prennent la majuscule initiale :
il sort de la Monnaie, il sort de la monnaie.
2
. Contrairement Ă beaucoup dâautres langues, le français nâaime
pas la fatuité. Il sait vivre et répugne à multiplier les signes ostenta-
toires. DâoĂč la beautĂ© du musĂ©e du Louvre et de lâAcadĂ©mie française,
de la mer Morte et du Massif central.
Le premier principe semble limpide et dâapplication aisĂ©e.
Câest dâailleurs vrai dans la plupart des occurrences : la graphie
dâAzor â ou de Bruno, de Cuba, de Dupont â ne prĂ©sente aucune
di
â
culté.
Les ennuis arrivent avec les transfuges, qui passent dâune catĂ©gorie
Ă lâautre (restauration-Restauration, Diesel-diesel), et, surtout, avec
les dĂ©nominations complexes (Ăcole polytechnique, grand-duchĂ© de
Luxembourg) qui sont soumises au premier et au second principesâŠ
Utilisation stylistique.
Marouzeau
1941
: « La majuscule initiale nous permet de person-
nifier une notion (la Loi), de magnifier une Ă©vocation (le grand Tout),
dâexprimer la dĂ©fĂ©rence (Madame, Sa SaintetĂ©). »
112
MAJUSCULE
113
MAJUSCULE
Majuscules et capitales
Site Web de Jean-Pierre Lacroux.
En français⊠et en dĂ©pit des dictionnaires dâusage courant et des traduc-
teurs de logiciels, les deux mots ne devraient jamais ĂȘtre synonymes⊠surtout
aujourdâhui !
Une majuscule est toujours un caractÚre. Une capitale non⊠pas néces-
sairement⊠câest un format⊠DiffĂ©rence considĂ©rable (thĂ©oriquement et
pratiquementâŠ). La premiĂšre est affaire de langue Ă©crite. La seconde est
uniquement, étroitement, pauvrement, affaire de typographie⊠Certes, ces
deux empires ont un territoire commun (lâorthotypographieâŠ), mais il ne faut
pas lâĂ©largir Ă lâexcĂšs et surtout ne pas considĂ©rer que leurs mots sont inter-
changeables. Certes, le glyphe dâune majuscule est celui dâune capitale (kif-kif
avec les minuscules et les bas de casse), mais ça sâarrĂȘte lĂ âŠ
Prenons la phrase suivante : « Ici, dénigrer Claudel est le plus sûr moyen
dâobtenir un brevet de pensĂ©e libre. » Deux majuscules, la premiĂšre est dĂ©mar-
cative, la seconde est distinctive. Tout le reste est en minuscules.
Maintenant, composons la phrase en toutes capitales : « ICI, DĂNIGRER
CLAUDEL EST LE PLUS SĂR MOYEN DâOBTENIR UN BREVET DE PENSĂE
LIBRE. »
Rien que des grandes capitales⊠mais toujours deux majuscules⊠pas une
de plus⊠Lâamusant dans lâhistoire est quâ« Ă©tymologiquement » ce devrait ĂȘtre
le contraire (majuscule : plus grand que, capitale : en tĂȘte), mais lâĂ©tymologie,
ça va cinq minutesâŠ
Parler dâune « capitale initiale » serait donc affreusement redondant ? Je
nâose y croireâŠ
Ben non, justement, sauf si tu appartiens Ă la secte des adorateurs de
lâĂ©tymologie⊠Dans notre jargon contemporain, câest la majuscule qui par
dĂ©finition est en tĂȘte, qui est initiale⊠(Enfin⊠pas toujours⊠mais quand elle
nâest pas en tĂȘte, par exemple dans les sigles et les acronymes, disons le N
et le U de « ONU », elle reprĂ©sente quand mĂȘme une initialeâŠ) Câest donc
« majuscule initiale » qui a de trĂšs fortes chances dâĂȘtre affreusement redon-
dant⊠En revanche, une grande capitale initiale est légitime⊠et a toutes
les chances de représenter une majuscule⊠ce qui, bien entendu, est trÚs
rarement la mission dâune petite capitaleâŠ
Je vous demande pardon, mais lĂ , je ne vous suis pas trĂšs bien. Si lâon
nâavait pas vu lâautre texte, et sâil ne sâagissait pas dâun nom connu (comme
Claudel), comment saurait-on quâil y avait toujours deux majuscules dans la
phrase mise en capitales ?
Justement⊠grùce à la différence entre majuscule (caractÚre) et capitale
(format typographique). Ce point â trĂšs important, disons-le, capital â a fait
114
MAJUSCULE
lâobjet de longs dĂ©bats sur la liste Typographie oĂč il a recoupĂ© en partie le
marronnier des capitales (et des majusculesâŠ) accentuĂ©es (câest le mĂȘme
« problĂšme », donc jâen profite pour rĂ©pondre Ă ceux qui contestent bĂȘtement
et pĂ©riodiquement leur absolue nĂ©cessitĂ©âŠ).
En voici des extraits [âŠ] :
Accentuation des majuscules et des capitales
Soit deux couples : majuscules/minuscules (ortho) et capitales/bas de casse
(typo). La distinction est évidente, parfaitement compréhensible, connue de
tous⊠mais la terminologie résiste par endroits.
Ătat :
composĂ© en bas de casse, avec une capitale initiale car câest une
majuscule, soit trois minuscules et une majuscule.
ĂTAT :
composé en capitales, dont la premiÚre est aussi une majuscule, soit
quatre capitales dont une majuscule et⊠trois quoi ?
Trois minuscules ? (Clameurs horrifiées dans les coulisses.)
Comme il est prudent de ne pas le gueuler sur nâimporte quel toit, je mur-
mure : oui⊠car, contrairement Ă toi, je crois que la rĂ©versibilitĂ© des casses nâest
pas indépendante de cette notion, qui, sous des dénominations parfois
burlesques et outrageusement contresensiques (le « Tout majuscules » et le
« Petites majuscules » dâXpressâŠ), est Ă lâĆuvre dans nos logiciels. ConsĂ©-
quence : les majuscules sâobtiennent directement * au clavier, grĂące Ă la touche
qui leur est dévolue ; le tout cap, non, enfin, de préférence, non⊠et les
petites caps, non, nĂ©cessairement non **. Câest pourquoi le « on compose »
de ta phrase citée plus haut implique une mise hors jeu de la saisie, car on
ne devrait jamais saisir en capitales (avec « maj. » ou « maj. verr. »)⊠mais on
doit toujours saisir les majuscules (avec « maj. » ou « maj. verr. ») ! Sinon, adieu
rĂ©versibilitĂ© ! et mĂȘme, adieu choix serein dâune casseâŠ
Si vous cédez à la facilité du verrouillage des majuscules, eh bien alors,
adieu réversibilité des vraies majuscules !
Câest inexact. Ă moins que vous nâayez pas compris de quoi il retourne ?
Hors des contextes rustiques (comme iciâŠ), on utilise le verrouillage pour
* Jâaurais volontiers ajoutĂ© « et nĂ©cessairement », mais je crains que des individus
pervers ou mal Ă©quipĂ©s ne procĂšdent autrementâŠ
** Ne me réponds pas que les raccourcis de format ou de style contredisent
cette assertion⊠Tu as parfaitement compris ce que jâai tentĂ© de dire⊠La majuscule
nâest pas un format. La capitale, si, Ă©ventuellement. Et si tu me rĂ©ponds quâune police
Small Caps permet dâobtenir sans format des petites capitales⊠je te priverai de
dessert ! Si tu me rĂ©ponds que toutes ces foutaises nâont aucun sens chez les TeXans,
je mâĂ©crase dâavance et tâoffre une Rochefort capsule bleueâŠ
obtenir aisément une majuscule accentuée⊠non pour obtenir des capitales
accentuées (du moins quand on est conscient du problÚme).
Voici trois éléphants initiaux (donc⊠avec une majuscule obligatoire) a
priori semblables :
ĂLĂPHANT ĂLĂPHANT ĂLĂPHANT
Le premier a été obtenu ainsi : maj. verr. + « é », « léphant » en b. de c., sélec-
tion du mot, format toutes caps.
Le deuxiÚme a été obtenu ainsi : maj. verr. + « éléphant ».
Le troisiÚme a été obtenu ainsi : « éléphant » en b. de c., sélection du mot,
format toutes caps.
Maintenant, supposons que les caps subitement nous gonflent⊠Passons
en b. de c. Nous obtenons :
ĂlĂ©phant ĂLĂPHANT Ă©lĂ©phant
Seul le premier sort victorieux de lâĂ©preuve.
Allons plus loin et revenons à nos moutons. Voici deux autres éléphants,
non initiaux et légÚrement différents :
ĂLĂPHANT ELĂPHANT
Le premier suit les recommandations des accentueurs systématiques et
dogmatiques. Le second obéit aux joyeux accentueurs alternatifs. Revient
lâenvie ou la nĂ©cessitĂ© de passer en b. de c. Allons-y :
éléphant eléphant
Vous me direz que ces passages dâĂ©lĂ©phants du cap au b. de c. sont excep-
tionnels⊠Peut-ĂȘtre⊠mais il nây a pas que les Ă©lĂ©phants qui changent de
casse⊠et surtout,
surtout
, il serait temps de commencer Ă comprendre que
le plomb et la machine Ă Ă©crire sont morts et enterrĂ©s⊠que lâon ne « com-
pose » plus dans lâinerte, le figĂ©, que lâon ne « saisit » plus des glyphes mais des
caractĂšres ! quâun autre temps est dĂ©jĂ lĂ ! un temps oĂč ce que lâon « saisit » nâa
plus Ă ĂȘtre recommencĂ© quand le « contexte » change ! un temps aussi oĂč le
dogmatisme et lâarchaĂŻsme sont visiblement difficiles Ă discerner⊠[âŠ]
Je nâaime guĂšre que lâon traite de « dogmatiques » les accentueurs systĂ©-
matiques⊠Non que cela me peine⊠jâen ai vu dâautres⊠mais parce que
ceux qui brandissent ce vocable â et ceux qui ne le contestent pas⊠et
ceux qui disent ou pensent « ben oui, y a du vrai⊠» â sont en rĂ©alitĂ© les vrais
dogmatiques, les vrais archaĂŻques, les vrais coincĂ©sâŠ
Lâaccentuation systĂ©matique des majuscules est un des fondements de la
« libertĂ© » (formelleâŠ) que les textes composĂ©s ont acquise dĂ©sormais (thĂ©o-
riquementâŠ). Ils peuvent modifier leur apparence sans le moindre risque.
Les modernes, câest nous ! Les archaĂŻques (un usage bien sĂ©lectionnĂ© et mes
petites habitudesâŠ), câest vous ! [âŠ]
Selon vous, en France, lâusage serait de ne pas accentuer les majuscules.
Lâusage⊠comme sâil nây en avait quâun.
115
MAJUSCULE
116
MAJUSCULE
(Il est question de typographie, alors Ă©liminons dâemblĂ©e les facĂ©ties des
instituteurs et des dactylographes, qui peuvent expliquer pourquoi nombre
de nos semblables sâimaginent que les majuscules ne sâaccentuent pas en
composition typographique, mais rien de plusâŠ)
Sur ce point comme sur quelques autres, il nây a pas quâ
un
usage typogra-
phique, et il est presque aussi erronĂ© de prĂ©tendre que lâusage est dâaccentuer
les majuscules que dâaffirmer le contraire. Il convient de prĂ©ciser de quoi lâon
parle, surtout si lâon fonde son raisonnement sur lâanalyse des usages : Ă quelle
Ă©poque, dans quelles circonstances Ă©ditoriales, pour quelles voyelles, etc.
Et câest lĂ que je vous trouve particuliĂšrement habile (pour ne pas nous
fĂącherâŠ), car au fil du discours vous intĂ©grez certains paramĂštres⊠sans que
cela ne modifie dâun iota le leitmotiv de votre assertion fondatrice⊠alors
que, vous le savez pertinemment, cela suffit Ă la disqualifier.
Sortir dâun contexte donnĂ© la question de lâaccentuation et de la non-
accentuation des majuscules ou des capitales ne mĂšne Ă rien.
Ăa dĂ©pend⊠Oui, quand les adversaires de lâaccentuation systĂ©matique
pondent des généralités hors contexte, alors que leur position « théorique »
exige que les circonstances soient précisées⊠pour tous les cas envisa-
geables ! En revanche, difficile de reprocher aux partisans de lâaccentuation
systĂ©matique de sortir dâun ou du contexte⊠puisque leur position implique
prĂ©cisĂ©ment de nây point entrer. (Pas de quiproquo : je parle ici de leur recom-
mandation, non de la description historique.)
Au fait, quelle est la vĂ©ritable question, sinon celle de la validitĂ© dâune
recommandation ? dâune recommandation dâaujourdâhui, pour les scripteurs
et les compositeurs dâaujourdâhui et de demain matin ?
Ă vue de nez, il nây a que trois solutions :
â accentuez systĂ©matiquement toutes les caps ;
â nâaccentuez jamais les caps ;
â accentuez selon les circonstances.
Ăliminons la deuxiĂšme, que personne ne dĂ©fend, et renonçons Ă opposer
les deux survivantes Ă coups dâapproximations et dâerreurs historiques ou
techniques.
Dans un premier temps, je propose aux tenants des « circonstances » de
nous décrire celles-ci, précisément, toutes (techniques, éditoriales, linguis-
tiques). Une recommandation se doit dâĂȘtre prĂ©cise et, si possible, non Ă©qui-
voque, tout en restant opérationnelle. Inutile de se donner la peine de justifier
lâinvocation de telle ou telle circonstance : cela pourrait faire lâobjet dâune
passionnante deuxiĂšme Ă©tape.
Les tenants du « systĂ©matisme » ont eux aussi Ă justifier leur parti, câest une
Ă©vidence. [âŠ] DĂšs quâils sauront ce que sont toutes les « circonstances » quâon
leur oppose implicitement (seules quelques bribes sont explicites), ils se
feront un plaisir dâen dire un peu plus.
Les Espagnols, que certains ici citent avec plaisir, Ă©crivent
elefant
, et nous
« éléphant » : sont-ils plus cons que nous ?
Les Espagnols Ă©crivent
civilizaciĂłn
et
caña de azĂșcar
, et nous « civilisation »
et « canne Ă sucre »⊠Sommes-nous plus cons quâeux ? Je vous avoue que
câest une question que je ne me pose pas, car je la trouve, comment dire ? un
peu conneâŠ
Feindre de voir un lien entre lâaccentuation et la connerie supposĂ©e de tel
ou tel peuple est un sport dangereux. Laissez-le aux xénophobes.
Manchette fi Addition
Manifestation culturelle ou commerciale
Biennale, carnaval, concours, exposition, festival, foire, jeux, salon.
âąâąâą
Capitale initiale au premier substantif et Ă lâĂ©ventuel adjectif
qui le précÚde (
â
et aux éventuels noms propres inclus dans la déno-
mination).
=
Code typ.
1993
, Girodet
1988
, Gouriou
1990
, Impr. nat.
1990
.
Le Carnaval de Rio (de Nice, etc.), le Concours LĂ©pine, lâExpo-
sition universelle, le Festival dâAvignon (de Cannes, de Venise, etc.),
la Foire de Paris (de Marseille, etc.), les Jeux floraux, le Salon des arts
ménagers (les Arts ménagers).
â
Le Salon dâAutomne, le Salon de lâautomobile (du livre, etc.),
le Salon nautique.
Ï
117
MAJUSCULE
MANIFESTATION CULTURELLE OU COMMERCIALE
Manifestation sportive
« Le sport multiforme, aux innombrables tenta-
cules, câest la grande chance de la sociĂ©tĂ© bour-
geoise. Aucune Bastille nâeĂ»t Ă©tĂ© prise si la boxe et
si le catch, si le ballon rond ou ovale, si la bicyclette
avaient existé. »
François Mauriac, le Nouveau Bloc-Notes.
Les Jeux olympiques (voir : Jeu), les Six-Jours de Paris, le Tour de
France, le Tour dâEspagne, dâItalie, les Vingt-quatre Heures du Mans,
la Coupe de France (de football).
Le championnat de France (dâaviron, etc.), les championnats
dâEurope dâathlĂ©tisme, une mĂ©daille dâor.
Manuscrit
Noms propres, néologismes, fautes volontaires.
Si le manuscrit contient des mots Ă orthographes multiples
ou contestées, des néologismes étranges, des barbarismes ou des solé-
cismes volontaires, des patronymes ou des toponymes exotiques, peu
connus ou inventĂ©s, lâauteur indiquera clairement en marge que les
formes adoptĂ©es doivent ĂȘtre respectĂ©es par le correcteur. Si les mots
concernés ont de trÚs nombreuses occurrences, il établira une « liste
des di
â
cultés ».
Pagination.
Toutes les pages doivent ĂȘtre numĂ©rotĂ©es, sans interruption. Ăviter
les
145
bis,
257
ter,
23
a,
451
b, etc. Rien nâindique Ă lâĂ©diteur, au
correcteur ou au compositeur quâune page
451
c ou
145
ter nâa pas Ă©tĂ©
oubliée ou égarée.
¶ Aujourdâhui, la pagination automatique des logiciels de traitement
de texte rend trÚs rare et trÚs inexcusable ce genre de numérotation
discontinue.
Les coupures dâouvrages imprimĂ©s seront collĂ©es sur des feuilles
dâun format identique Ă celui de lâensemble du manuscrit. Si les
extraits couvrent plus dâune page, deux exemplaires de lâouvrage repris
118
MANIFESTATION SPORTIVE
MANUSCRIT
119
MANUSCRIT
MARQUE DĂPOSĂE
seront nécessaires afin de pouvoir coller successivement le recto et le
verso des feuillets extraits sur des feuilles distinctes qui reprendront la
pagination courante du manuscrit.
Marque déposée fi
Nom propre.
âąâąâą
Les noms de marque se composent en romain.
âąâąâą
Ils prennent la majuscule et sont invariables.
Certains noms de marque tendent à devenir de véritables noms
communs :
±
Un AĂ©rotrain, voir : AĂ©ro-.
Une fermeture Ăclair, des fermetures Ăclair
>
fermeture Ă glissiĂšre
=
Girodet
1988
, Impr. nat.
1990
, Larousse
1999
;
â
Robert
1985
Ă©crit
dâabord « Fermeture Ăclair », puis donne comme exemple « sacoche
à fermeture éclair ».
Formica
=
Girodet
1988
, Larousse
1999
.
Frigidaire, des Frigidaire
>
réfrigérateur
=
Girodet
1988
, Larousse
1999
, Lexis
1989
, Thomas
1971
.
â
Robert
1985
,
1993
.
Yo-Yo, des Yo-Yo
=
Girodet
1988
, Larousse
1999
.
â
Robert
1985
,
1993
.
Une Ă©tude de cas :
le « lâ » et la capitale de « lâInternet »
à France-Langue, du 12 au 28 février 1997.
M. Van Campenhoudt :
Convient-il de placer un article devant le mot
Inter-
net
? Faut-il Ă©crire « Jâai trouvĂ© cette rĂ©fĂ©rence en naviguant
sur Internet
» ou
« Jâai trouvĂ© cette rĂ©fĂ©rence en naviguant
sur lâInternet
» ? Comment justifieriez-
vous votre réponse ?
LâInternet est meilleur quâInternet.
Tout dĂ©pend de lâapprĂ©ciation que lâon porte sur cette toile. Parler dâInter-
net, câest assimiler ce nom Ă une marque : je surfe sur Internet. Je travaille chez
Chrysler. JâachĂšte mes nouilles chez IntermarchĂ©. Parler de lâInternet, câest assi-
miler ce rĂ©seau Ă un service, Ă un organisme (pour faire simple, car câest un
peu plus compliquĂ©, lâarticle pouvant, par exemple, prĂ©cĂ©der des dĂ©nomi-
nations dâentreprises commençant par un nom commun) : je travaille pour le
Federal Bureau of Investigation, et mon frĂšre pour la C.I.A. JâachĂšte les cartes
de lâUnicef.
120
MARQUE DĂPOSĂE
Selon moi, lâemploi dâInternet sans article traduit une adhĂ©sion, consciente
ou inconsciente, Ă lâidĂ©ologie marchande. En revanche, lâemploi de lâInternet
me semble mieux exprimer la nature initiale de ce réseau et une tentative de
résistance (certes un peu dérisoire).
Anis :
« En français, le nom propre Internet sâemploie de prĂ©fĂ©rence sans
article, ce qui est lâusage ordinaire en matiĂšre de noms propres, particuliĂš-
rement de noms propres étrangers, désignant des réalités uniques : on parle
donc du réseau Internet. »
Recherche terminologique
[N. D. Ă. : il sâagit dâun
site Web]
,
Marcel Bergeron, rédaction : Noëlle Guilloton.
Cette citation me terrifie⊠car toutes les catégories de noms propres (et de
noms assimilés à des noms propres) sont concernées par la présence de
lâarticle⊠Aucune nây Ă©chappe complĂštement (il sâagit parfois dâusages parti-
culiers), et certaines ne pourraient sâen passer. Cela dit, je trouve Ă©trange que
la dĂ©monstration sâappuie sur un exemple oĂč « Internet » est mis en apposition
derriÚre un nom commun déterminé par un article défini contracté.
Anis :
Lâusage tranchera sur lâarticle mais il me semble que
Internet
domine
largement. Du coup
lâInternet
fait un peu snob, réservé aux initiés. Pour la
préposition, comme beaucoup de « listiers », je préfÚre
sur
(on navigue
sur
la
mer et pas
dans
la mer, on Ă©coute une Ă©mission
sur
France-Inter, etc.).
Sâagissant de lâInternet, qui sont les non-initiĂ©s ? Ceux qui ignorent tout de
ce rĂ©seau, sauf que lâadresse des sites www commence par http:// ? Cette
succession de signes serait donc plus aisĂ©e Ă manipuler que lâarticle dĂ©fini ?
Qui parle de
lâInternet
ou
dâInternet
sans ĂȘtre partiellement initiĂ© ? Et pourquoi
ceux qui ont Ă peu prĂšs compris la nature de cette chose seraient-ils plus
snobs que ceux qui y naviguent béatement et parfois par snobisme ?
Quant Ă la prĂ©position, je crois quâil est inutile de trancher, ou, plus prĂ©ci-
sĂ©ment, je ne vois pas oĂč est le problĂšme [âŠ]. On peut se passionner pour
lâInternet, apprendre un dĂ©tail insignifiant par lâInternet.
Alors, sâil est certain que lâon navigue de prĂ©fĂ©rence (voir plus bas)
sur
lâInternet (Ă moins dâĂȘtre un sous-marinier, et il y en a dans ces eaux), en quoi
le problÚme de la préposition se pose-t-il spécifiquement ? Pour lire
dans
ou
sur
lâInternet ? Il est spĂ©cieux dâassimiler lâInternet soit Ă un livre, une encyclo-
pĂ©die, un annuaire, Ă un journal, Ă la presse (et câest
dans
), soit Ă une affiche,
une pancarte, un panneau, Ă du sable ou Ă du papier (alors câest
sur
).
Se contente-t-on de lire ou dâĂ©crire par le biais de lâInternet ? On peut y
voir des images animées (comme on en voit
au
cinéma,
Ă
la tĂ©lĂ©vision, Ă
lâĂ©cran ou sur les Ă©cransâŠ), y entendre des sons, des voix, de la musique, y
parler (comme
Ă
la radio,
sur
telle station). Est-ce une raison suffisante pour
« parler ou converser
Ă
lâInternet », pour voir Clinton
Ă
lâInternet ? Certes non.
Les comparaisons (avec la mer, le livre, le tĂ©lĂ©phone, etc.) nâapportent
aucune lumiĂšre, surtout si lâon sĂ©lectionne les seuls emplois qui favorisent la
démonstration.
Naviguer
(intransitif) +
Ă©couter
(transitif) ne prouvent en rien que
sur
est la
meilleure prĂ©position pour lâInternet⊠AprĂšs tout, on Ă©coute la radio, ou
France-Inter, alors quâil est difficile de naviguer la mer. Rien nâinterdit par
ailleurs de naviguer
dans
des eaux troubles ou dâĂ©couter une Ă©mission
de
France-Inter.
Pourquoi vouloir attacher une préposition privilégiée à ce mot ? Sur ce
terrain, il nâa rien de bien particulier. Il suffit de savoir ce que lâon veut dire ou
écrire : la préposition idoine viendra naturellement, et ce ne sera pas toujours
la mĂȘme, selon les verbes. On peut naviguer
sur
lâInternet, recourir
Ă
lâInternet,
foutre le bordel
dans
lâInternet, ĂȘtre sĂ©duit ou effrayĂ©
par
lâInternet. On peut
mĂȘme se passer
de
lâInternet. On peut mĂȘme se passer de la prĂ©position et
aimer lâInternet.
Dernier mot : la minuscule initiale indique une lexicalisation quasi défi-
nitive⊠On en est presque lĂ , mais rien nâinterdit de se donner bonne
conscience en freinant des quatre fersâŠ
Ă France-Langue, le 20 juin 1997.
F. Hubert :
Internet
tout court, donc, car il est un nom propre, tout comme
Windows (dit-on
le
Windows ?).
Votre « car » me semble un peu abusif, car la plupart des catégories de
noms propres sâaccommodent fort bien de la prĂ©sence de lâarticle et certaines
lâexigent.
LâInternet nâest pas un « produit ». Il nâest pas dĂ©monstratif de le comparer
avec un logiciel.
F. Hubert :
« LâInternet » devrait demeurer, cependant, dans lâusage familier.
Je crois au contraire que « lâInternet » appartient Ă lâusage soutenu⊠Ce qui,
jâen conviens, nâest certes pas une garantie de pĂ©rennité⊠Je constate avec
plaisir que France TĂ©lĂ©com emploie « lâInternet » dans ses annonces radiopho-
niques pour Wanadoo [âŠ], puis quâil revient à « Internet » dans la presse
Ă©crite⊠Pour une fois, je suis fermement du cĂŽtĂ© de lâoralâŠ
Ă F.L.L.F., le 14 mai 1998.
A. Laurent :
Dâailleurs, lorsque lâon met la majuscule Ă Internet, on com-
prend pourquoi il est inutile de traduire un nom propre.
Que lâInternet nâait pas besoin dâĂȘtre « traduit », câest plus que probable.
Que lâexplication soit celle que vous avancez, câest plus que douteux⊠La
« traduction » des noms propres est certes en recul mais câest une de nos
saines pratiquesâŠ
121
MARQUE DĂPOSĂE
122
Toutes les catégories sont concernées (toponymes, prénoms et jadis
patronymes, événements historiques, titres, institutions et organismes, etc.).
Les traductions de marques commerciales sont Ă©videmment plus rares, mais
lâInternet nâest pas une marqueâŠ
Ă mon sens, sâil nây a pas lieu de le traduire, câest tout simplement parce
quâil est un peu tard et que ça ferait rigoler pas mal de monde, Ă commencer
par la plupart des internautes francophones qui naviguent entre les mailles
du filet. Vous me direz que ce nâest pas une garantie contre une Ă©ventuelle
recommandation officielle⊠mais je doute que lâInternet soit prochainement
dĂ©baptisĂ© dans lâusage français.
ProblĂšmes de majuscules
Ă Typographie, le 11 janvier 1998.
J.-D. Rondinet :
⊠Car ce sont des marques déposées, en effet ! Pense aussi
que, si tu modifies ces noms, des gens ou des logiciels qui chercheraient
StuffIt
dans tes Ă©crits ne trouveraient pas
Stuff It
ou les autres traductions que
tu aurais gaiement inventĂ©es (« Bourre-le » par exemple !)âŠ
Sûr, JiDé⊠mais « Postscript » ou « Stuffit » sont reTrouvés par tout bon pro-
Gramme ! Chez nous, Greg LeMond deVient Lemond, comme Cecil B. DeMille
est deVenu Demille (
TiRobert
) ou⊠De Mille (
LaRousse
, colors by DiLeuxeâŠ).
Quand des gens (nousâŠ) transForment avec une rĂ©Jouissante audace les
patroNymes, on voit mal pourQuoi ils seraient timides avec les marques déPo-
sées qui leur posent un problÚme graphique. Il est vrai que
le Petit LaRousse
,
depuis quelques annĂ©es, Ă©crit CinĂ©maScope (avĂ© lâassent taigu et dans la
nomenClature de la langue).
Le Petit Robert
, plus sage, reste fidĂšle Ă lâortho-
Doxe « cinĂ©mascope »âŠ
Les rares cas (Ă mon sens et Ă premiĂšre vue) oĂč les caps peuvent siĂ©ger
dans des endroits étranges sont les symboles du genre « eV » (électronvolt).
Je te dis ça sans grande conviction⊠Enfin si⊠je suis conVaincu⊠Disons :
sans espoir⊠On nây peut rien⊠La prolifĂ©ration des caps absurdes nâest peut-
ĂȘtre pas irrĂ©versible mais, pour lâheure, autant sâen foutre et laisser faire ceux
qui les aimentâŠ
AmiCaleMent,
JeanPierre LaCroux
Ă Typographie, le 29 octobre 1999.
J.-D. Rondinet :
La majuscule, jusquÂŽĂ maintenant, disparaĂźt quand le nom
propre est totalement entré dans la langue.
Nâoublions pas les grands classiques du pinaillage : un diesel, un moteur
DieselâŠ
MARQUE DĂPOSĂE
123
J.-D. Rondinet :
Ce quÂŽon peut dater du jour oĂč on lÂŽutilise sans mĂȘme savoir
quŽil a été un nom propre : « Des noms propres sont si répandus quŽils sont
devenus de véritables noms communs ; on les compose en romain, en b. de
c. et Ă©ventuellement avec la marque du pluriel. » â
RĂšgles I.N.
Poubelle en est
un bel exempleâŠ
Sauf que Poubelle nâa jamais Ă©tĂ© une marque⊠pas plus LavalliĂšre, Sand-
wich, Doberman ou Chauvin⊠Le cas est trÚs différent.
J.-D. Rondinet :
⊠mais je vois encore sŽécarquiller des yeux quand on dit
que Rustine, Bureautique ou⊠Ping-Pong furent des noms propres.
⊠Et lâAĂ©rotrain qui jouait au Yo-Yo !
Ă Typographie, le 28 juin 2000.
X. Legrand-FerronniĂšre :
Je crois comprendre que pour les noms de
marque, il importe de conserver la majuscule, par exemple : une Mobylette,
des Frigidaire. Mais il faut avouer que cela fait curieux dans les dialogues
dâune piĂšce de thĂ©Ăątre.
Cela fera curieux partout⊠et mĂȘme fautif⊠dans lâhypothĂšse plus que vrai-
semblable oĂč les objets en question ne sont ni des Frigidaire ni des Mobylette
mais des frigidaires et des mobylettes, des réfrigérateurs et des cyclomoteurs,
des frigos et des mobs.
Ă F.L.L.F., le 17 novembre 2000.
F. PĂ©rotin :
Ou bien parce que tu ne peux te résoudre à écrire un nom avec
la soudure et la capitale du milieu, selon lâusage amĂ©ricain ?
Câest exactement cela⊠Câest physique, et, quand on mây contraint, ça
me dĂ©clenche des brĂ»lures dâestomac, des migraines, parfois des pertes de
conscienceâŠ
Oui, plus sĂ©rieusement, je ne mây ferai jamais⊠Tu sais que je suis trĂšs
atteint : dĂšs que je le peux, jâĂ©cris « Xpress » et « Indesign » !⊠Tu me diras, y a
de lâespoir : qui aujourdâhui â Ă part le
Petit Larousse
, mais faut avoir lâĆil
connaisseur â compose encore « CinĂ©maScope » ? Ici, nous ne sommes pas
loin dâun sujet parfois abordĂ© chez nos amis typochoses, celui de lâĂ©pouvan-
table contagion « logotypique » sur la graphie des dĂ©nominations propresâŠ
Des marques bien ponctuées
Ă Typographie, les 1
er
et 2 février 2000.
J. Tombeur :
Et bien sĂ»r : « Tu sais quoi ? Je lâai trouvĂ© sur Yahoo! ! »âŠ
Désaccord total, frontal, absolu, définitif ! En gros, la typo gangrenée par
la graphie anecdotique (et éphémÚre)⊠Tout un programme et, ici nous
sommes dâaccord, il est Ă lâordre du jour⊠Dramatiquement. Pour en revenir
MARQUE DĂPOSĂE
Ă Yahoo, la pire solution est « Yahoo! », puisquâelle traduit la confusion entre
nom et logotype. Cette question est à mes yeux réglée depuis longtemps : pas
de compromis, pas question de reculer dâun pouce. Restent Yahoo ! et Yahoo.
La premiĂšre graphie pourrait se concevoir si les noms des personnes
morales se composaient en ital. Prends lâexemple des titres : « Jâai revu
Thatâs
Life !
» Aucun problÚme de ponctuation.
Sauf que les noms des personnes morales, mĂȘme lorsquâils sont constituĂ©s
de termes non français (General Motors), se composent en romain, conven-
tion justifiée et indiscutable. Donc, problÚmes divers avec un éventuel signe
de ponctuation en fin de dénomination propre.
Ne reste que Yahoo, tout simplement, tout bonnement, Ă©videmment, bien
sĂ»r. On ne va tout de mĂȘme pas remettre en cause notre systĂšme graphique
pour les beaux yeux de trois ou quatre marchands.
Lâenjeu nâest pas strictement typographique. Songe aux aventures de
lâarrobe⊠Il est hors de question de laisser « privatiser » les signes de la langue
Ă©criteâŠ
P. Duhem :
Je nâapprouve pas, mĂȘme si je comprends votre position. Le style
de dénomination des personnes morales a évolué avec le temps, et les
« SociĂ©tĂ© dâexploitation⊠» sont dĂ©sormais dĂ©nommĂ©es autrement. Les sigles,
mais aussi des dénominations qui sont à la frontiÚre du graphisme et du
slogan.
Quid
dâune sociĂ©tĂ© de courses qui sâappellerait « Vite ! » ?
Oui, mais il faut voir vers quoi nous mĂšne un seul pas (une seule conces-
sionâŠ) dans une mauvaise direction. Les exemples avec un point dâexcla-
mation ne sont pas les plus malfaisants⊠puisque celui-ci ne bouleverse pas
fondamentalement le sens dâune phrase. Imaginons une raison sociale se
terminant par un point dâinterrogation (il doit en exister, mais aucun exemple
ne me vient Ă lâesprit)⊠Disons, Ailleurs ? (agence de voyageâŠ).
Dans bien des cas, vous aurez beau ajouter (fautivementâŠ) toutes les
ponctuations imaginables aprĂšs le point dâinterrogation, rien nây fera, vous ne
pourrez pas Ă©liminer lâinterrogation, la phrase interrogative⊠Dans les titres, le
problĂšme est rĂ©solu par la mise en italique. Ici, rien Ă faire, câest le bordel
garantiâŠ
Nâoublions pas que les signes de ponctuation * appartiennent Ă la phraseâŠ
non Ă la graphie du nom⊠Dans les dictionnaires, pas de point dâexclamation
aprĂšs les entrĂ©es des interjections⊠Pas de crochets autour de « sic »âŠ
124
MARQUE DĂPOSĂE
* Sauf quelques cas particuliers comme le point abrĂ©viatif, lâespace interne, voire
les points de suspension ou les astérisques de discrétion ou de décence⊠(Le trait
dâunion et lâapostrophe ne sont pas des signes de ponctuation.)
125
MARQUE DĂPOSĂE
MESURE TYPOGRAPHIQUE
Souvenez-vous du mensuel qui sur sa premiĂšre page avait pour titre :
(Ă
suivre)âŠ
Le premier signe de son « nom », câĂ©tait « à », le dernier « e »âŠ
Lâaccaparement onomastique des signes de ponctuation par les marchands
doit ĂȘtre combattu avec vigueur !
Câest un crime contre la langue Ă©crite !⊠(Je plaisante Ă peineâŠ)
Mastic fi
Coquille, Doublon.
Erreur grave qui consiste Ă mettre ailleurs quâĂ sa place un Ă©lĂ©ment
typographique (dans la composition, lâimposition, le foliotage, etc.).
Exemple : inversion de paragraphes.
Jadis, mélange de caractÚres dans la casse.
=
Larousse
1933
, Lexis
1989
, Robert
1985
.
Ă Typographie, le 15 janvier 1999.
Il semble que lâacception typographique soit rĂ©cente (
xix
e
siĂšcle).
Tiens, dans le
Dict. hist.
de Rey, je découvre avec ravissement une expres-
sion populaire hĂ©las « sortie dâusage », bien quâelle concerne une pratique en
pleine expansion : « Chier sur le mastic » (abandonner un travail en cours)âŠ
Maxime fi Proverbe
Membre fi Adepte
Mer fi
GĂ©ographie.
La mer MĂ©diterranĂ©e, la mer Morte, la mer du Nord, lâAtlantique
nord, lâocĂ©an Indien.
Mesure typographique fi
Corps, Cicéro.
Point pica
0
,
351 35
mm
Point Didot
0
,
375 9
mm
Point I.N.
0
,
398 77
mm
Point métrique
0
,
4
mm
Midi, minuit fi
Heure.
« Jâai dĂ©testĂ© les midis et les minuits de la pla-
nĂšte, jâai langui aprĂšs un monde sans climat, sans
les heures et cette peur qui les gonfle, jâai haĂŻ les
soupirs des mortels sous le volume des ùges. »
Ămile Michel Cioran, PrĂ©cis de dĂ©composition.
âąâąâą
AprĂšs midi ou minuit, les fractions dâheure sâĂ©crivent en lettres :
midi moins cinq, midi et quart, midi vingt-cinq, midi et demi,
minuit moins le quart, minuit dix.
=
Girodet
1988
, Impr. nat.
1990
.
Mille, mil, millier fi
An, année, Cent, Date.
Mille.
Adjectif numéral, mille est invariable : nous nous vßmes trois mille
en arrivant au port ; des mille et des cents.
Nom commun, mille prend la marque du pluriel : Ă deux milles du
rivage, Ă deux mille milles des cĂŽtes.
Mil.
Une ancienne rĂšgle imposait la forme mil dans les dates de lâĂšre
chrĂ©tienne Ă©crites en lettres, lorsque le millĂ©sime Ă©tait suivi dâun autre
nombre (mil est lâancien singulier de mille ; par nature, son emploi est
limité au deuxiÚme millénaire) : en mille trois cent cinquante avant
JĂ©sus-Christ, lâan mille, mil huit cent quatorze, mil neuf cent trente-
six, lâan deux mille, deux mille cent quatorze.
Aujourdâhui, dans toutes les occurrences, lâemploi de mille est
correct, voire conseillĂ©. Celui du doublet archaĂŻque mil nâest pas
encore fautif dans les occurrences définies ci-dessus (de
1001
Ă
1999
),
mais deux mille un et ses successeurs le condamnent Ă terme.
Tout cela nâa guĂšre dâimportance, car, rappelons-le, hors des vers
rĂ©guliers et des actes, les annĂ©es sâĂ©crivent en chi
â
res arabes ou, dans
de rares cas, romains.
126
MIDI, MINUIT
MILLE, MIL, MILLIER
Millier,
voir : Cent
.
Ce terme est un nom commun. Il prend la marque du pluriel.
Millénaire fi
Date.
Lâadjectif ordinal des millĂ©naires sâĂ©crit en toutes lettres ou en
chi
â
res romains grandes capitales.
±
Gouriou
1990
, Impr. nat.
1990
(uniquement en chi
â
res romains
grandes capitales).
Rappel. â Les siĂšcles se contentent des petites capitales (division
secondaire) : la fin du vingtiÚme siÚcle coïncide avec le début du
troisiÚme millénaire, la fin du xx
e
siÚcle coïncide avec le début du
III
e
millénaire, le III
e
millénaire commence le
1er
janvier
2001
.
Millésime fi
An, année, Date.
1
.
Dans une date, chi
â
re exprimant le nombre mille :
1 995
.
Attention aux mauvaises interprétations ! Supprimer le millésime
dans «
18
juin
1944
» ne donne pas [
18
juin] ou [
18
juin
44
], mais
«
18
juin
944
».
2
.
AnnĂ©e dâĂ©mission dâune monnaie, dâune mĂ©daille ; annĂ©e de
publication dâun ouvrage, de production dâun cru. Par extension plai-
sante, date de productions diverses (modĂšle dâautomobile, classe
dâĂąge, timbre-poste, etc.). Tout autre emploi est fautif.
Exemple (Ă ne pas suivre) : [Le titre dâun roman dâOrwell est un
millésime :
1984
.]
=
Larousse
1960
, Robert
1993
.
â
Richaudeau
1989
.
â
MILLE, MIL, MILLIER
MILLĂSIME
127
128
MinistĂšre, ministre fi
Administration, FĂ©minin, Majuscule.
« Plusieurs ministĂšres sâĂ©taient succĂ©dĂ©, sensi-
blement pareils, dâune nuance assez pĂąle, couleur
fleur de pĂȘcher. En les voyant se remplacer, on se
rappelait le mot dâune femme dâesprit congĂ©diant
sa cuisiniĂšre : âRose, je vous renvoie ; Ă partir de
demain, vous vous appellerez Lise.â »
Ădouard Herriot, Jadis.
« Il nây a pas de gouvernements populaires.
Gouverner, câest mĂ©contenter. »
Anatole France, Monsieur Bergeret Ă Paris.
âąâąâą
Pas de majuscule Ă ministre ni Ă ministĂšre, ils nây ont pas droit,
mais majuscule au complément : le ministre des Transports, le minis-
tĂšre de lâIntĂ©rieur. Câest normal : rappelons que le prĂ©sident de la
République se contente, depuis quelques décennies, de la minuscule
(mais pas la Présidence de la République).
Complément : majuscule aux substantifs et aux éventuels adjectifs
qui les précÚdent, minuscules aux adjectifs postposés : le ministre ou
le ministĂšre des Anciens Combattants, le ministre ou le ministĂšre des
A
â
aires Ă©trangĂšres.
Cette rĂšgle est celle qui sâapplique aux organismes dâĂtat multiples
(il y a plusieurs ministĂšres). Ces graphies sont judicieuses. Un minis-
tĂšre est confiĂ© Ă un ministre ; on imagine mal dâavoir Ă Ă©crire {le
MinistĂšre de lâagriculture} et le ministre de lâAgriculture. Le « tout
capitale » sâoppose Ă lâesprit et au goĂ»t typographiques français. Le
« tout bas de casse » est une fumisterie.
=
Code typ.
1993
, Girodet
1988
, Grevisse
1986
, Impr. nat.
1990
,
Larousse
1992
, Robert
1985
, Thomas
1971
.
â
Doppagne
1991
, Grevisse
1975
[le MinistĂšre de la Justice], LâHoest
&
Wodon
1990
.
Depuis quelques années, le
Journal o
â
ciel et le Monde Ă©crivent
[le ministre de lâĂ©ducation nationale, le ministĂšre de la dĂ©fense], le
premier ministre. La suppression aveugle des majuscules nâest pas
moins ridicule que leur emploi intempestif.
MINISTĂRE, MINISTRE
La métonymie impose la majuscule initiale aux substantifs et
aux éventuels adjectifs antéposés : la Place Beauvau a encore fait des
siennes (mais : le ministĂšre de lâIntĂ©rieur est situĂ© place Beauvau) ;
mon voisin travaille au Quai et mon cousin, sur les quais.
Exemples. â Le Conseil des ministres, le garde des Sceaux, le
ministre ou le ministĂšre de la DĂ©fense nationale (de lâĂducation
nationale, des Finances, de la Santé publique, etc.), le ministre ou
le ministĂšre des Anciens Combattants, le ministĂšre des A
â
aires Ă©tran-
gĂšres, le Quai dâOrsay, le Quai, le ministre dĂ©lĂ©guĂ©, le ministre
dâĂtat, le secrĂ©taire dâĂtat, le prĂ©sident du Conseil (IV
e
RĂ©publique).
Premier ministre (V
e
RĂ©publique). Statistiquement, le Premier
ministre lâemporte mais le premier ministre nâest pas fautif (adjectif
antĂ©posĂ©). Lâusage, la subtilitĂ© et la dĂ©fĂ©rence imposent une majuscule
que la logique aurait volontiers interdite. Va pour le Premier ministre !
=
Girodet
1988
, Larousse
1992
, Micro-Robert
1990
, Robert
1993
,
Thomas
1971
.
â
Berthier
&
Colignon
1991
, Hanse
1987
, le Monde.
â
La majuscule est cautionnĂ©e par lâusage, par les lexicographes
et les juristes, voire par lâhistoire : le Premier consul avait dĂ©jĂ donnĂ©
le mauvais exemple. En outre, elle Ă©tablit un Ă©quilibre graphique plai-
sant : le président de la République et le Premier ministre.
Réservée (en France) aux chefs de gouvernement de la V
e
RĂ©pu-
blique (IV
e
: président du Conseil), elle est précise : Michel Debré fut
le premier Premier ministre de la V
e
RĂ©publique. Elle Ă©limine les
interprétations fùcheuses : le premier ministre venu. En revanche,
lâadjectif antĂ©posĂ© fournit un argument aux partisans de la minuscule.
Le premier de nos ministres â et avec lui ses services â peut de toute
façon sâo
â
rir une majuscule indiscutable par métonymie : Matignon.
âąâąâą
Dans un texte, un livre, un organe de presse, quel que soit le
parti adoptĂ©, il convient de sây tenir : lâalternance est ici inadmissible.
Exceptions. â Depuis
1958
, le MinistĂšre (lâensemble des ministres,
le Gouvernement) est vieilli mais toujours correctâŠ
MINISTĂRE, MINISTRE
129
La France républicaine peut admettre Premier Ministre dÚs lors
quâil sâagit de celui du Royaume-Uni ; le Premier (substantif ) est en
revanche un anglicisme Ă proscrire.
Apposition
.
Minuscule, pas de trait dâunion, marque du pluriel : du papier
ministre, des bureaux ministres.
FĂ©minin
.
Madame le ministre.
=
Robert
1993
.
â
FĂ©minisation
1994
{la ministre}.
Pour Thomas
1971
, le féminin « ministresse » est familier. Il est
surtout grotesque et Ă©voque dangereusement, pour les franglophones,
une petite tension psychologique (voir :
FĂ©minin).
Ă Typographie, le 1
er
juin 2000.
O. Randier :
Ătonnement de mon Ă©diteur. Pour me justifier, je saisis mon
HyĂšne
pour confondre lâimpĂ©trant⊠et constate avec stupeur que lâon y Ă©crit
« le Premier ministre ». Il y a sûrement une explication limpide et évidente,
mais jâavoue que je patauge. JiPĂ©, tu pourrais mâexpliquer clairement pour-
quoi, lĂ , on ne met pas de cap Ă ministre ?
On ne met jamais de cap à « ministre »⊠sauf quand on sâadresse person-
nellement Ă un ministre que lâon respecte ou dont on souhaite obtenir
quelque choseâŠ
Quant au premier dâentre eux, la graphie particuliĂšre de sa fonction est
cautionnĂ©e par une tradition qui remonte loin. Qui sâĂ©tonne du Premier
consul ?
Il est vrai que câest une entorse Ă une tendance lourde (« malaise face Ă la
décapitalisation du substantif derriÚre un adjectif capitalisé »)⊠mais elle en
respecte une autre, bien souvent contradictoire dĂšs lors quâil ne sâagit plus de
lieux, dâinstitutions ou dâĂ©vĂ©nements, mais de personnes : le peu de goĂ»t des
Français républicains pour la multiplication flagorneuse des majuscules dans
la graphie des titres et des fonctions.
Et puis, y a lâĂ©quilibre institutionnel⊠Le prĂ©sident de la RĂ©publique nâa droit
quâĂ une cap (tu me diras quâaujourdâhui câest encore tropâŠ) ; en face, un
« Premier Ministre » la foutrait mal⊠La graphie « premier ministre » a ses par-
tisans, mais elle est Ă la fois maigrelette, ce qui nâest pas bien grave, et surtout
130
MINISTĂRE, MINISTRE
131
MINISTĂRE, MINISTRE
MONUMENT
ambiguë : « Qui sera le premier ministre capable de réformer la typographie ? »
Cela suffit à la condamner définitivement.
O. Randier :
Encore que⊠Jâai quand mĂȘme un (petit) problĂšme avec les
ministĂšres : le « ministĂšre des Affaires sociales » nâest-il pas un organisme
unique Ă caractĂšre national ? Certes, il y a plusieurs ministĂšres, mais il nây a
quâun seul ministĂšre des Affaires sociales, non ?
LâunicitĂ© est un des critĂšres traditionnels les plus difficiles Ă manier, puisquâil
nâest pas dâordre linguistique ou typographique : il est intĂ©gralement fondĂ©,
en supposant quâil soit valide en toutes circonstances (ce qui est loin dâĂȘtre
certainâŠ), sur la connaissance de lâobjet et en particulier de son statut. Il ne
faut faire appel Ă lui quâen dernier recours ! Avant, autant poser le problĂšme
en termes strictement typographiquesâŠ
Si tu accordes la cap au gĂ©nĂ©rique, tu dois lâenlever au spĂ©cifique (sauf
à accepter de multiplier hideusement les caps)⊠et alors là , problÚme ! Tu
vas te retrouver avec un MinistÚre des affaires sociales et⊠un ministre des
Affaires sociales⊠Mieux, quand tu feras sauter le générique (ce qui est
fréquent avec certains grands ministÚres comme les Affaires étrangÚres ou
lâIntĂ©rieur), tu seras dans une belle merde⊠avec des caps sauteuses, alter-
natives, incohérentes, bordéliques⊠Bref, tout ne va pas pour le mieux dans
le meilleur des mondes typographiques, mais avant de déplacer les bornes
anciennes que nos pĂšres ont posĂ©es, sâagit de faire gaffe aux consĂ©quences
de notre inconsĂ©quence pressĂ©eâŠ
Minuit fi Midi, minuit
Minuscule fi Bas de casse, Majuscule
Monnaie fi
Euro, Franc
Monsieur fi Madame, mademoiselle, monsieur
Monument fi
Musée, galerie.
Les rĂšgles qui suivent sâappliquent aux « vrais » monuments (arc
de triomphe, chapelle, chùteau, colonne, mausolée, palais, etc.),
Ă certaines de leurs parties (colonnade, cour, salon, etc.) et Ă des
« monuments » qui nâen sont pas, ou qui ne sont pas que cela⊠Voir :
BibliothÚque, Musée, galerie, etc.
âąâąâą
Majuscule et minuscule.
â
Les dénominations propres (exactes ou approximatives) ont
Ă©videmment une majuscule initiale, ainsi que les Ă©ventuels adjectifs
antĂ©posĂ©s : lâEscurial, le Kremlin, la Madeleine, Sainte-Marie-
Madeleine, Notre-Dame de Paris, le Petit Luxembourg, Sainte-CĂ©cile,
le Val-de-GrĂące.
Dans les désignations incluant un terme général (chùteau, colonne,
Ă©glise, porte, etc.), celui-ci ne prend pas de majuscule initiale :
lâabbaye de Westminster, lâarche de la DĂ©fense, la basilique Saint-
Marc, la cathĂ©drale dâAlbi, la chapelle Sixtine, le chĂąteau dâAzay-le-
Rideau, le cloĂźtre des Billettes, la colonne VendĂŽme, lâĂ©glise Saint-
Julien-le-Pauvre, lâĂ©glise du DĂŽme, la fontaine des Quatre-Saisons, la
fontaine de Trevi, la galerie des Glaces, lâhĂŽtel de Sens, le mausolĂ©e de
Lénine, le mémorial du prince Albert, le palais FarnÚse, le palais des
Doges, le pavillon de Marsan, la porte Saint-Denis, la pyramide du
Louvre, la statue de la Liberté, la tour Saint-Jacques, la tour Ei
â
el.
Exceptions. â Si le terme gĂ©nĂ©ral est seulement accompagnĂ© dâun
adjectif non dĂ©rivĂ© dâun nom propre, il prend la majuscule initiale,
ainsi que lâadjectif antĂ©posĂ© : la Cour carrĂ©e, la Grande Galerie, le
Grand Palais, le Petit Palais, le Salon carré.
=
Gouriou
1990
,
Impr. nat.
1990.
â
Larousse
1933
[la cour carrée], Larousse
1960
,
1970
,
1985
, 1992
,
Micro-Robert
1990
{la cour Carrée}.
Dans un contexte géographique ou historique donné, un terme
gĂ©nĂ©ral pris absolument peut devenir un nom propre : lâArc de
Triomphe (arc de triomphe de lâĂtoile, Ă Paris), la Bastille (Paris,
avant
1789
), le BelvédÚre (Vatican, Vienne), le Cénotaphe (Londres),
les CloĂźtres (New York), la Conciergerie (Paris), lâErmitage (Saint-
PĂ©tersbourg), lâObĂ©lisque (Ă Paris, lâobĂ©lisque de la Concorde), le
Monument (Londres), le Panthéon (Paris, Rome), le Temple (Paris,
JĂ©rusalem).
La Tour : Ă Paris, la tour Ei
â
el. Ă LondresâŠ
±
la Tour ou {la
tour} de Londres.
132
MONUMENT
133
MONUMENT
MONNAIE
âąâąâą
Trait dâunion.
Le Palais-Bourbon, le Palais-Royal.
Non traduites,
les dénominations étrangÚres
obéissent à leurs
rĂšgles dâorigine : Buckingham Palace, lâEmpire State Building, le
palazzo della Signora, le Palazzo Vecchio.
SubtilitĂ©sâŠ
La Rue de Paris (Conciergerie), les thermes de Dioclétien, le musée
national des Thermes de Dioclétien.
Mot Ă©tranger fi
Allemand, Anglais, Italique, Latin, Pluriel des
mots étrangers, Transcription, translittération.
« Ah ! ah ! dit don Manoel en portugais. »
Alexandre Dumas,
le Collier de la reine.
« â FusillĂ©. Et autant pour vous avant
longtemps,
Arriba Espa
n
a ! »
AndrĂ© Malraux, lâEspoir.
Les mots étrangers non francisés se composent en italique : a giorno,
mano a mano, sprinter, starter, voir : Italique §
2.
Francisation des toponymes Ă©trangers
Ă France-Langue, le 3 octobre 1997.
J. Melot :
Vous verrez [âŠ] que certains, toujours prompts Ă comprendre de
travers, iront jusquâĂ proposer dâĂ©tendre cette application des normes sous
forme dâune Ă©puration pĂ©dante des prĂ©noms, voire des noms de famille,
lors de leur emploi dans « des documents techniques ou à diffusion interna-
tionale ».
Mais⊠câest monnaie courante⊠et depuis pas mal de temps⊠Nos ama-
teurs de racines sont insatiables. Je rigole, mais, Ă y regarder de plus prĂšs, cette
soif dâuniformisation facilitant lâharmonie entre les peuples pourrait nâĂȘtre
quâun masque de la folie identitaire.
On veut nous dĂ©nier le droit de nommer lâautre⊠Câest le reflux de la
raison. On ne touche plus aux noms propres ! On pourrait les salir avec nos
sales pattes francographes. â JâĂ©cris trop vite⊠en fait, câest sans doute le
134
MOT ĂTRANGER
contraire : on ne touche plus aux noms propres Ă©trangers, car ils doivent
conserver (au maximum) leur caractĂšre Ă©tranger. On cherche Ă introduire dans
notre langue un frein Ă lâappropriation des noms propres, retenue qui, pour
le coup, lui est bien Ă©trangĂšreâŠ
Pour les obsĂ©dĂ©s de la puretĂ© onomastique (jâen ai corrigĂ© un bon paquet
cette année, ça pousse comme le chiendent chez les spécialistes du discours
critique), le PĂ©rugin ça sâĂ©crit il Perugino, Diodore Cronos devient DiodĂŽros
Kronos, Soliman le Magnifique, lĂ , câest une pure merveille, a droit Ă SĂŒleyman,
on ne badine pas avec les origines. Demain, Magellan sâĂ©crira en français
MagalhĂŁes. Hier, AndrĂ© Maurois, ça sâĂ©crivait Ămile Herzog, et câĂ©tait pas bon
signe. Amalgame douteux ? Ă voir.
Cher ami, si les nouveaux prĂ©cieux que vous Ă©voquez nâĂ©taient que des
pĂ©dants, on sâen accommoderait gaiement (tous, Ă un moment donnĂ©, plus
ou moins bref, sur un terrain donné, plus ou moins étroit, nous appartenons
un peu Ă la famille)⊠mais Ă mon sens il sâagit plutĂŽt dâidĂ©ologues assez fins
(ou de cuistres Ă leur remorque)⊠Quiconque nâappartient pas Ă la famille du
chef doit porter un nom qui en témoigne⊠Nous sommes encore une fois
face aux ghettos. Je préfÚre mes vieilles lunes assimilatrices.
Encore un mot⊠pour provoquer un brin, car jâai Ă©tĂ© un peu perturbĂ©
par plusieurs messages rĂ©cents : nâoublions pas que notre vaste monde subit
lâinfluence grandissante dâun pays qui nâa pas de vĂ©ritable nom et qui parvient
mĂȘme Ă se satisfaire dâinitiales. Je nâĂ©voque pas une ancienne grande puis-
sance qui sur ce terrain nâĂ©tait guĂšre mieux lotieâŠ
Dâaccord, jâai changĂ© de sujet en revenant aux toponymes⊠mais, au train
oĂč vont les audacieux, les dĂ©rivĂ©s ne vont pas tarder Ă leur revenir dans le nez.
Pauvre DĂ©dĂ© dâAntwerpen *⊠tu nâaurais plus aucune chance aujourdâhui
dâĂȘtre qualifiĂ© dâanversois. AntwerpĂ©nien ? Câest renversant.
* Pour quâil nây ait pas de malentendu : aimant ma langue, je conçois aisĂ©ment que
dâautres aiment la leur, quelle quâelle soit. Je trouve lĂ©gitime que les Flamands aient
reconquis ce quâils estimaient judicieux de reconquĂ©rir (mĂȘme si certaines de leurs
justifications sont discutables, pour rester poli). Cela ne mâempĂȘche pas de continuer
Ă nommer leurs villes comme les francophones lâont fait depuis des lustres et de me
foutre complÚtement de la façon dont ils nomment les villes francophones (Luik,
Bergen, Namen, etc.)⊠comme je me fous complÚtement du sort qui est réservé dans
le vaste monde à nos noms de lieu⊠Cette indifférence (lourdement appuyée
pour les besoins de la cause) nâest pas du mĂ©pris, câest du respect : chacun parle et
Ă©crit comme il lâentend. Cette libertĂ©, cette diversitĂ© gĂȘne qui ?⊠SĂ»rement pas les
« francophones arrogants ou paranoĂŻaques » que lâon dĂ©nonce ici ou lĂ et mĂȘme sur
France-LangueâŠ
à F.L.L.F., le 15 février 2001.
M. Gevers :
Disons plus prosaïquement que, durant les siÚcles précédents,
la France Ă©tait une nation impĂ©rialiste et colonisatrice, et quâelle impĂ©rialisait
et colonisait, entre autres, en imposant son langage et en francisant les lieux
et les gens.
Mais oui. Ainsi, lorsque la France découvrit Fernand de Magellan, il faut bien
comprendre quâelle sâapprĂȘtait Ă envahir le Portugal. Autre indice historique
troublant : Tamerlan reçut ce blaze mĂ©prisant lors de lâoccupation française de
lâAsie centrale. [âŠ]
Nous sommes dĂ©sormais loin des broutilles relatives Ă la prĂ©sence dâun
pauvre trĂ©ma⊠Nos conceptions du rapport Ă autrui, Ă lâautre, Ă lâĂ©tranger, au
prochain, sont diamétralement opposées. Sur le sujet qui nous occupe, les
seules modalitĂ©s qui vous viennent Ă lâesprit renvoient Ă lâantagonisme, au
conflit, Ă la domination, Ă lâexclusion.
Eh bien, Madame, faites le compte des formes francisées de noms propres
dits Ă©trangers : vous constaterez que lâimmense majoritĂ© est le fruit du respect
de lâautre, de lâadmiration, du dĂ©sir dâintĂ©grer, de comprendre, dâaimer.
DâintĂ©grer, non de sâapproprier : Michel-Ange nâest pas français, mais son nom
français tĂ©moigne de la prĂ©sence, de lâinfluence italienne dans le cĆur des
Français, et non de lâinverse. CâĂ©tait cela, la tradition française, et elle vaut
mieux que celle qui submerge aujourdâhui le monde et qui, sur ce point,
vise Ă maintenir lâautre Ă sa place : quiconque nâappartient pas Ă la tribu des
maßtres doit porter un nom qui en témoigne.
Musée, galerie fi
BibliothÚque, Muséum.
« Un musée est une morgue. La seule chance
de sâĂ©mouvoir est dây reconnaĂźtre un ami. Un ami
derriÚre le cadavre. »
Jean Cocteau,
Essai de critique indirecte.
âąâąâą
Majuscule et minuscule.
Deux Ă©coles sâa
â
rontent. Lâune, considĂ©rant que les musĂ©es sont
avant tout des organismes, prĂ©conise lâinitiale majuscule Ă MusĂ©e :
le MusĂ©e national dâart moderne, le MusĂ©e Galliera.
Lâautre prĂ©fĂšre la rĂ©server au premier mot caractĂ©ristique (nom
propre, nom commun ou adjectif dĂ©rivĂ© dâun nom propre) : le musĂ©e
national dâArt moderne, le musĂ©e Galliera.
135
MOT ĂTRANGER
MUSĂE, GALERIE
136
MUSĂE, GALERIE
Trois raisons donnent un avantage décisif à la seconde : les noms
sous lesquels les musées sont connus et cités ne correspondent pas
toujours exactement à leurs dénominations o
â
cielles ; les musées sont
perçus comme des lieux plutĂŽt que comme des organismes ; lâesprit
typographique français ne goĂ»te guĂšre lâinutile multiplication des
majuscules ({le Musée du Louvre}
>
le musée du Louvre).
RĂšgles identiques pour les bibliothĂšques et les galeries.
Pas de majuscule initiale à musée (ce musée est inintéressant, un
musée océanographique), mais au(x) premier(s) mot(s) caractéris-
tique(s)* de la dénomination : le musée des Arts décoratifs, le musée
des Arts et MĂ©tiers, le musĂ©e national dâArt moderne, le musĂ©e des
Arts et Traditions populaires, le musĂ©e Galliera, le musĂ©e de lâHomme,
le musée du Louvre, le musée de la Marine.
Majuscule si Musée désigne une institution précise, déterminée par
un adjectif non dĂ©rivĂ© dâun nom propre : le MusĂ©e ocĂ©anographique
(de Monaco), le Musée postal, le Musée social, le Musée lorrain.
Majuscule sâil est pris absolument : MusĂ©e (colline dâAthĂšnes consa-
crĂ©e aux Muses), MusĂ©e (poĂšte grec), le MusĂ©e (de PtolĂ©mĂ©e, Ă
Alexandrie).
=
Lexis
1989
.
â
Robert
1985
,
1993
{le musĂ©e dâAlexandrie}.
Trait dâunion : le musĂ©e Victor-Hugo.
âąâą
Musées étrangers,
voir : Muséum
.
Dans un texte composé en français, les dénominations traduites
obéissent à la rÚgle française.
* LâĂ©ventuel adjectif antĂ©posĂ© prend Ă©galement la majuscule initiale ; dans les dĂ©no-
minations coordonnées, chaque nom prend la majuscule initiale (musée des Arts et
Traditions populaires).
Les dĂ©nominations non traduites conservent leur graphie dâorigine
et ne se mettent pas en italique (dénominations propres) : le musée
de lâErmitage, le musĂ©e des O
â
ces, Metropolitan Museum of Art,
Museo Pio-Clementino, National Gallery (en français : Galerie natio-
nale), National Gallery of Art.
Muséum fi
Musée, galerie.
Sens moderne, en français : musée consacré aux sciences naturelles.
Le MusĂ©um dâhistoire naturelle (de Paris) et tous les musĂ©ums
dâhistoire naturelle sont donc a
â
ublĂ©s de dĂ©nominations aujourdâhui
diablement pléonastiques.
â
Le MusĂ©um dâhistoire naturelle (Paris). {Un musĂ©um dâhistoire
naturelle} (pléonasme)
>
un muséum.
Le Muséum central des arts, le Museum of Fine Arts (Boston), le
Museum of Modern Art (New York), le British Museum (Londres).
Musique
« Les hommes se résignent à tout, la musique
contemporaine le prouve, sauf au silence. »
André Comte-Sponville,
le Mythe dâIcare.
Les noms des notes se composent en italique : ut, do, ré, mi, fa, sol,
la, si : il nây a rien aprĂšs la ? â Si. Si.
Les altérations (diÚse, bémol, bécarre) et les indications de mode
(majeur, mineur) se composent en romain : en ce moment, jâai un
faible pour les sonates en
mi bémol majeur.
=
Code typ.
1993
, Gouriou
1990
, Impr. nat.
1990
.
Dans un texte composé en italique, le nom des notes passe
Ă©videmment en romain, mais⊠attention ! Dans les titres (mĂȘme
approximatifsâŠ), les notes conservent lâitalique : la
Messe en si mineur
de Jean-Sébastien Bach comporte douze mouvements en ré majeur
(voir : Italique).
=
Impr. nat.
1990
, Ramat
1994
.
137
MUSĂE, GALERIE
MUSIQUE
138
MUSIQUE
Titres et parties dâĆuvres musicales
Ă Typographie, du 21 au 22 janvier 2001.
D. Collins :
[Comment Ă©crire] le
Sanctus
, lâ
Offertoire
et le
QuĂŠrens me
du Requiem ?
ProblÚme classique⊠Trois « rÚgles » ici contradictoires⊠Les parties (en
français) non génériques en romain entre guillemets⊠Le latin en ital⊠Les
titres « génériques » français ou francisés en romain sans guillemets⊠à vous
de voir⊠(Voir aussi plus basâŠ)
Questions nombreuses⊠Selon vous (ou lâauteur) « Sanctus » est-il francisĂ© ?
et surtout : que faut-il privilégier ? Le respect de rÚgles qui méritent à peine ce
nom ?⊠ou la cohĂ©rence dâune succession qui nâen a guĂšre ? Toujours Ă vous
de voirâŠ
D. Collins :
Je sais quâon met en principe les titres dâĆuvres en italique.
Mais que faire des titres qui ne sont pas des vrais titres, comme
Requiem
(puisque Berlioz a intitulĂ© son Ćuvre
Grande Messe des morts
) ?
Cela ne change rien⊠Titre « réel », titre « intégral », titre « abrégé », titre
« traduit », titre « attribuĂ© » ou titre « fantaisiste », câest du pareil au mĂȘme :
italique (sauf pour lâĂ©ventuel article initial qui ne demeure en ital que dans les
titres intégraux).
D. Collins :
Ensuite, pour les différentes parties, que faire ? Ces parties sont
tantĂŽt une indication de mouvement (
adagio
), tantÎt une « priÚre » plus ou
moins connue, tantĂŽt un vrai titre.
Romain sans guillemets pour les titres gĂ©nĂ©riques (françaisâŠ), ital sans
guillemets pour les titres génériques non francisés, romain entre guillemets
pour les vrais titres français de parties⊠Quant aux vrais titres de parties
non traduits (donc nĂ©cessairement en italâŠ), câest Ă vous de voir⊠Si vous
supportez lâital entre guillemets (moi, nonâŠ), mettez des guillemetsâŠ
D. Collins :
Merci beaucoup pour cette rĂ©ponse. Mais quâen est-il des
majuscules ou des capitales (?) pour les « titres gĂ©nĂ©riques » ? Jâen reviens Ă
ma neuviĂšme symphonie de Beethoven. Câest bien ce que vous appelez un
titre gĂ©nĂ©rique, nâest-ce pas ?
Pas nĂ©cessairement⊠surtout dans ce cas⊠oĂč le terme gĂ©nĂ©rique (sym-
phonie) est trÚs fortement qualifié (presque autant que par
Fantastique
ou par
Pathétique
âŠ) par un « petit » numĂ©ral (
NeuviĂšme Symphonie
) et renvoie (le
lecteur) plus que probablement Ă la neuviĂšme symphonie (hihi⊠lĂ , câest
bon⊠mais câest rareâŠ) de Beethoven⊠ou, selon le contexte, de Dvorak, de
Mahler, de Bruckner ou de Schubert (autant ajouter, Î combien ! « la Grande »),
ou du gugusse qui fait lâobjet de lâĂ©tude et qui a Ă©crit au moins neuf sympho-
nies⊠mais pas beaucoup plus⊠sinon on retombe dans des génériques
à mon sens insuffisamment qualifiés par de simples numéraux (Mozart,
HaydnâŠ), mais que beaucoup composent nĂ©anmoins en ital, tout en revenant
au romain pour, par exemple, les sonates, faudrait peut-ĂȘtre leur demander
pourquoiâŠ
Attention ! cette distinction (dix ou moins⊠et plus de dix) ne change rien
au fond de lâaffaire⊠et nâest quâune digression⊠Elle nâapparaĂźt dans aucun
code, bien entendu, et nâest mise en Ćuvre par personne ou presque : elle nâa
Ă©videmment aucune justification « typographique » (la barbeâŠ) ou « linguis-
tique » (câtâencore pireâŠ), elle est bĂȘtement culturelle⊠ce qui nâest pas
forcément négligeable, elle correspond, vous le savez mieux que moi, à une
rupture dans lâhistoire des formes musicales. Qui contestera quâil y a une
différence non de qualité mais de perception du « titre » (à exprimer gra-
phiquement) entre la
CinquiĂšme (Symphonie)
de Beethoven et la cinquiĂšme
symphonie de Haydn ?
Pour revenir Ă lâorthotypographie telle quâelle se pratique en ce monde
de viles concessions⊠disons que pour sauver lâital de la
NeuviĂšme
de
Beethoven ou de Schubert, je serais tout disposĂ©, si on me le demandait, Ă
lâaccorder sans la moindre hĂ©sitation Ă la
99
e
de HaydnâŠ
Donc, pas de prĂ©cipitation⊠Primo, je nâĂ©voquais, dâaprĂšs vos exemples,
que les titres de parties. Pour les titres dâĆuvres, câest un peu la mĂȘme chose,
mais pas tout Ă faitâŠ
Deuzio, ce qui est commun Ă
tous
les « problĂšmes » orthotypographiquesâŠ
câest lâharmonieuse combinaison de stricts principes (parfois contradictoires
mais Ă toujours conserver Ă lâespritâŠ) et de leur souple mise en Ćuvre, adap-
tĂ©e aux circonstances⊠sans je-mâen-foutisme, bien sĂ»r, mais aussi sans
raideur⊠ou, plus précisément, sans raideur fixée sur
un
point qui nâaurait pas
été défini comme essentiel, primordial⊠car des « points », il y en a souvent
plusieurs au mĂȘme endroit et qui ne sont pas toujours rĂ©gis par des rĂšgles
concordantes. Nous lâallons voir ci-dessousâŠ
D. Collins :
Donc, romain sans guillemets. Mais
neuviĂšme Symphonie
,
NeuviĂšme Symphonie
ou
neuviĂšme symphonie
?
Non⊠ital ! La
NeuviĂšme Symphonie
et mĂȘme la
NeuviĂšme
.
D. Collins :
Autre petite question, pendant que je vous tiens : faut-il faire
une différence, dans les titres de lieder, par exemple, entre les « vrais » titres
(
Die Forelle
,
An die Musik
), qui doivent ĂȘtre en italique (si jâai bien suivi) et les
titres qui sont en fait lâincipit du lied en question (guillemets ou italique ?) ?
Encore un truc pas simple⊠Non que lâorthotypographie soit compliquĂ©eâŠ
câest le rĂ©el qui lâest⊠et elle ne peut le simplifier. Câest Ă vous de le faire, en
effectuant des choix, en dĂ©finissant le primordialâŠ
139
MUSIQUE
Il est en effet légitime de distinguer vrais titres et incipits⊠Supposons que
tous les titres et tous les incipits soient en allemand, histoire dâaller au plus
simple possible⊠Si vous effectuez une distinction graphique à ce niveau (vrai
titre/incipit), en disposerez-vous dâune autre quand nĂ©cessairement â pour
les lieder (ou les liedsâŠ) de Schubert â surviendra lâobligation de distinguer
titre de cycle, titre de lied appartenant Ă un cycle et titre de lied autonome ?
Pas sĂ»râŠ
Face Ă un tel problĂšme, il faut savoir qui doit le rĂ©soudre⊠Si câest le « typo-
graphe » (au sens trĂšs largeâŠ), la distinction sâeffectuera nĂ©cessairement
au seul niveau de connaissance quâil est lĂ©gitime dâexiger de lui, ici, plus que
probablement,
Winterreise
,
Schwanengesang
et
Die schöne MĂŒllerin
en ital
sans guillemets, et, pour le reste⊠tous dans le mĂȘme sac⊠ital ou romain
entre guillemets⊠Si câest lâauteur, il devra indiquer prĂ©cisĂ©ment sur la copie
les autres niveaux⊠et le typographe pourra dÚs lors concevoir une expression
graphique appropriĂ©e, sâil le peutâŠ
Mythologie
Un centaure, une dryade, une naïade, une néréide, un satyre, une
sirĂšne, un sylphe, une sylphide, un sylvain, un triton.
=
Tassis
1870
.
Les Cyclopes, les GrĂąces, les Muses, les Parques, les Titans, les
Walkyries.
Les Gorgones, des gorgones. Le dieu Faune, un faune.
Le Walhalla.
â«
140
MUSIQUE
MYTHOLOGIE
Navire fi Bateau
NĂ©buleuse fi Astre
NĂ©ologisme
« Et qui ne croirait, Ă premiĂšre vue, que lâadjectif
inĂ©tonnable est dĂ» Ă quelquâun de ces audacieux que le
puriste dĂ©clare sans foi ni loi Ă lâĂ©gard de la langue ? Eh
bien, non, il est de Malherbe, sans parler dâine
â
rayable,
qui est aussi de lui. »
Ămile LittrĂ©, PrĂ©face au « SupplĂ©ment »
du Dictionnaire de la langue française.
NĂ©ologismes et emprunts Ă des langues Ă©trangĂšres sont aujourdâhui
bien en cour ; les archa
ĂŻ
smes nâont pas cette chance : on les condamne
et les traque. Sâabreuver aux sources lointaines est permis dans lâespace,
non dans le temps. Qui en pince pour
merchandising tressaille si la
moindre
nave accoste. Câest injuste et imbĂ©cile.
Nombre fi
Chi
â
res, Chi
â
res romains, Euro.
Des chi
â
res ou des lettres ?
Il semble admis que la distinction entre « bon usage » et « usages
particuliers » trouve ici un de ses terrains dâĂ©lection. Aucune rĂšgle
commune nâest envisageable qui ferait le bonheur des mathĂ©mati-
ciens et des notaires, des statisticiens et des poĂštes, du moins lorsquâils
Ćuvrent dans le cadre de leurs spĂ©cialitĂ©s respectives. Du tout en
chi
â
res au tout en lettres, chacun croit pouvoir choisir ce qui lâarrange.
141
Cette tolérance est à la fois inutile et dangereuse. Inutile, car la plupart
des prétendus « besoins particuliers » sont pris en compte par le bon
usage ; dangereuse, car les prétendus « usages particuliers autorisés »
ont aujourdâhui tendance Ă se gĂ©nĂ©raliser.
â
Code typ.
1993
, Gouriou
1990
, Impr. nat.
1990
.
Selon leur rĂŽle, et quelle que soit la nature du texte, les nombres sont
écrits et composés soit en chi
â
res arabes, soit en chi
â
res romains grandes
capitales, soit en chi
â
res romains petites capitales, soit en lettres.
Chi
â
res arabes.
Le respect des conventions est relativement récent. Exemple de
composition fautive : [« On a construit
86
.
388
tanks,
16
.
438
cars armés,
88
.
077
scout-cars,
2
.
434
.
553
camions et Ă peu prĂšs autant de camions
lĂ©gers et de voitures Ă personnel. »] â Jean FourastiĂ©,
la Civilisation
de
1975
,
4e
éd., coll. « Que sais-je », Presses universitaires de France,
Paris,
1957
.
Lettres.
AprĂšs lâavoir pourchassĂ© et sauvagement Ă©liminĂ© dans la plupart des
mots composés,
Conseil sup.
1990
veut du trait dâunion partout dans les
nombres. LĂ oĂč un individu sain dâesprit Ă©crit « sept cent mille trois
cent vingt et un »,
Conseil sup.
1990
oppose « sept-cent-mille-trois-cent-
vingt-et-un ».
Ici,
Conseil sup.
1990
sâest surpassĂ©. Afin de bien motiver sa « recti-
fication », il « analyse » la ridicule situation présente : « [Le trait
dâunion] est utilisĂ© aussi dans lâĂ©criture des nombres, mais, ce qui est
di
â
cilement justifiable, seulement pour les numĂ©raux infĂ©rieurs Ă
cent (exemple : vingt-trois, mais cent trois). » Cette phrase, fruit de la
longue réflexion des experts, figure au
Journal o
â
ciel.
Tous ceux qui ont Ă©crit ou lu un jour : huit cent trente-deux,
trois cent cinquante-quatre ou cent vingt-trois, sont donc informés,
par le biais de lâorgane o
â
ciel de la République française, que ces
numéraux sont inférieurs à cent. Nos rectificateurs étaient soucieux
dâassurer Ă©galement lâavenir de la science française.
142
NOMBRE
Le Beau-Bensa
&
Rey-Debove
1991
commente : « PlutĂŽt que dâĂ©tendre
lâemploi du trait dâunion en toute position, nâĂ©tait-il pas plus rai-
sonnable de le supprimer complĂštement, ce que font souvent les
scripteurs ? » Bonne idĂ©e : lorsquâil sâagira dâĂ©crire trente trois, nous
aurons le choix : «
3
,
3
,
3
,
3
,
3
,
3
,
3
,
3
,
3
,
3
,
3
,
3
,
3
,
3
,
3
,
3
,
3
,
3
,
3
,
3
,
3
,
3
,
3
,
3
,
3
,
3
,
3
,
3
,
3
,
3
» ou «
33
». Et, la ridicule rĂšgle jusquâalors en vigueur
sâĂ©tendant aux numĂ©raux ordinaux, nous serons enfin dĂ©barrassĂ©s de
lâinutile distinction entre les dix-septiĂšmes (ceux qui sont dix-septiĂšmes)
et les dix septiÚmes (les dix éléments qui sont septiÚmes ou les
Ă Ă
â
ĂĄ
).
Abréviations.
âąâąâą
On nâabrĂšge jamais un nombre exprimĂ© en chi
â
res : câest une
faute grave que dâĂ©crire [de
3
Ă
400
] pour « de
300
Ă
400 »
.
« Il est passé rapidement de
6
Ă 8
000
mĂštres
»
: passer rapidement
« de
6 000
Ă
8 000
mĂštres » nâĂ©tant pas exclu, il est prĂ©fĂ©rable dans ce
cas dâĂ©crire « de
6
mĂštres Ă
8 000
mĂštres
»
.
=
Gouriou
1990
, Gre
â
er
1898
, Impr. nat.
1990
, Leforestier
1890
.
âą
Textes spĂ©cialisĂ©s. Pour la mĂȘme raison, on nâabrĂ©gera les nombres
exprimĂ©s en lettres quâavec prudence, car, plus ou moins grande, lâam-
bigu
ĂŻ
tĂ© sera souvent au rendez-vous : « Pour ce genre dâarticle, les prix
vont de cinq à six cents francs. » De
500
Ă
600
francs ? de
5
francs Ă
600
francs ? Il est probable que la bonne hypothĂšse soit la premiĂšre,
mais il est certain quâil est inutile dâintroduire une ambigu
ĂŻ
tĂ©, mĂȘme
minime, dans des données qui ne sont pas nécessairement imprécises.
Question Ă©crite ambigu
Ă«
: il y a combien dâanalphabĂštes ici ? Deux
ou trois cents ?
âąâą
LâimprĂ©cision assumĂ©e et lâambigu
ĂŻ
té raisonnablement exclue, le
raccourci est recommandĂ© quand il Ă©vite une lourdeur dâexpression :
il a dĂ©jĂ enfumĂ© quatre Ă cinq mille taupiniĂšres. (Rien nâempĂȘchera
jamais un pinailleur trÚs atteint de lire « quatre taupiniÚres
»
.)
Avec ou sans ambigu
ĂŻ
té, le raccourci est indispensable quand il
restitue la vivacité de la langue orale ou ménage un flou pertinent :
« Tu as besoin de combien ? â Deux ou trois cent mille francs,
pas plus. »
143
NOMBRE
Des points et des espaces
à Langue-Fr., le 22 août 2000.
P. Andries :
Il ne faut quand mĂȘme pas pousser bobonne dans les orties, il
nây a pas dâambiguĂŻtĂ© Ă employer le point comme sĂ©parateur de triades dans
les textes en français.
Pas dâambiguĂŻtĂ© insurmontable, mais une inutile difficultĂ© de perception
pour le lecteur, car on fait jouer au point un rĂŽle qui nâest (plus) le sien en
aucune autre circonstance et qui est en totale contradiction avec ses emplois
essentiels.
P. Andries :
Disons. Mais câest discutable, les signes ont souvent des emplois
différents : ici on remplace un emploi polysémique du point par un emploi
polysĂ©mique de lâespace (sĂ©paration des mots ou des nombres et sĂ©paration
de triades Ă lâintĂ©rieur des nombres).
Bien entendu, mais ces emplois de lâespace ne sont pas « contradictoires ».
Pour prendre un exemple qui mâarrange⊠dans « 1 100 » et « mille cent »
(ou « onze cents »), la « polysĂ©mie » de lâespace est mille fois moins forte que
celle du point final, abrĂ©viatif et « sĂ©parateur de triades » (et nâoublions pas le
point multiplicateur : sa position Ă©levĂ©e ne le met pas Ă lâabri dâĂ©ventuelles
mĂ©prises, lâĆil humain a parfois des faiblesses).
Soit un total de 12.123.152.342.535 exemplaires
me semble beaucoup plus
difficile Ă lire que ceci :
Soit un total de 12 123 152 342 535 exemplaires
.
Tu me diras que le mec qui a rédigé la chose est un mauvais⊠Oui, un trÚs
mauvais, mais il y en a⊠pas mal. Faut en tenir compte⊠Jâadmets dâavance
que lâon peut concocter des exemples aussi calamiteux avec la virgule et la
virgule dĂ©cimale⊠mais je persiste Ă dire quâil est bon et sage dâavoir dĂ©livrĂ©
le point de son plus mauvais rĂŽle !
P. Andries :
Je nâaime simplement pas quâon impose dâen haut des normes
« internationales ».
En France, câest mieux quâune norme⊠câest la loi ! Plus prĂ©cisĂ©ment des
dĂ©crets⊠« [âŠ] Ces tranches ne sont jamais sĂ©parĂ©es par des points ni par des
virgules. »
Dura lex
âŠ
Numéraux et cardinaux
Ă Typographie, du 14 au 17 avril 1998.
T. Bouche :
Il y a un autre cas dâexception : les codes postaux.
Ce nâest pas une exception⊠Câest la rĂšgle commune (les codes postaux ne
désignent pas une
quantité
âŠ). En gros :
144
NOMBRE
â ordinaux sans espace :
page 2530
;
â cardinaux avec espace :
2 530 pages
.
T. Bouche :
Pourquoi « en gros » ?
Par prudence (seule rĂšgle dâorâŠ) ! Et puis⊠parce que des espaces peuvent
parfois intervenir dans certaines successions de chiffres qui nâont absolument
rien de cardinal. Exemple, les six derniers chiffres de nos numéros de Sécu :
2 11 05 13 105 184. Câest pas le mien⊠(Il commence par 1 47 03 99âŠ)
M. Bovani
: En fait, le problĂšme est de savoir si lâon Ă©crit
0,123 32
ou
0,12 332
.
Dans le premier cas, on a une symétrie par rapport à la virgule et on est
ramenĂ© au cas prĂ©cĂ©dent. Et jipĂ©hel, il a dit plein de fois quâil raffolait de la
symétrie (re-pas taper).
Jâraffolions point dâla symĂ©trie, et les maths et moi ça fait trois ou plus, mais
y a une chose dont jâsuis certain, câest quâil faut Ă©crire :
0, 123 32
5 470,547 478 123 32
Ă Typographie, le 13 janvier 1999.
T. Bouche :
[J.-P. Lacroux] dit ordinal : unitĂ© avant, car on dit bien : « Lâeau
bout à 100 °C », « Il est 10 heures », etc.
Tâes vraiment vicieux comme câest pas permis⊠Tâessayes maintenant
de faire accroire que jâaurais affirmĂ©, dans mon Ă©niĂšme (hihi) principe, quâun
ordinal ne peut ĂȘtre placĂ© en premiĂšre (hihi) position ! Tu me prends pour un
rescapé du
viii
e
siĂšcle ? Fin du premier chapitreâŠ
Jâai Ă©crit ceci : « Un nombre placĂ© en seconde position est immĂ©diatement
transformĂ© en ordinal. » Tâas vuâŠ
transformé
⊠CâĂ©tait peut-ĂȘtre sibyllin, mais,
dans le contexte et avec les exemples fournis, cela me semblait suffisamment
clair (pour un lecteur attentif et bien intentionnĂ©âŠ).
Je développe pour toi : un nombre considéré comme cardinal devant
une unité (
22 km
) ou devant un terme quelconque, abrégé ou non (
3 p.
) est
transformĂ© en ordinal quand il est placĂ© en seconde position, sans quâil
soit nécessaire de modifier sa forme (graphique et orale) :
km 22
,
p. 3
⊠En
revanche, si tu veux les faire repasser en premiĂšre position tout en conservant
leur statut ordinal, tu seras contraint de modifier leur forme (graphique et
orale :
22
e
kilomĂštre
,
3
e
page
âŠ).
Tout le monde sait que
10 heures
peut ĂȘtre soit ordinal (câest la dixiĂšme
heure), soit cardinal (ça va me prendre au moins dix heures). Rien à voir, donc,
avec ce qui prĂ©cĂšdeâŠ
Ă Langue-Fr., le 22 septembre 2000.
P. Degand :
Dans
le Bon Usage
de Grevisse (13
e
éd. par André Goosse), je lis
au § 117 a : « [âŠ] Toutefois, on ne sĂ©pare pas lâindication des annĂ©es, du code
145
NOMBRE
postal, des pages ou paragraphes dâun livre en tranches de trois chiffres : en
1914 ; en lâan 2000 ; 84400 Apt ; § 1080. »
On pourrait â M
r
Goosse ne sâen est pas privĂ© : Grevisse ne mentionnait
que les annĂ©es â multiplier les cas et les exemples sans bĂ©nĂ©fice rĂ©el pour le
lecteur, qui ne comprendra toujours pas ce qui motive ces prétendues excep-
tions⊠Cette bordélique succession (ouverte ou fermée ?) est une façon à la
fois compliquée et incomplÚte de présenter une affaire toute simple : seuls les
cardinaux ont le droit dâĂȘtre dĂ©coupĂ©s en tranches. Câest le privilĂšge de la
« quantité ».
Les ordinaux, jamais, quâil sâagisse dâannĂ©es, de pages, de chapitres, de para-
graphes, de lignes, de bidules, de machins ou de ratons-laveurs.
Bien entendu, pour des raisons pratiques évidentes (lecture, mémori-
sation, etc.), certains « numĂ©ros hĂ©tĂ©rogĂšnes » dâusage frĂ©quent (tĂ©lĂ©phone,
SĂ©cuâŠ) sont Ă©galement dĂ©coupĂ©s en tranches, mais dâune nature bien diffĂ©-
rente, puisquâelles sont dâĂ©paisseur variable selon les cas et, surtout, quâelles
correspondent éventuellement à des numérotations distinctes.
Quant aux « codes », par nature et définition ils ne respectent que leur
code⊠Il est donc inutile que les grammairiens lĂ©gifĂšrent Ă leur intentionâŠ
Les nombres de quatre chiffres
Ă Typographie, le 14 avril 1998.
A. LaBonté :
Par contre, pour les nombres dâexactement quatre chiffres, cela
est optionnel, et il est recommandable de ne pas mettre [dâespace].
Ben⊠moi, je trouve que ce nâest guĂšre recommandable. Pour plusieurs
raisons⊠Dâabord, ça fout en lâair lâutile distinction entre certains ordinaux
(en
2400 avant JĂ©sus-Christ)
et la plupart des cardinaux
(2 400 ans avant JĂ©sus-
Christ)
⊠Ensuite, ça peut foutre un bordel noir :
de 2300 Ă 13 500
⊠Quant aux
alignements verticaux, faudrait les dĂ©baptiserâŠ
Bon, tu me diras que dans de pareils cas il convient de toujours introduire
une espace⊠MĂ©zalor, pourquoi recommander sa suppression dans les cas oĂč
un nombre de quatre chiffres se balade tout seul ? Pourquoi recommander
lâexception et, par consĂ©quent, lâespace alternative mais hasardeuse ? Quâest-
ce quâon y gagne ?
Ă F.L.L.F., le 21 janvier 2000.
René :
On Ă©crit
17 500
, mais certains soutiennent quâil faut Ă©crire
5389
(par
exemple). La raison serait que la rĂšgle ne sâapplique pas aux nombres de
quatre chiffres. Quâen est-il ?
Il nâen est rien⊠Songez Ă ce que cela donnerait dans les colonnesâŠ
146
NOMBRE
à F.L.L.F., le 24 février 2001.
R. Budelberger :
Si pour la clarté il est recommandé de séparer par une
espace dans un nombre les chiffres par paquets de trois, lâusage ne sâapplique
pas aux dates :
1 815 cosaques en 1815
.
Il nây a pas que les dates : tous les ordinaux. « Page 1815. »
à F.L.L.F., le 12 février 2002.
La distinction entre nombres Ă quatre chiffres et nombres Ă plus de quatre
chiffres est une foutaise. Pour vous en convaincre, alignez sur une colonne des
cardinaux appartenant Ă ces deux prĂ©tendues catĂ©goriesâŠ
La seule distinction qui vaille est celle des cardinaux (avec espace) et des
ordinaux : 3 300 ans avant notre Ăšre, en 3300 av. J.-C. ; 1 220 pages, page 1220.
Nom propre fi
Dynastie
,
GĂ©ographie
,
Marque déposée
,
Ville et
village.
Genre et pluriel des noms propres
Ă F.L.L.F., le 27 septembre 2000.
S. Paccalin :
Les noms propres sont invariables en français (enfin, câest plus
compliquĂ© que ça, mais dans le cas prĂ©sent, câest suffisant).
Je nâen suis pas sĂ»r. Dâabord, ce nâest pas si compliquĂ© que cela (mĂȘme si
la bouillie, lâincroyable absence de rĂ©flexion du
Bon Usage
peut le laisser
croire). Ensuite et surtout⊠je vois mal comment une assertion inexacte pour-
rait « suffire » Ă lĂ©gitimer une forme (en lâoccurrence correcte, quoique lâaccord
en nombre soit Ă©galement envisageable).
Sauf (et encore⊠la formule est maladroiteâŠ) dans les cas dâinvariabilitĂ©
imposĂ©e (pluriel dâorigine, par exemple), le « nombre » des toponymes nâest
pas une question de statut grammatical mais, disons, pour plaisanter, de
statut territorial, rhĂ©torique ou relationnel⊠câest-Ă -dire de « sens ». Dans ces
matiĂšres, laissons les mots enterrer la grammaire.
Le cas qui nous occupe est celui des deux (ou plusâŠ) visages dâun mĂȘme
ensemble. Ici, contrairement au cas des ensembles distincts *, lâinvariabilitĂ© est
147
NOMBRE
NOM PROPRE
* Ensembles distincts⊠mais appartenant Ă un mĂȘme grand ensemble, mais inti-
mement liĂ©s par lâhistoire (
la Guerre des Gaules
⊠toutes les Russies) ou la géogra-
phie (les Amériques, les Guyanes)⊠à ne donc pas confondre avec les simples homo-
nymies, qui exigent lâinvariabilitĂ© (« En France, il y a quatre Villelongue. »)
recommandable, mais lâauteur qui voudrait par exemple souligner lâapparte-
nance douteuse dâun des camps Ă lâensemble peut sâautoriser la marque du
pluriel⊠(Avis personnel : lâinvariabilitĂ© est ici plus que prĂ©fĂ©rable *.)
Ă F.L.L.F., le 1
er
janvier 2001.
R. Plamondon :
On voit souvent ces noms, que ce soit en anglais ou en fran-
çais, écrits tantÎt avec une majuscule tantÎt avec une minuscule. Bien sûr ce
sont des instruments nommĂ©s ainsi en lâhonneur de grands personnages du
passé. Par exemple un
erlenmeyer
est une piÚce de verrerie utilisée en labo-
ratoire, on rencontre ce mot Ă©crit avec majuscule ou minuscule. En anglais on
dit
Erlenmeyer flask
le plus souvent avec une majuscule. Existe-t-il une rĂšgle
simple pour sây retrouver dans les deux langues ?
En anglais, je ne me mouille pas. En français, je ne vois pas pourquoi la
chimie Ă©chapperait Ă la rĂšgle commune : un fauteuil Voltaire, des fauteuils
Voltaire, un voltaire, des voltaires, des fusils Lebel, des lebels, etc. Une fiole
Erlenmeyer, des fioles Erlenmeyer, un erlenmeyer, des erlenmeyers. (Il ne
sâagit pas de marques : des vĂ©hicules Renault, des RenaultâŠ)
Nord fi Point cardinal
Note fi
Appel de note.
« Jâai un honnĂȘte homme de mes amis qui a fait
de belles notes sur Monta[i]gne. Je suis sĂ»r quâil
croit avoir fait les
Essais. Lorsque je le loue devant
lui, il prend un air modeste, et me fait une petite
révérence, et rougit un peu. »
Charles de Montesquieu, Pensées diverses.
Halkin
1946
a rĂ©sumĂ© trĂšs clairement ce principe : « Il faut veiller Ă
ne pas alourdir les notes de ce qui appartient logiquement au texte.
Le texte ne peut pas sâappuyer sur une idĂ©e formulĂ©e uniquement en
148
NOM PROPRE
NOTE
* Préférable car elle introduit une distinction parfois utile. Ainsi « les deux Alle-
magne » (celle de ThÀlmann et celle de Hindenburg, par exemple) et « les deux
Allemagnes » (celle de lâEst et celle de lâOuest). Ainsi (mais le cas est diffĂ©rentâŠ)
« les deux Sicile » (celle de Lampedusa et celle de la Mafia) et les « Deux-Siciles »
(lâinsulaire et la napolitaine).
note. Les notes doivent contenir seulement preuves, références et
remarques. »
Les notes de notes de sous-notes ne relĂšvent pas de lâorthoty-
pographie mais de la cuistrerie ou, Ă©ventuellement, de la psychiatrie.
¶ Les notes sont composées dans un corps inférieur à celui du texte
courant. (Rapport : environ
Ă
â
Ă
.)
Corps du texte
Corps des notes
14
11
ou
10
13
10
ou
9
12
9
11
8
10
7
9
7
ou
6
8
6
ou
5
7
5
6
4
(quasi illisibleâŠ) ou
5
Références bibliographiques.
VĂ©rifier leur concordance â et leur cohĂ©rence â avec celles qui
sont données dans la bibliographie.
Note de musique fi Musique
Nouveau fi Ancien, nouveau
â
149
NOTE
NOUVEAU
Numéro fi
Abréviation.
âąâąâą
NumĂ©ro sâabrĂšge en « nÂș » quand il est suivi dâun nombre
(exprimé en chi
â
res) et quâil est prĂ©cĂ©dĂ© dâun nom auquel il se
rapporte * : le billet nÂș
25635048500456712
gagne un petit pain au
chocolat ; jâoccupe la chambre nÂș
7
; le train entre en gare, quai nÂș
12
;
vous aimez vraiment le Chanel nÂș
5
?
±
Cet article a dĂ©jĂ Ă©tĂ© publiĂ© dans la Montagne illustrĂ©e, nÂș
23
.
(Cas litigieux.)
âąâąâą
Dans tous les autres cas, la forme complĂšte sâimpose : le numĂ©ro
25635048500456712
gagne un petit pain au chocolat ; sur ma clé figure
le numéro
8
, mais jâoccupe la chambre nÂș
7
⊠; le numéro gagnant
donne droit Ă un croissant ; votre Chanel, câest du numĂ©ro combien ?
Numéro
3
, je compte sur vous pour mener Ă bien cette mission ** ; cet
article a déjà été publié dans le numéro
23
de la Montagne illustrée.
=
Ramat
1994
.
âą
Cette rĂšgle est aujourdâhui admise et plus ou moins respectĂ©e.
Toutefois, accordant un statut exceptionnel au mot « numĂ©ro » et Ă
son abrĂ©viation, elle nâest pas nĂ©cessairement judicieuse.
Un numéro, des n
os
à Typographie, le 19 février 1998.
J. André :
Quelle est [lâabrĂ©viation] de numĂ©ros (au pluriel) ?
Le «
o
» (lettre « o » supĂ©rieureâŠ) de lâabrĂ©viation est la derniĂšre lettre du
terme abrĂ©gé⊠Quand celui-ci est au pluriel, on lâabrĂšge selon le mĂȘme prin-
cipe, comme pour M
me
, M
mes
⊠En dâautres termes, ce nâest pas lâabrĂ©viation
en tant que telle qui prend la marque du pluriel : on abrĂšge par retranchement
mĂ©dian un terme au plurielâŠ
150
NUMĂRO
* Câest la formule employĂ©e par la plupart des rĂ©dacteurs de codes ou de manuels
typographiques. Elle manque de précision, mais elle est simple, compréhensible.
** La prĂ©sence dâun dĂ©terminant (article, adjectif dĂ©monstratif, possessif, etc.)
impose toujours la forme complÚte : le numéro
3
. Son absence, en revanche, nâest pas
un critĂšre dĂ©cisif pour lâemploi de la forme abrĂ©gĂ©e.
â
Girodet
1988
.
Ă F.L.L.F., le 30 novembre 2000.
A.-B. F.-R. :
Ă ce propos, comment tape-t-on, sur un Mac, le petit
o
[âŠ] dans
lâabrĂ©viation de
in-quarto
par exemple ? Est-ce
Option-U
(in-4
o
) ?
Pourquoi pas ? Câest toujours mieux que le symbole du degrĂ©, qui est
employé fautivement par 99,99
%
des utilisateursâŠ
A.-B. F.-R. :
Si oui, dans certaines polices il est soulignĂ©, dans dâautres non.
Quel est le bon ?
Les deux caractÚres soulignés
ÂȘ
et
Âș
sont en principe destinĂ©s Ă lâespagnol
(indicateurs ordinaux masculin et féminin)⊠Le soulignement y est correct. En
français, il est déconseillé depuis longtemps.
A.-B. F.-R. :
Si une seule de ces formes est correcte, on est donc condamné
Ă nâemployer que des polices dans lesquelles cette forme figure ?
Non. Nâoubliez pas que, mĂȘme avec un logiciel rustique, tout caractĂšre peut
ĂȘtre mis en exposant. Donc, mettez la lettre « o » en exposant.
Ă F.L.L.F., le 3 juin 2002.
O. Randier :
Le pluriel de « un n
o
» nâexiste pas. Dâailleurs cette formulation
est Ă Ă©viter.
Tâes gentil⊠Elle est Ă proscrire !
On ne devrait jamais écrire « un n
o
», pas plus que « deux p. » ou « trois § »
(mais « p. 2 » et « § 3 » sont irréprochables dans certaines circonstances). Le
pluriel de « la chambre n
o
57 » (forme correcte et quasiment obligatoireâŠ) est,
par exemple, « les chambres n
os
57 et 58 ».
â«
151
NUMĂRO
Océan fi Géographie
Ćil fi
Crénage, Hauteur.
Vocabulaire.
CaractÚres en plomb : partie supérieure du relief de la lettre, qui
laisse son empreinte sur le papier. Par extension : hauteur du dessin de
la lettre. Aujourdâhui, on emploie lâexpression « hauteur dâĆil » pour
désigner cette dimension.
Attention ! Jadis, la « hauteur dâĆil » Ă©tait la distance comprise entre
le bas du bloc de plomb et la surface de lâĆil⊠Cette Ă©quivoque ne
porte plus guÚre à conséquence. En revanche, désastreuse est la confu-
sion entre Ćil de la lettre (ou hauteur dâĆilâŠ) et hauteur dâx (qui
comme son nom lâindique est la hauteur des bas de casse sans ascen-
dantes ni descendantes, comme x, a, c, e, m, n, o, r, etc.).
â
Richaudeau
1989
[Ćil
=
x].
Exemple de caractĂšres (successivement : Garamond, Rockwell,
Avant-Garde, Antique Olive) de mĂȘme corps mais dâĆils di
â
Ă©rents :
qxb
â ⥠·
Les typographes, comme les marins, ont droit au pluriel Ćils,
qui nâest admis, chez le commun des mortels, que dans les noms
composés.
Les Ćils de ces deux caractĂšres sont trĂšs di
â
Ă©rents, les yeux de ce
chat sont vairons, des yeux de chat, des Ćils-de-chat.
=
Girodet
1988
, Hanse
1987
, Impr. nat.
1990
, Larousse
1999
, Robert
1985
, Thomas
1971
.
153
Opéra fi
Acte dâune piĂšce de thĂ©Ăątre, Monument, Musique, Titre
dâĆuvre.
âąâąâą
Minuscule initiale pour les bùtiments, les théùtres lyriques,
le genre musical : la Scala est lâopĂ©ra de Milan ; jâadore lâopĂ©ra ;
un opéra de Mozart ; un opéra-ballet, des opéras-ballets ; un opéra-
comique, des opĂ©ras-comiques, le thĂ©Ăątre de lâOpĂ©ra-Comique ; un
opéra bou
â
e, des opéras bou
â
es.
â
lâOpĂ©ra de quatâ sous.
â
Je vais Ă lâOpĂ©ra*.
=
Girodet
1988
, Robert
1985
.
Ordre fi DĂ©coration
Orpheline fi Ligne creuse
Orthographe multiple
Un certain nombre de mots français ont une double, voire une
triple orthographe. Tout scripteur est libre dâadopter la graphie quâil
prĂ©fĂšre mais il doit demeurer fidĂšle Ă ce choix jusquâau point final.
Ouest fi Point cardinal
154
OPĂRA
OUEST
* Le vilain pùté de verre érigé place de la Bastille a pourtant vidé de son sens la
traditionnelle exception Ă la rĂšgle : lâOpĂ©ra signifiant lâopĂ©ra de Paris, le palais Garnier.
Demeurent au moins la place de lâOpĂ©ra et le mĂ©tro OpĂ©ra.
Pacte fi
Accord, conférence, traité, Alliance, Convention.
Le pacte Briand-Kellogg, le Pacte atlantique, le pacte de Varsovie.
Page fi
Belle page, Feuille, feuillet, Folio, Ligne creuse.
Abréviation
: P., p. (Page, pages).
âąâą
Le mot page ne sâabrĂšge que dans les notes, les annexes, etc.
(voir :
AbrĂ©viation, Index). Dans le texte courant, il ne sâabrĂšge que
dans les références situées entre parenthÚses.
=
Lefevre
1883
.
Page courte : qui a une ligne de moins quâune page pleine.
Page longue : qui a une ligne de plus quâune page pleine.
La derniĂšre page dâun chapitre doit avoir plus de cinq lignes.
=
Impr. nat.
1990
.
Paginer : folioter les pages dâun ouvrage.
Pagination : ensemble des folios dâun ouvrage.
Mises en page, mise en pagesâŠ
à Typographie, le 3 décembre 1997.
Ă. Angelini :
Jâaimerais savoir pourquoi personne, dans cette « lidie », ne met
de
s
final Ă mise en pages ?
[âŠ] Osons deux explications (sĂ©rieuses ?). Influence (abusive, car « mise en
pages » nâappartient Ă aucune des catĂ©gories concernĂ©es) des rectifications du
Conseil supĂ©rieur⊠Influence (abusive, Ă©galementâŠ) des metteurs en pages
travaillant dans la publicitĂ©, oĂč ils mettent souvent en pages
une seule
page
(affiche, annonce de presse, etc.)âŠ
155
Ă Typographie, le 28 novembre 2000.
J. André :
Je nâai jamais vu cette subtilitĂ©. Tous les bouquins que jâai parlent
toujours de mise en page sans
s
, mĂȘme quand ils parlent dâimposition.
MĂȘme tes dictionnaires de la française langue ? La plupart des bouquins
sérieux dont je dispose écrivent « mise en pages ».
Sâagissant de lâĂ©dition et de la presse, câest la seule forme correcte⊠car elle
seule a un sens intelligible. Si un objet graphique nâavait quâ
une
« page »⊠par
dĂ©finition, il ne sâagirait pas dâune page en tant que telle⊠mais, par exemple,
du recto dâun bout de papier⊠une affiche, une Ă©tiquette, un machin quâon
colle quelque part⊠ou que lâon insĂšre au petit bonheur dans un flux
ordonné⊠devenant ainsi une page, mais une page qui sâest fait mettre
ailleurs, sous un autre nom.
Il est certain que « mettre en pages » une page de grand titre serait assez
Ă©trange. Câest pourquoi on la compose⊠Il me semble aussi que la tentation
du singulier tient à la confusion de deux activités distinctes : la maquette et la
mise en pages. A priori, la part dite créative ressortit « avant » tout à la
maquette. La confusion tient probablement au fait que « maquettiste » désigne
des gens qui le plus souvent ne font que de la mise en pages. (Attention ! Nul
mépris dans cette observation ! Le grand art, la vraie création consiste souvent
Ă bien mettre en pages Ă partir dâune maquette foireuse.)
Si lâon tient absolument à « mettre en page(s) » une affiche ou une Ă©tiquette
de calendos, alors là ⊠le singulier sâimpose, Ă©videmment⊠mais, encore une
fois, faudra dâabord dĂ©montrer quâil sâagit de pages⊠NâĂ©voquons pas les
« pages web », dĂ©jĂ que je passe pour un mec pas trĂšs Ă la page, inutile dâen
remettre une doseâŠ
J. André :
Dâaucuns ici disent, avec raison, quâon met toujours en page deux
pages (paire et impaire).
On ne devrait pas se donner lâinutile peine de mettre une (ou deux, ou
milleâŠ) page(s) en pages⊠Les pages nâont pas Ă ĂȘtre mises en pages, les plis
nâont pas Ă ĂȘtre mis en plis, et la scĂšne nâa pas Ă ĂȘtre mise en scĂšne. [âŠ]
On met du texte (ou des images) en pages⊠et, tu as raison, mieux vaut le
mettre sur une doubleâŠ
Palais fi Monument
Palme fi Académie
â
156
PAGE
PALME
Panse
Partie arrondie des lettres : a b c d e g o p q.
Papier fi Format
Paragramme fi Coquille
Paragraphe fi
Alinéa, Astérisque.
âąâąâą
Souvent confondu avec lâalinĂ©a (ligne dont le premier mot
est rentrĂ©, renfoncement au dĂ©but dâune ligne, portion dâun texte
comprise entre deux de ces renfoncements), le paragraphe est séparé
dâun autre paragraphe par une ou plusieurs lignes blanches (un ou
trois astérisques viennent parfois aider à borner leurs territoires). Un
paragraphe peut accueillir plusieurs alinéas.
=
Drillon
1991
, Gradus
1980
, Grevisse
1986
, Impr. nat.
1990
, Littré
1872
.
â
Larousse
1999
, Lexis
1989
, Robert
1985
.
Un paragraphe peut ĂȘtre extrĂȘmement court :
« En arrivant, je coupais des roseaux secs et nous faisions un lit
pour la Guitte, je ne vous ai pas dit : une belle petite que nous avions,
grasse, rose, avec des cuissesâŠ
Il sâarrĂȘta.
â Quand on est si heureux, on devrait se mĂ©fier ; seulement, voilĂ ,
on ne sâen aperçoit jamais sur le moment.
Jâavais mes soucis, comme tout le monde, mais je nâĂ©tais pas de
gros dĂ©sir. » â Jean Giono, « Champs »,
Solitude de la pitié.
Abréviation :
quoi quâen pensent quantitĂ© de scripteurs, le signe
§ connaĂźt de trĂšs sĂ©rieuses limitations dâemploi.
1
.
Il doit ĂȘtre nĂ©cessairement suivi dâun nombre exprimĂ© en chi
â
res
ou dâune combinaison quelconque de signes indiquant son rang : §
8.1
et
9.43
, premier paragraphe ; §
5
-A.
157
PANSE
PARAGRAPHE
2
.
Le moindre dĂ©terminant exclut que lâon fasse appel Ă lui : les
paragraphes
8
et
9
.
=
Code typ.
1993
, Impr. nat.
1990
.
Exemples dâemplois fautifs : [§ « Agriculture » ;
2e
§ ; voir les §
6
et
7
; je vous renvoie au §
5
; relire lâensemble du §
3
.]
ConsĂ©quence. â § ne sâemploie que dans les notes et les renvois,
sauf pour certaines publications spécialisées : techniques, juridiques,
scientifiques, etc. Pour les autres ouvrages et si lâon tient absolument
Ă lâamputation, lâabrĂ©viation rĂ©guliĂšre paragr. est, dans le corps du
texte, la seule tolérable (voir :
Abréviation).
Le signe § ne se « double » pas au pluriel : [§§
4
,
5
,
8
]
>
§
4
,
5
,
8
.
¶ Espace insécable entre le signe § et le chi
â
re qui le suit.
ParallĂšles
|| Signe qui sâemploie surtout dans la composition des dictionnaires,
afin de sĂ©parer deux acceptions dâun mĂȘme terme.
Parangonner
¶ Aligner des caractÚres de di
â
Ă©rentes forces de corps.
â
Se parangonner (argot des typographes) : sâappuyer quelque part
pour Ă©viter de tomber.
Parc fi Jardin
ParenthĂšse fi
ĂnumĂ©ration, Ponctuation, Tiret.
Une parenthĂšse ouvrante doit ĂȘtre complĂ©tĂ©e par une parenthĂšse
fermante. (Une parenthĂšse ouverte doit ĂȘtre fermĂ©e.)
±
Une parenthĂšse fermante nâest pas nĂ©cessairement prĂ©cĂ©dĂ©e
dâune parenthĂšse ouvrante. Ces parenthĂšses solitaires ne sont guĂšre
recommandables. Les romanciers font ce quâils veulent : « â Ăcoute,
Maman, concentre-toi bien. Dois-tu utiliser les feux de croisement,
158
PARAGRAPHE
PARENTHĂSE
aussi bien le jour que la nuit,
1
) quand il pleut,
2
) quand il y a des
chutes de neige,
3
) quand tu aperçois le Saint-Esprit au milieu de la
route ? » â François Weyergans, Je suis Ă©crivain.
Si le texte entre parenthĂšses est une phrase autonome : point final
avant la parenthÚse fermante : « Ce sont des ùnes⊠des ùnes bùtés.
(Elle parlait des mĂ©decins.) Je ne veux plus en voir un seul. » â Marcel
Prévost, les Anges gardiens.
Si le texte entre parenthĂšses appartient Ă une phrase : pas de ponc-
tuation avant la parenthĂšse ouvrante, ponctuation Ă©ventuelle avant et
aprĂšs la parenthĂšse fermante.
=
Girodet
1988
, Lefevre
1883
.
¶
Espace.
Voici la rĂšgle : espace justifiante ( pas dâespace
pas dâespace ) espace justifiante
Eh bien, cette rĂšgle est trop stricteâŠ
Jadis, on nâhĂ©sitait pas Ă jeter un peu de blanc aprĂšs les parenthĂšses
ouvrantes et avant les parenthĂšses fermantes. On veillait simplement
Ă ce que ces blancs soient trĂšs infĂ©rieurs Ă lâespace des mots.
Tirets, ponctuation
et parenthÚses imbriqués
Ă Typographie, le 1
er
décembre 1997.
D. Pernelle :
Quelles sont les rĂšgles admises en typo pour les imbrications
de parenthÚses ? Dans un texte et non pas dans une démonstration mathé-
matique : peut-on en imbriquer plusieurs et, quand elles sont cĂŽte Ă cĂŽte, ne
doit-on en mettre quâune ?
Ăa dĂ©pend⊠Si lâon Ă©crit un texte sans rechercher dâeffet (de tous ordres)
particulier, on peut employer les crochets (Ă condition quâils ne jouent pas un
rĂŽle spĂ©cifique [par exemple la dĂ©limitation des interventions dâun tiers â par
exemple lâĂ©diteur, Ă tous les sens du terme â sur le texte dâun auteur])âŠ
Si lâon sâappelle Raymond Roussel (ou si lâon cherche Ă lâimiter (ce qui
est imprudent)), on peut sâamuser aussi Ă imbriquer les parenthĂšses (pour
Ă©viter le ridicule (toujours possible (hĂ©lasâŠ)), une certaine maĂźtrise est
nécessaire).
159
PARENTHĂSE
Le mieux, franchement, câest encore dâĂ©viter la multiplication des paren-
thÚses et surtout leur imbrication⊠La plupart du temps, ce sont des béquilles
(certes courbes) qui masquent mal une pensĂ©e claudicanteâŠ
Ă F.L.L.F., le 8 janvier 2002.
Hier soir, pour me consoler de la mort dâĂtiemble, jâai repris son
Art dâĂ©crire
et jây ai trouvĂ© ceci :
« Par le Créateur, laissez tomber parenthÚses et guillemets ! Pour les
propositions incises, il y a un excellent signe de ponctuation, le double tiret
(â le mot que vous voudrez â). Il y a deux sortes dâĂ©crivains qui utilisent les
guillemets : ceux qui sont timides et ceux qui nâont pas de talent. » â Anton
Tchekhov
,
Lettre Ă Lazarev-Grouzinski
.
Jâignore si les parenthĂšses sont du bon Anton ou du traducteurâŠ
Ă F.L.L.F., le 3 juin 2002.
M. Goldstein :
Que convient-il dâĂ©crire ?
1. Va-t-en (il le pensait vraiment !). 2. Va-tâen (il le pensait vraiment !)
3. Une jupe bleue ou verte, je ne sais plus (?) 4. Une jupe bleue ou verte, je ne
sais plus (?).
1⊠Mais : « Va-tâen. (Il le pensait vraiment !) » serait aussi bienâŠ
4⊠Mais : « Une jupe bleue ou verte, je ne sais plus. » ; ou : « Une jupe bleue
ou verte. Je ne sais plus. » ; ou : « Une jupe bleue ou verte ? Je ne sais plus. »
suffirait largementâŠ
M. Goldstein :
Faut-il retenir que le point final est superflu lorsque la paren-
thĂšse se ferme sur un point dâexclamation ?
Non, rien Ă voir :
« Va-tâen (il le pensait vraiment !). » ; ou « Va-tâen. (Il le pensait vraiment !) »
F. B. :
Si, par exemple, je tape « Comme dĂ©montrĂ© dans lâarticle de Machin,
Journal de Tautologie Théorique
(1995). », je suis certain que mon correcteur
sâarrĂȘtera dessus lors de la relecture, en me disant (je paraphrase) quâune
parenthĂšse ne saurait ĂȘtre suivie dâun point.
Puis-je dire que votre vérificateur électrochosique est un connard⊠sans
susciter les protestations offusquées des ligues locales de vertu ?
ParenthĂšses, gras et italique
à Typographie, les 9 et 10 décembre 1999.
J. André :
Si ce bout de texte est en gras, les parenthĂšses doivent-elles ĂȘtre
en gras ? (Si, si : il y a des cas, rares il est vrai, oĂč ça arrive.)
160
PARENTHĂSE
Oui, parenthĂšses grasses, mais jâespĂšre bien quâils sont rares, tes casâŠ
Parce que, hormis les entrĂ©es de glossaire ou quelques cas similaires, jâai
quelque peine Ă saisir lâastuceâŠ
Si un fragment de texte est en gras (pouahâŠ), câest quâil est salement
important, first class, Ă ne pas manquer⊠et sâil est si important que çaâŠ
quâest-ce quâil fout entre parenthĂšses ?
J. André :
Mais⊠p. 70 de lâ
I.N.
(art. « Dialogues »), vous trouvez :
« à rage !
(Se reprenant.)
Homme de bien »
, etc.
Les tenants de la « non-italisation » des parenthÚses balisant un fragment
intĂ©gralement en italique et sis au sein dâune phrase en romain te rĂ©pondront
quâil sâagit lĂ dâun autre cas⊠celui de la parenthĂšse autonome.
Ce faisant, ils ruineront eux-mĂȘmes leur argumentation⊠car, si une paren-
thĂšse peut ĂȘtre autonome⊠câest bien la preuve que les deux signes qui la
balisent lui appartiennent !
E. Curis :
Une convention souvent rencontrĂ©e en chimie, câest de noter les
produits par un nombre en gras. On a alors souvent des phrases du genre :
« Soit le N,N-diméthylformamide (
ÂȘ
) et le
âŠ
»
Je ne pense pas assez à ces choses-là ⊠Remarque, cela vaut sans doute
mieux, je nây connais rienâŠ
P. Jallon :
Jâavais lâhabitude dâexpliciter tous les sigles et acronymes, afin
dâĂȘtre intelligible pour tout le monde. Typiquement, ça donnait ceci : « Le nou-
veau patron de Canal France international (
CFI
) a rencontré le président-
directeur gĂ©nĂ©ral de lâAgence France-Presse (
AFP
) Ă la suite de lâaffaire. »
Sauf que, là , tu fais exactement le contraire de ce que tu annonces⊠Tu
nâexplicites pas les sigles, tu prĂ©cises quâaux dĂ©nominations dĂ©veloppĂ©es que
tu emploies dans la phrase correspondent des sigles⊠Tu fais donc ce que je
dénonçais : tu mets en gras le subalterne, le secondaire (qui est à sa place
entre parenthĂšsesâŠ).
Expliciter un sigle, câest ceci : « Le nouveau patron de C.F.I. (Canal France
international) a rencontré⊠» Ici, tu peux engraisser ton sigle, bien quâĂ mon
sens la manĆuvre soit hideuse et inutile (les caps suffisent largement Ă attirer
lâattention des lecteurs distraitsâŠ).
P. Jallon :
Pour dâĂ©videntes raisons esthĂ©tiques, seul le sigle ou lâacronyme
Ă©tait mis en gras.
Je ne te demanderai pas de prĂ©ciser ta conception de lâ« esthĂ©tique » (cela
nous entraĂźnerait trop loin) mais celle de lâ« Ă©vidence »âŠ
P. Jallon :
Dans tous les autres cas de figure, les noms en gras nâĂ©taient
jamais encadrés par des parenthÚses.
Parce que cela aurait Ă©tĂ© trop Ă©videmment inesthĂ©tique ?âŠ
161
PARENTHĂSE
Parti, mouvement fi
Adepte, Sigle.
« Une dĂ©mocratie oĂč la vie publique est constituĂ©e
par la lutte des partis politiques est incapable dâempĂȘ-
cher la formation dâun parti qui ait pour but avouĂ©
de la dĂ©truire. Si elle fait des lois dâexception, elle
sâasphyxie elle-mĂȘme. Si elle nâen fait pas, elle est aussi
en sĂ©curitĂ© quâun oiseau devant un serpent. »
Simone Weil, lâEnracinement.
LâAction française, les Forces françaises de lâintĂ©rieur (F.F.I.), les
FrĂšres musulmans, le Ku Klux Klan, le Mouvement de la paix, le
Mouvement républicain populaire (M.R.P.), le Parti communiste
français (P.C.F.).
« Le parti des ConstipĂ©s exige, au dessert, les pruneaux. » â Geor-
ges Bernanos, les Grands CimetiĂšres sous la lune.
Particule fi
Article dans les noms propres, Bibliographie, Index,
Majuscule, Voie et espace public.
« Il est toujours avantageux de porter un titre
nobiliaire. Ătre de quelque chose, ça pose un homme,
comme ĂȘtre de garenne, ça pose un lapin. »
Alphonse Allais, le Chat noir, le
25
janvier
1890.
1
. Particules françaises.
En français, il convient de bien distinguer la particule « de » (forme
Ă©lidĂ©e : « dâ ») qui est une prĂ©position, des particules « Du », « Des »
(de le, de les) qui sont des articles contractés.
Rappel. â Dans les patronymes, lâarticle sâĂ©crit avec une majuscule
initiale ; il ne peut ĂȘtre supprimĂ©, il dĂ©termine lâordre alphabĂ©tique :
La Mettrie, Le Go
â
.
AprĂšs une particule, il conserve la majuscule : Roger de La Fres-
naye, Emmanuel de Las Cases. La minuscule était déjà un archa
ĂŻ
sme
Ă la fin du xix
e
siĂšcle ; câest aujourdâhui une faute (
â
sauf dans la
composition « non modernisée » de textes anciens).
Lâarticle appartenant (majuscule) Ă un patronyme ne doit pas
ĂȘtre confondu avec lâarticle qui prĂ©cĂšde (minuscule) un patronyme ou
162
PARTI, MOUVEMENT
PARTICULE
un surnom : le Caravage, la Voisin, le Greco ; la Callas lisait-elle
La BruyĂšre ?
=
Code typ.
1993
, Impr. nat.
1990
.
â
Gouriou
1990
[Jean de la Fontaine, M. de la Palisse, etc.],
Leforestier
1890
, Ramat
1994
, Zacharia
1987
.
La distinction entre particules nobiliaires et « roturiĂšres » nâa aujour-
dâhui aucun sens ; elle ne passionne que les nostalgiques des lettres
de cachet.
âąâąâą
Les particules « de » et « dâ » (prĂ©positions) sâĂ©crivent
â
toujours
en minuscules : Jean de La Fontaine, Alphonse de Lamartine, Jeanne
dâArc, Charles de Gaulle, la famille de La Rochefoucauld, monsieur
de M., le cardinal de Richelieu, le baron dâHolbach, le comte de Vigny.
Devant les patronymes plurisyllabiques, si un prénom, ou un
terme de parenté (famille, frÚre, oncle, etc.), ou un titre (nobiliaire ou
de civilité), une fonction ou un grade ne sont pas précisés, la particule
« de » est supprimée : La Fontaine, Lamartine, Richelieu, Vigny ;
±
mais, Ă©ventuellement, les frĂšres Goncourt.
La particule Ă©lidĂ©e est, en principe, conservĂ©e : dâArtagnan,
dâHolbach ;
±
mais, éventuellement, les Orléans. On ne supprime pas
la particule « de » devant les noms monosyllabiques (ou bisyllabiques
avec un « e » muet final) : de Gaulle, de Grasse, de Lattre, de Mun, de
Thou. Exceptions : cardinal de Retz,
â
Retz, Donatien de Sade,
â
Sade.
Les particules « de » et « dâ » ne dĂ©terminent pas lâordre alpha-
bĂ©tique (bibliographies, dictionnaires, index, etc.) : Holbach (dâ),
Labiche, La Fontaine (de), Larbaud, Vigny (de). La particule néer-
landaise « De » nâest pas une prĂ©position mais un article, voir : §
2.5
.
=
Code typ.
1993
, Girodet
1988
.
âąâąâą
Les particules « Du », « Des » (articles contractĂ©s) sâĂ©crivent avec
une majuscule initiale : Joachim Du Bellay, Bertrand Du Guesclin,
Pierre Des Essarts. Le duc du Maine (Louis Auguste de Bourbon)
ne saurait ĂȘtre prĂ©sentĂ© comme une exception⊠pas plus que le roi
du Maroc.
163
PARTICULE
Elles ne peuvent ĂȘtre supprimĂ©es : Du Bellay, Du Guesclin,
Des Essarts.
Elles dĂ©terminent lâordre alphabĂ©tique : Daumal, Des Essarts,
Diderot, Du Bellay, Duclos, Du Guesclin.
=
Doppagne
1991
, Larousse
1933
,
1999
.
â
Girodet
1988
, Gouriou
1990
[du Bellay, du Guesclin, etc.],
Larousse
1997
, Ramat
1994
, Typogr. romand
1993
.
â
Grevisse
1975
et
1986
relĂšvent que lâusage est flottant ; certes,
il lâest. On trouve, sous de bonnes (?) plumes contemporaines : [Jean
de la Fontaine] ou [du Bellay] ; Ă ce triste constat, il faut opposer la
subtilité grammaticale et la logique typographique, qui, pour une fois,
font bon ménage.
Exceptions.
Les particules « de » et « dâ »peuvent prendre une majuscule initiale
dans les dénominations commerciales : une voiture De Dion-Bouton.
â
Elles doivent prendre la majuscule initiale dans tous les cas oĂč une
autre rĂšgle lâimpose : « De Gaulle est montĂ© sur le cuirassĂ© De Grasse. »
Il est inutile â il est mĂȘme dĂ©conseillĂ© â de mettre une majus-
cule initiale à la particule « de » pour la distinguer de la préposition
grammaticale : la flotte de de Grasse, le képi de de Gaulle, [la flotte
de De Grasse, le képi de De Gaulle], « Ce fils à Papa de de Lorges !
Marquis de Lorges ou baron de Lorges, je ne sais plus. » â François
Weyergans, Je suis Ă©crivain.
La typographie nâa pas pour tĂąche de masquer les maladresses ou
les subtilitĂ©s dâexpression. Dans certains cas, la majuscule introduirait
au contraire une confusion ridicule : « Que les Français ne se fient pas
à ceux qui se sont réclamés de de Gaulle pour défendre de Gaulle. »
â François Mauriac,
le Nouveau Bloc-Notes. La graphie adoptée par
Mauriac est la seule correcte.
â
[de De Gaulle pour défendre de
Gaulle], [de De Gaulle pour défendre De Gaulle].
=
Gouriou
1990
, Hanse
1987.
â
Code typ.
1993
, Doppagne
1991
, Girodet
1988
.
164
PARTICULE
2
. Particules Ă©trangĂšres.
En français, une particule patronymique désigne une préposition
ou un article contractĂ© (prĂ©position + article) : lâarticle seul nâest pas
une particule. Toutefois, il est di
â
cile de respecter cette belle et claire
acception dĂšs lors quâil sâagit dâexaminer le comportement orthotypo-
graphique de « particules » Ă©trangĂšres au sein de textes ou dâouvrages
rédigés et composés en français. Dans les « particules » qui suivent se
cachent des articles, voire des conjonctionsâŠ
âąâąâą
Dans les textes, les bibliographies, les index, etc. rédigés en
français, les « particules » ne prenant pas la majuscule initiale nâont pas
dâincidence sur le classement alphabĂ©tique, quâelles soient « françaises »
ou « étrangÚres » : Beethoven (Ludwig van), De Valera (Eamon), Kleist
(Heinrich von), Van Gogh (Vincent), Viau (Théophile de).
2
.
1.
Allemandes : an, auf, van, von, von dem, von den, von der, zu,
Am, Im, Vom, Zum, Zur.
Dans le corps du texte, la particule « von » disparaßt dans
les mĂȘmes circonstances, voire encore plus aisĂ©ment que le « de »
français : Otto von Bismarck, Herbert von Karajan, Walther von
Wartburg ; le chancelier von Bismarck, {le chancelier Bismarck},
Bismarck, Karajan, Wartburg. Il est inutile de faire intervenir ici
la notion di
â
cilement apprĂ©ciable de notoriĂ©tĂ©, voire dâanciennetĂ©
de la notoriété : Hans-J
ĂŒ
rgen von Arnim, Werner von Braun, Franz
von Papen, Joachim von Ribbentrop.
2
.
2.
Anglo-saxonnes : toutes les particules anglo-saxonnes (Ă lâexcep-
tion de « of ») prennent une majuscule initiale : A, De, De La, Dos,
Fitz, Mac, Mc, Oâ.
â
Gouriou
1990
[« les particules étrangÚres suivent, pour la majus-
cule, les mĂȘmes rĂšgles que la particule française »].
Attention aux anciennes particules françaises, qui ont perdu leurs
bonnes habitudes et prennent la majuscule initiale : Mazo De La
Roche, Warren De La Rue.
165
PARTICULE
Conséquence : quelle que soit leur origine, les patronymes améri-
cains, britanniques, irlandais et de la plupart des pays anglophones
sont classés en tenant toujours compte du premier élément.
Attention au tri des « Mac ». Il y a des « Mac » et des « Mc » : tous
doivent ĂȘtre classĂ©s à « Mac ».
¶ Les méthodes « automatiques » ne peuvent fournir un tri correct
des patronymes que si la saisie des donnĂ©es prend en compte â dans
un champ spĂ©cial â les rĂšgles relatives Ă cette opĂ©ration.
Tri automatique
Tri manuel
(erroné)
(correct)
Mac Orlan
MacDonald
MacDonald
McEnroe
Machin
Machin
Madeleine
McLaren
McEnroe
Mac Orlan
McLaren
Madeleine
2
.
3.
Espagnoles, hispano-américaines : la particule « de » disparaßt
dans les mĂȘmes circonstances quâen français : Miguel de Unamuno,
Unamuno. En principe, aucune particule espagnole ne prend de
majuscule initiale : de, del, de las, de les, de los, las, los, y.
Cette limpiditĂ© est sĂ©duisante. Elle nâa quâun dĂ©faut, elle ne
correspond pas Ă la tradition, et les exceptions sont nombreuses :
Bartolomé de Las Casas. Pour les combinaisons préposition + article,
la rĂšgle française ne peut hĂ©las sâappliquer aveuglĂ©ment, il faut « finas-
ser », en gardant Ă lâesprit que « majuscule
=
incidence alphabétique » :
José de La Serna, La Serna ; Diego del Castillo, Castillo ; Fernando
de las Infantas, Infantas.
â
Afnor
1990
[Casas (Le P. Bartolomé de las)] ; Larousse
1985
Ă©crit
« Fernando de las Infantas » dans le texte et donne lâentrĂ©e dâindex
à « Las Infantas ». Il faut choisir.
Larousse
1933
est cohérent : article
« Infantas ».
2
.
4.
Italiennes : toutes les particules italiennes prennent une majus-
cule initiale : Dâ, Da, Dal, Dallâ, De, Degli, Dei, Del, De li, Dellâ,
Della, Di, Lo. De Chirico, DellâAbate, Della Rovere, Del Sarto.
166
PARTICULE
La particule « De » ne doit pas ĂȘtre Ă©liminĂ©e : [une toile de Chirico]
>
une toile de De Chirico.
Exceptions. â Pour ceux qui y tiennent⊠Traditionnellement, les
particules dâanciennes familles nobles ont un comportement compa-
rable à leurs homologues françaises.
2
.
5.
Néerlandaises, flamandes : la tradition française a ici e
â
ectué un
mauvais choix en adoptant les « rÚgles » belges.
Capitale initiale au mot « Van » qui prĂ©cĂšde les noms flamands, « Ă
moins que la personne désignée ne soit noble : dans ce cas, la parti-
cule van ne prend pas la capitale » (Dumont
1915
). Cette distinction,
qui semble indispensable Ă la fĂ©licitĂ© dâun grand nombre de sujets du
roi des Belges, ne devrait pas ĂȘtre retenue.
Dans les patronymes nĂ©erlandais ou flamands, « De » nâest pas une
préposition mais un article : De Klerk (Le Clerc), De Vos (Le Renard).
Cette particule ne doit pas ĂȘtre confondue avec le « de » français
(préposition) ; comme « Du » et « Des », elle a une incidence sur le
classement alphabétique : David, De Crayer, De Vos, Dufy.
Ab, Dâ, De, Den, Der, Inât, Op, Op de, Op den, Opât, Opde,
Opden, âs, sâ, âT, Tâ, Te, Ten, Ter, Thoe, Toe, Uit den, Uut den, Uutât,
Uyt den, Uyter, Van, Van de, Vande, Van den, Vanden, Van der,
Van het, Vanâs, Vanât, Ver, VoorâŠ
±
Ruysdael (van).
Attention ! Des patronymes belges ont un « de » (préposition)
français. Nulle di
â
Ă©rence de comportement avec leurs homologues de
France.
2
.
6.
Portugaises, brésiliennes : aucune particule portugaise ne prend
de majuscule initiale : a, dâ, da, das, de, do, dos.
2
.
7.
Scandinaves : af, av, von, ne prennent pas de majuscule initiale.
La particule « De » (origine romane ou germanique) prend la
majuscule initiale.
167
PARTICULE
3
. RĂ©capitulation des tendances
(voir les exceptions mentionnées
ci-dessus)
.
Majuscule et indexation des particules dans les patronymes anglo-
saxons, italiens, néerlandais et flamands.
Minuscule et rejet des particules dans les patronymes allemands,
espagnols, français, portugais, scandinaves.
Le problĂšme de de Gaulle
Ă France-Langue, du 23 au 29 juillet 1997.
A. Bourlakoff :
AprÚs tout, le général De Gaulle, avec un D capitale,
comme : van De Walle, dixit le
Dictionnaire étymologique des noms et pré-
noms de France
(Larousse) et⊠lâInstitut Charles De Gaulle⊠Sorry pour les
aficionados⊠câest moins superbe !
Et le général de Gaulle orthographiait son nom comment ?⊠Comme
Du Rempart ?⊠Cher ami, jâai des doutes⊠et ils sont partagĂ©s par la quasi-
totalité des ouvrages de référence (dont le dictionnaire de Dauzat que vous
citezâŠ) et par de Gaulle himselfâŠ
MĂȘme si lâon peut trouver une origine flamande Ă ce patronyme, il reste que
ce « de » nâest plus un article (comme dans De Klerk, De Graaf, etc.)⊠mais est
devenu une préposition⊠Le temps, la France et le français sont passés par là ,
et aujourdâhui « Gaulle » passera difficilement pour un mot flamand⊠Pourquoi
vouloir réintroduire un article flamand (ou néerlandais) devant lui ? Je ne suis
pas un aficionado du GĂ©nĂ©ral⊠mais des bas de casseâŠ
D. CĂŽte-Colisson :
Mon dictionnaire semble valider « de ». Mais lâannuaire
du téléphone (CD-Rom de France Télécom, pages « Coup de fil ») confirme
que les deux orthographes coexistent. Exemple : le collĂšge Charles De Gaulle
Ă 07 â Guilherand-Granges et le collĂšge Charles de Gaulle Ă 56 â Ploemer.
Y a pas photo⊠Faites confiance à votre dictionnaire et oubliez France
TĂ©lĂ©com⊠Dâautant que pour un nom de voie publique ou dâĂ©tablissement
scolaire, les traits dâunion sâimposent⊠: collĂšge Charles-de-Gaulle.
K. Mukundi :
Sâagissant de la position dans une liste alphabĂ©tique, les
normes du catalogage elles-mĂȘmes (en matiĂšre de bibliographie), leurs
usages plutĂŽt, varient dâune bibliothĂšque ou dâun centre de documentation
Ă lâautre. Certains mettront par exemple (pour
De Gaulle
, je nâen suis pas
sûre) :
Ajuriaguerra
,
Julien d
e (ce qui placera cet auteur en tĂȘte de liste),
tandis que dâautres prĂ©fĂ©reront :
De Ajuriaguerra, Julien
(il viendra ainsi loin
aprÚs les patronymes commençant par
A
,
B
,
C
, et autres
Da
âŠ).
168
PARTICULE
Eh ! bien, certains ont raison, et les autres ont tort⊠(du moins selon les
rĂšgles françaises). Câest quand mĂȘme une drĂŽle dâidĂ©e de classer à « D » un
homme que lâon appelle AjuriaguerraâŠ
Particules nobles et particules « roturiÚres »
Site Web de Jean-Pierre Lacroux.
Lâorigine noble ou roturiĂšre nâest plus un critĂšre valide dans les rĂšgles
typographiques françaises, qui ont un agréable cachet républicain depuis fort
longtemps⊠[âŠ] On ne va tout de mĂȘme pas passer notre temps (je parle
surtout du mienâŠ) Ă faire le tri entre les purs fins de race, les aristocrates de
seconde main, les nouveaux riches, les prolos Ă particule syntaxique ! On
sâen fout ! Ă moins dâĂȘtre rĂ©dacteur Ă
Point de vue
ou Ă
Gala
, pourquoi vouloir
repĂ©rer les vrais et les faux nobles, puisquâil nây a plus de noblesse ? Je me
goure ? Jâai mal lu notre histoire et les maĂźtres typographes ? Jâai pas regardĂ©
ma montre et câest dĂ©jĂ la DeuxiĂšme Restauration ?
Nobles ou roturiers, tous * les « de » précédant un patronyme « français » sont
en France des prépositions (et des particules) qui ne prennent pas la capitale
initiale
et
qui ne dĂ©terminent pas lâordre alphabĂ©tiqueâŠ
Câest simple, câest dĂ©mocratique, trĂšs pratique, câest admis par tous les
rĂ©dacteurs, rĂ©viseurs, correcteurs dâouvrages de rĂ©fĂ©rence. LâInstitut Charles-
de-Gaulle peut dire et Ă©crire ce quâil veut⊠Sur le sujet, il a moins dâautoritĂ©
et de compĂ©tence que, par exemple, lâImprimerie nationale ou LarousseâŠ
En outre, devant les patronymes plurisyllabiques non prĂ©cĂ©dĂ©s dâun
prĂ©nom, dâun titre de civilitĂ©, dâun grade ou dâune fonction, quâelle soit noble
ou roturiÚre, la particule saute⊠Et vous voudriez coller une capitale initiale
aux particules plébéiennes ? Vous voulez vraiment lire des romans de De
Balzac ? Câest des astuces pour Villiers (Philippe de)âŠ
« De Haan » et « de Haan » nâest pas le mĂȘme nom, surtout en Belgique
(mĂȘme si lâorigine flamande est attestĂ©e).
Cher ami, la Belgique est un royaume oĂč le goĂ»t pour les particularitĂ©s hĂ©rĂ©-
ditaires est encore vivace. Dans mon message, jâai bien prĂ©cisĂ© que jâĂ©voquais
169
PARTICULE
* Si les cas particuliers vous intĂ©ressent, on pourra y revenir⊠Ce soir, je nâai
plus beaucoup de temps (jâai un calva Ă prendre)⊠Ah ! juste ça, pour Ă©viter un
dĂ©bat inutile (je ne suis pas MazoâŠ) : cette affirmation pĂ©remptoire ne sâapplique
Ă©videmment pas aux patronymes anglo-saxons dâorigine française (De La Rue,
De La RocheâŠ), chacun fait ce quâil veut chez lui, ni aux patronymes « français »
dont lâorigine flamande ou nĂ©erlandaise (article) est patente, assumĂ©e, revendiquĂ©eâŠ
ni (sauf exceptions se comptant sur les doigts dâun manchot) aux patronymes
italiens⊠(mais aux patronymes espagnols et portugaisâŠ).
les rĂšgles typographiques françaises (Ă mon sens, les seules qui comptentâŠ).
Elles sâappliquent aux patronymes des citoyens, mais les sujets du roi des
Belges ont bien le droit de chérir des traditions différentes et de croire que
les de Becker nâont pas dâancĂȘtre boulanger alors que les De Becker en ont
indiscutablement un.
Je croyais avoir écrit que les rÚgles typographiques françaises respectent
les usages étrangers : pour les patronymes belges, elles acceptent les « De »
(article néerlandais) et les « de » (ancien article néerlandais devenu préposi-
tion française devant un nom francisĂ© et mĂȘme⊠simple article nĂ©erlandais
honteux)âŠ
Lâon perd une information, ce qui est toujours dommage.
Quelle information ? La rÚgle française élimine toutes les foutaises liées au
sang, à la race, aux prétentions nobliardes, mais respecte toutes les subtilités
grammaticales. Si lâon a un article, son initiale est capitalisĂ©e, as in french :
De Haan
(Le Coq). Si lâon a une vĂ©ritable prĂ©position française (cas assez
rare devant un nom germanique), son initiale demeure minuscule :
de Haan
(Haan : lieu). La prĂ©tendue noblesse nâa rien Ă voir ici, seule la langue est Ă
respecterâŠ
Vous devrez chercher Ă deux endroits dans les bibliothĂšques, puisque vous
aurez perdu cette information (étant donné les rÚgles en vigueur, ou du moins
celles que lâon mâa apprises) â von Bismarck est classĂ© Ă B ; De Haan est
classé à D, de Haan est classé à H et de Ghelderode à G.
Comprends pas⊠En quoi la rĂšgle que jâai Ă©noncĂ©e modifie-t-elle les condi-
tions de cette recherche ?
Vous devrez donc réviser aussi les rÚgles de catalographie ou multiplier les
fiches de renvoi.
Non. Précisément, non.
En revanche, si vous soutenez ceux qui veulent écrire « De Gaulle » (car De
Wall, Le MurâŠ, donc « De » serait encore un article devant un nom francisĂ©
depuis belle lurette), bonne chance avec les fiches de renvoi⊠En France, tout
patronyme francisĂ© peut rejoindre ses pairs⊠[âŠ]
Je veux dire que si vous écrivez « de » partout, vous perdez une information
dont Ă©tait porteuse la distinction de/De â particule ou article.
VoilĂ la preuve quâun quiproquo sâest introduit entre nous⊠car je nâĂ©cris
pas « de » partout et je maintiens évidemment la distinction préposition (en
lâoccurrence française)/article (en lâoccurrence nĂ©erlandais). Ce que jâĂ©limine
(« je » stupide et abusif, car câest la pratique commune en France), câest la
distinction particule nobiliĂšre/particule roturiĂšre, qui se situe sur un autre plan,
dĂ©nuĂ© dâintĂ©rĂȘtâŠ
170
PARTICULE
LâindĂ©cidable porterait donc sur lâ« origine [âŠ] revendiquĂ©e⊠»
Dans le cas qui nous occupe (patronyme « français », et mĂȘme francisĂ©,
dâorigine flamande), oui⊠Jâattends toujours une source fiable Ă©tablissant que
de Gaulle considérait son « de » comme un article⊠et une autre établissant
que « Gaulle » est de nos jours un terme germanique signifiant encore
« mur »⊠Câest un coup Ă rĂ©veiller les Pink Floyd. Pas prudent.
Pour « De Gaulle » par contre, est-ce une question dâusage ou bien y a-t-il
une raison précise au maintien de la particule ?
Les deux. Lâusage fait sauter la particule (sâil sâagit dâune simple prĂ©posi-
tion⊠et non dâun article contractĂ© comme « Du » ou « Des »âŠ) devant les
patronymes plurisyllabiques (Alfred de Musset, Musset ; Jean de La Fontaine,
La Fontaine â mais parfois lâĂ©lision fout le bordel : dâArtagnanâŠ) employĂ©s
« seuls » (sans prénom, titre, fonction, etc.) mais la maintient toujours devant
les patronymes monosyllabiques (et assimilĂ©sâŠ), qui sans elle se trouveraient
bien pauvrets, voire équivoques : de Gaulle, de Grasse⊠Quelques exceptions
cĂ©lĂšbres : Sade, RetzâŠ
Tout cela peut sembler inutilement compliquĂ© mais nâa par bonheur quâune
mĂ©diocre importanceâŠ
Pays fi
DĂ©partement, Ătat, GĂ©ographie, Saint, Transcription, translit-
tération, Ville et village.
En dĂ©pit des apparences â hĂ©las confortĂ©es par quelques ouvrages
de rĂ©fĂ©rence (dictionnaires, codes typographiques) â, les rĂšgles sont
extrĂȘmement simplesâŠ
Les rĂšgles Ă©noncĂ©es dans cet article sâappliquent Ă toutes les dĂ©no-
minations de territoires administrativement organisés et aux entités
politiques correspondantes : Ătats souverains, Ătats membres dâune
confĂ©dĂ©ration ou dâune fĂ©dĂ©ration, provinces, rĂ©gions, dĂ©parte-
ments, etc., ainsi quâaux communes, quelle que soit leur importance.
Attention ! Les rÚgles générales (§
1
) concernent uniquement
les dénominations « o
â
cielles » â entre guillemets, car, dans la plu-
part des cas, il sâagit de graphies francisĂ©es â, sous leur forme usuelle
(lâArgentine) ou dĂ©veloppĂ©e (la RĂ©publique argentine). Tenter
de rĂ©unir sous une mĂȘme rĂšgle la Corse-du-Sud (forme o
â
cielle)
et lâancienne Allemagne de lâEst (forme « fantaisiste », §
2
) conduit
inéluctablement au chaos orthotypographique.
171
PARTICULE
PAYS
1
. RÚgles générales.
1.1
.
Formes françaises et francisées.
âąâąâą â
Un seul mot : majuscule initiale⊠: Autriche, Mexique,
Louisiane, Tarn.
Sâagissant des noms usuels de pays, la plupart des cas sont ainsi
rĂ©glĂ©sâŠ
âąâąâą
Lorsque plusieurs mots entrent dans la composition dâune
dénomination française ou francisée, ils sont tous liés par un trait
dâunion (sauf lâĂ©ventuel article initial) ; tous les noms et tous les adjec-
tifs prennent la majuscule initiale : Pays-Bas, Papouasie-Nouvelle-
Guinée, Trinité-et-Tobago, Basse-Saxe, Loire-Atlantique.
Exceptions.
Pas de trait dâunion aprĂšs les termes qui dĂ©finissent la nature dâun
Ătat, câest-Ă -dire son rĂ©gime, ni aprĂšs ceux qui dĂ©finissent le statut
dâune division administrative : lâAlgĂ©rie, la RĂ©publique algĂ©rienne
démocratique et populaire, la Suisse, la Confédération helvétique, les
Ămirats arabes unis, la RĂ©publique dominicaine, les Territoires du
Nord-Ouest.
Seule exception Ă lâexception :
â
le Royaume-Uni de Grande-
Bretagne et dâIrlande du Nord
.
Remarque. â Figurant dans le nom usuel dâun Ătat, le terme Ătat
est un cas particulier, mais pas une exception, car il serait abusif de
prĂ©tendre quâ
Ătat dĂ©finit Ă lui seul la nature dâun Ătat : les Ătats-Unis
(dâAmĂ©rique, du Mexique, etc.).
Pas de trait dâunion avant les Ă©lĂ©ments finaux (gĂ©nĂ©ralement des
adjectifs) qui précisent un réel lien de dépendance (depuis le début
des années soixante et la décolonisation, cette catégorie de dénomi-
nations est devenue rare) : les Antilles néerlandaises (qui dépendent
des Pays-Bas), la PolynĂ©sie française, lâancienne Afrique-Ăquatoriale
française, lâancien Honduras britannique.
Mais : la Colombie-Britannique (qui appartient au Canada et non
Ă la Grande-Bretagne).
172
PAYS
1.2
.
Formes Ă©trangĂšres.
âąâąâą
Aujourdâhui, le strict respect de la graphie dâorigine (alphabet
latin) hĂ©las sâimpose (faute de quoi on obtient une forme francisĂ©e qui
obéira aux rÚgles exposées ci-dessus) : New Hampshire.
NaguÚre, toutes les dénominations, françaises, francisées ou
« Ă©trangĂšres », Ă©taient soumises aux mĂȘmes rĂšgles de composition.
CâĂ©tait simple. Ăa manquait de subtilitĂ© mais nâĂ©tait guĂšre gĂȘnant, car
la plupart des dénominations étrangÚres étaient francisées.
âąâą ±
Devrait ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme française toute dĂ©nomination
intégralement composée de mots français, y compris celles de lieux
situĂ©s hors de lâespace francophone. CâĂ©tait la rĂšgle. NaguĂšre. FĂ©licitons
ceux qui la respectent encore, mais nâentretenons aucun espoir quant
au succĂšs de leur combat : Saint Louis (Ătats-Unis) ou Saint-Louis.
âąâą
Doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme francisĂ©e toute dĂ©nomination
modifiée par le « bon usage francophone », ce qui inclut les transcrip-
tions et les translittérations e
â
ectuées conformément à cet usage mais
exclut toutes les autres : Nijni-Novgorod.
1.3
.
Formes usuelles et formes « o
â
cielles » développées.
Ă de rares exceptions prĂšs, les formes usuelles vieillissent bien. Les
formes dĂ©veloppĂ©es sont soumises aux alĂ©as de lâhistoire. Dans bien
des cas, il est prudent dâĂ©viter leur emploi, Ă moins de disposer de
sources trÚs récentes et fiables.
Les formes usuelles sont des toponymes (noms propres de lieux)
particuliers, car elles désignent à la fois un lieu et une entité politique
(dans certains cas, celle-ci ne se limite pas nécessairement à celui-là ) :
jâhabite en France ; la France et le Canada ne parviennent pas Ă un
accord sur les zones de pĂȘche. (Certaines formes « o
â
cielles » déve-
loppées ne sont jamais des toponymes : « La République française est
une et indivisible. »)
Lâappartenance Ă deux mondes â « espace, gĂ©ographie, lieux » et
« temps, histoire, organismes, institutions, etc. » â que les rĂšgles
typographiques traitent di
â
éremment est une contradiction résolue
173
PAYS
depuis longtemps : les noms de territoires organisés constituent une
catĂ©gorie particuliĂšre, soumise Ă des rĂšgles simples. Justifier lâincohĂ©-
rence actuelle en puisant des rĂšgles dans lâun ou lâautre domaine est
un procédé contestable :
â les Ămirats arabes unis, la RĂ©publique centrafricaine, la RĂ©pu-
blique dominicaine, la RĂ©publique tchĂšque ;
â lâAustralie, la Barbade, le Cambodge, le Canada, la Grenade, la
Jama
ĂŻ
que, le Japon, la Malaisie, la Mongolie, la Roumanie, les Ăles
Salomon, la Somalie, lâUkraine, la Yougoslavie ;
â le grand-duchĂ© de Luxembourg, la principautĂ© dâAndorre, la
principauté de Monaco ;
â les royaumes de Belgique, de NorvĂšge, du Danemark ;
Et : lâAlbanie (la rĂ©publique dâAlbanie), lâAllemagne (la rĂ©publique
fĂ©dĂ©rale dâAllemagne et lâancienne RĂ©publique dĂ©mocratique alle-
mande), lâArgentine (la RĂ©publique argentine), la GrĂšce (la RĂ©publique
hellĂ©nique), lâItalie (la RĂ©publique italienne).
2
. Formes « fantaisistes ».
Les groupes nominaux finaux et non o
â
ciels qui précisent la situa-
tion gĂ©ographique dâune entitĂ© politique, afin de la distinguer dâune
ou de plusieurs autres entités homonymes : la Corée du Sud,
lâancienne Allemagne de lâEst. Mais (formes o
â
cielles) : le Dakota-
du-Sud, la Virginie-Occidentale, le Mecklembourg â PomĂ©ranie-
Occidentale, les anciennes CĂŽtes-du-Nord, la RhĂ©nanie-du-Nord â
Westphalie.
Exceptions. â
â
LâAfrique du Sud, lâIrlande du Nord
.
3
.
â
La tradition française Ă©tait dâune grande limpiditĂ©. CâĂ©tait
trop beau. Elle sâest progressivement dĂ©gradĂ©e, au point de devenir
dĂ©concertante, quasi inexplicable. Il serait aujourdâhui recommandĂ©
de traiter di
â
Ă©remment des entitĂ©s comparables, dâappliquer Ă leurs
noms des rĂšgles jusquâalors rĂ©servĂ©es Ă dâautres catĂ©gories de dĂ©nomi-
nations propres, etc.
Des spécialistes (membres de commissions o
â
cielles de termi-
nologie, ministres, etc.) nous enseignent que les formes « Cap-Vert »,
174
PAYS
« Pays-Bas », imposĂ©es par lâusage â sous-entendu : archa
ĂŻ
que et
un brin fantaisiste â, sont des exceptions Ă la rĂšgle qui veut que
lâadjectif postposĂ© conserve la minuscule initiale (principe il est vrai
applicable à plusieurs catégories de dénominations propres) et ne soit
pas liĂ© par un trait dâunion au nom qui le prĂ©cĂšde⊠Cette rĂšgle
nâexiste que dans le chef de ceux qui sont prĂȘts Ă compliquer la
« grammaire orthotypographique » dans le seul dessein dâentĂ©riner
tous les dérapages du mauvais usage. « Cap-Vert » ou « Pays-Bas » ne
sont pas des exceptions mais des formes qui respectent la rĂšgle fran-
çaise. Il faut ĂȘtre singuliĂšrement audacieux pour a
â
rmer que seul
lâusage (la routineâŠ) les a imposĂ©es, alors que câest la rĂšgle qui nous
donne {les Samoa occidentales}.
Lâennui⊠câest que les gre
â
ers de lâusage sont dâune incohĂ©rence
(interne et externe) assez troublante (pour lâusager) : Guatemala,
Guatémala. Liberia, Libéria. Hong-Kong, Hongkong, Hong Kong,
Surinam,
Suriname. Ta
ĂŻ
wan, Taiwan. Dans le Français et les SiÚcles,
Claude HagÚge écrit : Hong Kong, Kénya, Nigéria, Vietnam.
â
Larousse
1992
: {Virginie occidentale}, Colombie-Britannique.
â
Hachette
1995
, Micro-Robert
1990
: Virginie-Occidentale, {Colombie
britannique}.
=
Robert
1994
est sur ce point un des rares usuels cohérents.
â
Afnor
1990
, qui ignore ou méprise hardiment les normes de
lâorthographe, Ă©crit [CĂŽte dâIvoire]âŠ
Doppagne
1991
écrit [Guinée
Bissau, Tai-Wan].
4.
Pays et gentilés.
Hormis quelques cas inadmissibles, sont privilégiées les formes et
les graphies recommandĂ©es par lâarrĂȘtĂ© du
4
novembre
1993
relatif Ă la
terminologie des noms dâĂtats et de capitales.
PĂ©riode historique fi Ăge, Ăpoque, Style artistique
â
175
PAYS
PĂRIODE HISTORIQUE
Petite capitale fi
Capitale, Majuscule, Sigle.
Les petites capitales ne sont pas des majuscules ! La preuve⊠dans
un groupe de mots composé en petites capitales, les majuscules se
composent en grandes capitales : Jean de La Fontaine.
Dans le corps du texte, un mot composé en grandes capitales
acquiert un poids Ă©norme.
Inscriptions lapidaires, reproduction dâun tĂ©lĂ©gramme : bien arrivĂ©
aux antilles. vous embrasse. Dans de tels cas, les majuscules
(grandes capitales) ne sâimposent pas en dĂ©but de phrase (majuscule
démarcative) ni comme initiale des noms propres (majuscule distinc-
tive), car leur prĂ©sence ruinerait lâe
â
et dâimitation graphique.
=
Impr. nat.
1990
.
¶ Manuscrit : les mots à composer en petites capitales sont souli-
gnés deux fois :
Composition des petites capitales
Ă Typographie, le 9 novembre 1997.
Ă. Domergue :
[Ăcrire les noms de personnes tout en capitales] permet de
diffĂ©rencier le nom du prĂ©nom et ce nâest pas toujours Ă©vident lorsque le nom
ressemble Ă un prĂ©nom ou lorsquâil sâagit de patronymes Ă©trangers. Pour
Ă©viter le saut Ă la figure, il suffira de descendre la force de ces capitales en
changeant le corps ou dâutiliser des petites capitales.
Il me semble abusif de considérer que grandes et petites capitales sont des
Ă©lĂ©ments graphiques de mĂȘme nature, ne diffĂ©rant que par la taille (relative)
et Ă©ventuellement par le dessin. Les petites capitales ne sont pas des majus-
cules (grammaticales) mais des minuscules dont le dessin est quasi identique
Ă celui des capitales.
Cela signifie (Ă mon avisâŠ) que si lâemploi des capitales est
avant tout
un
problĂšme de graphie, câest-Ă -dire de langue (Ă©criteâŠ), celui des petites caps
est
exclusivement
un problĂšme typographique. Lâattitude face Ă la tradition est
bien différente : avec les caps, y a du monde dans (et sur) les rangs ; avec les
petites caps, beaucoup moinsâŠ
Si demain la plupart des néocompositeurs se mettent à multiplier inconsi-
dĂ©rĂ©ment les petites caps, personne nây pourra rien et une nouvelle tradition
sâinstaurera peut-ĂȘtre. Si certains veulent abuser des caps, tant pis pour eux,
seule leur réputation aura à en souffrir.
Au XIX
e
siĂšcle
>
Au xix
e
siĂšcle.
Au XIX
e
siĂšcle
>
Au xix
e
siĂšcle.
176
PETITE CAPITALE
Ă. Domergue :
Le choix va dĂ©pendre aussi de lâexpression visuelle du
contexte. Jâaime bien lâabsence des capitales et mĂȘme de la majuscule dans
des environnements trĂšs graphiques, avec du Futura par exemple.
De quoi parle-t-on ? De graphisme ou de composition ? De texte courant ou
de titres ? Dâouvrages courants ou spĂ©cialisĂ©s ? De nos goĂ»ts respectifs ou de
lâusage ?
Nul ne va donner de leçons posthumes aux peintres cubistes en leur
rappelant les recommandations des codes typographiques⊠Les graphistes
dâaujourdâhui peuvent faire ce quâils veulent avec les lettres, les chiffres et tous
les signes qui leur tombent sous la main !
Mais, si lâon parle de composition typographique, hors de certains titres, on
ne devrait rien composer en toutes capitales (si⊠quelques menus détails
comme les chiffres romains des divisions principales, les vrais sigles, quelques
abrĂ©viations, lâinsistance assez lourde ou la traduction graphique de divers
beuglementsâŠ). Dans le corps du texte, on ne compose pas les noms
propres en toutes caps, pas mĂȘme les patronymes pour les distinguer des
prénoms !
Sâagissant de la composition des patronymes, les petites caps (avec
grande cap initialeâŠ) sont recommandĂ©es dans les bibliographies (et dans
quelques autres lieuxâŠ). Si elles sont souvent inutiles, voire ridicules (mais
non fautives *) dans le corps du texte (dans cet emploi et dans les ouvrages
« spĂ©cialisĂ©s »), elles sont dâune rare Ă©lĂ©gance et dâune belle efficacitĂ© dans les
notes et les annexes.
Ă Typographie, le 28 mai 1998.
A. Hurtig :
Il me semble quâinterlettrer plus fortement un groupe de mots
tout en caps (par exemple : un titre, ou un nom en petites caps) est une habi-
tude rĂ©cente (dâorigine amĂ©ricaine ?), et que cette pratique est plutĂŽt nĂ©faste,
parce quâelle blanchit trop la ligne et fausse (ou ralentit) la lecture.
Je parlais dâune compo tout en caps⊠et lĂ lâinterlettrage subtil nâest pas
une pratique rĂ©cente. InterlettrĂ© ou non, un seul mot en caps au sein dâune
compo en bas de casse fout le boxon. DâoĂč lâintĂ©rĂȘt des petites capitales, qui
en outre nâimposent pas nĂ©cessairement de jouer sur lâinterlettrage.
177
PETITE CAPITALE
* Pour mâexpliquer un peu mieux⊠Dans une publication scientifique ou technique,
sâil est absurde de composer en petites caps
tous
les patronymes, il nâest pas nĂ©ces-
sairement idiot (dans certains cas) de composer ainsi des noms dâauteurs dont les
ouvrages ou les travaux sont Ă©voquĂ©s. MĂȘme remarque pour les citations.
Ă Typographie, les 31 janvier et 1
er
février 2002.
Ah si⊠il y a un cas oĂč les petites caps peuvent lĂ©gitimement reprĂ©senter
des majuscules⊠TrÚs spécial, trÚs rare, trÚs littéraire⊠Bon, foin des coquet-
teries : il sâagit, dans la prose romanesque, de la reproduction « typographi-
quement fidĂšle » des tĂ©lĂ©grammes (ou, Ă la rigueur, dâinscriptions lapidaires
un peu longuettes). LĂ , comme le tout cap est Ă©videmment exclu, le souci
« imitatif » autorise la composition des majuscules en petites capsâŠ
T. Bouche :
Moui, mais alors il sâagit de caps de petite taille et non de
petites caps ; sinon ce serait parfaitement illégitime.
Illégitime pour les seules majuscules. Théoriquement, tu as raison. Seu-
lement, voilà : les télégrammes ou les inscriptions lapidaires un peu longuettes
sont le plus souvent composĂ©s de plusieurs mots, voire de plusieurs phrasesâŠ
Or, au sein du texte courant et pour nos yeux attachés à leurs petites habi-
tudes, il est plus agréable de « lire » de vraies petites capitales que des grandes
capitales atrocement rĂ©duites. Si les petites nâont pas le mĂȘme dessin que les
grandes, ce nâest pas le fait du hasard ou dâune lubie ancestrale⊠(Il va sans
dire que je parle ici des vraies petites capitales et non de leurs succédanés,
sinon le dĂ©bat nâaurait aucun sensâŠ)
T. Bouche :
En fait, tu nous fais le coup [des sigles en petites capitales] en
lâadmettant dans un cas similaire au prĂ©texte que ce serait trĂšs littĂ©raire
&
trĂšs
spĂ©cialâŠ
Pas exactement similaire⊠Tu oublies le « souci imitatif ». OĂč se situe-t-il
dans le cas des sigles ?
Revenons Ă lâ« illĂ©gitimitĂ© » et mesurons son poids⊠Dans le cas (trĂšs
rareâŠ) des tĂ©lĂ©grammes en petites caps, seules les majuscules (dĂ©marcatives
et distinctives) sont « illégitimes »⊠Autrement dit, quasiment que dalle, un
petit 5
%
Ă vue de nez. Dans les sigles (trĂšs frĂ©quentsâŠ) en petites caps,
tous
les caractÚres sont illégitimes, du 100
%
garanti ! Et tu oses comparer !
Peuple fi
Pays.
« Duclos disait, pour ne pas profaner le nom
de Romain, en parlant des Romains modernes :
Un Italien de Rome. »
Nicolas de Chamfort,
Anecdotes et CaractĂšres.
Les noms de races, dâethnies, de peuples, dâhabitants (ou de ressor-
tissants) prennent la majuscule initiale : un Blanc, deux Noirs,
trois Jaunes. Les Européens, les Africains. Un Arabe, deux BerbÚres.
178
PETITE CAPITALE
PEUPLE
Un Allemand, deux Brésiliens, trois Chinoises, quatre Danois,
une Russe. Quatre Méridionaux, trois Provençaux, un Tarnais. Un
Parisien, deux New-Yorkais, une Castrothéodoricienne. Quelques
Batignollais.
Ce privilĂšge nâest accordĂ© quâaux humains et Ă leurs Ă©ventuels
homologues extraterrestres : deux Terriens, quatre Martiens, mille
Arcturiens.
Les autres espĂšces animales nây ont pas droit : un europĂ©en tigrĂ©,
deux siamois, un beau danois (femelle), cinq grands malinois.
±
La rĂšgle sâapplique Ă certaines * dĂ©signations pĂ©joratives, argo-
tiques ou familiĂšres : un Rital, deux Boches, trois Amerloques. Les
Rosbeefs ne sont pas frais, les Macaronis sont cuits. Parisien, tĂȘte de
chien, Parigot, tĂȘte de veau.
Pour Albigeois-albigeois, Juif-juif, Vaudois-vaudois, voir :
Adepte,
Religion.
179
PEUPLE
* La di
â
érence entre xénophobie et racisme est parfois ténue. La rÚgle énoncée
ci-dessus Ă©tant admise par la quasi-totalitĂ© des auteurs (sans gĂȘne apparente), il
convient de lui donner une justification admissible, et, pour ce faire, de réintroduire
ici une distinction entre gentilĂ© et appartenance ethnique (distinction qui nâintervient
pas dans les désignations normales).
Les exemples donnĂ©s ici qualifient des hommes ou des femmes originaires dâune
nation, dâune province, dâune ville, câest-Ă -dire dâun lieu, ce qui rend ces termes assi-
milables Ă des gentilĂ©s, des « gentilĂ©s xĂ©nophobes ». Pour certains dâentre eux, une
part du mĂ©pris initial sâest peu Ă peu convertie en familiaritĂ©. Ce nâest bien sĂ»r pas le
cas des termes racistes [bicot, bougnoul, etc.] qui désignent un groupe ethnique ou
supposĂ© tel : Ă jamais immondes, ils nâont pas Ă se parer dâune majuscule initiale. On
me dira quâavec ou sans majuscule ils nâont pas Ă figurer dans un texte quelconque,
que la minuscule nâest pas une garantie contre les pogroms et les ratonnades, et que
ces précautions orthotypographiques sont dérisoires.
Certes. Mais Ă ce compte-lĂ , toute lâorthotypographie est dĂ©risoire. Et la grammaire.
MĂȘme si leur formation et leur emploi sont moins malsains, les termes familiers reven-
diquĂ©s voire forgĂ©s au sein dâun groupe qui se dĂ©finit en partie sur des critĂšres raciaux
ou supposĂ©s tels nâont pas davantage Ă prendre la majuscule initiale : un beur, deux
beurettes (mais trois jeunes Français dâorigine arabe, ou, plus frĂ©quemment depuis que
la République a perdu la mémoire, trois jeunes Maghrébins nés en France), quatre
blacks (mais cinq Noirs).
Adjectif.
Une femme blanche, un poĂšte africain, le peuple allemand, la
tradition boche, un Belge naturalisĂ© français. Je suis Français, câest un
citoyen français. â DâoĂč vient ce chocolat ? â Il est belge. â Et toi ?
â Je suis Français.
â
On nous explique parfois que dans : « Je suis Français », lâattribut
du sujet est un adjectif (ellipse : « Je suis [un citoyen, un ressortissant]
français ») et quâil convient par consĂ©quent dâĂ©crire [« Je suis français »]
comme on écrit : « Je suis débile ».
Câest bien sĂ»r inexact ; lâattribut est un substantif, comme dans : je
suis marin, elle est boulangĂšre, etc.
=
Dumont
1915
, Hanse
1987
.
Accord en nombre.
« Ces réflexions sont particuliÚrement appropriées au cas des
Mbaya-Guaicuru dont, avec les Toba et les Pilaga du Paraguay, les
Caduveo du BrĂ©sil sont aujourdâhui les derniers reprĂ©sentants. »
â Claude LĂ©vi-Strauss,
Tristes Tropiques.
Mots composés.
Les Sud-Américains, les Canadiens français.
(Selon Maurice Grevisse, si nous sommes des francophones, les
Anglo-Saxons ne peuvent ĂȘtre que des anglo-saxophones.)
Formes particuliĂšres.
Les ministres des A
â
aires Ă©trangĂšres et de lâĂducation nationale
recommandent Ămirien(s), Ămirienne(s) pour dĂ©signer les habitants
des Ămirats arabes unis.
Dérivation ingénieuse. Si la République arabe unie fait une nou-
velle apparition, ses ressortissants seront-ils appelés Républicain(s),
RĂ©publicaine(s) ?
Langues.
Il lit le russe,
=
Impr. nat.
1990
.
180
PEUPLE
« Ătazuniens »
Ă F.L.L.F., les 2 et 3 juin 2000.
D. Liégeois :
Eh bien, il nây a pas de quoi ĂȘtre fier. Comment le
Petit Larousse
justifie-t-il lâescamotage du « t » [dans « Ă©tasunien »] ?
Le
Petit Larousse
nâa pas Ă justifier un escamotage quâil nâeffectue pas⊠Il
donne « Ă©tats-unien », sans variante. Câest
le Petit Robert
qui privilĂ©gie lâentrĂ©e
« Ă©tasunien », avec la variante « Ă©tats-unien » et une trĂšs belle rĂ©fĂ©rence Ă
lâancienne forme « Ă©tazunien », qui ne manquait ni dâattrait ni de mĂ©riteâŠ
D. Liégeois :
Je nâarrive pas Ă le croire. Mon
Robert
Ă moi (1994) lemmatise
« Ă©tats-unien » et donne : « Rare (parfois par plais.). Des Ătats-Unis (lâadjectif
usuel amĂ©ricain â ou amĂ©ricain du Nord, nord-amĂ©ricain â nâĂ©tant pas
aussi prĂ©cis). â AmĂ©ricain. â
Rem
. On Ă©crit aussi Ă©tats unien, sans trait
dâunion. »
Votre
Robert
nâest pas un
Petit Robert
⊠Dix ans plus tĂŽt, lâentrĂ©e privilĂ©giĂ©e
Ă©tait dĂ©jà « Ă©tasunien » (choix contestable, je suis dâaccord), avec lâexcellente
variante « Ă©tats-unien ». Quant Ă lâineptissime graphie « Ă©tats unien », si elle
figure encore dans les premiers
Petit Robert
(lâhĂ©ritage est encore pesant) sous
la forme « états[-]unien », elle est heureusement éliminée depuis longtemps.
Schtroumpfix :
Lâennui, câest que sâil y a plusieurs pays en AmĂ©rique, il y a
aussi plusieurs pays qui sont des « Ătats-Unis » : le BrĂ©sil, la Malaisie, âŠ
Quand un pays nâa pas de vĂ©ritable nom, il ne faut pas sâattendre Ă des dĂ©ri-
vations miraculeuses. (En français, les SoviĂ©tiques ne sâen Ă©taient pas trop mal
sortis.) Un joli nom nâest hĂ©las pas une garantie : comment appelez-vous les
habitants de lâĂtat de la CitĂ© du Vatican ?
D. Liégeois :
Si je comprends bien, ce sinistre solécisme fait son entrée triom-
phale dans la langue française en 1989 et entre aussi sec dans le dictionnaire.
Mais non⊠il est « entré » (timidement) dans notre langue bien avant 1989.
Prenez par exemple la citation de
la Croix
dans
le Petit Robert
: 1965⊠Quant
à « Ă©tazunien », la mĂȘme source vous renvoie Ă 1955 !
D. Liégeois :
[Il entre] par la grande porte, sans commentaire, et en sort
lâannĂ©e suivante par la petite.
Il nâen est pas « sorti ». Il a changĂ© de graphie.
D. Liégeois :
Admirez la « rĂ©activitĂ© ». Jâen ferais un argument de vente : « Le
dictionnaire qui ne craint pas dâencenser cette annĂ©e des mots quâil balancera
lâannĂ©e prochaine. »
Pourquoi pas ? Un dictionnaire de la langue â et singuliĂšrement un
dictionnaire dâusage courant â nâest pas quâun rĂ©pertoire acadĂ©mique, un
club de mots assis. Câest avant tout un outil rĂ©pondant Ă des attentes trĂšs
181
PEUPLE
diverses. Fournir la signification de termes que le lecteur a des chances de
rencontrer dans des textes pas nécessairement spécialisés est une mission
honorable, utile, indispensable.
Que certains de ces termes aient une durée de vie brÚve ou longue, que
certains soient des horreurs ou des bouffonneries est une autre affaire. Le
cas dâ« Ă©tasunien, Ă©tats-unien » est nĂ©anmoins particulier : il ne pose pas de
vĂ©ritable problĂšme de comprĂ©hension⊠et pourtant, câest un des trĂšs rares
gentilés à mériter une entrée dans
le Petit Robert
. Câest comprĂ©hensible.
« Sydneysiders »
à F.L.L.F., le 22 août 2000.
M. Gevers :
Mais pour les habitants de Sydney, en effet, il nây a pas de terme
bien défini.
On a Belleysans ou Veveysans, pourquoi pas Sydneysans ?⊠Ou « Montpel-
liĂ©rains orientaux »⊠car je viens dâapprendre (chez le miraculeux Pierre L.)
que jadis Sydney mĂ©rita le surnom de « Montpellier de lâOrient » ! Ben mon
colonâŠ
M. Gevers :
Cela fait un peu trop japonais ! (San veut dire Monsieur, je crois).
Chacun sait que le parmesan est une spécialité japonaise !
M. Gevers :
Personnellement je nâai jamais vu cette expression utilisĂ©e dans
la presse, alors je ne mây fie pas tropâŠ
Ne vous y fiez pas du tout ! Ce nâĂ©tait quâune proposition « analogique »âŠ
mais⊠doit-on comprendre que vous vous fiez surtout à ce que vous avez vu
dans la presse ?âŠ
M. Gevers :
Je crois quâil vaudrait mieux dire « les Sydneyens » (qui peut aussi
se mettre facilement au féminin).
Oui, pourquoi pas ? Câest bien aussi.
Remarquez, Sydneysane, comme Veveysane, est Ă©galement dâune formation
facileâŠ
M. Gevers :
Je crois que Sydney est bien plus beau (plus belle ?) que Mont-
pellier⊠!
« La modestie en plus ! » Selon P. L., câest son climat et la fĂ©conditĂ© de son
sol qui ont valu Ă cette vilaine bourgade une comparaison si flatteuseâŠ
C. Ledent :
Je viens de lire un article sur Sydney publié dans
le Figaro Maga-
zine
de samedi dernier, les habitants y sont qualifiés de « sydneysiders ».
SidĂ©rant ! Ă placer dâurgence dans le top ten du mois ! Un must de quartier
de no bless, parole dâĂ©vangile, Good « news magazine »⊠Nâen changez pas !
182
PEUPLE
« Eskimos »
à F.L.L.F., le 12 août 2001.
D
r
Phonenstein
: « Les Inuits » (pas les Eskimos, câest une insulte et cela veut
dire bouffeur de viande crue).
Pas si simple. En français, « Esquimau » nâest pas pĂ©joratif.
Voici des extraits de messages échangés en 1997 :
Si lâon Ă©tudie la question sur lâensemble de la rĂ©gion circumpolaire, on se
rend vite compte quâil est impossible de remplacer partout
Esquimau
par
Inuit
.
Esquimau est un mot français non péjoratif qui désigne plusieurs groupes
ethniques dont certains revendiquent le nom dâInuit, pluriel dâInuk (« ĂȘtre
humain »). Si je voulais pinailler, je vous demanderais si vous ne trouvez pas
que ce terme (« ĂȘtres humains ») nâest pas un peu pĂ©joratif pour ceux qui ne
sont pas Inuits⊠(Je sais bien que jadis certains de ces groupes, isolés du reste
des hommes par lâeffroyable duretĂ© de leur habitat, se considĂ©raient comme
les « seuls » humains. Mais aujourdâhui, mĂȘme pour respecter la tradition,
est-ce bien raisonnable de sâappeler ainsi ?âŠ)
[âŠ] Pendant plusieurs mois, jâai travaillĂ© avec Jean Malaurie (spĂ©cialiste de
lâArctique, auteur des
Derniers Rois de Thulé
, dâ
Ultima Thulé
et fondateur de
la collection Terre humaine) [âŠ], qui nâest pas suspect de mĂ©pris pour les
peuples hyperborĂ©ens (personnellement, je pense mĂȘme quâil en rajoute un
peuâŠ). [âŠ] Jâai cru comprendre quâun certain type de « respect » ethnotruc
pour les Esquimaux (terme quâil nâhĂ©site pas Ă employer) redevenus Inuits
(terme quâil emploie Ă©galement) est un moyen assez sĂ»r de les maintenir en
état de dépendance.
Les Canadiens sont des experts en la matiĂšre ; les Scandinaves *, les Russes
et les Américains ne sont pas mal non plus⊠Appelons-les comme ils le
souhaitent et rĂ©servons-leur lâavenir que nous souhaitons.
Câest un simple marchĂ© de dupes. Nous nâavons pas Ă le cautionner en
condamnant définitivement
Esquimau
.
Inuit
sâimpose peu Ă peu dans notre
langue, mĂȘme hors de lâusage spĂ©cialisĂ©. Câest bien⊠mais il ne remplace pas
Esquimau, car tous les Esquimaux ne se prĂ©tendent pas Inuits⊠Câest bien joli
de suivre nos amis canadiens dans leur zĂšle, mais il ne faudrait pas quâils nous
entraĂźnent Ă dire nâimporte quoiâŠ
Bref, avant dâadopter lâ« Inuit Ă tout faire », faudrait peut-ĂȘtre songer aux
autres Esquimaux, qui ne sont pas moins respectables⊠(Il est vrai quâau-
jourdâhui les Inuits ont rĂ©ussi Ă imposer leur nom Ă la quasi-totalitĂ© des
Esquimaux⊠Le paninuitisme est en marche.)
183
PEUPLE
* MĂȘme si le cas du Groenland semble a priori dâune nature diffĂ©rente.
Cela dit,
eskimo
veut dire « mangeur de viande crue », un terme monta-
gnais que les Inuits (qui veut dire « les hommes ») nâont jamais acceptĂ© car les
Montagnais les appelaient ainsi par mépris profond.
Pas si sĂ»r⊠Voici un extrait de lâ
Universalis
:
« Depuis les annĂ©es 1970, certains groupes rejettent lâappellation
Eskimo
,
quâils estiment pĂ©jorative. Au Canada, ils prĂ©fĂšrent se dĂ©signer eux-mĂȘmes
par le terme
Inuit
(singulier
Inuk
) et au Groenland par le terme
Kalaallit
(sin-
gulier
Kalaaleq
). En Alaska, lâappellation
Eskimo
est toujours utilisée, avec la
distinction géographique et culturelle
Inupiat
(pour les communautés du
Nord) et
Yuit
(pour celles de lâOuest et du Sud-Ouest). Les Eskimo sibĂ©riens
adoptent aussi, de nos jours, le terme
Yuit
pour se désigner.
« Il fut longtemps admis que le terme âEsquimauâ, connu depuis le dĂ©but du
xvii
e
siÚcle par les Français établis en Nouvelle-France, aurait été attribué à ces
populations du Grand Nord canadien (qui elles-mĂȘmes se dĂ©signaient sim-
plement du nom dâInuit, câest-Ă -dire les âĂȘtres humainsâ) par leurs voisins,
leurs ennemis hĂ©rĂ©ditaires, les Indiens algonquins â ce mot dââesquimauâ
signifiant dans leur dialecte âmangeurs de [viande] crueâ. Une recherche de
scientifiques québécois conduit à envisager une autre origine et une signifi-
cation différente du terme. Il dériverait, selon eux, plutÎt de
Ayassimew
, de la
langue des Indiens montagnais, ou de
Esgimow
, des Indiens micmac, les deux
mots signifiant âceux qui parlent la langue dâune terre Ă©trangĂšreâ et dĂ©signant
tantĂŽt les Inuit, tantĂŽt dâautres Indiens dont le langage leur Ă©tait inintelligible. »
Fin de citation [âŠ].
Quoi quâil en soit de lâĂ©tymologie, il reste que tous les Esquimaux ne sont
pas des Inuits⊠Hormis les spécialistes, personne ne va attribuer à chaque
groupe son véritable nom⊠Un terme générique comme
Esquimaux
*, qui en
français nâa rien de pĂ©joratif, nâest donc pas inutile. [âŠ]
Poussés par des ethnolùtres aux intentions diverses, les Lapons (du suédois
lapp
) sont en train de nous faire le mĂȘme coup et veulent se faire appeler
SĂĄmi
dans toutes les langues de la planĂšte bleue, en attendant mieuxâŠ
Lâaffaire lapone est Ă©trange. Tout le monde sait que, mĂȘme dans les cas oĂč
lâethnique français nâest pas pĂ©joratif, le recours Ă la forme originelle est une
marque de mépris : « un Anglais » est préférable à « un English ». Renvoyer
lâautre Ă sa langue (lui refuser le terme français adĂ©quatâŠ), câest la marque
des xĂ©nophobes. (Ce nâĂ©tait pas, jusquâalors, une pratique française. Elle nous
vient dâune autre tradition : celle des ghettos, des rĂ©serves et de la sĂ©grĂ©ga-
tion raciale.) Dans ce dĂ©bat, je crois que lâon a un peu trop tendance, comme
souvent, Ă inverser facilement les rĂŽles.
184
PEUPLE
* Ou HyperborĂ©ensâŠ
Certes, X ne fait que reprendre et défendre une revendication des Lapons.
Je dis « des Lapons », mais jâignore si elle sâappuie sur le sentiment dâun
peuple ou sur celui de quelques esprits Ă©clairĂ©s (jâentends la revendication
visant Ă Ă©purer toutes les langues du mondeâŠ). Ce que je sais, comme Z, câest
quâelle ne nous concerne pas. Ce que je crois, câest quâelle est mĂ©diocrement
inspirée.
Dâautres peuples ont une attitude plus saine. Les BerbĂšres, par exemple, ne
veulent pas renoncer Ă ce nom quâen français ils portent avec courage et fiertĂ©.
Selon les critÚres défendus par X, il est pourtant bien pire que « Lapon » ou
« Esquimau » : non seulement il leur a Ă©tĂ© donnĂ© par les Arabes, qui lâavaient
piquĂ© aux Romains, qui lâavaient piquĂ© aux Grecs, mais sa signification est
horriblement méprisante, indistincte, xénophobe (non par déduction ou
supposition, mais dâune maniĂšre avĂ©rĂ©e, attestĂ©eâŠ). Et pourtant, ce nom est
portĂ©, revendiquĂ©, il est mĂȘme devenu un symbole de libertĂ©, dâouverture
dâesprit, de rĂ©sistance Ă lâobscurantisme.
[âŠ] La volontĂ© dâimposer son nom sous une forme quasi unique et estam-
pillĂ©e pure Ă lâensemble des peuples de la planĂšte me semble une entreprise
diablement inquiétante, pour ne pas dire plus. Je souhaite vivement que
lâensemble des peuples francophones rĂ©siste le plus longtemps possible Ă ce
genre dâappel. Francophones, nous reconnaissons aux autres peuples le droit
de nous nommer comme ils lâentendent. Nous nâavons ni la prĂ©tention ni
lâarrogance de dicter aux autres ce quâils doivent dire et Ă©crire, mĂȘme lorsquâil
sâagit de nous nommer.
Nous nâespĂ©rons plus que cette libertĂ© de pensĂ©e et de parole soit partagĂ©e
par tous, mais nous tenons modestement à la préserver.
Place fi Voie et espace public
PlanĂšte fi Astre
Ï
185
PEUPLE
PLANĂTE
Planche fi
Figure.
Numérotation en chi
â
res romains grandes capitales.
Abréviation : pl. (planche, planches).
âąâą
Le mot planche ne sâabrĂšge que dans les notes, les annexes, etc.
Dans le texte courant, il ne sâabrĂšge que dans les rĂ©fĂ©rences situĂ©es
entre parenthĂšses.
=
Lefevre
1883
.
Pléonasme
Les pires dâentre eux sont les clichĂ©s plĂ©onastiques. [Car en e
â
et]
certains scripteurs les [prĂ©fĂšrent volontiers], [mais pourtant] nul nâen
a le [monopole exclusif ] : PrĂ©voyant dâavance une secousse sismique, il
a
opposé son veto à la poursuite des travaux actuellement en cours dans
les dunes de sable.
Pluriel des mots Ă©trangers
« Ăcorce. â Zim⊠Boum⊠TrĂ©molos
Ă lâorchestre.
CarthagĂšne. â On dit âTremoliâ,
mossieu. »
Max Jacob, Saint Matorel.
« Un gigolo, des gigoli ; un spaghetto, des spaghetti »
(généralement attribué à Alphonse Allais)
à France-Langue, le 25 février 1997.
Rf
3
Finn :
Je suis Ă©tudiant de français Ă lâuniversitĂ© de Swansea et je
cherche des informations sur un aspect spécifique de la langue française : la
pluralisation de mots étrangers dans la langue française, en particulier,
la sĂ©rie de changements dâorthographe proposĂ©e par le Conseil supĂ©rieur de
la langue française en 1990-1991. Par exemple : la dĂ©cision dâĂ©crire « lieds »
plutÎt que « lieder », comme le pluriel de « lied », en français.
Il nây a pas de « dĂ©cision » mais des « recommandations de graphies »
(aux lexicographes), fondĂ©es sur une sĂ©rie dâ« analyses » et de « rĂšgles » (dont
186
PLANCHE
PLURIEL DES MOTS ĂTRANGERS
certaines sont trĂšs discutables, ce qui nâest heureusement pas le cas de celles
qui concernent le pluriel des mots empruntés).
Extraits du rapport (texte intĂ©gral dans le nÂș 100 du
Journal officiel
du
6 décembre 1990) :
«
Analyses. 6.1. Singulier et pluriel :
On renforcera lâintĂ©gration des mots
empruntés en leur appliquant les rÚgles du pluriel du français, ce qui implique
dans certains cas la fixation dâune forme au singulier.
«
RĂšgles. 7.
Singulier et pluriel des mots empruntés : les noms ou adjectifs
dâorigine Ă©trangĂšre ont un singulier et un pluriel rĂ©guliers : un zakouski, des
zakouskis ; un ravioli, des raviolis ; un graffiti, des graffitis ; un lazzi, des lazzis ;
un confetti, des confettis ; un scénario, des scénarios ; un jazzman, des jazz-
mans, etc. On choisit comme forme du singulier la forme la plus fréquente,
mĂȘme sâil sâagit dâun pluriel dans lâautre langue. Ces mots forment rĂ©gu-
liĂšrement leur pluriel avec un âsâ non prononcĂ© (exemples : des matchs, des
lands, des lieds, des solos, des apparatchiks). Il en est de mĂȘme pour les noms
dâorigine latine (exemples : des maximums, des mĂ©dias). Cette proposition
ne sâapplique pas aux mots ayant conservĂ© valeur de citation (exemple : des
mea culpa). Cependant, comme il est normal en français, les mots terminés
par s, x et z restent invariables (exemples : un boss, des boss ; un kibboutz, des
kibboutz ; un box, des box). »
Fin de citation.
Tout cela est bien joli mais ne rÚgle pas tout⊠(ces rÚgles ne sont, par
exemple, pas applicables aux noms de monnaies : un leu, des leiâŠ). Bien des
problÚmes subsistent (le Conseil en élimine beaucoup par la soudure systé-
matique des mots composĂ©s, mais sur ce terrain il est loin dâavoir obtenu un
assentiment gĂ©nĂ©ral, câest le moins que lâon puisse direâŠ). Il convient toute-
fois de remarquer que les recommandations concernant le pluriel des mots
empruntés sont certainement celles qui ont engendré les protestations les
moins vives.
Je vous suggĂšre la lecture de
la RĂ©forme de lâorthographe au banc dâessai
du Robert
, Josette Rey-Debove et BĂ©atrice Le Beau-Bensa, Dictionnaires
Le Robert, Paris, 1991, et de
Trait dâunion, anomalies et cĂŠtera
, Syndicat des
correcteurs et des professions connexes de la correction, Ă©ditions Climats,
Castelnau-le-Lez, 1991.
Ă Typographie, le 30 octobre 2000.
T. Bouche :
Zut, je mâavais gourĂ© cause lâanalogie avec un spaghetto, des
spaghetti !
Tâen fais pas⊠« Un(e) Targui(e), des Touareg, un chamelier targui, des
chameliers touareg, une tente targuie, des tentes touareg » sont réservés aux
pĂ©dants ethnoscientistes (le summum de lâaccord franco-targo-alternatif Ă©tant
187
PLURIEL DES MOTS ĂTRANGERS
atteint avec « la langue targuie » qui sâappelle
le
touaregâŠ) ; les gens raison-
nables écrivent en français et en toute simplicité « un(e) Touareg, des Touaregs,
le touareg, un chamelier touareg, des chameliers touaregs, une tente touareg,
des tentes touaregs »⊠Hors des cercles ethno-obscurantistes, lâaccord en
nombre avec la marque française du pluriel est chaudement recommandé. Tu
peux mĂȘme oser, Ă tes risques et pĂ©rils (mais je te soutiendrai !), lâaccord en
genre avec « une TouarÚgue, une tente touarÚgue ».
Sinon, pour les ethnopuristes modĂ©rĂ©ment atteints, lâinvariabilitĂ© (en genre
et
en nombre) de « Touareg, touareg » est bien entendu admissible.
P. Pichaureau :
Si on veut ĂȘtre ultraethnoscientiste, on ne devrait pas dire
une
targui ? Puisque le mot
targui
est transcrit dâune langue Ă©trangĂšreâŠ
Câest ce que jâentendais par lâaccord « franco-targo-alternatif »⊠Ici, nous
avons une belle illustration des mĂ©faits combinĂ©s de lâethnoscientisme et de
la linguistique sexiste, deux des plaies du siĂšcleâŠ
Le premier récuse la francisation, au nom du respect sacré de la pureté ori-
ginelle ; la seconde impose la féminisation systématique et donc la marque du
féminin. Tel le fruit de la négociation de deux intégrismes, « targuie » est une
forme qui récuse la francisation⊠tout en admettant la marque française du
fĂ©minin. Câest chouette, la science, surtout quand elle est humaineâŠ
Ă F.L.L.F., le 20 novembre 2000.
R. Buthigieg :
Or, le gars du bureau dâen face me dit : « Lorsquâun nom
est importĂ© dâune langue, comme scĂ©nario, la grammaire (pluriel/accord/
singulier) se fait en français, et donc on dit âscĂ©nariosâ, et ceux qui disent
âscenariiâ, câest des andouilles. »
Il est trĂšs bien le gars du bureau dâen face (Jules de chez Smith ?). Suivez
son excellent conseil.
Ă Langue-Fr., le 25 mai 2001.
P. Scott Horne :
Sans « s » parce que câest pluriel. (« Talib » au singulier,
« talibùn » au pluriel.)
En français : un taliban, des talibans.
Ă F.L.L.F., le 24 avril 2001.
B. Bonnejean :
Un box, des boxes.
Un box, des box⊠La boxe, les boxes⊠Un juke-box, des juke-box⊠Un fox,
des fox⊠Un match, des matchs⊠Un boss, des bossâŠ
Si vous respectez les « pluriels étrangers », composez les mots en italique,
mĂȘme au singulier⊠car cela signifie que vous ne les tenez pas pour francisĂ©s,
intĂ©grĂ©s, digĂ©rĂ©sâŠ
188
PLURIEL DES MOTS ĂTRANGERS
I. Depape Hamey :
Je continuerai Ă Ă©crire « boxes »âŠ
Inflexible, vous envoyez des faxes ?
I. Depape Hamey :
⊠envers et contre toutes les « autorités » et tous ceux qui
sây plientâŠ
Des boxes française et thaïlandaise, quelle est celle qui exige le plus de
souplesse ?
I. Depape Hamey :
Vous savez, moi, Ă part le foot et, dans une moindre
mesure, le rugbyâŠ
Je vois⊠les penalties (ou, mieux : penaltys⊠ou, encore mieux, quoique
« incorrect » Ă ce jour : pĂ©naltys) et, dans une moindre mesure, les pĂ©nalitĂ©sâŠ
Câest dĂ©cidĂ©ment un autre mondeâŠ
Mais revenons Ă vos « box, boxes »⊠Loin de moi la volontĂ© dâentraver votre
libertĂ© dâexpression graphique⊠dâautant quâelle est cautionnĂ©e par⊠devinez
qui ?⊠la French Académie herself⊠dans la derniÚre édition de son diction-
naire humoristique. (Elle est trÚs étourdie⊠Elle soutient certaines pitreries
nonantensteiniennes, mais, sur un des rares points indiscutables, elle oublie
de modifier ses exemples⊠La vieillesse est un naufrageâŠ)
Lâennui, câest quâaujourdâhui les ouvrages de rĂ©fĂ©rence sĂ©rieux (
Larousse
,
Robert
) ne retiennent pas cette graphie exotique. Cela suffit Ă la rendre incor-
recte dans un texte rédigé en français, fautive (sauf en italique), condamnable,
à fuir⊠à corriger systématiquement, ce que fera tout réviseur ou correcteur
digne de ce nom auquel vos textes seront soumis.
B. Bonnejean :
Alors ? !
Alors⊠nous ne sommes plus en 1975⊠depuis un quart de siĂšcle. Ni mĂȘme
en 1985, annĂ©e oĂč
le Petit Robert
donnait encore le pluriel « boxes ». En 1993,
il ne donnera plus que « des box ». Ăvolution comparable, imparable et saine
chez
Larousse
âŠ
Pluriel des noms propres fi Nom propre
PoĂšme
Titre,
voir : Titre dâĆuvre.
Composition des vers,
voir : Vers.
â
189
PLURIEL DES MOTS ĂTRANGERS
POĂME
Point fi
Ponctuation.
Point typographique,
voir : Mesure typographique
.
Point cardinal fi
Abréviation.
âąâąâą
Nord, sud, est, ouest sont des noms et des adjectifs invariables :
les quartiers nord ; le maire de B*** a perdu le nord, la majorité perd
le Nord.
Majuscule et minuscule.
âąâąâą
La rÚgle peut se résumer ainsi :
direction
>
minuscule
lieu
>
majuscule
Cette rĂšgle sâapplique aux points cardinaux simples (nord, ouestâŠ)
ou composĂ©s (nord-ouestâŠ), Ă leurs synonymes (septentrion, noroĂźt,
suroĂźtâŠ), aux termes Ă©quivalents (occident, orient, couchant, levant,
ponant, midiâŠ) ou assimilables (centreâŠ) : le cap Nord, le pĂŽle
Nord, le pĂŽle Sud ; la gare de lâEst, la gare du Nord ; le Grand Nord,
lâhĂ©misphĂšre nord, lâhĂ©misphĂšre sud.
Abréviation.
âąâąâą
Toutes les abréviations formées par apocope prennent le point
abrĂ©viatif, les points cardinaux nâĂ©chappent pas Ă la rĂšgle : N., S., E., O.
Voir :
Abréviation, §
3.2.2
.
=
Berthier
&
Colignon
1979
, Bref Larousse
1995
, Code typ.
1993
,
Dumont
1915
, Grevisse
1986
, Larousse
1997
, Ramat
1994
, Typogr.
romand
1948
.
â
Impr. nat.
1990
, Perrousseaux
1995
, Typogr. romand
1993
.
Les formes abrĂ©gĂ©es ne sâemploient que dans lâexpression des lati-
tudes et des longitudes :
âąâąâą
13
°
6
â
34
ââ
N.
âą
La Licorne a sombré par
20
°
37
â
42
ââ
de latitude N. et
70
°
52
â
15
ââ
de longitude O.
190
POINT
POINT CARDINAL
âąâą
La Licorne a sombré par
20
°
37
â
42
ââ
de latitude nord et
70
°
52
â
15
ââ
de longitude ouest.
â
Leforestier
1890
.
âą
On suggĂšre parfois de remplacer O. (ouest) par W. (West).
Points composés :
nord-ouest
>
N.O. ; nord-sud
>
N.-S.
Ă Typographie, le 20 mars 1998.
O. Randier :
Ben, on écrit bien « S.-E. » (Sud-Est).
Ben non⊠câest une exception. On Ă©crit S.E., N.E., S.OâŠ
En revanche, on Ă©crit N.- S., E.-O. ou N.N.O. -S.S.E⊠Le trait dâunion, câest un
peu lâaxe de la boussole...
Ă Langue-Fr., le 15 juillet 1999.
B. Chombart :
0°19'34"o - 49°9'20"n.
Cher ami, pardonnez mon absence de longanimité typographique... mais je
vous trouve un rien latitudinaire : 0° 19
â
34
ââ
O. â 49° 9
â
20
ââ
N.
Point dâexclamation fi
Ponctuation.
« Comment ? Quâest-ce que tu dis ? Quâun seul
point dâexclamation est insu
â
sant, compte tenu de
la gravitĂ© de la chose ? Tu as raison. Tiens, en voilĂ
dâautres, rajoute ce que tu jugeras utile : ! ! ! !!!!!!!!!!!!!!! »
San-Antonio, Al Capote.
âąâą
Lâinterjection est exclamative. LâonomatopĂ©e, pas toujours : « LĂ -
dessus, vroutt, il se jette sur une place libre et sây assoit, boum. »
â Raymond Queneau,
Exercices de style.
Ce « boum » rĂ©sonne magnifiquement. Lâexclamation en ferait un
médiocre pétard.
âąâą
Lâinterjection elle-mĂȘme peut renoncer Ă lâexclamation osten-
tatoire : « Qui est lĂ ? Ah trĂšs bien : faites entrer lâinfini. » â Louis
Aragon, Une vague de rĂȘves.
âąâą
Mis entre crochets et inséré dans une citation [!], le point
dâexclamation traduit le sentiment engendrĂ© chez le commentateur
191
POINT CARDINAL
POINT DâEXCLAMATION
par une phrase ou par un mot : perplexité, étonnement, agacement,
mépris (éventuellement associé à un sourire ou à une franche hilarité),
consternation⊠On nâabusera pas de ce procĂ©dĂ© facile, sournois et
dĂ©loyal. Si lâon considĂšre quâun mot ou une phrase dus Ă un tiers sont
indiscutablement condamnables Ă un titre ou Ă un autre, on leur attri-
buera un [sic], beaucoup plus explicite. Si la citation ne suscite que de
la perplexitĂ©, on se contentera dâun point dâinterrogation entre
crochets [?], beaucoup moins Ă©quivoque que le point dâexclamation.
âąâą
Certains auteurs transforment le point dâexclamation entre
crochets (ou entre parenthĂšses) en point dâironie destinĂ© Ă souligner
la finesse dâun de leurs traits dâesprit ou Ă sauver un pauvre jeu de
mots par lâartifice dâune habile dĂ©nonciation.
Comparable Ă la suspension ironique (voir : Points de suspension
§
1.1
), le procĂ©dĂ© nâest guĂšre recommandable : « Toujours est-il que
lâinvention et la dĂ©mocratisation de notre numĂ©ration de position ont
eu sur les sociétés humaines des conséquences incalculables [!], car
elles ont facilitĂ© lâexplosion de la science, des mathĂ©matiques et des
techniques. » â Georges Ifrah,
Histoire universelle des chi
â
res.
Point dâinterrogation fi
Ponctuation.
Le point dâinterrogation marque lâinterrogation directe.
=
Ramat
1994
.
Dans une phrase interrogative suivie de « dit-il » (ou dâune formule
Ă©quivalente), le point dâinterrogation se place avant lâincise et ne doit
pas ĂȘtre suivi dâune virgule : « OĂč est lâos ? sâenquit le cadavre de Mor
Lame. » â Birago Diop,
les Nouveaux Contes dâAmadou Koumba.
« Pourquoi a-t-elle mis les adjas quand jâai neutralisĂ© son garde du
corps (ou son geĂŽlier
Ă
?) ?
« (1) Je demande Ă mes potes de lâimprimerie de respecter ma ponc-
tuation. Je sais que deux points dâinterrogation successifs font bizarre,
nĂ©anmoins ils sont justifiĂ©s puisque lâun concerne la phrase dans
son ensemble et lâautre exclusivement la parenthĂšse. Ă part ça, ça va,
les gars ? » â San-Antonio, le Silence des homards.
192
POINT DâEXCLAMATION
POINT DâINTERROGATION
Faut-il toujours une capitale
aprĂšs un point dâinterrogation ?
à F.L.L.F., du 5 au 10 décembre 2001.
D. Pelleton :
DâaprĂšs Colignon, je cite : « DerriĂšre un point dâinterroga-
tion, on mettra une minuscule si les termes suivant ce point constituent une
rĂ©ponse Ă la question formulĂ©e auparavant par la mĂȘme personne. »
Tu veux tout savoir ? Je ne suis pas colignonien. Du tout⊠ou plutÎt, un
point câest tout⊠Sa formule est une gĂ©nĂ©ralitĂ©. Dans certains cas, elle est
valide. Dans dâautres, non. Dans la plupart, le choix est offert⊠Nous voilĂ bien
avancés.
D. Pelleton :
Exemple : « Veux-tu savoir si je suis [hugolien] ? oui, je crois
lâĂȘtre. »
Irréprochable, trÚs chic, mais une majuscule ne serait pas fautive pour
autant⊠Maintenant, essaie un peu dâĂ©liminer celle-ci : « Veux-tu savoir de qui
mon cĆur a le plus souffert ? Des brunes. » (Comprendre, Ă©videmment : des
Gauloises ou des Gitanes, selon les jours.)
D. Pelleton :
Un seul locuteur [pose la question et y rĂ©pond]âŠ
Oui, câest certain, mais il faut que la notion de « locuteur » soit bien comprise
par celui qui se chope la formule magistrale dans les naseaux⊠Quant à la
« rĂ©ponse formulĂ©e par la mĂȘme personne » proposĂ©e par Colignon, elle est
beaucoup plus perplexifianteâŠ
Concoctons un exemple qui pourrait rendre songeuse une jeune Ăąme
encore peu habituée à débusquer les locuteurs et surtout les « autres per-
sonnes » : « [âŠ] lâautre crevure sây met, toujours la mĂȘme rengaine, tâas pas
cent balles ? non, jâai pas cent balles, jâen ai cinq cents, et je tâemmerde,
connard, pas content quâil Ă©tait le vioque Ă moitiĂ© moisi, ça mâa fait rigoler [âŠ],
non je ne veux pas Non. »
Tu me diras que câest un monologue (donc un seul « locuteur », mais
certainement pas « la mĂȘme personne »âŠ), câest vrai, Ă©lĂ©gant et classieux qui
plus est, mais câĂ©tait juste pour faire observer que les auteurs de manuels
devraient ĂȘtre prudents dans la formulation de leurs conseils et surtout de
leurs « rĂšgles ». Drillon lâest, car il sait de quoi il parle (sauf sur de lĂ©gers dĂ©tails
typographiques), il sait ce quâĂ©crire veut dire.
Lâauteur dâ
Un point câest tout !
(tout un programme) et quantitĂ© dâautres
directeurs des ressources ponctuatives ne jouent ni sur la mĂȘme scĂšne ni dans
la mĂȘme catĂ©gorie.
D. Pelleton :
Si lâon veut donner une impression de vivacitĂ©, autant se
passer de majuscule.
Oui, Ă©ventuellement, dans certains cas.
193
POINT DâINTERROGATION
Points de suspension fi
Ponctuation.
« On entend dire : âBon. TrĂšs bien. Il met trois
points, trois pointsâŠâ Vous savez, trois points, les
impressionnistes ont fait trois points. Vous avez
Seurat, il mettait des trois points partout ; il trou-
vait que ça aérait, ça faisait voltiger sa peinture. Il
avait raison, cet homme. »
Louis-Ferdinand CĂ©line,
Louis-Ferdinand CĂ©line vous parle.
1
.
âąâąâą
RĂŽle.
Les points de suspension sont un signe de ponctuation qui se
compose toujours de trois points et qui joue trois rĂŽles di
â
Ă©rents.
1.1
.
Suspension, interruption, réticence, aposiopÚse (voir ce mot),
dĂ©cenceâŠ
Comme leur nom lâindique, les points de suspension expriment que
quelque chose est ou sâest interrompu avant son achĂšvement normal.
« Quelque chose », câest-Ă -dire tout et nâimporte quoi, la forme ou
le fond, selon les circonstances⊠: mot, phrase, construction gram-
maticale quelconque, cours orthodoxe de la syntaxe, énumération,
citationâŠ, mais aussi discours, pensĂ©e, sentiment, travail de la
mĂ©moire, voix, dĂ©termination, certitude, force physiqueâŠ
Exemples. â Toutes ces bĂȘtises⊠ces sornettesâŠ, jâen ai ma
claque⊠; câest indĂ©cent, jâhĂ©site Ă pours⊠; le jeune F⊠est un vrai
f⊠(voir :
Abréviation) ; une seule rÚgle, mon cher : « Patience et
longueur de temps⊠»
« Je devrais sur lâautel oĂč ta main sacrifie
Te⊠Mais du prix quâon mâo
â
re il faut me contenter. »
Jean Racine, Athalie, acte V, scĂšne v.
â
La pause sâaccompagne souvent dâune pose ; le lecteur est
informĂ© dâun fait qui aurait pu lui Ă©chapper : lâauteur nâen dit pas
plus⊠mais il nâen pense pas moins ; ou il fait observer aux distraits
que la proposition ou le mot prĂ©cĂ©dents (ou suivantsâŠ) donnent dans
la subtilitĂ©, lâhumour. Les points de suspension se transforment alors
en pĂ©nibles petits points dâironie : Hugo est un poĂšte⊠misĂ©rable.
194
POINTS DE SUSPENSION
1.2
.
Reprise.
Par nature, les vraies suspensions sont rarement définitives : les
points de suspension, polyvalents, peuvent aussi indiquer la reprise
dâactivitĂ©s momentanĂ©ment interrompues.
Phrase qui se poursuit
>
alinĂ©a, minuscule initiale (mĂȘme si une ou
des phrases « complÚtes » sont intercalées) :
Je suis maladeâŠ
Il ouvre son armoire Ă pharmacie.
⊠mais je me soigne.
Nouvelle phrase
>
alinéa, majuscule initiale :
Le tunnel Ă©tait long.
⊠Mais on a fini par en voir le bout.
Parfois, seule la reprise est indiquée (la pause peut intervenir entre
deux phrases, deux alinĂ©as, deux chapitresâŠ). Lâ« avant » suspendu
peut nâavoir jamais Ă©tĂ© exprimĂ© : titre, premier mot dâune Ćuvre, dâun
poĂšme⊠Nombreux exemples chez Saint-John Perse : « ⊠à ! jâai lieu
de louer ! »,
Ăloges.
André Chervel a intitulé un de ses ouvrages : ⊠et il fallut apprendre
Ă Ă©crire Ă tous les petits français. Câest un trĂšs joli titre, et les points de
suspension initiaux y sont pour quelque chose. La minuscule initiale
du premier mot est admissible, elle est mĂȘme subtile. (En revanche,
celle qui a
â
uble « français » est une faute grave, singuliÚrement dans
le titre dâun procĂšs en rĂšgle de la grammaire scolaireâŠ)
Remarque. â Tous les points de suspension placĂ©s en tĂȘte de
phrase ou dâalinĂ©a nâindiquent pas nĂ©cessairement une reprise ; ils
peuvent conserver leur valeur suspensive ou de réticence :
« â Le barrage Ă©tait Ă la hauteur du parc ? rĂ©pĂ©ta Vargas.
â OuiâŠ
â Mais il y avait des camions en avant, vers vous ?
â ⊠Oui. » â AndrĂ© Malraux,
lâEspoir.
Belle ponctuation⊠Le premier « oui » est lancé sans attendre mais
demeure en suspensâŠ, le locuteur hĂ©site Ă fournir une rĂ©ponse plus
195
POINTS DE SUSPENSION
explicite ; le second nâest Ă©mis quâaprĂšs une hĂ©sitation plus ou moins
longue⊠mais la rĂ©ponse est dĂ©finitive, le locuteur nâa pas lâintention
dâen dire plus dans lâimmĂ©diat. Attention Ă lâespace, obligatoire, qui
sépare les points de suspension et le second « ⊠Oui. »
1.3
.
Comblement.
Certaines suspensions ne mĂ©ritent pas leur nom : ce sont dâauthen-
tiques suppressions, voire des trous⊠Les points de suspension ne
suspendent rien mais, providentiels, ils se chargent du remplacement
ou du comblement :
â Vous en pensez quoi ?
â âŠ
Certains trous nâont pas Ă ĂȘtre comblĂ©s : ils se traduisent par
un blanc dâune longueur au moins Ă©gale Ă celle dâun mot de plusieurs
lettres. Ce procĂ©dĂ© ne devrait ĂȘtre employĂ© quâavec prudence. Dans
les textes mĂ©diocres ou plats, il a des chances dâĂȘtre ridicule.
Ailleurs⊠il est dâune force exceptionnelle, parfois terrifiante.
Dans lâexemple qui suit, on imagine mal des points de suspension :
« Tous les termes que je choisis pour penser sont pour moi des
termes au sens propre du mot, de véritables terminaisons, des abou-
tissants de mes
mentales, de tous les Ă©tats que jâai fait subir Ă
ma pensĂ©e. » â Antonin Artaud,
le PĂšse-Nerfs.
2
.
âąâąâą
Cohabitation.
2
.
1
.
En fin de mot ou de phrase, dans les interruptions, dans les
abréviations euphémiques ou de discrétion, les points de suspension
sont collés à la derniÚre lettre (ou à un éventuel signe de ponctuation
placĂ© avant eux) et sont suivis dâune espace forte : « Bon⊠Ăa vaâŠ
je ne suis pas c⊠Jâai compris !⊠»
2
.
2
.
En dĂ©but dâalinĂ©a (reprise), les points de suspension sont
suivis dâune espace forte : « ⊠Enfin, il me semble que jâai compris. »
Au sein dâun alinĂ©a, avant un mot ou une phrase (reprise), ou lors-
quâils remplacent totalement un mot ou un groupe de mots, ils sont
196
POINTS DE SUSPENSION
prĂ©cĂ©dĂ©s et suivis dâune espace forte : « Je ne suis pas aussi ⊠que vous
lâimaginez. »
Lorsquâils remplacent le dĂ©but ou la fin dâun mot, les points de
suspension doivent ĂȘtre collĂ©s au(x) fragment(s) lisible(s). Lorsquâils
remplacent des lettres mĂ©dianes, lâorthodoxie typographique voudrait
quâils soient suivis dâune espace ; il me semble cependant que lâentorse
est non seulement admissible mais judicieuse : « Ses derniÚres paroles,
dont le sens mâĂ©chappe, furent âAu âŠcours, un rhiâŠcĂ©ros piĂ©tine ma
bicyclâŠâ »
Dans les vraies suspensions de lâĂ©locution, il convient de respecter
la rÚgle⊠Dans les suspensions-étirements, il convient de la
bafouer⊠: « Lisette est saâŠage, / Reste au villaâŠage⊠» â Alphonse
Daudet, « Les Douaniers », Lettres de mon moulin. {Sa⊠age} et
surtout {villa⊠ageâŠ} sonneraient trĂšs di
â
Ă©remmentâŠ
« OuâŠi, sou
â
a-t-elle. » â Auguste Le Breton, Razzia sur la
chnouf. Ă lâĂ©vidence, la graphie adoptĂ©e par Le Breton (ou par le typo-
grapheâŠ) nous fait entendre un « oui » hĂ©sitant (ou-oui) et non un
ou-hi dépourvu de sens (syllabe décomposée et, pour les amateurs :
synérÚse
>
diérÚse).
2
.
3
.
Tolérants, les points de suspension acceptent de coopérer avec
presque tous les autres signes de ponctuation⊠mais pas Ă nâimporte
quelle condition.
Point.
Quatre points, câest trop⊠Lâun des points de suspension nâ« Ă©li-
mine » pas le point (final ou abréviatif ), il se confond avec lui. Deux
petits astres noirs se rencontrent sous nos yeux : Ă©clipse totale de lâun
dâeux : GrĂšve Ă la R.A.T.PâŠ
â
Remarque byzantine⊠Dans lâexemple prĂ©cĂ©dent, oĂč se cache
le point final ? Sans la suspension, il se confondrait avec le dernier
point abrĂ©viatif⊠mais elle lâa contraint Ă se dĂ©placer (aprĂšs un point
final, il nây a plus rien Ă suspendre). On peut considĂ©rer quâil y a deux
superpositions : le premier point de la suspension se confond avec le
197
POINTS DE SUSPENSION
point abréviatif, le dernier avec le point final⊠Un seul point est uni-
quement suspensif : celui du milieuâŠ
=
Code typ.
1993
, Girodet
1988
.
â
Drillon
1991
, sans toutefois le préconiser, semble admettre que le
point abréviatif puisse subsister, séparé des points de suspension par
une espace. Cette double ponctuation est fautive, pis, elle est nuisible.
Exemple : « Demain, grĂšve Ă la R.A.T.P. ⊠Ăa promet. » Ă quelle
phrase appartiennent les points de suspension ? à la seconde⊠ce qui
nâa aucun sens.
Virgule.
Elle se place nĂ©cessairement aprĂšs les points de suspension : câest
normal, logique, comprĂ©hensibleâŠ, câest mĂȘme indiscutableâŠ
Aujourdâhui⊠car naguĂšre on prĂ©conisait parfois lâinverse : [« Non,âŠ
non,⊠assez ! »]
=
Code typ.
1993
, Drillon
1991
, Girodet
1988
.
â
RĂšgles Hachette
1924
.
¶ Pas dâespace entre les points de suspension et la virgule.
±
Point-virgule.
Si sa rencontre avec les points de suspension est acceptée, le point-
virgule se place, comme la virgule, en deuxiĂšme position⊠; câest
normal, logique, comprĂ©hensible⊠; mais ce nâest pas indiscutableâŠ
Code typ.
1993
, Girodet
1988
admettent la cohabitation.
Drillon
1991
considĂšre que les points de suspension et le point-
virgule sont incompatibles. Sa formulation est excessive⊠mais il nâa
pas tout Ă fait tort. Lâassociation nâest pas interdite : hideuse et le plus
souvent superflue, elle nâest guĂšre recommandable. On la trouve
pourtant â irrĂ©cusable â chez dâadmirables prosateurs : « Ce temps
est rĂ©volu oĂč lâhomme se pensait en termes dâaurore ; reposant sur une
matiĂšre anĂ©miĂ©e, le voilĂ ouvert Ă son vĂ©ritable devoir, au devoir dâĂ©tu-
dier sa perte, et dây courir⊠; le voilĂ au seuil dâune Ăšre nouvelle : celle
de la PitiĂ© de soi. » â Ămile Michel Cioran,
Précis de décomposition.
¶ Espace insécable entre les points de suspension et le point-virgule.
198
POINTS DE SUSPENSION
Points dâexclamation et dâinterrogation.
Selon le sens, ces deux signes se placent avant ou aprĂšs les points
de suspension. Il su
â
t de déterminer qui intervient en premier lieu.
Logique !⊠Non⊠?
=
Amen
1932
, Lefevre
1855
.
Suspension aprĂšs lâinterrogation ou lâexclamation : ĂȘtes-vous
libre ?⊠Quel culot !âŠ
Suspension avant lâinterrogation ou lâexclamation : ĂȘtes-vous
disposé à ⊠? Quel s⊠! Que préférez-vous ? Les pommes, les poires,
les abricots⊠? Jâaime les pĂȘches, les bananes, les fraises, les fram-
boises⊠! « Sur la mer, à la lunette, je vois et je salue au large le vague
numĂ©ro⊠? » â Paul ValĂ©ry, MĂ©lange.
La suspension antĂ©rieure Ă lâexclamation (⊠!) est, cela se conçoit,
assez rare. Admissible aprĂšs la suspension dâune Ă©numĂ©ration, elle
nâest vraiment crĂ©dible quâaprĂšs les abrĂ©viations euphĂ©miques ou de
discrétion.
Dans la plupart des cas, la double ponctuation est superflue. Elle
nâest pas fautive, elle est souvent ridicule : cet article lâillustre com-
plaisamment !⊠Alors que la trÚs utile suspension-interrogation (⊠?)
est peu employĂ©e, lâexclamation-suspension (!âŠ) et lâinterrogation-
suspension (?âŠ) sont aujourdâhui en plein essor !⊠Paf ! Je tâassĂšne
un argument décisif !⊠et je te laisse le temps de le savourer !⊠Je te
pose une question ?⊠Jâen souligne la subtilité⊠Malin, non ?âŠ
Câest surtout agaçant.
Et puis, comme toujours, cela fait perdre toute force aux occur-
rences justifiĂ©es. Lâadmirable et savante ponctuation de CĂ©line a bon
dos : ceux qui ponctuent comme Louis-Ferdinand ont sûrement des
enfants qui dessinent comme Pablo.
¶ Espace. Les points dâexclamation et dâinterrogation sont, en
principe, prĂ©cĂ©dĂ©s dâune espace insĂ©cable. Donc :
â espace insĂ©cable entre les deux ponctuations si les points de
suspension sont en tĂȘte : dâaccord⊠?
â pas dâespace entre les deux ponctuations si les points de suspen-
sion sont en seconde position : dâaccord !âŠ
199
POINTS DE SUSPENSION
Deux-points, guillemets, voir : Citation, Deux-points, Dialogue,
Guillemet
.
«
âą
Le choix est simpleâŠ
âą
: Se soumettre ouâŠ
âą
» Il ne put en dire
plus. Lâautre suggĂ©ra
âą
: «
âą
âŠ
âą
se démettre
âą
?
âą
»
¶ Dans lâexemple prĂ©cĂ©dent, les espaces insĂ©cables sont signalĂ©es
par le signe :
âą
.
Tiret, voir : Dialogue, Tiret.
ParenthĂšses, crochets.
Emploi, voir : Citation, Crochet, ParenthĂšse.
¶ Points de suspension collés aux parenthÚses ou aux crochets qui
les renferment : (âŠ), [âŠ].
Points de suspension collés à la parenthÚse ou au crochet qui les
précÚde : chevals
(sic)âŠ, chevals [sic]âŠ
Espace entre les points de suspension et la parenthĂšse ou le crochet
qui les suit : chevalsâŠ
(sic), chevals⊠[sic].
Barre oblique.
Dans la correspondance, des points de suspension placés en bas
Ă droite de la page signalent aux esprits peu curieux quâil nây a
justement pas de suspension prématurée de la missive et que le texte
se poursuit sur la page ou la feuille suivante. Mission di
â
cile : pour
la remplir, les points de suspension jouent parfois en double, câest-Ă -
dire à six, aidés et séparés par une barre oblique :
âŠ
/⊠Abréviation
Ă©quivalente : T. S. V. P.
¶ Points de suspension collés de chaque cÎté de la barre oblique.
3
. Etc.
Jamais de points de suspension aprÚs etc., qui est déjà suspensif.
(Exceptions admissibles, voir : Etc., §
5
.)
4
.
¶ Aucun adepte sérieux du traitement de texte ou de la publica-
tion assistée par ordinateur ne devrait « entrer » trois points successifs :
200
POINTS DE SUSPENSION
les points de suspension sont un signe de ponctuation ; son caractĂšre
peut ĂȘtre obtenu sur les claviers de tous les bons ordinateurs au moyen
dâune combinaison de touches.
Dâabord parce quâil y a un risque dâen entrer quatre (ou plus) mais
surtout parce que les blancs qui séparent les points sont trop étroits
et donc typographiquement fautifs. La di
â
Ă©rence est Ă©videmment
surtout perceptible dans les grands corps.
Points de suspension :
âŠ
Trois points :
...
5
. Suspensions longues, comblements diversâŠ
Ă cause de lâanalogie de sens et de forme, on imagine parfois que
les lignes de points sont constituĂ©es de points de suspension. Câest
inexact : dans une « ligne pointĂ©e », le nombre de points nâest pas
nécessairement un multiple de trois ; une espace forte sépare chaque
point : . . . . . . . . . . . . . (faute de quoi, on obtient, Ă la rigueur, une
ligne Ă dĂ©couper selon le pointillĂ© [âŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠ]).
Suspension longue.
à huit ans, il partit pour les Amériques.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
à son retour, il était marié.
¶
Comblement.
Crayons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
20
F
Gommes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
586
F
Papier bl. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3
F
Attention Ă lâespace forte entre le dernier signe des mots situĂ©s
Ă gauche et le premier point de la ligne (elle permet de discerner
dâĂ©ventuels points abrĂ©viatifs, qui sont collĂ©s Ă la derniĂšre lettre).
â
201
POINTS DE SUSPENSION
PĂŽle fi
Point cardinal.
« Câest Ă Eagle Island que tous les plans des
expéditions vers le pÎle Nord furent dressés, et
que la femme, la fille et le fils de lâexplorateur
[Peary] guettent les messages tant espérés de la
conquĂȘte du PĂŽle. »
Jean Malaurie, Ultima Thulé.
âąâąâą
Le mot pĂŽle ne prend
â
jamais de majuscule initiale, sauf sâil
est employĂ© absolument pour dĂ©signer lâun des deux pĂŽles gĂ©ogra-
phiques : le PĂŽle, les pĂŽles, le pĂŽle Nord, le pĂŽle arctique, le pĂŽle
boréal, le pÎle Sud, le pÎle antarctique, le pÎle austral, le pÎle sud
dâune aiguille aimantĂ©e, le pĂŽle magnĂ©tique.
=
Girodet
1988
, Robert
1993
.
Attention Ă lâaccent circonflexe, qui disparaĂźt dans tous les dĂ©rivĂ©s
de pĂŽle : polaire, polariser, polarisation, etc. : lâĂ©toile Polaire, la Polaire,
la baie de lâĂtoile-Polaire.
Police fi
Casse.
Ătymologiquement, le terme nâa rien de commun avec son homo-
nyme : pour les fondeurs et les typographes comme pour les assureurs,
une police est un document Ă©crit. Fournie par le fondeur, une police
« typographique » est la liste chi
â
rée (indication des quantités respec-
tives) de tous les caractĂšres mobiles dâune fonte, dans une graisse et
un corps donnĂ©s. Par extension, police dĂ©signe lâassortiment lui-
mĂȘme, la fonte.
Les photocomposeuses puis lâinformatisation de la composition
ont rendu cette définition caduque.
=
Larousse
1999
, Lexis
1989
, Littré
1872
, Robert
1993
(du grec apodeixis,
preuve).
â
Robert
1985
[du grec politeia, de polis, cité].
â
Exemple. â Une police type de
100 000
caractÚres destinée
à la composition de textes français comptait environ
3 000
chi
â
res,
4 000
petites capitales,
7 500
signes de ponctuation,
9 000
capitales,
76 500
caractĂšres de bas de casse (dont
4 000
accentués).
202
PĂLE
POLICE
Fonte, police et « type »
Ă Typographie, du 2 au 12 octobre 1997.
J.-F. Porchez :
Le mot
police
vient de lâitalien
policia
(mot que lâon retrouve
dans police dâassurance) et je crois que notre police municipale ou nationale
doit aussi son nom aux rapports que les gendarmes faisaient. Je ne sais pas
si câest parce que le sens premier de police dĂ©signe les gardiens de la paix,
mais je nâaime pas ce terme. Il est dĂ©passĂ© depuis la fin du plomb.
Dâaccord⊠mais ce nâest pas le mĂȘme terme⊠à lâarrivĂ©e, câest pareil, mais
Ă lâorigine ça nâa rien Ă voir. Vous me direz que
le Petit Robert
lui-mĂȘme sâest
planté dans ses premiÚres éditions⊠Nos polices, ainsi que celles des assu-
reurs, viennent dâ
apodeixis
(quittance, reçu), alors que celle de Maigret vient
tout simplement de
polis
(cité) comme le métropolitain ou la politique. à part
ça, si lâon tient Ă une bonne adĂ©quation de la rĂ©alitĂ© actuelle et du sens hĂ©ritĂ©,
« fonte » me semble encore plus dĂ©passĂ© que « police »âŠ
Dâabord, mais câest pourtant secondaire, parce quâon ne fond plus rien. Ce
qui me retient davantage, câest ceci : au temps du plomb, les polices ont dĂ©jĂ
un caractĂšre (si jâose direâŠ) virtuel. Elles sont chiffrĂ©es. Elles correspondent
à une réalité matérielle mais elles ne la désignent pas (ce dont se charge le
terme de « fonte »). Elles ne coïncident pas avec la capacité des casses (celles-
ci ne contiennent quâune petite partie des fontes commandĂ©es au fondeur).
Les fontes en revanche « désignent » une réalité matérielle intimement liée au
plomb : la preuve, on les commandait au poidsâŠ
Nos polices demeurent des listes, non chiffrĂ©es certes, mais rien nâinterdit
dâimaginer le signe
â
(infini) devant (ou derriĂšreâŠ) chaque Ă©lĂ©ment⊠Des
listes qui sâallongent mĂȘme terriblement (voir Unicode)âŠ
Certes il y a une différence considérable entre une police de fondeur (une
par corps, par graisse, etc.) et nos polices (toutes les variations imaginables),
surtout celles qui sâannoncent⊠car toutes les listes seront identiques⊠Je ne
vais pas plus loin, car je crains de retomber dans le débat sur les caractÚres
et les glyphes⊠Je nâaime pas trop « typos », car il introduit une ambiguĂŻtĂ©
inutile, voire dangereuse. Si on me dit : « Tiens ! voilà une typo originale ! », que
dois-je comprendre ? Quâon loue le choix de cette garalde destroy ou lâaudace
de la composition ? Je prĂ©fĂšre, selon le sens, mâen tenir Ă police⊠câest plus
sûr (sécuritaire ?), à famille, à caractÚre.
Vous créez des caractÚres, il est donc parfaitement légitime que vous teniez
à nommer une des réalités physiques issues de votre travail (versions numé-
riques). En ce sens, « fonte » est évidemment irrécusable, mais je reste
persuadĂ© que ce terme ne peut ĂȘtre compris avec prĂ©cision que dans un cadre
restreint, celui des professionnels ou des amateurs trÚs éclairés : il appartient
203
POLICE
donc au jargon. Pour lâ« utilisateur », ce qui compte vraiment, ce nâest ni la
fonte ni la police, câest ce quâil voit, câest le caractĂšre. Et câest dâailleurs cela que
les typographes sâamusent Ă rĂ©partir dans des classifications de plus en plus
Ă©trangesâŠ
P. Jallon :
Si quelquâun a les dĂ©finitions du
Grand Larousse du
xix
e
siĂšcle
,
cela mâintĂ©resserait beaucoup.
Sur le sujet, je crois que les typographes sont de meilleures adresses que
les lexicographes⊠Voici néanmoins les réponses de Pierre Larousse (
Dic-
tionnaire universel du
xix
e
siĂšcle
). Des extraits seulement (sans les exemples,
les citations et les dĂ©veloppements encyclopĂ©diquesâŠ), car, sur
police
, câest
le plus complet (il a lu Henri Fournier et le reconnaĂźt volontiers)âŠ
«
Fonte.
Ensemble de toutes les lettres et de tous les signes qui composent
un caractĂšre complet de grosseur dĂ©terminĂ©e [âŠ]. »
«
Police.
Liste de toutes les lettres qui composent un caractĂšre, avec lâindi-
cation de leur proportion respective pour un total dĂ©terminĂ© [âŠ]. Ensemble
des caractĂšres portĂ©s sur cet Ă©tat. [âŠ]
Encycl.
Quand un maĂźtre imprimeur veut
acquĂ©rir une fonte, son premier soin doit ĂȘtre de dresser la police du caractĂšre
dont il a besoin, câest-Ă -dire la liste de toutes les lettres qui composent
la casse, avec lâindication de la quantitĂ© respective de chaque sorte de lettres
pour un poids gĂ©nĂ©ral dĂ©terminĂ©. Dâordinaire, câest le fondeur qui Ă©tablit
la police ; mais le maĂźtre imprimeur peut la modifier suivant les besoins
particuliers en vue desquels il commande la fonte. »
«
Type.
CaractĂšres dâimprimerie [âŠ]. »
Tout le monde est dâaccord sur la dĂ©finition de « caractĂšre ». Les ennuis com-
mencent avec le couple « fonte/police ». Je voudrais mâexpliquer sur lâopinion
que jâai dĂ©jĂ Ă©mise, Ă savoir que « police » est prĂ©fĂ©rable et que la distinction
entre les deux termes ne peut ĂȘtre retenue et comprise que dans un cadre
restreint, celui des typographes et des professionnels de lâĂ©crit sâintĂ©ressant
particuliĂšrement Ă la typographie.
Le problĂšme est que la technique nâest pas la seule Ă avoir changĂ© (piĂštre
mot pour traduire les bouleversements engendrĂ©s par lâinformatique), il y a
Ă©galement le nombre et la qualitĂ© de ceux qui la mettent en Ćuvre. Jadis,
seuls les typographes (au sens large) maniaient les fontes. Aujourdâhui, je ne
vous apprends rien, secrétaires, journalistes, écrivains, comptables, médecins,
boutiquiers, agriculteurs, etc. jonglent avec les polices. Demain, tout le monde
le fera.
Or, que voient-ils sur leurs menus francisés ?
Polices
. Que voient-ils comme
type (tsssâŠ) de fichier dans leurs fenĂȘtres ?
Police
. Que voient-ils sur leurs
menus non traduits ?
Fonts
. Faut-il sâĂ©tonner si « police » est employĂ©e pour
tout désigner et si « fonte » est considérée comme un simple synonyme
204
POLICE
(certains vont mĂȘme jusquâĂ considĂ©rer ce vieux mot français comme un
anglicismeâŠ) ? Il me semble illusoire de vouloir faire admettre aux utilisateurs
que sous le menu
Polices
se cachent des polices et des fontes, quâun fichier
dĂ©signĂ© comme « police » par le systĂšme dâexploitation est en rĂ©alitĂ© un fichier
de fonteâŠ
Je crois quâil faut tenir compte de lâusage contemporain, mĂȘme sâil est
imprĂ©cis. Il ne lâest pas tant que ça dâailleurs, il est surtout indistinct, et
lâemploi plus frĂ©quent de « caractĂšre » permettrait de le clarifier. Je me rĂ©pĂšteâŠ
mais, par exemple, on ne « choisit » pas une police (ou une fonte) pour
composer tel ou tel texte, on lâ« utilise » (ou on lâachĂšte, on la vole, etc.). Ce
que lâon choisit pour ses qualitĂ©s supposĂ©es, câest un caractĂšre. Pour le reste,
pour la mécanique, pour les machins qui se trouvent sous le capot et dans
lesquels rares sont ceux qui mettent le nez (les machins que lâon utilise,
que lâon achĂšte ou quâon pique), parlons de polices, comme presque tout
le monde.
Je crois aussi quâil ne faut pas opĂ©rer de distinction entre fonte et police qui
risque dâĂȘtre rapidement mise en cause par lâĂ©volution des techniques (on lâa
vu Ă plusieurs reprises depuis quinze ans et mĂȘme depuis plus dâun siĂšcle, et
on en verra dâautresâŠ).
En revanche, il me semble tout à fait légitime et judicieux que les typo-
graphes opĂšrent les distinctions quâils souhaitent (sous le capotâŠ). Câest
pourquoi jâai trouvĂ© trĂšs intĂ©ressante la dĂ©finition de fonte proposĂ©e par Jean-
François Porchez. Câest pourquoi aussi jâai considĂ©rĂ© que lâon entrait ici dans
le jargon, ce qui nâa rien de pĂ©joratif, disons dans le lexique professionnel. Bref,
je ne crois pas que le couple police/fonte, mĂȘme dĂ©fini avec prĂ©cision par les
typographes, puisse sâimposer largement dans lâusage courant. Câest pourquoi
je privilĂ©gie pour lâheure la seule opposition caractĂšre/police, rĂ©servant
lâopposition fonte/police pour des jours meilleurs oĂč une distinction pĂ©renne
sera Ă©tablie par les typographes (notre discussion peut y contribuer, je
le crois).
Sur lâhĂ©ritage du plomb⊠Nous lui sommes tous attachĂ©s, Ă juste titre. Câest
un patrimoine sur lequel nous allons vivre encore trĂšs longtemps, quoi quâen
disent ceux qui ne voient pas plus loin que le bout de leur Ă©cran. Il est bon que
les mots survivent dans des acceptions nouvelles, parfois proches, parfois trĂšs
éloignées des anciennes. Le bas de casse vit trÚs bien sans les casses, et si un
nĂ©ophyte demande une explication sur lâorigine de ce terme il la comprend
trĂšs bien. Pourquoi ? Parce que lâopposition capitale/bas de casse existe
toujours. Avec police et fonte le problĂšme est que le lien qui unissait ces deux
termes nâexiste plus depuis longtemps. On parle du plomb⊠mais il faudrait
parler de composition manuelle, car dĂšs le
xix
e
siĂšcle la Linotype et la Mono-
type avaient dĂ©jĂ bouleversĂ© le paysage⊠Dans un message prĂ©cĂ©dent, jâai
205
POLICE
indiquĂ© pourquoi, mĂȘme sur ce plan (continuitĂ© du sens), « police » (liste)
me semble bien préférable à « fonte » (réalité matérielle). Continuité approxi-
mative du sens : sâil est bon de conserver les mots, il est prudent de ne pas
vouloir calquer les anciens liens qui les unissaient, du moins si lâon veut ĂȘtre
compris du plus grand nombre.
Ă France-Langue, le 8 octobre 1997.
D. Cote-Colisson :
En toute rigueur, une « police de caractÚres »
(typeface)
est constituĂ©e de lâensemble des caractĂšres disponibles (lettres, chiffres,
signes de ponctuation et caractÚres spéciaux) dans un style, un corps et une
graisse déterminés.
Pardonnez-moi, mais je ne suis pas tout Ă fait dâaccord⊠Les dĂ©finitions
étaient jadis précises (et à mon sens différentes de celles que vous donnez),
mais cette question lexicale (police, fonte) est loin de faire lâunanimitĂ© chez
les typographes dâaujourdâhui, et câest normal, car il nây a pas que lâhĂ©ritage du
plomb qui brouille les choses, il y a lâĂ©volution trĂšs rapide des techniques infor-
matiques. Par exemple, le lien entre corps et police nâest plus ce quâil Ă©tait.
Juste un mot sur le sujet. Hors du cadre professionnel, la distinction entre
police et fonte est sans grande importance. Ce qui compte vraiment, câest ce
que lâon voit sur le papier (ou sur lâĂ©cran), ce nâest donc ni la police ni la fonte,
câest le caractĂšre. CâĂ©tait dĂ©jĂ vrai au temps du plomb.
à F.L.L.F., le 11 décembre 2000.
D. Liégeois :
[LâĂ©tymologie de fonte] est, Ă mon sens, encore moins que
secondaire. On dĂ©croche mĂȘme quand il nây a rien dâaccrochĂ©, on carrosse
mĂȘme quand il nây a pas de carrosse, lâimprimante dĂ©pose sans doute bien
plus quâelle ne presse et le papier ne pousse plus au bord du Nil.
Bien entendu [âŠ]. Ă lâĂ©poque, il me semble que je rĂ©pondais Ă une critique
de « police » selon laquelle le terme serait dépassé, ne correspondrait plus aux
réalités techniques actuelles. Sur ce strict plan, les fontes sont à mon sens
encore plus mal loties⊠mais cela nâest en rien un handicap rĂ©dhibitoire.
D. Liégeois :
Soit, mais « police » est-il compris avec davantage de précision ?
Non, mais son emploi est davantage rĂ©pandu. [âŠ]
D. Liégeois :
Dans lâĂ©tat actuel de la technique, en tout cas, chacun de ces
fichiers est une fonte plutĂŽt quâune police.
Oui, si vous voulez. Câest une conception dĂ©fendue par dâĂ©minents typo-
graphes. Votre « dans lâĂ©tat actuel de la technique » est capital et recoupe
mon souci prĂ©cĂ©demment exprimĂ© : Ă©vitons dâopĂ©rer une distinction entre
fonte et police qui risque dâĂȘtre rapidement mise en cause par lâĂ©volution des
techniques.
206
POLICE
Lorsque lâon dit que les fichiers Postscript sont les fontes dâune police
donnée, on ne fait que déplacer la synonymie vers le couple police/carac-
tĂšre⊠ce qui nâarrange pas les affaires du dernier nommĂ© qui supporte dĂ©jĂ
un fardeau polysĂ©mique pas piquĂ© des versâŠ
D. Liégeois :
Installera-t-on seulement jamais réellement une police, au sens
vrai du terme, sur un ordinateur, puisque, si je comprends bien, la police est
plutĂŽt quelque chose dâabstrait ?
Ce que lâon installe sâapparente Ă une liste (policeâŠ) de codes renvoyant
Ă des glyphes (fonteâŠ). Câest la seule distinction qui tienne la route, une petite
route, un chemin vicinal dans un cadre restreint, celui dâun jargon datĂ©.
Bref, par analogie facile, les machins que lâon installe dans nos machines
sont à la fois des polices et des fontes. Faut choisir un terme pour les désigner
en tant quâobjets, et il me semble que lâusage sâen est chargé⊠Sâil change son
fusil dâĂ©paule et favorise un jour « fonte », je ne verrai aucun inconvĂ©nient Ă le
suivre⊠Je crois que la reprise de mon vieux message a été mal comprise. Je
ne choisis pas arbitrairement « police » contre « fonte », je réfute des distinctions
floues quoique brutales, personnelles, trompeuses.
D. Liégeois :
Ă supposer â câest sans doute dĂ©jĂ possible â quâun
programme soit capable de générer la totalité des caractÚres existants dans
toutes les langues du monde Ă partir du dessin dâun seul « a », Ă toutes les
tailles et sous toutes les formes imaginables, le résultat sera-t-il plutÎt une
police quâune fonte pour autant ? Ou sâil est une police, cessera-t-il pour autant
dâĂȘtre une fonte (ce nâest pas une question oratoire ; jâessaye de voir si jâai
bien compris) ?
Il sera les deux Ă la foisâŠ
D. Liégeois :
Pour le reste, je ne suis pas certain que faire Ćuvre pĂ©da-
gogique soit si inutile que cela. Le coup de pouce involontaire de lâanglais a
rĂ©ellement des effets concrets : le bon, câest que le mot est beaucoup plus
connu quâon ne pourrait le croire.
Sans doute⊠mais regardez, par exemple, les versions françaises dâAdobe
Type Manager⊠Sâil est un logiciel qui gĂšre les machins situĂ©s sous les capots
des professionnels comme des amateurs, câest bien lui. Pas trace de « fontes »,
mais des « polices » à tour de bras. Bon courage à ceux qui voudront expliquer
Ă ses utilisateurs quâil ne gĂšre pas des polices mais des fontesâŠ
Et Adobe Type Reunion ? Encore plus frappant⊠car, lui, il est chargé de
regrouper les « fontes » en « polices » (selon lâune des Ă©coles en prĂ©sence)âŠ
Eh bien ! toujours pas trace de la moindre fonte⊠Rien que des polices.
D. Liégeois :
Le mauvais, câest quâĂ force de lire « police », les gens sont
souvent convaincus que « fonte » est un mot anglais et lâĂ©crivent mĂȘme
comme en anglais.
207
POLICE
Câest Ă©videmment une erreur grossiĂšre⊠« Fonte » est un trĂšs ancien et trĂšs
beau mot français, un des fleurons de notre patrimoine lexicotypographiqueâŠ
Je lâaime, et si mon goĂ»t personnel avait quelque chose Ă voir dans lâaffaire,
je lâemploierais plus volontiers que « police ». HĂ©las, lorsque jâemploie un mot
câest le plus souvent Ă destination dâautrui⊠Or, pour lâheure, ce salaud
dâautrui comprend mieux « police ». DĂšs quâil sera mieux informĂ©, je vous
rejoindrai⊠mais jâai des doutes, des grosâŠ
D. Liégeois :
Lâautre option consiste, si je comprends bien, Ă sâoffrir le luxe
de sâexprimer comme les professionnels.
Lesquels ? et pour désigner quoi ? Lancez le débat sur un forum de
paoïstes⊠et attachez votre ceinture, ça risque de décoiffer⊠Des vents
irrésolus souffleront en tous sens.
D. Liégeois :
En tout cas, lâĂ©tymologie de « fonte » me paraĂźt bien plus simple,
bien plus directement à la portée de tous, que celle de « police ».
Oui, incontestablement, mais je ne crois pas que lâargument ait une force
suffisante pour modifier un usage bien installé. Plus efficace, si elle est
durable, sera peut-ĂȘtre la pratique de certains crĂ©ateurs de caractĂšres (Ă©lectro-
niques) qui nomment leur entreprise « fonderie »âŠ
D. Liégeois :
Je suis toutefois dâavis â lĂ , câest un principe â que la tactique
qui consiste à adopter vis-à -vis du grand public une terminologie différente
de celle des spĂ©cialistes (rĂ©putĂ©e trop difficile, Ă lâun ou lâautre titre) est
mauvaise, mĂȘme si elle part de bons sentiments.
Ce nâest pas ma tactique (je nâen ai pas)⊠Si un nouvel usage dominant
dans les milieux « spĂ©cialisĂ©s » Ă©tait discernable et motivĂ©, il sâimposerait sans
peine au grand public. Ce nâest pas celui-ci qui a privilĂ©giĂ© « police », mais
des spĂ©cialistes⊠Le public, pas contrariant, sâest dit : « Bon, jâadopte⊠» Nul
mépris des usagers « ordinaires » dans mon attitude⊠Au contraire !
M. Guillou :
Câest lĂ oĂč je ne comprends plus, mais alors plus du tout. Si
tu prends ce parti pris, câest que tu mets, toi, un sens prĂ©cis derriĂšre « fontes »
qui nâest pas celui du
vulgum pecus
.
Non, je nâaccorde aucun sens prĂ©cis à « fontes » dans lâusage contemporain
(ce qui ne veut pas dire quâil soit impossible de lui en donner un, par exemple
en lâassociant Ă la notion de glyphe, voir ma rĂ©ponse Ă Denis LiĂ©geois),
jâĂ©voque (globalement, « indistinctement ») des distinctions effectuĂ©es par
dâautres⊠pour montrer quâelles ne sont pas opĂ©rationnelles⊠quâelles ne
reflĂštent en rien lâusage des usagers des popolices et des fonfontes.
Ne retenons que deux Ă©coles (y en a dâautres, pas meilleuresâŠ). Certains
pensent quâune police (I.T.C. Dugenou) comprend plusieurs fontes (Dugenou
ital, demi-gras, gras, S.C., etc.). Dâautres pensent quâune police (Dugenou,
Garamond, etc.) renvoie aujourdâhui Ă plusieurs fontes (Adobe Garamond,
208
POLICE
I.T.C. Garamond, U.R.W. Garamond, etc.), elles-mĂȘmes subdivisĂ©es en je ne
sais trop quoi qui correspondrait Ă la distinction prĂ©cĂ©denteâŠ
Bref, câest le bordel, en partie engendrĂ© par lâobsession de recouper au plus
prÚs les catégories floues de la nomenclature anglo-saxonne (type, typeface,
fonts, etc.). Câest un jeu Ă la con. Sans intĂ©rĂȘt et promis Ă brĂšve Ă©chĂ©ance au
désastre.
Ne pas oublier les motivations boutiquiĂšres⊠LâintĂ©rĂȘt (surtout pour les
« petits Ă©lectrofondeurs ») de la distinction police/fonte est quâil faut faire
comprendre au client quâil nâachĂšte pas une police mais des fontes⊠ce qui
revient Ă dire que pour avoir une police complĂšte il faut casquer plusieurs fois.
Je ne critique pas cela, car je nâoublie pas que le premier gonzier venu dispose
aujourdâhui (honnĂȘtement, pour quelques milliers de francs, ou illĂ©galement,
pour beaucoup moins) dâun Ă©ventail de polices qui aurait fait baver dâenvie
le plus riche des ateliers de composition dâantan⊠Je rĂ©fute uniquement des
dénominations foireuses.
M. Guillou :
« Câest pourquoi jâai trouvĂ© trĂšs intĂ©ressante la dĂ©finition de
fonte proposée par Jean-François Porchez. » Quelle était-elle ?
Objet numérique. En gros, un créateur de caractÚres concevrait et dessi-
nerait des polices, mais il produirait et vendrait des fontes.
Faut-il mettre une capitale aux noms de polices ?
Ă Typographie, le 24 mars 1998.
Ă. Angelini :
Faut-il capitaliser certains noms de fontes et dâautres pas ? Et
quid
des noms de vins ?
Bonne question⊠Ăa fait un bail que jâai envie de la poser⊠Il me semble
que lâusage dâOlâ Rand est judicieux : il oppose le nom dâune police particuliĂšre
(le Cochin) Ă un terme gĂ©nĂ©rique (un â quelconque â garamond). « Le Didot
de Machin est un didot, une didone. » Si dâassez bonnes raisons pourraient
conduire au bas de casse intĂ©gral quand le nom dâune police est celui dâun
individu, on imagine mal dâavoir Ă Ă©crire : « Je nâaime pas lâunivers. »
Cela dit⊠ma religion nâest pas faite (sauf pour le pinard, domaine oĂč de
solides traditions font loiâŠ). « Pour lâĂ©tiquette de votre pauillac, je verrais bien
un didot, par exemple du Bauer Bodoni, caractĂšre qui ne manque pas de
corps. »
à F.L.L.F., le 3 décembre 2001.
M. Guillou :
??? « Ce ne sont pas des noms communs ! » [dit un autre inter-
venant au débat]. Si, si.
209
POLICE
[âŠ] Je crois me souvenir que lâobjet du litige est une sĂ©rie de noms de
polices (Times, Courier, etc.) mais jâai oubliĂ© certains de ces noms⊠et le
contexte⊠or, cela est déterminant, décisif. Enfin⊠pas tant que ça⊠car,
désolé, je pense que la majuscule, si elle est parfois inutile ou maladroite, ne
peut jamais (dans ces casâŠ) ĂȘtre gravement fautiveâŠ
Pinaillons un peu, quand mĂȘme⊠Selon les cas et les circonstances (et
selon moi⊠car il nây a pas ici dâusage dominant et indiscutĂ©), la majuscule
sâimpose ou non⊠Quand ils sont employĂ©s gĂ©nĂ©riquement, certains noms
policiers quoique propres [âŠ] abandonnent leur majuscule et se comportent
comme des noms communs.
Exemples : « Si tu veux un beau didot, prends le Didot de Linotype⊠Ce
Bodoni est trop gras ! Le Walbaum est un bodoni un peu spécial⊠Envoie-moi
le Garamond Book, oui, celui dâI.T.C⊠Câest dingue le nombre de mauvais
garamonds qui circulent⊠»
Parfois, impossible de sâen sortir honorablement⊠Comment composerais-
tu ceci ? « Ce salaud nous impose un univers frauduleux ! â Et encore, câest
rien, tâas pas vu son courier ! » MĂȘme sâil ne sâagit pas (et pour causeâŠ) de
polices nommées Univers et Courier, la majuscule est chaudement recom-
mandĂ©e. La premiĂšre nâamĂ©liorera guĂšre la situation (au contraireâŠ), mais la
seconde aura un avantage non nĂ©gligeableâŠ
Ponctuation fi
Astérisque, Barre oblique, Citation, Crochet, Deux-
points, Espace, Guillemet, ParenthĂšse, Point dâexclamation, Point
dâinterrogation, Points de suspension, Tiret, Virgule.
AprÚs une portion de phrase composée en italique (mots étrangers,
titres, etc.), la ponctuation sera composĂ©e en romain si elle nâappar-
tient pas Ă lâĂ©lĂ©ment ainsi mis en Ă©vidence : « Quel est le deuxiĂšme lied
du cycle
Die schöne MĂŒllerin ? â Il me semble que câest Wohin ? »
Surponctuation.
Surponctuer consiste Ă multiplier les signes de ponctuation non
fautifs (syntaxe) mais inutiles (syntaxe, expression) ou dommageables
(expression). Ne sont pas surponctuées les phrases suivantes :
[« Les formes des signes dâĂ©criture, ne sont pas neutres. »] â Robert
Estivals, la Bibliologie. (Mais la virgule est gravement fautiveâŠ)
« Claudel a dit quelque chose, sur les cathĂ©drales, qui vaut bien quâon
lise lâAnnonce faite Ă Marie, quoique je ne voie rien Ă comprendre dans
210
POLICE
PONCTUATION
ce drame. » â Alain, « MatiĂšre et Forme », Propos. Ă premiĂšre vue, les
deux premiĂšres virgules ne sont pas grammaticalement indispensables.
Pourtant, leur suppression modifierait la charge du pronom relatif. Ce
redoutable « qui » (quelque chose) deviendrait anodin (quelque chose
sur les cathédrales).
Opposer sous-ponctuation et surponctuation est utile mais
hĂ©las un peu dĂ©risoire. Lâessentiel se joue ailleurs, ou avant. Aujour-
dâhui, quantitĂ© de phrases ne sont pas surponctuĂ©es mais regorgent de
signes de ponctuation indispensables, car imposés par une médiocre
construction. La bonne prose nâest ni surponctuĂ©e ni sous-ponctuĂ©e,
elle est peu ponctuĂ©eâŠ
CâĂ©tait ainsi jadis et câest « lâune des beautĂ©s de la prose française
du xvii
e
siĂšcle, je veux dire cet agencement savant, ou, pour donner
lâidĂ©e de quelque chose de plus vivant, cette savante articulation des
parties qui se tiennent si bien toutes ensemble, par le seul jeu des
conjonctions, que le secours de la virgule et du point et virgule en
devient presque superflu »,
BrunetiĂšre
1880
.
¶
Espaces.
Les anciens typographes Ă©taient plus souples que les modernes. Ils
savaient jouer avec les espaces liées à la ponctuation.
Lefevre
1883
: « On met une espace dâun point avant la virgule, le
point-virgule, le point dâexclamation et le point dâinterrogation, si la
ligne oĂč ils se trouvent est espacĂ©e ordinairement ; mais si elle est
plus serrĂ©e, on se dispense dâen mettre avant la virgule, surtout lors-
quâelle est prĂ©cĂ©dĂ©e dâune lettre de forme ronde. Le contraire a lieu,
câest-Ă -dire que lâon peut augmenter lâespace dâun demi-point avant
ces diverses ponctuations, et surtout avant les points dâexclamation
et dâinterrogation, si la ligne est espacĂ©e plus largement. On ne met
pas dâespace avant le
point qui termine une phrase, ni avant le point
abréviatif, ni avant les points suspensifs. »
La virgule a perdu son espace Ă©ventuelle. Resquiescat in pace !
En revanche, rien nâinterdit de continuer Ă faire varier les espaces qui
prĂ©cĂšdent le point-virgule, le point dâexclamation et le point
211
PONCTUATION
dâinterrogation. Aujourdâhui, rares sont les compositeurs qui se
donnent la peine de modifier au coup par coup les espaces insécables
fixes qui précÚdent la ponctuation haute. Dommage, car de trÚs
lĂ©gĂšres modifications â quasi imperceptibles â peuvent Ă©liminer des
coupures ou amĂ©liorer lâespace justifiante dâune ligne donnĂ©e.
Sources documentaires
Ă France-Langue, le 29 mai 1997.
P.-O. Fineltin :
Je cherche un texte sur les emplois des signes de ponc-
tuation. Merci de mâindiquer oĂč je peux me renseigner.
Alors lĂ , no problemo⊠Sur le sujet, une seule adresse, et câest un chef-
d'Ćuvre (dâintelligence, de finesse, de styleâŠ) : Jacques Drillon,
Traité de la
ponctuation française
, collection « Tel », Gallimard, 1991.
Ă Typographie, le 6 mai 1998.
P. Cazaux :
Je me demandais ce que tu pensais du « Que sais-je ? » [de Nina
Catach] sur la ponctuation. Je le trouve trÚs intéressant.
Il lâest. Câest lâĆuvre dâune spĂ©cialiste de lâorthographe, donc un point de
vue « théorique » trÚs intéressant (bien que rapide⊠à cause des contraintes
de la collection). Lâassez gros bouquin de Drillon est lâĆuvre dâun Ă©crivain, dâun
maßtre de la langue écrite⊠Le plaisir procuré comme les services rendus sont
sans commune mesure.
P. Cazaux :
Par ailleurs, je ne partage pas ton avis⊠péremptoire sur le
Perrousseaux
et sur lâ
Abrégé
du C.F.P.J. Je reconnais leurs défauts, mais mon
point de vue est celui du débutant, et ils me paraissent une bonne entrée en
matiĂšre.
Câest ce que jâai dit Ă propos du
Perrousseaux
. Câest Ă©galement ce que
contient le titre :
Typographie élémentaire
. Lâennui, câest quâen matiĂšre
dâorthotypographie (donc de « code »), je ne vois guĂšre lâintĂ©rĂȘt pratique des
« entrĂ©es en matiĂšre », mĂȘme aguichantes, pour quiconque est dĂ©jĂ dans la
« production ». On ne peut se contenter de rester sur le seuil. Dâautant que
quelques-uns des rares détails abordés le sont avec une désinvolture dont les
vertus formatrices me semblent discutables. Quant Ă lâ
Abrégé
, câest en gros
tout ce quâil ne faut pas faire : abrĂ©ger le chaos pour faire accroire quâil est
ordonnĂ©âŠ
P. Cazaux :
Alors que le nouveau
Code typo
me paraĂźt aberrant, ne serait-ce
que dans sa propre compo.
212
PONCTUATION
Oui, mais câest lâhĂ©ritier (certes un peu fin de race) dâune tradition qui a du
poids⊠On ne peut lâignorer totalement. Il faut le connaĂźtre (ce qui nâest pas
le cas du
Perrousseaux
, de lâ
Abrégé
ou du
Guéry
).
P. Cazaux :
Je suis assez réticent aussi sur le
Ramat
, et condamne définiti-
vement le
Gouriou
.
Le
Ramat
nâest pas si mauvais quâon le dit parfois⊠Le
Gouriou
nâest guĂšre
utilisé (dans les lieux que je fréquente).
Des ponctuations hautes
ou des ponctuations doubles ?
Site Web de Jean-Pierre Lacroux.
Dire que ! ? ; : sont des signes de ponctuation « doubles » au seul prétexte
quâils sont composĂ©s de deux Ă©lĂ©ments disjoints revient Ă dire que « Ă©, à » ou
un simple « i » sont des lettres doubles, des voyelles doubles⊠et que « ñ » est
une consonne double. Vous imaginez le bordel⊠(Ă dire vrai⊠lâexpression
que je critique ici est couramment employée⊠Pas grave.)
Jâai ma conception (internationalisante) de lâespacement des signes de
ponctuation.
Jâai bien notĂ© que cette conception Ă©tait personnelle⊠à mon sens, elle est
Ă©galement nocive. Non parce quâelle ne respecte pas une « convention typo-
graphique française » (il en est dâoubliables), mais parce que cette convention
est motivĂ©e, utile, efficace, salement subtile. Comme vous le savez â et
comme le pressentaient les typographes dâantan â, le lecteur ne lit pas lettre
à lettre. Les mots ont une « silhouette » ; or, quand elles ne sont pas isolées par
une espace, les ponctuations dites « hautes » ( ; : ! ? ) modifient cette « forme
globale » et par consĂ©quent gĂȘnent la perception du lecteur. Parfois fort peu,
voire pas du tout, parfois considĂ©rablement. Nây a-t-il pas lĂ une « Ă©vidente
raison pratique de communication » ? Ce parasitage nâest bien entendu pas
Ă craindre avec les ponctuations basses (. , âŠ). VoilĂ pourquoi lâ« interna-
tionalisme » (qui ne me trouble nullement) est un cache-misÚre, un alibi au
suivisme. Vous me direz que les lecteurs de textes composés dans quelques
autres langues ne semblent pas trop perturbés par la soudure des ponctua-
tions hautes, et je vous rĂ©pondrai : primo et Ă ma connaissance, cela reste Ă
prouver ; deuzio, chacun fait ce quâil veut chez lui, cela ne me regarde pasâŠ
Si vous regardez de plus prĂšs, vous vous apercevrez que seules
!
et
?
sont
hautes et
;
et
:
simplement « moyennes ». à partir de là ,
â â ( ) [ ]
et
{ }
sont
hautes (et curieusement non espacées), et
« »
moyennes mais Ă©trangement
espacées.
213
PONCTUATION
Vous ĂȘtes bien gentil, mais câest vous qui devriez regarder dâun peu plus prĂšs
avant de me prodiguer des conseils dâoculiste. « Ponctuation haute » est une
expression du jargon typographique qui ne prend pas en compte la distance
Ă la hauteur dâx (ou dâĆil) ou Ă la hauteur de capitale mais Ă la seule ligne
de pied. Les ponctuations hautes « montent » beaucoup plus haut que celle-ci ;
les ponctuations basses, non. Examinons dâun peu prĂšs les ponctuations
« moyennes » : en haut, elles sâalignent sur la hauteur dâx, ce qui en lâabsence
dâespace implique un parasitage comparable Ă celui qui est produit par celles
qui sâalignent sur la hauteur de capitale. Maintenant, examinons dâencore plus
prĂšs les parenthĂšses, les crochets et les accolades : ces signes ont une hauteur
(absolue) supĂ©rieure Ă celle de tout autre signe quâils sont susceptibles de
cÎtoyer, caractéristique qui élimine le phénomÚne déjà décrit.
Cette disparité de traitement ne démontre-t-elle pas que cette ségrégation :
ponctuation haute /ponctuation basse est purement arbitraire.
Non, car la disparitĂ© de traitement nâa pas Ă©tĂ© dĂ©montrĂ©e. Non, car la posi-
tion sur la ligne de pied nâest pas un critĂšre arbitraire.
Elle est effectivement « efficace », mais certainement pas dans la « subtilité » :
vous parliez des typographes dâantan, qui positionnaient le texte pour ainsi
dire Ă lâĆil.
Et aujourdâhui, ils le positionnent comment ? Ăa mâintĂ©resse, pour le cas oĂč
ma vue baisserait⊠ou pour celui, plus improbable, oĂč lâon tenterait de me
faire bosser gratos.
Cela signifie quâils dĂ©passent lĂ©gĂšrement la hauteur de capitale, nâest-
ce pas ?
Cela signifie ce que jâai Ă©crit : ces signes ont une hauteur (absolue) supĂ©-
rieure Ă celle de tout autre signe quâils sont susceptibles de cĂŽtoyer, donc, en
particulier, de tout signe alphabĂ©tique, quâil soit en cap, petite cap ou bas de
casse et, pour ce dernier, que la lettre soit « courte » (a, e, c, etc.), « longue du
bas » (g, j, p, etc.) ou « longue du haut » (b, d, f, etc.).
Cela signifie que ces signes ont une extension verticale trĂšs supĂ©rieure Ă
celle de tout mot quâils sont susceptibles de cĂŽtoyer, ce qui nâest Ă©videmment
pas le cas avec « » ; : ! ?. Cela signifie quâils ne parasitent pas la « silhouette
globale » de ces mots, quâils sâen dĂ©tachent nettement (en haut et en bas) et
quâils ne perturbent pas la perception du lecteur pressĂ© ou fatiguĂ©.
Mais expliquez-moi pourquoi cela élimine le phénomÚne de parasitage.
Pour la raison que je vous avais indiquée et que je viens de répéter en la préci-
sant, mais je vous concĂšde quâ« Ă©liminer » est inutilement vrai et que « rĂ©duire
considérablement » aurait été plus habile. Expliquez-moi plutÎt pourquoi vous
tenez tant Ă faire accroire que "l'Ill!" est aussi aisĂ©ment lu que « lâIll ! »
214
PONCTUATION
Je ne vois pas bien de quelle libertĂ© il sâagit puisque vous exigez un blanc
et que vous vous condamnez donc Ă lâinsĂ©rer vous-mĂȘme (= contrainte) :
votre libertĂ© nâest que virtuelle.
Non, elle est réelle, et votre assertion est absurde : ce que je peux décider
de faire
ou
de ne pas faire « moi-mĂȘme » nâest pas une contrainte. Jâai la libertĂ©
de ne pas introduire dâespace antĂ©rieure dans les occurrences oĂč elle nâa pas
sa place â dĂ©tail qui vous a Ă©chappĂ© â, libertĂ© bafouĂ©e par les tenants de
lâapproche antĂ©rieure hypertrophiĂ©e qui mâimposent un blanc que je ne leur
ai pas demandé ! Les liberticides sont dans votre camp.
Quand lâespace est nĂ©cessaire â cas bien entendu le plus frĂ©quent, de trĂšs
loin â, je suis libre de modifier subtilement sa valeur, sans ĂȘtre contraint de tri-
patouiller lâinterlettrage et les approches (horreurs trĂšs en vogue) : cela permet
parfois de résoudre des problÚmes de justification et de mauvaise coupe.
Ponctuations hautes et virgules « mixtes »
Ă Typographie, le 26 janvier 1998.
J. Fontaine :
Selon
le Ramat typographique
, « la ponctuation basse (point,
virgule, points de suspension) reste toujours dans la mĂȘme face (romain,
italique, gras, etc.) que le mot qui la prĂ©cĂšde, quâelle appartienne au mot ou
au reste de la phrase. » [âŠ]
Jâavoue que la dĂ©couverte de la rĂšgle particuliĂšre Ă la ponctuation basse
troubla quelque peu lâhĂ©misphĂšre gauche et logique de mon cerveau,
mais lâhĂ©misphĂšre droit et artiste peut imaginer les motifs esthĂ©tiques qui la
sous-tendent (motifs que le
Ramat
nâexplicite pas).
Je dois aussi avouer que je nâavais jamais remarquĂ© auparavant cet usage
illogique, ce qui est peut-ĂȘtre le signe que câest un usage conforme au
principe quâune typo correcte est une typo qui ne se remarque pas⊠(Faut
aussi dire quâun point romain et un point italique, ça doit ĂȘtre kif-kif, non ?)
Votre message contient toutes les réponses à vos questions⊠Comme
vous le soulignez, la question (ponctuation « basse » appartenant à une phrase
en romain mais succédant à un terme en ital) se pose uniquement pour la vir-
gule. Câest un usage et il est illogique. Dans les codes dâhier et dâaujourdâhui
vous trouverez des partisans de deux écoles⊠Les auteurs à mon sens les
plus pertinents sont plutĂŽt favorables Ă lâautre usage (pas de distinction entre
ponctuations haute et « basse » dans ces circonstances, donc virgule romaine)
mais je crains fort que cela ne soit pas suffisant pour infléchir un usage fondé
sur la facilité et la cohérence graphique (par exemple, dans une énumération
de termes composés en italique, pourquoi se fatiguer à réintroduire du
romain Ă chaque virgule alors que lâital coule de source et que sa bizarrerie
« sĂ©mantique » nâapparaĂźtra quâĂ quelques lecteurs vĂ©tilleux). Cela dit⊠quand
215
PONCTUATION
je « compose » ou quand je nettoie les compositions des autres, je fais cet
effort inutileâŠ
Bien que ses choix soient sur ce point assez fumeux, laissez-moi vous citer
Gustave Daupeley-Gouverneur (
le Compositeur et le Correcteur typographes
,
Paris, 1880), qui explique assez bien en quoi certains usages que nous res-
pectons encore ont leur origine dans des pesanteurs techniques qui ne sont
plus nĂ©cessairement les nĂŽtres (en cas dâerreur, le changement de casse est
aujourdâhui plus aisĂ© ; la confusion entre deux petits bouts de plomb quasi
identiques est un cauchemar oubliĂ©âŠ).
Tous les passages entre crochets sont des commentaires de mon cru.
« [...] En ce qui concerne lâemploi des virgules italiques, il rĂšgne malheu-
reusement, dans la plupart des imprimeries, pour ne pas dire dans toutes,
une trop grande indifférence de la part du compositeur [
source de bien des
usages⊠et de « rĂšgles »âŠ
]. LâexpĂ©rience nous prouve tous les jours combien
il est difficile dâatteindre ici la perfection [
mĂȘme chez les meilleurs : dans le
manuel de ThĂ©otiste Lefevre, on trouve quantitĂ© dâexemples de virgules fau-
tivesâŠ
]. Le mélange des virgules italiques et des virgules romaines est, nous
le savons, un détail qui paraßt bien minutieux aux gens qui ne sont pas du
mĂ©tier, mais il fera toujours la dĂ©solation de lâhomme de goĂ»t. [âŠ] Câest la
difficultĂ© dâobvier Ă ce mĂ©lange qui a fait adopter depuis quelque temps, dans
certaines fontes, un genre de virgules mixtes dont lâĆil nâest ni tout Ă fait
romain, ni tout Ă fait italique. Nous approuvons fort ce systĂšme [
quel « homme
de goût » !
], qui, nâayant rien de choquant en lui-mĂȘme, a lâimmense avantage
de parer Ă lâinconvĂ©nient que nous signalons (1).
(1) La septiĂšme Ă©dition du
Dictionnaire de lâAcadĂ©mie
(1877) a été composée
entiÚrement avec des virgules mixtes. »
« Pendante ponctuation »
Ă Typographie, le 26 mai 1997.
Jâavoue que la
hanging ponctuation
me laisse perplexe. Elle a certainement
des qualités, mais il me semble que son emploi est nécessairement marginal
(oui, je sais, excusez-moiâŠ), disons : limité⊠Jâaimerais bien voir ce que
donneraient des textes surponctués, comme
Mort à crédit
ou un quelconque
San-Antonio, composés avec cette ponctuation pendue.
à Typographie, le 17 décembre 1998.
P. Maguin :
Les ponctuations que lâon met hors justif sont Ă ma connais-
sance le point, la virgule, le point-virgule, le deux points et la division.
Pour le point-virgule et le deux-points, lâespace antĂ©rieure est-elle Ă©galement
« pendue » ?âŠ
216
PONCTUATION
P. Maguin :
Ce qui me met dans lâembarras, ce sont les points de suspen-
sion. Quelquâun a une idĂ©e ?
Oui⊠Renoncez Ă Satan, Ă ses Ćuvres et Ă son gibet⊠Ramenez toutes
les brebis égarées au sein douillet du troupeau, ne les abandonnez plus au-
dessus du gouffreâŠ
M. Bovani :
Quant Ă le faire Ă la main en sortant les ponctuations dans la
marge⊠le remÚde est bien pire que le mal, non ?
Le « remĂšde » est mille fois pire que le prĂ©tendu « mal » ! Le plus rigolo, câest
encore deux colonnes bien serrĂ©es, avec les saillies de lâune qui tentent de
rejoindre celles de lâautre⊠Ămouvant⊠Et quelle belle gouttiĂšre (rectiligne ?) !
Et les notes marginales ? Quel beau cadeau pour elles que ces traits dâunion
aventureux ! Imagine trois coupures de suite : on a dĂ©jĂ le dĂ©but dâune belle
fermeture à glissiÚre⊠Utile, pour ceux qui craignent que la note marginale
tombe dans le vide et sâĂ©crase en bas de pageâŠ
Sauvons la ponctuation du gibet !
T. Bouche :
Et les pointes des signes
( ) . V « » - â
devraient sortir un peu
dans la marge (pour les mĂȘmes raisons que celles qui font placer un
V
ou un
O
un peu au-dessous de la ligne de base).
Mais non, cela nâa rien Ă voir ! Quand je lis, mon Ćil suit la ligne, les lignes
du texte⊠il est donc judicieux que les caractÚres posés sur la ligne de base
mais qui manquent dâassise soient placĂ©s de telle sorte quâils nâapparaissent
pas à nos faibles yeux comme plus hauts que leurs copains⊠Cela contrarierait
la fluiditĂ© de la lecture. En revanche, quand je lis, mon Ćil ne se promĂšne pas
le long des marges de gauche et de droite⊠DĂšs lors, il nâen a strictement rien
Ă foutre si lâalignement vertical nâest pas « optiquement » rigoureux au micron
prĂšsâŠ
Attention ! Provoc sévÚre ! Cette obsession de la rectitude « optique » abso-
lue des fers est un hochet pour ceux qui ne lisent pas et se contentent
dâadmirer les pavĂ©s⊠Câest un credo pour secte paoĂŻste⊠Le slogan de ma
chapelle est un peu différent : sous les pavés, le texte !
T. Bouche :
Objection intéressante. Mais je ne vois pas en quoi ça te défrise
quâun alignement, sâil nâest pas impĂ©ratif Ă la lecture, agrĂ©able Ă lâĆil soit
recherché.
Mais la recherche (et mĂȘme lâobtentionâŠ) dâun alignement vertical parfait
ne me dĂ©frise pas le moins du monde⊠Elle ne me passionne pas, câest vrai,
mais ce qui me fait hurler, câest la mĂ©thode employĂ©e ! Que lâon rabote
virtuellement lâapproche du premier et du dernier caractĂšre dâune ligne ne me
gĂȘne pas beaucoup, mais quâon la fasse devenir nĂ©gative⊠lĂ , je dis quây a
dâlâabus⊠et mĂȘme risque de farce typographique quand en outre on pend la
ponctuation haut et court⊠Cette exigence de « rectitude optique » devient Ă
217
PONCTUATION
mon sens assez drĂŽle quand elle sâaccompagne de retraits dâalinĂ©a surali-
mentés et de notes marginales de petit fond composées en drapeau au fer
Ă gaucheâŠ
Mais tu vas voir que je suis Ă la fois de mauvaise foi et honnĂȘteâŠ
Comme le faisait justement remarquer Michel Bovani, on pourrait trouver
une justification sĂ©mantique Ă lâexclusion du trait dâunion marquant la coupure
dâun mot⊠DĂšs lors, nous aurions une solution Ă©lĂ©gante pour les coupures
tombant pile-poil sur le trait dâunion dâun mot composĂ© : il rentrerait dans
le rang !
à Typographie, le 19 décembre 2000.
P. Pichaureau :
Cela mâa amenĂ© Ă me demander quels symboles de ponc-
tuation on a intĂ©rĂȘt Ă mettre dans la marge.
Aucun.
Ponctuations Ă âlâanglaiseâ,
à « la française » et à »lâallemande«
Ă Typographie, le 25 juin 1997.
J. Melot :
à ce propos, examinez bien la matiÚre imprimée moderne (en
français). Il est remarquable de constater que lâespace Ă gauche de la ponc-
tuation haute, lorsquâelle nâest pas tout simplement escamotĂ©e (Ă lâanglaise),
est plus petite que lâespace Ă droite. On dirait que, sous lâinfluence de
lâimprimĂ© anglo-saxon omniprĂ©sent, le typographe français se sent mal Ă
lâaise de mettre la mĂȘme espace devant et derriĂšre la ponctuation haute
comme jadis et procĂšde Ă une sorte de compromis inconscient en diminuant
celle de gauche.
Pas sûr, cher ami⊠car cette dissymétrie est une trÚs ancienne tradi-
tion typographique française. Les anglo-saxophones, pour une fois, nây sont
pour rienâŠ
Nos typographes des siÚcles précédents (qui étaient un peu grammairiens,
les siÚcles et les typographes⊠heureux temps !) ont fort bien expliqué les
raisons de ce beau (et rationnelâŠ) dĂ©sĂ©quilibre : les ponctuations hautes
comme le point-virgule, les points dâexclamation et dâinterrogation appar-
tiennent davantage Ă la phrase ou au membre de phrase qui les prĂ©cĂšde quâĂ
la phrase ou au membre qui les suit⊠Dans la typographie soignĂ©e, lâespace
de gauche est donc trÚs inférieure à celle de droite. Seul le deux-points, qui
Ă©tablit une sorte dâĂ©galitĂ©, est isolĂ© par deux espaces Ă©gales. Toutefois, certains
typographes prĂ©conisent de diminuer un peu lâespace de gauche (Ă mon sens,
ils nâont pas tortâŠ).
218
PONCTUATION
J. Melot :
Jâai dĂ©jĂ eu lâoccasion dâexaminer des ouvrages anciens dans
lesquels des espaces Ă©gales Ă©taient insĂ©rĂ©es de part et dâautre des virgules et
des points et je ne suis pas certain quâĂ lâorigine lâespacement nâait pas Ă©tĂ©
Ă©gal de part et dâautre de
toute
ponctuation.
On peut toujours trouver des exemples qui infirment les rĂšgles et les
usages⊠mais je vous assure que la dissymétrie en question ne date pas
dâaujourdâhui ou dâavant-hier, loin sâen faut. Les grands manuels typogra-
phiques des siĂšcles prĂ©cĂ©dents en font Ă©tat et, lorsquâils ne lâĂ©voquent
pas explicitement, ils la mettent en Ćuvre (ainsi que la plupart des ouvrages
composĂ©s avec soin). Ce qui explique peut-ĂȘtre votre perception, câest le
fait que lâespace qui suit la ponctuation est « justifiante » (variable) : si la com-
position est trĂšs serrĂ©e, lâespace justifiante est diminuĂ©e et tend Ă ressembler
Ă lâespace fine qui prĂ©cĂšde la ponctuation. Dans une composition trĂšs
aĂ©rĂ©e, avec de trĂšs fortes espaces-mots, lâĂ©galitĂ© que vous Ă©voquez est une
monstruosité typographique.
Ă Typographie, le 3 mars 1999.
J. André :
On nâarrivera jamais Ă savoir oĂč est la « logique » dans le fait
de mettre une fine avant un point-virgule pour des raisons de lisibilité en fran-
çais, à croire que les yeux des Anglo-Saxons sont différents. Personnellement
je parle dâhabitudes culturelles.
⊠Mais lâinsatiable « besoin de logique » est une respectable « habitude
culturelle », non ?
Oui, il est « logique » dâĂ©loigner un peu certaines ponctuations hautes
du signe qui les prĂ©cĂšde⊠Que dâautres sâen abstiennent ne suffit pas Ă
discrĂ©diter nos raisonsâŠ
à F.L.L.F., du 28 au 30 décembre 2001.
K. Elgart :
Quand jâai appris le français (aux Ătats-Unis) je ne me rappelle
pas que mes professeurs demandaient une espace avant
?
et
!
Quâest-ce
quâon fait au QuĂ©bec, en Belgique⊠?
En Belgique, le français se compose comme partout⊠Des espaces fines
précÚdent les ponctuations hautes (et non « doubles »). Au Québec, si je me
fie Ă Aurel Ramat, ce devrait ĂȘtre kif-kif.
Inutile de citer des contre-exemples : il en existe aussi partout⊠dus Ă
diverses causes : suivisme bĂ©at ou volontĂ© de se singulariser (ce nâest pas
incompatible, au contraire), incompétence, etc.
Janti :
Pourquoi lâespace devant
?
et
!
en français ? Est-ce que quelquâun
connaĂźt lâhistoire de cette rĂšgle exclusivement française ?
Ce nâest pas une rĂšgle exclusivement française.
219
PONCTUATION
Il est vrai â et câest loin dâĂȘtre le fruit du hasard â que les Français sont
aujourdâhui quasiment les seuls Ă dĂ©fendre des conventions typographiques
rationnellesâŠ
J. Kanze :
Les Allemands avec qui jâai travaillĂ© ne pouvaient pas supporter
lâidĂ©e que je mette une espace avant les points-virgules dans le programme.
Plus gĂ©nĂ©ralement, jâavais lâimpression que les Allemands avaient horreur des
espaces dans le code en général. Je ne peux que croire que ça vient indirec-
tement de leurs habitudes typographiques, avec des mots qui se collent, et
tout le reste. LâĂ©criture dâun programme nâa pas grand-chose Ă voir avec la
typographie dâun roman, mais les habitudes semblent rester quand mĂȘme.
Tout cela montre que les Allemands dont vous parlez ont perdu la mémoire,
du moins leur mémoire typographique. Des milliers de livres composés jadis
et mĂȘme naguĂšre en Allemagne et en allemand sont Ă leur disposition : ils
y verront des espaces devant le deux-points et les autres ponctuations hautes.
Ils y verront aussi, aprĂšs le point, des espaces beaucoup plus grandes
quâen français : des cadratins ! Ils y verront des espaces qui ne furent jamais
employĂ©es en français : celles qui en Fraktur et mĂȘme parfois en romain
remplacent lâitalique par un interlettrage hypertrophiĂ©âŠ
Leur « horreur » des espaces nâest pas due Ă des traditions quâils ignorent,
mais au conformisme ambiant.
Absorption du point final
Ă Typographie, du 26 au 28 janvier 1998.
J. Fontaine :
Soit les deux exemples suivants, qui se trouvent dans le
Traité
de la ponctuation
de Jacques Drillon et que je cite de mĂ©moire, car je nâai pas
actuellement lâouvrage sous la main :
Il prĂ©tend travailler pour la C.I.A. â Il
prétend travailler « pour la C.I.A. »
La rĂšgle typographique veut que le point
abréviatif absorbe le point final de la phrase (ou vice versa ?) pour éviter une
répétition inesthétique de points.
Ce nâest pas une question dâesthĂ©tiqueâŠ
J. Fontaine :
Si je me souviens bien, Drillon exprimait toutefois lâavis que,
dans le deuxiĂšme exemple, il trouverait prĂ©fĂ©rable dâajouter un point final
aprĂšs le guillemet, mais que câĂ©tait interdit par lâusage typographique. Serait-
ce effectivement péché mortel ? véniel ?
⊠en effet, si vous refusez un double statut (ponctuation interne et ponc-
tuation de la phrase) au dernier point (final/abrĂ©viatif, dâinterrogation,
dâexclamation mais pas toujours de suspension) de la citation, que ferez-vous
dans un cas comme celui-ci :
Pourquoi mâa-t-il dit « OĂč vas-tu ? » â Pourquoi
mâa-t-il dit « OĂč vas-tu ? » ? â Pourquoi mâa-t-il dit « OĂč vas-tu » ?
220
PONCTUATION
La premiĂšre formule est de loin la meilleure.
Le bouquin de Drillon est admirable. Sur le sujet, on ne peut trouver mieux.
Toutefois, deux ou trois de ses choix ou suggestions « typographiques » sont
discutables.
J.-D. Rondinet :
On voit sans Ă©quivoque que le point final se trouve en
dehors du guillemet fermant. Donc :
Il prétend travailler « pour la C.I.A. ».
Moi, je veux bien⊠mais connais-tu des sources qui préconisent explici-
tement cette formule ? Ăa mâintĂ©resse
énormément
!!!
J. Fontaine :
« Ce nâest pas une question dâesthĂ©tique⊠» (Bibi bis) Hum,
réponse absorbante⊠Pourquoi absorbe-t-on, alors ? Par flemme ? Par éco-
nomie ? LâĂ©conomie (Ă©conomie graphique ; je ne parle pas de fric) peut ĂȘtre
considérée comme une qualité esthétique.
Certes⊠mais la répugnance à doubler un signe de ponctuation (sauf dans
les cas de rĂ©pĂ©tition expressive !!!) pour lui attribuer deux rĂŽles diffĂ©rents nâest
pas dâordre esthĂ©tique⊠Du moins pas « avant tout », du moins pas Ă mon
sens. La ponctuation nâest lĂ que pour aider Ă la lecture et Ă la comprĂ©hension
du texte. La surponctuation aboutit généralement au résultat inverse. Il est vrai
que des prĂ©occupations dâordre esthĂ©tique peuvent aller dans le mĂȘme sensâŠ
mais pas toujours. Les parenthĂšses et les crochets engendrent souvent
des cohabitations que les guillemets rĂ©cusent⊠Cela sâexplique. On pourra
y revenir.
J. Fontaine :
Supposons que les exemples suivants soient tous les deux des
phrases interrogatives (la seconde étant la version relùchée) que je ponctue
de la façon typographically correct :
Mâas-tu dis « OĂč vas-tu ? » â Tu mâas dis
« OĂč vas-tu ? »
En tout cas, les deux sont relĂąchĂ©es⊠orthographiquementâŠ
J. Fontaine :
Il est impossible pour le lecteur de voir que la deuxiĂšme phrase
est ici une interrogation (du type :
Tu viens ?
). Glp ! câest bien ponctuĂ©, ici ?
Tout deviendrait clair en ponctuant ainsi (Dieu sauve mon Ăąme) :
Tu mâas dit
« OĂč vas-tu ? » ?
Certes⊠mais il est illusoire dâimaginer quâune surponctuation hyperlogique
rendra claire une formulation Ă©quivoque⊠Câest en cela que la question nâest
pas avant tout une question dâesthĂ©tique typographique (Ă©troitement visuelle)
mais quâelle ressortit, plus profondĂ©ment, Ă la stylistique, Ă la langue Ă©crite
(et mĂȘme oraleâŠ). Ă lâoral, essayez donc de rendre perceptible la double
interrogation (sans effectuer une pause aprĂšs « dit »)âŠ
Ăcoutons Daru : « [La ponctuation] ne remĂ©die aux obscuritĂ©s du style quâen
dĂ©celant souvent un vice de construction. » [âŠ]
221
PONCTUATION
LâesthĂ©tique et la logique ont Ă©tĂ© Ă©voquĂ©es.
Je nâai rien contre ces deux disciplines, je les crois mĂȘme trĂšs bĂ©nĂ©fiquesâŠ
mais, sâagissant dâorthotypographie et de ponctuation, elles exigent des
précautions. La logique est une aide précieuse pour résoudre les questions
simples, celles surtout qui dĂ©pendent dâune seule « rĂšgle »⊠DĂšs lors que
lâon concocte des exemples se situant aux confins du genre ou faisant appel Ă
plusieurs rĂšgles, il est vain de se montrer logique dans lâapplication dâune rĂšgle
si lâon oublie les autres. En dâautres termes, avant dâacculer une rĂšgle dans les
cordes, il est bon de se souvenir des relations quâelle entretient avec ses sĆurs
et singuliÚrement de leur éventuelle hiérarchie.
Jâaime bien les exemples vicieux, rĂ©tifs aux normes : pour le plaisir, non pour
adapter la rĂšgle Ă leurs caprices.
Si lâon trouve logique dâĂ©crire :
Tu mâas dit « OĂč vas-tu ? ».
â ou :
Tu mâas dit
« OĂč vas-tu ? » ?
pourquoi serait-il illogique dâĂ©crire :
Tu mâas dit : « OĂč vas-tu ? ».
â ou :
Tu mâas dit : « OĂč vas-tu ? » ?
?
Or, ici, on est en plein « solécisme typographique »⊠Question (subsidiaire) :
oĂč mettre le point dâinterrogation qui correspond Ă mon pourquoi ? (La
rĂ©ponse se trouve dans le dernier paragrapheâŠ)
Si lâon retient ces façons de faire, on met Ă mal tout un pan de lâorthoty-
pographie française (ponctuation des citations)⊠Sous quel prétexte ? Celui
de donner une ponctuation logique Ă des formulations illogiquesâŠ
Jâentends dĂ©jĂ les objections⊠alors voici mon sentiment : Ă lâoral, je crois
que les doubles interrogations sont rarissimes et que la plupart des franco-
phones diraient : « Pourquoi mâas-tu demandĂ© oĂč jâallais ? » ou une des innom-
brables variantes (« Pourquoi quâtu mâdemandes oĂč je vais ? »âŠ). Et lĂ , aucun
problĂšme de ponctuation.
Quant à la phrase non interrogative (que je trouverais plus crédible à la troi-
siĂšme personneâŠ), imaginons quâelle se situe Ă la fin dâun dialogue globa-
lement sis entre guillemets⊠Si lâon retenait la mĂ©thode examinĂ©e plus haut,
on aurait un point final aprÚs le guillemet fermant le discours cité dans le dis-
cours⊠et on aurait lâair malin, car pour ĂȘtre dans la mĂȘme logique il faudrait
le faire suivre par un nouveau guillemet fermant le dialogue (impossible dans
ce cas de laisser un point final Ă lâextĂ©rieur du dernier guillemet)âŠ
« Quâest-ce
quâil tâa demandĂ© ? â Il mâa dit : « OĂč vas-tu ? ». »
Certes, ça passerait mieux (?) avec des guillemets anglais de second rang :
« Quâest-ce quâil tâa demandĂ© ? â Il mâa dit : âOĂč vas-tu ?â. »
Mais mieux vaut (façon de parlerâŠ) :
« Quâest-ce quâil tâa demandĂ© ? â Il
mâa dit : âOĂč vas-tu ?â »
Pour terminer sur une gĂ©nĂ©ralitĂ© : la solution de la plupart des « cas extrĂȘmes »
ne rĂ©side pas dans la ponctuation mais dans la gomme, lâencre rouge ou la
touche Backspace⊠Faut tout rĂ©crire, histoire que ça devienne ponctuableâŠ
222
PONCTUATION
qualitĂ© (non suffisante, certes) qui tĂ©moigne que la phrase correspond peut-ĂȘtre
à un cheminement réel de la pensée *.
P. Jallon :
Malgré son apparence débonnaire, La Barbouze a un lourd passé
dâespion : « Je travaille pour la C.I.A. ».
TsssssâŠ
P. Jallon :
[âŠ] La logique « sĂ©mantique » voudrait que le point final prĂ©cĂ©-
dĂąt le guillemet fermant (citation dâune phrase
in extenso
). En revanche, la
logique « graphique » estime absurde de faire suivre le
A
de
C.I.A.
de deux
points, lâun abrĂ©viatif et lâautre final.
JustementâŠ
Donc : Malgré son apparence débonnaire, La Barbouze a un lourd passé
dâespion : « Je travaille pour la C.I.A. »
P. Jallon :
Quant aux « sources » â sachant que je nâen suis pas une â que
réclame Jean-Pierre, la seule que je connaisse sur ce sujet est la sage parole
de lâexcellent Girodet, dans ses
PiÚges et difficultés de la langue française
(cf. sa glose sur les guillemets, dans lâannexe).
Girodet (un de mes auteurs favorisâŠ) ne prĂ©conise pas la double ponc-
tuation⊠Hormis Drillon, je cherche des sources « autorisées » et favorables à :
Il prétend travailler « pour la C.I.A. »
ou
Il mâa dit : « Je travaille pour la C.I.A. »
Sabine :
On peut se reporter Ă lâouvrage de Jean-Pierre Colignon, Ă©ditions
du C.F.P.J.,
Un point câest tout !
, 120 pages consacrées exclusivement à la
ponctuation.
Vous nây trouverez pas de rĂ©ponse au problĂšme de la double ponctua-
tion (du « mĂȘme » signe !) avant et aprĂšs un guillemet fermant⊠Si ma mĂ©-
moire est bonne, les auteurs de manuels ou de « codes » se gardent bien de
lâĂ©voquerâŠ
Hormis le cas des deux points finals â coĂŻncidence de la fin des phrases
(complĂštesâŠ) en discours indirect et direct â, pour lequel sa suggestion
est discutable, Colignon donne des exemples non problématiques, du
genre :
Pourquoi donc avez-vous crié « Au feu ! » ?
â
Cessez de demander
« Combien ? » !
Quant à Nina Catach, si je suis parfois en désaccord avec certaines de ses
suggestions, jâapplaudis sans rĂ©serve ses « lois » (« Annexe II »). Chez elle, il y
a des Ă©lĂ©ments de rĂ©ponse⊠mais⊠le problĂšme posĂ© par lâexemple de
Drillon est quâil peut ĂȘtre rĂ©solu diffĂ©remment selon que lâon privilĂ©gie une des
lois concernĂ©es (sobriĂ©tĂ©, exclusion, neutralisation, absorptionâŠ).
223
PONCTUATION
* Si lâon cherche une solution⊠Il nâest heureusement pas exclu de jouer avec les
embĂ»ches, mais ça, câest dĂ©jĂ tomber dans la littĂ©rature.
Ce qui est trĂšs (tropâŠ) particulier dans cet exemple, câest la prĂ©sence dâun
point abrĂ©viatif en fin de phrase (incomplĂšteâŠ) citĂ©e entre guillemets en fin
de discours indirect⊠Lâabsorption nâest a priori pas pertinente⊠puisquâelle
serait exclue avec dâautres signes qui pourtant lâexigent :
Il prétend travailler
« pour la C.I.A. »âŠ
Et pourtant⊠la question est de savoir ce qui interdit à ce point abréviatif
dâavoir un double statutâŠ
Une chose néanmoins est certaine : tout renvoi à la rÚgle générale (phrase
complĂšte/phrase incomplĂšte) est dâun faible secours⊠Tenez, sur cet autre
aspect de la question, une autre piĂšce au dossierâŠ
Toujours Drillon (le salaud⊠je suis pourtant un de ses admirateurs les plus
fervents !) :
â Rien ! dit-il. Rien ! (Comme il aurait dit « tout ! ») â Alexandre Vialatte,
les
Fruits du Congo.
« N.B. Logiquement, il aurait fallu un point aprÚs les guillemets fermants ; ou
bien un deux-points aprĂšs âditâ et une majuscule Ă âtoutâ. Dans cette configu-
ration, la phrase nâest pas terminĂ©e, puisque le point dâexclamation appartient
Ă âtoutâ, non Ă la phrase principale. Cette logique a rarement cours, car elle a
contre elle certaine loi typographique : la querelle est loin dâĂȘtre vidĂ©e. »
(Fin de citation.)
Effectivement⊠mais une autre chose est certaine : Vialatte savait ce quâĂ©crire
veut dire (ce qui nâest pas toujours le cas des « faiseurs de lois »).
Un point final Ă chaque phrase ?
Ă Typographie, le 8 avril 1998.
J.-C. Siegrist :
Gardons Ă©galement Ă lâesprit que, lors du processus de lec-
ture, tout ce qui est inhabituel (formes des lettres et doubles espaces, dans le
cas particulier) ralentit la lecture.
Câest pourquoi je ne suis pas persuadĂ© que lâon puisse qualifier de « fonc-
tionnelles » les solutions de RichaudeauâŠ
Dâautant que pour lui la plupart de ces procĂ©dĂ©s visant Ă marquer lour-
dement les débuts de phrase (double espace-mot, changement de graisse,
vignette, etc.) sont des pis-aller destinĂ©s Ă nous faire patienter jusquâau jour
bĂ©ni oĂč les crĂ©ateurs de caractĂšres auront enfin compris que lâostentation
est la nouvelle rĂšgle dâor et que les signes de ponctuation doivent ĂȘtre « plus
visibles, donc plus gros »âŠ
Ce qui revient Ă dire que chaque signe de ponctuation marque toujours
une articulation essentielle du texte⊠Ce qui revient Ă dire que câest une
conception inacceptableâŠ
224
PONCTUATION
Ă Typographie, le 4 septembre 1998.
P. Jallon :
La derniĂšre mode consiste notamment Ă mettre un point Ă
toutes les « phrases ». Y compris aux slogans-titres et autres textes de titraille.
Il y a des modes plus dĂ©testables⊠Celle-ci est dâailleurs assez « rĂ©tro »âŠ
Tout le monde trouve normal que certains titres (ou slogans) sâachĂšvent
sur des ponctuations expressives ou « syntaxico-mélodiques » (points de
suspension, dâexclamation, dâinterrogation), mais on rĂ©pugne Ă employer le
point final⊠Est-ce bien raisonnable ? Sans conséquence ? Une au moins est
Ă©vidente : quand on ose lâemployer dans un titre (ou un slogan) dĂ©pourvu de
ponctuation interne, le point final peut devenir Ă©trangement expressif.
P. Jallon :
Moi, je persiste à considérer que les titres et les slogans ne sont
pas, Ă proprement parler, des phrases ; dans ce cas, pourquoi obĂ©iraient-ils Ă
une logique grammaticale alors quâils ne sont pas censĂ©s sây conformer ?
Les titres ou les slogans sont des phrases⊠et souvent des phrases ver-
bales⊠des phrases ayant une ponctuation interne ! Celle-ci se conforme Ă
la « logique » que tu évoques. Tout le monde est admis, sauf ce malheureux
point final ! Pour justifier cette coutume, on peut avancer des explications his-
toriques ou esthétiques⊠mais pas un « statut » qui rendrait tous les titres
« agrammaticaux » par nature.
(Le débat semble surtout porter sur les « titres de journaux » ou sur les
slogans publicitaires, mais la question du point final dans les « titres » est
beaucoup plus large et concerne tous les secteurs dâactivitĂ©s oĂč lâon compose
des textes⊠Il nây a aucune raison pour quâune « rĂšgle » ou une convention
unique soit appliquĂ©e partout et en toutes circonstancesâŠ)
Ă Typographie, le 1
er
décembre 1998.
Le temps va me manquer pour répondre à ceux qui exigent de la ponc-
tuation partout, mais jây reviendrai⊠En attendant, je leur propose un jeu...
1. Prenez une bible typographique⊠disons le
Lexique des rĂšgles typogra-
phiques en usage Ă lâImprimerie nationale
âŠ
2. Ouvrez le saint ouvrage Ă nâimporte quelle page.
3. ObservezâŠ
4. Une fois remis de votre surprise, comptez dans tout lâouvrage le nombre
dâoccurrences oĂč sur ce point prĂ©cis lâon vous donne tort (et oĂč, par consĂ©-
quent, on nâest pas loin de me donner raison)âŠ
5. Si le nombre dâoccurrences « fautives » ou maladroites (selon vos critĂšres)
est supĂ©rieur Ă cent, jâaccepterai volontiers de me faire payer un verreâŠ
6. Recevez mon amical salut.
[âŠ] Tiens⊠pour la peine, je propose un jeu encore plus malhonnĂȘte que
celui de lâ
I.N
⊠(aprĂšs, faut que je bosseâŠ). On oublie les formules farcies de
225
PONCTUATION
signes étranges, on ne retient que des trucs simples, uniquement composés
de lettresâŠ
« Jâaime beaucoup cette phrase pour Ă©ventails :
Je
puise lâair
dans
un
pays
ficti
f
généralement attribuée à Claudel. »
Si tu me dis quâil faut mettre une virgule aprĂšs le « f », je crois que nous
allons ĂȘtre brouillĂ©s pendant au moins deux joursâŠ
Quoi, quâest-ce que tu dis ? Il suffit dâĂ©crire autrement ? OuiâŠ
« Jâaime beaucoup cette phrase pour Ă©ventails, gĂ©nĂ©ralement attribuĂ©e Ă
Claudel :
Je
puise lâair
dans
un
pays
ficti
f
Quâest-ce quâon fait ? On met un point final aprĂšs le « f » ? Câest pas beaucoup
mieux⊠En outre, il faudrait peut-ĂȘtre ajouter un guillemet fermant ?âŠ
CarrĂ©ment hideux, un massacre pur et simpleâŠ
Ă Typographie, le 18 mars 1999.
J. Fontaine :
Si ce sont les contre-exemples pathologiques qui servent
dâarguments aux adversaires du mĂ©chant « surcodage », je peux jouer aussi Ă
ce petit jeuâŠ
Jouez tant que vous voudrez, docteur⊠mais il me semble que vous avez
mal lu les messages précédents et que vous confondez deux choses bien
diffĂ©rentes : le surcodage (en lâoccurrence la surponctuation) de phrases
« saines » et le bordel graphique engendré par des phrases « pathologiques ».
Si ce genre dâamalgame vous sert dâargument, je ne suis pas sĂ»r de vouloir
jouer bien longtemps.
Pour ma part (je personnalise un chouĂŻa Ă cause du surcodage, qui nâest
certes pas mon bien mais que je dénonce fréquemment et avec plaisir), je
crois avoir écrit que la profusion de signes de ponctuation est un « symptÎme »
inquiĂ©tant (sauf, Ă©videmment, sâil sâagit dâun jeu, dâune pratique maĂźtrisĂ©e).
226
PONCTUATION
Sâimaginer que la ponctuation va rendre prĂ©sentables des phrases mal bĂąties
est une croyance qui relĂšve du charlatanisme. Une phrase « saine » peut ĂȘtre
surponctuĂ©e. Un bordel noir, non : sâil a reçu la ponctuation quâil mĂ©rite, il
grouille nécessairement de signes.
J. Fontaine :
(Ce nâest pas que je tienne moi-mĂȘme mordicus Ă une
ponctuation « logique », mais jâattends toujours dâĂȘtre convaincu de ses incon-
vĂ©nientsâŠ)
Moi, je tiens Ă une ponctuation logique⊠Ce que je rĂ©cuse, câest la
nĂ©cessitĂ© (et mĂȘme lâexistence autonomeâŠ) dâune « logique » graphique. Les
exemples « pathologiques » qui vous consternent résultent de la stricte appli-
cation de cette « logique graphique ». Le bon diagnostic ne consisterait-il pas Ă
réserver le qualificatif « pathologique » à cette « logique graphique » artificiel-
lement isolĂ©e ? Puis Ă se tourner vers la seule logique susceptible dâĂ©liminer
lâĂ©ruption de tous ces vilains petits boutons de ponctuation : celle du discours ?
(Est-il besoin de préciser que cela ne signifie nullement que tout discours doit
ĂȘtre logique ?)
Cela nâĂ©liminera pas les cas particuliers (qui nâont pas commencĂ© hier Ă
ĂȘtre irritantsâŠ). Mais qui croit encore que les conventions typographiques, la
ponctuation, la langue Ă©crite constituent un vaste systĂšme (ou un magasin
dâaccessoires) oĂč il suffit de puiser nĂ©gligemment pour satisfaire sans peine
tous nos petits besoins, mĂȘme les plus rares, les plus inattendus ? « Avez-vous
lu
Quo vadis ?
» Phrase simple, sans pathologie apparente. Un ou deux points
dâinterrogation ?
Surcoder, câest prendre le lecteur pour un con.
Ă Typographie, le 4 octobre 2000.
J. Tombeur :
Câest pourtant une pratique Ă©mergente⊠Pensons un peu Ă la
ponctuation « à la Rimbaud », virgule verte, point rouge, tirets en diÚses et
bĂ©mols (variations de tons). Câest sans doute une rĂ©flexion digne du bĂȘtisier
de cette liste⊠Est-ce si sûr ?
Tu arrives trop tard dans un monde dĂ©jĂ vieuxâŠ
Malcolm de Chazal,
Sens plastique
, 1948 : « Virgules bleues ; points blancs ;
points dâexclamation jaunes ; tirets gris ; deux-points mauves⊠Mauve :
couleur qui ne commence ni ne finit ; barriĂšre Ă claire-voie entre les teintes ;
nuance flottante par excellence ; bac des teintes. »
Points blancs⊠Il est con, ce Malcolm⊠Faut dire que des points noirs,
ça fait crade.
â
227
PONCTUATION
Porte fi
Monument, Voie et espace public.
La porte des Lilas, la porte dâOrlĂ©ans, la porte Saint-Denis, la porte
Saint-Martin, la porte de Brandebourg.
Exceptions. â La Porte, la Sublime Porte, les Portes de Fer, les
Porte-Glaive.
Noms communs composés.
Si lâon oublie les facĂ©ties du Conseil supĂ©rieur de la langue française,
les choses sont simples : seule la porte-fenĂȘtre associe deux substantifs ;
câest une porte en mĂȘme temps quâune fenĂȘtre. Câest donc le seul mot
composé dans lequel « porte » prend la marque du pluriel : des portes-
fenĂȘtres.
Invariables : un ou des porte-bonheur, un ou des porte-aéronefs,
porte-assiettes, porte-avions, porte-bagages, porte-billets, porte-bou-
teilles, porte-cartes.
=
Girodet
1988
.
â
Conseil sup.
1990
, Hanse
1987
.
Pourcentage fi
Alliage, Fraction.
âąâą
EmployĂ© substantivement (par exemple dans la dĂ©signation dâun
emprunt par son taux dâintĂ©rĂȘt), un pourcentage simple peut sâĂ©crire
en toutes lettres : le cinq pour cent a été souscrit en trois jours.
Jâai repris un peu de
5
% et un bon paquet de
8
,
25
%.
âą
/
âąâą
5
%,
5
p.
100
.
5
â°,
5
p.
1 000
.
Préfecture, préfet
La préfecture du Tarn, le préfet du Tarn.
La préfecture de Police, le préfet de Police.
Ï
228
PORTE
PRĂFECTURE, PRĂFET
Premier fi
Chi
â
res romains.
Le Premier ministre, voir : MinistĂšre, ministre.
La PremiĂšre Guerre mondiale (la Grande Guerre, la guerre de
1914
-
1918
), voir : Guerre.
âąâąâą
Ne pas confondre chi
â
res arabes et romains,
1er
(ou 1
er
) et I
er
,
article
1er
et Napoléon I
er
.
Prénom fi
Abréviation.
Trait dâunion.
La tradition typographique, qui impose le trait dâunion entre tous
les prénoms composés français ou francisés, engendre des ambigu
ĂŻ
tés :
il est déconseillé de la respecter.
â
Frey
1857
, Impr. nat.
1990
.
La virgule est Ă proscrire.
Abréviation.
Il est possible de conserver les digrammes (deux lettres pour
un seul son) ainsi que les consonnes qui suivent lâinitiale ou le
digramme :
C. : Casimir, Catherine, etc.
Ch. : Chantal, Charles, etc.
Chr. : Christian, Christine, Christophe, etc.
Cl. : Claire, Claude, Clovis, etc.
Rappelons aux mĂ©crĂ©ants que Christ nâest pas le deuxiĂšme prĂ©nom
de Jésus : J.-C. est la seule abréviation admise ; J.-Chr. abrÚge Jean-
Christophe ou Jean-ChrĂ©tienâŠ
â
229
PREMIER
PRĂNOM
Préparation de copie
Romain :
Italique :
Gras
:
Italique gras
:
Petites capitales :
GRANDES CAPITALES :
Le surlignage avec des marqueurs de couleur est une hérésie qui
tend hĂ©las Ă sâĂ©tendre. Pour un avantage illusoire (repĂ©rage aisĂ©), ce
procédé engendre deux di
â
cultés majeures :
â impossibilitĂ© de corriger proprement un changement erronĂ©
dâattribut ;
â impossibilitĂ© de photocopier, de faxer, de scanner proprement
un document ainsi surchargé.
Président fi
MinistĂšre, ministre.
« Le bureau du PrĂ©sident ne mâĂ©tait pas ouvert
jour et nuit, mais il ne mâĂ©tait pas fermĂ© quand je
frappais à sa porte. »
RĂ©gis Debray, les Masques.
Le Président de la République : Régis Debray, Jules Romains,
Marcel Proust ; le président de la République : Antoine Blondin,
Albert Cohen ; le président du Conseil : Jules Romains.
Produit fi
Saint.
Cet exemple nâest pas Ă suivre : « Jây ai vu trĂŽner, au-dessus des
portugaises qui nâen menaient pas large, les Marennes et les Belons. »
â Jules Romains,
Examen de conscience des Français.
â
mot mot
mot
mot mot
mot
mot mot
mot
mot mot
mot
mot mot
mot
mot mot
mot
230
PRĂPARATION DE COPIE
PRODUIT
Prote
« Naturellement un prote a fait du zÚle et cru
devoir remettre au fĂ©minin âle couleur de roseâ ;
que jâavais pourtant indiquĂ© Ă deux reprises. »
André Gide, Journal.
¶ Chef dâune imprimerie ou dâun atelier de composition.
Le prote Ă manchettes nâe
â
ectuait aucun travail manuel. Le prote
Ă tablier dirigeait les typographes.
Proverbe fi
Citation.
« Un proverbe est plus quâun clichĂ©, câest un cli-
ché canonisé par une sorte de concile du populaire,
tandis que le clichĂ©, lui, nâest encore quâune façon
de bienheureux Labre de la langue française. »
Lucien Rigaud, Dictionnaire des lieux communs.
âąâąâą
Sâil sont considĂ©rĂ©s comme des citations, les proverbes, les
adages et les dictons se composent entre guillemets.
Pour certains scripteurs, les guillemets sont un moyen facile, provi-
dentiel et médiocre de dénudation du cliché : cher confrÚre, permettez-
moi de vous faire observer que « les loups ne se mangent pas entre eux ».
âąâą
La plupart des proverbes appartiennent Ă tous et peuvent ĂȘtre
intégrés sans précaution au discours de chacun : ça, mon pote, comme
on fait son lit, on se couche.
â
Impr. nat.
1990
.
âą
/
âąâą
En revanche, beaucoup de « formules proverbiales » sont
des citations quâil est sĂ©ant de ne pas sâapproprier subrepticement. Les
guillemets devraient ĂȘtre obligatoiresâŠ
Exemples. â Miguel de CervantĂšs : « On nâa pas bĂąti Rome en un
jour » ; Louis-Ferdinand CĂ©line : « Lâhistoire ne repasse pas les plats. »
â«
231
PROTE
PROVERBE
Quasi
âąâąâą
Toujours un trait dâunion devant un nom : une quasi-cĂ©citĂ©,
la quasi-totalité, des quasi-contrats, des quasi-délits.
Jamais de trait dâunion devant un adjectif ou un adverbe : quasi
aveugle, quasi complĂšte, quasi complĂštement (Ă Ă©viterâŠ), des quatuors
quasi modaux, une mer quasi morte.
= Académie
1994
, Girodet
1988
, Hanse
1987
, Larousse
1999
, Lexis
1989
,
Robert
1993
, Thomas
1971
.
Quelque
Ălision. Le e final ne sâĂ©lide jamais : « quelque autre », Ă lâexception
de « quelquâun, quelquâune » (pluriel : « quelques-uns , quelques-unes »).
= Girodet
1988
, Hanse
1987
, Thomas
1971
.
â«
233
RĂ©forme
Marouzeau
1941
:
« La langue évoluant sans cesse et la graphie se
trouvant de plus en plus éloignée de la prononciation, donc présentant
de plus en plus une réalité indépendante, il est de plus en plus di
â
cile
dâen envisager la rĂ©forme ; lâimage
graphique du mot est devenue aussi
rĂ©elle que lâimage acoustique, si bien quâil semble Ă beaucoup quâon
fasse violence Ă la langue en
prétendant réformer la graphique, et que
le souci de lâorthographe est devenu Ă©lĂ©ment dâesthĂ©tique. »
Câest un linguiste qui Ă©crit cela (la mise en Ă©vidence de certains mots
par lâitalique est de mon fait). Et il poursuit : « Sans doute, il nây a en
tout ceci quâillusion, e
â
et de lâhabitude et de lâassociation des idĂ©es,
mais en matiĂšre de langue lâillusion est rĂ©alitĂ©, puisque la signification
et la valeur de lâĂ©noncĂ© ne sont en dĂ©finitive que ce quâon les juge ĂȘtre. »
RĂ©gion fi
DĂ©partement, Pays.
Régions françaises :
Alsace, Aquitaine, Auvergne, Basse-Normandie,
Bourgogne, Bretagne, Centre, Champagne â Ardenne, Corse, Franche-
ComtĂ©, Haute-Normandie, Ăle-de-France, Languedoc â Roussillon,
Limousin, Lorraine, Midi-PyrĂ©nĂ©es, Nord â Pas-de-Calais, Pays-de-la-
Loire, Picardie, Poitou â Charentes, Provence â Alpes â CĂŽte-dâAzur,
RhĂŽne âAlpes.
â
Impr. nat.
1990
{Pays de la Loire, Provence - Alpes - CĂŽte dâAzur}.
â
Robert
1993
{Provence-Alpes-CĂŽte dâAzur}.
RĂ©gions militaires :
chi
â
res romains grandes capitales.
=
Impr. nat.
1990
.
235
RĂ©glure
Ligne de conduite destinĂ©e Ă faciliter lâĂ©criture.
Religion fi
Adepte, Doctrine, Ăglise, Titre religieux.
Le bouddhisme, le catholicisme, le christianisme, le juda
ĂŻ
sme,
le luthéranisme.
=
Tassis
1870
.
Le Christ, le dala
ĂŻ
-lama, le ProphĂšte (Mahomet). Un ange, les
anges. Le Démon, un démon, les démons. Le Diable, un diable,
les diables, Satan, Lucifer.
Gouriou
1990
suggĂšre que la majuscule est requise lorsque ces termes
« représentent la collectivité qui se trouve ainsi comme personnifiée,
notamment lorsquâon oppose une collectivitĂ© Ă une autre, ou Ă
un peuple : la lutte des {Chrétiens} contre les {Mahométans}, les
{ChrĂ©tiens} se heurtĂšrent aux Turcs [âŠ]. »
Si la distinction Ă©tait retenue sous cette forme, lâarticle dĂ©fini
pluriel imposerait la majuscule initiale dans bien des cas de figure. Il
nây a aucune di
â
érence de sens entre les chrétiens et {les Chrétiens}
(ceux-ci ne personnifient pas la collectivité des premiers), mais consi-
dérable est la di
â
érence entre la chrétienté (ensemble des chrétiens)
et la Chrétienté (ensemble des peuples, ou des terres, ou des pays
chrĂ©tiens), entre lâislam (religion) et lâIslam (ensemble des peuples, ou
des terres, ou des pays musulmans). Le respect de ces subtilités se
combine harmonieusement avec celui des valeurs républicaines et
la
ĂŻ
ques : chacun doit savoir ce quâil entend signifier en mettant une
majuscule initiale Ă certains mots.
Juifs .
« File, on nâaime pas les juifs par ici ! Je filai, accompagnĂ© par
notre vieille mĂšre Douleur, mĂšre auguste des juifs. » â Albert Cohen,
Ă vous, frĂšres humains.
236
RĂGLURE
RELIGION
« Washington aimait pas les juifs, mais Roosevelt lui il les aime bien,
il est leur homme cent pour cent, il a rien Ă leur refuser. » â Louis-Fer-
dinand CĂ©line,
les Beaux Draps.
RĂ©volution
« Avouons-le tout crûment : la révolution socialiste
se mĂ©fie de lâart rĂ©volutionnaire et, qui plus est, il
nâest pas Ă©vident quâelle ait tort.
« En e
â
et, du point de vue de la révolution, tout
doit concourir directement au but final : la libéra-
tion du prolétariat⊠»
Alain Robbe-Grillet, Pour un nouveau roman.
âąâą
Une seule révolution a droit à la majuscule initiale, la nÎtre : la
Révolution, la Révolution française (à condition de ne pas préciser la
date : la révolution de
1789
âŠ).
La révolution chinoise, la Révolution française, la révolution de
Juillet, la rĂ©volution dâOctobre, la rĂ©volution russe, la rĂ©volution de
1789
, la révolution de
1848
.
â«
237
RĂVOLUTION
Saint fi
Bible.
« Ils sont trente-sept, lĂ -haut, qui font de lâeau.
Marche en tĂȘte, lance en main, saint MĂ©dard, grand
pissard. De lâautre part, ils ne sont que deux : saint
Raymond et saint Dié, qui dissipent les nuées. Mais
viennent en renfort saint Blaise chasse-vent, Chris-
tophe pare-grĂȘle, ValĂ©rien avale-orage, AurĂ©lien
tranche-tonnerre, saint Clair fait le temps clair. »
Romain Rolland, Colas Breugnon.
âąâąâą
Humbles, les vrais saints ne demandent ni la majuscule Ă leur
titre â qui est un nom commun â ni le trait dâunion (sauf celui qui
figure éventuellement dans leur prénom ou dans leur nom) : saint
Jean, saint Jean Baptiste (saint Jean le Baptiste), saint Jean-Baptiste de
La Salle, saint Denis, saint Ătienne, sainte CĂ©cile, sainte GeneviĂšve,
saint Simon (apĂŽtre) ;
la Passion selon saint Matthieu ; il vaut mieux
sâadresser Ă Dieu quâĂ ses saints.
En revanche, les fĂȘtes, les lieux, les Ă©difices et les institutions
placĂ©s sous leur invocation exigent le « S » majuscule â il sâagit
de noms propres â et le trait dâunion : la Saint-Nicolas, les feux de la
Saint-Jean, la fĂȘte de saint AndrĂ© se cĂ©lĂšbre le jour de la Saint-AndrĂ©,
la rĂ©publique de Saint-Marin, lâestuaire du Saint-Laurent, la banlieue
de Saint-Ătienne, la cathĂ©drale Sainte-CĂ©cile, les Ă©glises de Sainte-
MĂšre-Ăglise et de Saintes-Maries-de-la-Mer, la rue Saint-Denis, la
bibliothĂšque Sainte-GeneviĂšve, les cellules de Sainte-PĂ©lagie, lâordre
de Saint-Michel.
Les noms de famille et les pseudonymes obĂ©issent Ă©videmment Ă
cette rĂšgle : Camille Saint-Sa
Ă«
ns, Antoine de Saint-Exupéry, Saint-
John Perse (Alexis LĂ©ger, dit), Saint-Simon (comte, duc).
239
Pluriel des adjectifs et des noms communs.
Dans les adjectifs, les gentilés et les noms communs, « saint » ne
prend jamais la marque du pluriel : des socialistes saint-simoniens, des
Saint-A
â
ricains, des saint-bernard.
Trait dâunion dans les toponymes.
La rĂšgle sâapplique, en principe, Ă toutes les dĂ©nominations fran-
çaises ou francisées qui incluent « Saint » : Saint-Marin (San Marino),
Saint-Jacques-de-Compostelle (Santiago de Compostela).
Les « Saints » germaniques (
Sankt) nâont jamais de trait dâunion :
Sankt P
ö
lten, Sankt Wedel, etc.
Les « Saints » italiens (
San), espagnols (San ou Santa) et portugais
(S
ĂŁ
o ou Santo) nâont jamais de trait dâunion : San Severo ; San Diego,
San Francisco, Santa Ana ; S
ĂŁ
o Paulo, etc.
â
La rĂšgle française sâapplique aux « saints » corses : San-Martino-
di-Lota, Santa-Maria-Siché, etc. Et au commissaire San-Antonio.
Restent les « Saints » anglo-saxons. La plupart ne sont pas francisés :
Saint Albans, Saint George ; beaucoup nâont nul besoin de lâĂȘtre :
Saint Paul, Saint Thomas ; pour quelques-uns, il est légitime de se
demander sâils ont jamais Ă©tĂ© anglicisĂ©s : Saint Louis. Aujourdâhui, le
malheureux qui sâaventure Ă Ă©crire Saint-Louis (Missouri) passe pour
un ignare⊠alors quâil respecte une graphie sĂ©culaire. Autrefois, les
lexicographes français Ă©crivaient [San-Francisco, Sao-Paulo], câĂ©tait
simple mais peu subtil ; depuis quelques dĂ©cennies, ils nâosent mĂȘme
plus introduire un trait dâunion entre Saint et Louis⊠Je doute que
cela incite les francophones Ă prononcer « louisse ». Ce nâest quâĂ la fin
des années cinquante que le
Petit Larousse a abandonné Saint-Louis.
Il est di
â
cile, contre lâusage moderne, de prĂ©coniser le trait dâunion
dans les dĂ©nominations « anglo-saxonnes dâorigine française » ; on
devrait du moins le considérer comme non fautif.
â
Voies publiques. La rĂšgle française sâapplique dans tous les cas
de figure ; le trait dâunion sâimpose mĂȘme au sein des noms propres
Ă©trangers qui en sont dĂ©pourvus. Lâavenue qui porte le nom du
gĂ©nĂ©ral San Martin sâĂ©crit donc : avenue du GĂ©nĂ©ral-San-Martin.
240
SAINT
Majuscule et minuscule des noms communs.
Les noms communs dérivés de noms propres ne prennent pas la
majuscule initiale, sauf sâil sâagit de gentilĂ©s (habitants) : un saint-
cyrien, des saint-cyriens (Ă©lĂšves ou anciens Ă©lĂšves de Saint-Cyr). Un
Saint-Cyrien, des Saint-Cyriens (habitants de Saint-Cyr-lâĂcole).
Abréviations.
Noms communs : placés devant des noms propres, saint(s) et
sainte(s) ne sâabrĂšgent jamais. On ne tolĂ©rera les formes « St Jean » ou
« Ste Berthe » que dans les calendriersâŠ
=
Lefevre
1883
.
Toponymes : lorsquâils entrent dans la composition dâun toponyme,
Saint, Sainte, Saints et Saintes ne sâabrĂšgent jamais.
=
Frey
1857
, Lefevre
1855
.
Ăcrire [St-Ătienne, Stes-Maries-de-la-Mer] est une faute grave.
Exceptions admises : composition des noms de petites localités sur les
cartes gĂ©ographiques ou de rues minuscules sur les plansâŠ
Patronymes : ici, pas dâexception ! LâabrĂ©viation est proscrite dans
toutes les occurrences !
Exemples de graphies monstrueuses : [St-Simon, St-Sa
Ă«
ns].
Produits
(vins, fromages, gĂąteauxâŠ)
.
â
Jamais de majuscule mais toujours un trait dâunion.
±
La marque du pluriel divise les experts. Certains nâaccordent
jamais :
Girodet
1988
, Impr. nat.
1990
, Larousse
1992
, Lexis
1989
.
Certains accordent parfois : Robert
1985
(selon des critĂšres histo-
riquement justifiés mais trÚs étranges :
des saint-germain, des saint-
nectaires). Dâautres enregistrent que lâusage est indĂ©cis : Grevisse
1986
,
Hanse
1987
(qui encourage lâaccord du second Ă©lĂ©ment), Robert
1993
,
Thomas
1971
(qui note une tendance Ă lâinvariabilitĂ©).
Si vous nâaccordez jamais, vous ne commettrez aucune faute
impardonnable mais vous aboutirez à des incohérences ou, pour cer-
tains lecteurs, à des finesses (« Il a englouti trois camemberts et quinze
saint-nectaire »âŠ) ; si vous accordez systĂ©matiquement, vous ne serez
241
SAINT
pas davantage Ă lâabri des bizarreries (les saint-Ă©milions nâont rien Ă
voir avec les vins de Saint-EstĂšphe) et vous commettrez des fautes
condamnées par
Robert
1985
avec les saint-pierre[s], les saint-michel[s],
les saint-germain[s]âŠ
LâAcadĂ©mie travaille Ă un dictionnaire mais le « S » est encore
loin⊠JusquâĂ nouvel ordre, jâai un faible pour lâinvariabilitĂ©.
Gùteaux : saint-honoré, saint-michel.
Fromages : saint-benoĂźt, saint-florentin, saint-marcellin, saint-
nectaire, saint-paulin, sainte-maure.
Vins : saint-amour, saint-Ă©milion, saint-estĂšphe, saint-jeannet,
saint-péray.
Fruit : saint-germain.
Attention aux majuscules et Ă lâeau de Saint-Yorre, Ă la bouteille de
Saint-Galmier ; constructions comparables : vin de Saint-Ămilion,
bouteille
de Saint-EstĂšphe.
Animaux.
Pluriel : des saint-bernard, des saint-germain (mais un braque
Saint-Germain), des saint-pierre. Attention aux majuscules des
coquilles Saint-JacquesâŠ
=
Robert
1985
,
1993
; voir ci-dessus « Produits ».
Saints et saintes diversâŠ
Un saint-frusquin, des saint-frusquin ; les saints de glace.
=
Lexis
1989
, Robert
1985
,
1993
.
Une sainte-barbe, des saintes-barbes (magasin Ă poudre).
=
Larousse
1885
,
1992
,
â
inv. Larousse
1970
, Lexis
1989
.
Ă la saint-glinglin,
=
Robert
1985
,
1993
.
Une sainte nitouche, des saintes nitouches.
=
Larousse
1933
, Lexis
1989
, Impr. nat.
1990
, Robert
1985
,
1993
.
â
Larousse
1999
{sainte-nitouche}.
Attention à Saint frÚres, entreprise des frÚres Pierre, François et
Aimable SaintâŠ
242
SAINT
Typographie au plomb.
La Sainte-Touche est le jour de la paie ; la saint-jean, lâensemble des
petits outils nécessaires au compositeur (composteur, pinces, pointe,
typomĂštre) ; Saint-Jean-Porte-Latine, la fĂȘte des typographes.
Religion.
âąâąâą
Eucharistie, jours et objets saints. Pas de trait dâunion, minuscules :
la sainte ampoule, le saint chrĂȘme, le saint ciboire, les saintes espĂšces, les
saintes huiles.
La sainte messe, le saint sacrement, la sainte table, les saintes reliques.
La semaine sainte, le jeudi saint, le vendredi saint.
=
Doppagne
1991
, Girodet
1988
.
â
Académie
1994
, Gouriou
1990
{Semaine sainte, Vendredi saint},
Impr. nat.
1990
.
âąâąâą
Institutions.
Trait dâunion et majuscules : le Saint-O
â
ce, le Saint-SiĂšge, la
congrégation du Saint-Sacrement.
âąâąâą
Lieux (géographiques).
Pas de trait dâunion, minuscule : un lieu saint, un saint lieu, une
terre sainte.
âąâą ±
Lieux oĂč le Christ a vĂ©cu, câest-Ă -dire la Palestine.
Majuscule au substantif : les Lieux saints, la Terre sainte.
=
Girodet
1988
, Gouriou
1990
, Impr. nat.
1990
, Lexis
1989.
â
Tassis
1870
{la terre sainte}.
Un saint-sépulcre, le Saint-Sépulcre (Jérusalem).
Le Saint, le Saint des Saints (Temple de JĂ©rusalem).
=
Lexis
1989
.
â
Larousse
1992
{
saint des saints}.
La Sainte-Chapelle, les saints apĂŽtres, les saints Innocents.
La sainte Ăglise, la Sainte-TrinitĂ©, la Sainte Vierge.
La sainte Bible, lâĂcriture sainte.
Le Saint-Esprit, lâEsprit saint.
243
SAINT
Le Saint-PĂšre,
=
Robert
1985
,
1993
,
â
Impr. nat.
1990
, Larousse
1992
{
saint-pĂšre}.
La Sainte Face, la sainte Famille,
=
Girodet
1988
, Robert
1993
, Impr.
nat.
1990
{Sainte Famille}.
Histoire.
Le Saint-Empire,
=
Impr. nat.
1990
.
Le Saint-Empire romain germanique,
=
Robert
1985
,
1993
,
â
Larousse
1970
.
La sainte Russie,
=
Robert
1985
,
1993
.
Un saint-simonien, des saint-simoniens, une saint-simonienne,
des saint-simoniennes, le saint-simonisme.
=
Gouriou
1990
, Larousse
1992
, Lexis
1989
, Robert
1985
,
1993
.
â
Hanse
1987
{Saint-Simoniens}.
La Sainte-Alliance,
=
Impr. nat.
1990
, Robert
1985
,
1993
.
Satellite fi Astre
ScĂšne fi Acte dâune piĂšce de thĂ©Ăątre
Second
La distinction entre second (il nây a pas, ou plus, ou pas encore de
troisiÚme) et deuxiÚme (il y a nécessairement un troisiÚme et éven-
tuellement des suivants jusquâĂ lâinfini) est certes arbitraire, certes
récente, certes peu respectée, elle est belle, émouvante, utile, et mérite
donc dâĂȘtre prĂ©servĂ©e. Les exceptions et les aberrations fournies Ă la
pelle par les armées, les administrations ou les compagnies de
transport, les dynasties de tout poil nây changent rien : la seule vertu
de la Seconde Guerre mondiale est prĂ©cisĂ©ment quâelle nâest pas
244
SAINT
SECOND
encore la deuxiĂšme, le seul dĂ©faut de ma seconde fille est quâelle ne
sera jamais la deuxiĂšme.
=
Girodet
1988
, Impr. nat.
1990
, Robert
1985
,
1993
, Thomas
1971
.
â
Académie
1994
, bien sûr, Grevisse
1986
, Hanse
1987
(dont les
dĂ©monstrations sont dâadmirables exemples de purisme*).
Sic fi
Crochet, Latin, ParenthĂšse.
(Sic) de lâauteur dans son propre texte.
[Sic] du commentateur, de lâĂ©diteur, ou de lâauteur dans le texte
dâun tiers.
Exemple. â « Les ragoĂ»ts, notamment lâirish tsew [sic], pourraient
se classer aprĂšs les meilleurs ragoĂ»ts dâEurope, qui sont les ragoĂ»ts
grecs [âŠ]. » â Paul Morand, Londres.
SiĂšcle fi
Date.
« On ne peut guÚre loger à plus de vingt dans un
siÚcle. De là les grandes disputes pour la célébrité. »
Henri Michaux, « Idées de traverse », Passages.
âąâąâą
Lâadjectif ordinal des siĂšcles sâĂ©crit en toutes lettres ou en
chi
â
res romains (composition en chi
â
res romains petites capitales) :
le deuxiĂšme siĂšcle avant JĂ©sus-Christ, le vingtiĂšme siĂšcle, le ix
e
siĂšcle
av. J.-C., le xix
e
siĂšcle.
=
Code typ.
1993
, Gre
â
er
1898
.
±
Gouriou
1990
, Impr. nat.
1990
, Leforestier
1890
(uniquement en
chi
â
res romains petites capitales).
â
Abrégé typ.
1993
, Guéry
1990
(chi
â
res romains grandes capitales).
245
SECOND
SIĂCLE
* Lâexemple du couple « second-deuxiĂšme » illustre la faiblesse de la traditionnelle
opposition « purisme-laxisme ». DĂšs que lâusage introduit une subtilitĂ©, de prĂ©tendus
laxistes ont recours à une argumentation « puriste » pour la repousser avec mépris
(« Câest rĂ©cent⊠»), sans la moindre citation dâauteur « respectable » qui viendrait
gĂȘner lâopĂ©ration. DĂšs lors quâil sâagit dâentĂ©riner un abandon supposĂ©, les citations de
maßtres « récents » a
â
uent.
Les chi
â
res arabes [
12e
siĂšcle] et les grandes capitales* [XVIII
e
siĂšcle]
sont Ă proscrire, quelle que soit la nature du texte.
â
Exception. â Dans un titre en vedette ou un fragment de texte
composé en grandes capitales, les siÚcles suivent le mouvement :
ROME AU XIX
e
SIĂCLE.
Attention Ă la graphie des ordinaux romains : i
er
, ii
e
, iii
e
siĂšcles.
Formes fautives, hélas trÚs fréquentes : [i
e
, ii
eme
, iii
`
eme
, iv
Âș
siĂšcles],
voir :
Chi
â
res romains.
â
Les adjectifs cardinaux exprimant un « nombre de siÚcles » ne
sâĂ©crivent jamais en chi
â
res romains : cette plaisanterie a duré deux
siĂšcles aprĂšs la naissance du Christ.
âąâą
LâabrĂ©viation de « siĂšcle » en s. nâest admissible que dans les notes
et les références.
âąâąâą
Nombre.
Singulier : le huitiĂšme et le neuviĂšme siĂšcle, le xix
e
et le xx
e
siĂšcle,
du xiii
e
au xv
e
siĂšcle.
Pluriel : les huitiĂšme et neuviĂšme siĂšcles, les xix
e
et xx
e
siĂšcles.
(Songer aux chevaux : le huitiĂšme et le neuviĂšme cheval, les hui-
tiĂšme et neuviĂšme chevaux.)
âą
Sans article.
Singulier quand les siÚcles ne sont pas immédiatement successifs.
xv
e
-xvii
e
siÚcle signifie « du xv
e
au xvii
e
siÚcle ».
Pluriel quand les siÚcles sont immédiatement successifs. xv
e
-xvi
e
siÚcles : « des xv
e
et xvi
e
siÚcles ». Exceptions : datations incertaines.
Singulier dans les datations incertaines. xv
e
-xvi
e
siÚcle : « du xv
e
ou
du xvi
e
siÚcle ». v
e
ou xvi
e
siÚcle : « du v
e
ou du xvi
e
siÚcle ».
=
Impr. nat.
1990
.
â
Girodet
1988
, Hanse
1987
, Thomas
1971
.
246
SIĂCLE
* Les codes (Code typ.
1993
, Gouriou
1990
, Impr. nat.
1990
) sâaccordent sur ce point ;
or les meilleurs dictionnaires des di
â
cultés de la langue semblent ignorer cette rÚgle :
Girodet
1988
, Hanse
1987
, Thomas
1971
.
âąâąâą
De siĂšcle en siĂšcle.
Dans la plupart des cas, la minuscule initiale sâimpose : le siĂšcle
de PĂ©riclĂšs, le siĂšcle de Louis XIV, le siĂšcle des philosophes, le siĂšcle
de lâatome.
=
Hanse
1987
, Larousse
1933
,
1970
,
1992
, Lexis
1989
, Littré
1872
.
â
Impr. nat.
1990
{SiĂšcle des philosophes}. Gouriou
1990
, Robert
1985
{SiĂšcle de PĂ©riclĂšs}.
±
Le siĂšcle des lumiĂšres (xviii
e
siĂšcle), ou le siĂšcle des LumiĂšres
pour ceux qui préfÚrent « les LumiÚres ».
=
Hanse
1987
(siĂšcle des lumiĂšres).
â
Girodet
1988
, Impr. nat.
1990
, Larousse
1985
, Robert
1985
,
1993
{SiĂšcle des lumiĂšres}.
Exception.
â
Le Grand SiĂšcle (France, xvii
e
siĂšcle : le siĂšcle de
Louis XIV),
â
le SiĂšcle de Louis XIV (Voltaire).
=
Girodet
1988
, Gouriou
1990
, Impr. nat.
1990
, Larousse
1992
, Robert
1985
,
1993
.
â
Hanse
1987
, Larousse
1933
, Lexis
1989
{grand siĂšcle}.
â
[Grand siĂšcle].
Exception.
â
Le SiĂšcle dâor (Espagne, xvi
e
siĂšcle), siĂšcle dâor (pour
toutes les autres attributions).
=
Girodet
1988
, Gouriou
1990
.
â
Hanse
1987
, Larousse
1985
, Robert
1993
.
â
Attention⊠LâannĂ©e
1900
appartient au xix
e
siĂšcle et lâan
2000
au xx
e
siĂšcle.
Le xxi
e
siĂšcle et le III
e
millénaire commencent le
1er
janvier
2001
.
SiĂšge fi Guerre
â
247
SIĂCLE
SIĂGE
Sigle fi
Abréviation, Acronyme.
« Elle tourne le bouton de la T.S.F. et la voix
dâAndrĂ© Claveau me parvient, lointaine, brouillĂ©e
par des grésillements. »
Patrick Modiano, les Boulevards de ceinture.
1
. Vocabulaire.
Jadis, un sigle était une lettre initiale employée comme signe
abréviatif. Cette acception est archa
ĂŻ
que (sauf pour les paléographes).
Puis on a distingué les sigles simples (une lettre) et les sigles composés
(plusieurs initiales). Aujourdâhui, alors que la siglaison est en pleine
expansion, aucune dĂ©finition prĂ©cise nâest unanimement retenue.
Robert
1985
: « Initiale ou suite dâinitiales servant dâabrĂ©viation » et
Larousse
1997
: « Lettre initiale ou groupe de lettres initiales constituant
lâabrĂ©viation de mots frĂ©quemment employĂ©s. » Donc, p. (« page ») et
N. D. Ă. (« Note de lâĂ©diteur ») seraient des sigles.
Impr. nat.
1990
: « Les sigles sont des groupes de lettres désignant
certains organismes dont le nom comporte plusieurs mots. Ils sont
formés de la premiÚre ou des premiÚres lettres ou encore de la premiÚre
syllabe de chacun des constituants ou des plus importants. » I.V.G.
(interruption volontaire de grossesse) et T.G.V. (train Ă grande vitesse)
ne seraient donc pas des sigles.
Gouriou
1990
: « On donne aujourdâhui le nom de sigles Ă des
groupes de lettres couramment employés pour remplacer la désigna-
tion trop longue de certains organismes. » MĂȘme observation : T.V.A.
(taxe sur la valeur ajoutée) et B.C.B.G. (bon chic, bon genre) ne
seraient donc pas des sigles.
Robert
1993
: « Suite des initiales de plusieurs mots qui forment un
mot unique prononcé avec les noms des lettres. » Les acronymes
(OTAN, Benelux) ne seraient donc pas des sigles. O.R.L. (« sigle dâun
seul mot » : oto-rhino-laryngologie) pas davantage.
Cherchons dans les grammaires.
Grevisse
1986
: « Les sigles sont des abréviations qui sont constituées
dâinitiales, mais qui sont traitĂ©es comme des mots, soit quâon donne
aux lettres leur nom : une H. L. M. [âa
t
_
l
_
m], â soit quâon leur
248
SIGLE
donne leur valeur habituelle : LâOTAN [
\
t
ĂŁ
]. » Cette définition a
deux mérites : elle distingue les sigles « épelés » des acronymes et elle
élimine les « vraies » abréviations (réduction uniquement graphique).
En revanche, elle nâĂ©limine pas tous les symboles et exclut les sigles
« mixtes » (T.F. 1) et beaucoup dâacronymes (Benelux).
Dans les lignes qui suivent, sigle est employé dans un sens précis :
rĂ©duction graphique puis orale dâun mot ou dâune suite de mots.
(Certaines exclusions sont arbitraires mais inĂ©vitables : obĂ©issant Ă
des rÚgles qui leur sont propres, les symboles et les codes concoctés par
les « normalisateurs » sont traités dans des articles distincts :
Chimie,
Franc, Pays, Unité de mesure, etc.)
Rappel :
Troncation : réduction orale
>
réduction graphique
(vélocipÚde
>
vélo)
Abréviation : réduction graphique, pas de réduction orale
(Madame
>
M
me
)
Siglaison : réduction graphique
>
réduction orale
(Société protectrice des animaux
>
S.P.A.)
Logotypes et sigles.
Ă >
Ă.D.F. â
Ă >
N.R.F.
2
. Formation et emploi.
Avant dâĂ©noncer quelques conseils, rĂ©sumons la situation :
â Code typ.
1993
, Larousse
1985
et
1992
: E. D. F., O. T. A. N.,
Unesco ;
â
Grevisse
1986
: E. D. F., OTAN, UNESCO (Grevisse
1975
:
O. T. A. N.) ;
â
Hanse
1987
: E. D. F., Otan, Unesco ;
â
Impr. nat.
1990
, Larousse
1999
et le Monde : EDF, OTAN,
Unesco ;
â Perrousseaux
1995
: EDF, Otan, Unesco ;
â Robert
1991
: O. T. A. N., Unesco et U. N. E. S. C. O. ;
â Universalis
1990
: O. T. A. N., U. N. E. S. C. O.
249
SIGLE
Peut-on sĂ©rieusement parler ici dâusage, voire dâusages ? Dans la
mĂȘlĂ©e, deux Ă©coles sâa
â
rontent. Jadis, le point abrĂ©viatif sâimposait
dans tous les sigles, mĂȘme dans les acronymes. Cet usage est encore
respectĂ© par certains ; il nâest pas fautif ; il nâest pas subtil. Aujourdâhui,
la mode est Ă lâĂ©limination systĂ©matique des points, mĂȘme si le sigle
nâest pas un acronyme. Cette manie est absurde et inĂ©lĂ©gante.
Que faire ?
âąâą
Se souvenir de deux grands principes (§
2.1
et
2.2
) qui peuvent
nous prĂ©server de lâincohĂ©rence et de la confusion ambiantes.
2.1
.
Si chacune des lettres qui le composent est une initiale et si le
sigle
nâest pas un acronyme, câest simple. Toutes les lettres sont des
majuscules et doivent ĂȘtre suivies dâun point abrĂ©viatif : R.A.T.P.,
S.N.C.F.
2.2
.
Si chacune des lettres qui le composent est une initiale et si le
sigle
est un acronyme, câest simple.Toutes les lettres sont des majus-
cules et doivent ĂȘtre jointes, sans point abrĂ©viatif : OTAN, OTASE.
=
Grevisse
1986
.
Rappel. â Les sigles pouvant mais ne devant pas se lire comme des
mots « ordinaires » ne sont pas des acronymes : O.L.P. (Organisation
de libération de la Palestine), R.A.F. (Royal Air Force), R.A.U. (Répu-
blique arabe unie).
LâA.N.P.E. illustre lâun des inconvĂ©nients de la suppression aveugle
des points abréviatifs : le
np dâ[ANPE] ou dâ[Anpe] est choquant.
Ici, lâhomophonie nous sauve : lâA.N.P.E. aura du mal Ă devenir un
acronyme (l
ampe).
Exemples. â M.P.L.A. (Mouvement populaire de libĂ©ration de
lâAngola) nâest pas un acronyme. O.U.A. (le sigle de lâOrganisation
de lâunitĂ© africaine nâest pas un acronyme, bien quâil soit « possible »
de lire
oua aussi aisément que oui). UNITA (Union nationale pour
lâindĂ©pendance totale de lâAngola) est un acronyme.
Cette distinction, prÎnée par des grammairiens respectables,
nâest pas reçue par dâĂ©minents lexicographes ; elle est, par ailleurs,
250
SIGLE
trÚs durement critiquée par des typographes et des journalistes. Elle
ne rĂšgle certes pas lâensemble de la question mais elle a deux qualitĂ©s
inestimables : elle fait co
ĂŻ
ncider la graphie et la prononciation,
ce qui, en français, nâest pas si frĂ©quent ; elle dĂ©blaye largement le
terrain. Demeurent en e
â
et quelques cas di
â
ciles mais par bonheur
marginaux.
2.3
.
Certains acronymes retiennent plusieurs lettres (ou la syllabe,
voire plusieurs syllabes) initiales de certains (ou de tous les) mots
quâils abrĂšgent⊠Le Benelux est ici lâexemple classique : Belgique,
Nederland, Luxembourg. On nâa jamais Ă©crit le {BeNeLux] ni le
[B.E.N.E.L.U.X.]âŠ
Afnor (Code typ.
1993
), ou {AFNOR} (Impr. nat.
1990
) ? Flottement
incomprĂ©hensible puisquâil sâagit de lâAssociation française de nor-
malisation. ConsidĂ©rant que le point abrĂ©viatif nâest pas lĂ pour
marquer lâabrĂ©viation, certains nâhĂ©sitent pas Ă Ă©crire [A.F.N.O.R.].
Diable ! QuâabrĂšgent donc les points placĂ©s aprĂšs N et O ? AidĂ© par le
Conseil supĂ©rieur de la langue française, un ministre de lâĂducation
nationale, aprÚs avis favorable de la Délégation générale à la langue
française et du Conseil international de la langue française, a signé un
arrĂȘtĂ© oĂč figure cette phrase : « Des variantes sont mentionnĂ©es dans
les principaux cas de divergences avec les formes recommandées par
dâautres institutions publiant des listes analogues (particuliĂšrement
O.N.U., A.F.N.O.R., I.N.S.E.E., I.G.N.). » Sâagit-il de listes publiĂ©es
par lâONU, lâAfnor, lâINSEE, lâI.G.N. ? Compte tenu des parrainages
évoqués, traduisons A.F.N.O.R. par « Association française pour la
nouvelle orthographe rectifiée ».
2.4
.
Pour certains, aprĂšs la majuscule initiale, les minuscules seraient
admissibles dans les acronymes longs, faciles Ă prononcer, non Ă©qui-
voques, trĂšs connus. Lâexemple classique, citĂ© par tous les ouvrages de
rĂ©fĂ©rence sous des formes diverses, est lâ{Unesco}. Mais oĂč commencent
la longueur et la renommée ? Trois lettres semblent su
â
santes Ă
certains : on a dĂ©jĂ vu lâ{Onu}. Pour dâautres, lâURSSAF (six lettres)
251
SIGLE
semble en revanche trop courte ou insu
â
samment connue. Les parti-
sans de la simplification par la suppression du point abréviatif semblent
sâaccommoder de lâUnicef et de lâUNITA. Cette distinction nâest
pas seulement fautive, elle est ridicule, inapplicable et génératrice
dâexceptions arbitraires. Le passage de lâ{U.N.E.S.C.O.} Ă lâUNESCO
est Ă la fois comprĂ©hensible (lâacronyme reste un sigle) et « utile »
(co
ĂŻ
ncidence de la graphie et de la prononciation) ; celui qui mĂšne
Ă lâ{Unesco} est nuisible : il introduit une sĂ©grĂ©gation injustifiable dans
un domaine qui est déjà remarquablement bien pourvu en facéties
arbitraires.
2.5
.
Certains acronymes (laser, ovni, radarâŠ) sont devenus de
véritables noms communs.
2.6.
Mixité.
Il arrive quâun sigle soit composĂ© dâun sigle ordinaire et dâun acro-
nyme : T.F. 1.
2.7.
Fin de phrase, ponctuation.
Le dernier point abréviatif est absorbé par le point final et par les
points de suspension : il a adhéré au R.P.R⊠et son frÚre au C.D.S.
Il résiste à tous les autres signes de ponctuation : il a adhéré au
R.P.R. ; son frĂšre au C.D.S. !
Attention aux appels de note : il a adhéré au R.P.R.
Ă
. Son frĂšre au
C.D.S.
Ă
. Lâe
â
et de cet appel coincé entre deux points est déplorable,
quelle que soit sa forme : R.P.R.**. C.D.S.
(a)
. Si la phrase nâest pas
modifiable (citation), il nâexiste pas dâautre solution que de se rĂ©signer
(voir :
Appel de note).
2.8.
Genre.
En principe, le genre du sigle est dĂ©terminĂ© par ce quâil dĂ©signe :
une C.R.S. (Compagnie républicaine de sécurité), un C.R.S. (membre
dâune Compagnie rĂ©publicaine de sĂ©curitĂ©) ; le C.R.S. Dupneu appar-
tient Ă la
2e
C.R.S ; une H.L.M. (Habitation à loyer modéré).
252
SIGLE
2.9.
Points abréviatifs.
â
Il est Ă©vident que les points ne sont pas indispensables pour
comprendre que C.G.T. ou C.N.P.F. sont des sigles ; que leur présence
nâest pas requise pour voir dans UNESCO un sigle et un acronyme :
personne ne prononce « snepf » ou « seine-pfeu », personne nâĂ©pelle
« u, n, e, s, c, o ». Les chasseurs de points en tirent argument pour
justifier lâuniformisation par le carnage. Il y a lĂ une lĂ©gĂšre super-
cherie. Ils feignent dâignorer les centaines de sigles â et les milliers
Ă venir⊠â qui, tout en Ă©tant lisibles au long, ne sont pas destinĂ©s Ă
devenir des acronymes. Lire, câest entendre. Exemples : C.E., [CE] ;
F.O., [FO] ; H.E.C., [HEC] ; O.I.T. [OIT] ; O.M.S., [OMS]. Le jour
oĂč la majoritĂ© des francophones prononcera « oua, fo, hĂšque, ouate,
omsse », la question pourra ĂȘtre rĂ©examinĂ©e. Rien nâest dĂ©finitivement
acquis ; les points nâont pas empĂȘchĂ© lâU.R.S.S. de devenir lâ« ursse »
ni de sâe
â
ondrer.
Les majuscules ne doivent pas faire oublier les capitales. Imaginons
le titre dâun article dans lequel un syndicat donnerait son point de
vue sur la construction de lâEurope : « F.O. et la C.E. » Selon les adver-
saires du point, nous aurions : en bas de casse [FO et la CE], peu clair
mais compréhensible car les deux sigles sont familiers, et en grandes
capitales [FO ET LA CE], beaucoup plus di
â
cile Ă saisir.
LâImprimerie nationale cautionne â pis, recommande â cette
pratique. CohĂ©rente, elle sâa
â
uble dâun sigle Ă©vocateur : IN. Et le
Journal o
â
ciel se fait appeler JO.
Lâargument esthĂ©tique â « Ces points sont laidsâŠ, typographi-
quement parlant, RATP a meilleure allure que R.A.T.P. » â est irre-
cevable. Pourquoi se limiter ainsi aux sigles ? Puisque ces points sont
si vilains, pourquoi les conserver dans les abréviations (T. S. V. P.,
[TSVP]), pourquoi ne pas faire profiter J.-C. des bienfaits de la cure ?
I
â€
JC⊠Redoutons que vienne le jour oĂč les nĂ©otypographes et les
adeptes de la [PAO] (prononcer « P.A.O. ») trouveront les accents
inesthétiques sur les bas de casse.
Les points nâont jamais empĂȘchĂ© les dĂ©rivations : la C.G.T., qui
nâest mĂȘme pas un acronyme, fournit des cĂ©gĂ©tistes rĂ©solus avec une
253
SIGLE
aisance comparable Ă celle de lâONU fourbissant des rĂ©solutions onu-
siennes. Quant Ă lâUNESCOâŠ
2.10.
Accents.
Rares sont ceux qui accentuent les majuscules. Les sigles nâĂ©chappent
pas au désastre. Larousse
1997
recommande (avec raison) A.-Ă.F. pour
Afrique-Ăquatoriale française et prĂ©conise {E.D.F.} pour ĂlectricitĂ© de
France⊠câest-Ă -dire « eu-dĂ©-e
â »
. Que notre pourvoyeur national
dâĂ©lectrons se soucie peu de la langue, on lâadmet volontiers ; que nos
dictionnaires le suivent, on le comprend moins. Car {E.D.F.} â ou
{EDF} â amĂšne bien des Ă©coliers Ă Ă©crire [electricitĂ©]. Si nos factures
Ă©taient envoyĂ©es par Ă.D.F., elles auraient au moins un mĂ©rite.
2.11.
Espaces.
¶ Dans un sigle, pas dâespace aprĂšs les points abrĂ©viatifs (voir :
Abréviation).
2.12.
Sigles Ă©trangers.
On rencontre parfois certains sigles « étrangers » composés en ita-
lique. Cette mise en forme est à proscrire si le sigle est une dénomi-
nation propre (C.B.S.) ou si lâacronyme est devenu un nom commun
« français dâadoption » (laser).
Exemples. â S.P.Q.R., GATT (General Agreement on Tari
â
s and
Trade).
Seuls les acronymes non adoptés et les abréviations étrangÚres
admises* (voir : AbrĂ©viation) doivent ĂȘtre composĂ©s en italique : op. cit.
â
Larousse
1997
: point abréviatif pour tous les sigles français, y
compris les acronymes (O. T. A. N.), Ă lâexception de quelques acro-
nymes syllabiques (AFNOR) ; pas de point abréviatif pour les sigles
Ă©trangers, mĂȘme sâil ne sâagit pas dâacronymes (AEG, AFL-CIO).
254
SIGLE
* Ă lâexception des unitĂ©s, des abrĂ©viations des titres de civilitĂ©, des Ă©lĂ©ments de
dénomination propre.
Larousse
1999
fait dans la rusticité et croit supprimer tous les points
(mais il en resteâŠ).
UNESCO.
Robert
1991
: entrée U. N. E. S. C. O. et « Unesco » dans la défi-
nition. Pour les extrémistes : cet {Unesco} est le sigle de United
Nations Educational Scientific and Cultural Organization. Les Anglo-
Saxons mettent des majuscules oĂč ils lâentendent et abrĂšgent les mots
comme ils lâentendent, en lâoccurrence UNESCO, cela importe
peu, les majuscules des sigles représentent indi
â
Ă©remment des initia-
les majuscules ou minuscules (OTAN, Organisation du traité de
lâAtlantique Nord) ; il est toutefois curieux de constater que lâun des
rares sigles à bénéficier quasi o
â
ciellement de minuscules est en
mĂȘme temps lâun des rares Ă abrĂ©ger une succession de mots qui ont
tous des majuscules initiales.
3.
âąâą
Apposition.
3.1.
Lâapposition est une construction directe, trĂšs ancienne, que
le français moderne admet toujours, sous certaines conditions *. Le
sigle en apposition a une valeur de qualificatif : légitimes sont les
limousines B.M.W. et les francs C.F.A. « LâĂtat R.P.R. » est irrĂ©pro-
chable ; un [dirigeant R.P.R.] lâest beaucoup moins ; un [congrĂšs
R.P.R.] est une monstruosité.
Cette construction directe devrait demeurer rare. Elle est en pleine
expansion. Pour se remémorer les rÚgles françaises de la juxtaposition
255
SIGLE
* Il y a des berlines Renault, des bĆufs mode, des auteurs Gallimard, un style
Henri II, des fauteuils Régence, un musée Picasso, la mÚre Michel, Alexandre Dumas
fils, un Institut Pasteur, un boulevard Ney, etc. Il nây a pas encore [de toiles Picasso,
dâarticles
DĂ©pĂȘche du Midi, de beau-frĂšre Mitterrand, de manutentionnaire Grasset, de
journaliste Figaro, dâavenue Grande-ArmĂ©e, dâInstitut monde arabe, de romans
Modiano, de guichet Crédit agricole].
Sur lâinĂ©puisable sujet des pseudo-appositions et des juxtapositions monstrueuses,
on relira Ătiemble
1964
avec profit et délectation.
syntaxique â et les strictes limitations de ce sport â, on consultera
les bonnes grammaires.
3.2
.
Les « mauvais exemples » qui suivent illustrent un curieux et
récent dédain des rÚgles relatives à la construction « normale » du
complĂ©ment de nom. Nulle dĂ©nomination propre nâest Ă©pargnĂ©e,
mais les sigles sont particuliÚrement visés.
Sâil existe des normes Afnor, il pourrait bien y avoir des [rĂ©so-
lutions ONU] ; si lâon admet, dans tous les emplois, {des retrai-
tĂ©s S.N.C.F., des guichets B.N.P., des agents Ă.D.F., des unitĂ©s
C.N.R.S.}, il faut sâattendre Ă la venue [des Ă©tudiants UNEF, des
vendeurs B.H.V., des casernes C.R.S., des médecins O.M.S., des loca-
taires H.L.M., des troupes OTAN, des réunions OPEP, du siÚge
social B.M.W., des opĂ©rations C.I.A. et mĂȘme des fonctionnaires
UNESCO, des tracts C.N.P.F., des retraitĂ©s K.G.B., etc.]. Nous nâen
sommes pas encore lĂ , certes⊠QuoiqueâŠ
3.3
.
On donne aujourdâhui une valeur de qualificatif Ă des sigles qui
nâen ont vraiment pas besoin : une [manifestation C.G.T.]. Lâautoriser,
câest favoriser lâoubli de lâadjectif « cĂ©gĂ©tiste », câest appauvrir la langue
en renonçant aux dérivations lexicales des sigles : une manifestation
cégétiste, une manifestation de la C.G.T.
Conclusion : « un retraité de la S.N.C.F. lisant un tract du C.N.P.F.
dans un refuge de la S.P.A. » est préférable à [« un ministre C.D.S.
évoquant des listes Afnor dans un congrÚs U.D.F. »].
4.
Siglorrhée.
â
Il faut bien avouer que, dans la siglaison, le créateur de mots est
considĂ©rablement gĂȘnĂ© par les lettres.
La S.D.N. (SociĂ©tĂ© des Nations) a Ă©tĂ© remplacĂ©e par lâONU (Orga-
nisation
des Nations unies). Le D, inopportun dans lâacronyme, devait
disparaßtre. Les anglophones ont ramené leur nombre à deux : UN
(United Nations). Rattrapons-les et adoptons NU, aprĂšs tout, le
machin nâest quâun simple appareil.
256
SIGLE
Pour certains groupes humains, le sigle est une aubaine : il donne
un contour net aux dénominations insignifiantes. Il masque des
éléments qui, dans leur forme développée, pourraient surprendre,
amuser, choquer, scandaliser. Une base de données « européenne »,
finement nommée EURODICAUTOM, recense
150 000
abrévia-
tions et acronymes ; elle sâenrichit de plusieurs milliers dâentrĂ©es par
an, pour lâessentiel anglo-amĂ©ricaines.
Pour les néocommunicateurs franglophones, « FTP » ne signifie pas
Francs-Tireurs et Partisans mais
File Transfer Protocol. Ces « FTP qui
communiquent des fichiers » ne peuvent amuser que les nostalgiques
de la Gestapo (acronyme de Geheime Staats Polizei). Pour les construc-
teurs de lâEurope, « FTP » signifie « Financement de la technologie
selon sa performance » ; câest un machin ressortissant au programme
SPRINT
(Strategic Programme for Economic Sciences). La graphie et la
signification françaises de « F.-T.P. » sont Ă redĂ©couvrir dâurgence.
Les normalisateurs ne sont pas Ă lâabri de la confusion gĂ©nĂ©ralisĂ©e :
de nos jours, « ISBN » signifie
International Standard Book Number
ET Integrated Satellite Business NetworkâŠ
Quelques siglesâŠ
A.-Ă.F.
Afrique-Ăquatoriale française
A.E.L.-Ă.
Association européenne de libre-échange
Afnor Association française de normalisation
A.F.-P.
Agence France-Presse
ANASE
Association des nations de lâAsie du Sud-Est (anglais : ASEAN)
A.N.P.E.
Agence nationale pour lâemploi
A.-O.F.
Afrique-Occidentale française
Assedic
Association pour lâemploi dans lâindustrie et le commerce
Benelux Belgique, Nederland, Luxembourg
BIRD, B.I.R.D. Banque internationale pour la reconstruction et le développement
B.I.T. Bureau international du travail
B.N.
BibliothĂšque nationale
C.E.A.
Commissariat Ă lâĂ©nergie atomique
C.E.C.A. CommunautĂ© europĂ©enne du charbon et de lâacier
C.Ă.E. CommunautĂ© Ă©conomique europĂ©enne
â
CEDEX
Courrier dâentreprise Ă distribution exceptionnelle
C.E.S.C.
Confédération européenne des syndicats chrétiens
257
SIGLE
C.E.S.L.
Confédération européenne des syndicats libres
C.H.U.
Centre hospitalier universitaire
C.I.S.C.
Confédération internationale des syndicats chrétiens
C.I.S.L.
Confédération internationale des syndicats libres
C.N.R.S.
Centre national de la recherche scientifique
CNĂS
Centre national dâĂ©tudes spatiales
C.R.S.
Compagnie républicaine de sécurité
ĂNA
Ăcole nationale dâadministration
ĂNSAD
Ăcole nationale supĂ©rieure des Arts dĂ©coratifs
FAO, F.A.O. Food and Agriculture Organization
F.F.I.
Forces françaises de lâintĂ©rieur
GATT General Agreement on Tari
â
s and Trade
G.M.T. Greenwich meridian time
H.Ă.C.
Hautes Ătudes commerciales
H.L.M.
Habitation à loyer modéré
I.G.N.
Institut géographique national
INRA
Institut national de la recherche agronomique
INSĂĂ
Institut national de la statistique et des Ă©tudes Ă©conomiques
INSERM
Institut national de la santé et de la recherche médicale
ISBN
International Standard Book Numbering
ISSN
International Standard Serial Number
M.P.L.A.
Mouvement populaire de libĂ©ration de lâAngola
O.A.S.
Organisation armée secrÚte
OAS, O.A.S.
Organization of American States (français : O.E.A.)
O.C.D.Ă.
Organisation de coopération et de développement économiques
O.Ă.A. Organisation des Ătats amĂ©ricains
O.I.T.
Organisation internationale du travail
O.L.P.
Organisation de libération de la Palestine
O.M.P.I.
Organisation mondiale de la propriété intellectuelle
O.M.S.
Organisation mondiale de la santé
ONU, O.N.U.
Organisation des Nations unies
OPEP
Organisation des pays exportateurs de pétrole
OTAN Organisation du traitĂ© de lâAtlantique Nord
OTASE
Organisation du traitĂ© de lâAsie du Sud-Est
O.U.A.
Organisation de lâunitĂ© africaine
R.A.T.P.
RĂ©gie autonome des transports parisiens
S.N.C.F.
Société nationale des chemins de fer français
S.P.A.
Société protectrice des animaux
U.E.O. Union de lâEurope occidentale
U.E.R.
Union européenne de radiodi
â
usion
UNESCO United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization
UNITA
Union nationale pour lâindĂ©pendance totale de lâAngola
258
SIGLE
Ponctuation, accents
et petites capitales
Ă Typographie, le 26 juin 1997.
C. Pelletier :
En revanche, les sigles ne prennent pas dâaccent.
Pourquoi ? Les recommandations de lâOffice de la langue française sont
cohĂ©rentes, sauf sur ce dernier point. Il est vrai que dâautres, Ă commencer par
lâImprimerie nationale, disent la mĂȘme chose. Le
Code typographique
patauge
et passe de lâĂ.D.F au C.E.AâŠ
Lorsque lâon Ă©crit que « les capitales doivent ĂȘtre accentuĂ©es » et que
lâon instaure ensuite une exception, il est nĂ©cessaire de donner une explica-
tion. Est-elle dâordre typographique, esthĂ©tique, linguistique, anecdotique ? Elle
nâest sĂ»rement pas pĂ©dagogique, car lâE.D.F. (eudĂ©hef) a beaucoup fait pour
quâelectricitĂ©, elĂ©ctricitĂ© (et electronique, bien Ă©paulĂ© par lâanglais
âŠ)
gagnent du terrain dans les copies et les manuscritsâŠ
Ce nâest pas Ă ceux qui accentuent les sigles de sâexpliquer « thĂ©orique-
ment » : contre lâusage dominant (en cela ils ont tort), ils ne font quâobĂ©ir bĂȘte-
ment Ă la rĂšgle gĂ©nĂ©raleâŠ
Si vous me demandez mon sentiment personnel sur la question, je nâen vois
quâun de franchement discernable : la perplexitĂ©âŠ
En fait, je nâai quâun espoir : la multiplication des logotypes (navrĂ©, mais
le pluriel
logos
me trouble encoreâŠ) utilisant les « qualitĂ©s » graphiques
des accents⊠Par mimĂ©tisme, les sigles correspondants (puis, peut-ĂȘtre, les
autres) les retrouverontâŠ
Ă Typographie, le 2 juillet 1997.
T. Quinot :
Je me pose cette question en particulier en ce qui concerne
mon Ă©cole : suivriez-vous plutĂŽt lâ
Imprimerie nationale
en Ă©crivant lâ
ENST
(en
petites capitales) ou notre déléguée à la communication vénérée, qui impose
lâ
Enst
?
L
âImprimerie nationale
ne prĂ©conise pas dâemployer les petites capitales
dans la composition des sigles⊠et elle a bien raison, car les petites capitales
ne sont pas des majuscules⊠Si par exemple vous composez un nom dâau-
teur en petites capitales, vous mettrez une grande capitale Ă lâinitiale⊠Si
ensuite arrive un sigle intégralement composé en petites capitales, il aura
bonne mine⊠Je sais⊠ça se faitâŠ
Quant à votre déléguée à la communication (orale ?), comment prononce-
t-elle le sigle (ou lâacronyme ?) de votre Ă©tablissement : lâeuhennestĂ©, lâanste,
lâenne-stĂ© ?
Ă mon sens, ça ressemble Ă un sigle (Ă©pelĂ©), et lâon devrait Ă©crire lâĂ.N.S.T.
Si en dĂ©pit des apparences câest un acronyme, va pour ENSTâŠ
259
SIGLE
Mais sûrement pas
Enst
, car ce nâest pas un acronyme syllabique ou pseudo-
syllabique (comme
Benelux
ou
Afnor
) [âŠ]. Encore moins
enst
, câest Ă©vident,
le bas de casse intĂ©gral Ă©tant rĂ©servĂ© aux acronymes lexicalisĂ©sâŠ
G. Perez :
Pourquoi ne pourrait-on pas mettre les sigles en petites capitales
(au lieu de plusieurs capitales qui sont vraiment trop voyantes pour une
expression que lâon veut justement abrĂ©ger) ?
P. Cazaux :
Câest un usage qui tend Ă se rĂ©pandre, dâĂ©crire comme des noms
propres, Ă savoir avec cap et b. de c., les sigles qui peuvent se prononcer, et
pas seulement les acronymes, qui, je crois, ont été conçus pour cela. Et aprÚs
tout, pourquoi pas, surtout dans un texte oĂč il y en a plusieurs, ce qui Ă©vitera
des accrocs dans le gris typographique.
Comme vos réactions sont assez proches, je me permets de vous adresser
une réponse commune.
On « peut » composer les sigles en petites capitales ou en bas de casse⊠et
beaucoup le font. Si je nâaime guĂšre (je veux dire « pas du tout ») cette façon
de faire, câest pour des raisons Ă la fois linguistiques et typographiquesâŠ
En français, sigle et acronyme sont deux termes qui ont acquis des accep-
tions précises. Leur mode de formation est parfois identique (pas toujours),
leur lecture est radicalement différente. Le point capital, pour le lecteur, ce
nâest pas le gris typographique, câest lâadĂ©quation entre lâoral et lâĂ©crit. Elle nâest
pas si frĂ©quente en français⊠Ne ruinons pas un des rares cas oĂč elle pourrait
ĂȘtre effectiveâŠ
Un sigle qui « peut » mais « ne doit pas » se lire comme un mot ordinaire
nâest pas un acronyme⊠Exemple :
lâO.U.A.
Rien nâempĂȘche de lire « oua »,
avec une aisance comparable Ă celle qui nous fait dire « oui »⊠Surtout si lâon
compose
OUA
ou, pis,
Oua
⊠Voilà pourquoi il est judicieux de composer les
vrais sigles (Ă©pelĂ©s) en grandes capitales suivies dâun point abrĂ©viatif (
C.G.T.
),
sans espace, les acronymes formĂ©s dâinitiales en grandes capitales collĂ©es
(
OTAN
), les acronymes syllabiques ou pseudosyllabiques en bas de casse avec
lâinitiale en grande capitale (
Afnor
) et les acronymes lexicalisés en bas de casse
(
radar
).
Ăa complique la vie du scripteur mais ça facilite celle du lecteur⊠Or les
« rÚgles » typographiques sont faites pour cela⊠non pour autre chose.
Jâaime aussi les beaux gris typographiques. Si je tombe sur un texte qui
grouille de formules chimiques ou mathĂ©matiques, je ne vais tout de mĂȘme
pas me désoler et supprimer les indices, les exposants, remplacer les capitales
par de petites capitales⊠Vous voulez mon sentiment personnel ? Si les capi-
tales des sigles ruinent le gris, câest sans doute quâil y a trop de sigles dans le
texte⊠et câest bien fait si le gris est moche⊠Câest cohĂ©rentâŠ
260
SIGLE
Quant aux petites capitales, ce ne sont pas des majuscules mais des
« minuscules » (syntaxiques) habillĂ©es en capitales⊠Câest ce qui fait leur
intĂ©rĂȘt typographique. Je veux bien (façon de parlerâŠ) que lâon compose les
sigles en petites capitales, si lâon accorde une grande capitale Ă la premiĂšre
initiale⊠Cette effarante « premiĂšre initiale » rĂ©sume bien lâabsurditĂ© du
procĂ©dĂ©âŠ
Ă Typographie, le 7 janvier 1998.
J. André :
MĂȘme rĂ©ponse quâĂ notre oulipien il y a quelques jours : il y a des
rÚgles générales et des cas particuliers, ou plutÎt dans ce cas des rÚgles
dâĂ©cole, des cas limites.
Mais justement⊠je nâutilise pas les cas particuliers pour prouver que jâai
raison (les généralités suffiraient)⊠je les emploie pour démontrer que les
autres ont tort, mĂ©thode qui nâest pas totalement illĂ©gitime. Par exemple, vous
pourriez trĂšs bien tenter de me proposer des cas particuliers visant Ă rendre
apparente lâabsurditĂ© des points abrĂ©viatifs dans les vrais siglesâŠ
Le problĂšme posĂ© Ă©tait : sâagissant de la graphie des sigles, y a-t-il une
rĂšgle ? Quelle est-elle ? et oĂč la trouver ?âŠ
Sâappuyer uniquement sur les codes typographiques en oubliant un des
grands dictionnaires de la langue me semble pour le coup privilégier des
points de vue particuliersâŠ
En outre, câest vous (jâentends : les tenants de la suppression du point abrĂ©-
viatif) qui accordez arbitrairement un statut inédit et particulier aux vrais sigles.
Câest Ă vous de dĂ©montrer que lâopĂ©ration se justifie⊠Câest loin dâĂȘtre faitâŠ
Il ne suffit pas de dire que lâusage (de qui ?âŠ) est avec vous⊠car il est fou-
trement incohĂ©rent, et lâon pourrait multiplier les rĂ©fĂ©rences Ă©tablissant que
les sources les plus sĂ©rieuses sont plutĂŽt favorables au maintien du pointâŠ
Dans un titre en toutes caps, quâest-ce que vous prĂ©fĂ©rez ? Quâest-ce qui est le
plus lisible (car le plus en concordance avec lâoral) ?
GREVE DE FO AU JO
.
GRĂVE DE F.O. AU J.O.
J. André :
Ce que je voulais dire : dans cette liste il y a des gens trĂšs poin-
tus qui disent des choses trĂšs pointues mais qui oublient de parler dâabord du
cas général avant de parler des cas limites. S.V.P. (s. v. p. ?), faites un rappel
de ce qui devrait ĂȘtre connu avant dâapprofondir les cas spĂ©ciaux !
Sur cette liste, jâai dĂ©jĂ expliquĂ© mon point de vue sur la question sans
recourir Ă lâexcĂšs aux cas particuliers⊠« Les radars de lâOTAN sont contrĂŽlĂ©s
par la C.I.A. et lâAfnor. » Ici tout est clair : formation et prononciation⊠Sous
quel prétexte faudrait-il que nous renoncions à cette clarté ?
261
SIGLE
Ă Typographie, le 11 octobre 1999.
G. Stril :
Jâai sous les yeux le
Lexique des rĂšgles typographiques en usage
Ă lâImprimerie nationale
. Selon lui : « On notera que certains sigles trÚs répan-
dus et de prononciation aisée (acronymes) peuvent se composer en bas de
casse avec capitale initiale. »
Cette phrase mâa toujours laissĂ© perplexe (façon polie dâexprimer mon sen-
timent)⊠Quâest-ce quâun sigle trĂšs rĂ©pandu ? Qui en dĂ©cide ? TrĂšs rĂ©pandu
oĂč ? Dans un milieu donnĂ© ? Partout ? Quâest-ce quâune prononciation aisĂ©e ?
Qui en dĂ©cide ? Que signifie cette parenthĂšse effarante ? Quâun acronyme est
un sigle courant et de prononciation aisĂ©e ? Eh ben, mon colon⊠câest du
propreâŠ
Que signifie ce « peuvent » ? Jâentends : que signifie-t-il dans des « rĂšgles en
usage à ⊠» ? En quoi une telle formulation aide-t-elle le lecteur (du
Lexique
)
Ă y voir clair et Ă prendre un parti digne de ce nom ?
G. Stril :
Mais plus loin, il précise que « ce serait une erreur que de vouloir
supprimer systĂ©matiquement les points chaque fois quâon rencontre une
abréviation sous la forme de lettres capitales. »
Rien Ă voir. Le
Lexique
, et câest une de ses nombreuses qualitĂ©s, ne confond
pas « sigle » et « abrĂ©viation ». Heureusement. Lâarticle « AbrĂ©viations » est trĂšs
bon, les graphies sont irrĂ©prochables. En revanche, lâarticle « Sigles » est lamen-
table⊠La dĂ©finition mĂȘme de « sigle » est bĂȘte Ă pleurer. Sur une telle base,
difficile de développer une « doctrine »⊠Résultat : un article trÚs bref⊠mais
intégralement débile.
G. Stril :
Il nâempĂȘche que, dans un texte courant, tous ces sigles en caps
prennent une importance Ă©norme Ă la lecture.
Bien fait ! Tant mieux ! Ils veulent des sigles, ils les aiment, en raffolent ? Eh
bien en voilĂ , des grands, des beaux, des frais, des bien visibles ! Faut pas avoir
honte de ce que lâon aime ! Moi, jâaime pas les sigles, jâaime pas ceux qui les
aiment⊠alors, grandes caps et points abrĂ©viatifs ! RoulezâŠ
G. Stril :
Et je suis dâavis de les « acronymer » chaque fois que possible.
OpĂ©ration difficileâŠ
Ă F.L.L.F., le 1
er
mai 2000.
B. Lombart :
Vous prenez donc vos distances vis-Ă -vis des
RĂšgles de
lâImprimerie nationale
.
Sur ce point, oui, et je ne suis pas le seul (mais nous sommes de plus en
plus minoritaires, le mal gagne⊠[âŠ]).
Le
Lexique de lâI.N.
(de lâ« IN » ?âŠ) est excellent (aujourdâhui, le meilleur du
genre), mais lâarticle consacrĂ© aux sigles est lamentable⊠à commencer par la
« définition » du terme ! Difficile de « légiférer » intelligemment quand on ne sait
pas de quoi lâon parle.
262
SIGLE
B. Lombart :
« En ce qui concerne leur écriture [des sigles et des acronymes],
la seule unification possible et qui est applicable Ă tous les cas est lâemploi de
lettres capitales sans point⊠» (p. 159).
Eh oui⊠il ne sâagit pas dâune rĂ©flexion sur les diverses pratiques mais dâune
tentative dâunification Ă la louche⊠qui dâailleurs sâeffondre dĂšs la page
suivante (
Benelux
âŠ). Pas sĂ©rieuxâŠ
B. Lombart :
De plus, cela lÚve toute ambiguïté dans le classement alpha-
bétique ou informatique (on trouverait
R.A.T.P.
mais
CEDEX
âŠ).
Non, non, aucun problÚme de classement. En revanche, belles ambiguïtés
pour le lecteur, les seules qui comptent.
Un petit résumé :
Les sigles (purs ou acronymiques) sont composés en grandes capitales (ce
qui indique quâils sont formĂ©s dâinitiales). Les points abrĂ©viatifs indiquent que
les sigles purs sont épelés (
F.O.
,
O.U.A.
). Leur absence dans les acronymes
indique (et entraĂźne) la lecture au long (
OTAN
,
FAQ
). Les acronymes sylla-
biques ou pseudosyllabiques, nâĂ©tant pas composĂ©s (exclusivement) dâini-
tiales, ne prennent la capitale quâĂ leur premiĂšre lettre (
Afnor
,
Benelux
). Les
acronymes lexicalisés ne prennent évidemment aucune capitale et suivent le
plus souvent les rĂšgles dâaccord de leur catĂ©gorie grammaticale (
des ovnis
)âŠ
Cela semble contraignant en regard de la belle simplicitĂ© de lâ
I.N.
? Pas du
tout ! Ici, comme toujours, câest la loi qui garantit votre libertĂ© ! Vous pronon-
cez « ĂŽ haine, hue » et tenez Ă le faire savoir ? Ăcrivez
O.N.U.
Vous préférez
prononcer « eau nue » ? Ăcrivez
ONU
⊠Nâabandonnez pas votre libertĂ© Ă des
professionnels (typographes⊠ou pĂ©dagogues) qui ne cherchent quâĂ simpli-
fier leur boulot⊠Pour celui qui Ă©crit, la grande rĂšgle (la seule, au fondâŠ),
câest le respect du lecteurâŠ
Ă Langue-Fr., le 15 mars 2001.
J. Fontaine :
Je me demande si une dispense de ponctuer un sigle pur pour-
rait ĂȘtre envisageable ?
Comme vous le savez, pour lâavoir lu ailleurs, mon ambition nâest pas
dâĂ©dicter des « rĂšgles » (il en traĂźne un peu partout, souvent contradictoires),
mais dâexpliquer la pertinence, le bien-fondĂ© (parfois lâobsolescence, parfois
lâineptieâŠ) des conventions orthotypographiques. Libre * Ă chacun dâadopter
une marche adaptĂ©e Ă ses besoins : lâessentiel est quâelle soit rationnellement
motivĂ©e⊠et non le fruit de lâignorance ou du laisser-aller.
263
SIGLE
* Disons⊠libre à ceux qui ne paient pas des emmerdeurs pour entraver leur
fantaisieâŠ
J. Fontaine :
Dans le cas suivant : quand il nây a aucun risque que le lecteur
puisse le prononcer « acronymiquement ». Y a-t-il vraiment danger que des
sigles comme
CSN
,
FTQ
,
STCUM
soient prononcés comme des mots par le
lecteur parce que les points manquent ?
Dâaccord (sauf peut-ĂȘtre pour
STCUM
), il nây a aucun « danger », et le risque
dâune prononciation « incorrecte » est infiniment moins grand que dans
« couenne »⊠mais y a-t-il un risque de prendre « Sturm und Drang » pour une
expression française ? Pourquoi dĂšs lors la composer en italique lorsquâelle
figure dans un texte français ? Y a-t-il un risque de prendre « jean-paul sartre »
pour une succession de noms communs ? Pourquoi dĂšs lors lâalourdir avec
des majuscules ? Pour respecter une convention motivée. Mettre en avant
lâabsence ponctuelle de danger est un peu dangereuxâŠ
J. Fontaine :
Ce genre de sigles purs à la prononciation non ambiguë,
souvent assez longs, abondent dans les textes spécialisés ; les ponctuer
systématiquement alourdit sensiblement le texte.
Hum⊠à mon sens, il est illusoire de vouloir faire accéder un texte farci de
sigles à une quelconque légÚreté⊠et en particulier au simple masque de la
lĂ©gĂšretĂ© typographique. Pour allĂ©ger le brouet, certains vont jusquâĂ composer
les sigles en petites capitales⊠ce qui prouve quâils nâont pas compris que les
petites caps
ne peuvent pas
reprĂ©senter des majuscules, mais on est prĂȘt Ă
tout pour rendre apparemment digeste ce qui ne lâest pas.
J. Fontaine :
Une telle dispense pourrait sembler une complication inutile
dans lâĂ©difice, mais elle nâest pas quâun alibi pour rĂ©dacteur paresseux car elle
lâoblige quand mĂȘme Ă exercer son jugement, Ă Ă©viter les incohĂ©rences trop
criantes Ă lâintĂ©rieur dâun mĂȘme texte et Ă avoir dâabord en tĂȘte le confort du
lecteur. La non-ambiguïté et la non-lourdeur sont les deux mamelles du
confort du lecteur (cette phrase en est un exemple a contrario). Ă quel sein se
vouer dâabord ?
Les ambiguïtés involontaires (quelle que soit leur nature) peuvent toujours
ĂȘtre Ă©liminĂ©es. La lourdeur, non (sauf Ă tout rĂ©crireâŠ). Supprimer les points
abrĂ©viatifs nâallĂšge que trĂšs mĂ©diocrement les tombereaux de sigles mais ruine
dans certains cas la distinction â pourtant essentielle Ă lâoral â entre sigle et
acronyme.
Sâil y a deux seins, deux dĂ©sirs, je les vois plutĂŽt ainsi : on multiplie amoureu-
sement les sigles⊠mais on aimerait bien que cela se remarque le moins pos-
sible, que cela reste discret, Ă©lĂ©gant, lĂ©ger. Câest Ă mon sens une erreur que de
participer à ce jeu-là ⊠Ils veulent des sigles, des acronymes ? Pour faire comme
tout le monde et son maĂźtre ? TrĂšs bien⊠mais faut pas quâils tentent de nous
faire gober que leur manie est sans consĂ©quence, dâautant que la consĂ©quence
graphique, habilement surĂ©valuĂ©e, nâest quâun symptĂŽme dĂ©risoire.
264
SIGLE
Ă Typographie, le 30 novembre 2001
.
T. Bouche
: Si jâappliquais la marche [des sigles sans points abrĂ©viatifs], Ă
laquelle je trouve deux intĂ©rĂȘts non nĂ©gligeables : 1. Ăa fera enrager JiPĂ© ;
Bisque, bisque, vâlĂ autâ choseâŠ
[Âż] ÂĄ Nâai-je donc tant vĂ©cu que pour cette infamie ! [?]
T. Bouche
: 2. On nâa pas Ă se soucier de savoir si un acronyme est sylla-
bique, un sigle ou nâimporte quoi dâautre.
Et voilà ⊠Adieu consciencieux soucisâŠ
En une phrase, tu rĂ©sumes bien lâĂ©lĂ©gante problĂ©matique de nos marcheurs
Ă semelles lisses : ne pas se faire chier !
Le lecteur, on sâen tape ! Il veut savoir de quoi tâest-ce quâon lui cause
exaguetly ?
Si on lui file un acronyme ou un sigle, du hard ou du cochon ? Nâa quâĂ
chercher lui-mĂȘme, on nâest pas payĂ©s pour ça ! Eh bien si, camarades, vous
(auteurs, oui, auteurs, éditeurs, récriveurs, préparateurs, correcteurs, compo-
siteurs, typochosistes de toute sorte, voire graphistes, artistes de lâĆil
ou dâailleurs), vous ĂȘtes payĂ©s pour ça. Peut-ĂȘtre mal, mais câest une autre
histoire.
La siglite aiguë
à F.L.L.F., le 26 décembre 1999.
C. Weil
:
AAA
signifie, non pas American Automobile Association, mais Acute
Anxiety Attack (crise aiguĂ« dâangoisse).
⊠et, dans dâautres domaines : Amateur Athletic Association, anti-aircraft
artillery, Australian Association of Accountants, etc.
C. Weil
:
ABS
: non Anti Blocking System, mais Acute Brain Syndrome.
⊠et : acrylonitrile-butadienne-styrene, Australian Bureau of Statistics, etc.
C. Weil
:
AC
: non Alternating Current, mais Adrenal Cortex.
⊠et : Air Corps, appeal case, assistant commissioner, Companion of the
order of Australia, etc.
C. Weil
:
ACE
: non balle de service qui fait le point au tennis, mais An-
giotensin Converting Enzyme (enzyme intervenant dans la régulation de la
pression artérielle).
⊠et : advanced cooled engine, Advisory Centre for Education, Association
of Conference Executives, Association of Consulting Engineers, etc.
C. Weil
:
AD
: non Anno Domini, mais, par exemple, Alcohol Dehydrogenase.
⊠et : accidental damage, active duty, air defence, art director, assembly
district, assistant director, average deviation, etc.
265
SIGLE
C. Weil
:
AEG
: non firme allemande de matériel électrique, mais Air Ence-
phalogram (encéphalographie gazeuse).
⊠et : ad eundem gradumâŠ
Etc. Comme le signalaient il y a quelques mois certains intervenants, la
siglaison fait surtout des ravages en France⊠Il serait toutefois trÚs injuste
dâoublier lâapport considĂ©rable de lâEurope Ă la recherche. Pour rester dans le
domaine que vous Ă©voquiez, lâ
A.D.N.
est évidemment un accord européen
relatif au transport international des marchandises dangereuses par voie de
navigation intérieure. (Il est vrai que la scientifique internationale communauté
et la District Nursing Association lisent les
DerniĂšres Nouvelles dâAlsace
.)
Ă F.L.L.F., le 10 juillet 2001.
M. Goldstein :
Le cadre de la normalisation officielle de lâ
ISO
(International
Standard Organisation).
Il est dangereux de prĂ©senter les choses ainsi (mĂȘme si lâerreur est
fréquente et commise par le
Larousse
et, plus encore, par le
Robert
âŠ), car
ISO
nâest pas un acronyme formĂ© Ă partir des initiales dâune inexistante « Inter-
national Standard Organisation »⊠câest du grec ! Toutes choses Ă©gales, par
ailleursâŠ
ISO
⊠ou Organisation internationale de normalisation (
OIN
⊠oin, normal,
câest Ă GenĂšve), ou International Organization for Standardization (
IOS
⊠là ,
câest encore grec, mais y a erreur).
Signature
Indication chi
â
rĂ©e, imprimĂ©e au bas de la premiĂšre page dâune
feuille, afin de faciliter lâassemblage.
Soleil fi Astre
â
266
SIGLE
SOLEIL
Soulignement fi
Italique, Préparation de copie.
âąâąâą
Manuscrit, copie et correction sur papier : on souligne dâun
trait continu ce qui doit ĂȘtre composĂ© en italique.
¶
Insistance graphique.
âąâą
Inutile et hideux, le soulignement des mots est Ă proscrire
dans la composition. Lâitalique ou le
gras
sont lĂ pour mettre certains
termes en valeur.
=
Ramat
1994
, Williams
1992
.
â
Richaudeau
1989
.
Si lâitalique et le
gras
ne su
â
sent pas, restent :
âąâą
les capitales,
GRANDES ou petites ;
âą
les variations de
corps
, de
police
âŠ
Remarque. â Sâils ont des rĂŽles spĂ©cifiques aisĂ©ment perceptibles
par le lecteur, plusieurs types de mise en valeur peuvent cohabiter au
sein dâun ouvrage, mais lâon se gardera de les accumuler sur un mĂȘme
[« Ă©lĂ©ment »] du texteâŠ
âą
Lorsque lâitalique et le gras sont utilisĂ©s Ă dâautres fins, le souli-
gnement dâune ou de quelques lettre(s) soulignĂ©e(s) au sein dâun mot
(sans jambage infĂ©rieurâŠ) est admis, car utile et pĂ©dagogique.
Attention !
Soulignement et filet sont deux choses bien distinctes :
les filets sont utiles et beauxâŠ
Filet sous une ligne :
Souverain fi Titre honorifique
Square fi Jardin
Ï
267
SOULIGNEMENT
SQUARE
Style artistique
Substantif
>
majuscule : Art nouveau, Directoire, Empire, Modern
Style.
Adjectif
>
minuscule : baroque, gothique, roman, rococo.
â
Impr. nat.
1990
(Ă©poque : majuscule ; genre : minuscule).
Sud fi Point cardinal
Suisse
Abréviation des noms de cantons
Argovie AG
Appenzell Rhodes-Extérieures AR
Appenzell Rhodes-Intérieures AI
BĂąle-Campagne BL
BĂąle-Ville BS
Berne BE
Fribourg FR
GenĂšve GE
Glaris GL
Grisons GR
Jura JU
Lucerne LU
NeuchĂątel NE
Nidwald NW
Obwald OW
Saint-Gall SG
Scha
â
house SH
Schwytz SZ
Soleure SO
Tessin TI
Thurgovie TG
Uri UR
Valais VS
Vaud VD
Zoug ZG
Zurich ZH
268
STYLE ARTISTIQUE
SUISSE
Symbole fi
Abréviation.
Aussi variés et contradictoires que les acceptions données au mot
symbole par les sémiologues, les grammairiens, les typographes, les
métrologues, les chimistes ou les astrologues.
Sources dâerreurs possibles lors de la saisie :
A,
K
(Lambda),
s
(conjonction, et produit vectoriel),
D
(Delta).
a,
a
(alpha),
p
(proportionnel Ă ).
B,
b
(bĂȘta).
C, c, ( (parenthĂšse ouvrante),
l
(inclus).
d,
â
(d de ronde),
d
(delta).
e,
e
(epsilon), E,
n
(Ksi),
v
(appartient).
g, g (italique).
h,
h (italique).
K, k,
k,
q
(Kappa, kappa).
L,
w
(angle).
l (litre),
l (longueur), I, 1 (un), | (valeur absolue) et
|| (norme, et barres parallĂšles).
m,
m (italique).
n,
g
(ĂȘta),
m
(intersection).
O, o,
0
(zéro),
r
(sigma),
H
(ThĂȘta),
h
(thĂȘta).
P, p,
p,
q
(rhĂŽ).
r,
C
(Gamma),
s
(tau).
S, s,
s,
y
(sigma final),
t
(intégrale).
T,
C
(Gamma).
t, r,
s
(tau).
U,
u, v, ” (mu),
t
(upsilon).
V, v,
m
(nu),
t
(upsilon),
u
(racine).
W,
w,
x
(oméga),
©
(pi dorique).
X,
x,
|
(multiplication),
v
(khi),
j
(kappa).
Y, y,
T
(Upsilon),
c
(gamma).
Z, z, 2 (deux).
U
(Phi),
o
,
u
(phi),
r
(diamĂštre, et ensemble vide) et
Ă Ăž (caractĂšres scandinaves).
269
SYMBOLE
Télégramme fi Petite capitale
Terre fi
Astre.
La Terre Adélie, Terre-Neuve.
La Terre sainte, voir : Saint.
Théùtre fi
Acte dâune piĂšce de thĂ©Ăątre, OpĂ©ra.
« Le théùtre, fertile en censeurs pointilleux, / Chez
nous, pour se produire est un champ périlleux. »
Nicolas Boileau,
Art poétique.
Apartés et jeux de scÚne.
Aujourdâhui, les codes prĂ©conisent lâitalique en toutes circonstances.
Jadis, ils se composaient en romain dans un corps inférieur à celui du
texte.
Tierce fi
Correcteur, Correction.
TroisiÚme et derniÚre épreuve avant le tirage. « Réviser la tierce »,
câest sâassurer que toutes les corrections ont bien Ă©tĂ© e
â
ectuées.
Tiers
Le Tiers, le tiers Ă©tat, le Tiers Monde.
â
271
Tiret fi
Dialogue, Trait dâunion.
« Le tiret, par son allure, a quelque chose
dâĂ©lĂ©gant. [âŠ] Il nâa pas, comme sa congĂ©nĂšre
la parenthĂšse, le profil bedonnant qui vous
arrĂȘte au passage. »
Jules Denis, Grammaire typographique.
Le tiret Ă©tait un trait horizontal fondu sur cadratin.
Emploi. â Incise, dialogues, insistance, remplacement, bibliogra-
phies. Les tirets nâexcluent pas la ponctuation rĂ©guliĂšre :
« âĂ proposâŠâ, disait-elle â mais câĂ©tait pour changer de conver-
sation. » â Pierre Mertens, Une paix royale.
« Car le rire â dit Spinoza â est une pure joie. » â AndrĂ© Comte-
Sponville, le Mythe dâIcare.
« Mords â Chien â et nul ne te mordra.
Emporte le morceau â Hurrah ! â
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
â Pur ton sang ! pur ton chic sauvage !
â Hurler, nager â
Et, si lâon te fait enragerâŠ
Enrage ! »
Tristan CorbiĂšre,
« à mon chien Pope »,
les Amours jaunes.
Emplois littĂ©raires particuliers : suspension. « Aussi nâai-je cessĂ© de
mâamĂ©liorer, Ă ce point de vue, car je â jâĂ©tais intelligent et vif. »
â Samuel Beckett,
Molloy.
¶
Espace.
La plupart des codes modernes enseignent que les tirets sont
prĂ©cĂ©dĂ©s et suivis dâune espace justifiante. Câest aller vite en besogne.
Avec les tirets dâincise, rien ne devrait interdire de diminuer
sensiblement ces espaces si lâopĂ©ration amĂ©liore la composition, par
exemple en Ă©liminant une coupure en fin de ligne. En outre, les tirets
dâincise sont parfois suivis dâun autre signe de ponctuation (souvent une
272
TIRET
virgule) qui imposera son propre espacement, donc, Ă©ventuellement,
lâabsence dâespace.
Il est indispensable de faire suivre les tirets de dialogue dâune espace
insĂ©cable. Si un nouvel alinĂ©a est crĂ©Ă© Ă chaque changement dâinterlo-
cuteur, lâespace doit ĂȘtre fixe. Si le dialogue est rapportĂ© dans le mĂȘme
alinéa, le tiret (qui symbolise un interlocuteur) ne peut finir une ligne.
=
Lefevre
1883
.
Tirets dâincise,
espaces insécables et débuts de ligne
Ă Typographie, le 2 janvier 1999.
J.-D. Rondinet :
Sur trĂšs petite justif, je tolĂšre [un tiret dâincise ouvrant en fin
de ligne], bien sûr.
Ah ! cher JiDĂ©, que ceci est juste et arrive Ă temps (ou trop tĂŽtâŠ). Je
mâapprĂȘtais Ă rĂ©diger un message vengeur dans lequel jâaurais dit tout le mal
que je pense de lâinsĂ©cabilitĂ© systĂ©matique des espaces internes des tirets
dâincise ! Rien de tel pour crĂ©er de faux problĂšmes dans les justifs Ă©troites et
mĂȘme⊠moyennes !
On disserte sur les microns de lâalignement vertical mais on nâhĂ©siterait pas
à « figer » la compo sur une longueur valant au bas mot
plusieurs
cadratins (eh
oui ! tiret + espace + mot bref ou portion de mot sécable + éventuelle div !) ?
Cas « typique » :
â joyau !⊠â
En cas de besoin pressant, quâest-ce qui est sĂ©cable ?
Pour moi, pas dâhĂ©sitation⊠les deux espaces internes des tirets (et
Ă©videmment⊠les deux espaces externesâŠ) !
Dâaccord pour brider les minables tirets sur demi-cadratin, mais pas les vrais
tirets ! Ils sont suffisamment forts pour remplir clairement leur office oĂč quâils
se trouvent. Accordons-leur un peu dâautonomie. Sauf, bien sĂ»r, dans quelques
cas particuliers, à commencer par celui que tu as mentionné. Bref, une fois de
plus, câest l
âI.N.
qui est dans le vrai en « préconisant » des espaces sécables,
mĂȘme si ce vrai est un peu partiel⊠Impossible, ici encore, dâĂ©noncer une
« rÚgle tout-terrain » qui satisfasse les néophytes et les amateurs de néofitness.
PrĂ©fĂ©rons la vraie finesse. InsĂ©cabilitĂ© tant que câest possible⊠mais oublions-
la dĂšs quâelle risque de foutre le bordel et que la sĂ©cabilitĂ© nâengendre pas
dâhorreurâŠ
273
TIRET
Site Web de Jean-Pierre Lacroux.
Ici, pas moyen de faire la différence entre un quart de cadratin et une
espace-mot.
Jamais de quart de cadratin avec les tirets. Espace justifiante.
Du moment quâelles sont insĂ©cables.
Câest un peu plus compliquĂ© que ça. Pour faire simple, retenons le seul tiret
dâincise fermant. Il est Ă©vident que lâespace doit ĂȘtre rendue insĂ©cable devant
la sĂ©quence « â, ».
Lorsque le tiret est isolĂ©, si lâon peut (en « gagnant ») rĂ©cupĂ©rer le tiret
fermant en fin de ligne, tant mieux, mais il ne faut pas quâune insĂ©cabilitĂ©
forcĂ©e ruine lâespacement. Supposez que le dernier terme de lâincise soit lui
aussi insĂ©cableâŠ
Oui, je comprends bien ce que vous dites. Mais, dites-moi, une espace
justifiante insĂ©cable nâa-t-elle pas la mĂȘme valeur quâune espace sĂ©cable ?
ThĂ©oriquement, oui⊠par dĂ©finition. Dans les faits, non⊠car lâespace insĂ©-
cable rĂ©ellement justifiante nâest pas disponible en tout lieu. Une espace
sécable est nécessairement justifiante. Théoriquement et dans les faits.
Lâinverse nâest pas thĂ©oriquement vrai (une justifiante nâest pas nĂ©cessai-
rement sĂ©cableâŠ), pourtant, nombreux sont ceux qui font comme si⊠y
compris certains concepteurs de logiciels, dâoĂč quelques petits problĂšmesâŠ
Mettons-nous bien dâaccord, si ces problĂšmes techniques nâexistaient
pas, les espaces Ă lâintĂ©rieur des tirets longs sont justifiantes et devraient ĂȘtre
insécables. Non ?
Oui et non⊠disons, de prĂ©fĂ©rence, ou pas systĂ©matiquement. (Câest
lâ« aveugle automatisation de lâinsĂ©cabilitĂ© » que je contestais ici !) Jâai donnĂ©
lâexemple dâun tiret dâincise fermant prĂ©cĂ©dĂ© dâun mot (ou dâun groupe de
signes) lui-mĂȘme insĂ©cable. Dans de tels cas, si vous maintenez les deux
« insécabilités », vous pouvez engendrer des horreurs. Si les belles composi-
tions pouvaient ĂȘtre obtenues en respectant toutes les contraintes conven-
tionnelles et sans avoir Ă effectuer des choix, la vie serait plus facileâŠ
Supposons cette fin dâincise :
tuyaux â
Si besoin est, et sâil est impossible de remanier en amont, de gagner ou de
perdre suffisamment, il ne faut pas hésiter à envoyer le tiret en début de ligne
suivante. Mais pas toujours⊠Par exemple, si le problÚme se pose en fin de
premiĂšre ligne dâalinĂ©a (et câest lĂ quâil peut se poser avec force : impossible
de gagner ou de perdre beaucoupâŠ), il nâest pas recommandĂ© dâenvoyer un
tiret cadratinĂ© en dessous dâun retrait dâalinĂ©a, en gĂ©nĂ©ral proche du cadratinâŠ
Effet garantiâŠ
274
TIRET
Maintenant, supposons ceci :
tuyaux â,
moyens [âŠ]
ProblĂšme encore plus difficileâŠ
Je comprends bien toutes ces difficultĂ©s et je sais quâil faut jouer parfois
avec lâinterlettrage. Un peu.
En dernier recours, et Ă peine. Avant, il faut jouer avec la division des mots. La
P.A.O. (et avant elle la photocompo et le phototitrage) autorise des manĆuvres
jadis impossibles (entre autres, la rĂ©duction de lâinterlettrageâŠ), câest trĂšs
bien, il ne faut surtout pas sâen plaindre ! mais elle ne doit pas faire oublier les
prioritĂ©s. [âŠ]
Câest ça que vous appelez « gagner » ?
Oui, enfin⊠pas exactement. « Gagner », câest faire remonter des signes en
amont, quel que soit le procĂ©dĂ© employĂ©, et il y en a plusieurs. « Perdre », câest
bien entendu le contraire.
Tirets et ponctuation
Ă Typographie, le 7 janvier 1999.
J. Tombeur :
En tout cas, mĂȘme en me replongeant dans divers codes, je
nâai jamais rĂ©ussi Ă comprendre dans quel cas la virgule sâimposerait aprĂšs
le second tiret.
Exemple 1 :
bla bla ba â bla bla bla bla bla bla â bla bla, etc.
Exemple 2 :
bla bla ba â bla bla bla bla bla bla â, bla bla, etc.
(soit : tiret
+ virgule)
Je vais te dire comment jâai compris la chose et comment je pratique (car
dâautres, jadis et naguĂšre ont suivi dâautres voiesâŠ).
Câest trĂšs simple (mais on a le droit de faire plus compliquĂ©âŠ). Si les tirets
dâincise interviennent dans une « phrase sans virgule », on nâen ajoute pas
une⊠Sâils sâinsĂšrent dans une « phrase avec virgule », on ne fait pas sauter
celle-ci. Exemples :
Ce prĂ©sident â pas le camembert, lâautre â mâĂ©nerve un maximum.
Ce mec, au premier rang sur la photo â oui, le connard â, mâagace prodi-
gieusement.
Ă Typographie, le 26 avril 2001.
J. André :
Je dois avouer que, quand je joue les correcteurs, je mâĂ©nerve et
peste contre les auteurs qui Ă©crivent des trucs du type :
xxx â yyyy
â
, etc.
, car
Ă 99
% des cas la virgule est complĂštement inutile, voire nuisibleâŠ
275
TIRET
Oui⊠mais elle est obligatoire avant « etc. » ! Sâil y a quelque chose Ă
Ă©liminer, ce nâest certainement pas elle.
J. André :
Idem
en fin de phrase oĂč je considĂšre quâen gĂ©nĂ©ral
â xxx â.
est une faute (le dernier tiret Ă©tant inutile).
Pourquoi « en gĂ©nĂ©ral » ? Câest une faute en toutes circonstancesâŠ
à F.L.L.F., le 14 août 2001.
G. Deliége :
Lorsque lâon se sert de tirets Ă la maniĂšre de parenthĂšses et que
la phrase se termine, doit-on dâabord clore par un tiret final avant le pointâŠ
Non.
G. Deliége :
⊠ou faut-il seulement mettre un point ?
Pas nĂ©cessairement « un point » â qui nâest pas le seul signe de ponctuation
de fin de phrase !âŠ
Ă F.L.L.F., le 4 juin 2002.
L. Bentz :
Il disparaĂźt devant une ponctuation « forte » : point-virgule, âŠ
AĂŻe⊠Drillon le prĂ©tend, mais câest fauxâŠ
L. Bentz :
⊠point dâinterrogation, point dâexclamation final, point tout court.
Oui, sauf que « final » devrait ĂȘtre au pluriel⊠car un point dâinterrogation
nâest pas nĂ©cessairement final â non ? â et sâil ne lâest pas, rien nâinterdit
quâun tiret le suive.
Tirets sur demi-cadratin
à F.L.L.F., les 21 et 22 août 2000.
D. Liégeois :
Jâai appris par hasard que les appellations anglaises
em dash
et
en dash
, dont je me suis longtemps demandĂ© ce quâelles signifiaient,
désignent en fait des tirets dont la longueur est respectivement égale,
typographiquement, aux combinaisons « em » et « en », tout simplement.
Non⊠Essayez de mettre deux « en » dans la largeur dâun « em » ! Quelle que
soit la police, vous nây parviendrez pas. [âŠ]
En fait, câest encore plus simple et beaucoup plus prĂ©cis :
â
em
: cadratin (carré dont le cÎté est égal à la force du corps) ;
â
en
: demi-cadratin ;
â
em dash
: tiret sur cadratin ;
â
en dash
: tiret sur demi-cadratin.
J. André :
Alors quâon utilisait autrefois le tiret sur cadratin pour les in-
cises, etc., on a tendance aujourdâhui Ă nâutiliser que le demi-cadratin (câest
ce que fait lâ
I.N.
par exemple).
276
TIRET
Lâ
HyĂšne
a bien tort (dâautant quâelle y va sournoisement⊠on en a discutĂ©
ailleursâŠ). Câest une mode funeste ! qui ne se justifie que dans les justifi-
cations trÚs étroites⊠donc, surtout dans la presse.
Ă Typographie, le 7 janvier 1999.
J. Fontaine :
Acceptez-vous la distribution des rĂŽles que MĂ©ron donne
aux diffĂ©rents types de traits et tirets ? [N. D. Ă. : Selon J. Tombeur, Jean MĂ©ron
distingue les tirets demi-cadratinĂ©s, quâil rĂ©serve aux incises, et les tirets cadra-
tinĂ©s, quâil rĂ©serve aux listes et aux dialogues.]
Non⊠[âŠ] Plus le trait est graphiquement faible, plus le lien sĂ©mantique est
fort. Oublier cela et « hiĂ©rarchiser » les tirets dâincise et dâappel, câest introduire
un surcodage non seulement arbitraire (câest une Ă©vidence) mais « contre-
sensique »âŠ
Je ne comprends dâailleurs pas ce que peut signifier ce membre de phrase :
« [âŠ] et de rĂ©server lâusage du tiret demi-cadratinĂ© aux signes dâinsertion, en
remplacement des parenthĂšses et de la virgule. » Ăa vous arrive souvent dâavoir
à « remplacer » des parenthÚses et une virgule par des tirets ? à moi, jamais.
Oubliez la mesquinerie, câĂ©tait pour rester dans lâesprit, jâai eu tort, je reviens
au fond de lâaffaire : les tirets, les parenthĂšses et les virgules ne sont pas des
signes « interchangeables », ils jouent des rÎles précis, précieux et plus ou
moins codifiĂ©s. PlutĂŽt que dâinventer de nouvelles distinctions et de nouveaux
codes graphiques, on ferait mieux dâessayer de comprendre sereinement ceux
qui sont en activitĂ©. Enfin, câest mon avisâŠ
En revanche, dans les compositions « normales », je suis partisan (ça
nâengage Ă rien⊠dâautant que câest dĂ©jĂ pratiquĂ©) dâun occasionnel et lĂ©ger
(et non strictement « réglementé ») surcodage faisant du tiret sur demi-
cadratin un « trait dâunion faible » (on en a dĂ©jĂ parlĂ©, Ă propos des « associa-
tions » de mots composés). Non réglementé⊠car, exceptionnellement, dans
les justifications trĂšs Ă©troites, je ne vois pas pourquoi on se priverait du tiret
sur demi-cadratin comme remplaçant systématique du tiret cadratiné (et, dÚs
lors, la hiérarchie fine⊠à la poubelle).
On me dira que cette position est encore plus contresensique (et d*****)
que celle de M
r
MĂ©ron⊠puisquâelle attribue au tiret sur demi-cadratin deux
rĂŽles totalement diffĂ©rents, voire antagonistes. I know, mais primo⊠câest pas
Ă©tabli⊠deuzio, câest tactique.
Primo, ces deux rĂŽles nâinterviennent jamais dans les mĂȘmes justifications
(et rarement dans les mĂȘmes compos). Faut tenir compte des valeurs (rela-
tives) prĂ©sentes en un lieu donné⊠les seules qui comptent vraimentâŠ
Deuzio, refuser dogmatiquement, et en toutes circonstances, le recours
au tiret sur demi-cadratin comme remplaçant systématique du tiret cadratiné
277
TIRET
câest ne pas tenir compte du rĂ©el. Câest donc, Ă plus ou moins long terme,
condamner le tiret cadratinĂ© Ă nâĂȘtre plus quâun artifice pour typomanes. Ce
serait trĂšs con. Du moins Ă mon sens⊠car jâadore (bĂȘtement) les vrais tiretsâŠ
Pour résumer, le tiret sur demi-cadratin porte un nom un peu trompeur.
Câest en « principe » (histoire dâen placer un) un trait dâunion faible⊠et excep-
tionnellement un ersatz rabougri du vrai tiret. Cela dit, cela ne me gĂȘne nul-
lement quâici ou lĂ on lui attribue tous les rĂŽles imaginables⊠Pour ĂȘtre com-
plet, ça ne me gĂȘnerait pas Ă©normĂ©ment si lâon ne lâemployait jamais, on a
vĂ©cu sans lui pas mal de temps⊠mais je trouverais quand mĂȘme idiot de se
priver dâun signe qui peut avoir une utilitĂ© (mĂȘme limitĂ©e). Sâagit simplement
de pas lui en demander tropâŠ
Titre de civilité fi Madame, mademoiselle, monsieur,
Titre honorifique, Titre religieux
Titre de départ fi
Faux titre.
Reprise du titre (parfois abrĂ©gĂ©) dâun ouvrage en tĂȘte de la
premiĂšre page du texte courant.
Titre dâĆuvre fi
Bible, Bibliographie, Code, Index, Italique, Livre
sacré, Majuscule, Musique.
Les titres dâĆuvres sont doublement « balisĂ©s » : par lâitalique (ou
les guillemets) et par les capitales. Celles-ci ne sont pas destinĂ©es Ă
marquer le dĂ©but (parfois fluctuantâŠ) dâun titre : câest le rĂŽle de lâi-
talique que dâindiquer clairement ce qui appartient au titre ; câest lui
qui permet de savoir oĂč commence et oĂč finit le titreâŠ
Il est redondant dâutiliser uniquement les capitales pour remplir le
mĂȘme o
â
ce. Redondant et néfaste, car on fait ainsi perdre son véri-
table emploi Ă la premiĂšre capitale : indiquer fermement (sans passage
e
â
arant dâun mot Ă lâautreâŠ) la place du titre dans un classement
alphabétique.
âąâąâą
Italique.
Les titres dâĆuvres citĂ©s se composent en italique, quelle que
soit leur situation (texte courant, bibliographie, index, etc.), leur
278
TIRET
TITRE DâĆUVRE
forme (complÚte ou tronquée, exacte ou approximative), la nature de
lâĆuvre (littĂ©raire, picturale, musicale, cinĂ©matographique, etc.).
Bachelard (Gaston), la PoĂ©tique de lâespace, Presses universitaires
de France, Paris,
1957
.
« Il adore
la PoĂ©tique de lâespace, la Vue de Delft et Carmen. »
« Personne mâa pardonnĂ© le Voyage⊠depuis le Voyage mon compte
est bon !⊠» â Louis-Ferdinand CĂ©line, Dâun chĂąteau lâautre.
« Le livre qui compta le plus pour nous cette année, ce fut
Voyage au
bout de la nuit de CĂ©line. » â Simone de Beauvoir, la Force de lâĂąge.
« Dâabord, on causa des choses du jour, entre autres du Stabat de
Rossini [âŠ]. » â Gustave Flaubert, lâĂducation sentimentale.
« Un aveugle jouait
lâInternationale, sa sĂ©bile devant lui. » â AndrĂ©
Malraux, lâEspoir.
â
Gouriou
1990
(italique : titre réel), Impr. nat.
1990
(marque de
lâauthenticitĂ©).
Les titres non traduits obĂ©issent Ă la mĂȘme rĂšgle : pendant quâil lit le
dernier chapitre de
Chosen Country, elle Ă©coute Das Lied von der Erde.
Exceptions.
âą
Sont composĂ©es en romain et guillemetĂ©es les parties dâun
ouvrage : chapitres, nouvelles, poĂšmes, contributions, articles, etc. : je
crois que « Bénédiction » est le premier poÚme des
Fleurs du mal.
âąâą
Hors des références, on compose en italique si le titre du recueil
nâest pas citĂ© conjointement : il prĂ©fĂšre
Une charogne Ă lâAlbatros.
=
Code typ.
1993
.
âąâąâą
Noms français ou francisés des livres sacrés des religions mono-
théistes : la Bible (une bible du xiv
e
siĂšcle), le Coran (un coran
brochĂ©), la Torah, la GenĂšse, le DeutĂ©ronome, lâĂvangile selon saint
Matthieu, etc. (mais :
Rigveda, Agama, etc.). Voir : Bible, Livre sacré.
âąâąâą
Codes : le Code pénal, le Code Napoléon, etc. Les subdivisions
se mettent en italique : Code civil, De la prescription. Voir : Code.
âąâąâą
Dans le corps du texte, il convient dâĂȘtre trĂšs attentif au premier
dĂ©terminant : sâil nâappartient pas au titre, sâil est modifiĂ© (contraction,
substitution) ou dĂ©placĂ©, il doit ĂȘtre composĂ© en romain.
279
TITRE DâĆUVRE
Exemples. â Les ChĂątiments * et les MisĂ©rables sont ses livres de
chevet ; il a lu cent fois le dernier chapitre des
Misérables ; son opéra
favori est le Barbier de SĂ©ville ; il adore le sublime Barbier de SĂ©ville.
Devant un titre tronquĂ© ou approximatif, lâarticle est toujours
composĂ© en romain : il ne se lasse pas dâĂ©couter le
Barbier.
â âąâą
Un titre approximatif ou tronquĂ© peut toutefois ĂȘtre prĂ©cĂ©dĂ©
dâun article en italique dans certaines citations (expressions dâun tiers
rapportées fidÚlement ou avec ironie) : « M
me
Verdurin [âŠ] tenait la
Ronde pour le plus grand chef-dâĆuvre de lâunivers avec la NeuviĂšme et
la Samothrace. » â Marcel Proust, Du cĂŽtĂ© de chez Swann.
âąâąâą
Dans un texte en italique, les titres dâĆuvres se composent en
romain :
Pascal nâa jamais lu les Provinciales de Giraudoux.
âąâąâą
Il convient de ne pas confondre le titre et le sujet des Ćuvres
(singuliĂšrement dans les arts plastiques). Les thĂšmes et les genres se
composent en romain : les mendiants de Callot, les
Caprices de Callot.
±
Traditionnellement, certains thĂšmes religieux prennent la
majuscule : une Crucifixion, une Vierge Ă lâEnfant. On accorde lâita-
lique Ă quelques grandes Ćuvres :
â
la PietĂ de Saint-Pierre est la plus
célÚbre des Pietà de Michel-Ange.
En revanche, il est inutile (et souvent prĂ©somptueux) dâĂ©tablir une
distinction graphique entre les titres dus aux crĂ©ateurs des Ćuvres et
ceux qui ont été attribués ou modifiés (parfois à plusieurs reprises)
par la postĂ©ritĂ©. Lâexemple classique est
la Sortie du capitaine Frans
Banning Cocq et de son lieutenant Willem van Ruytenburch devenue
â
la Ronde de nuit Ă cause de lâencrassement malencontreux de la toile.
âąâąâą
Attention ! Lorsquâun mot ou un groupe de mots a une forme
identique Ă celle dâun titre, sans dĂ©signer explicitement lâĆuvre, il ne
mĂ©rite pas lâitalique : il ignore les prĂ©noms des frĂšres Karamazov ; ce
gamin est aussi agaçant que le petit prince de Saint-Exupéry ; vous me
faites furieusement songer Ă madame Bovary.
280
TITRE DâĆUVRE
* Titre de la premiĂšre Ă©dition : Victor Hugo rajoutera lâarticle (les ChĂątiments) dans
lâĂ©dition de
1870
(N. D. Ă.).
âąâąâą
Majuscules et minuscules.
Article défini :
lâAprĂšs-Midi dâun faune (StĂ©phane MallarmĂ©)
les Beaux Quartiers (Louis Aragon)
le Chef-dâĆuvre inconnu (HonorĂ© de Balzac)
les Chevaliers de la Table ronde (cycle romanesque du xiii
e
siĂšcle)
le Feu (Henri Barbusse)
le Génie du christianisme (François René de Chateaubriand)
le Journal dâun curĂ© de campagne (Georges Bernanos)
les Provinciales (Blaise Pascal)
le Temps retrouvé (Marcel Proust)
le Vice puni, ou Cartouche (Nicolas de Grandval)
Article indéfini :
De lâamour (Stendhal)
De la démocratie en Amérique (Alexis de Tocqueville)
De lâesprit des lois (Charles de Montesquieu)
De la religion considérée dans sa source, ses formes et son développement
(Benjamin Constant)
Des souris et des hommes (John Steinbeck)
Du cÎté de chez Swann (Marcel Proust)
Du pape (Joseph de Maistre)
Un beau ténébreux (Julien Gracq)
Un chapeau de paille dâItalie (EugĂšne Labiche)
Un cĆur simple (Gustave Flaubert)
Une saison en enfer (Arthur Rimbaud)
Une ténébreuse a
â
aire (Honoré de Balzac)
Une vie (Guy de Maupassant)
Phrase ou fragment de phrase :
Comme il vous plaira (William Shakespeare)
Jâirai cracher sur vos tombes (Boris Vian)
On ne badine pas avec lâamour (Alfred de Musset)
281
TITRE DâĆUVRE
Titre double :
la Belle et la BĂȘte (Jean Cocteau)
Bien Avisé et Mal Avisé (farce anonyme de
1439
)
Contes moraux et Nouvelles Idylles (Denis Diderot)
Crime et ChĂątiment (Fiodor DostoĂŻevski)
Défense et Illustration de la langue française (Joachim Du Bellay)
Ămaux et CamĂ©es (ThĂ©ophile Gauthier)
Ămile ou De lâĂ©ducation (Jean-Jacques Rousseau)
la Pesanteur et la GrĂące (Simone Weil)
le Rouge et le Noir (Stendhal)
Substantif suivi dâun verbe relatif :
lâAnglais tel quâon le parle (Tristan Bernard)
Chi
â
res et nombres :
Ali-Baba et les Quarante Voleurs (conte des Mille et Une Nuits,
dans la traduction dâAntoine Galland)
les Deux Amis (Jean de La Fontaine)
les Quatre Vents de lâesprit (Victor Hugo)
â
Quatrevingt-treize (Victor Hugo)
Trois Contes (Gustave Flaubert)
Un de Baumugnes (Jean Giono)
Vingt Mille Lieues sous les mers (Jules Verne)
â
Ăvidence :
lâĂne Culotte (Henri Bosco)
Boule de Suif (Guy de Maupassant)
Alice au pays des merveilles (Lewis Carroll)
Angelo, tyran de Padoue (Victor Hugo)
Barbe-Bleue (Charles Perrault)
Bel-Ami (Guy de Maupassant)
Chansons des rues et des bois (Victor Hugo)
Connaissance de lâEst (Paul Claudel)
282
TITRE DâĆUVRE
la Critique de lâĂcole des femmes (MoliĂšre)
Dialogue sur lâĂ©loquence en gĂ©nĂ©ral et sur celle de la chaire en particulier
(François de Fénelon)
Dictionnaire des idées reçues (Gustave Flaubert)
Discours de la méthode (René Descartes)
Discours sur lâorigine et les fondements de lâinĂ©galitĂ© parmi les hommes
(Jean-Jacques Rousseau)
Double Assassinat dans la rue Morgue (Edgar Allan Poe)
Entretiens sur la pluralité des mondes (Bernard de Fontenelle)
Esquisse dâun tableau historique des progrĂšs de lâesprit humain
(Marie Jean Antoine Nicolas de Condorcet)
Essais (Michel de Montaigne)
Essai sur lâindi
â
Ă©rence en matiĂšre de religion
(Robert Félicité de Lamennais)
Histoire des origines du christianisme (Ernest Renan)
Introduction à la vie dévote (saint François de Sales)
Jacques le Fataliste (Denis Diderot)
Lettre à la noblesse française au moment de sa rentrée en France
(Antoine de Rivarol)
Lettres persanes (Charles de Montesquieu)
MĂ©moires secrets pour servir Ă lâhistoire de la rĂ©publique des lettres en
France depuis
1762
jusquâĂ nos jours... (Louis Petit de Bachaumont)
le MystĂšre des saints Innocents (Charles PĂ©guy)
Napoléon le Petit (Victor Hugo)
Nouvelles genevoises (Rodolphe Töpffer)
Pensées, maximes et anecdotes
(
Sacha Guitry)
Pot-Bouille (Ămile Zola)
Présentation de la Beauce à Notre-Dame de Chartres (Charles Péguy)
Provinciales (Jean Giraudoux)
Prométhée enchaßné (Eschyle)
le Prométhée mal enchaßné (André Gide)
Remarques sur la langue française (Claude de Vaugelas)
TraitĂ© des passions de lâĂąme (RenĂ© Descartes)
283
TITRE DâĆUVRE
Lâemploi des capitales dans les titres
Ă France-Langue, du 28 mars au 3 avril 1997.
Berlol :
Ă propos des lettres capitales dans les titres dâouvrages, jâai appris,
dans le trĂšs officiel cours de bibliographie de D.E.A. que jâai suivi Ă Paris III,
que lâon mettait une majuscule au premier mot dâun titre, ainsi quâau premier
substantif quand il nâĂ©tait pas le premier mot (ainsi quâaux noms propres, bien
entendu) â et câest tout ! Quelquâun peut-il nous confirmer cette rĂšgle ?
Oh ! non⊠je ne confirmerai pas cette « rĂšgle »⊠qui nâexiste que dans le
chef de ceux qui cherchent à se faciliter la vie aux dépens de leurs éventuels
lecteurs. Câest un peu plus compliquĂ© que cela (pour les scripteurs, mais aprĂšs
tout, ils sont gĂ©nĂ©ralement payĂ©sâŠ) et plus clair (pour les lecteurs, qui paient,
le plus souvent).
Voici quelques titres écrits selon la tradition typographique française (titres
placĂ©s au sein dâune phrase) :
La guerre de Troie nâaura pas lieu
,
le Rouge et
le Noir
,
les Beaux Quartiers
,
Du cÎté de chez Swann
,
Une saison en enfer
.
Cette « rĂšgle », si on lâappliquait, engendrerait :
La Guerre de Troie nâaura pas
lieu
,
Le Rouge et le noir
,
Les beaux Quartiers
,
Du CÎté de chez Swann
,
Une
Saison en enfer
âŠ
Berlol :
Les exemples donnés ci-dessus me paraissent pertinents mais je ne
saisis pas la rÚgle. Pourquoi le « Noir » avec majuscule :
le Rouge et le Noir
;
pourquoi « guerre » sans majuscule :
La guerre de Troie
⊠?
Que M. Lacroux se rassure, je ne cherche pas la facilité. Mais une expli-
cation du type : « La tradition veut que⊠» ne me paraßt pas satisfaisante.
Ce nâest pas parce que la rĂšgle est traditionnelle quâil faut la respecter,
câest parce que la tradition est dans ce cas prĂ©cis trĂšs pertinente quâelle doit
(devrait ?) demeurer la rĂšgle⊠Sous ce vilain mot â « la tradition » â se cache
la rĂ©flexion de plusieurs gĂ©nĂ©rations de typographes qui nâont pas concoctĂ©
uniquement des inepties (je vous rassure, il y en a quelques-unes dans
lâhĂ©ritage typographiqueâŠ).
Je me bornerai à apporter quelques détails complémentaires à propos des
titres du type « phrase verbale ». Câest le seul cas oĂč un titre commençant par
un article défini prend la majuscule initiale à cet article défini (et aux éventuels
noms propres).
Pourquoi ? Outre lâargument principal donnĂ© par B. Dupriez (lâessentiel
nâest pas contenu dans le substantif), il en existe dâautres, qui lui sont liĂ©s. Ils
découlent presque tous de ce fait : dans les phrases verbales, il est trÚs diffi-
cile de modifier (contracter), remplacer ou Ă©liminer lâarticle dĂ©fini initialâŠ
Autant lui foutre la paix, le maintenir en toutes circonstances et, par consé-
quent, lui accorder la majuscule initiale. Ce « par consĂ©quent » nâest pas sans
consĂ©quence. La premiĂšre capitale initiale nâa pas pour vĂ©ritable vocation
284
TITRE DâĆUVRE
dâindiquer le dĂ©but du titre â câest le rĂŽle de lâitalique ou, si celui-ci nâest pas
envisageable (polices manuaires, scriptes, fractures, etc.), des guillemets â, elle
détermine le classement alphabétique (indexation). Digression⊠: voilà pour-
quoi les graphies (qui se rĂ©pandent aujourdâhui) comme
Le malade imaginaire
sont ridicules et dangereuses. Ă moins de vouloir classer les innombrables
titres commençant par un article dĂ©fini à « L »⊠à moins de prendre plaisir Ă
perturber le lecteur en lui offrant successivement «
Le malade imaginaire
est
une piĂšce de MoliĂšre » et « MoliĂšre est lâauteur du
Malade imaginaire
».
Revenons Ă nos phrases verbales.
Premier point : dans ces occurrences, la contraction de lâarticle dĂ©fini (mas-
culin singulier, masculin et féminin pluriel) est théoriquement impossible. Si
rien nâinterdit de dire ou dâĂ©crire que Courteline est lâauteur du (de « le »)
Train
de 8 heures 47
, il est un peu choquant dâaffirmer que Fred Zinnemann est
le réalisateur du (de « le »)
[T]rain sifflera trois fois
, ou que Hemingway est
lâauteur du
[S]oleil se lĂšve aussi
(Ă lire Ă haute voix, mĂȘme si le sujet semble
en apparence uniquement typographiqueâŠ). Aujourdâhui, personne ne se
soucie de ces futilitĂ©s. Laissons tomberâŠ
Second point (mon favori) : dans les titres commençant par un article défini
mais qui ne sont pas des phrases verbales, il est possible dâintercaler un quali-
ficatif de son cru entre lâarticle (qui dĂšs lors nâappartiendra plus au titreâŠ) et
le premier substantif (exemple :
le Barbier de SĂ©ville
, le sublime
Barbier de
SĂ©ville
) ; cela est trÚs déconseillé dans les titres du type phrase verbale
(« lâinoubliable
[T]rain sifflera trois fois
» est simplement grotesque). Dans
le premier cas, lâarticle dĂ©fini appartient au titre mais il peut en ĂȘtre dĂ©tachĂ©,
il peut lui devenir Ă©tranger, il peut ĂȘtre contractĂ©, remplacĂ© par un dĂ©mons-
tratif, un possessif⊠Dans le second cas, lâarticle est un constituant essentiel
du titre : on ne peut lâĂ©liminer sans dommage. (« Sa
RĂšgle du jeu
est un chef-
dâĆuvre. » Mais peut-on Ă©crire, sans intention comique : « Ce
PÚre Noël est une
ordure
nâest pas terrible » ?)
Remarque.
â Nâentrent Ă©videmment pas dans la catĂ©gorie des phrases ver-
bales les titres du type « article défini + substantif + relative » (
lâEspion qui
venait du froid
), dans lesquelles le substantif demeure lâĂ©lĂ©ment principal, le
noyau, pour reprendre le terme de B. Dupriez.
Ă France-Langue, le 14 novembre 1997.
B. Dupriez
: La majuscule Ă lâadjectif qui prĂ©cĂšde le nom introduit par
lâarticle dĂ©fini dans les titres :
le Vieil Homme et la Mer
⊠Est-ce que câest tous
les adjectifs (y compris les numéraux et les indéfinis :
les Quatre Cents Coups
,
les Quelques Remarques
) ou bien les seuls qualificatifs ?
Tous les adjectifs⊠et pas quâeux ! Les adverbes aussi ! Donc, tout ce
qui peut Ă©ventuellement se trouver entre lâarticle dĂ©fini et le substantif quâil
285
TITRE DâĆUVRE
détermine :
les Deux Orphelines
,
les Trois Mousquetaires
,
les TrĂšs Riches
Heures du duc de Berry
.
Pourquoi ? Câest toujours la mĂȘme histoire⊠Lâarticle dĂ©fini initial peut ĂȘtre
contracté, voire éliminé. Alors, pour éviter de donner le tournis au lecteur, il est
sage dâaccorder une cap Ă tout ce qui se situe entre lui et le substantif quâil
dĂ©termine. Nos anciens typographes nâĂ©taient pas idiots !
à Typographie, du 15 au 26 février 1998.
P. Cazaux :
Les autres rÚgles sont trÚs compliquées.
Non, non⊠elles ne sont pas compliquĂ©esâŠ
Dâailleurs, lâessentiel nâest pas lĂ . Quand bien mĂȘme elles seraient « com-
pliquées », elles ne le seraient que pour le scripteur ou son éventuel correcteur
(il nâest pas absurde de considĂ©rer quâil sâagit de professionnels). Leur
immense mĂ©rite est quâelles facilitent la vie du lecteur, par exemple grĂące Ă
leur parfaite cohĂ©rence avec lâindexation.
La prétendue « rÚgle simplifiée » est une foutaise adoptée avec enthou-
siasme par les scripteurs nonchalants et, plus grave, oublieux des lecteurs.
Mettez-la en Ćuvre : vous aboutirez Ă des complications effectives pour le
lecteur (capitales alternativesâŠ).
J. Fontaine :
Elle a publié son livre
le Français que jâaime
chez Machin.
Vicieux, je vous disâŠ
Sâagissant de jauger une rĂšgle relative Ă lâemploi des caps, le vice rĂ©side
surtout dans le fait de choisir un des rares exemples oĂč substantif (gentilĂ©) et
adjectif (langue) se distinguent par la casse de la seule initialeâŠ
Le vice consiste Ă©galement Ă choisir un exemple qui ne peut ĂȘtre correc-
tement traitĂ© que si lâon a compris la diffĂ©rence entre un titre « phrase ver-
bale » (
Le Français se lÚve assez leste
,
Le français sâĂ©pelle aussi
) et un titre
« substantif + relative » (
le Français qui en savait trop
,
le Français tel quâon le
parle
)âŠ
Le vice est de croire quâune ambiguĂŻtĂ© (de toute façon inĂ©vitable Ă lâoralâŠ)
a priori voulue par lâauteur (sinon⊠le titre est mal choisiâŠ) devrait ĂȘtre levĂ©e
par un artifice typographiqueâŠ
Aucune rĂšgle nâest Ă lâabri dâun tel contre-exemple. Prenons un cas oĂč
aucune divergence nâexiste entre « simplificateurs » et « orthodoxes », oĂč aucune
variante nâest envisageable (sauf le bas de casse intĂ©gralâŠ) :
Français du bout
du monde
.
Que ferons-nous pour lever lâambiguĂŻtĂ© de ce titre ? Rien, surtout rien ! car
elle rĂ©sulte soit de la volontĂ© dâun auteur facĂ©tieux, soit de lâinsouciance dâun
Ă©criveur qui ferait mieux de changer son titreâŠ
286
TITRE DâĆUVRE
G. Perez :
Mais, quand je vois un titre du genre
le Français aujourdâhui
, je me
demande toujours si la rÚgle prévaut. Certes, le contexte peut lever toute
ambiguĂŻtĂ© mais pourquoi la typo des titres ajouterait-elle une ambiguĂŻtĂ© lĂ oĂč
il nây en a pas ?
Si, si, justement, il y en a une⊠et ce nâest pas Ă la typo de la lever (voir ma
réponse à Jean Fontaine).
G. Perez :
Quant au fait que les majuscules permettent de retrouver un titre
plus facilement dans lâindex, je ne vois pas. Si on prĂ©cise en dĂ©but dâindex que
les articles ne rentrent pas en compte (par exemple) dans le classement, il nây
a plus de difficultés.
Il nây a plus de difficultĂ©s⊠si dans la foulĂ©e on met Ă©galement Ă mal
les rĂšgles de lâindexation, car, Ă lâexception des articles dĂ©finis non situĂ©s au
dĂ©but dâune phrase verbale,
tous
les articles initiaux sont pris en compte dans
lâindexationâŠ
Du rififi chez les hommes
,
Le cave se rebiffe
,
Une ténébreuse
affaire
,
Zizanie (la)
.
G. Perez :
En effet, avec le systĂšme que jâemploie (capitale unique en dĂ©but
de titre et aux noms propres, bien Ă©videmment, Ă lâintĂ©rieur), il arrive quel-
quefois que lâarticle initial rencontre un « de » et devienne « du ». Ă ce moment-
lĂ , je reporte simplement la majuscule au mot suivant.
Sur le « quelquefois », jâai des doutesâŠ
Moi, jâaurais Ă©crit : trĂšs frĂ©quemmentâŠ
J. Fontaine :
LĂ on ne parle plus de titres dâĆuvres Ă proprement par-
ler, mais de journaux, dont plusieurs codes typos font un cas spécial. Par
exemple, ceux qui préconisent de supprimer les capitales en général font
souvent une exception dans le cas des journaux.
La question est : pourquoi ? Or, ceux qui préconisent ce traitement distinct
se gardent bien dây rĂ©pondre prĂ©cisĂ©mentâŠ
J. Fontaine :
Autre chose, le fait quâon puisse composer Ă peu prĂšs nâimporte
comment le titre en page de couvertureâŠ
Oui⊠câest un fait⊠Reste Ă lâanalyserâŠ
J. Fontaine :
⊠pourrait parfois induire en erreur les « fĂ©tichistes » de lâintĂ©-
grité du titre. Par exemple, la page couverture de la douziÚme édition (de
poche) du
Grevisse
porte comme titre :
le bon usage
, tout en bas de casse,
ce qui va Ă©videmment Ă lâencontre de ce que lâauteur prĂ©conise (pas de ce
quâil prĂ©conise pour les pages de couverture, mais de ce quâil prĂ©conise quand
on cite un titre dans un texte courant).
Le fait en question est en partie dĂ» Ă un autre fait : les titres des couvertures
sont souvent lâĆuvre de graphistes ou de typographistes pour lesquels aucune
287
TITRE DâĆUVRE
entrave mesquine ne saurait entraver la liberté du créateur⊠Nous sommes
ici aux confins de la typographie et déjà sur le terrain peu sûr de la commu-
nication visuelle.
Pour ĂȘtre vraiment mĂ©chant : dans bien des cas, le bas de casse tĂ©mĂ©raire
est le seul Ă©lĂ©ment qui justifie la facture⊠[âŠ]
Le plus ennuyeux dans lâhistoire, câest que les petites audaces graphiques
se répercutent de plus en plus souvent dans les pages de faux titre et de
titre⊠Ăconomie oblige⊠Les jaquettes et les couvertures, on sâen fout, elles
sont conçues pour faire vendre, obéissent aux « lois » et aux modes du genre,
et les jaquettes sont en principe destinées à la poubelle⊠mais les pages de
titre ? Y a dâlâabus !
B. Lombart :
Je crains dâĂȘtre tombĂ©, Ă lâĂ©poque, dans la manie anglaise de
mettre une majuscule Ă tous les substantifs du titre principal (
Petit Diction-
naire Ăclectique des Termes dâEscrime
)⊠Ma question : est-ce, aux yeux des
intervenants de cette liste, un péché mortel ?
Oui !
Mais il vous sera beaucoup pardonnĂ©, car vous avez beaucoup pĂ©chĂ©âŠ
(et pas que sur les substantifs :
Petit Dictionnaire Ă©clectique des termes
dâescrime
). Cela dit, je ne qualifierais pas de « manies » les usages des autresâŠ
G. Perez :
Jâai demandĂ© Ă des personnes censĂ©es consulter les index frĂ©-
quemment de chercher des titres. Elles ont toutes cherché
Du rififi chez les
hommes
(ou titre Ă©quivalent avec
Du
en tĂȘte) Ă
« R »
,
Le cave se rebiffe
Ă
« C »
,
Une ténébreuse affaire
Ă
« T »
, etc. Je sais que ce mini-mini-sondage ne vaut
pas grand-chose, mais bon.
Dâautres sondages vous rĂ©vĂ©leront que certains usagers cherchent La Fon-
taine Ă F et Hyacinthe Ă YâŠ
G. Perez :
Je nâai jamais Ă©crit que je voulais une unique capitale parce que
ça marquerait le dĂ©but du titre. Lâitalique est en effet lĂ pour ça. Je crois avoir
dit que je ne voulais (bien grand mot) pas de capitales lĂ oĂč il nây en a pas
quand le mot nâest pas un titre, câest tout.
Cela aboutit exactement au mĂȘme rĂ©sultatâŠ
G. Perez :
Je ne vois toujours pas lâintĂ©rĂȘt de traĂźner comme un boulet un
titre comme
la Fantastique, Merveilleuse et FĂ©erique Histoire du train
pour une
« simple » (?) question dâindexation.
Vous en traĂźnez beaucoup des titres aussi mauvais ? SincĂšrement, je nâen
crois rienâŠ
Je me rĂ©pĂšte, mais que faites-vous lorsque lâarticle dĂ©fini est remplacĂ© par
un autre dĂ©terminant, par exemple un dĂ©monstratif : « Qui est lâauteur de cette
f(F)antastique [âŠ] h(H)istoire du train
? »
288
TITRE DâĆUVRE
Ă Typographie, le 3 mai 1998.
P. Mergey :
Jusque-lĂ , jâutilisais les guillemets droits pour les textes inclus
(genre nouvelle ou article) et lâitalique pour les ouvrages. Toutefois, un
ami me dit quâil est prĂ©fĂ©rable dâutiliser les caractĂšres gras pour les titres
dâouvrages et lâitalique pour les titres de textes inclus dans ledit ouvrage.
Cet ami ne vous veut pas du bienâŠ
Certes, on peut mettre en gras tout ce que lâon veut, mais il ne faut jamais
oublier deux choses :
â le gras nâest pas une mise en forme orthotypographique⊠câest juste une
mise en Ă©vidence typographique (au sein dâun texte composĂ© dans une
graisse donnée) ;
â par consĂ©quent, aucun emploi * du gras nâest codifié⊠comme nâest pas
codifiĂ© lâusage du maigre ou de lâextra-grasâŠ
Pour les titres dâouvrages, câest bien entendu lâitalique qui sâimpose (si votre
ami considĂšre que cela ne suffit pas, va pour lâitalique gras⊠mais seul
lâitalique « fera sens »⊠et ça risque dâĂȘtre inutilement crade, richaudesque
quoiâŠ) ; pour les titres dâĂ©lĂ©ments dâune Ćuvre (nouvelle, poĂšme, etc.)
ou pour les titres dâarticles, les guillemets (françaisâŠ) sont gĂ©nĂ©ralement **
de rigueur.
Ă France-Langue, le 15 juillet 1998.
T. Peach :
En principe, câest trĂšs simple : voir Grevisse,
le Bon Usage
, § 170 :
« Lorsquâun titre dâouvrage commence avec lâarticle, il est normal de donner
la majuscule au substantif qui suit, mais pas aux autres. Ainsi :
Le Lys dans la
vallée
,
Le Rouge et le noir
, etc. »
Câest simple, oui, mais un peu moins que ça tout de mĂȘmeâŠ
â Article dĂ©fini :
le Lys dans la vallée
,
le Rouge et le Noir
(symétrie),
le Beau
Serge
(adjectif antéposé),
la Symphonie pastorale
(adjectif postposé),
La
guerre de Troie nâaura pas lieu
(phrase verbale).
â Article indĂ©fini :
Une saison en enfer
.
â Article contractĂ© :
Du pape
.
Ă Typographie, le 3 mars 1999.
P. Blart :
Il ne sâagit pas, justement, du titre dâune Ćuvre, mais plutĂŽt de celui
dâun extrait, tirĂ© du roman
le Crime de lâOrient-Express
(effectivement dâAgatha
Christie, bravo !), qui a été titré pour les besoins du matériel didactique.
289
TITRE DâĆUVRE
* Sauf dans quelques sciences plus ou moins duresâŠ
** ⊠car dans certains cas, un peu de souplesse ne peut faire de mal.
Titre de lâĆuvre en ital. Pour le reste, ce nâest pas trĂšs clair : sâagit-il dâun titre
donnĂ© par lâĂ©diteur Ă un extrait du roman dâAgatha C. et composĂ© en tant que
tel dans la page oĂč figure lâextrait ?⊠ou de la premiĂšre phrase de cet extrait
qui servirait occasionnellement de titre dans la phrase que vous citez ? Dans
les deux cas, guillemetsâŠ
Dans le premier cas, on aura : Quel type de chronologie le texte « Une
enquĂȘte pour Poirot » laisse-t-il deviner ? Dans le second : Quel type de
chronologie le texte « Une enquĂȘte pour Poirot [âŠ] » laisse-t-il deviner ?
Ă Langue-Fr., du 17 au 19 novembre 1999.
Cerri :
Sur le point que vous Ă©voquez (majuscules dans les titres de livres,
etc.), je mâen tiens Ă lâexcellente suggestion de Grevisse : « Pour Ă©viter lâarbi-
traire (pourquoi lâarticle dĂ©fini est-il traitĂ© autrement que lâarticle indĂ©fini ?) et
les discordances, lâusage le plus simple et le plus clair est de mettre la majus-
cule au premier mot seulement, quel quâil soit. »
Parler dâarbitraire ici, câest montrer que lâon nâa rien compris, que lâon ne
sâest mĂȘme pas donnĂ© la peine de sâinformer et de rĂ©flĂ©chir un brin⊠Sur ce
terrain, Grevisse (en lâoccurrence, son successeurâŠ) nâa aucune autoritĂ© : il nây
connaĂźt
rien
âŠ
Lâhorrible drame des conventions orthotypographiques est que la plupart
des grammairiens ne lisent pas les typographes⊠et que la plupart des typo-
graphes ignorent les grammairiens⊠et la grammaire. DâoĂč des chapelets de
conneries dans les deux camps.
B. Dupriez :
Mais quâadvient-il si cet ensemble adjectif + nom est un mot
composé ?
Comme dâhabitude, deux Ă©coles, la bonne et la mauvaise⊠Selon la
mienne, deux caps :
le Haut-Mal
,
les Faux-Monnayeurs
⊠Cas identique avec
tous les mots composés :
les Années-LumiÚre
,
Week-End Ă Zuydcoote
âŠ
B. Picard :
Toutefois, Grevisse ajoute que lâon met parfois, dans les titres
un peu longs, seulement une majuscule au premier article :
Les progrĂšs de
la civilisation au
xx
e
siĂšcle
, par exemple.
Cette pratique (Ă mon sens navranteâŠ) est admise dans les ouvrages dits
spécialisés.
Pour simplifier la vie dâauteurs qui ignorent tout ou presque de conventions
motivées, on a introduit des exceptions⊠Mauvaise idée ! Les problÚmes de
lâindexation et de lâĂ©ventuelle contraction se posent ici aussiâŠ
B. Picard :
Certes, mais le problÚme ne disparaßt pas. Remplaçons
la
Liberté
⊠par
Les saumons sautant de la riviĂšre
(célÚbre tableau de Martin
PĂȘcheur) ; cette phrase semble aussi verbale que : « Les saumons sont en train
de sauter »âŠ
290
TITRE DâĆUVRE
Ă mon sens, elle nâa rien de verbal⊠Je la vois exclusivement « nominale ».
Le cas est identique avec les relatives (
lâHomme qui rit
). La relative comme le
participe a une valeur « adjectivale » (qui restreint lâextension du nom).
Prenons votre exemple et imaginons deux titres (le second est une véritable
phrase verbale) :
les Saumons sautant de la riviĂšre
et
Les saumons sautant de
la riviĂšre sont dâintrĂ©pides gĂ©niteurs
. Quel est le problĂšme ? Comme toujours,
lâĂ©ventuelle contraction ou lâintroduction dâun mot aprĂšs lâarticle dĂ©fini.
Dans le premier cas, les deux opérations sont légitimes, coulent de source :
« Martin PĂȘcheur est lâimmortel peintre des
Saumons sautant de la riviĂšre
. »
« Martin PĂȘcheur a peint les cĂ©lĂšbres
Saumons sautant de la riviĂšre
. » Ceux
qui Ă©crivent (Ă la GoosseâŠ)
Les saumons sautant de la riviĂšre
se retrouvent
le nez dans leur petit caca⊠Faut changer de cap⊠Elle passe de lâarticle dĂ©fini
(disparuâŠ) au substantif. Câest le lecteur qui est content ! VoilĂ qui « simplifie »
sa lecture !
Dans le second cas, un soupçon de syntaxe burlesque apparaßt : « Martin
PĂȘcheur est lâimmortel peintre des
Saumons sautant de la riviĂšre sont
dâintrĂ©pides gĂ©niteurs
. » « Martin PĂȘcheur a peint les cĂ©lĂšbres
Saumons sau-
tant de la riviĂšre sont dâintrĂ©pides gĂ©niteurs
. »
Ici, il vaudrait mieux Ă©crire (et direâŠ) : «
Les saumons sautant de la riviĂšre
sont dâintrĂ©pides gĂ©niteurs
est un cĂ©lĂšbre tableau de Martin PĂȘcheur. » [âŠ]
Ah ! mais, ça ne va pas du tout ! me dira-t-on, pas de syntaxe burlesque ici !
Le titre est un machin autonome, indĂ©pendant, Ă lâabri des vĂ©ritables relations
syntaxiques avec le reste de la phrase ! Fort bien⊠mais attention ! lâobjection
est surtout dangereuse pour ceux qui la formulent⊠car, sâil en est ainsi,
comment « justifier » la contraction de lâarticle initial ?âŠ
B. Picard :
Maintenant, au risque de subir le sort de Jeanne dâArc, jâavoue
que lâusage anglais me semble plus simple (tous les mots du titre avec majus-
cules sauf les prépositions et conjonctions
(in, of, andâŠ)
.
Si vous voulez mon avis, elle nâest pas plus simple⊠et elle est anecdotique,
vide de sens⊠Par ailleurs⊠je ne crois pas que les anglophones aient à beau-
coup se soucier de la contraction de leur article dĂ©finiâŠ
Croire que des conventions « locales » sont interchangeables est une erreur
dramatique. Les conventions typographiques ne sont pas toutes arbitrairesâŠ
Elles sont liées à une langue.
Ă Typographie, du 21 au 25 janvier 2000.
O. Randier :
On compose
La Nouvelle HĂ©loĂŻse
âŠ
« On » peut-ĂȘtre⊠mais, moi, je compose
la Nouvelle HĂ©loĂŻse
.
O. Randier :
⊠mais
Un dimanche Ă la campagne
, O.K. ?
Oc, oc.
291
TITRE DâĆUVRE
O. Randier :
Je comprends cette rĂšgle et ses raisons, mais
quid
des car-
dinaux ? Par exemple, je suis tombé sur les titres suivants :
Trois contes
,
Deux cavaliers de lâorage
. Doit-on considérer le cardinal comme un adjectif
précédant le substantif (ou un article défini ?), et donc porter également la cap
sur le substantif suivant ?
Bien sĂ»r que oui ! Tes cardinaux sont des adjectifs numĂ©raux et rien dâautre.
O. Randier :
Nâest-on pas alors en contradiction avec la sĂ©rie initiĂ©e par
lâarticle indĂ©fini, qui est Ă©galement cardinal (de Richelieu) ?
Dans la plupart des titres, non, lâarticle dĂ©fini nâest pas perçu comme un
numéral.
O. Randier :
En bref, est-il logique de composer
Un conte Ă dormir debout
,
mais
Trois Histoires Ă ne pas lire la nuit
? Câest pourtant ce que prĂ©conise ma
correctrice, trĂšs sĂ©rieuse, voire pointilleuse (jâadore) par ailleurs.
Elle a raison⊠Il est vrai que ton premier exemple est particuliÚrement
bien choisiâŠ
O. Randier :
Comment est-il dâusage de composer les titres de sub-
divisions dâĆuvre ? Par exemple,
la Comédie humaine
de Balzac est décou-
pée en scÚnes (« ScÚnes de la vie parisienne », etc.), composées de romans,
parfois dĂ©coupĂ©s eux-mĂȘmes en nouvelles.
Comment distinguer clairement les différents niveaux de cette hiérarchie ?
Pour lâinstant, jâai pris le parti de mettre les titres dâĆuvres en italique, mais
les titres de nouvelles ou de textes extraits dâĆuvres en romain entre guille-
mets. Ăa fonctionne, je pense, mais je suis toujours embĂȘtĂ© avec lâHonorĂ©.
O.K. pour lâitalique pour
la Comédie humaine
, ainsi que pour
le PĂšre Goriot
,
O.K. pour le romain et les guillemets pour « la Cousine Bette », mais mes
« ScĂšnes de la vie parisienne », jâen fais quoi ? Y a-t-il une rĂšgle canonique
claire et fiable pour ce genre de choses ?
Tu simplifies les choses⊠et pourtant tu te compliques la vieâŠ
la Cousine
Bette
appartient aux
Parents Pauvres
⊠qui appartiennent aux
ScĂšnes de la vie
parisienne
⊠qui appartiennent aux
Ătudes de mĆurs
⊠qui appartiennent Ă
la Comédie humaine
âŠ
Fous-moi tout ça en ital (y compris
la Cousine Bette
, qui nâest pas une
nouvelle appartenant Ă un recueil mais un roman Ă part entiĂšre).
Si tu veux Ă tout prix introduire une distinction, plusieurs solutions, dont la
meilleure me semble celle-ci : mets en romain guillemeté le niveau intermé-
diaire le plus important (eh ouiâŠ), câest-Ă -dire « ScĂšnes de la vie parisienne »,
car câest lui qui a les chances de revenir le plus souvent dans ton texteâŠ
J. André :
JâĂ©crirais donc
Lâamour des trois oranges
et
Les trois sĆurs
.
292
TITRE DâĆUVRE
Et quâest-ce que tu fais si tu dois Ă©voquer lâauteur des
Trois sĆurs
?⊠Tu
changes ton fusil dâĂ©paule ?⊠Câest le lecteur qui est content, il adore que les
caps se baladent dâun mot Ă lâautre, ça lâaide Ă comprendreâŠ
J.-D. Rondinet :
Ce qui est bien, quand on ne cherche pas à réinventer la
roue â câest-Ă -dire Ă crĂ©er sa propre thĂ©orie sur tout : les caps, les guillemets,
lŽitalique, cŽest que, quand on a un « trou de mémoire », il suffit dŽouvrir un
ouvrage bien né pour y chercher un conseil :
LÂŽhomme qui rit
ou
lÂŽHomme qui
rit
? Est-ce une « phrase avec verbe » ou pas ? On ouvre le
Larousse
à « Hugo ».
Et hop !
Eh oui⊠et le
Petit Larousse
ne se trompe pas, car
lâHomme qui rit
nâest pas
une phrase verbale : la « relative » qualifie un substantif, câest tout. Ici, lâarticle
est élidé, donc la question ne se pose pas, mais dans les titres de ce type
(article défini [m. s. ou pl., ou f. pl.] + substantif + relative) la contraction
de lâarticle dĂ©fini ne pose aucun problĂšme (mĂȘme chose avec article + sub-
stantif + participe prĂ©sent). Puisque lâarticle peut ĂȘtre modifiĂ© (donc perdre
son statut de premier Ă©lĂ©ment du titre, donc perdre lâital), cap initiale au
substantifâŠ
J. André :
Tu as Ă©crit
la Nouvelle HĂ©loĂŻse
, je dis que ta façon dâĂ©crire est
fausse.
Alors, nombre dâĂ©diteurs sĂ©rieux sont dans lâerreur et la fausseté⊠Il serait
charitable de leur signaler ce faitâŠ
Les malheureux croient encore quâau sein dâune phrase lâarticle dĂ©fini initial
des titres (phrases non verbales) devrait ĂȘtre composĂ© intĂ©gralement en bas
de casse ital. « Jâaime bien
le Cousin Pons
mais je préfÚre
la Cousine Bette
. »
J. André :
Si je me trompe, alors donne-moi des exemples précis.
Tu as lâembarras du choix⊠Puisque tu nâas pas de
Petit Larousse illustré
sous la main (?), prends lâ
Histoire des littératures
de « la Pléiade » en trois
beaux volumes reliĂ©s cuir, lâ
Histoire des littératures de langue française
en
quatre volumes (Bordas), le
Dictionnaire de la littérature française et franco-
phone
en trois volumes (Larousse)⊠ou des dizaines dâautres.
(Attention ! Ă lâinverse de certains interlocuteurs, je ne prĂ©tends pas que
les graphies que je critique soient rares : on les trouve dans des ouvrages
eux aussi estimables et cela⊠depuis des siĂšcles. Je perds mon temps Ă
les critiquer prĂ©cisĂ©ment parce quâelles ne sont pas rares ! Sinon, pourquoi
en ferais-je fromage ?⊠Je les trouve stupides, alors je le dis⊠et je donne
mes raisonsâŠ)
O. Randier :
Si le titre nâest pas une phrase verbale, on porte la capitale sur
le premier substantif et, Ă©ventuellement, sur lâadjectif qui le prĂ©cĂšde.
293
TITRE DâĆUVRE
Pas seulement⊠Nâoublie pas
les TrĂšs Riches DĂ©bats de la liste typodingue
ou
les Plus Belles Histoires de lâoncle Olivier
⊠Par ailleurs, exprimée ainsi
(place de « Ă©ventuellement »), ta rĂšgle est bien Ă©trangeâŠ
O. Randier :
Lâauteur du
Contrat social
âŠ
>
Contrat social (le)
âŠ
AaaarghâŠ
Du contrat social
!
O. Randier :
⊠mais je crois que les rÚgles précédentes sont assez consen-
suelles.
Non, justement⊠Relis ce qui sâest Ă©crit ici⊠Elles te conviennent et, en
trÚs gros, pourraient me convenir⊠mais elles ne reflÚtent pas la diversité des
opinions exprimĂ©es ici. [âŠ]
O. Randier :
Câest lĂ -dessus que portait ma question : J.-P. mâa donnĂ© son
avis, mais ne lâa pas expliquĂ©. Je comprends
les Trois Mousquetaires
, mais pas
Deux Cavaliers de lâorage
.
Parce que tu as le nez collĂ© sur les titres dâĆuvres, ce qui te fait oublier
une des « tendances lourdes » de lâorthotypographie française : la capitalisation
systĂ©matique de lâinitiale des adjectifs antĂ©posĂ©s dans les dĂ©nominations
propres. DâoĂč le malaise face Ă la dĂ©capitalisation du substantif derriĂšre un
adjectif capitalisĂ©âŠ
Il ne suffit pas de donner à une convention une cohérence interne (ce qui
est trĂšs facile mais dangereusement pervers), il faut sâassurer de son harmonie
avec lâensemble du systĂšmeâŠ
Câest pourquoi je ne suis pas favorable aux constructions (codes, FAQâŠ)
montĂ©es brique par brique, sans conception dâensemble. Jây suis mĂȘme fran-
chement hostile, tu le sais bien⊠car elles confortent le sentiment général :
les conventions orthotypographiques seraient une accumulation de rĂšgles
arbitraires⊠Il se trouve que je pense exactement le contraireâŠ
O. Randier :
[« Buñuel, dans son
Chien andalou
⊠» ? Ou cette forme est-elle
Ă proscrire ?] Alors la cap saute de
Un
Ă
Chien
! Nâest-ce pas ce quâon voulait
Ă©viter avec la rĂšgle du premier substantif pour lâarticle dĂ©fini ? Ăa mâĂ©nerveâŠ
Tâas raison⊠je m'a gourĂ© sĂ©vĂšre⊠OubliĂ© que le terme initial Ă©tait un
article indéfini⊠Donc, reprenons : Buñuel, dans
Un chien andalou
âŠ
Ă Typographie, les 8 et 9 mars 2000.
O. Randier :
Il est des cas oĂč les rĂšgles ne suffisent pas, il faut connaĂźtre
lâintention de lâauteur. Je viens de tomber sur ce cas dâĂ©cole :
les Belles Endor-
mies
ou
les Belles endormies
? Le substantif est-il « belles » ou « endormies » ?
[âŠ] Je penchais pour les premiĂšres.
Pas clair⊠Tu penchais pour le substantif « Belles » ? Donc pour la seconde
graphie ? Tu avais tortâŠ
294
TITRE DâĆUVRE
O. Randier :
AprĂšs vĂ©rification, lâĂ©ditrice a tranchĂ© en faveur des derniĂšres.
Elle a eu raison⊠Disons quâelle fait comme tout le monde, ce qui est
souvent une bonne idée⊠On écrit
les Belles Endormies
.
O. Randier :
Comme quoi lâusage des capitales dans les titres relĂšve avant
tout de la langue⊠Et il peut ĂȘtre dĂ©licat de le dĂ©terminer si on ne dispose
que de la couverture de lâouvrage, avec un titre tout en caps.
Ăcris
Nemureru bijo
, et le tour sera jouĂ©âŠ
A. Hurtig :
Non, le seul tour qui se joue câest que
Nemureru bijo
signifie
littéralement : « Les belles qui dorment »⊠(ma Japonaise favorite
dixit
). Donc
« endormies » est un adjectif (ma linguiste favorite
dixit
, dâailleurs câest la
mĂȘme personne !).
Bien entendu, on ne saura jamais ce que le traducteur a voulu Ă©crire. Mais
Kawabata, lâauteur du livre, on le saitâŠ
O. Randier : [
« On écrit
les Belles Endormies
. »] Qui ça, « On » ? Les ouvrages
de référence ?
Oui.
O. Randier :
Mais au nom de quel principe tacite ?
Il ne sâagit pas dâun principe mais dâune pratique et dâune constatation.
Pratique : les ouvrages de référence me servent à obtenir des références.
Constatation : ceux que jâai consultĂ©s composent ainsi.
Reste que ces ouvrages peuvent parfois adopter, reprendre et donc enkys-
ter des graphies (ou nâimporte quel type dâinformation) discutables, voire erro-
nĂ©es. Il semble que cela soit ici le cas. Les arguments dâAlain mâen ont presque
totalement convaincu. Toutefois, si jâavais Ă traiter la question, je
mâinformerais plus avant, car voici un vĂ©ritable principe : ne jamais naviguer
sur des eaux inconnues sans une belle provision de biscuit.
O. Randier :
Il me semble que les deux graphies sont possibles, selon
lâintention de lâauteur.
Ăvidemment. Reste Ă connaĂźtre celle-ci ou, dans le cas qui tâoccupe, celle du
traducteur. Demande Ă Albin MichelâŠ
O. Randier :
Selon la graphie (
la Belle envolée
,
la Belle Envolée
), le titre
aura deux significations trÚs différentes, et il ne me semble pas possible de
dĂ©duire â Ă coup sĂ»r â la bonne dâune rĂšgle quelconque, non ?
Ăvidemment. DâoĂč lâintĂ©rĂȘt des ouvrages de rĂ©fĂ©rence⊠quand ils ne se
plantent pas. DâoĂč aussi la redoutable difficultĂ© (pour le scripteur) et lâadmi-
rable efficacitĂ© (pour le lecteur) de la rĂšgle traditionnelleâŠ
O. Randier :
Tu parais trouver le cas Ă©vident, quel est ton truc ?
Ne te fie pas trop aux apparences. Si jâai un truc, câest celui-ci : je ne mĂ©lange
pas les Ă©vidences, surtout quand elles sont Ă lâĂ©vidence contradictoiresâŠ
295
TITRE DâĆUVRE
PremiĂšre Ă©vidence : si jâen crois mes yeux, la graphie A est dominante dans
les sources sérieuses.
Seconde Ă©vidence : si jâen crois Alain Hurtig, la graphie B serait une traduc-
tion plus fidĂšle.
TroisiĂšme Ă©vidence : y a un problĂšme !
QuatriĂšme Ă©vidence : il nâest pas encore rĂ©soluâŠ
Chroniques
,
Fables
et
Lettres
à F.L.L.F., le 11 décembre 2001.
S. Nataraja
: Grevisse nâayant pas rĂ©pondu correctement Ă ma questionâŠ
Câest le genre de question quâil ne faut surtout pas lui poserâŠ
S. Nataraja
: Dans
Fables
, La Fontaine propose une sĂ©rieâŠ
Ouarf⊠et dans
Contes
, Jeannot se laisse allerâŠ
S. Nataraja
: Dans les
Fables
, La Fontaine⊠; dans ses
Fables
, La FontaineâŠ
Oui, impeccable.
S. Nataraja
: Dans
les Fables
, La FontaineâŠ
Non, certainement pas⊠Cela indiquerait que lâarticle dĂ©fini appartient au
titre, ce qui nâest pas le cas ici.
S. Nataraja
: Bref : le titre de lâouvrage est
Fables
, sans article. Lâon me
soutient dâun cĂŽtĂ© quâil ne faut pas lui en donnerâŠ
Demandez Ă ceux qui soutiennent cette ineptie sâils souhaitent faire en-
tendre avec force que La Fontaine a Ă©crit un recueil portant le titre de
Fables
,
ouvrage qui aurait été publié pour la premiÚre fois dans son intégralité sous
ce titre exact⊠Plus vicieux, car plus rapide à expédier : demandez-leur si
« LâĂ©criture de
Fables
valut Ă La Fontaine⊠» est une tournure qui les satisfaitâŠ
Question subsidiaire. Que pensent-ils de ceci ? «
Fables
, de La Fontaine, est
bien supĂ©rieur Ă
Fables
, de Fénelon. » Demandez à ceux qui soutiennent cette
ineptie sâils prĂ©conisent aussi : « Dans
Lettres
, Mme de Sévigné propose⊠»,
« Dans
Journal
, Léautaud propose⊠», « Dans
Chroniques
, Guillaume Crétin
propose⊠»
Bref, demandez-leur pourquoi ils veulent Ă tout prix gommer le caractĂšre
« gĂ©nĂ©rique » de titres dont câest la grandeur⊠et la mystĂ©rieuse « spĂ©cificitĂ© »,
puisquâils ne sont aujourdâhui dĂ©terminĂ©s par rien⊠sauf, au sein dâune
phrase, par un article qui ne leur appartient pasâŠ
Dans bien des cas, la détermination ne changerait pas grand-chose. Si
« Dans
Lettres persanes
, Montesquieu propose » choque un peu moins,
296
TITRE DâĆUVRE
il demeure que « Dans les
Lettres persanes
, Montesquieu propose » passe
beaucoup mieux.
Dans dâautres cas, ça chahute moins : « Dans
Journal dâun poĂšte
, Vigny
propose »⊠mais « Dans le
Journal dâun poĂšte
, Vigny propose » est parfai-
tement correct et à mon sens préférable.
S. Nataraja
: ⊠de lâautre je trouve cela trĂšs lourd : dire « Dans
Fables
»
mâagresse les oreilles et les yeux.
Cela agresse surtout lâintelligenceâŠ
S. Nataraja
: Je ne suis pas du tout gĂȘnĂ© par « Dans le
Dictionnaire philoso-
phique
⊠», voire « Dans son
Dictionnaire philosophique
⊠», alors que certains
collĂšgues, si.
Demandez-leur si «
Dictionnaire philosophique
commence par⊠» et « La
seconde entrée de
Dictionnaire philosophique
de Voltaire nous révÚle » les
satisfont⊠Demandez-leur si « Dans la préface de
Dictionnaire de lâAcadĂ©mie
française
, Maurice Druon propose » les satisfontâŠ
Titre honorifique fi
Abréviation, Titre religieux.
Deux siĂšcles aprĂšs Valmy, certains scripteurs francophones
sont contraints ou ravis dâuser de formules Ă©tranges. Les rĂ©publicains
peuvent ignorer celles-ci en toute quiétude orthotypographique.
Abréviation.
Le titre honorifique se met au long sâil est employĂ© seul ; il ne
sâabrĂšge que sâil est suivi dâun autre titre, ou du prĂ©nom, ou du patro-
nyme de lâindividu qui en est a
â
ublé .
Son Altesse SĂ©rĂ©nissime a pris un avion dâune compagnie scandi-
nave ; mais : S. A. R. la princesse Anne est sortie Ă cinq heures.
Son Altesse Ălectorale a fait vidanger sa limousine ; mais : sâil est
possible au demeurant quâon dĂ©loge S. A. I. le chah dâIran, il y a peu
de chances quâon dĂ©trĂŽne S. M. le roi des Cons (librement adaptĂ©
dâune strophe de Georges Brassens).
=
Code typ.
1993
, Gouriou
1990
, Lefevre
1883
.
Cette rĂšgle a toujours sou
â
ert dâĂȘtre violĂ©e lorsque le scripteur
souhaite établir un semblant de familiarité avec le personnage évoqué :
jâai bien connu Sa SaintetĂ© Pie XI.
297
TITRE DâĆUVRE
TITRE HONORIFIQUE
Singulier
Pluriel
S. A. Son Altesse (prince)
LL. AA. Leurs Altesses
S. A. Ă. Son Altesse Ălectorale
LL. AA. ĂĂ Leurs Altesses Ălectorales
S. A. Ăm. Son Altesse Ăminentissime LL. AA. ĂĂm. Leurs Altesses Ăminentissimes
S. A. I. Son Altesse Impériale
LL. AA. II. Leurs Altesses Impériales
S. A. R. Son Altesse Royale
LL. AA. RR. Leurs Altesses Royales
S. A. S. Son Altesse Sérénissime
LL. AA. SS. Leurs Altesses Sérénissimes
S. E. Son Excellence
LL. EE. Leurs Excellences
S. Gr. Sa GrĂące (duc)
LL. GGr. Leurs GrĂąces
S. H. Sa Hautesse (sultan)
â
S. M. Sa Majesté
LL. MM. Leurs Majestés
S. M. I. Sa Majesté Impériale
LL. MM. II. Leurs Majestés Impériales
S. M. R. Sa Majesté Royale
LL. MM. RR. Leurs Majestés Royales
La liste pourrait sâallonger : S. M. P. (Sa MajestĂ© Prussienne),
S. M. T. C. (Sa Majesté trÚs Chrétienne, France), S. M. T. F. (Sa
Majesté trÚs FidÚle, Portugal), S. A. C. (Son Altesse Celsissime,
prince-Ă©vĂȘque de LiĂšge)âŠ
Encore en activité : S. M. C. (Sa Majesté Catholique, Espagne),
S. T. G. M. (Sa trĂšs Gracieuse MajestĂ©, Royaume-Uni)âŠ
Attention Ă ne pas confondre lâExcellence civile (S. E.) et lâExcel-
lence religieuse (S. Exc.).
Les titres de noblesse peuvent sâabrĂ©ger.
Certaines graphies traditionnelles sont plaisantes : Ch
er
: chevalier,
B
on
: baron, B
onne
: baronne, V
te :
vicomte, V
tesse
: vicomtesse,
C
te :
comte, C
tesse
: comtesse, M
is
: marquis, M
ise
: marquise.
Souverains.
Le roi des Belges, le Chah, le Prince charmant, le Parc des Princes.
Ï
298
TITRE HONORIFIQUE
Titre intérieur
Livre, partie, chapitre, section, article, paragraphe, alinéa.
Tome ou volume, livre, partie, titre, sous-titre, chapitre, sous-
chapitre, section, sous-section, article.
Paragraphes, alinéas : I., II., III., IV., V., etc. ; A., B., C., D., E., etc. ;
1., 2., 3., 4., 5
., etc. ; a., b., c., d., e., etc. ;
1o
,
2o
,
3o
,
4o
,
5o
, etc.
Le systÚme numérique international a ses partisans :
1., 1.1., 1.1.1.,
1.2., 1.2.1., 1.2.2., 2., 2.1., 2.1.1
., etc.
Titre religieux fi
Titre honorifique.
Abréviation.
RĂšgle identique Ă celle des titres honorifiques : Son Ăminence a
pris un petit bateau ; mais : S. S. Jean-Paul II a pris un navire Ă vapeur.
=
Code typ.
1993
, Gouriou
1990
.
Singulier
Pluriel
D. Dom
â
F. FrĂšre
FF. FrĂšres
M
gr
Monseigneur (Ă©vĂȘque)
NN. SS. Nos Seigneurs
N. S.-P. Notre Saint-PĂšre (pape)
â
N. T. C. F. Notre trĂšs cher FrĂšre
NN. TT. CC. FF. Nos trĂšs chers FrĂšres
P. PĂšre
PP. PĂšres
R. P. Révérend PÚre
RR. PP. Révérends PÚres
S. Ăm. Son Ăminence (cardinal)
LL. ĂĂm. Leurs Ăminences
S. Exc. Son Excellence (Ă©vĂȘque)
LL. EExc. Leurs Excellences
S. S. Sa Sainteté (pape)
â
T. C. F. TrĂšs cher FrĂšre
TT. CC. FF. TrĂšs chers FrĂšres
Tome
Abréviation
: t. (tome, tomes).
âąâą
Le mot tome ne sâabrĂšge que dans les notes, les annexes, etc.
Dans le texte courant, il ne sâabrĂšge que dans les rĂ©fĂ©rences situĂ©es
entre parenthĂšses.
=
Lefevre
1883
.
299
TITRE INTĂRIEUR
TOME
Tour fi Manifestation sportive, Monument
Trait dâunion fi
Anti, Division.
Le Conseil supérieur de la langue française déclare : « Les hésita-
tions concernant le pluriel de mots composĂ©s Ă lâaide du trait dâunion
sont nombreuses. Ce problĂšme ne se pose pas quand les termes sont
soudés (exemples : un portefeuille, des portefeuilles ; un passeport, des
passeports). »
Nom dâun petit bonhomme (pluriel bonshommes) ! ces Messieurs
(singulier Monsieur) du Conseil sont dâĂ©tranges gentilshommes (sin-
gulier
gentilhomme), car madame donne (sans hésitation) mesdames au
pluriel, et mademoiselle devient mesdemoiselles (sans problĂšme).
« Multiplateforme », « anti-sous-marin »,
« micro-informatique »
à Typographie, les 14 et 15 décembre 1998.
P. Jallon :
Dans le mĂȘme esprit, jây rĂ©flĂ©chis toujours Ă deux fois avant
dâemployer un mot composĂ© introduit par un prĂ©fixe soudĂ©, par exemple :
multiplate-forme
. Franchement, ça me choqueâŠ
Tâas quâĂ Ă©crire « multiplateforme »⊠câest disponible en magasinâŠ
P. Jallon :
Sauf que tous les magasins nâont pas la mĂȘme enseigne.
Câest vrai. Par exemple, le
Petit Larousse 1999
nâautorise toujours pas
« plateforme ». Si tâas besoin de cet article (et dâun certificat de garantie), va
chez
Little Bob
, il a ça en stock (plateforme ou plate-forme)âŠ
Pour multiplier les plates-formes ou les plateformes, y a pas trente-six solu-
tions⊠Y en a que deux :
â multi-plate(s)-forme(s), pour les prudents ;
â multiplateforme(s), pour les audacieuxâŠ
Multiplate-forme est une erreur grĂŽssiaire⊠Pourquoi ? Pasquâen gĂ©nĂ©ral on
se garde bien de « coller » des préfixes comme « multi » ou « anti » à un mot
composé⊠AntiaĂ©rien, oui ! Antisous-marin, non ! Anti-sous-marinâŠ
[âŠ] Cela dit, je nâai pas de prĂ©fĂ©rence⊠Pour tout dire, je mâen fous un
peu⊠Si tu ne veux pas susciter de remarques désobligeantes, sois prudent et
adopte les deux traits dâunion⊠Si tu veux facilement clouer le bec de
quelques grincheux du dimanche, sois audacieux et colleâŠ
300
TOUR
TRAIT DâUNION
Ă Typographie, les 8 et 9 novembre 2001.
J. André :
Mais au départ ma question sous-jacente était : peut-on mettre
deux traits dâunion dans un mot composĂ© ?
Ah ! si tu lisais les bons auteurs (Angelini, par exemple), tu saurais que le
record Ă battre (pour les mots « courants »âŠ) est de quatre traits dâunion ! Ăa
se joue sur le zinc avec trois dĂ©sâŠ
Pour rĂ©pondre plus prĂ©cisĂ©ment Ă ta question : lâabsence dans les diction-
naires du jour de tout mot oĂč « multi » est suivi dâun trait dâunion nâimplique
nullement une interdiction⊠Il est des cas oĂč un prĂ©fixe « ordinairement, habi-
tuellement, normalement » collĂ© ne peut pas, ne doit pas lâĂȘtre. Par exemple
devant un nom propre, un sigle⊠ou un mot composé contenant déjà un
trait dâunion⊠Exemple classique : « antiaĂ©rien » mais « anti-sous-marin ». Nul
ne songerait Ă Ă©crire « antisous-marin ». Jâajoute quâavec quelques prĂ©fixes
refusant de confondre (ou dâajouter) leur finale et lâinitiale du terme quâils
prĂ©cĂšdent, le trait dâunion sâimpose quand cette finale et cette initiale sont
identiques. Imagine un machin multiple commençant par « i » (pour lâinstant,
y en a pas, mais vu la multifécondité du machin dont on cause, il en viendra,
câest sĂ»râŠ), disons « intĂ©grateur », ça tombe bien, je ne sais pas ce que câest,
eh bien, « multiintégrateur » et « multintégrateur » sont insoutenables⊠alors
que « multi-intĂ©grateur » est Ă©patant⊠enfin, façon de parler⊠câest Ă chier
mais câest clair, lisible, orthodoxe.
J.-P. Moreux :
Ces néologismes faisant le quotidien des éditeurs techniques
(et particuliĂšrement en informatique), jâai le plaisir de vous informer quâils ne
posent plus problĂšme dĂšs lors que lâon dĂ©cide de sĂ©parer le prĂ©fixe avec un
trait dâunion dans le seul cas dâhiatus.
Pas tout Ă fait dâaccord⊠Cette dĂ©cision est sĂ©duisante, mais elle peut
engendrer de nombreuses fautesâŠ
Dâabord, quantitĂ© de mots anciennement formĂ©s ou modifiĂ©s au
xvii
e
siĂšcle
sĂ©parent certains prĂ©fixes par un trait dâunion mĂȘme en lâabsence dâhiatusâŠ
mais bornons-nous aux néologismes formés avec les préfixes que vous citez.
Si lâhiatus Ă©tait dĂ©cisif, il faudrait Ă©crire « multi-ethnique » et « micro-Ă©cono-
mie », or ce nâest pas le cas (
multiethnique
,
microéconomie
). On peut le regret-
ter (je le regrette trĂšs fortement !), mais câest ainsi⊠La rencontre de deux
voyelles identiques est un critĂšre plus sĂ»r (encore queâŠ) : micro-ordinateur,
micro-ondes, micro-organisme. Lâintroduction de « digrammes piĂ©geux », par
exemple « oi » ou « ou », est un autre critÚre (micro-informatique, iso-ionique),
parfois Ă©vitĂ© par le trĂ©ma (monoĂŻdĂ©isme)⊠Jâaimerais appliquer votre dĂ©cision
et mĂȘme lâĂ©tendre Ă bien dâautres cas (sans hiatus)âŠ
Impossible, hĂ©las, en lâĂ©tat actuel des choses lexicographiques. Jâai une
thĂ©orie pour expliquer lâamour insensĂ© que les langouistes dâaujourdâhui
portent Ă la soudure : ces gens-lĂ haĂŻssent le trait dâunion car câest un signe qui
301
TRAIT DâUNION
ne se prononce pas, une horreur, donc, pour ceux qui ont mal digéré leurs
cours et sont, depuis, constamment à cÎté de leur saussures.
(Que les phonocentristes ne me renvoient pas aux Ă©tats trĂšs anciens de la
langue pour montrer que la soudure est une vieille tradition française⊠primo,
je le sais, deuzio et surtouzio : avant la fin du
xvi
e
siĂšcle, le trait dâunion nâexiste
pas⊠difficile, donc, de lâemployer.)
Trait dâunion semi-long
Ă Typographie, du 17 au 18 juin 1997.
E.
Curis
: Quand emploie-t-on telle ou telle sorte de tiret ? Je sais déjà dis-
tinguer le trait dâunion (tiret de cĂ©sure) du signe moins et des autres tirets,
mais je me demande en fait quand est employĂ© le tiret long : â, le tiret
moyen : â, et tout autre tiret qui peut exister.
Dans les divers rĂŽles du tiret (incise, Ă©numĂ©ration, changement dâinterlo-
cuteur, etc.), le tiret moyen ne devrait jamais remplacer le tiret long⊠En
revanche, on pourrait lâutiliser en lieu et place du trait dâunion dans quelques
cas, par exemple dans la graphie de certains noms propres « composés ».
Cela permet de distinguer graphiquement des « compositions » de natures trÚs
différentes.
Lorsquâil sâagit dâune entitĂ© unique, on emploie Ă©videmment le trait dâunion :
Robbe-Grillet, Pas-de-Calais, etc.
Lorsquâil sâagit dâune entitĂ© « multiple » (ou occasionnelleâŠ), on pourrait
employer le tiret moyen (câest particuliĂšrement utile quand deux types de
composition interviennent) : le tandem Chirac â Jospin, Forget â Lecomte en
finale contre Durand â Dupont-Lajoie, Erckmann â Chatrian (emploi discutable,
car câest un nom de plume), Nord â Pas-de-Calais (emploi discutable, car, si
lâon gagne une lecture claire de la composition, on introduit de lâincohĂ©rence
dans une série), etc.
En bref, dans la typographie française, le tiret moyen est à mon sens moins
un « sous-tiret » quâun « grand trait dâunion »⊠Plus le signe est petit, plus le
lien est fortâŠ
à F.L.L.F., le 25 février 2000.
D. B. :
Ou pire, comment distinguer deux noms de personnages différents
mais accolés comme dans le cas, je crois, du boulevard Richard-Lenoir qui
concerne un Monsieur Richard et un Monsieur Lenoir.
Plusieurs solutions⊠(si on le souhaite, car la distinction nâest pas toujours
indispensable et, surtout⊠surtout⊠il faut ĂȘtre certain de pouvoir assumer ce
302
TRAIT DâUNION
choix dans
toutes
les occurrencesâŠ). Prenons lâexemple classique oĂč les deux
types de liaison sont Ă lâĆuvre.
Emploi dâun tiret sur demi-cadratin : station Champs-ĂlysĂ©es â Clemenceau.
Emploi dâun trait dâunion encadrĂ© par des espaces fines : station Champs-
ĂlysĂ©es - Clemenceau.
Traité fi Accord, conférence, traité
Transcription, translittération
« Le mot capitaine, par exemple, écrit dans mon
dictionnaire gabidaine sera dÚs lors prononcé par
le jeune Prussien aussi purement que par le mĂȘme
Batignollais. »
Alphonse Allais, Ne nous frappons pas.
Transcription et translittération ne sont pas synonymes.
Exemple. â Selon les pinyinistes, deux arguments seraient dĂ©cisifs
pour les identifier. Primo, ces formes ont été élaborées et leur emploi
est recommandĂ© par les Chinois eux-mĂȘmes ; secundo, lâensemble
des nations devant les adopter, les di
â
érences parfois considérables
entre les anciennes transcriptions cesseront enfin de faire obstacle Ă la
communication entre les peuples.
Les Chinois peuvent Ă©crire Molitg-les-Bains, Graulhet ou Laguiole
comme ils lâentendent, aucun sinologue francophone et sain dâesprit
nâira leur donner de conseils dĂ©placĂ©s sur la question.
Quant Ă lâunification des transcriptions, on est saisi de stupeur Ă
lâidĂ©e quâelle est cautionnĂ©e par des universitaires et des lexicographes :
le pinyin est destinĂ© Ă ĂȘtre lu par des francophones, des anglophones,
des germanophones, des hispanophones, etc. EurĂȘka, aujourdâhui
Pékin se prononce Beijing dans toutes les langues. En français : Bégin,
dâoĂč risque de confusion pour le premier pĂ©kin venu.
à Typographie, le 20 décembre 1997.
La graphie
Viet Nam
est trĂšs critiquable (elle nâest dâailleurs soutenue par
aucune source française compĂ©tente en la matiĂšre⊠je nâinclus ni lâISO ni
303
TRAIT DâUNION
TRANSCRIPTION, TRANSLITTĂRATION
lâUPU dans cette catĂ©gorie) [âŠ] Cet accent circonflexe nâest pas destinĂ©
à transcrire en français un son du vietnamien⊠il est vietnamien (voir plus
bas ; les Vietnamiens utilisent lâalphabet latin, assorti de nombreux signes
diacritiques).
[âŠ] Cette graphie viole une rĂšgle typographique en Ă©liminant le trait dâunion
qui doit figurer entre tous les composants des noms français ou francisés de
territoires administrativement organisés (à quelques exceptions prÚs, mais on
en parlera peut-ĂȘtre un autre jourâŠ). Car
ViĂȘtnam, Vietnam
(formes recom-
mandées),
ViĂȘt-Nam, Viet-Nam
(formes admissibles) sont francisés (toutes les
autres graphies ne sont ni françaises ni vietnamiennes). Si vous récusez la sou-
dure (ce qui peut se concevoir) et si vous tenez Ă vous passer du trait dâunion,
il vous faut renoncer aux formes francisĂ©es et recourir Ă lâĂ©criture
qu
Ă
c ng
Ă
[âŠ], et alors lĂ , coucou, retour officiel et obligatoire de lâaccent circonflexe sur
le
e
avec en supplĂ©ment un petit point au-dessous de cette voyelle [âŠ].
Lâaccent circonflexe de la recommandation officielle (
ViĂȘtnam
) est certes dis-
cutable, mais pour une raison différente de celle que vous avancez. Cet accent
me gĂȘne un peu, car il introduit une incohĂ©rence entre le nom du pays et ses
dérivés (
vietnamien
, sans accent). Un reproche similaire peut dâailleurs ĂȘtre
adressé à la graphie qui a votre préférence (
Viet Nam
, vietnamien).
En résumé,
ViĂȘtnam
et
Vietnam
sont recommandés ;
ViĂȘt-Nam
et
Viet-Nam
sont tolérables ;
ViĂȘt Nam, Viet Nam
et toutes les graphies imaginables (sauf
une) sont fautifs. Quant Ă la graphie vietnamienne officielle [âŠ],
Vi
Ă
t Nam
(avec un point sous le
ĂȘ
), elle est Ă©videmment irrĂ©prochable mais elle nâa pas
Ă ĂȘtre employĂ©e dans les textes rĂ©digĂ©s et composĂ©s en français (hormis les
travaux spécialisés).
Ă Typographie, le 1
er
mars 2001.
O. Randier :
Quelques difficultés avec les assemblées athéniennes : la
boulĂȘ
; lâ
ekklĂšsia
; mais « tribunal de lâHĂ©liĂ©e ». Pourquoi un traitement diffĂ©-
rent, tant au niveau de la transcription
(hĂšliaia)
que des majuscules et de
lâitalique ?
ProblĂšme de cohĂ©rence Ă soumettre Ă lâauteur (qui, je tâen fais le pari, te
rĂ©pondra que cette façon de faire est classique, attestĂ©e [câest vrai], Ă©patante,
indiscutable [mouais])⊠car, tel que câest, rien Ă dire, du moins en ce qui
concerne lâorthotypo (sauf, Ă mon sens, lâaccent grave de ton assemblĂ©eâŠ).
Seule lâHĂ©liĂ©e est une dĂ©nomination propre (ce nâest pas un solarium)⊠et
francisĂ©e (jadis, on Ă©tait moins timide et lâon parlait de la Chambre du
SoleilâŠ). Majuscule et romain obligatoires.
Quant aux noms grecs qui ne sont pas véritablement des dénominations
propres au sens oĂč nous lâentendons (mais, perso, une cap initiale ne me cho-
querait pas⊠tention ! ce nâest pas un conseil⊠personne, Ă ma connaissance,
304
TRANSCRIPTION, TRANSLITTĂRATION
nâen metâŠ), mĂȘme transcrits en caractĂšres latins, lâitalique leur sied⊠et
rien nâinterdit dâemployer (dâajouter) les romaines formes francisĂ©es (avec les
Quatre-Cents, tu verras fleurir les majuscules), surtout sâil sâagit dâun manuel
scolaireâŠ
Troncation fi
Abréviation, Acronyme, Apostrophe, Sigle.
1
. Vocabulaire.
1.1
.
La troncation ne doit pas ĂȘtre confondue avec lâabrĂ©viation ou
la siglaison. La troncation Ă©limine dâabord des sons (phonĂšmes) ; le
langage écrit reproduit cette réduction orale : [auto]bus
>
bus,
dactylo[graphe]
>
dactylo, micro[phone]
>
micro, [mas]troquet
>
troquet. LâabrĂ©viation Ă©limine des lettres ; le langage oral ne tient pas
compte de cette réduction graphique : M
me
, ouvr. cité se lisent
Madame, ouvrage cité. La siglaison élimine des lettres ; le langage oral
tient compte de cette réduction graphique : C.G.T. se lit « cégété »,
OTAN (acronyme) se lit « otan ».
1.2
.
â
Troncation et diminution.
La premiĂšre opĂšre sur la forme et raccourcit la prononciation
puis la graphie dâun mot sans modifier nĂ©cessairement sa signifi-
cation : tous les autobus peuvent devenir des bus. La diminution
opĂšre nĂ©cessairement sur la signification, en lâaltĂ©rant, voire en la
modifiant profondément ; pour ce faire, elle peut recourir à la tron-
cation et Ă quantitĂ© dâautres procĂ©dĂ©s de dĂ©rivation (prĂ©fixation, su
â-
xation, gémination, etc.). Si certains mots subissent une troncation et
une diminution (tous les professeurs peuvent devenir des profs, mais
une once de familiarité est introduite), la plupart des diminutifs ne
doivent rien Ă la troncation : sĆur
>
sĆurette.
2
.
âąâą
Emploi et formation.
Contrairement aux abréviations (voir : Abréviation §
2
), les mots
obtenus par troncation ne sont soumis Ă aucune restriction relevant
de lâorthotypographie. Seuls le niveau de langue et le registre rĂ©gissent
leur emploi.
305
TRANSCRIPTION, TRANSLITTĂRATION
TRONCATION
La troncation se pratique partout, en plein air, au bistrot, Ă lâusine,
Ă lâoral et Ă lâĂ©crit ; la siglaison et lâabrĂ©viation sont des activitĂ©s de
« bureau ». Si lâon tient Ă la vitalitĂ© du français, on fera davantage
confiance aux bistrots quâaux bureaux. Lorsquâun mot obtenu par
troncation est en concurrence avec un sigle, on adoptera de préférence
le premier, mĂȘme si les bistrots imposent un prĂ©fixe orphelin, dâori-
gine grecque : tĂ©lĂ© plutĂŽt que T.V. (ce sigle « mal formĂ© » peut ĂȘtre
considéré comme un belgicisme [tévé] calqué sur un anglicisme
[tivi]). Chargée de di
â
user des programmes francophones, soutenue
par des organismes chargés de défendre notre langue, « TV 5 » a
adopté un sigle déplorable.
Les mots obtenus par troncation respectent généralement les rÚgles
dâaccord de leur catĂ©gorie : des dactylos sympas parlent devant les
micros des radios. Nombre dâentre eux ne sont presque plus perçus
comme des formes réduites : les pneus du taxi (les pneumatiques du
vĂ©hicule Ă©quipĂ© dâun taximĂštre).
Ils partagent ces particularités avec certains acronymes (sigles lus
comme des mots ordinaires), qui ont pourtant un mode de forma-
tion radicalement di
â
érent : ces taxis sont équipés de radios (postes
récepteurs de radiodi
â
usion) mais ne disposent pas de radars (radio
detection and ranging).
Ils ne sont jamais suivis dâun point abrĂ©viatif : doc est la troncation
de « docteur », doc. est lâabrĂ©viation de « document » ; typo (fĂ©m.
typote) la troncation traditionnelle dâ« ouvrier typographe », typ. ou
typogr. sont des abréviations de « typographie ».
Lâapostrophe peut marquer la troncation, singuliĂšrement dans les
noms propres : le Boulâ Michâ. « Ainsi les Parisiens baptisaient-ils avec
une familiaritĂ© pompeuse leur vĂ©lodrome dâhiver, notre vieux VĂ©lâ
dâHivâ. » â Antoine Blondin,
Ma vie entre les lignes.
ProblĂšmes posĂ©s par lâaccord des noms communs et des adjectifs,
voir :
Apostrophe §
2.2
.
3
.
La formation des abréviations obéit à des rÚgles, la troncation
dépend de la fantaisie ou du génie des locuteurs.
306
TRONCATION
Toutes les abréviations réguliÚrement formées par le retranchement
de lettres finales sâachĂšvent par une consonne (et un point abrĂ©via-
tifâŠ) : paragr., suiv. Les mots obtenus par retranchement de phonĂšmes
finaux sâachĂšvent le plus souvent par une voyelle, mais parfois par une
consonne : auto, cinéma, prof. (Dans quelques cas, une variante
graphique ajoute une voyelle finale muette : permission
>
perm ou
perme.) Le retranchement de phonĂšmes initiaux est un mode dâabrĂš-
gement rare mais tout à fait admissible (autobus réduit à bus) ; le retran-
chement de lâinitiale nâintervient jamais dans lâabrĂ©viation française.
Questions dâapostrophes
Ă Typographie, le 9 janvier 1999.
O. Randier :
Entre quat-z-yeux
,
entre quatâz-yeux
,
entre quatâzâyeux
,
entre
quatâ-z-yeux
. Ceci dit, je reste un peu perplexe sur cette recherche des signes
possibles avant lâapostrophe. Pour moi, il me semblait que lâapostrophe reprĂ©-
sente en français lâĂ©lision (et, dans ce cadre, la recherche paraĂźt possible).
Oui⊠câest pourquoi je conteste
yâa
et
quatâzâyeux
âŠ
1.
Y a pas de raison
, câest : « Il nây a pas de raison ». Aucune Ă©lision entre « y »
et « a ». Dans les cas oĂč « y » devient un pronom (il, ils, lui), y a substitution gra-
phique. On comprendrait « iâcommence Ă me gonfler » mais non « Yâcommence
Ă me gonfler », encore moins « Dis-y â donc » (dis-le-lui donc) oĂč « y = le + lui »âŠ
2. La graphie
quatâzâyeux
(
Robert
) nâa guĂšre de sens. OĂč est lâĂ©lision entre
« z » et « y » ? Le bon choix est : « quatâz-yeux » (
Larousse
).
O. Randier :
Aussi la troncation (et lĂ , il me semble que câest beaucoup
moins vraisemblable). En français, toutes les lettres ou presque ne sont-elles
pas virtuellement candidates ?
Aujourdâhui, en français (et hors des honorables graphies dâamuĂŻssement
imposĂ©es par la prosodie), la troncation (officialisĂ©e ou nonâŠ) nâappelle
quâexceptionnellement lâapostrophe (prof, cinĂ©, mataf, etc.), sauf parfois dans
les expressions et les noms propres (Boulâ Michâ), et quasiment jamais aprĂšs
une voyelle, or la voyelle finale est un des charmes de la troncation (aristo,
mĂ©tro, loco, rata). Lâapostrophe dans les troncations est une timiditĂ© : on nâose
pas encore considĂ©rer la forme tronquĂ©e comme autonome. Câest donc un
frein plus quâune marque de libertĂ©. Sans parler des problĂšmes que pose alors
le plurielâŠ
Et si nous passions, pour faire la joie des patatypographes, aux cas oĂč
lâapostrophe est prĂ©cĂ©dĂ©e dâune espace et suivie dâune lettre ?âŠ
307
TRONCATION
Ă Typographie, le 26 septembre 2000.
O. Randier : Tiens, bonne question : nây a-t-il pas quelques cas oĂč on peut
la marquer par une apostrophe ?
Impossible de rĂ©pondre briĂšvement. Pour aller Ă lâessentiel, disons que
certaines troncations sont, par exemple, la traduction graphique dâapocopes
populaires « occasionnelles ».
Dans les cas oĂč une ambiguĂŻtĂ© est inĂ©vitable, le recours Ă lâapostrophe est
plus que judicieux.
â«
308
TRONCATION
Union
LâUnion de lâEurope occidentale (U.E.O.), lâUnion française,
lâUnion indienne, lâUnion des rĂ©publiques socialistes soviĂ©tiques
(U.R.S.S. ou URSS), lâUnion sud-africaine, lâUnited Nations Educa-
tional, Scientific and Cultural Organization (UNESCO).
Unité de mesure fi
Abréviation, Sigle.
Le respect des conventions est relativement récent :
[«
1cal
|
2
,
8
|
1
.
000
=
2
.
800
calories. »] â Blanche Gauthier-
Ăchard, LĂ©on Perseil,
Cours de physique Ă l'usage des Ă©coles primaires
supérieures et des candidats au brevet élémentaire, Fernand-Nathan,
Paris,
1922
.
Sous leur forme complĂšte, les noms des unitĂ©s de mesure sâĂ©crivent
tous avec une minuscule initiale, y compris ceux qui reprennent le
patronyme dâun savant. Dans ce dernier cas, la minuscule initiale est
trĂšs judicieuse, car elle Ă©vite dâĂ©ventuelles ambiguĂŻtĂ©s : « Un newton,
ce nâest pas grand-chose. » En revanche, les formes abrĂ©gĂ©es retrouvent
la majuscule initiale, ce qui nâest guĂšre logique mais permet dâattri-
buer la mĂȘme lettre Ă deux unitĂ©s : a (are), A (ampĂšre). Le recours
à une seconde lettre (minuscule) multiplie les possibilités : h (heure),
H (henry), Hz (hertz).
Les formes abrégées sont des symboles : aucune ne prend un point
abréviatif.
ampĂšre A
coulomb C
gramme g
are a
degré °
gray G
bar bar
dioptrie
d
henry H
becquerel Bq
farad F
hertz Hz
candela cd
grade gr, gon
heure h
309
joule J
mole mol
sievert Sv
jour j
newton N
stéradian sr
kelvin K
nit nt
tesla T
litre l
ohm O
tex tex
lumen lm
pascal Pa
tonne t
lux lx
radian rad
tour tr
mĂštre m
seconde s
volt V
minute min
seconde dâangle
ââ
weber Wb
minute dâangle
â
siemens S
watt W
Multiples et sous-multiples
Préfixe Préfixe
Facteur
(nom)
(symbole)
de multiplication
yotta
Y
10ĂĂ
1 000 000 000 000 000 000 000 000
zetta
Z
10ĂĂ
1 000 000 000 000 000 000 000
exa
E
10Ă Ă
1 000 000 000 000 000 000
peta
P
10Ă Ă
1 000 000 000 000 000
téra
T
10Ă Ă
1 000 000 000 000
giga
G
10Ăą
1 000 000 000
méga
M
10Ă
1 000 000
kilo
k
10Ă
1 000
hecto
h
10Ă
100
déca
da
10Ă
10
déci
d
10âĂ
0,1
centi
c
10âĂ
0,01
milli
m
10âĂ
0,001
micro
”
10âĂ
0,000 001
nano
n
10âĂą
0,000 000 001
pico
p
10âĂ Ă
0,000 000 000 001
femto
f
10âĂ Ă
0,000 000 000 000 001
atto
a
10âĂ Ă
0,000 000 000 000 000 001
zepto
z
10âĂĂ
0,000 000 000 000 000 000 001
yocto
y
10âĂĂ
0,000 000 000 000 000 000 000 001
â
310
UNITĂ DE MESURE
Université
Le mot universitĂ© prend la majuscule initiale lorsquâil dĂ©signe le
corps enseignant : ses travaux sont brocardĂ©s par lâUniversitĂ©.
LâuniversitĂ© de Besançon, lâuniversitĂ© Columbia (New York),
lâuniversitĂ© de Columbia (Caroline-du-Sud), lâuniversitĂ© Harvard,
lâuniversitĂ© Yale.
LâUniversitĂ© nouvelle, lâUniversitĂ© ouvriĂšre.
â«
311
UNIVERSITĂ
VĂ©hicule fi
Bateau.
âąâąâą
Le nom propre dâune sĂ©rie de vĂ©hicules ou dâun modĂšle se
compose en romain : une MĂ©gane, deux Safrane, trois Laguna.
âąâąâą
Le nom propre dâun vĂ©hicule se compose en italique.
=
Impr. nat.
1990
, Ramat
1994
.
Avions.
« Le chef mitrailleur du PĂ©lican I et le mĂ©canicien lâaccom-
pagnaient, moins saouls. » â AndrĂ© Malraux,
lâEspoir.
Vers
« Jâai fait de temps en temps de mĂ©diocres vers ; câest
un exercice assez bon pour se rompre aux inversions
élégantes, et apprendre à mieux écrire en prose. »
Jean-Jacques Rousseau,
les Confessions.
Capitale initiale.
La rĂšgle veut que chaque vers commence par une capitale initiale.
Câest indiscutable pour la quasi-totalitĂ© des Ćuvres, mais les poĂštes
ont leurs raisons que les typographes ou leurs Ă©pigones ne sont pas
autorisés à ignorer :
« Quel beau carnage sans colÚre en ton honneur, regarde :
dans cette nuit polaire aussi blanche que noire,
dans ce cĆur dĂ©vastĂ© aussi bien feu que glace,
dans cette tĂȘte, grain de plomb ou pur espace,
vois quel vide parfait se creuse pour ta gloire. »
René Daumal, Poésie noire, Poésie blanche.
313
Abréviations et chi
â
res.
ĂpelĂ©s ou lus au long (acronymes), les sigles sont admis sans
restriction.
« P.R. et R.P.R., Radicaux, C.D.S.,
Amis de Lecanuet et de J.J.S.S.,
Paladins de Ponia, baladins de Chirac,
Petits rentiers frileux et requins de Ceyrac,
Nâavaient plus quâun espoir : câĂ©tait en lâĂlysĂ©e ! »
Jean-Michel Royer, dâaprĂšs Victor Hugo, Ă la maniĂšre⊠deux.
Les codes proscrivent les abréviations dans la poésie. Code typ.
1993
prĂ©cise mĂȘme que le compositeur ne doit en « faire aucune [âŠ], lors
mĂȘme que la copie en contiendrait »⊠Les poĂštes ne savent pas toujours
ce quâils font. Une abrĂ©viation de (feinte) discrĂ©tion (S*** se lit Savine
et rime avec mine), due Ă un spĂ©cialiste mal informĂ© de lâArt poĂ©tique :
« Quelquâun a-t-il connu Monsieur S***,
Quelquâun ici ?
Câest un gros laid dâassez fadasse mine
»
Et bĂȘte aussi⊠»
Paul Verlaine, « Un éditeur »,
Invectives.
Les chi
â
res sâintroduisent parfois dans les vers rĂ©guliers (ici :
8
,
6
,
8
et
6
pieds) :
« Un Jurançon
93
»
Aux couleurs du maĂŻs,
Et ma mie, et lâair du pays,
Que mon cĆur Ă©tait aise. »
Paul-Jean Toulet,
les Contrerimes.
Alinéas.
¶ Si un vers « appartient » à plusieurs interlocuteurs, on le compose
en escalier. On renfonce chaque segment de la valeur exacte du
précédent, plus une espace :
314
VERS
« Trissotin
»
Je soutiens quâon ne peut en faire de meilleur ;
Et ma grande raison, câest que jâen suis lâauteur.
Vadius
Vous ?
Trissotin
Moi.
Vadius
Je ne sais comment se fit lâa
â
aire.
Trissotin
Câest quâon fut malheureux de ne pouvoir vous plaire. »
MoliĂšre, les Femmes savantes, acte III, scĂšne iii.
=
Lefevre
1855
.
LâalinĂ©a au sein dâun vers engendre la mĂȘme disposition :
« Un prisonnier, un juge, un fantĂŽme ; lâancĂȘtre !
Câest Fabrice.
On lâamĂšne Ă la merci du maĂźtre. »
Victor Hugo,
la LĂ©gende des siĂšcles.
Veuve fi Ligne creuse
â
315
VERS
VEUVE
Ville et village fi
Article dans les noms propres, GĂ©ographie.
« Souvenez-vous que les murs des villes ne se forment
que du débris des maisons des champs. à chaque Palais
que je vois Ă©lever dans la capitale, je crois voir mettre en
mazures tout un pays. »
Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social.
Pluriel.
Seules sont des pluriels les dénominations commençant par un
article dĂ©fini pluriel : Les Andelys sont situĂ©s dans lâEure.
Quels que soient les Ă©lĂ©ments pluriels quâils incluent, tous les autres
noms de localités sont des singuliers : Ax-les-Thermes est une station
pyrénéenne, Forges-les-Eaux est en Normandie, Salins-les-Bains est
dans le Jura. CarriÚres-sur-Seine est peuplé (ou peuplée) de Carillons
(ou de Carriérois). Saintes-Maries-de-la-Mer est une commune des
Bouches-du-RhÎne. Trois-RiviÚres est situé (ou située) au Canada.
=
Grevisse
1986
, bien que sa formule manque pour le moins de pré-
cision : « Les noms de localitĂ©s qui contiennent lâarticle pluriel sont
considérés comme des pluriels. »
Genre.
Quiconque a soif de certitude ne se désaltérera pas ici. Le genre des
villes est un des hauts lieux de la liberté onomastique. Hormis celles
dont le nom contient un article (singulier), les villes ne se laissent pas
facilement attribuer un genre immuable.
Sont a priori des noms masculins : Le Caire, Le Havre, Le VĂ©sinet.
Sont a priori des noms féminins : La Ferté-Alais, La Havane, La
Nouvelle-Orléans.
Lorsquâun article pluriel prĂ©cĂšde un « nom commun courant », le
genre est aisĂ© Ă deviner : Les Sables-dâOlonne sont situĂ©s sur lâAtlantique.
Les « saints » sont dâun grand secours : Saint-Ătienne et Sainte-
Menehould ne sont pas du mĂȘme genre.
Pour les milliers de villes dont le nom ne contient aucun élément
dâun genre clairement identifiable, on suggĂšre parfois de se fier Ă
la derniĂšre syllabe, Ă la rime. Syllabe muette, le nom a de grandes
316
VILLE ET VILLAGE
chances dâĂȘtre fĂ©minin ; syllabe sonore, le nom a de grandes chances
dâĂȘtre masculin. Certains auteurs prĂ©sentent comme une vieille rĂšgle
française lâattribution du fĂ©minin aux noms de villes se terminant par
une voyelle, du masculin Ă ceux qui se terminent par une consonne.
Ces deux « rÚgles » sont souvent contradictoires : Londres (syllabe
muette, consonne), Marseille (syllabe muette, voyelle).
MĂȘme si elles peuvent aider parfois à « se faire une idĂ©e », il est
préférable de les considérer toutes les deux avec circonspection ou,
mieux, de les oublier.
Pour deux raisons :
â Si lâon tente de vĂ©rifier leur pertinence avec des exemples indis-
cutables, on obtient ceci : Le Caire, Le Havre, Les Sables-dâOlonne,
Saint-Ătienne (voyelle, syllabe muette⊠masculin) ; La FertĂ©-Alais,
La Nouvelle-OrlĂ©ans, Sainte-Menehould (consonne, syllabe sonoreâŠ
féminin) ;
â Selon les circonstances (syntaxe et niveau de langue, registre),
les noms de villes peuvent ĂȘtre soit masculins, soit fĂ©mininsâŠ
=
Grevisse
1986
.
â
Berthier
&
Colignon
1979
, Typogr. romand
1993
.
Accords et syntaxe.
Déterminées occasionnellement par un article défini, les villes
adoptent de préférence le masculin. Certains adjectifs antéposés
(grand, vieux) accentuent cette tendance.
Londres est belle (ou beau) sous le brouillard, le Londres de
Dickens est moins vert que la Normandie de Maupassant, le Grand
Londres a été liquidé par Margaret Thatcher.
Marseille est belle sous le soleil, il regrette le Marseille des années
trente, Bruxelles est belle (ou beau) sous la drache.
Le vieux Bruxelles a été liquidé par les spéculateurs et les architectes.
Alger est blanc sous le soleil, aussi lâappelle-t-on Alger la Blanche.
Précédées de tout, toutes les villes renoncent au féminin, y compris
celles dont le nom inclut un article défini féminin : tout La Rochelle
est saisi dâallĂ©gresse, toute la ville en parle.
317
VILLE ET VILLAGE
Remarque. â « Tout » signifie ici « toute la population de » et non
« lâensemble de la ville de ». Câest donc Ă tort que lâon Ă©crit parfois
[« Tout Londres est en flammes. »]
Tout Paris est dans les rues, le Tout-Paris.
Quelques villes italiennes sont trÚs attachées à leur genre. Mais il y
a des limites Ă tout :
â la Florence des MĂ©dicis, la Venise des doges, tout Venise est
enrhumé ;
â la Rome des papes, Rome est belle sous les CĂ©sars, on circule
mal dans le Grand Rome, tout Rome est Ă Ostie.
Lorsque le nom dâune ville est employĂ© pour dĂ©signer une Ă©quipe
ou un club sportifs, le masculin est de rigueur (mĂȘme sâil sâagit dâune
équipe féminine) : La Rochelle a été battu au Havre ; Marseille,
a
â
aibli, renonce Ă rencontrer Valenciennes.
Registres.
Le français littéraire privilégie le féminin ; le français courant ou
technique, le masculin.
Dans lâaccord des adjectifs et des participes, toute grande localitĂ©
« masculine » peut sâapproprier le genre fĂ©minin : Dakar est beau (ou
belle) sous les nuages ; Oslo est beau (ou belle) sous la neige.
Attention Ă ne pas confondre nom propre composĂ© (trait dâunion
obligatoire) et surnom (pas de trait dâunion) : Louvain-la-Neuve,
Sainte-Foy-la-Grande, Sidi-bel-AbbĂšs ; Alger la Blanche, Albi la Rose.
Article.
Lâarticle prend la majuscule, sauf sâil y a contraction : Le Havre,
La Nouvelle-OrlĂ©ans, La Rochelle, Les Sables-dâOlonne, Le TrĂ©port.
Le port du Havre ne doit rien à Le Nain ; je vais au Tréport puis aux
Sables-dâOlonne.
Les toponymes et les patronymes sont soumis Ă des rĂšgles trĂšs
di
â
érentes : le classement alphabétique des localités ne tient pas
compte de lâarticle : Havre (Le), Rochelle (La). Cet usage est absurde.
Dâexcellents typographes (RĂšgles Hachette
1924
, Leclerc
1939
) ont
318
VILLE ET VILLAGE
suggĂ©rĂ© dâĂ©crire comme jadis : le Havre, la Rochelle. Les lexicographes
ne les ont hélas pas suivis.
Surnoms.
La Ville Ă©ternelle (Rome), la Ville LumiĂšre (Paris), la Ville sainte
(JĂ©rusalem).
â
Impr. nat.
1990
{la Ville Ăternelle}, Tassis
1870
{la ville Ă©ternelle}.
PrĂ©sence et graphie de lâarticle
dans les noms de lieux
Ă France-Langue, les 27 et 28 juillet 1998.
Edn :
Qui saurait me donner une réponse circonstanciée concernant les
contractions dâarticles pour les communes françaises ?
Il nây a pas ici de « rĂšgle particuliĂšre »⊠simplement la rĂšgle gĂ©nĂ©rale du
français en pareil cas⊠donc⊠contraction « normale » des articles définis
initiaux (la mairie du village, la mairie du Havre, la mairie des Essarts), Ă
lâexception Ă©videmment et trĂšs « normalement » des articles Ă©lidĂ©s (la mairie
de LâAlbenc) et des articles fĂ©minins singuliers (la mairie de la commune, la
mairie de La Rochelle)âŠ
Câest une des raisons pour lesquelles je milite (sans espoirâŠ) pour le retour
Ă la minuscule initiale des articles dĂ©finis initiaux dans les noms de localitĂ©sâŠ
Lâautre Ă©tant que ces toponymes sont classĂ©s alphabĂ©tiquement sans tenir
compte de lâarticleâŠ
Edn :
Le Tremblay : mairie de Le Tremblay ou mairie
du
Tremblay ? Les
Essarts : mairie de Les Essarts ou
des
Essarts ? Le MĂ©e-sur-Seine : mairie de Le
MĂ©e s/Seine ou
du
MĂ©e-sur-Seine ?
Les mairies du Tremblay, des Essarts, du Mée-sur-Seine (jamais de « s/ » ou
de « / »âŠ).
« Retour à la minuscule initiale des articles définis initiaux dans les noms
de localitĂ©s⊠» : prĂ©cision⊠Câest bien sĂ»r dĂ©jĂ le cas pour les hameaux, les
quartiers, les lieux-dits⊠comme la DĂ©fense ou la VilletteâŠ
Ă F.L.L.F., le 5 janvier 2000.
H. Chauvet :
Jâaimerais savoir si, dans les noms de villes composĂ©s, le trait
dâunion est obligatoire, interdit ou facultatif.
Obligatoire, sauf aprĂšs lâĂ©ventuel article initial (on comprend pourquoi).
Ah ! jâoubliais la pitrerie techno⊠sauf pour les tĂȘtes pensantes de la PosteâŠ
319
VILLE ET VILLAGE
Ă F.L.L.F., le 23 mai 2000.
D. Didier :
Je prends un guide régional et je lis : Veuve (la), Islettes (les),
Marne ; Riceys (les), Haute-Marne ; Saulsotte (la), Aube.
Si jâouvre un annuaire, je retrouve la mĂȘme prĂ©sentation.
Eh bien, votre guide régional et votre annuaire commettent quatre erreurs.
Ces quatre localités sont des communes, donc leur article initial doit prendre
une majuscule, mĂȘme lorsquâil est postposĂ© et mis entre parenthĂšses. Ăa, câest
une rĂšgle (alors quâaucune « rĂšgle » ne dĂ©termine « mĂ©caniquement » le genre
des noms de villeâŠ).
D. Didier :
Je pourrais rĂ©pĂ©ter la mĂȘme opĂ©ration pour une autre province :
Chapelle-devant-BruyĂšres (la), Val-dâAjol (le), Vosges.
Encore deux communes, donc deux erreursâŠ
D. Didier :
Et un festival de piano peut se dĂ©rouler Ă Roque-dâAntĂ©ron (la).
Roque-dâAnthĂ©ron (La).
D. Didier :
Ă ne pas confondre avec les Laroquebrou ou Laroque-Timbaut.
Lâagglutination de lâarticle peut jouer des toursâŠ
Non, lâagglutination de lâarticle ne joue aucun tour et ne pose aucun
problĂšme orthotypographique : elle a eu lieu, câest tout.
D. Didier :
Je ne cherche pas Ă infirmer une rĂšgle qui nâexiste dâailleurs pas
vraimentâŠ
Si, siâŠ
D. Didier :
⊠mais je constate que les noms de grandes villes ne sont pas
soumis aux mĂȘmes normes orthotypographiques que les petites communes
et les hameaux, qui sont sujets Ă lâabsence de majuscule pour lâarticle.
Non, la démarcation ne se situe pas entre les « grandes » et les « petites »
localitĂ©s (ce « critĂšre » nâest pas opĂ©rationnel⊠il est donc irrecevableâŠ). Elle
passe entre les communes et les hameaux, les lieux-dits.
D. Didier :
Est-ce parce quâils Ă©chappent aux dictionnaires courants ?
Lâimportance numĂ©rique et Ă©conomique dâune agglomĂ©ration permettrait-elle
de ne pas se définir simplement comme un lieu-dit sur le modÚle du
Blanc (mont), du LĂ©man (lac) ? Ou aurions-nous encore affaire Ă lâarticle de
notoriété ?
Rien de tout ça â encore que la comparaison des lieux-dits avec les topo-
nymes non administratifs, disons « gĂ©ographiques », soit en partie pertinente â,
mais je retiens votre premiÚre hypothÚse, car elle explique « en creux » le
phénomÚne que vous avez observé dans des guides « régionaux ».
Les dictionnaires courants (ou spĂ©cialisĂ©sâŠ), ainsi que tous les ouvrages de
référence sérieux sont en général écrits, composés, révisés, corrigés par des
gens qui connaissent les conventions du français écrit.
320
VILLE ET VILLAGE
Câest plus rarement le cas pour les guides rĂ©gionaux, les annuaires et
toutes ces sortes of chosesâŠ
Or, par nature, les dictionnaires dâusage courant nâoffrent des entrĂ©es quâaux
localitĂ©s dâune certaine importance⊠Cela ne signifie nullement que les saines
conventions quâils respectent ne sâappliquent pas aux rĂ©alitĂ©s que faute de
place ils ignorentâŠ
D. Didier :
Mais alors comment expliquer dans certains cas la disparition de
lâarticle, notamment devant les diffĂ©rentes « Villeneuve », « Villefranche » ?
Comme son agglutination, la disparition de lâarticle est un phĂ©nomĂšne
dâordre « linguistique »⊠Les conventions orthotypographiques â qui nâont
pour ambition que de faciliter la vie du lecteur â nây sont pour rien,
nâexpliquent rien (mais elles sont explicables)⊠Modestes, elles font oĂč on
leur dit de faire, rien de plusâŠ
Ă F.L.L.F., le 1
er
février 2001.
R. O. :
« Demain, je serai sur⊠» Douai.
Ăa vaut mieux que dâĂȘtre sur Menet (Cantal), mais il est agrĂ©able de vivre
sur Manvieux (Calvados) et, pour une dame, dâĂȘtre sur Essertenne (SaĂŽne-et-
Loire).
« à » Arles, « en » AvignonâŠ
Ă France-Langue, du 18 au 27 mars 1997.
Bilou :
Je suis certain dâun poĂšme qui disait : «
En
Arles, oĂč sont les
Alyscamps⊠» Mon enfance marseillaise a toujours entendu
en
Arles,
en
AvignonâŠ
Justement non⊠(Mais ça ne change rien, vous avez raison sur le fondâŠ)
Paul-Jean Toulet a écrit un poÚme, « En Arles » qui commence ainsi :
« Dans Arle, oĂč sont les Aliscams,
Quand lâombre est rouge, sous les roses,
Et clair le temps [âŠ] »
Ce « Dans » est magnifique. (Arle nâest pas une Ă©tourderie de ma part.) La
prĂ©position « en » sâemployait jadis devant les noms de villes. Elle a rĂ©sistĂ©
devant Avignon pour la raison indiquée par André Bourlakoff (enclave papale).
On peut supposer quâelle a rĂ©sistĂ© devant Arles pour une raison similaire :
Arles nâest pas quâune ville, ce fut un royaume.
« En Avignon » et « en Arles » sont aujourdâhui considĂ©rĂ©s comme des provin-
cialismes ou dĂ©noncĂ©s comme affectĂ©s. Peut-ĂȘtre, mais ils sont charmants
et élégants.
321
VILLE ET VILLAGE
Bilou :
Ce qui est clair, câest que les chercheurs de normes ont tort face Ă
lâusage, et que les dictionnaires outrepassent souvent leur rĂŽle. Parce que qui
dérangé-je (en voilà une normale et ridicule) en disant « en Arles » ?
Je suis bien dâaccord avec vous : « en Arles » est charmant et ne dĂ©range
personne.
LĂ oĂč je ne vous suis plus, câest lorsque vous attribuez la condamnation
de cette préposition aux seuls « chercheurs de normes ». Elle est surtout vili-
pendĂ©e (Ă tort) par les « observateurs de lâusage ».
Sur ce point prĂ©cis, voici ce quâĂ©crivait Albert Dauzat, linguiste trĂšs respec-
table et prompt (avec raison) à dénoncer les oukases puristes :
« Les fausses Ă©lĂ©gances comme âen Avignonâ ou âĂ skisâ â solĂ©cismes non
plus vulgaires, mais prĂ©tentieux â sont plus coriaces : espĂ©rons quâavec de la
ténacité nous aurons leur peau. »
Brrrrr⊠Ăa fait peur⊠On nâen est plus aux timides et ridicules « Ne dites
pas », on sort les couteaux afin de faire respecter lâusageâŠ
Pour ĂȘtre honnĂȘte, prĂ©cisons que les arguments dĂ©veloppĂ©s ensuite par
Dauzat sont intéressants :
« Ce fut dâabord une mode fĂ©librĂ©enne. Ăvidemment on dit
en Avignoun
en
provençal (en face dâ
az Ais
, âĂ Aixâ), mais le provençal nâest pas le français : Ă
chacun sa syntaxe ! Mistral lui-mĂȘme, Ă la fin de sa vie, avait formellement
condamnĂ© ce solĂ©cisme. [âŠ] »
La suite confirme que souvent lâusage est (heureusementâŠ) imposĂ© par
des chercheurs de normes dâun autre genre, les grammairiens :
« Cet exemple est en effet un de ceux qui illustrent le mieux le rÎle des
grammairiens. Comme dans dâautres cas, la rĂšgle a Ă©tĂ© inspirĂ©e par la ten-
dance du français à spécialiser les particules dans des emplois précis : le gram-
mairien a rendu lâusage plus conscient et lâa codifiĂ©. Le premier, Meigret, dĂšs
le
xvi
e
siĂšcle, bientĂŽt suivi par Ramus, dĂ©gage la rĂšgle qui oppose âĂ â devant
nom de ville Ă âenâ devant nom de pays. Elle est prĂ©cisĂ©e par Maupas, dont
la grammaire fit autorité en 1607, par Dupleix (1645), et appliquée par les
Messieurs de Port-Royal, mĂȘme aux noms bibliques et antiques, pour lesquels
la tradition latine conservait encore âenâ. Sous Louis XIV le tour avec âenâ,
considĂ©rĂ© comme vieilli par MĂ©nage et par lâAcadĂ©mie, est condamnĂ© par tous
les grammairiens, Bouhours en tĂȘte, et autorisĂ© seulement comme licence
poĂ©tique (ainsi sâexplique âen Argosâ, quâon trouve une fois chez Racine). Telle
est encore la position de LittrĂ©. [âŠ] »
« Historiquement, âen Avignonâ eut sa raison dâĂȘtre comme nom de pays
jusquâen 1789, quand il y avait un Ătat papal (on entendait : dans lâĂtat
dâAvignon) â tout comme âen Algerâ, qui signifia âen AlgĂ©rieâ jusquâau jour oĂč
fut crĂ©Ă© le mot âAlgĂ©rieâ (sous Louis-Philippe). »
322
VILLE ET VILLAGE
Bon⊠Les prépositions sont spécialisées⊠mais pas tant que ça. Si le
nom dâun pays est masculin singulier (ce qui nâest pas rareâŠ), on emploie
« au » et non « en »⊠: au Soudan, au Portugal, au Mexique, au Luxembourg
(mĂȘme si « en Portugal » ou « en Danemark » survivent faiblement, comme
« en Arles », sans déranger personne, sauf quelques observateurs impartiaux
de nos usages).
Remarque annexe⊠En sâappuyant sur Meigret ou MĂ©nage, les observateurs
de lâusage emploient les mĂȘmes mĂ©thodes et les mĂȘmes arguments que les
puristes.
Je me demande dâailleurs comment Dauzat, aprĂšs avoir Ă©voquĂ© la spĂ©ciali-
sation des particules pour condamner « en Avignon », justifierait le passage de
« en Portugal » à « au Portugal » ? Peut-ĂȘtre lâa-t-il fait ? Mais je nâai pas le temps
dâaller voir ça de plus prĂšsâŠ
à F.L.L.F., le 2 août 2000.
D. B. :
Il semble que ce soit Ă Daudet quâon doive la recrudescence de « en
Avignon » et « en Arles ».
Bon, alors⊠je ne la trouve plus charmante⊠ni élégante !
Ce snobisme bouseux est Ă chierâŠ
Genre des villes
Ă F.L.L.F., le 23 mai 2000.
D. B. :
« La Rochelle a Ă©tĂ© battu au Havre. » [âŠ] Dans ce cas, on sâĂ©loigne un
peu du vrai nom de ville pour se rapprocher des noms de nâimporte quoi.
Oui, mais on sâen rapproche trĂšs modĂ©rĂ©ment. Dans le cas dâune Ă©quipe
sportive dĂ©signĂ©e « en raccourci » par le nom de la ville quâelle reprĂ©sente,
celui-ci conserve en grande partie son poids dâorigine (surtout pour les chau-
vins de clocherâŠ).
Ce qui nâest Ă©videmment pas le cas avec les noms de navires (sujet dif-
ficileâŠ) ou de troquets.
Les choses sont simples avec les formes déterminées ou complÚtes (Turin
a été battu, la Juventus de Turin a été battue) mais elles se compliquent avec
les sigles⊠mĂȘme partiels⊠Que faire avec lâA.S.S.E. ou lâA.S. Monaco ? Ou,
dans une discipline que je prĂ©fĂšre, lâUSAP ? Quand on ignore la signification de
ces initiales (ce qui est frĂ©quent, mĂȘme chez les « spĂ©cialistes »), on se rabat
parfois sur le masculin systĂ©matique. Câest regrettable⊠mais câest amusant,
car la manĆuvre est Ă la fois dans lâair du temps et contre luiâŠ
323
VILLE ET VILLAGE
à F.L.L.F., le 17 décembre 2001.
L. Bentz :
Il y a des exceptions (généralement par métonymie), ainsi : « La
Rochelle est un notable port de pĂȘche », citĂ© dans
le Bon Usage
de Grevisse et
Goosse (13
e
éd., 1993, § 462).
OĂč est lâexception ?âŠ
Dans « cette ville est un notable port de pĂȘche », le genre du mot
ville
serait-
il une exception ?
Quelle est précisément la formulation de M
r
Goosse ?
L. Bentz :
« Le masc. se rencontre pourtant : âĂquipĂ© dâun bassin de plai-
sance, La Rochelle est un notable port de pĂȘcheâ
(Grand Dict. enc. Lar.)
.
[N. D. F. [âŠ] Le rĂ©dacteur pense sans doute Ă âportâ]. »
Câest trĂšs diffĂ©rent de ce que vous donnez dans la FAQ⊠oĂč il manque ce
qui illustre la prétendue exception.
Cela dit, si le rĂ©dacteur a pensĂ© à « port », il a eu une Ă©trange pensĂ©eâŠ
comparable Ă celle qui conduirait Ă Ă©crire : « ĂquipĂ© dâun bassin exceptionnel,
Brigitte Bardot est un notable monument du cinéma français. »
Sâil y a une explication (et non une exception), elle tient plus au registre quâĂ
la syntaxe.
Vin fi
Saint.
« Seigneurs, lâhomme est divin. / Dieu nâavait fait
que lâeau, mais lâhomme a fait le vin ! »
Victor Hugo, « la FĂȘte chez
ThérÚse », les Contemplations.
à France-Langue, le 18 février 1997.
Claude-jean :
Ce qui mâintrigue aussi est ce «
s »
Ă la fin du mot. Ăcrit-on « le
chiroubles » ?
Oui, on Ă©crit le ou un chiroubles comme on Ă©crit le ou un bordeaux.
Chiroubles (toponyme) est une commune oĂč lâon produit un excellent beau-
jolais (vin). Le chiroubles (vin) est produit dans une commune du Beaujolais
(toponyme).
Pourquoi le « s » de Chiroubles vous intrigue-t-il davantage que celui de
Beaujolais ?
Ă F.L.L.F., le 10 avril 2001.
C. Chaland :
Pourtant un trouble en moi subsiste : sur quel critĂšre le
Larousse
classe-t-il ChĂąteau-Lafite ou ChĂąteau-Latour au rang des noms propres, avec
majuscules, donc ?
324
VILLE ET VILLAGE
VIN
Sur le mĂȘme critĂšre (ou presque) qui fait accorder une majuscule Ă
PrĂ©sident mais non Ă camembert, Ă SociĂ©tĂ© mais non Ă roquefortâŠ
Le ChĂąteau-Lafite et le ChĂąteau-Latour sont des pauillacs (premiers crus !),
des vins de Pauillac⊠des bordeaux comme on en fait peu⊠Chùteau-Lafite
est assimilable Ă une marque, pauillac est une appellation.
Virgule fi
Points de suspension, Ponctuation.
¶ Espace.
Jamais dâespace avant la virgule.
Jadis, on mettait une espace dâun point avant la virgule dans les
lignes espacées « normalement » (sauf aprÚs les lettres r, v et y « qui
portent un blanc su
â
samment fort par en bas », Lefevre
1883
) et lâon
sâen abstenait dans les compositions serrĂ©es.
Des espaces avant les virgules ?
Ă Typographie, du 10 au 13 novembre 1998.
J. André :
Jâai un petit bouquin non datĂ© mais je prĂ©sume quâil date
des annĂ©es 1935 environ. Il sâagit du
Petit Manuel de composition
de Louis
Chollet, attaché à la maison Mame, édité à Tours, Maison Mame et fils. Il y dit :
« La virgule, dans une ligne espacĂ©e normalement, doit ĂȘtre sĂ©parĂ©e par une
espace de un point, ainsi que les astérisques et les appels de notes sans
parenthĂšses ; le point-virgule, les points dâinterrogation et dâexclamation, par
une espace de un point et demi ; les deux-points, par deux points Ă gauche
contre trois points à droite. »
Sâil date de 1935⊠câest une rĂ©Ă©dition⊠Chollet a Ă©crit son manuel dans les
derniÚres décennies du
xix
e
. Je nâai pas la date exacte sous la main.
Ă mon sens, le jeu sur lâespace prĂ©cĂ©dant la virgule est essentiellement liĂ©
Ă la compo manuelle. Rien nâinterdit de le ressusciter : maniĂ© avec mesure et
dĂ©licatesse, il Ă©tait loin dâĂȘtre conâŠ
Encore faut-il ne pas sâimaginer que tous les blancs que lâon perçoit avant
les virgules dans des livres anciens sont des espaces⊠Dans bien des cas, il
sâagit de lâapproche du signe, approche parfois Ă©norme ! Voir, par exemple, les
critiques de Frey (p. 49), qui demande aux fondeurs de tailler Ă vif !
J.-P. Godefroy :
Dâautre part quelquâun, il y a peu, [âŠ] pensait que les
espaces prĂ©cĂ©dant les virgules Ă©taient un problĂšme dâapproche, mais le point
nâest jamais prĂ©cĂ©dĂ© dâune espace.
325
VIN
VIRGULE
Cela nâinfirme pas le fait que lâapproche naturelle jouait un rĂŽle Ă©minent
dans le cas de la virgule⊠(« approche naturelle » pris évidemment au sens
plombĂ© de lâexpression⊠câest-Ă -dire non modifiable⊠sauf Ă la lime et Ă la
servante de JiDĂ© !). Le blanc que lâon qualifie un peu vite dâespace Ă©tait parfois
lâapproche naturelle (mais excessiveâŠ) du signe⊠et celle de son prĂ©dĂ©-
cesseur. Nâoublions pas non plus que jadis on composait moins serrĂ© que
naguĂšreâŠ
Je reviens Ă une source, parmi dâautres, que jâai mentionnĂ©e (A. Frey, article
« Approche », publié en 1835). En voici un extrait :
« Fournier veut quâon âtienne les ponctuations un peu grosses, Ă lâexception
du point [hihiâŠ], parce quâil se trouve toujours une espace entre elles et le
mot qui les suit [il est con, ce FournierâŠ]â.
« Si tous les fondeurs sâastreignaient Ă cette rĂšgle, il y aurait peu Ă redire ;
mais quelques-uns, par des motifs qui les justifient peut-ĂȘtre tout en accusant
lâincurie des imprimeurs, tiennent diverses ponctuations et encore dâautres
sortes tellement grosses, quâils Ă©vitent le bien quâavait en vue notre typo-
graphe, et aggravant le mal quâil paraĂźt nâavoir pas entiĂšrement prĂ©vu. On fera
donc ici cette recommandation [âŠ]
« Laissez donc presque
Ă vif
:
« 1
o
. la parenthĂšse [âŠ]
« 3
o
. la virgule des deux cÎtés,
« car une quantité notable de lettres des trois alphabets romains, y compris
les chiffres, dĂ©crivent par leurs pointes et leurs circuits, Ă la base de lâĆil,
lâespace quâil faut observer Ă la composition, et cela dâautant plus que mĂȘme
un certain nombre de ces lettres, plus particuliĂšrement encore pour lâitalique,
portent un blanc déjà trop fort pour la virgule. »
Fin de citation. Je ne conteste pas la prĂ©sence dâespaces⊠Je suis mĂȘme
de ceux qui regrettent le temps oĂč lâon pouvait encore justifier en introduisant
des espaces diverses avant les virgules ! Je dis que certains blancs, aujourdâhui
Ă©tonnants, nâont pas besoin dâelles pour sâexpliquer⊠Nuance !âŠ
Voie et espace public fi
Adresse, Jardin, Monument, Particule.
Les rĂšgles qui suivent sâappliquent Ă toutes les catĂ©gories de voies
et dâespaces publics.
âąâąâą
Les termes génériques (rue, avenue, boulevard, place, passage,
bois, etc.) demeurent des noms communs et se composent en bas de
casse ; les termes spécifiques sont considérés comme des dénominations
326
VIRGULE
VOIE ET ESPACE PUBLIC
propres et prennent une capitale initiale : rue Neuve, boulevard Victor,
place Blanche.
=
Impr. nat.
1990
, Tassis
1870
.
âąâąâą
La préposition qui unit le terme générique et le terme spéci-
fique se compose en bas de casse : esplanade des Invalides, chaussée de
Louvain, passage des Panoramas, rue de Vaugirard.
âąâąâą
Les termes des dénominations composées sont liés par un trait
dâunion, Ă lâexception de lâĂ©ventuel article initial.
âąâąâą
Ils prennent une majuscule initiale, Ă lâexception des articles
nâappartenant pas aux noms propres, des prĂ©positions (de), des
conjonctions (et), des pronoms (qui) : rue du Chat-qui-PĂȘche, avenue
du CimetiĂšre-des-Batignolles, rue Chevalier-de-La-Barre, rue Lucien-
et-Sacha-Guitry.
âąâąâą
Attention ! Certaines particules précédant des patronymes sont
des articles contractés et prennent par conséquent une majuscule
initiale : rue Du Guesclin, rue du Grenier-sur-lâEau, rue La Fontaine,
place du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, avenue La Motte-Piquet,
avenue de La Bourdonnais, boulevard de Latour-Maubourg, rue de La
Tour-dâAuvergne, chaussĂ©e de la Muette, rue Saint-Jean-Baptiste-de-
La-Salle, quai de la MĂ©gisserie, place du Parvis-Notre-Dame, place du
Parvis-du-SacrĂ©-CĆur, avenue de la Porte-des-Lilas, porte des Lilas,
rond-point du Pont-Mirabeau, pont Mirabeau, rue du Pont-Neuf.
Les nombres se composent :
â en chi
â
res romains grandes capitales pour les adjectifs ordinaux
des souverains : avenue Albert-I
er
-de-Monaco, avenue Georges-V.
â en chi
â
res arabes dans les dates : rue du
8
-Mai-
1945
, place du
11
-
Novembre-
1918
.
â en toutes lettres dans tous les autres cas : impasse des Deux-
Anges, cour des Trois-FrĂšres, rue des Quatre-FrĂšres-Peignot, rue des
Cinq-Diamants.
â«
327
VOIE ET ESPACE PUBLIC
329
ZĂ©ro fi
Chi
â
res.
¶ Nâentrez jamais la lettre O (capitale) en lieu et place du chi
â
re
« anglais » 0, qui est beaucoup plus étroit dans toutes les bonnes polices :
Bien que moins sensible, une di
â
Ă©rence existe Ă©galement entre la
lettre o (bas de casse) et le chi
â
re « français »
0
, dans certaines polices :
Zodiaque fi
Astre.
Les noms des signes du zodiaque prennent une majuscule initiale.
z
le BĂ©lier
~
le Lion
ÂŁ
le Sagittaire
{
le Taureau
â
la Vierge
§
le Capricorne
|
les GĂ©meaux
°
la Balance
x
le Verseau
}
le Cancer
Âą
le Scorpion
y
les Poissons
Ne pas confondre avec les hideux pictogrammes :
Âź
©
± „ ”
Âż
ÂĄ
ÂŹ
Æ
« âą Ă
ïČïŻïł
ïČï°ïł
Caslon
Lettre
Chi
â
re
2O3
203
Baskerville
2O3
203
Didot
2O3
203
Futura
2O3
203
Post Antiqua
Zoo fi
Jardin.
âąâąâą
Troncation de « (jardin) zoo(logique) », zoo nâa
â
jamais de
majuscule initiale : un zoo, des zoos, le zoo de Vincennes.
âąâąâą
Les mots incluant le prĂ©fixe « zoo » sâĂ©crivent tous sans trait
dâunion : zoogamĂšte, zooĂŻde, zootechnicien, zoothĂ©rapie, etc.
Zoologie fi
Botanique.
« Lâemploi frĂ©quent dâun organe devenu constant
par les habitudes augmente les facultés de cet
organe, le dĂ©veloppe lui-mĂȘme et lui fait acquĂ©rir
des dimensions et une force dâaction quâil nâa point
dans les animaux qui lâexercent moins. »
Jean-Baptiste de Lamarck, Philosophie zoologique.
âą
Dans les textes et les ouvrages spécialisés, on met une majuscule
initiale aux noms des embranchements, des classes, des ordres, des
familles et des genres.
=
Code typ.
1993
, Gouriou
1990
, Impr. nat.
1990
.
Nomenclature binominale.
Les noms latins (ou latinisés) des genres et des espÚces se mettent
en italique ; ils ne sont jamais déterminés par un article. Lorsque le
nom latin du genre est répété, on le remplace par la majuscule initiale
(en italique) suivie du point abréviatif ; les noms latins des espÚces ne
prennent pas la majuscule initiale.
Noms vulgaires des espĂšces.
En romain, déterminés par un article, majuscule initiale.
â
Code typ.
1993
, Doppagne
1991
[majuscule si le nom de lâespĂšce
dĂ©rive dâun nom propre].
Embranchements : Protozoaires, Mollusques, Arthropodes, Verté-
brés, etc.
Classes : Poissons, Reptiles, Oiseaux, MammifĂšres, etc.
Ordres : Artiodactyles, Proboscidiens, PinnipĂšdes, FissipĂšdes, etc.
330
ZOO
ZOOLOGIE
Familles : Canidés, Ursidés, Mustélidés, Viverridés, Félidés, etc.
Genres : Felis, Acinonyx, Panthera.
G.(enres) plus espĂšces : Panthera leo, P. pardus, P. tigris, etc.
EspĂšces : Lion, LĂ©opard, Tigre, etc.
Exemples. â Panthera tigris ou le Tigre ; des croisements entre Felis
libyca et F. sylvestris ont eu lieu ; le Chat sauvage appartient Ă la famille
des Félidés. Larousse
1985
:
« Les Lions, les Tigres, les PanthÚres et les
Chats ont une forme gĂ©nĂ©rale en rapport avec la chasse Ă lâa
â
ût. »
âąâą
Dans les textes non spĂ©cialisĂ©s, ces usages sont Ă©videmment Ă
proscrire, et, des embranchements aux espĂšces, la minuscule est de
rigueur : un mollusque appĂ©tissant, du poisson cru, dâinnombrables
reptiles, des oiseaux plutÎt laids, de charmants mustélidés, le lion
chasse Ă lâa
â
ût.
=
Larousse
1992
.
â
Robert
1985
.
Cas particuliers.
Des persans, des labradors, des saint-bernard (ou des saint-
bernards, voir :
Saint).
â«
331
ZOOLOGIE
Liste des auteurs mentionnés
*
Citations explicites.
Alain : Citation, Ponctuation.
Alexandre (Bernard) : Italique.
Allais (Alphonse) : DĂ©partement, Particule, Transcription, translit-
tération.
Aragon (Louis) : DĂ©partement, Point dâexclamation.
Artaud (Antonin) : Points de suspension.
Balzac (Honoré de) : Code.
Baudelaire (Charles) : Format.
Beauvoir (Simone de) : Titre dâĆuvre.
Beckett (Samuel) : Tiret.
BĂ©raud (Henri) : HĂŽtel.
Bernanos (Georges) : Allégorie, Parti, mouvement.
Bertin (Jacques) & Jouet (Jacques) : Accentuation.
Blondin (Antoine) : Troncation.
Boileau (Nicolas) : Théùtre.
Boiste (Pierre-Claude-Victoire) : Capitale.
Bourget (Paul) : Doctrine.
Boutmy (EugĂšne) : Apostrophe.
333
* Ne figurent dans ce chapitre que les auteurs des épigraphes, ainsi que ceux cités
Ă titre dâexemple dans le corps des articles â Ă lâexception des mentions au sein des
passages reprenant les débats sur Internet.
La liste complÚte des auteurs de référence se trouve dans la « Bibliographie », p.
345-
374
de ce volume (N. D. Ă.).
Breffort (Alexandre) : Citation.
Camus (Albert) : Dialogue.
Carco (Francis) : Italique.
Céline (Louis-Ferdinand) : An, année, Dédicace, Points de suspension,
Proverbe, Religion, Titre dâĆuvre.
CervantĂšs (Miguel de) : Proverbe.
Chamfort (Nicolas de) : Abréviation, Astérisque, « Avant-Propos »,
Peuple.
Chateaubriand (François RenĂ© de) : Ăge, ArmĂ©e, Article dans les noms
propres, Couleur.
Chazal (Malcolm de) : Deux-points.
Chervel (André) : Points de suspension.
Cioran (Ămile Michel) : ĂvĂ©nement historique, Midi, minuit, Points
de suspension.
Claudel (Paul) : Crochet.
Clément (Jean-Baptiste) : Barre oblique.
Cocteau (Jean) : Musée.
Cohen (Albert) : Bureau, DĂ©dicace, Religion.
Combescot (Pierre) : Madame, mademoiselle, monsieur.
ComĆdia : Latin.
Comte-Sponville (André) : Musique, Tiret.
CorbiĂšre (Tristan) : Citation, Tiret.
Cros (Charles) : ChĂątain.
Daeninckx (Didier) : Madame, mademoiselle, monsieur.
Daniel-Rops : Bible.
Daudet (Alphonse) : Points de suspension.
Daumal (René) : Vers.
Debray (Régis) : Président.
Denis (Jules) : Tiret.
Des ForĂȘts (Louis-RenĂ©) : Dialogue.
Diop (Birago) : Point dâinterrogation.
Dumas (Alexandre) : Madame, mademoiselle, monsieur, Mot Ă©tranger.
Estival (Robert) : Ponctuation.
Ătiemble (RenĂ©) : « Avant-Propos ».
334
liste des auteurs mentionnés
Fargue (LĂ©on-Paul) : Citation.
Flaubert (Gustave) : Madame, mademoiselle, monsieur, Titre dâĆuvre.
Fourastié (Jean) : Nombre.
Fournier (Henri) : Casse, Copie.
France (Anatole) : Citation, MinistĂšre, ministre.
Gauthier-Ăchard (Blanche) & Perseil (LĂ©on) : UnitĂ© de mesure.
Gide (André) : Prote.
Giono (Jean) : Dialogue, Paragraphe.
Giraudoux (Jean) : Deux-points.
Grevisse (Marie-Anne) : Deux-points.
Grevisse (Maurice) : Guillemet.
Gueldre (Alain de) : Date.
Guillemin (Henri) : Ăglise.
Guitton (Jean) : Dialogue, Dynastie.
HagĂšre (Claude) : Pays.
Hermant (Abel) : Guillemet.
Herriot (Ădouard) : MinistĂšre, ministre.
Hugo (Victor) : Accentuation, Dynastie, Lisibilité, Vers, Vin.
Ifrah (Georges) : Point dâexclamation.
Jacob (Max) : Apostrophe, Pluriel des mots Ă©trangers.
Jespersen (Otto) : Langue Ă©trangĂšre.
Karr (Alphonse) : Astérisque.
Klossowski (Pierre) : Deux-points.
Lamarck (Jean-Baptiste de) : Zoologie.
Lascaux (Gilbert) : Bateau.
Le Breton (Auguste) : Points de suspension.
Leforestier (Joseph-Pascal-Michel) : Bon Ă tirer.
LĂ©vi-Strauss (Claude) : Peuple.
LittrĂ© (Ămile) : NĂ©ologisme.
Maeterlinck (Maurice) : Etc.
Malaurie (Jean) : PĂŽle.
MallarmĂ© (StĂ©phane) : Ăpigraphe.
Malraux (André) : Calibre, Dédicace, Franc, Mot étranger, Points de
suspension, Titre dâĆuvre, VĂ©hicule.
335
liste des auteurs mentionnés
Manchette (Jean-Patrick) : Heure.
Marcel (Gabriel) : Italique.
Martin du Gard (Roger) : DĂ©dicace, Dialogue, Lettrine.
Mauriac (François) : CÎte, Lettrine, Manifestation sportive, Particule.
Mertens (Pierre) : Tiret.
Michaux (Henri) : Couleur, SiĂšcle.
Modiano (Patrick) : Sigle.
MoliĂšre : Vers.
Momoro (Antoine-François) : Allemand.
Montaigne (Michel de) : Lettrine.
Montesquieu (Charles de) : Note.
Morand (Paul) : Sic.
Nerval (GĂ©rard de) : Madame, mademoiselle, monsieur.
Nodier (Charles) : Durée.
Nourissier (François) : Dédicace.
Pascal (Blaise) : Acte dâune piĂšce de thĂ©Ăątre, AlinĂ©a.
Pawlowski (Gaston de) : Italique.
Peignot (JĂ©rĂŽme) : Accentuation, Bas de casse.
Pennac (Daniel) : DĂ©dicace, Ătirement.
Poe (Edgar Allan) : An, année, Lettrine.
Prévert (Jacques) : Etc.
Prévost (Marcel) : ParenthÚse.
Proust (Marcel) : Alinéa, Dédicace, Madame, mademoiselle, monsieur,
Titre dâĆuvre.
Queneau (Raymond) : Point dâexclamation.
Racine (Jean) : Points de suspension.
Renard (Jules) : Accentuation, Dialogue.
Rigaud (Lucien) : Proverbe.
Rivais (Yak) : Citation.
Rivarol (Antoine de) : Astérisque.
Robbe-Grillet (Alain) : Etc., RĂ©volution.
Rogues de Fursac (Joseph) : Citation.
Rolland (Romain) : Saint.
Romains (Jules) : Administration, Date, ĂvĂ©nement historique, Produit.
336
liste des auteurs mentionnés
Rostand (Jean) : Abréviation, Croix.
Rousseau (Jean-Jacques) : Ăge, Vers, Ville et village.
Roy (Jules) : DĂ©dicace.
Royer (Jean-Michel) : Vers.
Saint-John Perse : Points de suspension.
Salvat (Henri) : Ăge.
San-Antonio : Point dâexclamation, Point dâinterrogation.
Smith (Joseph) : Livre sacré.
Stendhal : Majuscule.
Thibaudeau (Francis) : Astérisque.
Toulet (Paul-Jean) : Vers.
Tournier (Michel) : Académie.
Valéry (Paul) : Bibliographie, Etc., Genre des noms communs, Points de
suspension.
Verlaine (Paul) : DĂ©dicace, Vers.
Vigny (Alfred de) : Académie.
Virgile : Ăpigraphe.
Weil (Simone) : Parti, mouvement.
Wetzel (Marc) : DĂ©dicace.
Weyergans (François) : ParenthÚse, Particule.
Allusions directes et indirectes, titres dâĆuvres seulement.
Au fil des pages dâOrthotypographie apparaissent Ă©galement, outre
les auteurs recensĂ©s plus haut, et parfois par simple allusion Ă lâĆuvre
(ou par Ă©vocation ou citation dâun titre dâĆuvre) les dramaturges,
écrivains, essayistes, mémorialistes, poÚtes suivants : quelques-uns des
si nombreux traducteurs de la Bible (et la Bible elle-mĂȘme) ; le ou les
rĂ©dacteurs de lâ
Agama, du Coran, du Rigveda, du Code civil et du
Code pĂ©nal, dâun conte oriental dans la traduction dâAntoine Galland,
dâun cycle romanesque du xiii
e
siĂšcle, dâune farce anonyme de
1439
âŠ
Ainsi que : A. D. G., Louis Petit de Bachaumont, Gaston Bachelard,
Henri Barbusse, Roland Barthes, Pierre Augustin de Beaumarchais,
Tristan Bernard, Henri Bosco, Georges Brassens, Bertolt Brecht,
337
liste des auteurs mentionnés
Ferdinand BrunetiĂšre, Lewis Carroll, Jules CĂ©sar, Marie Jean Antoine
Nicolas de Condorcet, Benjamin Constant, Pierre Corneille, René
Descartes, John Dos Passos, Fiodor DostoĂŻevski, Joachim Du Bellay,
Friedrich Engels, Eschyle, François de Fénelon, Bernard de Fontenelle,
FrĂ©dĂ©ric II de Prusse, ThĂ©ophile Gauthier, ValĂ©ry Giscard dâEstaing,
Julien Gracq, Nicolas de Grandval, BenoĂźte Groult, Sacha Guitry,
EugÚne Labiche, Pierre Ambroise François Choderlos de Laclos, Jean
de La Fontaine, Robert Félicité de Lamennais, Pierre Lusson, Joseph
de Maistre, Guy de Maupassant, Alfred de Musset, GĂ©rard Neudin,
Ădouard Pailleron, Charles PĂ©guy, Georges Perec, Charles Perrault,
Melchior de Polignac, Ernest Renan, Arthur Rimbaud, Jacques
Roubaud, Jean-Jacques Rousseau, Antoine de Saint-Exupéry,
saint François de Sales, Jean-Paul Sartre, William Shakespeare, John
Steinbeck, Alexis de Tocqueville, Rodolphe T
ö
p
â
er, Jules VallĂšs,
Claude de Vaugelas, Jules Verne, Boris Vian, Voltaire, Simone Weil,
Marguerite Yourcenar, Ămile Zola.
Sont par ailleurs cités, explicitement ou par allusion, trois cinéastes :
Stanley Kubrick, George Lucas, Jean Renoir ; onze plasticiens : Jacques
Callot, Hergé (Georges Rémi, dit), Michel-Ange, Francis Picabia,
Pablo Picasso, Rembrandt (R. Harmenszoon Van Rijn, dit), Auguste
Rodin, Paolo Uccello, Johannes Vermeer, Ossip Zadkine, le sculpteur
anonyme de
la Victoire de Samothrace ; onze compositeurs : Jean-
SĂ©bastien Bach, Ludwig van Beethoven, Georges Bizet, Pierre Degeyter,
Jean-Baptiste Lully, Gustav Mahler, Wolfgang Amadeus Mozart,
Gioacchino Rossini, Franz Schubert, Kurt Weill, Iannis Xenakis.
â«
338
liste des auteurs mentionnés
Bibliographie
Lâorthotypographie sâintĂ©resse Ă tout ce qui sâĂ©critâŠ
Cette bibliographie nâa donc rien dâexhaustif : nây sont mentionnĂ©s
que les ouvrages que jâai consultĂ©s ou lus lors de la rĂ©daction de ce
dictionnaire et qui, pour la plupart, figurent dans ma bibliothĂšque de
travail.
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éd., coll. « Que sais-je ? »,
Presses universitaires de France, Paris,
1992
.
Petity (Jean Raymond de), BibliothĂšque des artistes et des amateurs, ou
Tablettes analytiques et méthodiques sur les sciences et les beaux-arts,
P.-G. Simon, Paris,
1766
.
Rat (Maurice), Dictionnaire des locutions françaises,
21e
Ă©d., Larousse,
Paris,
1957
.
Vannier (Antonin), la ClartĂ© française, lâArt de composer, dâĂ©crire et de
se corriger,
4e
Ă©d., Fernand Nathan, Paris,
1912
.
Walter (Henriette), le Français dans tous les sens, Robert La
â
ont,
Paris,
1988
.
Wey (Francis), Remarques sur la langue française au
xix
e
siĂšcle, sur le
style et la composition littéraire, Firmin-Didot FrÚres, Paris,
1845
.
15.
Repentir.
Afin de ne pas lĂ©ser le lecteur dĂ©sireux dâentreprendre une recherche
personnelle dâordre historique, jâajoute finalement quelques manuels de
composition que je nâai pas consultĂ©s.
Bertrand-Quinquet (Louis Jacques François de Paule, dit), Traité
de lâimprimerie, Bertrand-Quinquet, Paris, an VII (
1799
).
Boulard (Martin Sylvestre), le Manuel de lâimprimeur, Ouvrage utile
à tous ceux qui veulent connaßtre les détails des ustensiles, des prix, de
la manutention de cet art intéressant,
&
Ă quiconque veut lever une
imprimerie, Boulard, Paris,
1791
.
Brossard (L.-E.), le Correcteur typographe, t. I : Essai historique, docu-
mentaire et technique, E. Arrault & C
ie
, Tours,
1924
; t. II : les RĂšgles
typographiques, Imprimerie de ChĂątelaudren,
1934
; réédition du
t. I en fac-similé : Gregg international publishers, Farnborough
(Grande-Bretagne),
1971
.
367
14
. divers â 15. repentir
Brun (Henri), Manuel pratique et abrégé de la typographie française,
Firmin-Didot pĂšre et fils, Paris,
1825
.
Capelle (Pierre Adolphe), Manuel de la typographie française, ou
TraitĂ© complet de lâimprimerie, Ouvrage utile aux jeunes typographes,
aux libraires et aux gens de lettres, Rignoux, Paris,
1826
.
Chollet (Louis), Petit Manuel de composition Ă lâusage des typographes
et des correcteurs, Alfred Mame et fils, Tours, [
1912 ?
].
Claye (Jules), Typographie, Manuel de lâapprenti compositeur,
3e
Ă©d.,
A. Quantin, Paris,
1883
.
Crapelet (Georges Adrien), Ătudes pratiques et littĂ©raires sur la typo-
graphie, Imprimerie de Crapelet, Paris,
1837
.
Desormes (E.), Notions de typographie Ă lâusage des Ă©coles profession-
nelles, PrĂ©cĂ©dĂ©es dâun avant-propos sur lâorigine de l'imprimerie,
Ăcole professionnelle Gutenberg, Paris,
1888
.
Fournier (Pierre Simon, dit Fournier le Jeune), Manuel typo-
graphique, utile aux gens de lettres,
&
Ă ceux qui exercent les di
â
Ă©-
rentes parties de lâart de lâimprimerie, Barbou, Paris ; t. I :
1764
,
t. II :
1766
; réédition en fac-similé : Lehrdruckerei, Technische
Hochschule, Darmstadt,
1995
.
Guignes (Chrétien Louis Joseph de), Principes de composition typo-
graphique, pour diriger le compositeur dans lâusage des caractĂšres
orientaux de lâImprimerie royale, [chez lâauteur ?], Paris,
1790
.
Mouton (EugĂšne), lâArt dâĂ©crire un livre, de lâimprimer et de le publier,
H. Welter, Paris,
1896
.
Pinsard (Jules), Marche typographique, Petit Code de la composition,
Lausanne,
1907
.
Toureaux (LĂ©on Louis), Typographie, Grammaire de la composition,
Petrot-GarnierâChampion, ChartresâParis,
1884
.
Vinçard (B.), lâArt du typographe, Ouvrage utile Ă MM. les hommes de
lettres, bibliographes, et typographes, Vinçard et C
ie
, Paris,
1806
.
â«
368
bibliographie
369
Cette Ă©dition dâOrthotypographie, de
Jean-Pierre Lacroux, a été mise en
Ćuvre, puis en pages, par Alain
Hurtig Ă Bruxelles, Nancy, Toul,
Marseille (& autres lieuxâŠ), de
mai
2005
jusquâĂ janvier
2008
.
Son texte a été composé en
Adobe Garamond corps
10,5
&
8,5
, les titres des articles
en
Gill Sans
11
, les extraits des
débats en
Formata
9,5,
.
8
&
7,5
. Les deux couvertures,
sur une maquette dâAnne
Guilleaume et des dessins
de L.L. de Mars, sont en
Antique Olive
35, 20
&
15
.