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ECOLE  DES  HAUTES  ETUDES  EN  SCIENCES  SOCIALES 

 

 

      2004 

 

 

 

 

                No. attribuĂ© par la bibliothĂšqu 

 

 

 

 

 

                                  |__|__|__|__|__|__|__|__|__|__| 

 
 
 
 

T H E S E 

 

Pour obtenir le grade de 

 

DOCTEUR  DE  L’EHESS 

 

en SocioĂ©conomie de DĂ©veloppement 

 
 

PrĂ©sentĂ©e et soutenue publiquement 

 

Par 

 

Nader BARZIN 

Le 23 juin, 2004 

 
 

L’Economie Politique de DĂ©veloppement  

de l’Energie NuclĂ©aire en Iran 

(1957-2004) 

 
 
 

 

Directeur de thĂšse : M. le Professeur Farhad Khosrokhavar 

 
 
 

JURY 

 

M.  Houchang Chehabi 
M. l’Amiral Marcel Duval 
M.  Farhad Khosrokhavar  
M.  RĂ©my Leveau  

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Avant-propos et remerciements 

Avant tout, je tiens Ă  remercier mon directeur de thĂšses M. le professeur Farhad 

Khosrokhavar.  Je lui dois l’aboutissement de ce travail.  J’ai abordĂ© ce sujet par des 
perspectives multiples intĂ©grant une analyse historique alimentĂ©e par des thĂ©ories de 
socioĂ©conomie de dĂ©veloppement, des relations et d’économie politique internationale, 
thĂ©ories des jeux et de la stratĂ©gie.  Professeur Khosrokhavar a fait preuve d’une ouverture 
extrĂȘme en acceptant de me laisser cette libertĂ©.  Le sujet de l’industrie nuclĂ©aire est 
complexe et contient des dimensions multiples qui nĂ©cessitent l’utilisation des thĂ©ories 
citĂ©es.  Pour moi c’est un privilĂšge de soutenir cette thĂšse Ă  EHESS.   

J’avais commencĂ© ce travail Ă  l’Institut d’études Politique de Paris il y a douze ans.  M. le 

professeur RĂ©my Leveau a Ă©tĂ©, depuis le premier jour, un soutien prĂ©cieux pour la 
conception du projet de recherche, la comprĂ©hension des dynamiques politiques au 
Moyen-Orient, l’accĂšs Ă  des sources indispensables pour la recherche, ainsi que pour la 
validation de la version intermĂ©diaire de cette Ă©tude.  Il a toujours Ă©tĂ© disponible et une 
source d’inspiration.  Je le remercie vivement.   

Une bonne partie de la recherche et de la modĂ©lisation thĂ©orique avait ensuite Ă©tĂ© 

effectuĂ©e de 1993 Ă  1995 quand j’étais Ă  l’universitĂ© de Harvard.  Beaucoup de professeurs 
dans la communautĂ© de Harvard et du MIT ont Ă©tĂ© des ressources irremplaçables pour 
cette thĂšse.  Je remercie particuliĂšrement professeur Houchang Chehabi, d’avoir Ă©tĂ© mon 
mentor informel durant mon sĂ©jour Ă  Harvard.  J’ai pu aborder les mĂ©canismes de la 
politique interne en Iran dans le cadre de son sĂ©minaire doctoral sur ce sujet.  Le professeur 
Albert Carnesale, Doyen de la Kennedy School of Government de Harvard, conseiller du 
PrĂ©sident Carter pour les affaires nuclĂ©aires, avait assurĂ© la direction de ma recherche sur 
les aspects internationaux de l’industrie nuclĂ©aire.  Je le remercie ainsi que le professeur 
Robert Keohane sous la direction de qui j’ai pu modĂ©liser les dynamiques du secteur 
nuclĂ©aire en utilisant le paradigme de « chain store Â» de la thĂ©orie des jeux.  C’est dans les 
sĂ©minaires doctoraux de professeur Kenneth Oye au MIT que j’ai travaillĂ© la revue de 
littĂ©rature de cette Ă©tude.  Je lui suis reconnaissant et rappelle que toute insuffisance 
remarquĂ©e dans cette recherche est de ma seule responsabilitĂ©.  

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J’ai bĂ©nĂ©ficiĂ© des bourses de l’IEP, du MinistĂšre des Affaires EtrangĂšres (Lavoisier), et de 

l’UniversitĂ© de Harvard entre 1992 et 1995.  Sans cela je n’aurai pas pu mener cette Ă©tude Ă  
bien, et je suis reconnaissant Ă  toutes ces institutions pour leur soutien financier. 

Je remercie Ă©galement les diplomates des missions permanentes de la RĂ©publique 

Islamique d’Iran, auprĂšs de l’ONU Ă  New York, et auprĂšs de l’Agence Internationale de 
l’Energie Atomique (AIEA) Ă  Vienne, et les responsables de l’Organisation de l’Energie 
Atomique de l’Iran (OEAI) de m’avoir accordĂ© de multiples entretiens et libre accĂšs aux 
sources primaires et publications en persan.  M. Akbar Etemad, prĂ©sident fondateur de 
l’OEAI, a eu la gentillesse et la patience de me fournir des feedbacks prĂ©cieux sur mes 
raisonnements en 1992-93 et en 2003-04.  Faire connaissance d’un responsable d’une telle 
dĂ©votion et intĂ©gritĂ© a Ă©tĂ© en soit une rĂ©compense de cet effort.  M. Shaoul Bakash de 
Brookings ainsi que M. Gholamreza Afkhami et M. Hekmat de la Fondation pour les 
Etudes Iraniennes Ă  Washington m’ont  fourni des sources et conseils prĂ©cieux et je les 
remercie.  Je suis Ă©galement reconnaissant de l’aide prĂ©cieuse d’Amiral Marcel Duval, 
auteur de l’ouvrage majestueuse sur le nuclĂ©aire français, lui-mĂȘme un acteur dans la 
crĂ©ation de la capacitĂ© de dissuasion de la France, qui m’a accordĂ© beaucoup de son temps 
et des feedbacks prĂ©cieux.   

« Last but not least Â», je remercie ma famille, et mes amis, notamment Carlos Songini, et 

François Rubichon, pour leur encouragement et soutien inconditionnel.  Mes amis Erwan 
Bigan et Anne Xiberras ont eu la gentillesse de corriger mon français et de me faire des 
feedback et suggestions prĂ©cieuses et je les remercie vivement.   

Je rappelle que les conclusions et les arguments prĂ©sentĂ©s ne reflĂštent qu’un point de 

vue personnel.  Il est fort possible qu’aucun des interviewĂ©s, ni mon directeur et mes 
mentors, ne partagent entiĂšrement les conclusions.  La modestie doit ĂȘtre une rĂšgle dans ce 
domaine oĂč l'on observe des Ă©carts importants entre l'analyse et la rĂ©alitĂ©. 

 

 

 

 

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L’Economie Politique de DĂ©veloppement de l’Energie NuclĂ©aire en l’Iran : 1957-2004 

 

 

L’introduction de l’Atome en Iran s’est fait Ă  l’initiative des Etats-Unis en 1957 dans le 

cadre du programme « Atomes pour la Paix. Â»  L’Iran de l’époque n’avait aucun besoin de 
la technologie nuclĂ©aire.  Mais cette mĂȘme technologie a fourni les moyens de dissuasion 
contre les Etats-Unis mĂȘme, 45 ans plus tard : l’Atome a paradoxalement servi pour la 
« paix en Iran Â».  L’initiative des Etats-Unis des annĂ©es 1950 Ă©tait basĂ©e sur leur position de 
faiblesse pour le contrĂŽle du secteur nuclĂ©aire.  La participation de l’Iran, comme des autres 
pays, au programme « Atomes pour la Paix Â» a permis aux Etats-Unis de crĂ©er un rĂ©gime 
international afin de contrĂŽler ce secteur.  Les Etats-Unis ont utilisĂ© l’accession de l’Inde 
(1974) Ă  la capacitĂ© nuclĂ©aire militaire, comme prĂ©texte pour empĂȘcher l’accĂšs de tout 
nouveau pays Ă  l’utilisation de l’énergie nuclĂ©aire.  Avec l’entrĂ©e de l’Europe dans le 
marchĂ© d’enrichissement, les Etats-Unis n’avaient plus aucun intĂ©rĂȘt dans le maintien et la 
croissance du secteur nuclĂ©aire international.  L’Inde avait fourni Â« l’évĂ©nement Â» 
nĂ©cessaire pour justifier l’arrĂȘt par les Etats-Unis de la coopĂ©ration internationale dans ce 
domaine.  Un marchĂ© qui ne lui servait plus Ă  rien, et pourrait aussi augmenter le coĂ»t de 
ses interventions militaires. 

Le dĂ©part des forces britanniques du Golfe Persique en 1971 a fourni l’occasion pour le 

Shah d’assumer un rĂŽle sĂ©curitaire important dans la rĂ©gion.  La contrepartie pour le Shah 
Ă©tait la rĂ©cupĂ©ration totale des bĂ©nĂ©fices de l’industrie pĂ©troliĂšre.  Mais le Shah visait aussi 
d’enrayer la baisse continue des prix pĂ©troliers en termes rĂ©els par le biais d’une action 
collective de l’OPEP, ce qui n’était plus acceptable pour les Etats-Unis.  Ceci, couplĂ© avec la 
volontĂ© du Shah d’ajuster ses dĂ©penses d’armement aux besoins du pays, et de se fournir 
chez les meilleurs fournisseurs et pas nĂ©cessairement aux Etats-Unis, a rendu le Shah un 
client inutile aux yeux de ces derniers.   

L’introduction de l’industrie nuclĂ©aire iranienne en 1974 s’est faite, dans ces conditions 

de mĂ©fiance entre les Etats-Unis et l’Iran.  Ce programme accĂ©lĂ©rĂ© Ă©tait un des piliers de 
l’industrialisation accĂ©lĂ©rĂ©e du pays : d’une part la nation prĂ©voyait un Ă©quilibre 

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Ă©nergĂ©tique optimal, et d’autre part la diminution de l’utilisation du pĂ©trole pour l’énergie, 
permettait son utilisation Ă  des fins de diversification.  Le moment prĂ©cis du lancement de 
cette industrie Ă©tait choisi pour deux raisons : d’abord l’augmentation des prix pĂ©troliĂšres 
fournissait les revenus nĂ©cessaires pour des investissements de cette envergure.  
DeuxiĂšmement, en tant que puissance hĂ©gĂ©monique rĂ©gionale, l’Iran ne pouvait pas 
ignorer le statut nuclĂ©aire d’IsraĂ«l et de l’Inde.  MĂȘme si le programme de l’Iran Ă©tait de 
nature strictement commerciale (usage civil), il fournissait deux Ă©lĂ©ments indispensables 
pour l’Iran.  D’une part l’industrie nuclĂ©aire pouvait servir dans l’immĂ©diat de symbole.  
D’autre part, la capacitĂ© de recherche et les technologies Ă  double usage pouvaient fournir Ă  
l’Iran une capacitĂ© de dissuasion nuclĂ©aire dans le futur si besoin Ă©tait.  La rĂ©ponse des 
Etats-Unis au dĂ©fi de l’Iran a Ă©tĂ© un mĂ©lange de deux mesures : au niveau international le 
contrĂŽle des fournisseurs nuclĂ©aires a rendu difficile la souverainetĂ© iranienne sur son cycle 
de combustion.  Les manipulations amĂ©ricaines des taux de change du dollar a renversĂ© les 
gains temporaires des pays producteurs et a de facto annulĂ© le redressement des cours du 
pĂ©trole.  Ceci a imposĂ© des contraintes importantes sur les pays comme l’Iran, qui s’étaient 
engagĂ©s dans des programmes industriels et des investissements lourds.   

Notre thĂšse est que la divulgation en 2002, de la capacitĂ© d’enrichissement de l’Iran sert 

deux fonctions essentielles : installer une « dissuasion virtuelle Â» contre une invasion par les 
Etats-Unis, et rendre obsolĂštes les accusations des Etats-Unis sur l’utilitĂ© militaire des 
rĂ©acteurs civils de l’Iran.  La position difficile des Etats-Unis en Irak, son dĂ©saccord avec les 
membres du Conseil de SĂ©curitĂ©, et son impopularitĂ© croissante dans les Ă©tats du Golfe, ont 
rendu le moment de cette divulgation particuliĂšrement bien choisi.  Le programme de 
missile iranien est la deuxiĂšme composante de son systĂšme de dissuasion :  la capacitĂ© 
d’enrichissement peut dissuader Etats-Unis de l’invasion, mais les missiles capables 
d’atteindre Tel-Aviv peuvent dissuader IsraĂ«l de lancer une attaque nuclĂ©aire contre l’Iran.   

Parmi les trois choix disponibles aux Etats-Unis face Ă  cette situation—veto, acceptation 

du nuclĂ©aire civil, acceptation du cycle complet de combustion—nous avons Ă©mis 
l’hypothĂšse que les Etats-Unis choisiront la deuxiĂšme, i.e. le fonctionnement de la centrale 
civile.  L’option du veto nĂ©cessiterait de la part des Etats-Unis une intervention militaire ou 
un sabotage, des pressions sur la Russie, ou l’incitation aux troubles internes et au 
changement de rĂ©gime.  L’acceptation du nuclĂ©aire civil peut ĂȘtre liĂ©e Ă  des mesures 

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supplĂ©mentaires de dĂ©mocratisation en Iran, notamment par le biais de contrats de 
fourniture d’uranium enrichi.  L’Europe et l’AIEA peuvent jouer un rĂŽle important pour 
l’implĂ©mentation de celui-ci.   

L’accĂ©lĂ©ration du processus de dĂ©mocratisation fournira plus de possibilitĂ©s de 

coopĂ©ration entre l’Iran et les Etats-Unis.  Les intĂ©rĂȘts communs des deux pays, gaz, pĂ©trole 
et son passage libre garanti par la sĂ©curitĂ© de la rĂ©gion fournissent des opportunitĂ©s de 
coopĂ©ration entre les deux nations.  Cela doit d’abord passer par l’abandon d’une 
rhĂ©torique hostile des deux cĂŽtĂ©s et la prise en considĂ©ration des besoins lĂ©gitimes de l’Iran 
en matiĂšre de sĂ©curitĂ©.  Des mesures Ă  moyen et long terme nĂ©cessitent le renforcement du 
processus de dĂ©mocratisation en Iran et peuvent aller, au delĂ  de la coopĂ©ration 
Ă©conomique, jusqu’à la fourniture commune de sĂ©curitĂ© dans le Golfe persique.  

 

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The Political Economy of Development of Nuclear Energy in Iran: 1957-2004 

 

 

“Atoms for Peace” was introduced in Iran under US initiative in 1957.  The developing 

Iran of the era had of course no need of atomic technology.  But paradoxically the 
technology will provide it some 45 years later the means of dissuasion against the United 
States itself;  what we have labeled as “virtual dissuasion” in this study. 

Iran’s participation in the “Atoms for Peace” program, like that of most other countries 

allowed the US to overcome its weakness for the control of this sector through creation of 
an international regime.  The US will use the Indian explosion of 1974 as pretext to stop 
international cooperation in this field completely.  With the entry of Europe and the Soviet 
Union in the commercial enrichment sector, the last means of control of the sector had 
escaped US power.  The international nuclear sector presented no further interest to the 
US: its market share in the field of fabrication of reactors had diminished considerably 
with the entry of France and Germany in the market.  With the entry of Urenco and 
Eurodif in the enrichment market, the international sector not only presented no more 
interest to the US, it also imposed a considerable detriment: that of increasing the cost of 
US military intervention abroad.  

The departure of British forces from the Golf had provided the Shah with the 

opportunity of assuming the role of regional superpower.  But the Shah wanted 
sovereignty over his oil resources as payoff. Although the US had acquiesced this, the 
correction of falling petroleum prices through OPEC collective action was no longer 
acceptable.  Added to this was the Shah’s unwillingness to procure military and industrial 
equipment—including nuclear reactors—only from the US.     

The launch of the Iranian nuclear industry in 1974 takes place in this climate of tension 

between the US and Iran.  The realization of this industry will be hindered by two types of 
US initiatives.  On one hand the US will undertake actions to control nuclear suppliers, 
which will hinder the ability of Iran to build a complete nuclear cycle—Iran will however 

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invest in Eurodif to ensure access to fuel.  On the other hand the manipulation of the dollar 
exchange rate, decrease of international energy consumption and promotion of alternative 
sources of petroleum supply will put Iran’s revenues and investment capacity under strain.  
The result will be popular dissatisfaction, which will be aggravated by the US targeting of 
Iran for its Human Rights shortcomings—ending in uprising and revolution.   

Our thesis holds that the revelation of Iranian enrichment capacity in 2002 serves two 

essential functions:  first a “virtual dissuasion” against invasion of American forces that 
besiege Iran on all frontiers.  Second, having demonstrated—and abandoned—military 
capability, Iran seeks to be finally able to operate its civilian nuclear industry.  For the past 
30 years this has been impossible as the US accused Iran of wanting to use this industry for 
military purposes.   

Faced with this, the US has 3 choices:  veto of Iranian nuclear industry, accepting of 

civilian reactor operations without the fuel cycle, and accepting of complete Iranian 
sovereignty over its nuclear cycle.  The veto option will require the utilization by the US of 
military or sabotage operations, pressure on Russia or internal unrest.  We argue that 
neither is feasible or desirable for the US.  The option of allowing civilian reactor operation 
can link provision of fuel to measures of democratization.  This is the option that this study 
identifies as optimal for both sides.  The EU and the IAEA can play a constructive role in 
this  scenario.  We conclude that increased democratization in Iran will also allow future 
cooperation between Iran, the US and Golf states, allowing Iran to assume the role of 
regional security.  

 

 

Sociologie—Socio-Ă©conomie de DĂ©veloppement 

 

Iran, industrie nuclĂ©aire, atomes pour la paix, politique Ă©trangĂšre iranienne, 
Ă©volution de secteur nuclĂ©aire internationale, relations irano amĂ©ricaines. 
Nader BARZIN.  L’Economie Politique de DĂ©veloppement de l’Energie NuclĂ©aire en 
l’Iran (1957-2004). Sous la direction de professeur Farhad Khosrokhavar. 

 

ECOLE DES HAUTES ETUDES EN SCIENCES SOCIALES.  PARIS, FRANCE.

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Curriculum Vitae

 

 
 

ExpĂ©rience Professionnelle 

 
 

2001-2004 

H.E.C.  

 

 

 

                JOUY-EN-JOSAS, FRANCE 

ChargĂ© d’Enseignement en StratĂ©gie. 

Pratique internationale du conseil de direction.  Intervenant Ă  ESCP et Assas. 
 

2000-2001 

BOOZ-ALLEN & HAMILTON  

                                    PARIS, FRANCE 

Principal, World Commercial Business et Directeur de Marketing, France.   

 

1997-2000 

CAMBRIDGE MANAGEMENT CONSULTING               LONDRES, RU 

Directeur, Business Analysis Function.   

 

1995-1997 

ORGANISATION DES NATIONS UNIES              VIENNE, AUTRICHE 

Administrateur PremiĂšre Classe, pour le DĂ©veloppement Industriel. 

 

1985-1992 

RENAULT AUTOMOBILES                                            PARIS, FRANCE

 

SecrĂ©taire ExĂ©cutif, Inspection GĂ©nĂ©rale de l’Organisation.   

 

1982-1985 

LEAR SIEGLER                                

                   CLEVELAND, USA  

IngĂ©nieur de DĂ©veloppement, Airborne Equipment Division.   

 

 

 
 

Etudes 

 
 

2001-2004 

E.H.E.S.S. 

 

 

 

                                    PARIS, FRANCE 

Docteur en SocioĂ©conomie de DĂ©veloppement. 

 

1992-1995 

HARVARD     

 

                                           CAMBRIDGE, USA  

LaurĂ©at de la bourse Lavoisier du MinistĂšre des Affaires EtrangĂšres.  Etudes doctorales en 

Economie Politique Internationale. 

 

1991-1992 

INSTITUT D’ETUDES POLITIQUES                              PARIS, FRANCE 

Programme d’Etudes Doctorales en Science Politique. 

 

1988-1989 

INSTITUT D’ETUDES POLITIQUES                              PARIS, FRANCE 

DiplĂŽme d’Etudes Approfondies en Sociologie. 

 

1978-1983 

CLEVELAND STATE UNIVERSITY                          CLEVELAND, USA 

IngĂ©nier en MĂ©canique.  SpĂ©cialisation secondaire en Psychologie. 

 

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10 

Table des matiĂšres  

 

Avant-propos et remerciements

................................. 2

 

Curriculum Vitae

........................................... 9

 

Table des matiĂšres

................................ 10

 

1- Introduction

.................................. 13

 

Problématique et questions de recherche

........................... 13

 

Approches des théories applicables à la recherche

..................... 17

 

Economie politique internationale

.......................... 17

 

« RĂ©gimes internationaux Â»

.............................. 23

 

« Dependencia Â»

...................................... 28

 

Les travaux sur le nucléaire

.............................. 30

 

La géopolitique

....................................... 32

 

L’analyse stratĂ©gique

.................................. 34

 

2- Offrir le nuclĂ©aire Ă  l’Iran   

  pour maĂźtriser le nuclĂ©aire  dans le monde

.............. 37

 

Pourquoi « Atomes pour la Paix Â» en Iran en 1957 ?

................... 39

 

L’AIEA : l’organe de contrĂŽle d’« Atomes pour la Paix Â»

................ 42

 

Accommoder les pays forts et contrĂŽler les pays faibles

................. 43

 

Le cas de la Chine

..................................... 49

 

Le cas d’IsraĂ«l

....................................... 50

 

Le TraitĂ© de non-prolifĂ©ration :  
une collusion  des concurrents contre les nouveaux entrants

............. 54

 

3- La trilogie de l’intĂ©rĂȘt des États-Unis pour l’Iran

.......... 57

 

L’or noir

............................................... 59

 

De « contenir le communisme Â»  Ă   
« assumer le rĂŽle de superpuissance rĂ©gionale Â»

...................... 61

 

Les États-Unis perdent le pĂ©trole, le monopole du marchĂ© d’armement  
mais n’abandonnent pas l’Iran à l’URSS

........................... 75

 

4- Pourquoi un programme  aussi accĂ©lĂ©rĂ© d’industrie nuclĂ©aire   

 pour un pays riche en pĂ©trole et gaz ?

................. 77

 

La hausse des prix pĂ©troliers en 1973 : le nuclĂ©aire pour Ă©conomiser le pĂ©trole

.. 80

 

La nuclĂ©arisation du Moyen-Orient :  l’industrie nuclĂ©aire comme symbole

... 88

 

L’échec de l’ONU pour dĂ©nuclĂ©ariser la rĂ©gion

.................. 89

 

L’industrie de l’énergie nuclĂ©aire : quelle utilitĂ© militaire ?

......... 95

 

L’essai nuclĂ©aire indien :  prĂ©misse de la fin de la coopĂ©ration nuclĂ©aire

..... 107

 

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11 

5- L’énergie nuclĂ©aire en Iran :   

  une rĂ©alisation ardue (1974-1979)

.................. 109

 

L’absence de prĂ©paration, de direction et de coordination

............... 109

 

Le manque de direction, d’infrastructure,  
de coordination et d’expĂ©rience

........................... 114

 

La signature de contrats dans des conditions de faiblesse croissante

.. 118

 

L’absence de coordination dans les nĂ©gociations avec les États-Unis

.. 128

 

Des contraintes internationales croissantes

........................ 135

 

L’explosion indienne comme prĂ©texte au contrĂŽle politique  
des fournisseurs : la perte du monopole amĂ©ricain d’enrichissement

.. 136

 

Le Club de Londres, 1975 : le contrĂŽle des concurrents

........... 140

 

Le contrÎle international du cycle du combustible nucléaire

........ 144

 

Quand les pressions de l’alliĂ© d’antan,  les États-Unis, surviennent

........ 153

 

Les difficultĂ©s d’achat d’armes amĂ©ricaines

................... 153

 

Les droits de l’homme liĂ©s Ă  la vente d’armes

................. 163

 

Les oppositions nuclĂ©aires, la mise en cause Ă©conomique,   
la rĂ©volution et l’arrĂȘt des travaux

............................. 170

 

Fin de l’OAEI

........................................... 177

 

6- La RĂ©publique islamique s’intĂ©resse  Ă  l’énergie nuclĂ©aire  

 qu’elle avait vigoureusement dĂ©noncĂ©e (1984-2005)

...... 179

 

Les leçons de la guerre d’Irak

................................. 180

 

L’humiliation : l’obtention d’armes aux États-Unis et en IsraĂ«l

..... 183

 

Le marché du Pakistan

................................ 184

 

L’utilisation d’armes de destruction massive par l’Irak et l’embargo 
imposĂ© Ă  l’Iran : la nĂ©cessitĂ© de la dissuasion par moyens internes

... 189

 

La fin de la guerre froide et le début des nouvelles alliances

............. 196

 

Les premiers contrats avec de nouveaux partenaires

............ 197

 

Le manque d’investissements militaires

..................... 201

 

Des considérations économiques toujours valables

.............. 202

 

La politique américaine de double maßtrise

................... 207

 

Iran-Russie : un partenariat stratĂ©gique et des intĂ©rĂȘts financiers

... 210

 

Le 11 septembre 2001 et l’occupation de l’Afghanistan et de l’Irak : la dissuasion 
virtuelle contre les « CroisĂ©s du Mal Â»

........................... 212

 

7- DĂ©montrer sa compĂ©tence militaire  pour faire fonctionner le  

 nuclĂ©aire civil aprĂšs 30 ans d’obstacles

................ 215

 

L’utilitĂ© de la divulgation des activitĂ©s d’enrichissement

............... 215

 

Le soutien multilatĂ©ral de l’Iran :  le monde multipolaire contre 
l’unilatĂ©ralisme amĂ©ricain

............................... 216

 

La « dissuasion virtuelle Â» de la menace amĂ©ricaine

............. 218

 

L’avenir du nuclĂ©aire iranien :  trois options pour les États-Unis

......... 220

 

Réputation et antécédent

............................... 220

 

EfficacitĂ© du rĂ©gime de non-prolifĂ©ration

.................... 220

 

Iran-USA : dolĂ©ances, avantages comparĂ©s et intĂ©rĂȘts communs

.......... 230

 

Les doléances

....................................... 230

 

Les avantages comparés

................................ 233

 

Les intĂ©rĂȘts communs : pĂ©trole, gaz et sĂ©curitĂ© du Golfe

.......... 238

 

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12 

Les mesures de coopĂ©ration et d’amĂ©lioration de la confiance  
entre l’Iran et les Etats-Unis

.................................

242

 

Conclusion

..................................... 245

 

Bibliographie

................................... 251

 

Annexes

...................................... 265

 

1-

 

Table d’évĂ©nements

...................................... 265

 

2- TraitĂ© de non-prolifĂ©ration nuclĂ©aire (1970)

..................... 279

 

3. DĂ©finitions

........................................... 284

 

4- Cycle combustible

....................................... 285

 

L'extraction de l'uranium du minerai

....................... 285

 

La concentration et le raffinage de l'uranium

.................. 285

 

L'enrichissement de l'uranium

............................ 285

 

La préparation des assemblages de combustible

................ 285

 

La consommation de l'uranium-235

........................ 286

 

La dégradation du combustible

........................... 286

 

Les objectifs du retraitement

............................ 286

 

L'extraction des produits de fission

........................ 286

 

Le recyclage des matiĂšres combustibles

..................... 287

 

5- RĂ©acteurs

............................................ 288

 

Différentes familles de réacteur

........................... 288

 

Les réacteurs à eau sous pression (REP)

..................... 288

 

Les réacteurs à neutrons rapides (RNR)

..................... 288

 

Les réacteurs à caloporteur gaz (RCG)

...................... 289

 

Les différentes familles de réacteurs

........................ 289

 

RĂ©acteurs dans le monde

............................... 290

 

La diffusion gazeuse

.................................. 291

 

L'ultracentrifugation

.................................. 291

 

7- Sites nuclĂ©aires en Iran

................................... 292

 

8- ExpĂ©rimentations nuclĂ©aires en Iran depuis 1977

.................. 294

 

9- Ogives NuclĂ©aires dans le Monde

............................. 295

 

10- Population de l’Iran et sa croissance

......................... 296

 

11- Structure du pouvoir constitutionnel en Iran

.................... 296

 

11- Structure du pouvoir constitutionnel en Iran

.................... 297

 

 

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13 

1.

 

Introduction 

ProblĂ©matique et questions de recherche 

Depuis le dĂ©mantĂšlement de l’Union soviĂ©tique, le centre d’intĂ©rĂȘt des Ă©tudes nuclĂ©aires 

a basculĂ© des relations entre les Etats-Unis et l’ex-Union soviĂ©tique vers les pays 
pĂ©riphĂ©riques. S’est dĂ©veloppĂ© un amalgame entre la notion d’énergie nuclĂ©aire et 
l’utilisation de la technologie nuclĂ©aire Ă  des fins militaires. La question de l’accĂšs des pays 
en voie de dĂ©veloppement Ă  l’énergie nuclĂ©aire ne se pose plus et a Ă©tĂ© remplacĂ©e par la 
prĂ©occupation de prĂ©venir l’utilisation des « armes de destruction massive Â». Notre ouvrage 
cherche Ă  contribuer Ă  la comprĂ©hension de la question nuclĂ©aire telle qu’elle se pose 
aujourd’hui au travers d’un cas unique et intĂ©ressant, celui de l’Iran : un pays en voie de 
dĂ©veloppement qui fournit la rare opportunitĂ© d’une comparaison entre les politiques de 
deux rĂ©gimes distincts, dans un mĂȘme espace gĂ©ographique en un intervalle de 30 ans.  

Cette Ă©tude ne cherche pas Ă  prendre position pour ou contre une industrie nuclĂ©aire en 

Iran. Une analyse globale de la question nuclĂ©aire, les avantages et inconvĂ©nients d’une 
capacitĂ© de production d’énergie nuclĂ©aire et la maĂźtrise de cette technologie vont au-delĂ  
du sujet de cette Ă©tude. La question posĂ©e ici est prĂ©cise et basĂ©e sur l’observation du 
comportement des diffĂ©rents gouvernements en Iran pendant diffĂ©rentes pĂ©riodes, 
comportements qui ont pu paraĂźtre paradoxaux. En 1974, l’Iran lançait un programme 
accĂ©lĂ©rĂ© pour le dĂ©veloppement d’une industrie d’énergie nuclĂ©aire, sous le rĂ©gime de 
Mohammad Reza Shah Pahlavi. MalgrĂ© la grande importance que ce programme 
prĂ©sentait  Ă  l’époque pour le pays, le projet quasi-terminĂ© (Ă  75%) a Ă©tĂ© abandonnĂ© 

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14 

indĂ©finiment par le gouvernement issu de la rĂ©volution Islamique de 1979. Il est vrai qu’à 
l’époque toute coopĂ©ration avec les entreprises Ă©trangĂšres Ă©tait considĂ©rĂ©e comme signe de 
dĂ©pendance envers l’étranger. Mais malgrĂ© ceci, dĂšs 1983, et avant de reprendre toute 
autre coopĂ©ration avec les entreprises et pays occidentaux, le gouvernement de la 
RĂ©publique Islamique revient sur sa position et adopte la mĂȘme politique de 
dĂ©veloppement nuclĂ©aire que celle de l’époque Pahlavi. Cependant, cette fois, ce sont les 
Etats et les multinationales europĂ©ennes qui se trouvent dans l’impossibilitĂ© de coopĂ©rer 
autour de ce projet, contraintes par les nouvelles rĂ©glementations internationales en 
vigueur. Apres des tentatives inabouties de coopĂ©ration avec l’Inde et la Chine, c’est 
finalement en Russie que la RĂ©publique Islamique d’Iran trouve un partenaire valable, 
capable de rĂ©sister aux pressions des Etats-Unis. Mais, en dĂ©pit de cette coopĂ©ration, 
aujourd’hui, 30 ans aprĂšs son lancement en 1974, l’industrie de l’énergie nuclĂ©aire en Iran 
n’est toujours pas opĂ©rationnelle. 

Voici donc la question Ă  laquelle ce livre cherche Ă  apporter des Ă©lĂ©ments de rĂ©ponse : 

pourquoi, l’Iran, un des plus grand producteurs pĂ©troliers au monde, lance une industrie 
d’énergie nuclĂ©aire en 1974 ? Pourquoi le gouvernement issu de la rĂ©volution Islamique 
abandonne ce programme qui Ă©tait Ă  75% achevĂ© ? Pourquoi le gouvernement de la 
RĂ©publique Islamique reprend ce projet seulement 4 ans plus tard, l’ayant dĂ©noncĂ© comme 
« symbole de la dĂ©pendance Â» et comment se fait-il qu’à ce jour, il soit dans l’impossibilitĂ© 
de mener Ă  bien ce programme ? Pourquoi un projet de dĂ©veloppement qui aurait pu ĂȘtre 
terminĂ© en l’espace de 4 ans ne l’est toujours pas 30 ans plus tard ? Quels sont les facteurs 
domestiques et internationaux responsables dans cette dynamique ? 

Le cas de l’Iran reprĂ©sente non seulement un intĂ©rĂȘt particulier pour l’étude socio-

Ă©conomique du dĂ©veloppement, mais aussi pour les disciplines de science politique, 
l’économie politique internationale et les relations internationales : il est rare d’avoir deux 
gouvernements avec des positionnements, idĂ©ologies et politiques, aussi diffĂ©rents dans un 
mĂȘme espace gĂ©ographique dans l’histoire moderne. L’explication d’une telle situation 
(outcome) peut aider Ă  dĂ©terminer la primautĂ© des facteurs domestiques et internationaux 
dans les Ă©quations du dĂ©veloppement et de l’économie politique internationale et ainsi 
contribuer Ă  l’affinement des thĂ©ories utilisĂ©es dans ces disciplines. 

background image

 

 

15 

L’objectif principal de notre recherche a Ă©tĂ© de dĂ©crire l’historique du dĂ©veloppement de 

l’industrie d’énergie nuclĂ©aire dans l’Iran de 1957, date de l’annonce de la signature d’un 
accord de coopĂ©ration pour la recherche sur les utilisations pacifiques de l’énergie 
nuclĂ©aire, proposĂ© par les Etats-Unis, jusqu’à 2005, date de la rĂ©daction finale des 
conclusions de cette Ă©tude. Je me suis concentrĂ© sur la question du Â« pourquoi Â» du 
lancement de ce programme, de son abandon, de sa reprise, et de son impossibilitĂ© d’ĂȘtre 
opĂ©rationnel Ă  ce jour. 

Bien que la politique nuclĂ©aire iranienne soit, en tant que variable dĂ©pendante, au centre 

de la recherche, il est important de dĂ©crire et d’analyser la stratĂ©gie d’autres Etats et 
entreprises dans ce domaine, pour qualifier les variables indĂ©pendantes. C’est pour cela 
que, mĂȘme si la politique nuclĂ©aire iranienne entre 1957 et 2005 a Ă©tĂ© au centre de l’étude, 
il a Ă©tĂ© parfois nĂ©cessaire de remonter Ă  la pĂ©riode de la Seconde Guerre mondiale, pour 
consolider les fondations de notre analyse de la structure internationale de ce secteur et de 
la stratĂ©gie des Etats, notamment des Etats-Unis. Cette description est indispensable pour 
permettre la comprĂ©hension du positionnement des Etats et des entreprises dans la pĂ©riode 
actuelle. Comment les acteurs concernĂ©s sont-ils arrivĂ©s Ă  leurs positionnements actuels, et 
quelle sera leur marge de manƓuvre dans le futur ? 

L’hypothĂšse de cette recherche est que l'insertion de l'Iran, en tant qu'entitĂ© nationale, 

dans le systĂšme international, lui impose des options restreintes et des stratĂ©gies en 
nombres limitĂ©s. Ceci oblige ses dirigeants Ă  changer de politique et de discours afin de 
s’adapter aux exigences de ce systĂšme. La RĂ©publique Islamique de l’Iran qui avait dĂ©noncĂ© 
le programme nuclĂ©aire hĂ©ritĂ© de l'ancien rĂ©gime comme une extravagance et un signe de 
dĂ©pendance Ă  l'Ă©gard de l'Ă©tranger, a dĂ©multipliĂ© les efforts, dĂšs le dĂ©but des annĂ©es 80, 
pour le mener Ă  bien.  

Le cas iranien reprĂ©sente une opportunitĂ© unique pour tester un certain nombre 

d’arguments thĂ©oriques dans les domaines de l’économie politique internationale et de la 
socioĂ©conomie du dĂ©veloppement. La variable dĂ©pendante, la politique de dĂ©veloppement 
de l’industrie nuclĂ©aire sous deux rĂ©gimes diffĂ©rents sur les plan sociaux, Ă©conomiques, 
militaires, financiers et idĂ©ologiques, sera « expliquĂ©e » par un certain nombre de variables 
explicatives systĂ©miques d’ordre Ă©conomique, politique, sĂ©curitaire, et militaire, qui vont 

background image

 

16 

ĂȘtre identifiĂ©es Ă  travers une analyse historique. Les thĂ©ories de l’économie politique 
internationale et du dĂ©veloppement, de stratĂ©gie, ainsi que la thĂ©orie des jeux fourniront les 
grilles d’analyse pour cette recherche, afin d’expliquer les diffĂ©rents mĂ©canismes en jeu 
dans cette complexitĂ© apparente. 

L’analyse des Ă©volutions des structures principales du pouvoir

1

 dans les diffĂ©rentes 

pĂ©riodes et de l’utilisation de ces structures par les Etats « forts Â» pour contraindre les Etats 
faibles, nous permettra de dĂ©crire les raisons de l’adoption des politiques de diffĂ©rents Etats 
et des stratĂ©gies des entreprises, politiques susceptibles d’apparaĂźtre comme contradictoires 
dans le temps.  

La mĂ©thodologie utilisĂ©e est celle de l’étude de cas

2

 qui nous permettra de fournir une 

prĂ©sentation descriptive tout en utilisant des apports thĂ©oriques pour analyser le contexte 
et les résultats (

outcomes

). Cette utilisation de l’étude de cas Ă  la fois descriptive, exploratoire 

et explicative

3

 permet une description chronologique des Ă©vĂ©nements et une analyse 

historique, tout en permettant de tester l’hypothĂšse avancĂ©e Ă  la lumiĂšre de cette 
description. Les Ă©tudes de cas exploratoires sont en principe utilisĂ©es pour tester les 
hypothĂšses concurrentes ou bien plusieurs « cas Â» dans le mĂȘme contexte historique. Celui 
de l’Iran nous offre la richesse de se prĂ©senter sous la forme de deux cas, Ă©tant donnĂ© que le 
changement radical de rĂ©gime et les relations de ceux-ci avec le reste du monde, 
notamment les Etats-Unis, nous permettent de mieux tester les hypothĂšses avancĂ©es ci-
dessus. 

J’ai fait ici le choix de ne pas perdre les dĂ©tails historiques riches que seule une Ă©tude de 

cas peut fournir. Mais autant que possible, j’ai voulu aussi intĂ©grer la perspective plus large 
d’une approche systĂ©mique gĂ©nĂ©rale. Sans vouloir faire une analyse politique comparĂ©e 
pour servir de pont entre les niveaux national et international, je fournis des descriptions 
sommaires et brĂšves sur d’autres programmes de dĂ©veloppement nuclĂ©aires pendant la 
mĂȘme pĂ©riode dans d’autres pays. L’argument ici est que la politique nuclĂ©aire de l’Iran 

                      

 

1

   Voir la section consacrĂ©e a la revue de littĂ©rature, notamment l’approche structurelle de Susan 

Strange dans 

States and Markets.

 

2

   Yin, Robert K., Cas

e Study Research: Design and Methods

. Sage, CA, 1994. 

3

   Ibid, p. 39. 

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17 

n’est pas une fonction de l’idĂ©ologie ou d’autres facteurs internes mais de facteurs 
systĂ©miques externes.  

Approches des thĂ©ories applicables Ă  la recherche 

Economie politique internationale 

La naissance de la discipline de l’économie politique internationale comme une 

discipline Ă  part entiĂšre date des annĂ©es 1970 bien que les racines de l’approche 
d’Economie politique soient bien sur beaucoup plus anciennes. L’une des premiĂšres 
tentatives d’intĂ©gration de la politique et de l’économie fut celle des mercantilistes, avec un 
intĂ©rĂȘt particulier pour l’analyse des relations Ă©conomiques internationales. Une autre 
tentative à ce sujet a été celle de Marx et ses collaborateurs, au dix-neuviÚme siÚcle

1

. Cette 

tradition marxiste s’est Ă©tendue, par les Social-dĂ©mocrates et d’autres penseurs marxistes, Ă  
l’analyse de l’impĂ©rialisme capitalistique au dĂ©but du vingtiĂšme siĂšcle.  

La pĂ©riode d’un « vide Â», notamment dans les pays anglo-saxons, entre le dĂ©but de siĂšcle 

et les annĂ©es 1970, en ce qui concerne les dĂ©veloppements dans le domaine de l’Economie 
politique s’explique par les faits suivants. Il y a eu une sĂ©paration croissante entre 
l’économie et la science politique, ainsi qu’entre les Ă©tudes de politique nationale et 
internationale pendant cette pĂ©riode, surtout aux Etats-Unis. MĂȘme dans le domaine des 
Ă©tudes internationales, il y a eu une distinction entre la « haute Â» (

high

) et la « basse » (

low

politique. La « haute Â» politique se focalisant sur les questions de la diplomatie et de la 
sĂ©curitĂ© et la Â« basse Â» politique Ă©tudiant certaines questions Ă©conomiques relevant du 
commerce, de la finance, et des investissements Ă©trangers.  

A l’époque d’Adam Smith (1723-1790) l’économie et la politique n’étaient pas des 

disciplines sĂ©parĂ©es, comme c’est le cas aujourd’hui. L’approche de Smith Ă©tait un dĂ©fi 
direct au mercantilisme. Smith croyait que les mercantilistes exagĂ©raient l’importance du 
pouvoir national d’un pays en comparaison aux autres. Il voulait mettre en lumiĂšre les 
structures latentes dans les conditions existantes et thĂ©oriser les relations au sein de ces 

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18 

« structures Â». Sa critique du mercantilisme reposait sur le fait que dernier attachait trop 
d’importance aux phĂ©nomĂšnes a la surface des choses et ne s’intĂ©ressait pas suffisamment Ă  
l’implication de la distinction entre l’apparence et l’essence dans l’analyse sociale. Ce qui 
Ă©tait nĂ©cessaire pour identifier plus pleinement les structures de l’économie politique

2

L’analyse de Ricardo (1772-1823), au contraire, sĂ©pare l’économie et la politique. Mais sa 

division de l’économie entre les catĂ©gories de la terre, du labeur, et du capital, chacune avec 
des classes associĂ©es, dont les intĂ©rĂȘts ne semblaient pas ĂȘtre en conflit, a Ă©tĂ© une source 
d’inspiration pour Marx (1818-1883). Bien que Marx critique Ricardo pour son analyse des 
classes incomplĂštes, qui ne prend pas en considĂ©ration les conflits entre le capital et le 
labeur ou bien les relations de production en gĂ©nĂ©ral.  

Au-delĂ  de la notion de la structure de marchĂ©, Marx a cherchĂ© Ă  Ă©tablir la notion plus 

large de la structure sociale. Dans son analyse finale il est impossible de sĂ©parer la politique, 
l’économie et la sociĂ©tĂ©. En rĂ©sumĂ© les mercantilistes se sont focalisĂ©s sur la nation et les 
interactions entre Etats, les Ă©conomistes libĂ©raux sur l’individu dans le marchĂ© de travail, et 
les marxistes sur la production et le conflit de classe.   

Les dĂ©veloppements rĂ©cents dans ce domaine datent des annĂ©es 1970 et continuent Ă  ce 

jour. La plupart de ces dĂ©veloppements sont d’origine amĂ©ricaine et ceci en raison des 
changements survenus dans l’économie mondiale qui ont diminuĂ© la perception des 
implications négatives potentielles de ces théories

3

. L’interdĂ©pendance Ă©conomique 

croissante, le sĂ©isme du systĂšme Ă©conomique international de 

Bretton Woods, 

et la hausse 

des prix pĂ©troliers de 1973 ont amenĂ© les universitaires amĂ©ricains Ă  analyser les 
consĂ©quences de ces changements. La « basse Â» politique s’est trouvĂ©e dans une position 
plus Ă©levĂ©e dans l’agenda politique. Ces changements dans les conditions Ă©conomiques, 
avec la baisse de la part des Etats-Unis dans le PNB mondial, ont Ă©tĂ© considĂ©rĂ©s comme un 
signe d’affaiblissement de la position dominante Ă©conomique et politique des Etats-Unis 
dans le monde. Il y a eu donc, parmi certains leaders amĂ©ricains, le sentiment de la 

                                                                    

 

1

   Gill, Stephan, Law, David. 

The Global Political Economy:  Perspectives, Problems and Policies

. Johns 

Hopkins University Press, Maryland, 1991. 

2

   Ibid, p. 3. 

3

   Ibid, p. 4.  

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19 

nĂ©cessitĂ© de promouvoir une gestion en douceur de l’interdĂ©pendance afin de soutenir le 
contrĂŽle des Etats-Unis sur les aspects significatifs de l’économie internationale.  

Certains réalistes contemporains de tradition mercantiliste, comme Robert Gilpin

1

, ont 

tentĂ© d’analyser les implications de l’opĂ©ration des firmes transnationales et de l’Etat 
amĂ©ricain sur l’économie intĂ©rieure et la puissance internationale des Etats-Unis

2

. D’autres, 

comme Stephen Krasner

3

, se sont interrogĂ©s sur la question de degrĂ© d’interdĂ©pendance et 

se sont demandĂ©es s’il n’y avait pas trop d’interdĂ©pendance Ă©conomique internationale

4

Concernant les rĂ©gimes, l’argument original de Krasner Ă©tait que ceux ci Ă©taient des 
variables intervenant entre le pouvoir structurel et les rĂ©sultats (

outcomes

5

). Les 

nĂ©omercantilistes comme Cox se sont focalisĂ©s sur les caractĂ©ristiques des pays en voie de 
dĂ©veloppement. Dans son ouvrage, 

Production, Power, and World Oder, 

il analyse les 

interconnexions entre trois niveaux du systĂšme international, les relations 
socioĂ©conomiques qui rĂ©sultent des structures de production, la nature politique du 
pouvoir de l’Etat, et surtout la nature de l’ordre mondial. D’aprĂšs Cox par exemple, les 
pays en voie de dĂ©veloppement qui prennent des initiatives pour changer l’économie et la 
sociĂ©tĂ© ont deux caractĂ©ristiques : ils sont nĂ©omercantilistes car l’Etat essaie de contrĂŽler les 
instruments qui sont essentiels pour changer l’économie nationale, et deuxiĂšmement, l’Etat 
essaie d’utiliser ces instruments pour atteindre une croissance continue

6

. Mais le 

dĂ©veloppement de ces Etats Â« dĂ©veloppementalistes nĂ©omercantilistes Â» demeure 
dĂ©pendant de l’accĂšs Ă  la technologie et au capital. De l’autre cote de l’Atlantique, du 
Royaume-Uni, l’approche de Susan Strange

7

, sur les relations monĂ©taires internationales 

est de cette tradition

8

. Comme nous le dĂ©veloppons sur un plan mĂ©thodologique, 

                      

 

1   Gilpin, Robert, 

The Political Economy of International Relations

, Princeton University Press, 

Princeton, 1987. 

2   Gilpin Robert, 

US Power and the Multinational Corporation: Te Political Economy of Foreign Direct 

Investment.

 Basic Books, NY 1975. 

3

   Krasner, Stephen D., 

Structural Conflict:  The Third World Against Global Liberalism

.  University of 

California Press, Berkeley, 1985. 

4

   Krasner, Stephen, 

State Power and the Structure of Foreign Trade, World Politics

, vol. 28, pp. 317-343. 

5

   Strange, Susan, 

States and Markets

, p. 21. 

6

   Cox, Robert, W., 

Production, Power, and World Order: Social Forces in the Making of History.

 Columbia 

University Press. NY 1987. P. 231. 

7

   Voire States and Markets. 

8

   Strange, Susan, 

Casino Capitalism

. Blackwell, Oxford, 1986. 

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20 

l’approche utilisĂ©e dans cette Ă©tude est largement inspirĂ©e du travail de Strange, surtout 

State and Markets

Certains chercheurs attribuent aussi un rĂŽle important aux idĂ©es et Ă  la culture, non 

seulement au niveau national, mais aussi au niveau international et transnational

1

. Avec le 

processus de dĂ©colonisation depuis la Seconde Guerre mondiale, les nouveaux Etats issus 
de ce processus, ainsi que l’AmĂ©rique Latine

2

, ont formĂ© le « Tiers-monde Â». La discipline 

de la socioĂ©conomie du dĂ©veloppement est nĂ©e ainsi de l’intĂ©rĂȘt qu’ont portĂ© les 
universitaires, aux Ă©tudes de ces pays « moins dĂ©veloppĂ©s Â».  

D’autres thĂ©oriciens, surtout originaires d’AmĂ©rique du Sud, analysent la position de ces 

pays « moins dĂ©veloppĂ©s Â» en utilisant une perspective globale de l’économie politique, la 
thĂ©orie de dĂ©pendance ou « dependencia Â». Dans les annĂ©es 70, ils ont posĂ© des questions 
sur l’effet de l’augmentation des dĂ©penses militaires dans le Tiers Monde. La question 
centrale pour ce groupe de chercheurs est : qui profite de ces politiques et pourquoi ? L’un 
des thĂšmes dans la littĂ©rature de la dĂ©pendance est que les pays moins dĂ©veloppĂ©s sont 
fortement contraints par les forces internationales. Ce thĂšme a Ă©tĂ© repris aussi dans 
l’analyse des relations entre pays avancĂ©s, notamment dans le concept libĂ©ral 
d’interdĂ©pendance Ă©conomique. Les spĂ©cificitĂ©s des rĂ©clamations tiers-mondistes des 
thĂ©oriciens la dĂ©pendance sont ainsi mises en doute. La rĂ©ponse du camp opposĂ© est que 
mĂȘme s’il y a interdĂ©pendance, ce phĂ©nomĂšne n’est pas symĂ©trique dans les relations entre 
nations. Il y a donc une interdĂ©pendance asymĂ©trique, pour reprendre le terme forgĂ© par 
Robert Keohane et Joseph Nye

3

L’économie politique internationale est associĂ©e, par certains universitaires

4

, aux 

concepts de la dĂ©pendance et l’impĂ©rialisme. Mais cette vision exclut les perspectives 
libĂ©rales de l’économie politique. D’autres considĂšrent l’économie politique internationale 
comme une branche des relations internationales ou vice versa

5

. Les thĂ©oriciens libĂ©raux de 

                      

 

1

   Voir Rosenau, James N., 

Turbulence in World Politics:  A Theory of Change and Continuity

. Princeton 

University Press, Princeton, 1990. 

2

   Et d’autres pays plus rĂ©cents issus de la fin de la guerre froide et la chute de l’Union soviĂ©tique. 

3

   Keohane, Robert O., Nye, Joseph S. 

Power and Interdependence

. Little Brown, Boston, 1977.  

4

   Voir Whynes, David, ed. 

What is Political Economy? : Eight Perspectives

. Basil Blackwell, Oxford, 

1984. 

5

   Non seulement pour faire preuve de neutralitĂ© totale dans la sĂ©lection et l’utilisation des 

thĂ©ories, mais aussi par ce  que cela a Ă©tĂ© plus riche et surtout nĂ©cessaire, dans l’analyse de 

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21 

l’économie politique internationale distinguent leur  tradition rĂ©cente des approches 
normatives ou historiques de l’économie politique. L’approche normative, selon eux, porte 
un jugement de valeur sur la distribution de la richesse et le pouvoir ainsi que sur les 
standards d’évaluations utilisĂ©es dans l’analyse de rĂ©sultats optimaux. L’approche 
historique, se focaliserait de maniĂšre « athĂ©orique Â» sur des descriptions historiques riches. 
« L’approche positive ou libĂ©rale de l’économie politique, au contraire, cherche des 
principes et propositions contre lesquels l’expĂ©rience rĂ©elle peut ĂȘtre testĂ©e ou comparĂ©e 
afin de comprendre et expliquer, et non pas juger, cette expérience

1

. Â»  C’est une approche 

thĂ©orique qui a ses racines dans la mĂ©thodologie de l’acteur rationnel de la microĂ©conomie.  

L’approche positiviste de l’économie politique prend en considĂ©ration Ă  la fois le 

comportement Ă©conomique dans les processus politiques, ainsi que le comportement 
politique dans la place du marchĂ©. Ce sont les contraintes des institutions Ă©conomiques et 
politiques sur le comportement individuel qui expliquent dans cette approche les rĂ©sultats 
(

outcomes

) sociaux, tels que la production, l’allocation des ressources, et la politique 

publique. En rĂ©sumĂ©, d’aprĂšs Alt et Shepsle, il s’agit de « l’étude des dĂ©cisions rationnelles 
dans le contexte des institutions politiques et Ă©conomiques

2

. Â»  Comment les diffĂ©rences 

entre institutions affectent-elles les rĂ©sultats politiques et Ă©conomiques dans les systĂšmes 
sociaux, Ă©conomiques et politiques variĂ©s, et comment ces institutions sont elles-mĂȘmes 
affectĂ©es par les croyances collectives des individus, prĂ©fĂ©rences et stratĂ©gies ? Au contraire 
de l’approche nĂ©oclassique, qui avait pour postulat la possibilitĂ© des Ă©changes sans friction, 
l’approche positiviste introduit la notion de « coĂ»t de la transaction Â». Ici le contrat parfait 
n’existe pas, dans un monde oĂč les mesures d’exĂ©cution et d’évaluation sont coĂ»teuses, les 
capacitĂ©s cognitives des acteurs limitĂ©es, et le comportement rusĂ© et opportuniste n’est pas 
sans risque. Cette dĂ©marche, dans laquelle l’économie est prĂ©pondĂ©rante, fait usage de la 
formulation mathĂ©matique et de modĂ©lisations issues de la thĂ©orie des jeux, pour expliquer 
les faits historiques. Selon cette approche, le paradigme du choix rationnel (

rational choice 

paradigm

), basĂ© sur l’individualisme mĂ©thodologique et le postulat selon lequel les 

                                                                    

 

l’industrie nuclĂ©aire mondiale, je fais aussi appel aux thĂ©ories de la stratĂ©gie, qui seront 

dĂ©veloppĂ©es plus bas.  

1

   Alt, James E. Shepsle, Kenneth A., ed. 

Perspectives on Positive Political Economy

. Cambridge 

University Press, New York, 1990. P. 1.  

2

   Ibid., p. 2. 

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22 

individus sont motivĂ©s par l’intĂ©rĂȘt individuel, est le fil unificateur entre l’économie et la 
science politique. Nous verrons plus loin l’apport de cette branche de l’économie politique 
dans notre recherche. 

L’approche adoptĂ©e dans cette Ă©tude a Ă©tĂ© en grande partie influencĂ©e par des travaux 

de Susan Strange, notamment 

States and Markets

. Celle ci adopte une approche structurelle 

de l’économie politique internationale. La dĂ©finition de Strange de la discipline de 
l’économie politique internationale est celle d’une Ă©tude qui « 

concerne les arrangements 

sociaux, politiques, et Ă©conomiques qui affectent les systĂšmes globaux de production, d’échange et 

de distribution et la combinaison des valeurs que ceux-ci reflĂštent

1

. Â»  Elle distingue le pouvoir 

relationnel du pouvoir structurel, et conclut que « 

dans les jeux compĂ©titifs qui se dĂ©roulent 

actuellement dans le systĂšme mondial entre Etats et entre entreprises Ă©conomiques, c’est de plus 

en plus le pouvoir structurel qui l’emporte sur le pouvoir relationnel

2

. Â»  Ce « 

pouvoir structurel 

ne se trouve pas dans une seule structure mais dans quatre structures distinctes mais inter liĂ©es. 

Cette vision diffĂšre de celle des Marxistes ou nĂ©o-Marxistes qui mettent l’accent sur seulement une 

des quatre structures  â€“ la structure de production

3

.» Pour Strange, la puissance structurelle 

façonne le cadre de l'Ă©conomie mondiale dans lequel les Etats, les entreprises et les 
opĂ©rateurs Ă©conomiques doivent mener leurs actions. Ces structures dĂ©finissent les 
ressources et les contraintes dans lesquelles les acteurs puisent pour atteindre leurs 
objectifs.  

L’approche structurelle de Strange analyse l’effet d’interaction entre autoritĂ©s Ă©tatiques 

et les marchĂ©s. Le pouvoir structurel, qui est Ă  l’opposĂ© de pouvoir relationnel crĂ©Ă© par la 
force, est basĂ© sur quatre structures : celle de la sĂ©curitĂ© (au sens large), celle de la finance, 
celle des idĂ©es/croyances/savoir/technologies et enfin celle de la production. Il existe aussi, 
dans le cadre analytique de Strange, des structures « secondaires Â» du pouvoir. LĂ  il s’agit 
du transport, du commerce, de l’énergie et de l’équivalent de « l’Etat-providence Â».  

La notion de coĂ»t et de bĂ©nĂ©fice existe chez Strange : la dĂ©cision du type de pouvoir Ă  

utiliser est basĂ©e sur ce calcul. L’unitĂ© d’analyse est pour elle l’Etat nation, bien qu’elle 

                      

 

1

   States and Markets, 

p. 18. 

2

   Ibid., p. 24. 

3

   Ibid., p. 26. 

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23 

prenne en considĂ©ration aussi, dans les nĂ©gociations clĂ©s entre Etats par exemple, le soutien 
domestique, les acteurs non Ă©tatiques  tels que les multinationales, les ONG, OIG
  La 
mĂ©thode prĂ©conisĂ©e par Strange est celle d’une analyse structurelle par secteur, en prenant 
en considĂ©ration tous les acteurs citĂ©s. Il faut considĂ©rer l’effet de changement structurel Ă  
travers le filtre d’équilibre Etat-marchĂ©. Pour maintenir l’équilibre dans ce couple, y a-il 
besoin de gestion politique, de manipulation ou d’intervention ? Quelle est la consĂ©quence 
de du changement d’équilibre entre Etats et marchĂ©s sur les groupes sociaux, qu’ils soient 
internes ou Ă  l’extĂ©rieur des frontiĂšres ? 

« RĂ©gimes internationaux Â» 

C’est John Ruggie qui a introduit le concept des rĂ©gimes internationaux dans la 

littĂ©rature de politique internationale en 1975. Tel que dĂ©fini par lui, un rĂ©gime est « 

une 

sĂ©rie d’attentes mutuelles, de rĂšgles et rĂ©glementations, de plans, d’énergies organisationnelles et 

d’engagements financiers, qui ont Ă©tĂ© acceptĂ©s par un groupe d’Etats

1

 Â». Une dĂ©finition plus 

rĂ©cente dĂ©finit les rĂ©gimes internationaux comme Â« 

une sĂ©rie de principes implicites ou 

explicites, de normes, rĂšgles et procĂ©dures de prise de dĂ©cision autour desquels les attentes des 

acteurs convergent dans le domaine donnĂ© des relations internationales. Les principes sont les 

croyances de fait, de la causalitĂ© et la rectitude. Les normes sont des standards de comportement 

dĂ©finis en termes de droits et obligations. Les rĂšgles sont des prescriptions ou proscriptions 

spĂ©cifiques pour l’action. Les procĂ©dures de prise de dĂ©cision sont les pratiques prĂ©valant de faire 

et d’implĂ©menter les choix collectifs

2

».  

Des prĂ©occupations majeures de la thĂ©orie des rĂ©gimes sont le processus de crĂ©ation, la 

motivation des acteurs Ă  se joindre Ă  des tels rĂ©gimes, ainsi que la comprĂ©hension du 
fonctionnement des rĂ©gimes. Les deux thĂ©oriciens les plus prolifiques sur le caractĂšre 
Ă©conomique des rĂ©gimes internationaux sont Robert Gilpin et Robert Keohane. Les deux 
admettent la prĂ©pondĂ©rance des intĂ©rĂȘts Ă©conomiques dans la crĂ©ation et le 
fonctionnement des rĂ©gimes internationaux et emploient des thĂ©ories Ă©conomiques pour 

                      

 

1

   Ruggie, John Gerard, “International response to technology: concepts and trends”. 

International 

Organization

, Ă©tĂ© 1975. Vol. 29. No. 3. P. 570. 

2

   Keohane, Robert O., 

After Hegemony:  Cooperation and Discord in the World Political Economy

. Princeton 

University Press, Princeton, 1984. P. 57. 

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24 

l’analyse des rĂ©gimes. Pour Gilpin le « 

contrĂŽle sur la gouvernance du systĂšme international 

»

 

est fonction de trois facteurs : la distribution du pouvoir entre coalitions politiques, puis la 
caractĂ©ristique hiĂ©rarchique du pouvoir et le prestige entre Etats, enfin les rĂšgles et les 
droits qui organisent ou influencent les relations entre Etats.  

Gilpin note que le contrĂŽle par le biais de la distribution de pouvoir a, durant l’histoire 

des relations internationales, Ă©tĂ© caractĂ©risĂ© par : 1- l’hĂ©gĂ©monie ou l’impĂ©rialisme, « 

oĂč un 

seul Etat puissant domine les Etats plus faibles dans le systĂšme

 Â» ; 2- la bipolaritĂ©, une 

condition dans laquelle deux Etats puissants contrĂŽlent et rĂ©gulent les interactions dans et 
entre leurs sphĂšres respectives d’influence ; et 3- l’équilibre de pouvoirs dans lequel trois 
Etats ou plus contrĂŽlent les actions des autres par des manƓuvres diplomatiques, des 
changements d’alliances, et le conflit ouvert

1

.  

Keohane, par contre, a tendance Ă  attĂ©nuer le caractĂšre hĂ©gĂ©monique et la volontĂ© 

d’exercer une telle capacitĂ© que Gilpin dĂ©veloppait a propos du contrĂŽle du systĂšme 
international : 

« â€Š  Les prĂ©tentions pour une validitĂ© gĂ©nĂ©rale de la thĂ©orie de stabilitĂ© 

hĂ©gĂ©monique sont souvent exagĂ©rĂ©es. La domination d’un seul pouvoir peut contribuer 
Ă  l’ordre dans la politique mondiale, dans les circonstances particuliĂšres, mais ceci n’est 
pas une condition suffisante, et il y a peu de raison pour croire que ceci est nécessaire

2

. Â» 

Pour Keohane « 

l’hĂ©gĂ©monie et la coopĂ©ration ne sont pas des alternatives ; Au contraire, 

elles existent souvent dans des relations symbiotiques l’une avec l’autre

3

 Â». NĂ©anmoins, Keohane 

pense que la coopĂ©ration pourrait ĂȘtre facilitĂ©e par l’hĂ©gĂ©monie. 

Gilpin reconnaĂźt un pouvoir plus grand pour l’Etat hĂ©gĂ©monique. En ce qui concerne la 

hiĂ©rarchie de prestige et de pouvoir entre Etats, il dit 

in fine

 que celle-ci : 

  Â« â€Š dĂ©pend du pouvoir Ă©conomique et militaire. Le prestige est la rĂ©putation du 

pouvoir, et le pouvoir militaire en particulier, tandis que le pouvoir renvoie Ă  la capacitĂ© 
Ă©conomique, militaire, 
 des Etats. Le prestige renvoie principalement Ă  la perception 

                      

 

1

   Gilpin, Robert, 

War and Change in World Politics

. Cambridge University Press, Cambridge, 1981. P. 

28 

2

  

After Hegemony

, p. 46. 

3

   Ibid. 

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25 

des autres Etats des capacitĂ©s et des habilitations de l’Etat en question et de sa volontĂ© 
d’exercer ce pouvoir sur la scùne internationale

1

. Â»  

Au contraire, Keohane prĂ©tend que le pouvoir est essentiel pour la formation et 

l’entretien des rĂ©gimes, et il donne un rĂŽle primordial au pouvoir Ă©conomique dans ce 
contexte. Ils reconnaissent tous les deux l’importance du pouvoir Ă©conomique dans la 
crĂ©ation et la maintenance des rĂ©gimes internationaux : simplement pour Keohane, celui ci 
a un rĂŽle plus central.  

En ce qui concerne les rĂšgles qui gouvernent les interactions entre Etats, Gilpin maintient 

qu’elles s’appliquent : 1- Ă  la diplomatie et aux relations politiques, 2- Ă  la conduite de la 
guerre, et 3- aux relations Ă©conomiques

2

. Les sources de ces rĂšgles de conduite 

internationale sont de « 

coutume et négociées dans les traités internationaux

3

 Â». Keohane, au 

contraire, dĂ©finit une  partie de ce que Gilpin appelle rĂšgles, comme des normes de 
comportement qui ne sont pas aussi spécifiques que des rÚgles ou des principes

4

. En mĂȘme 

temps, Keohane argumente sur le fait que les normes sont moins sujettes aux changements 
que les rĂšgles. Pour lui les rĂšgles, si tant est qu’elles aient une quelconque efficacitĂ©, doivent 
ĂȘtre dĂ©rivĂ©es d’ Â« 

accords spĂ©cifiques entre Etats qui affectent l’exercice des contrĂŽles 

nationaux

5

 Â». 

En ce qui concerne la crĂ©ation des rĂ©gimes, Keohane met l’accent sur la signification de 

l’application du modĂšle de « choix rationnel Â» (

rational choice

) de la théorie économique

6

Bien qu’il reconnaisse le rĂŽle de pouvoir relatif entre Etats dans la crĂ©ation des rĂ©gimes, il 
maintient quand mĂȘme que, par l’exercice de choix rationnels, l’affiliation avec les rĂ©gimes 
internationaux est une dĂ©cision optionnelle de la part d’un Etat. L’évaluation de Keohane 
est basĂ©e sur la comparaison par un Etat, des coĂ»ts et des bĂ©nĂ©fices associĂ©s Ă  l’affiliation Ă  
un rĂ©gime international. Gilpin emploie le concept de coĂ»t-bĂ©nĂ©fice dans l’évaluation des 
raisons de changement des régimes internationaux

7

. En ce qui concerne la crĂ©ation des 

                      

 

1

  

War and Change in World Politics

,

 pp. 30-31.

 

2

   Ibid, p. 35. 

3

   Ibid. 

4

  

After Hegemony, 

p. 59.

 

5

   Ibid., p. 61

.

 

6

   Ibid., p. 72

.

 

7

  

War and Change in World Politics

, p. 156-158. 

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26 

rĂ©gimes, en revanche, Gilpin utilise le concept d’analyse d’indiffĂ©rence issue de la thĂ©orie 
Ă©conomique, pour expliquer les actions des leaders des rĂ©gimes ainsi que de leurs 
membres

1

. Cette analyse maintient que les Etats individuels tentent de maximiser 

l’obtention de leurs objectifs nationaux par l’acceptation d’un Â« package Â» de bĂ©nĂ©fices qui 
offre la meilleure possibilitĂ© d’obtenir cet objectif. L’application de courbes d’indiffĂ©rence 
est difficile car beaucoup de facteurs diffĂ©rents doivent ĂȘtre pris en considĂ©ration, ce qui 
implique que des points multiples d’indiffĂ©rence doivent ĂȘtre dĂ©terminĂ©s et coordonnĂ©s. Le 
couple coĂ»t-bĂ©nĂ©fice employĂ© par Keohane est appliquĂ© d’une maniĂšre diffĂ©rente de 
l’analyse d’indiffĂ©rence. Mais, les rĂ©sultats en termes de dĂ©cisions dans les deux approches 
sont similaires.  

Globalement, Keohane maintient que les « 

incitations Ă  former des rĂ©gimes internationaux 

dĂ©pendent fondamentalement de l’existence d’intĂ©rĂȘts partagĂ©s

 

2

». Pour Gilpin les Etats « 

crĂ©ent 

des arrangements sociaux, politiques et Ă©conomiques pour avancer une sĂ©rie particuliĂšre de leurs 

intĂ©rĂȘts

 

3

» et bien que le comportement international des Etats soit « 

basĂ©, plus ou moins sur 

le consensus et l’intĂ©rĂȘt mutuel, la fondation primaire des rĂšgles et des droits est dans le pouvoir 

et les intĂ©rĂȘts des groupes ou Etats dominants dans un systĂšme social

4

. Â»  Ainsi, pour Keohane, 

la crĂ©ation du rĂ©gime « Atomes pour la Paix Â» pourrait ĂȘtre expliquĂ©e comme l’intĂ©rĂȘt 
commun de ses Etats membres. Tandis que d’aprĂšs les postulats de Gilpin, celle-ci peut 
ĂȘtre expliquĂ©e par le fait qu’elle correspondait avec les intĂ©rĂȘts du leader du rĂ©gime 
politique international, les Etats-Unis. Les changements survenus dans ce rĂ©gime sont aussi 
mieux explicables par les postulats de Gilpin. Pour lui, l’initiation de la formation 
d’ Â« Atomes pour la Paix Â» par les Etats-Unis pourrait trouver sa raison dans le fait que le 
gouvernement amĂ©ricain ne considĂ©rait pas la crĂ©ation de ce rĂ©gime comme une menace 
directe sur les intĂ©rĂȘts de sĂ©curitĂ© des Etats-Unis, mais dans son intĂ©rĂȘt Ă  long terme. Bien 
que nous soyons nous-mĂȘmes en phase avec l’analyse finale de Gilpin qui maintient que 
dans un ordre international bipolaire, un rĂ©gime Ă©conomique international dĂ©favorable aux 

                      

 

1

   Ibid., p. 19-23. 

2

  

After Hegemony

, p. 79. 

3

  

War and Change in World Politics

, p. 25.

  

4

   Ibid., p. 35. 

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27 

intĂ©rĂȘts de l’une des superpuissances a pu ĂȘtre crĂ©Ă© grĂące Ă  la marge de manƓuvre permise 
par le systĂšme bipolaire.  

Pour Gilpin le systĂšme international sera maintenu tant que les bĂ©nĂ©fices du statu quo 

seront plus importants que le changement. Le changement du systĂšme international se 
produit par l’expansion Ă©conomique et politique. Quand le coĂ»t de l’expansion dĂ©passe les 
bĂ©nĂ©fices qui peuvent en ĂȘtre tirĂ©s, alors le systĂšme international est en Ă©quilibre. La survie 
de l’empire dĂ©pend donc de ce que les bĂ©nĂ©fices de guerre en dĂ©passent le coĂ»t

1

Pour Keohane, l’absence d’un gouvernement mondial augmente l’utilisation de la 

rĂ©ciprocitĂ© par des nations. L’anarchie rend la coopĂ©ration internationale plus difficile, mais 
l’existence de rĂ©gimes rĂ©duit le coĂ»t de transaction, fournit des informations essentielles 
pour faciliter la coopération internationale

2

.   

Les comportements des Etats sont-ils affectĂ©s par les rĂ©gimes internationaux, et si oui, 

comment ? La plupart des nĂ©orĂ©alistes prĂ©tendent que les rĂ©gimes ou institutions 
internationales n’ont qu’une influence minimale sur le comportement des Etats. Ceci 
principalement parce que les rĂ©gimes ne seraient qu’une maniĂšre d’obscurcir les politiques 
de pouvoir dans les relations internationales. Les nĂ©orĂ©alistes institutionnalistes et les 
thĂ©oriciens de rĂ©gimes arguent que les rĂ©gimes jouent un rĂŽle important dans la 
formulation du comportement des Etats et promotion de la coopĂ©ration internationale. Les 
rĂ©gimes promeuvent la coopĂ©ration en rĂ©duisant le coĂ»t de transaction et en fournissant 
des informations sur le comportement des autres Etats, augmentant ainsi la confiance des 
autres sur le fait qu’ils suivent les rĂšgles Ă©tablies

3

. Le fait que la coopĂ©ration nuclĂ©aire entre 

l’Iran et la Russie puisse continuer pourrait ĂȘtre traduit superficiellement comme une 
indication de la validitĂ© de ces thĂ©ories, car celle ci ne viole pas les prescriptions du TNP. 
Mais comme nous allons le voir dans une analyse plus approfondie, la pertinence du 
rĂ©gime est assez limitĂ©e.  

Les rĂ©sultats de notre recherche sont plutĂŽt en faveur des postulats de Gilpin qui 

maintient que le leader du rĂ©gime peut imposer sa volontĂ©, comme les Etats-Unis 

                      

 

1

   Ibid., chapitre 3.   

2

   Keohane, Robert, Ostrom, Elinor, 

Local commons and global interdependence: heterogeneity and cooperation 

in two domains

, Sage, London, 1994. Voir l’Introduction. 

3

  

After Hegemony

, pp. 89-96. 

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28 

changeant les pratiques rĂ©elles sous le TNP, quand leur position de force le leur permet, 
comme la crĂ©ation du Club de Londres et du ComitĂ© de Zangger.  

« Dependencia Â»  

  Les thĂ©ories de la dĂ©pendance attribuent une grande importance Ă  la façon dont 
l’économie politique internationale forme le dĂ©veloppement politique des pays en voie de 
dĂ©veloppement. Ces thĂ©ories, qui sont aussi appelĂ©es de l’impĂ©rialisme et du centre-
pĂ©riphĂ©rie, attribuent moins de poids aux facteurs nationaux et internes, tels que la 
tradition historique, les institutions, les rĂ©formes Ă©conomiques et politiques. Dans ces 
derniĂšres, la matrice mise en place par les pays capitalistes avancĂ©s est un systĂšme de 
pression qui contraint fortement les pays en voie de dĂ©veloppement et dĂ©termine les 
options disponibles pour ces pays. Le capital, l’organisation, la technologie et la 
prĂ©pondĂ©rance militaire sont en la possession du centre. Ce sont eux qui ont la capacitĂ© de 
dĂ©finir les termes sous lesquels le savoir, le capital et les marchĂ©s seront fournis Ă  la 
pĂ©riphĂ©rie.  

  Le centre force les acteurs variĂ©s de la pĂ©riphĂ©rie en position de servilitĂ© : les fournisseurs 
de matiĂšres premiĂšres, les acheteurs de produits finis, les fabricants de ce que le cƓur 
voudrait bien leur laisser produire. Les pays en voie de dĂ©veloppement sont dans 
l’incapacitĂ© d’allouer les ressources en fonction de leurs besoins internes, correspondant Ă  
des visions alternatives de dĂ©veloppement.  Le rĂ©sultat est qu’ils sont enfermĂ©s dans une 
structure oĂč les bĂ©nĂ©fices de la croissance se multiplient de maniĂšre disproportionnĂ©e pour 
le centre. La consĂ©quence Ă©tant que les pays en voie de dĂ©veloppement possĂšdent une 
Ă©conomie duale : un secteur avancĂ© croissant, liĂ© aux besoins du centre, et un secteur 
misĂ©rable et stagnant sans aucun lien avec les besoins du systĂšme capitaliste international, 
ignorĂ© et abandonnĂ© par celui-ci. L’issue en Ă©tant le colonialisme pur et dur

1

. Dans ce 

systĂšme chaque pays en voie de dĂ©veloppement a Ă©tĂ© obligĂ© d’épouser la forme que sa 
place dans le systĂšme lui imposait
 

                      

 

1

   Voir Lenin & Hobson, qui dĂ©crivent l’époque ou la pĂ©riphĂ©rie Ă©tait gouvernĂ©e par le centre; NĂ©o-

colonialisme de GĂŒnter Frank (capitalisme et sous-dĂ©veloppement en AmĂ©rique du Sud) oĂč la 

pĂ©riphĂ©rie a une souverainetĂ© formelle, mais reste prisonniĂšre d’une structure qu’elle ne peut pas 

affecter ; Ainsi que Gourevitch expliquant le dĂ©veloppement du capitalisme au quinziĂšme siĂšcle 

et la notion de formation de centre et semi pĂ©riphĂ©rie.  

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29 

  Pour Bertrand Badie, aucune entitĂ© n’est complĂštement isolĂ©e, et les interactions dans les 
relations internationales sont rĂ©gulĂ©es par les structures de pouvoir qui organisent la scĂšne 
internationale et limitent les innovations dans ce systĂšme. Pour lui, mĂȘme les Ă©meutes dans 
les pays de pĂ©riphĂ©rie peuvent ĂȘtre expliquĂ©es par l’influence du centre : Â« 


un 

relĂąchement de la coercition, aprĂšs des longues pĂ©riodes autoritaires, pourrait paraĂźtre la 

situation la plus favorable Ă  une montĂ©e de la contestation et Ă  son glissement vers l’émeute

1

. Â»    

  James A. Caporaso postule que l’un des problĂšmes pour la crĂ©ation d’un cadre 
conceptuel pour l’étude de la dĂ©pendance est la possibilitĂ© de diffĂ©rencier la notion de la 
dĂ©pendance de celle de 

dependencia

  (

dependency

). La dĂ©pendance doit ĂȘtre comprise 

comme Â« 

l’absence de l’autonomie de l’acteur 

» et la 

dependencia

 comme Â«

 une forme 

d’interdĂ©pendance hautement asymĂ©trique

2

». Dans l’interdĂ©pendance il y a une notion de 

contrĂŽle mutuel. Quasiment tout pays dĂ©pend des autres, pour, par exemple le commerce, 
le transfert de technologie ou bien les Ă©changes culturels
 Ces Ă©changes sont plus ou 
moins systĂ©matiques. Il s’agit alors de l’interdĂ©pendance. La 

dependencia

 suggĂšre une 

subordination aux autres, avec trois conditions qui qualifient cette position pour Caporaso : 
1- Quelle est la taille ou l’importance de cette relation dĂ©pendante ou bien la signification 
du produit pour le pays dĂ©pendant ? 2- Quel est le degrĂ© de raretĂ© du produit en question ?     
3- Quel est le coĂ»t des remplacements alternatifs ? 

3

 

  La dĂ©pendance indique donc un manque d’indĂ©pendance rĂ©elle vis Ă  vis des acteurs 
Ă©trangers ou des influences transnationales, ou bien l’interconnexion interne et externe 
d’une sĂ©rie de phĂ©nomĂšnes. L’économie du pays en question est ainsi « structurĂ©e Â» pour 
satisfaire les exigences des économies étrangÚres desquelles elle est dépendante

4

. Une des 

consĂ©quences pour Caporaso est la marginalisation du statut de certains groupes 
domestiques et un Ă©cart croissant entre l’élite et le peuple.  

  Une des critiques formulĂ©es Ă  l’encontre de la 

dependencia

, est la focalisation excessive 

sur les dĂ©terminants internationaux et structurels des politiques formulĂ©es dans les pays en 

                      

 

1

   Badie, Bertrand, 

Les Deux Etats

. Fayard, Paris, 1986. P. 253. 

2

   Caporaso, James A., “Dependence, dependency, and power in the global system: a structural and 

behavioural analysis” 

International Organization

, vol. 32, no. 1, hiver 1978. P. 18. 

3

   Ibid, p. 22. 

4

   Ibid, p. 18. 

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30 

voie de dĂ©veloppement. On reproche Ă  cette approche d’ignorer les raisons des diffĂ©rences 
entre deux politiques (

responses

) formulĂ©es par deux pays soumis aux mĂȘme pressions 

externes ou bien par le mĂȘme pays sous deux rĂ©gimes ou facteurs politiques internes,  
comme l’Iran d’avant et aprĂšs la rĂ©volution. Les thĂ©ories de 

dependencia

 traitent bien la 

question d’accĂšs Ă  la technologie, du rĂŽle et des consĂ©quences de l’opĂ©ration de 
multinationales dans les pays en voie de dĂ©veloppement, ainsi que d’autres questions de 
l’ordre du dĂ©veloppement Ă©conomique

1

, mais elles ignorent quasiment l’influence des 

relations militaires et politiques. L’apport significatif des thĂ©oriciens de 

dependencia

 est de 

mettre la lumiĂšre sur la marginalisation Ă©conomique et politique des gouvernements des 
pays en voie de dĂ©veloppement comme une cause de la rĂ©pression interne qui conduit Ă  la 
rĂ©volte. Nos Ă©tudes de cas montreront que cette explication est insuffisante, et que mĂȘme 
pour des variables internes conduisant Ă  la rĂ©volte il y avait des stimuli externes.  

Les travaux sur le nuclĂ©aire  

  L’essentiel de la littĂ©rature existante sur la question nuclĂ©aire traite des aspects 
nationaux, y compris technologiques et industriels ou militaires, de ce secteur. La majoritĂ© 
des ouvrages universitaires qui traitent des aspects internationaux, se focalisent sur les 
relations amĂ©ricano-soviĂ©tiques pendant la guerre froide, mĂȘme si les armes et la 
technologie nuclĂ©aire ont toujours eu un impact global et rĂ©gional important et dĂ©passaient 
la dimension des relations entre superpuissances.  

  Une des exceptions est Leonard Spector

2

 qui fournit des dĂ©tails sur les programmes 

d’IsraĂ«l et d’autre pays du Moyen-Orient, de l’Inde, du Pakistan, de la CorĂ©e du Nord, de 
l’Afrique du Sud, de l’Argentine et du BrĂ©sil. En plus Spector prend en considĂ©ration des 
aspects multiples de cette question, que ce soient les raisons historiques de l’introduction, 
les objectifs politiques, les aspects techniques et le transfert international des matĂ©riels et 

                      

 

1

   Newfarmer, Richard, ed. Â« International Industrial Organization and Development: A Survey Â», 

Profits, Poverty and Progress

. MIT Press, Cambridge, 1978. 

2

   Spector, Leonard S., 

Nuclear Ambitions: The Spread of Nuclear Weapons 1989-1990.

 Westview Press, 

Boulder, 1990. 

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31 

des technologies. Au milieu des annĂ©es 90, Spector Ă©tend sa couverture Ă  l’Ukraine, au 
Kazakhstan et a la Biélorussie, mais sans une analyse trÚs poussée

1

.  

  Le cas de la France, l’un des plus intrigants et informatifs a Ă©tĂ© visitĂ© de maniĂšre 
majestueuse par Marcel Duval et Yves Le Baut

2

. C’est l’un des rares ouvrages qui examine 

de maniĂšre systĂ©matique le programme nuclĂ©aire français depuis la Seconde Guerre 
mondiale jusqu'Ă  la guerre froide. Des les prĂ©misses des efforts nuclĂ©aires français, l’Amiral 
Duval a Ă©tĂ© un acteur important et a Ă©crit de maniĂšre prolifique sur la question nuclĂ©aire 
internationale

3

. Il a Ă©tĂ©, entre autres, l’éditeur de 

DĂ©fense Nationale 

et membre du « Groupe 

d’études français d’histoire de l’armement nuclĂ©aire Â» et le Directeur de l’Ecole de Guerre 
Navale. L’ouvrage de Duval et Le Baut est basĂ© surtout sur les entretiens avec des 
personnalitĂ©s importantes y compris des Premiers ministres, ministres des Affaires 
Ă©trangĂšres, des stratĂšges comme Pierre Gallois, des scientifiques comme Bertrand 
Goldschmidt, ainsi que des acteurs internationaux comme Paul Nitze qui a Ă©tĂ© un acteur 
important dans le dĂ©veloppement de la politique nuclĂ©aire des Etats-Unis depuis 
l’administration Truman jusqu'Ă  Reagan. 

  Il existe aussi une sĂ©rie de publications sur les programmes nuclĂ©aires de l’Inde et du 
Pakistan depuis le premier essai nuclĂ©aire de l’Inde en 18 mai 1974, et depuis la deuxiĂšme 
moitiĂ© des annĂ©es 1990 quand l’Inde est devenue l’opposant principal de l’extension 
définitive et inconditionnelle du Traité de la Non-prolifération (TNP)

4

.  

                      

 

1

   Spector Leonard S., McDonough, M., 

Tracking Nuclear Proliferation:  A Guide in Maps and Charts

Carnegie Endowment, Washington, D.C. 1995. 

2

   Duval, Marcel et Le Baut, Yves, 

L’Arme NuclĂ©aire française :  Pourquoi et comment ?

  Kronos, Paris, 1992. 

3

   Â« A la recherche d'un secret : l’arme nuclĂ©aire israĂ©lienne Â», 1998 ;   « A la recherche de la ‘pensĂ©e 

navale’ Â», 1993;   Â« L'arme nuclĂ©aire dans le monde : Ă©tat des lieux Â» 1998 ;  

L'arme nuclĂ©aire française, 

pourquoi et comment ?,

  1992 ; « Le bouclier antimissile amĂ©ricain Â», 2001;  Â« Les crises du Golfe vues 

de la mer Â», 1991; Â« La dĂ©nuclĂ©arisation de l'Afrique du Sud : Ă©piphĂ©nomĂšne ou modĂšle ? Â»,  1994 ;   

« EnquĂȘte sur une Ă©nigme : l’arme nuclĂ©aire chinoise Â», 1994 ;  Â« Les essais nuclĂ©aires de l'Inde et 

du Pakistan : hier, aujourd'hui, demain Â», 1998 ; « Les Etats-Unis et la prolifĂ©ration nuclĂ©aire : le 

cas français Â», 1995; « L’Europe est-elle menacĂ©e par la prolifĂ©ration ? Â»,  1999; « Faut-il avoir peur 

de l’Iran ? Â»,  2002 ;  Â« Les fondements de la sĂ©curitĂ© en Europe Ă  l'horizon 2000 Â», 1991 ; « Forces 

navales et contrĂŽle des crises Â»,  1992 ; « Histoire des forces nuclĂ©aires françaises depuis 1945 Â», 

Que Sais-je ?,

  1993; Â« Perspectives d'avenir de la dissuasion française Â», 1996 ;   « La prolifĂ©ration 

des armes de destruction massive : fantasme ou rĂ©alitĂ© ? Â»,  2001  ; « Quel avenir pour la 

dissuasion nuclĂ©aire française ? Â»,  1991 ; « Quel avenir pour le nuclĂ©aire ? Â» 2000; « Quel avenir 

pour le traitĂ© de non-prolifĂ©ration des armes nuclĂ©aires ? Â»,  1994 ; « Risques et options pour la 

dĂ©fense Â»,  1992  ;  Â« SĂ©curitĂ© collective et crises internationales : actes des journĂ©es d'Ă©tudes de 

Toulon Â», 1994 ; Â« La stratĂ©gie amĂ©ricaine en MĂ©diterranĂ©e : perception par un Français Â», 1997. 

4

   Chellaney, B., Â« South Asia’s Passage to Nuclear Power Â», 

International Security

 16, no. 1. EtĂ© 1991.

 

 

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32 

  Il existe toute une floraison rĂ©cente de littĂ©rature sur le nuclĂ©aire iranien, parfois publiĂ©e 
sur l’Internet. Ceci est surtout la production de Â« 

think-tanks

 Â» amĂ©ricains et d’autres 

organismes privĂ©s. Mais la totalitĂ© de cette littĂ©rature part du principe que le programme 
iranien est de nature militaire et finalement traite des diffĂ©rentes « rĂ©ponses Â» Ă©ventuelles 
amĂ©ricaines aux dĂ©veloppements nuclĂ©aires en Iran. L’aspect de la production d’énergie 
nuclĂ©aire est quasiment ignorĂ©. Le cas de l’Iran a Ă©tĂ© aussi visitĂ© par Shahram Chubin, un 
spĂ©cialiste mondialement reconnu des questions d’armement et du nuclĂ©aire iranien

1

. Mais 

il n’y a pas d’analyse sur les dĂ©veloppements historiques, le contexte gĂ©opolitique, et les 
motivations iraniennes pour l’obtention d’une capacitĂ© nuclĂ©aire civile. L’apport 
additionnel de notre travail est peut ĂȘtre l’analyse des raisons initiales de l’introduction de 
l’industrie nuclĂ©aire en Iran et les contraintes internationales qui ont empĂȘchĂ© cette 
industrie de devenir opĂ©rationnelle Ă  ce jour. Le travail de Chubin, trĂšs dĂ©taillĂ© et complet, 
est un inventaire descriptif. Nous proposons ici une analyse de l’économie politique du 
dĂ©veloppement de l’industrie nuclĂ©aire en Iran en prenant d’autres aspects et variables en 
considĂ©rations, comme l’importance des rĂ©gimes, des relations bilatĂ©rales, la stratĂ©gie 
commerciale et le jeu entre autoritĂ©s et les marchĂ©s. Les ouvrages existants qui traitent les 
aspects culturels et gĂ©opolitiques avec une vision plus long terme ne se sont pas focalisĂ©s 
sur la question nucléaire

2

La gĂ©opolitique 

  Patrick O’Sullivan a Ă©crit, au milieu des annĂ©es 80, que Â« 

la force de l’influence 

internationale

 Â» continuait Ă  reflĂ©ter ce qu’il a appelĂ© « 

la tyrannie de la distance

3

 Â». La 

gĂ©ographie, d’aprĂšs son raisonnement, « 

continue Ă  fournir un certain degrĂ© de dĂ©fense contre 

les ambitions des rivaux. La distance, et caractĂ©ristiques gĂ©ographiques
 continuent Ă  fournir 

des barriĂšres contre l’invasion armĂ©e. 
Mais les Etats continuent Ă  ĂȘtre aspirĂ©s dans les 

controverses gĂ©opolitiques par consĂ©quence de la vulnĂ©rabilitĂ© de leurs Etats clients au troubles 

                      

 

1

   Chubin, Shahram, 

Iran’s National Security Policy: Intentions, Capabilities and Impact

. Carnegie 

Endowment, Washington D.C. 1994. 

2

   Voir  Fuller, Graham, E., 

Centre of the Universe: The Geopolitics of Iran

. Westview, Colorado, 1991. 

Sicker, Martin. 

The Bear and the Lion: Soviet Imperialism and Iran

. Praeger, NY, 1988. Bill, James A. 

The 

Eagle and the Lion: The Tragedy of American-Iranian Relations

. Yale University Press, New Haven, 1988. 

3

   O’Sullivan, Patrick, 

Geopolitis

. St. Martin’s Press, N.Y. 1986. P. 5.

 

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33 

indirects (indirect disruption). Dans de telles situations, les Etats patrons sont aspirĂ©s dans les 

conflits gĂ©opolitiques en dĂ©pit de leurs avantages gĂ©opolitiques associĂ©s avec la distance
 le coĂ»t 

des activitĂ©s militaires augmente avec la distance et difficultĂ©s logistiques 
 qui rendent les 

opérations plus difficiles

.

1

»  La rentabilitĂ© des coĂ»ts et bĂ©nĂ©fices associĂ©s rentre dans les 

calculs Ă©conomiques de l’Etat patron, dans les analyses de type de l’économie politique 
internationale et la thĂ©orie des jeux. Mais d’aprĂšs O’Sullivan, l’essence de la domination et 
de l’hĂ©gĂ©monie est dans la capacitĂ© de l’Etat Ă  exercer son pouvoir sur le territoire, et dans 
le fait que ses dirigeants puissent imposer leur volontĂ© par la supĂ©rioritĂ© de la force et du 
prestige

2

. En ce sens la force militaire, d’aprĂšs O’Sullivan, est la mesure de pouvoir. 

L’hĂ©gĂ©monie par contre, ne nĂ©cessite pas une intĂ©gration complĂšte de la sphĂšre 
d’influence. Elle nĂ©cessite plutĂŽt une capacitĂ© Ă  empĂȘcher les adversaires de contrĂŽler ces 
territoires, aussi bien que la capacitĂ© Ă  influencer les Ă©vĂ©nements dans des tels territoires. 
Concernant la distance, si l’hĂ©gĂ©monie a une capacitĂ© limitĂ©e pour dĂ©ployer ses forces 
militaires, alors ces forces doivent ĂȘtre dispersĂ©es et perdre leur puissance

3

.  

  La chute de l’Union soviĂ©tique en 1990 Ă©tait le symbole le plus fort de la fin de la guerre 
froide et la transformation formelle du systĂšme politique international d’une configuration 
bipolaire Ă  une configuration unipolaire et Ă©ventuellement multipolaire. Les Etats-Unis sont 
devenus, pendant un temps, le seul pouvoir dominant dans le monde. Depuis l’ordre 
international a Ă©tĂ© en phase de changement et en  2003, aprĂšs les Ă©vĂšnements de 11 
septembre 2001, aprĂšs la division internationale au sujet d’invasion d’Irak en 2002, le 
monde se trouve dans une phase instable entre unipolaritĂ© et des tentatives de 
multipolaritĂ©. Les Etats-Unis tentent d’assumer le rĂŽle hĂ©gĂ©monique, et il est peut ĂȘtre trop 
tĂŽt pour pouvoir dĂ©terminer, avec une certitude quelconque, quels vont ĂȘtre les acteurs 
majeurs dans l’environnement futur, qu’il soit multipolaire ou unipolaire. Ce qui est 
certain c’est que dans l’ordre actuel, les relations entre les Etats-Unis, la Russie, la Chine, 
sont suffisamment complexes pour que l’assistance Ă  la rĂ©alisation de l’industrie nuclĂ©aire 
iranienne puisse y trouver une place secondaire, Ă©chappant au veto amĂ©ricain, y compris 
pour des raisons d’échanges Ă©conomiques et politiques. Le projet nuclĂ©aire iranien 

                      

 

1

   Ibid., pp. 9-10. 

 

2

   Ibid., p. 10. 

3

   Ibid. 

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34 

pourrait, comme nous le verrons dans les chapitres qui vont suivre, assumer le rĂŽle de 
«monnaie d’échange» (

bargaining chip

), dans les nĂ©gociations entre ces Etats.  

L’analyse stratĂ©gique 

  Dans Competitive Advantage1, Michael Porter introduit la notion de chaĂźne de valeur2 
et une maniĂšre systĂ©matique d’analyser les activitĂ©s des firmes et l’interaction entre elles. 
Cette notion est utile pour l’analyse et la comprĂ©hension des changements survenus dans 
l’industrie nuclĂ©aire internationale. L’analyse de Porter relĂšve du sens commun, mais c’est 
une bonne maniĂšre d’éclaircir les diffĂ©rents aspects de l’industrie nuclĂ©aire qui peuvent en 
surface paraĂźtre complexes. Porter explique que pour le fonctionnement d’une industrie, il 
y a besoin, entre autre, des inputs. Pour l’industrie nuclĂ©aire, ceux-ci consistent 
principalement en l’uranium et des rĂ©acteurs. Ensuite, il y a l’étape de « transformation Â», 
ou l’uranium lĂ©gĂšrement enrichi (lightly enriched uranium, LEU) doit ĂȘtre irradiĂ©, dans le 
rĂ©acteur, pour produire de l’électricitĂ© et des « dĂ©chets Â». Ce sont ces « dĂ©chets Â» qui sont 
d’utilitĂ© militaire car ils contiennent de l’uranium-235 et du plutonium, toutes deux des 
matiĂšres fissiles qui peuvent ĂȘtre utilisĂ©es pour crĂ©er une explosion. Mais l’utilisation de 
l’uranium-235 ou du plutonium Ă  cette fin nĂ©cessite une opĂ©ration de purification ou 
sĂ©paration des Ă©lĂ©ments qu’on appelle « retraitement Â». Pour une « industrie Â» nuclĂ©aire 
militaire, le « retraitement Â» constitue donc un autre « input Â» indispensable.  

  Une autre notion d’intĂ©rĂȘt introduite par Porter est celle d’apprentissage et de bĂ©nĂ©fices 
secondaires (spillovers)3. L’apprentissage de manipulation de la technologie nuclĂ©aire dans 
le secteur civil, pourrait, dans un certain nombre d’annĂ©es, fournir au pays en 
considĂ©ration le savoir-faire nĂ©cessaire pour introduire des usages militaires. Ceci tout 
de mĂȘme avec le besoin d’équipements et de procĂ©dĂ©s. Dans StratĂ©gie compĂ©titive, Porter 
dĂ©veloppe la notion de menace de nouveaux entrants4. Dans notre cas par exemple, il est 
possible de considĂ©rer les fabricants de rĂ©acteurs français et allemands en concurrence 
directe avec les fabricants amĂ©ricains. Aussi, de nouveaux pays nuclĂ©aires, comme la Chine 

                      

 

1

   Porter, Michael E., 

Competitive Advantage:  Creating and Sustaining Superior Performance

.  Free Press, NY, 

1985. 

2

   Ibid., p. 36-52. 

3

   Ibid., pp. 195-196. 

4

   Ibid., pp. 220-221. 

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35 

peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des concurrents pour le maintien rĂ©gional de la sĂ©curitĂ©, 
faisant en sorte que le coĂ»t d’intervention Ă©ventuelle pour les Etats-Unis serait plus Ă©levĂ© 
dans la rĂ©gion. 

  Les fournisseurs, dans le modĂšle de Porter ont un pouvoir de nĂ©gociation important 
quand ils n’y a pas de sources alternatives d’approvisionnement pour leurs services ou 
produits1. Comme nous allons le voir, pour le service, indispensable, de l’enrichissement 
d’uranium (pour le rendre utilisable dans les rĂ©acteurs du type de celui que l’Iran a fini par 
choisir), il n’y avait que des fournisseurs amĂ©ricains dans les annĂ©es 1970. La crĂ©ation 
d’EURODIF a Ă©tĂ© un challenge direct europĂ©en aux fournisseurs amĂ©ricains. 

  Porter utilise aussi dans son modĂšle la notion de la « menace de produits ou services de 
substitution1.»  Comme nous le verrons, il y a une Ă©quivalence entre armes traditionnelles 
et armes nuclĂ©aires. Il est possible d’obtenir une sĂ©curitĂ© ou bien une dissuasion importante 
avec des armes nuclĂ©aires avec un coĂ»t qui est une fraction des armes conventionnelles. En 
ce sens l’accĂšs Ă  l’arme nuclĂ©aire est une menace de produit de substitution pour les 
fabricants des armes conventionnelles, lobbies forts dans les Etats patrons. Ils auraient, 
d’aprĂšs Porter, tout intĂ©rĂȘt Ă  mettre tous les moyens possibles en Ɠuvre pour Ă©viter l’accĂšs 
des utilisateurs de leurs produits Ă  ce produit de substitution. 

  Enfin Porter met l’accent sur la rivalitĂ© entre acteurs existants : tous les fabricants de 
rĂ©acteurs par exemple, ont voulu bĂ©nĂ©ficier des marchĂ©s dans les pays moins dĂ©veloppĂ©s ; 
Dans le cas ou les acteurs nationaux voudront avoir accĂšs Ă  l’arme nuclĂ©aire, celui qui l’a 
possĂ©dĂ©e en premier a tout intĂ©rĂȘt Ă  barrer la voie d’accĂšs Ă  cette technologie aux autres. 
C’est ainsi qu’il pourrait obtenir des avantages des autres acteurs nationaux pour ces 
services, entre autre les services de maintien de la sĂ©curitĂ© ; ou dans le cas de nĂ©gociations 
en situation de conflit, il pourrait persuader l’acteur faible Ă  accepter une solution non 
optimale pour lui (comme dans le cas de nĂ©gociations entre les Etats-Unis et la Chine pour 
arrĂȘter le conflit de CorĂ©e).  

  Dans les industries Ă©mergeantes, Porter note le fait qu’il n’y a pas de rĂšgle, le coĂ»t initial 
de dĂ©veloppement est Ă©levĂ©, mais ce coĂ»t baisse de maniĂšre considĂ©rable avec le volume. Il 

                      

 

1

   Porter, Michael E., 

Competitive Strategy:  Techniques for Analyzing Industries and Competitors

.  Free Press, 

NY, 1980.  Pp. 27-28. 

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36 

est important d’aprĂšs Porter de former la structure de l’industrie, y compris le rĂŽle des 
fournisseurs. La position stratĂ©gique des concurrents dans les marchĂ©s globaux est affectĂ©e 
par leur positionnement global. Porter suggĂšre qu’en matiĂšre de concurrence, les rĂŽles du 
gouvernement et de l’entreprise doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©s ensemble2.

                                                                    

 

1

   Ibid., p. 166. 

2

    Ibid. 

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37 

2.

 

Offrir le nuclĂ©aire Ă  l’Iran  

pour maĂźtriser le nuclĂ©aire  

dans le monde 

L'introduction de la technologie nuclĂ©aire en Iran, comme dans la plupart des pays, a 

commencĂ© Ă  la fin des annĂ©es 50 avec le programme amĂ©ricain « Atomes pour la Paix Â». 
C’est lors de l’ouverture de l’exposition « Atomes pour la Paix Â» Ă  TĂ©hĂ©ran en 1957, que le 
Shah annonce la signature d’un accord de coopĂ©ration, proposĂ© par les États-Unis, pour la 
recherche sur les utilisations pacifiques de la technologie nucléaire

1

La coopĂ©ration initiale 

se limitait Ă  l’assistance technique et au « bail Â» de quelques kilos d’uranium enrichi. Un an 
plus tard, le centre de formation nuclĂ©aire qui opĂ©rait Ă  Bagdad sous les auspices du 

Central 

Treaty Organization

 (CENTO

2

)

 fut transfĂ©rĂ© Ă  TĂ©hĂ©ran. Le Shah, qui Ă©tait enthousiaste sur 

les questions de hautes technologies, commence Ă  s’intĂ©resser personnellement Ă  l’énergie 
atomique. Depuis le dĂ©clin de l’Empire ottoman, la technologie en gĂ©nĂ©ral Ă©tait considĂ©rĂ©e 
par les dirigeants du Moyen-Orient, surtout les  Iraniens et les Turcs, comme un Ă©lĂ©ment 
essentiel pour la prospĂ©ritĂ©, la survie nationale et un symbole d’avancement. 

En 1959, le Shah donne l’ordre de crĂ©er un centre de recherche nuclĂ©aire Ă  l’universitĂ© 

de TĂ©hĂ©ran. Ceci fut suivi par « l’achat Â» auprĂšs des amĂ©ricains d’un rĂ©acteur de recherche 
de  5 MW. Ce n’était d’ailleurs pas un vĂ©ritable achat mais plutĂŽt  un « don Â». À cette 

                      

 

1

      US Department of State, « Atom for Peace Agreement with Iran Â», 

Department of State Bulletin

vol. 36, 15 avril 1957, p. 629. 

2

 

L’Iran avait rejoint la Pacte de Bagdad en 1955. C’est ce Pacte qui deviendra le CENTO en 1958, 

aprĂšs la rĂ©volution dramatique d’Irak, et le retrait de l’Irak de ce systĂšme d’alliance pro-

amĂ©ricain. 

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38 

Ă©poque, les États-Unis accordaient une subvention de 350 000 dollars Ă  tous les pays qui 
voulaient se procurer un tel type de rĂ©acteur, pour les inciter Ă  participer Ă  leur programme 
« Atomes pour la Paix Â»

1

. Ce rĂ©acteur de recherche, acquis en 1960, ne sera mis en fonction 

qu’en 1967, avec cinq ans de retard sur le planning initial. Il y avait Ă  cela plusieurs raisons : 
l’absence de personnel qualifiĂ© capable de faire fonctionner le rĂ©acteur ; pas de personnel 
non plus pour bĂ©nĂ©ficier des recherches et expĂ©rimentations que celui-ci aurait pu gĂ©nĂ©rer. 
Il n’y avait pas non plus de besoin urgent de maĂźtriser le fonctionnement des rĂ©acteurs. La 
capacitĂ© Ă©lectrique installĂ©e dans le pays, mĂȘme pour un petit rĂ©acteur de 360 MW, n’était 
pas suffisante ! Notons aussi l’absence de rĂ©seau de distribution Ă©lectrique avec une 
couverture nationale. Au dĂ©but des annĂ©es 60, un quart de la population seulement avait 
accĂšs Ă  l’électricitĂ©

2

. Avant 1964, la plupart des centrales Ă©lectriques en Iran Ă©taient de 

petites unitĂ©s diesel, qui fonctionnaient pour le compte d’entreprises privĂ©es locales. Dans 
les annĂ©es 50, le gouvernement central avait initiĂ© un programme de dĂ©veloppement 
hydroĂ©lectrique. En 1963, « l’autoritĂ© Ă©lectrique Â» sera crĂ©Ă©e pour devenir, un an plus tard, 
le ministĂšre des Eaux et de l’ÉlectricitĂ©. Une dizaine d’entreprises rĂ©gionales d’électricitĂ© 
seront constituĂ©es pour coordonner le rĂ©seau existant des petites stations privĂ©es dispersĂ©es 
dans le pays ; la plupart de ces stations seront nationalisĂ©es. 

Le Shah avait Ă©tĂ© rĂ©tabli dans ses fonctions Ă  peine quatre ans auparavant grĂące Ă  

l’assistance amĂ©ricano-britannique. Il s’agissait d’un coup d’État organisĂ© par la CIA. Il avait 
suffisamment de problĂšmes politiques et sociaux Ă  rĂ©gler en dehors de l’énergie nuclĂ©aire. 
Ce n’était pas sa prioritĂ©. D’autant plus que la production pĂ©troliĂšre nationale pouvait 
suffire largement Ă  ses besoins de production d’énergie. On comprendra donc d’autant 
mieux que l’acquisition de ce rĂ©acteur n’avait pas Ă©tĂ© une initiative iranienne mais une 
proposition amĂ©ricaine. Et qu’il n’y avait pas d’urgence pour les Iraniens Ă  faire fonctionner 
le rĂ©acteur en question. En fait, avant 1974, il n’y avait mĂȘme pas de programme clair et 
prĂ©cis en Iran pour la recherche atomique. La « Commission de l’énergie Atomique Â», 
installĂ©e en 1960, manquait singuliĂšrement d’activitĂ©. L’universitĂ© de TĂ©hĂ©ran Ă©tait le seul 
lieu oĂč un minimum de recherches et d’études nuclĂ©aires se dĂ©roulait. L’Iran Ă©tait un pays 

                      

 

1

 

Poneman, Daniel, 

Nuclear Power in the Developing World, 

George Allen & Unwin, Londres, 1982, 

p. 84. 

2

 

Ibid., p. 85. 

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39 

en voie de dĂ©veloppement, de pĂ©riphĂ©rie, et la technologie nuclĂ©aire proposĂ©e par l’« Ă‰tat 
patron Â» Ă©tait loin d’ĂȘtre l’élĂ©ment le plus essentiel pour son dĂ©veloppement Ă  cette Ă©poque. 

Pourquoi « Atomes pour la Paix Â» en Iran en 1957 ? 

Le « don Â» de ce rĂ©acteur Ă  l’Iran, et l’incitation par les États-Unis Ă  participer Ă  leur 

programme « Atomes pour la Paix Â», n’étaient pas fondĂ©s sur l’altruisme, ou sur un souci 
de transfert de technologies avancĂ©es vers les pays en voie de dĂ©veloppement. Ce 
programme Ă©tait un cheval de Troie,  qui Ă©tait pensĂ© pour permettre aux États-Unis de 
contrĂŽler le secteur nuclĂ©aire international, qui, Ă  l’époque, Ă©chappait Ă  tout contrĂŽle. En 
effet, les SoviĂ©tiques avaient fait exploser leur premier engin nuclĂ©aire en 1949. DĂšs 1953, 
les AmĂ©ricains craignaient qu’ils n’aient dĂ©jĂ  pris de l’avance sur eux dans le domaine 
nuclĂ©aire. Le rapport d’un comitĂ© de consultants sur le dĂ©sarmement, initiĂ© par Dean 
Acheson, secrĂ©taire d’État amĂ©ricain, avait mis en Ă©vidence que trop de matĂ©riaux fissiles se 
trouvaient dĂ©jĂ  dispersĂ©s dans le monde pour que les États-Unis puissent les contrĂŽler. Le 
risque Ă©tait notamment qu’une partie de ces matĂ©riaux pouvaient ĂȘtre exploitĂ©s Ă  des fins 
militaires. Pour bĂątir un systĂšme de contrĂŽle, ces consultants avaient proposĂ© Ă  Eisenhower 
d’introduire une sorte de « banque nuclĂ©aire Â», dont la fonction eĂ»t Ă©tĂ© d’entreposer des 
substances fissiles et de redistribuer celles-ci conformĂ©ment Ă  « l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral»

1

. C’est 

ainsi que la pĂ©riode de coopĂ©ration internationale dans le domaine nuclĂ©aire, de 1953 Ă  
1973, avait dĂ©marrĂ©. 

Eisenhower a exposĂ© son projet « Atomes pour la Paix Â» devant l’AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale 

des Nations unies le 2 dĂ©cembre 1953, la premiĂšre annĂ©e de sa prĂ©sidence, et Ă  peine trois 
mois aprĂšs le rĂ©tablissement du rĂ©gime Pahlavi par la CIA. Cette proposition rompait avec 
la logique de l’isolationnisme et du monopole nuclĂ©aire qui prĂ©valait jusqu’alors. Comme 
cela a Ă©tĂ© indiquĂ© prĂ©cĂ©demment, ce monopole Ă©tait de moins en moins tenable et 
Ă©chappait au contrĂŽle des États-Unis. Un « rĂ©gime Â» qui dĂ©finissait les rĂšgles du jeu dans ce 
nouveau domaine s’avĂ©rait nĂ©cessaire. PrĂ©sentĂ© comme une action de coopĂ©ration 
technique pour le transfert de technologie, « Atomes pour la Paix Â» Ă©tait par consĂ©quent 

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40 

une action unilatĂ©rale amĂ©ricaine, en vue de maĂźtriser le contrĂŽle des dĂ©veloppements du 
nuclĂ©aire dans le monde. Le contrĂŽle des pays qui avaient antĂ©rieurement pris une certaine 
avance dans le domaine nuclĂ©aire n’était plus possible. La fondation d’un rĂ©gime 
international, qui comprenait la quasi-totalitĂ© des pays, pouvait justifier et lĂ©gitimer un 
contrĂŽle international de tous les pays. Pour convaincre les autres nations de participer Ă  ce 
programme, les États-Unis leur proposaient donc une assistance technique et Ă©conomique 
gĂ©nĂ©reuse. La seule contrepartie Ă©tait l’engagement des pays participants Ă  ne pas utiliser 
cette technologie Ă  des fins militaires. Ainsi les  bases d’un  accord international pour le 
contrĂŽle de la technologie nuclĂ©aire Ă©taient posĂ©es. Ce programme d’« aide Â» amĂ©ricaine 
n’était qu’une stratĂ©gie, Ă  long terme, de contrĂŽle. Le plan d’Eisenhower Ă©tait une forme de 
compromis acceptable de la part des SoviĂ©tiques, alors qu’ils avaient, auparavant, refusĂ© la 
notion d’un contrĂŽle international du secteur nuclĂ©aire

2

« Atomes pour la Paix Â» comportait une dimension psychologique importante : d’une 

part ce programme pouvait dĂ©montrer les usages constructifs possibles de la technologie 
nuclĂ©aire ; d’autre part, c’était un dĂ©fi lancĂ© au monopole de propagande de Union 
soviĂ©tique sur le thĂšme de la « paix Â»

3

. La philosophie de ce projet Ă©tait basĂ©e sur l’idĂ©e que 

la prolifĂ©ration nuclĂ©aire dĂ©pendait principalement de dĂ©cisions politiques conscientes ; elle 
Ă©tait aussi fondĂ©e sur l’idĂ©e que la restriction des applications  de l’énergie nuclĂ©aire, non 
seulement ne diminuait pas le danger de prolifĂ©ration, mais risquait de l’accroĂźtre en 
encourageant les efforts clandestins et indĂ©pendants. La dĂ©claration d’Eisenhower fut suivie 
d’une campagne d’information importante, ainsi que par des expositions montĂ©es par 
l’Atomic Energy Commission dans les annĂ©es qui suivirent : ce fut le cas Ă  Karachi, Tokyo, 
Le Caire, SĂŁo Paulo, et plusieurs capitales. L’exposition de TĂ©hĂ©ran faisait partie de cette 
campagne d’information. Elle Ă©tait  aussi censĂ©e dĂ©montrer le soutien continu des États-
Unis pour le Shah. 

                                                                    

 

1

 

SĂ©nat, commission des Affaires Ă©trangĂšres, de la dĂ©fense et des forces armĂ©es, 

Rapport sur le projet de 

loi autorisant l’adhĂ©sion au TraitĂ© sur la non-prolifĂ©ration des armes nuclĂ©aires

, deuxiĂšme session ordinaire 

de 1991-1992, p. 17. 

2

 

Smart, Ian,

 World Nuclear Energy: Towards a Bargain of Confidence

, Baltimore,  Johns Hopkins 

University Press, 1982, p. 24. 

3

 

Weart, Spencer, R., 

Nuclear Fear: A History of Images,

 Cambridge, Harvard University Press, 1988, 

p. 162. 

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41 

Le rapport Acheson-Lilienthal

1

 avait dĂ©jĂ  rejetĂ© la possibilitĂ© d’un contrĂŽle international 

fondĂ© seulement sur la promesse des participants  Ă  ne pas dĂ©velopper une capacitĂ© 
nuclĂ©aire  militaire  et  sur  une inspection internationale. Ce rapport avait prĂ©conisĂ© des 
mesures plus extrĂȘmes, relatives Ă  la propriĂ©tĂ© et Ă  la gestion internationale de toutes les 
activitĂ©s nuclĂ©aires. Cette idĂ©e avait Ă©chouĂ©, en grande partie parce qu’elle avait butĂ© sur 
l’opposition de l’Union soviĂ©tique Ă  la notion d’une « gestion internationale. Â» La pierre 
angulaire du concept d’« Atomes pour la Paix Â» Ă©tait la politique d’assistance pour 
l’utilisation civile de l’énergie nuclĂ©aire, en Ă©change de vĂ©rifications pour se garantir des 
dĂ©tournements potentiels Ă  des fins militaires. Ce concept devait ĂȘtre mis en Ɠuvre par le 
biais d’un systĂšme de garanties, comprenant l’inspection des sites des pays d’accueil. Les 
garanties ou sauvegardes en question s’appliquaient donc seulement aux installations qui 
Ă©taient liĂ©es Ă  cette assistance. Autrement dit, un pays qui recevait l’assistance du 
programme « Atomes pour la Paix Â» Ă©tait obligĂ© de mettre les installations acquises par ce 
biais sous sauvegarde internationale. Mais ce mĂȘme pays pouvait poursuivre un plan de 
dĂ©veloppement nuclĂ©aire indĂ©pendant, ou bien acquĂ©rir les services de fournisseurs 
Ă©trangers pour son programme nuclĂ©aire. Ces actions ne nĂ©cessitaient pas l’application de 
telles garanties. Les pays pouvaient bien sĂ»r mettre toutes leurs activitĂ©s sous sauvegarde 
volontairement, ce qui fut le cas, par exemple, du Mexique au milieu des annĂ©es 60. 

Le point central de cette coopĂ©ration consistait d’une part en la fourniture, par les États-

Unis au dĂ©part, des matĂ©riaux nuclĂ©aires dans des termes et conditions politiques 
favorables ; et d’autre part en un transfert des rĂ©acteurs et autres Ă©quipements nuclĂ©aires 
par plusieurs fournisseurs

2

. Un « marchĂ© Â» nuclĂ©aire fut ainsi crĂ©Ă© par la volontĂ© politique 

des États-Unis. Pendant les annĂ©es 50 et 60, le gouvernement amĂ©ricain offrira des 
rĂ©acteurs de recherche et la formation nĂ©cessaire Ă  une vingtaine de pays dans le monde. 

Il est important d’ajouter qu’« Atomes pour la Paix Â», non seulement ne prohibait pas le 

dĂ©veloppement indĂ©pendant de la technologie nuclĂ©aire, mais n’empĂȘchait pas non plus 
l’assistance aux nations qui avaient un programme militaire indĂ©pendant en cours. À titre 

                      

 

1

 

David, E., Lilienthal fut le premier directeur de « Atomic Energy Commission Â», nommĂ© par 

Truman. 

2

 

Goldschmidt, Bertrand, Kratzer, Myron, « Peaceful Nuclear Relations: A Study of the Creation 

and Erosion of Confidence Â» dans Smart, Ian, 

World Nuclear Energy: Towards a Bargain of Confidence, 

Baltimore

, Johns Hopkins University Press, 1982. 

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42 

d’exemple, la France, qui avait un grand programme civil ainsi qu’un programme militaire 
dans les annĂ©es 50, recevait l’assistance des États-Unis pour ses activitĂ©s civiles. Mais cette 
assistance qui comprenait principalement la fourniture d’uranium enrichi et de plutonium 
pour les rĂ©acteurs de recherche français, n’était pas censĂ©e contribuer aux dĂ©veloppements 
militaires indĂ©pendants de la France, qui lui ont permis d'accĂ©der au rang des puissances 
nucléaires en février 1960

1

L’Iran, dans le programme « Atomes pour la Paix Â», n’était donc qu’un des morceaux 

du « puzzle Â» que les États-Unis avaient commencĂ© Ă  mettre en place, pour limiter l’accĂšs 
aux armes nuclĂ©aires par d’autres nations pĂ©riphĂ©riques de leur sphĂšre d’influence. 

L’AIEA : l’organe de contrĂŽle d’« Atomes pour la Paix Â» 

Le marchĂ© de la technologie nuclĂ©aire Ă©tant crĂ©Ă©, il fallait  dĂ©sormais un organe de 

contrĂŽle. C'Ă©tait la mission de l’AIEA (Agence Internationale de l’Énergie Atomique), mise 
en place en 1957 dans le cadre du programme « Atomes pour la Paix Â» comme une entitĂ© 
de l’ONU. Sa fonction formelle initiale Ă©tait double : d’une part, encourager les 
programmes nuclĂ©aires pacifiques, d’autre part, empĂȘcher les gouvernements de 
poursuivre des programmes nuclĂ©aires militaires. Ceci impliquait un systĂšme de garanties, 
ou sauvegardes, permettant Ă  l’Agence de travailler conformĂ©ment Ă  cet objectif. Elle devait 
pouvoir examiner les plans des installations, pour bien s’assurer qu’elles serviraient Ă  des 
fins pacifiques, faire appliquer les mesures de sĂ©curitĂ©, obtenir une comptabilitĂ© des 
matiĂšres fissiles, et enfin vĂ©rifier que le traitement chimique des matiĂšres irradiĂ©es ne 
permette pas leur détournement à des fins militaires

1

La coopĂ©ration internationale pour l’utilisation civile de la technologie nuclĂ©aire, comme 

celle initiĂ©e dans les annĂ©es cinquante entre le Canada et l’Inde  en vue d’un soutien 
technique et financier, Ă©tait basĂ©e sur des accords bilatĂ©raux entre les pays fournisseurs et 
les pays acquĂ©reurs. En rĂ©alitĂ©, il s’agit lĂ  d’un euphĂ©misme pour signifier une inspection 
unilatĂ©rale par le fournisseur. Mais « Atomes pour la Paix Â» avait aussi introduit un systĂšme 

                      

 

1

 

Pour une explication Ă©lĂ©gante et plus complĂšte du programme français, voir Duval, Marcel, Le 

Baut, Yves, 

L’arme nuclĂ©aire française : Pourquoi et comment ?

,

 

Kronos, Paris, 1992, surtout, p. 139. 

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43 

pour contrĂŽler les activitĂ©s de façon multilatĂ©rale. La crĂ©ation de l’AIEA a fourni une voie 
diplomatique, et facile, aux États-Unis pour contrĂŽler les activitĂ©s sous la houlette des 
Nations unies. 

Accommoder les pays forts et contrĂŽler les pays faibles 

L'historique du dĂ©veloppement du secteur nuclĂ©aire international est fait de rivalitĂ©s 

entre les nations pour le dĂ©veloppement de la technologie nuclĂ©aire et de la volontĂ© du 
maintien par certains de leur position  avantageuse. L’utilisation des armes nuclĂ©aires Ă  
l’issue de la Seconde Guerre mondiale avait dĂ©montrĂ© la supĂ©rioritĂ© de celles-ci sur les 
armes conventionnelles dans des conflits militaires. L’Union soviĂ©tique a vite rattrapĂ© la 
maĂźtrise amĂ©ricaine dans ce domaine, amenant les États-Unis Ă  introduire le programme 
« Atomes pour la Paix Â» comme une premiĂšre tentative de contrĂŽle multilatĂ©ral de ce 
secteur. « Atomes pour la Paix Â» avait Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© comme le noyau central de la politique 
de non-prolifĂ©ration des États-Unis, car le contrĂŽle direct des pays dĂ©jĂ  avancĂ©s n’était plus 
possible. On a vu que la crĂ©ation d’un rĂ©gime international comprenant la quasi-totalitĂ© des 
pays du monde pouvait justifier et lĂ©gitimer un contrĂŽle de tous les pays. 

Il faut bien comprendre que le contrĂŽle de l’utilisation militaire de la technologie 

nuclĂ©aire avait Ă©tĂ© un souci majeur pour les États-Unis Ă  l’aube de l’ùre nuclĂ©aire. Le 
gĂ©nĂ©ral Groves, commandant en chef de l’armĂ©e amĂ©ricaine, qui dirigeait le projet 
Manhattan, avait proposĂ© aux Nations unies en juin 1946 une vision claire pour le futur du 
secteur international nuclĂ©aire : un monopole amĂ©ricain basĂ© sur la prohibition des armes 
nucléaires dans le monde

2

. Mais les AmĂ©ricains Ă©taient bien conscients qu’empĂȘcher les 

autres pays de dĂ©velopper cette technologie serait une tĂąche difficile, nĂ©cessitant une 
rĂ©flexion approfondie et une approche innovatrice. Leur rivalitĂ© avec la France avait dĂ©jĂ  
commencĂ©e en 1939, un an aprĂšs la dĂ©couverte de la fission de l’uranium Ă  Berlin. La 
France, craignant, Ă  juste titre, une invasion de l’Allemagne nazie, avait commencĂ© Ă  
obtenir des matiĂšres fissiles, Ă  l’époque trĂšs rares. 

                                                                    

 

1

 

Rapport sur le projet de loi autorisant l’adhĂ©sion au TraitĂ© sur la non-prolifĂ©ration des armes 

nuclĂ©aires, deuxiĂšme session ordinaire de 1991-1992, p. 18-19. 

2

 

Congressional Research Service, Library of Congress, 

Nuclear Proliferation Factbook, 5th,

 ed.,

 

Government Printing Office, Washington, DC, 1995. 

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44 

La possibilitĂ© de crĂ©ation d’une rĂ©action en chaĂźne a en effet Ă©tĂ© dĂ©couverte Ă  Paris, en 

janvier 1939, par  FrĂ©dĂ©ric Curie. En mai 1939, ce sont les scientifiques français qui ont, 
sous la direction de Curie, brevetĂ© l’usage de la rĂ©action en chaĂźne pour les rĂ©acteurs et 
armes nucléaires

1

. En mars 1940, les agents secrets français ont obtenu de la NorvĂšge les 

stocks d’eau lourde uniques au monde

2

. La France a obtenu, dans les mois qui ont suivi, 

l’uranium du Congo belge, seule source industrielle d’uranium connue Ă  l’époque

3

. Ceci 

constituait donc la premiĂšre concurrence directe dans le domaine nuclĂ©aire avec les Ă‰tats-
Unis. Ces derniers ont  immĂ©diatement rĂ©agi en coopĂ©rant avec le Royaume-Uni pour 
contrĂŽler l’accĂšs Ă  ce facteur indispensable qu’est la maĂźtrise des matiĂšres premiĂšres. Ils 
l’ont fait en incitant les anglais Ă  monopoliser les importations des mines congolaises

1

Les efforts français se sont arrĂȘtĂ©s Ă  l’époque du rĂ©gime de Vichy et de l’occupation du 

pays par les forces allemandes. Les scientifiques français ont fui le pays et se sont joints aux 
Ă©quipes britannique et amĂ©ricaine. La France fit don de son eau lourde avant la chute de la 
TroisiĂšme RĂ©publique. C’est Ă  la fin de la Seconde Guerre mondiale, en octobre 1945, que 
le GĂ©nĂ©ral de Gaulle crĂ©a le Commissariat Ă  l’Énergie Atomique (CEA), presque un an 
avant la crĂ©ation de l’Atomic Energy Commission aux États-Unis. La mission du CEA avait 
Ă©tĂ© dĂ©finie comme devant dĂ©velopper et utiliser ces technologies dans les domaines des 
sciences, de l’industrie et de la dĂ©fense nationale. Le programme français souciait les 
AmĂ©ricains, qui Ă©taient par ailleurs au courant des travaux soviĂ©tiques dans ce domaine. 
AprĂšs l’Union soviĂ©tique, la France allait constituer la deuxiĂšme concurrence inĂ©vitable au 
monopole nuclĂ©aire amĂ©ricain. Le poids de la France, dans un camp ou l’autre, pouvait 
faire basculer l’équilibre fragile du pouvoir de l’époque. 

L’inquiĂ©tude amĂ©ricaine se renforcera avec la reprise britannique d’un programme 

nuclĂ©aire, qui fut rendue publique en 1948. Le programme britannique n’était sans doute 
pas aussi inquiĂ©tant pour les États-Unis que celui de l’Union soviĂ©tique. Les AmĂ©ricains 
considĂ©raient l’Angleterre comme un alliĂ©, mĂȘme si ce statut n’avait pas donnĂ© lieu Ă  un 
transfert de technologie nuclĂ©aire amĂ©ricaine vers ce pays. Tandis que les soviĂ©tiques, eux, 

                      

 

1

 

DĂ©crite en dĂ©tail dans Duval, Marcel et Le Baut, Yves, 

L’Arme nuclĂ©aire française : pourquoi et 

comment ?

,

 

Kronos, Paris, 1992. 

2

 

ComposĂ© de deutĂ©rium indispensable pour le fonctionnement d’un rĂ©acteur nuclĂ©aire. 

3

 

L’autre source d’uranium connue Ă  l’époque se trouvait en BohĂšme sous le contrĂŽle des nazis.  

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45 

Ă©taient dans une position d’adversaires vis-Ă -vis des Etats-Unis qui Ă©taient jusqu'alors le 
pouvoir nuclĂ©aire unique et donc en position de supĂ©rioritĂ© stratĂ©gique. 

L’explosion nuclĂ©aire soviĂ©tique un an aprĂšs, en 1949, brise le monopole nuclĂ©aire 

amĂ©ricain. Le monde multipolaire Ă©tait devenu, plus qu’une possibilitĂ©, une certitude. Les 
AmĂ©ricains craignaient que la France ne soit la prochaine candidate Ă  accĂ©der au rang des 
puissances nuclĂ©aires. En 1951, le gouvernement français fit une dĂ©claration publique 
indiquant que la technologie nuclĂ©aire Ă©tait Â« un Ă©lĂ©ment-clĂ© pour le dĂ©veloppement 
Ă©conomique du pays et que la France avait besoin de plutonium pour la gĂ©nĂ©ration de 
l’électricitĂ© Â»

2

. Quatre ans plus tard, en 1955, le premier rĂ©acteur nuclĂ©aire français sera mis 

en opĂ©ration sur le RhĂŽne. DĂšs 1956, le programme nuclĂ©aire militaire français reçoit un 
soutien public croissant, malgrĂ© les pressions et protestations Ă©trangĂšres. L’AssemblĂ©e 
nationale française rejette la proposition de statut de l’Agence EuropĂ©en d’Énergie 
Atomique de la CommunautĂ© europĂ©enne (EURATOM),  qui  prĂ©voyait d’interdire aux 
nations membres de fabriquer des armes nuclĂ©aires. Ce traitĂ© sera signĂ© un an plus tard, 
aprĂšs une renĂ©gociation pour sĂ©parer la question nuclĂ©aire de celle de l’union politique et 
Ă©conomique des nations concernĂ©es. En 1957, les Britanniques font exploser leur bombe H, 
utilisant du plutonium. Le programme britannique Ă©tait 

ab initio

 de nature militaire. Les 

AmĂ©ricains Ă©taient au courant des dĂ©veloppements britanniques, mais ne pouvaient rien 
faire pour les arrĂȘter. Nous Ă©voquerons plus loin la stratĂ©gie des États-Unis pour 
« amputer Â» le Royaume-Uni de son indĂ©pendance nuclĂ©aire. 

Les efforts nuclĂ©aires français s’intensifiĂšrent aprĂšs l’échec de l’invasion franco-

britannique du canal de Suez en 1956 : l’Union soviĂ©tique, qui soutenait Ă  l’époque 
l’Égypte, avait en effet menacĂ© de tirer des missiles nuclĂ©aires balistiques sur Londres et 
Paris. MĂȘme si Ă  l’époque l’Union soviĂ©tique avait Ă©tĂ© menacĂ©e par les États-Unis de 
reprĂ©sailles en cas d’attaque

3

, les deux puissances europĂ©ennes sentaient la nĂ©cessitĂ© de 

disposer de leur propre moyen de dissuasion. En fĂ©vrier 1960, la France conduit son 

                                                                    

 

1

 

Cette source a permis aux États-Unis de fabriquer la bombe utilisĂ©e Ă  Hiroshima et de produire le 

plutonium utilisĂ© dans la bombe de Nagasaki. Le monopole a durĂ© jusqu'Ă  la fin des annĂ©es 1950. 

2

 

À ce jour, la France est le pays au monde avec la part la plus importante d’énergie nuclĂ©aire dans 

la gĂ©nĂ©ration de l’électricitĂ©. 

3

 

Costigliola, Frank, 

France and the United States: the Cold Alliance since World War II

, Twayne, NY, 1992. 

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46 

premier essai nucléaire en Algérie française et rejoint le rang des pays nucléaires

1

. VoilĂ  la 

premiĂšre expĂ©rience d’une Â« voie civile Â» pour accĂ©der au club nuclĂ©aire, au contraire des 
stratĂ©gies amĂ©ricaine, soviĂ©tique, et britannique. Cette situation inĂ©dite prĂ©sente en ce sens 
un intĂ©rĂȘt particulier pour la comprĂ©hension de la situation iranienne au centre de notre 
analyse. 

Les confĂ©rences internationales sur l’utilisation pacifique de l’énergie nuclĂ©aire Ă  GenĂšve, 

en 1955 et 1958, avaient fortement facilitĂ© la dissĂ©mination d’une documentation pointue 
comprenant des renseignements techniques sur l’utilisation pacifique de l’énergie nuclĂ©aire 
par les pays  dĂ©tenteurs, y compris l’Union soviĂ©tique. Des dizaines de pays ont lancĂ© des 
programmes nuclĂ©aires et les premiĂšres ventes internationales de rĂ©acteurs ont eu lieu. 
Ceux-ci, qu’ils soient Ă  usage commercial ou de recherche, n’étaient pas des unitĂ©s 
amĂ©ricaines utilisant l’uranium enrichi

2

, mais des unitĂ©s de constructeurs britannique, 

français, et canadien utilisant de l’uranium naturel

3

Grzegorz Kostrzewa-Zorba

4

, dans sa thĂšse de doctorat sur les rĂ©ponses amĂ©ricaines Ă  la 

prolifĂ©ration des armes atomiques, fournit un grand nombre de documents du plus haut 
intĂ©rĂȘt, rĂ©cemment dĂ©classifiĂ©s aux États-Unis. L’un de ceux-ci apporte une lumiĂšre 
intĂ©ressante sur le changement de position des États-Unis au sujet du dĂ©veloppement de la 
situation nuclĂ©aire française. Les États-Unis n’ont pas aidĂ© le Royaume-Uni et la France 
dans leur programmes nuclĂ©aires militaires, mais ils ne pouvaient pas faire grand-chose 
pour empĂȘcher leur dĂ©veloppements indĂ©pendants. Leur stratĂ©gie vis-Ă -vis de ces deux 
États alliĂ©s consistait donc Ă  essayer de les ralentir, autant que possible ; mais une fois qu’ils 
avaient eu accĂšs Ă  des armes nuclĂ©aires par leur propres moyens, ils avaient acquiescĂ©, et 
s'Ă©taient assurĂ©s que ces pays restaient bien dans  leur camp, et non pas dans celui de 
l’Union soviĂ©tique. À titre d’exemple, en 1959, Eisenhower dĂ©clarait : 

                      

 

1

 

Un engin similaire Ă  celui utilisĂ© par les AmĂ©ricains quinze ans plus tĂŽt Ă  Nagasaki (utilisant du 

plutonium), mais avec un rendement supĂ©rieur (60-70 k tonnes de TNT). 

2

 

Nous verrons plus loin que l’une des raisons du dĂ©veloppement de rĂ©acteurs Ă  l’eau lĂ©gĂšre, 

comme les rĂ©acteurs de Boushehr, Ă©tait le contrĂŽle de combustible, car ces rĂ©acteurs ne peuvent 

pas utiliser l’uranium naturel comme combustible et ont besoin de fourniture de services 

d’enrichissement. 

3

 

Smart, Ian, 

World Nuclear Energy: Towards a Bargain of Confidence, 

Johns Hopkins University Press, 

Baltimore, 1982, p. 22. 

4

 

Dans sa thĂšse de doctorat, Kostrzewa-Zorbas, Grzegorz, 

American Response to the Proliferation of 

Actual, Virtual, and Potential Nuclear Weapons: Lessons for the Multipolar Future

, Johns Hopkins 

University, MD, 1998, p. 103. 

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47 

« Les États-Unis doivent dĂ©courager : (1) Le dĂ©veloppement de capacitĂ© militaire 

nuclĂ©aire par d’autres nations. (2) L’acquisition d’un contrĂŽle national sur les 
composants des armes nuclĂ©aires par les nations qui n’en disposent pas Ă  l’heure 
actuelle. Â» 

« Ă€ chaque occasion quand les prĂ©sidents des États-Unis estiment que c’est dans 

l’intĂ©rĂȘt de la sĂ©curitĂ© des États-Unis, les États-Unis doivent amĂ©liorer la capacitĂ© 
nuclĂ©aire militaire des alliĂ©s choisis, par, selon ce qui est appropriĂ©, des Ă©changes, ou en 
leur fournissant (1) de l’information, (2) du matĂ©riel ; ou bien (3) des armes nuclĂ©aires, 
avec des conditions de contrĂŽle des armes Ă  dĂ©terminer. Â»

1

 

Un an aprĂšs, et une semaine avant l’explosion nuclĂ©aire française, il tenait le 

raisonnement suivant : 

« Si nous sommes alliĂ©s avec d’autres nations et que nous essayons de nous armer 

d’une maniĂšre sĂ»re pour notre dĂ©fense, nous devons les armer d’une maniĂšre qui 
renforcera cette dĂ©fense : 

MĂȘme si la loi le permettait, je ne transfĂ©rerais aucun renseignement nuclĂ©aire que les 

SoviĂ©tiques ne dĂ©tiennent pas. Mais, quand les SoviĂ©tiques possĂšdent l’information et le 
savoir-faire, alors je ne comprends pas pourquoi nous ne devons pas faire quelque chose 
avec nos alliĂ©s, tant qu’ils restent de notre cotĂ© pour la dĂ©fense d’une intention agressive 
probable du communisme. Â»

2

 

L’expĂ©rience des annĂ©es 50 avait montrĂ© aux AmĂ©ricains que, mĂȘme s’ils le souhaitaient 

vraiment, ils ne pouvaient pas empĂȘcher des pays comme la France et le Royaume-Uni de 
dĂ©velopper une capacitĂ© nuclĂ©aire militaire indĂ©pendante. Le statut d’alliĂ© de ces pays, et le 
souci de contenir l’expansion du communisme en Europe de l’Ouest, mettaient les États-
Unis dans une position difficile pour lancer toute action qui empĂȘcherait le dĂ©veloppement 
des armes nuclĂ©aires par des pays forts comme la France et le Royaume-Uni. Les États-Unis 

                      

 

1

 

National Security Council 5906/1, « Basic National Security Policy Â», 5 aoĂ»t 1959; dĂ©classifiĂ©e de 

statut « top secret Â» en 1996 (White House Office, Office of the Special Assistant for National 

Security Affairs: Records, 1952-1961, NSC series, Policy Papers subseries, box 27, Dwight D 

Eisenhower Library, Abilene, Kans.), p. 9. CitĂ© dans la thĂšse de Kostrzewa-Zorbas, Grzegorz, 

American Response to the Proliferation of Actual, Virtual, and Potential Nuclear Weapons: Lessons for the 

Multipolar Future

, Johns Hopkins University, MD, 1998. 

2

 

Eisenhower, « Public Papers 1960 Â», d’aprĂšs le New York Times, 4 fĂ©vrier 1960 (citĂ© dans Kohl, 

Wilfried, L., 

French Nuclear Diplomacy

, Princeton University Press, NJ, 1971, p. 106). 

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48 

auraient naturellement prĂ©fĂ©rĂ© jouir d’une position de monopole dans le nuclĂ©aire militaire, 
mais ils ne pouvaient pas prĂ©server cette position indĂ©finiment. Le dĂ©veloppement de la 
situation de l’adversaire soviĂ©tique, et des alliĂ©s français et britannique, a eu pour 
consĂ©quence un monde 

de facto

 multipolaire. Ce qui devenait dĂ©sormais indispensable 

pour les États-Unis Ă©tait d’abord de s’assurer que le potentiel nuclĂ©aire des alliĂ©s se trouvait 
dans une position favorable dans l’équation amĂ©ricano-soviĂ©tique de la guerre froide. Et 
surtout d’empĂȘcher le transfert de cette technologie Ă  d’autres pays tiers. 

Avec l’arrivĂ©e de John F. Kennedy (1960-1963) au pouvoir, une nouvelle volontĂ© de 

contenir les avancĂ©es des alliĂ©s nuclĂ©aires concurrents se fait jour. Au Royaume-Uni, par 
exemple, Acheson avait conseillĂ© Ă  Kennedy : 

« Pour le long terme, la politique amĂ©ricaine doit chercher Ă  convaincre les 

Britanniques d’abandonner leur force de dissuasion nuclĂ©aire de maniĂšre aussi peu 
pĂ©nible que possible [
] MĂȘme si les forces nuclĂ©aires stratĂ©giques britanniques 
pouvaient ĂȘtre totalement dĂ©vouĂ©es Ă  l’OTAN, leur simple existence serait une 
provocation constante pour la France, la forçant Ă  faire avancer son propre effort 
nuclĂ©aire. 

Il n’y a pas grande chose que les États-Unis [
] puissent faire pour dissuader de 

Gaulle d’un programme nuclĂ©aire national ; si nous ne l’aidons pas, mais lui fournissons 
une voix sur les affaires nuclĂ©aires, ce qu’il cherche, et que nous ne traitons pas les 
Britanniques de maniĂšre privilĂ©giĂ©e, en terme de futurs vĂ©hicules stratĂ©giques de 
livraison d’armes [des missiles], il  [de Gaulle] pourrait poursuivre un programme 
minimal [
] et laisser la dĂ©cision embarrassante d’abandon du programme Ă  son 
successeur. Â»

1

 

                      

 

1

 

Acheson, Dean, « A Review of North Atlantic Problems for the Future Â», mars 1961.  DĂ©classifiĂ© 

en 1997. 

Papers of John F. Kennedy

, Presidential Papers, President’s Office Files: Subjects, box 103, 

John F. Kennedy Library, Boston, MA, USA, p. 45 et 61, tel que citĂ© dans la thĂšse de Kostrzewa-

Zorbas, Grzegorz, 

American Response to the Proliferation of Actual, Virtual, and Potential Nuclear Weapons: 

Lessons for the Multipolar Future

, Johns Hopkins University, MD, 1998.  Un dĂ©veloppement plus 

important de ces dĂ©tails historiques dĂ©passe le cadre du prĂ©sent ouvrage. Notre intention est de 

fournir suffisamment d’élĂ©ments historiques pour expliquer comment les États-Unis ont pu 

renverser certaines Ă©volutions du nuclĂ©aire dans le monde et ainsi dĂ©crire les Ă©volutions du 

secteur international nuclĂ©aire. Nous pensons ainsi faire comprendre le modĂšle d’analyse 

construit et dĂ©fendu en conclusion. Les lecteurs intĂ©ressĂ©s par plus de dĂ©tails historiques autour 

de la coopĂ©ration militaire amĂ©ricano-britannique sont invitĂ©s Ă  consulter la thĂšse de 

Kostrzewa-Zorbas qui est trĂšs bien documentĂ©e sur ces points, mais qui explique les 

dĂ©veloppements de la politique nuclĂ©aire amĂ©ricaine en fonction des positions d’administrations 

background image

 

 

49 

La tactique d’Acheson vis-Ă -vis du Royaume-Uni a Ă©tĂ© de lui vendre des missiles 

balistiques utilisables depuis les sous-marins Polaris (Polaris submarine launched ballistic 
missiles, SLBMs). Ce qui fut validĂ© par  l’accord de Nassau

1

.  Le programme nuclĂ©aire 

britannique sera  ainsi liĂ© aux procĂ©dures et standards amĂ©ricains. 

De facto

, le programme 

de dissuasion nuclĂ©aire britannique est devenu dĂ©pendant de la politique unilatĂ©rale 
amĂ©ricaine. Cela continuera jusqu'aux annĂ©es 90 avec le programme de missiles Trident, 
qui avait commencĂ© Ă  la fin des annĂ©es 70

2

. La France, en revanche, a gardĂ© son 

indĂ©pendance en matiĂšre de missiles avec le dĂ©veloppement d’un modĂšle propre, dĂ©ployĂ© 
dĂšs 1968

3

Le cas de la Chine 

Si les États-Unis avaient fait un pas en avant vis-Ă -vis de l’autonomie nuclĂ©aire du 

Royaume-Uni, une situation beaucoup plus inquiĂ©tante Ă©chappait Ă  son contrĂŽle : celle de 
la RĂ©publique populaire de Chine. On savait que la Chine pourrait ĂȘtre en position de 
tester son premier engin vers la fin de 1963. Les membres du club nuclĂ©aire, jusqu’à cette 
date, avaient Ă©tĂ© des pays dits « avancĂ©s Â». La Chine allait devenir le premier pays du tiers-
monde Ă  accĂ©der Ă  ce rang : elle pouvait fort bien ĂȘtre une source d’inspiration pour 
beaucoup d’autres pays en Asie et ailleurs. Les États-Unis ont Ă  l’époque envisagĂ© une 
gamme de rĂ©ponses possibles Ă  cette Ă©ventualitĂ©. Cela allait de sanctions Ă©conomiques, Ă  
une attaque nuclĂ©aire. Ils ont mĂȘme proposĂ© aux SoviĂ©tiques de les aider Ă  contenir les 
efforts chinois, en Ă©change d’une Ă©limination de la force de frappe française

4

, de la crĂ©ation 

et du maintien d’un duopole  nuclĂ©aire mondial. Mais, pendant cette pĂ©riode de 
concurrence vigoureuse entre les deux superpuissances pour crĂ©er des alliances dans le 
tiers-monde, aucune de ces options n’a pu ĂȘtre rĂ©alisĂ©e. Et la Chine testera son premier 
engin nuclĂ©aire en octobre 1964. Cette explosion relativement simple, mais novatrice (les 

                                                                    

 

dĂ©mocrates et rĂ©publicaines, sans analyser les facteurs qui ont rendu ces prises de  positions 

possibles. 

1

 

ConfĂ©rence bilatĂ©rale amĂ©ricano-britannique aux Bahamas les 18-21 dĂ©cembre 1962. 

2

 

Norris, Robert, Burrows, Andrew, Fieldhouse, Richard, 

British, French and Chinese Nuclear Weapons

Nuclear Weapons Databook,

 vol. 5, Westview, Col., 1994, p. 100-121. 

3

 

« Pour le nuclĂ©aire nous ne devons rien aux AmĂ©ricains, sauf des crocs-en-jambe ! Â», dĂ©claration 

du GĂ©nĂ©ral de Gaulle, citĂ© dans Duval, Marcel, Melandri, Pierre, Â« Les États-Unis et la 

prolifĂ©ration nuclĂ©aire : le cas français Â», 

Revue d’Histoire Diplomatique,

 no. 3, Paris, 1995, p. 220. 

4

 

Ibid. 

background image

 

50 

Chinois ont utilisĂ© de l’uranium au lieu du plutonium dans la conception de l’implosion), a 
Ă©tĂ© suivie trois ans plus tard, en 1967, par la conception d’une arme « multi-Ă©tape Â» de type 
fusion adaptée pour le déploiement aérien

1

Les dĂ©marches bilatĂ©rales amĂ©ricaines s’étaient avĂ©rĂ©es inefficaces pour empĂȘcher 

d’autres pays d’accĂ©der au rang de puissance nuclĂ©aire. Le programme « Atomes pour la 
Paix Â» Ă©tait aussi jusqu’alors d’une efficacitĂ© douteuse. Avec l’accession de la Chine, pays 
du tiers-monde, au rang de puissance nuclĂ©aire, une nouvelle urgence apparaissait pour les 
États-Unis : il fallait penser Ă  renforcer le rĂ©gime de non-prolifĂ©ration et crĂ©er un

 

systĂšme 

apte Ă  freiner la dynamique en marche, d’autant plus que les États-Unis Ă©taient conscients 
du dĂ©sir d’autres pays, notamment d’IsraĂ«l depuis son indĂ©pendance, de se doter de la 
capacitĂ© nuclĂ©aire. Comme nous verrons plus loin, ce sera le TraitĂ© de Non-ProlifĂ©ration 
(TNP) qui constituera  la prochaine Ă©tape majeure du renforcement de ce « rĂ©gime Â». Ce 
Traité

2

 sera adoptĂ© le 12 juin 1968 par l’AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations unies, bĂ©nĂ©ficiant 

de l'appui de l’URSS et du Royaume-Uni

3

. Mais avant de considĂ©rer le TNP, il est 

intĂ©ressant d’examiner le cas d’IsraĂ«l. 

Le cas d’IsraĂ«l 

Ce cas est intĂ©ressant Ă  plusieurs niveaux : Ă  la fois pour mettre en lumiĂšre les 

incohĂ©rences de ce rĂ©gime de non-prolifĂ©ration, et surtout, pour l’analyse du cas iranien. Le 
programme israĂ©lien, comme les programmes britanniques et chinois, a Ă©tĂ©, depuis sa 
conception, de nature militaire. L’exploitation miniĂšre pour trouver de l’uranium en IsraĂ«l 
avait commencĂ© dans le dĂ©sert du NĂ©guev juste aprĂšs l’indĂ©pendance. DĂšs 1950, le 
ministĂšre de la DĂ©fense d’IsraĂ«l crĂ©a une division de recherche et dĂ©veloppement nuclĂ©aire 
au sein de l’Institut scientifique Weizman. En 1954, le gouvernement israĂ©lien rĂ©vĂšle que la 
Commission de l’Énergie Atomique d’IsraĂ«l (IAEC) avait Ă©tĂ© crĂ©Ă©e depuis deux ans en tant 
qu’entitĂ© secrĂšte sous la supervision et le contrĂŽle du ministĂšre de la DĂ©fense

4

                      

 

1

 

Norris, Robert, Burrows, Andrew, Fieldhouse, Richard, 

British, French and Chinese Nuclear Weapons, 

Nuclear Weapons Databook, vol. 5, Westview, Col., 1994, p. 350-352. 

  Dont le texte se trouve en annexe. 

3

 

Rapport sur le projet de loi autorisant l’adhĂ©sion au TraitĂ© sur la non-prolifĂ©ration des armes nuclĂ©aires, deuxiĂšme 

session ordinaire de 1991-1992,

 p. 20. 

4

 

Pry, Peter, 

Israel’s Nuclear Arsenal

,

 

Westview, Colorado, 1984, p. 5-6. 

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51 

Le premier rĂ©acteur de recherche israĂ©lien sera fourni par les États-Unis, comme dans le 

cas de l’Iran, dans le cadre du programme Â« Atomes pour la Paix Â», en 1955. La 
construction de celui-ci se terminera en 1960. Comme tous les matĂ©riels de recherche 
fournis dans le cadre de ce programme, ce rĂ©acteur sera soumis au systĂšme de 
« sauvegarde Â» amĂ©ricain, puis Ă  celui de l’AIEA. Pendant la mĂȘme pĂ©riode une soixantaine 
de scientifiques israĂ©liens seront  formĂ©s aux États-Unis dans les laboratoires de l’United 
States Atomic Energy Commission

1

DĂšs 1955, IsraĂ«l entreprendra en parallĂšle un programme clandestin militaire, 

programme qui durera jusqu’en 1963. C'est surtout grĂące Ă  cette initiative clandestine, 
qu’IsraĂ«l va pouvoir, avec une assistance comprĂ©hensive et secrĂšte de la part de la France, 
dĂ©velopper la phase dĂ©terminante de son programme nuclĂ©aire militaire. L’assistance de la 
France avait Ă©tĂ© obtenue en contrepartie du soutien d’IsraĂ«l contre Nasser et en prĂ©paration 
de l’invasion du Sinaï

2

La nuclĂ©arisation d’IsraĂ«l avait Ă©tĂ© anticipĂ©e par l’administration Eisenhower : en 

mai 1957, l’administration l’avait prĂ©vu, en se fondant sur la dĂ©cision de la France de 
dĂ©velopper un arsenal nuclĂ©aire : 

« [
] Il y aurait une haute probabilitĂ© qu’IsraĂ«l obtienne [
] les armes nuclĂ©aires soit 

par fabrication interne soit par la France [
] Â»

3

 

Tel Ă©tait le phĂ©nomĂšne que les AmĂ©ricains craignaient le plus. Les dĂ©veloppements 

militaires des pays forts, l’Union soviĂ©tique, le Royaume-Uni, et la France, ne pouvaient 
ĂȘtre empĂȘchĂ©s par les États-Unis. Ils avaient acceptĂ© d’approuver ces entrĂ©es, et futures 
entrĂ©es, dans le club nuclĂ©aire. Ce qu’ils pouvaient, et voulaient contrĂŽler Ă  tout prix, c’était 
le transfert de savoir-faire militaire par ces pays Ă  d’autres pays tiers, les pays moins 
dĂ©veloppĂ©s. Ils craignaient un phĂ©nomĂšne de dominos. Cette inquiĂ©tude est manifeste 
dans la continuitĂ© du communiquĂ© supra au SecrĂ©taire du DĂ©fense amĂ©ricain en 1957 : 

« [
] l’Égypte les obtiendra de l’Union soviĂ©tique comme contre balancier [
] Â»

1

 

                      

 

1

 

Ibid., p. 6-9. 

2

 

Entretien avec l’Amiral Marcel Duval Ă  Paris, novembre 2003. 

3

 

Lettre de l’assistant spĂ©cial de prĂ©sident Eisenhower (Stassen) au SecrĂ©taire de la DĂ©fense 

amĂ©ricain, Charles, E. Wilson, mai 1957 ; dĂ©classifiĂ©e secret (

FRUS 1955-1957

, vol. 20, p. 527), citĂ© 

dans la thĂšse de Kostrzewa-Zorbas, Grzegorz

, American Response to the Proliferation of Actual, Virtual, 

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52 

En 1957, IsraĂ«l signe des contrats formels avec les sous-traitants nuclĂ©aires français. DĂšs 

le dĂ©but de 1958, les techniciens français commencent Ă  fabriquer Ă  NĂ©guev un complexe 
nuclĂ©aire secret, y compris un rĂ©acteur d’uranium naturel. Comme nous l’avons dĂ©jĂ  
mentionnĂ©, ce modĂšle de rĂ©acteur n’a pas besoin d’uranium enrichi, donc pas besoin de 
capacitĂ© d’enrichissement. Et il peut produire du plutonium contenu dans ses « dĂ©chets Â»

2

Le contrat avec la France incluait aussi la construction d’une station souterraine de 
sĂ©paration de plutonium. L’ensemble des deux installations est suffisant pour une capacitĂ© 
complÚte et autonome de fabrication des armes nucléaires

3

. Il n’y a pas eu, ni Ă  ce moment-

lĂ , ni pendant les annĂ©es Ă  venir, d’objection quelconque de la part des États-Unis au sujet 
de ce projet. La Présidence de Kennedy a été favorable au titre des relations israélo-
amĂ©ricaines, qui se sont renforcĂ©es sous la forme d’une alliance forte. En 1962, Kennedy 
s’est engagĂ© sur une garantie unilatĂ©rale de la sĂ©curitĂ© d’IsraĂ«l par les États-Unis, et ceci de 
maniĂšre secrĂšte et non Ă©crite

4

. Cet engagement sera suivi de la vente des missiles sol-air 

Hawk

 Ă  IsraĂ«l, ce qui changera l’équilibre du pouvoir au Moyen-Orient. C’est seulement en 

1963 et avec la crainte de l’entrĂ©e de la Chine dans le « club nuclĂ©aire Â», que Kennedy 
augmentera la pression sur le gouvernement israĂ©lien pour qu’il rĂ©vĂšle la nature de son 
programme nuclĂ©aire, afin de le mettre sous contrĂŽle international. AprĂšs  l’assassinat du 
prĂ©sident Kennedy en novembre 1963, son successeur le prĂ©sident Johnson offrira mĂȘme 
de construire et de financer une usine nucléaire de désalinisation sur le sol israélien

5

 Ă  

condition que les activitĂ©s de Dimona soient soumises Ă  la sauvegarde de l’AIEA, ce qui n’a 

                                                                    

 

and Potential Nuclear Weapons : Lessons for the Multipolar Future

, Johns Hopkins University, MD, 1998, 

p. 221. 

1

 

Ibid. 

2

 

Voir la section « Potentiel militaire d’une industrie nuclĂ©aire civile Â» pour plus de dĂ©tails sur les 

diffĂ©rents types de rĂ©acteurs et leur utilitĂ© pour la production des dĂ©chets utilisables pour 

l’usage militaire. 

3

 

Spector, Leonard S., 

Nuclear Ambitions: The Spread of Nuclear Weapons 1989-1990

, Westview Press, 

Boulder, 1990, p. 151. 

4

 

Voir la thĂšse de Kostrzewa-Zorbas, Grzegorz

, American Response to the Proliferation of Actual, Virtual, 

and Potential Nuclear Weapons : Lessons for the Multipolar Future

, Johns Hopkins University, MD, 1998, 

qui est riche en documents amĂ©ricains de l’époque qui ont Ă©tĂ© rĂ©cemment dĂ©classifiĂ©s, surtout 

p. 224 Ă  228. 

5

 

L’excuse d’IsraĂ«l avait Ă©tĂ© de prĂ©tendre que cette installation devrait ĂȘtre utilisĂ©e pour la 

dĂ©salinisation de l’eau de mer. 

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53 

pas été accepté par Israël

1

. MalgrĂ© ceci, il garantira, et cette fois publiquement, la sĂ©curitĂ© 

militaire d’IsraĂ«l par les États-Unis. 

Grzegorz Kostrzewa-Zorbas, dans le travail prĂ©cĂ©demment citĂ©, fait part de son 

Ă©tonnement face au fait que mĂȘme si le programme d’IsraĂ«l avait Ă©tĂ© placĂ© sous la garantie 
des États-Unis et ensuite de l’AIEA, aucune « inspection Â» n’avait eu lieu sauf « une visite 
d’une journĂ©e organisĂ©e mi-mai 1960 par deux experts  en conception de rĂ©acteur 
amĂ©ricains, qui ont [
] conclu que rien n’aurait Ă©tĂ© cachĂ© par les IsraĂ©liens et qu’il n’y avait 
aucune manifestation Ă©vidente d’une intention de production des armes nuclĂ©aires par les 
IsraĂ©liens Â»

2

. Kostrzewa-Zorbas demande : 

« [
] Pourquoi dans les visites suivantes, un an aprĂšs et ensuite tous les six mois, les 

procĂ©dures de vĂ©rifications standard amĂ©ricains ou de l’AIEA n’ont pas Ă©tĂ© utilisĂ©es en 
IsraĂ«l ? 

[
] Pourquoi aucune inspection amĂ©ricaine n’avait eu lieu, mĂȘme si les 

renseignements et photographies obtenus par les avions espion amĂ©ricains U-2 avaient 
confirmĂ©, dĂ©jĂ  dans les annĂ©es 1950, la construction de l’usine de sĂ©paration de 
plutonium Ă  Dimona dans le NĂ©guev ? Â»

3

 

L’usine de retraitement de Dimona passera ses premiers essais avec succĂšs en 1965. Elle 

produira du plutonium de qualitĂ© militaire utilisable pour construire des bombes 
nucléaires dÚs 1966-1967

4

. Leonard Spector soutient qu’au moment de la nĂ©gociation finale 

des termes du TNP, en 1966, IsraĂ«l aurait Ă©tĂ© la sixiĂšme puissance nuclĂ©aire ou un cas 

borderline

 (limite) avec l’Inde (qui ne disposait pas de l’arme Ă  l’époque)

1

IsraĂ«l  a reçu des visites de scientifiques amĂ©ricains pour contrĂŽler l’utilisation de son 

rĂ©acteur de recherche, mais s’arrangeait pour que ces visites restent sommaires et surtout 
pour garder secrĂšte l’existence des installations clandestines. Avec l’arrivĂ©e de Nixon et 

                      

 

1

 

Et retirĂ©e ensuite par l’administration Nixon, qui considĂ©rait la nuclĂ©arisation d’IsraĂ«l dans 

l’intĂ©rĂȘt des États-Unis, et qui arrĂȘte la pression sur les Ă©tats non-membres pour rejoindre le 

TNP. 

2

 

Ibid., p. 228, reproduisant le mĂ©morandum du SecrĂ©taire ExĂ©cutif du DĂ©partement d’État 

amĂ©ricain, Ă  l’assistant spĂ©cial du prĂ©sident des États-Unis pour les Affaires de sĂ©curitĂ© nationale 

sur la visite des scientifiques amĂ©ricains du rĂ©acteur de Dimona en 26 mai 1961.  DĂ©classifiĂ© 

secret.  

3

 

Ibid., p. 228. 

4

 

Spector, Leonard, S., 

Nuclear Ambitions: The Spread of Nuclear Weapons 1989-1990

, Westview Press, 

Boulder, 1990, p. 153. 

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54 

Kissinger au pouvoir en 1969, mĂȘme ces visites de formalitĂ©s s’arrĂȘtĂšrent

2

. IsraĂ«l n’était 

bien sĂ»r pas le seul pays Ă  bĂ©nĂ©ficier de ce « relĂąchement Â» dans la posture bilatĂ©rale 
amĂ©ricaine. L’Allemagne de Ouest, le Japon, l’Afrique du Sud, l’Inde, et d’autres pays ont 
bĂ©nĂ©ficiĂ© de cette attitude nouvelle des États-Unis Ă  ce sujet sous la prĂ©sidence de Nixon. 

Grzegorz Kostrzewa-Zorbas, fait la remarque suivante qui mĂ©rite rĂ©flexion, surtout 

quand il sera question plus loin de la situation actuelle de l’Iran : 

« Depuis 1968 les États-Unis ont supportĂ© le poids de protĂ©ger IsraĂ«l des pressions du 

rĂ©gime de non-prolifĂ©ration basĂ©  sur le TNP, et de protĂ©ger le rĂ©gime de non 
prolifĂ©ration lui-mĂȘme de l’impact du cas israĂ©lien, qui a failli le dĂ©sintĂ©grer. Vingt-cinq 
ans aprĂšs la signature du traitĂ©, l’exemption d’IsraĂ«l est devenue la source principale de 
controverse internationale  avant et pendant la confĂ©rence pour l’extension du traitĂ© Ă  
New York [
] Lors de cette confĂ©rence, les deux tiers des nations de la Ligue Arabe, y 
compris l’Égypte et d’autre pays vitaux pour les intĂ©rĂȘts amĂ©ricains au Moyen-Orient, 
ont introduit une “rĂ©solution appelant IsraĂ«l Ă  [
] accĂ©der sans tarder au TNP, comme 
un pays non nuclĂ©aire [
]” Le prix payĂ© par ce refus a Ă©tĂ© [
] la prolongation du traitĂ© 
indĂ©finiment et de maniĂšre inconditionnelle sans amĂ©lioration, sans pression sur l’Inde, 
le Pakistan, le BrĂ©sil, et l’Argentine Ă  joindre le TNP. Â»

 1

  

Le TraitĂ© de non-prolifĂ©ration : une collusion  
des concurrents contre les nouveaux entrants 

Comme cela a Ă©tĂ© indiquĂ© plus haut, la perception d’une menace amĂ©ricaine, et ensuite 

soviĂ©tique, par la Chine, l’avait conduite Ă  dĂ©velopper des armes nuclĂ©aires au dĂ©but des 
annĂ©es 60. L’essai nuclĂ©aire de la Chine en 1964 avait Ă©tĂ© la preuve qu’un pays pauvre 
pouvait atteindre le rang des pays nuclĂ©aires, et qu’une industrie nuclĂ©aire civile n’était pas 
le point de passage obligĂ© pour acquĂ©rir l’arme nuclĂ©aire. Le coĂ»t de cette Ă©volution pour 
les États-Unis a Ă©tĂ© Ă©levĂ© : se rĂ©signer au droit de veto de tous les membres nuclĂ©aires du 
Conseil de sĂ©curitĂ© Ă  l’ONU. 

                                                                    

 

1

 

Ibid., p. 83-88. 

2

 

L’acceptation du programme nuclĂ©aire militaire d’IsraĂ«l par les États-Unis continue Ă  ce jour. 

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55 

L’explosion chinoise a fourni une occasion pour les États-Unis d’avancer d’un pas vers le 

contrĂŽle total du secteur nuclĂ©aire. Le TNP d’initiative amĂ©ricaine a pu ĂȘtre ainsi adoptĂ© le 
12 juin 1968 par l’AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations unies, bĂ©nĂ©ficiant de l'appui de l’URSS 
et du Royaume-Uni

2

. Par ce traitĂ©, les  Ă‰tats non nuclĂ©aires se sont engagĂ©s Ă  renoncer Ă  

tout programme non contrĂŽlĂ©. Une condition centrale de ce traitĂ© a Ă©tĂ© l’application de 
garanties de l’AIEA Ă  toutes les activitĂ©s civiles des pays-membres

3

. Jusqu'alors, seules les 

installations dĂ©pendant du programme Â« Atomes pour la Paix Â» Ă©taient soumises au 
contrĂŽle de l’AIEA. DĂ©sormais, toutes les activitĂ©s civiles des signataires du TNP devraient 
ĂȘtre soumises Ă  ce contrĂŽle, mĂȘme si la capacitĂ© nuclĂ©aire chinoise n’était pas construite sur 
la base d’une industrie civile. 

L’Iran signera le traitĂ© immĂ©diatement. Ce qui n’est pas le cas d’IsraĂ«l qui Ă  l’époque 

avait dĂ©veloppĂ© sa capacitĂ© nuclĂ©aire militaire, preuve de fait que le Shah n’envisageait 
mĂȘme pas l’option nuclĂ©aire dans sa stratĂ©gie militaire. Pour lui, l’équilibre nuclĂ©aire Ă©tait 
un problĂšme entre les superpuissances, et dĂ©sormais la Chine. En termes de stratĂ©gie 
rĂ©gionale, il croyait qu’une force conventionnelle lui permettrait d’atteindre son but de 
devenir la puissance hĂ©gĂ©monique de la rĂ©gion, Ă  condition que les quantitĂ©s d’armement 
nĂ©cessaires et les derniĂšres technologies lui soient fournies. Comme il faisait tout pour que 
ce soit le cas, notamment en ce qui concerne les sources d’approvisionnement amĂ©ricaines, 
mais qu’il avait aussi diversifiĂ© celles-ci en faisant appel Ă  des EuropĂ©ens, et depuis peu Ă  
des SoviĂ©tiques, il ne croyait pas qu’il y aurait de problĂšmes. 

Les acteurs nuclĂ©aires, comme le Royaume-Uni et l’Union soviĂ©tique, n’avaient pas 

intĂ©rĂȘt Ă  ce que d’autres pays accĂšdent aux armes nuclĂ©aires. Chaque accession, comme 
dans le cas de la Chine pour l’Union soviĂ©tique, augmentait les enjeux dans le cas d’un 
conflit militaire, et rendait les acteurs de leur camp moins dĂ©pendants de leur protection 
nuclĂ©aire dans la logique de la guerre froide. 

                                                                    

 

1

 

Kostrzewa-Zorbas, Grzegorz, 

American Response to the Proliferation of Actual, Virtual, and Potential 

Nuclear Weapons: Lessons for the Multipolar Future

, Johns Hopkins University, MD, 1998, p. 236-237. 

2

 

Rapport sur le projet de loi autorisant l’adhĂ©sion au TraitĂ© sur la non-prolifĂ©ration des armes 

nuclĂ©aires, deuxiĂšme session ordinaire de 1991-1992, p. 20. 

3

 

L’Iran a signĂ© le TNP au premier juillet 1968, le premier jour de son ouverture, le ratifiant le 2 

fĂ©vrier 1970. 

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56 

Au moment des derniĂšres nĂ©gociations autour du contenu du TNP, IsraĂ«l Ă©tait soit 

de 

facto 

la sixiĂšme puissance nuclĂ©aire ou bien avec l’Inde l’un des deux cas 

borderline

 (limite), 

et mĂȘme s’ils n’avaient pas encore l’arme, pour le devenir

1

.  MalgrĂ© ceci, malgrĂ© 

l’inquiĂ©tude que la position israĂ©lienne suscitait auprĂšs de ses voisins arabes, et malgrĂ© leurs 
pressions, au travers de la Ligue Arabe, IsraĂ«l n’a pas signĂ© le TNP.

 

                      

 

1

 

Spector, Leonard, S., 

Nuclear Ambitions: The Spread of Nuclear Weapons 1989-1990

, Westview Press, 

Boulder, 1990, p. 64-87. 

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57 

3.

 

La trilogie de l’intĂ©rĂȘt des  

États-Unis pour l’Iran (1954-1974) : pĂ©trole, 

communisme, armement 

AprĂšs avoir prĂ©sentĂ© les bases du programme « Atomes pour la Paix Â»,  et  la rivalitĂ© 

nuclĂ©aire entre les deux blocs et entre les alliĂ©s du camp amĂ©ricain, il est Ă  prĂ©sent 
indispensable de rĂ©pondre Ă  la question fondamentale : quelles ont Ă©tĂ© les fondations de la 
relation Iran/États-Unis depuis le rĂ©tablissement du rĂ©gime Pahlavi par la CIA en 1953 ? 

RĂ©pondre Ă  cette question nous Ă©claire sur les vicissitudes de la construction de 

l’industrie nuclĂ©aire iranienne. 

Au dĂ©part, la nationalisation de l’industrie pĂ©troliĂšre iranienne par le Premier ministre 

Mossadegh en mars 1951 nous offre la dĂ©monstration par excellence d’un pays de la 
« pĂ©riphĂ©rie Â» qui cherche Ă  obtenir le contrĂŽle de ses ressources nationales. En partie, le 
calcul de Mossadegh a sans doute Ă©tĂ© basĂ© sur l’affaissement du pouvoir britannique au 
Moyen-Orient aprĂšs la Seconde Guerre mondiale. La nationalisation effectuĂ©e annulait les 
termes du contrat de l’

Anglo-Iranian Oil Company

 (AIOC) de 1933. Si Mossadegh avait Ă©tĂ© 

conscient du degrĂ© de la dĂ©pendance de la pĂ©riphĂ©rie vers le centre, il aurait peut-ĂȘtre 
acceptĂ© un compromis avec les Britanniques et mĂȘme les AmĂ©ricains. Car, d’aprĂšs 
Ramazani

1

, le gouvernement britannique aurait donnĂ© le signal de sa volontĂ© de conclure 

un autre contrat sur une base de « partage Ă©gal des profits Â» aprĂšs la nationalisation

2

. Les 

                      

 

1

 

Ramazani, Rouhollah, 

Iran’s Foreign Policy 1941-1974: A Study of Foreign Policy in Modernizing Nations,

 

University Press of Virginia, Charlottesville, 1975. 

2

 

Ibid., p. 200. 

background image

 

58 

Britanniques et AmĂ©ricains ont essayĂ© de trouver une issue diplomatique Ă  cette affaire de 
nationalisation. Mais ni les actions du gouvernement anglais auprĂšs de la Cour 
Internationale de Justice et du Conseil de sĂ©curitĂ©, ni les missions de Harriman, Ă©missaire 
du prĂ©sident Truman en juillet 1951, et ni celle de la Banque Mondiale en dĂ©cembre de la 
mĂȘme annĂ©e n’ont produit de rĂ©sultat

1

Cette affaire Ă©tait prĂ©occupante pour les États-Unis, notamment car cette nouvelle 

donne pouvait bien sĂ»r affecter la circulation de pĂ©trole vers l’Occident. Mais surtout parce 
que l’action iranienne pouvait servir d’exemple Ă  d’autres nations pĂ©riphĂ©riques, 
productrices de pĂ©trole en golfe Persique. Le dĂ©part des forces britanniques du sud de 
l’Iran ne devait donc en aucun ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme un signal d’une diminution 
d’influence occidentale. L’autre source d’inquiĂ©tude importante pour les États-Unis rĂ©sidait 
dans le risque d’une prise Ă©ventuelle de pouvoir par le parti 

Toudeh 

Ă  la suite d’un coup 

d’état communiste

2

. George McGhee, le sous-secrĂ©taire d’État amĂ©ricain pour les affaires 

du Proche-Orient, d’Asie du Sud et d’Afrique, Ă©crit en juillet 1951 : 

« Les enjeux en Iran vont bien au-delĂ  de la question du pĂ©trole

3

 [
] on peut ĂȘtre sĂ»r 

que le Kremlin prendra l’opportunitĂ© de pĂ©cher dans le “pĂ©trole trouble” de l’Iran car ce 
dernier serait, mis Ă  part son pĂ©trole, un superbe enjeu stratĂ©gique. Le contrĂŽle de l’Iran, 
une superficie aussi large que les États-Unis Ă  l’Est du Mississippi, mettra l’Union 
soviĂ©tique sur la route de communication entre les nations libres de l’Asie et l’Europe. Â»

4

 

AprĂšs avoir pris le contrĂŽle du 

Foreign Office

 britannique, le conservateur Anthony 

Eden, avait estimĂ© que « les Britanniques avaient perdu Abadan, [
] et [que] leur autoritĂ© 
en Moyen-Orient avait Ă©tĂ© violemment secouĂ©e Â»

5

.  Il prenait sur lui d’aligner les positions 

amĂ©ricaines et britanniques sur cette question et estimait que si Mossadegh tombait, sa 
position pourrait ĂȘtre adoptĂ©e par un gouvernement plus « raisonnable Â». Ce sera pendant 
l’administration d’Eisenhower que cette position trouvera un Ă©cho aux États-Unis : 

                      

 

1

 

Ibid., chapitre 10.  

2

 

Ibid., p. 242. 

3

 

US State Department, 

Bulletin 25, 

no. 630, 23 juillet 1951, citĂ© dans Ibid., p. 243. 

4

 

Ibid. 

5

 

Eden, Anthony, 

Full Circle, 

Hougton Mifflin Co., Boston, 1960, p. 217, citĂ© dans Ramazani, p. 244. 

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59 

« On aura intĂ©rĂȘt Ă  chercher une alternative Ă  Mossadegh plutĂŽt qu’essayer de 

l’acheter. Â»

1

 

L’or noir 

En 1953, le retour du Shah au pouvoir

2

 marque une Ă©tape importante dans l’histoire de 

l’industrie pĂ©troliĂšre : la participation des États-Unis Ă  la production et aux bĂ©nĂ©fices du 
pĂ©trole iranien. Quelques jours aprĂšs le retour du Shah, son nouveau Premier ministre, le 
GĂ©nĂ©ral ZahĂ©di, Ă©crit au prĂ©sident Eisenhower le 26 aoĂ»t 1953, indiquant l’intention de son 
gouvernement d’amĂ©liorer la position internationale de l’Iran

3

. Il indique alors que « les 

caisses de l’État Ă©taient vides, les ressources de devises Ă©trangĂšres Ă©puisĂ©es, et l’économie 
nationale en Ă©tat de dĂ©tĂ©rioration Â»

4

.  

Il faut bien dire que le pĂ©trole iranien avait eu du mal Ă  trouver des acheteurs 

internationaux pendant la courte pĂ©riode de nationalisation. Les Â« Ă‰tats du centre Â» 
s’étaient assurĂ©s que cette source unique de revenu descende quasiment Ă  zĂ©ro, prĂ©parant 
ainsi « l’opinion publique Â» iranienne pour un changement de rĂ©gime. 

Le 3 septembre 1953, les États-Unis acceptent de reprendre l’assistance technique avec 

l’Iran Ă  hauteur de 23 millions de dollars ; deux jours plus tard le prĂ©sident amĂ©ricain 
attribue 45 millions de dollars Ă  l’Iran, car les États-Unis « Ă©taient satisfaits que le nouveau 
gouvernement ne fut pas contre une “attitude comprĂ©hensive” avec les Britanniques sur la 
question de la nationalisation de l’industrie pĂ©troliĂšre
 Â»

 5

.  

 

 

 

 

                      

 

1

 

Ibid., p. 236. 

2

 

Avec l’assistance, d’aprĂšs certains, des gouvernements britannique et amĂ©ricain, et d’aprĂšs 

certains autres, de la CIA et du gouvernement amĂ©ricain. 

3

 

Ibid., p. 260. 

4

 

US State Dept, 

Bulletin 29, 

no. 742. 

5

 

New York Times, 

6 septembre 1953. 

Exportations iraniennes (1948-1966)

Source :  International Financial Statistics, FMI 2003

0

200

400

600

800

1000

1200

1946

1948

1950

1952

1954

1956

1958

Millions de Dollars

Exportations iraniennes (1948-1956)

Source :  International Financial Statistics, FMI 2003

Exportations pétroliÚres iraniennes (1948-1956)

Source : International Financial Statistics, FMI 2003

0

10

20

30

40

50

60

1948 1949 1950 1951 1952 1953 1954 1955 1956

Index

Exportations pétroliÚres iraniennes (1948-1956)

Source : International Financial Statistics, FMI 2003

background image

 

60 

Les nĂ©gociations sur le partage des bĂ©nĂ©fices de la nouvelle coopĂ©ration pĂ©troliĂšre entre 

l’Iran, les États-Unis et le Royaume-Uni eurent lieu en dĂ©cembre 1953.  Le britannique 
AIOC n’aura plus que 40 % de bĂ©nĂ©fices au profit du nouvel acteur, les États-Unis, qui 
rĂ©cupĂ©rera 40 % de ceux-ci, divisĂ©s entre

 Gulf Oil, Socony-Vaccum Oil

 (

Mobil

), 

Standard Oil 

of New Jersey

, et 

Texaco

. La 

Royal Dutch

 et la Compagnie Française des PĂ©troles auront droit 

Ă  14 et 6 % respectivement. Un accord de principe sera rĂ©digĂ© le 5 aoĂ»t 1954 et prĂ©sentĂ© au 
Parlement iranien le 10 aoĂ»t de la mĂȘme annĂ©e, avec le conseil du Shah de « ne pas perdre 
une minute Â» pour ratifier cet accord « honorable et Ă©quitable [
] dans les conditions 
mondiales actuelles Â»

1

. L’accord sera ratifiĂ© par le MajlĂ©s en octobre. Beaucoup d’iraniens 

ont vu dans cet accord un « paiement pour la dĂ©faite de Mossadegh Â»

2

Le Shah considĂ©rait celui-ci comme un accomplissement positif pour l’Iran, car non 

seulement il augmentait la part de son pays dans les bĂ©nĂ©fices, mais « le rĂ©sultat le plus 
important Ă©tait la fin, une fois pour toutes, de la prise monopolistique du Royaume-Uni sur 
l’industrie pĂ©troliĂšre iranienne. Plus jamais une entreprise gĂ©ante privĂ©e, ou le 
gouvernement qui la soutient, ne pourrait dominer un secteur large de notre Ă©conomie Â»

3

Cet accord basĂ© sur un partage 50-50 des bĂ©nĂ©fices avait une durĂ©e prĂ©vue de 25 ans. Il 
devait arriver Ă  son terme prĂ©cisĂ©ment en 1979. 

Dans les annĂ©es qui vont suivre, la politique du Shah sera similaire Ă  celle d’autres pays 

producteurs, face Ă  l’obsolescence croissante du pouvoir de nĂ©gociation des 
multinationales : c'est-Ă -dire, essayer d’augmenter la production et sa part des bĂ©nĂ©fices 
quand et comme il le pouvait. Avec le renforcement du positionnement stratĂ©gique du 
pays vis-à-vis des compagnies pétroliÚres, bien documenté et analysé par Daniel Yergin

4

, le 

Shah a mĂȘme pu signer d’autres accords, sur les zones non couvertes par l’accord de 1954, 
avec d’autres compagnies pĂ©troliĂšres suivant un partage de 75-25 %

5

. Il a ainsi pu 

augmenter les rentes du pays. Le but du Shah Ă©tait de diminuer la dissymĂ©trie de la 
dĂ©pendance qui caractĂ©risait la relation entre l’Iran et les États-Unis. Son but ultime Ă©tait au 

                      

 

1

 

New York Times

, 11 aoĂ»t 1954. 

2

 

Bill, James, A., 

The Eagle and the Lion: The Tragedy of American-Iranian Relations,

 Yale University Press, 

New Haven, 1988, p. 115. 

3

 

Pahlavi, Mohammad Reza, 

Mission for My Country

, Londres, Hutchinson, 1961, p. 112. 

4

 

Yergin, Daniel, 

The Prize: The Epic Quest for Oil, Money and Power,

 Simon & Schuster, NY, 1992. 

5

 

Tel que l’accord avec la 

Standard Oil of Indiana

 en 1958 (voir Yergin, p. 507-508). 

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61 

final de marquer l’indĂ©pendance du pays vis-Ă -vis des compagnies Ă©trangĂšres et d’instaurer 
un contrĂŽle national sur les ressources pĂ©troliĂšres, comme Mossadegh, mais 
progressivement. Comme nous le verrons, la rĂ©ponse Ă  sa stratĂ©gie sera aussi comme celle 
de Mossadegh, mais progressive. 

De « contenir le communisme Â»  

Ă  « assumer le rĂŽle de superpuissance rĂ©gionale Â» 

Comme l’avait bien formulĂ© le sous-secrĂ©taire d’État amĂ©ricain George McGee en 1951, 

l’enjeu de l’Iran pour les Ă‰tats-Unis dĂ©passe le pĂ©trole : barrer « la route de communication 
entre l’Union soviĂ©tique et les nations libres de l’Asie et l’Europe Â»

1

 Ă©tait l’autre, et peut ĂȘtre 

le plus essentiel facteur d’intĂ©rĂȘt de l’Iran pour les États-Unis. Le maintien de cette position 
n’était pas basĂ© sur une capacitĂ© indĂ©pendante iranienne de se « dĂ©fendre Â» vis-Ă -vis de 
l’Union soviĂ©tique. L’Iran Ă©tait bien trop faible vis-Ă -vis de cette superpuissance au nord. Et 
puis, de telles considĂ©rations entraient, dans la logique de la guerre froide, dans les 
Ă©quations entre l’Union soviĂ©tique et les États-Unis. Ce qui Ă©tait important en revanche 
Ă©tait de s’assurer qu’il n’y ait pas de mouvements, ou rĂ©gimes potentiels, sympathisants vis-
Ă -vis de l’Union soviĂ©tique. En clair, il fallait Ă©viter par n’importe quel moyen toute 
tendance socialo-communiste. 

Depuis la Doctrine Truman de 1947, la politique amĂ©ricaine avait cherchĂ© Ă  dĂ©velopper 

un « cordon nord Â» assez solide pour contenir le communisme soviĂ©tique et contrĂŽler le 
golfe Persique. L’Iran occupait, de par sa gĂ©ographie, une position privilĂ©giĂ©e dans cette 
stratĂ©gie. Un autre Ă©lĂ©ment de cette derniĂšre avait Ă©tĂ© l’établissement de liens Ă©conomiques 
et sĂ©curitaires avec les pays de la rĂ©gion, mĂȘme les rĂ©gimes arabes conservateurs, « les 
rendant dĂ©pendants des États-Unis au point de faire abstraction de leur rĂ©pugnance pour 
l’appui amĂ©ricain Ă  IsraĂ«l Â»

2

En octobre 1955, deux ans avant l’exposition « Atomes pour la Paix Â», l’Iran dĂ©clare son 

intention de prendre partie dans le Pacte de coopĂ©ration mutuelle entre l’Irak, le Pakistan 

                      

 

1

 

George McGhee, le sous-secrĂ©taire d’État amĂ©ricain pour les affaires du Proche-Orient, d'Asie de 

Sud et d'Afrique, 1951. 

2

 

Mens, Yann, 

Les États-Unis et le Moyen-Orient

, Documentation Française, Paris, 1992. 

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62 

et la Turquie, dit pacte de Bagdad du 24 fĂ©vrier 1955, qui deviendra le CENTO aprĂšs la 
rĂ©volution Irakienne de juillet 1958. L’adhĂ©sion Ă  ce pacte n’était pas le fait de l’initiative 
iranienne. Au contraire, les nationalistes iraniens, la classe moyenne occidentalisĂ©e 
moderne, et la classe populaire religieuse Ă©taient tous contre cette alliance, qu’ils voyaient 
comme l’exemple le plus rĂ©cent d’un contrĂŽle amĂ©ricain

1

. Le Shah lui-mĂȘme ne voyait pas 

l’intĂ©rĂȘt de ce pacte, Ă©tant donnĂ© que les États-Unis n’en Ă©taient eux-mĂȘmes pas membres 
et qu’ils n’avaient pas fait grand-chose pour empĂȘcher la rĂ©volution en Irak. Mais avec 
l’adhĂ©sion de la Turquie Ă  l’OTAN, l’Iran devient 

de facto

 liĂ© au systĂšme de dĂ©fense 

occidental. 

La rĂ©volution irakienne eut une influence importante sur la politique Ă©trangĂšre de l’Iran. 

La destruction de la monarchie, et l’émergence d’un rĂ©gime militaire, furent considĂ©rĂ©es 
comme des menaces  pour la sĂ©curitĂ© nationale de l’Iran. Le Shah avait observĂ© les 
dĂ©veloppements politiques rĂ©volutionnaires des pays arabes du Moyen-Orient avec 
quelque inquiĂ©tude, car ils augmentaient l’influence soviĂ©tique dans la rĂ©gion. Mais 
contrairement Ă  l’Égypte et de la Syrie, l’Irak Ă©tait un voisin : l’exemple de sa rĂ©volution 
antimonarchique Ă©tait trop proche pour ĂȘtre ignorĂ© des Ă©lĂ©ments anti-royalistes Ă  l’intĂ©rieur 
et en dehors de l’Iran. Au dĂ©part, il semblait que l’Iran pourrait ĂȘtre tenaillĂ© entre la 
menace soviĂ©tique du nord et la menace antimonarchique du sud. Mais avec la rĂ©volution 
d’Abdel Karim Qasim flirtant avec les soviĂ©tiques, il semblait Ă  TĂ©hĂ©ran que le pays 
pourrait ĂȘtre cernĂ© par les SoviĂ©tiques des deux cotĂ©s

2

Ceci amĂšne alors l’Iran Ă  rĂ©viser ses relations avec un certain nombre de pays, ce qui est 

Ă©vident de par les nĂ©gociations qu’il entreprend alors avec l’Union soviĂ©tique pour un pacte 
de non-agression. Il admet que dĂ©sormais il y avait, ainsi que pour la Turquie et le Pakistan, 
des intĂ©rĂȘts communs avec IsraĂ«l

1

. Cela fut suivi de la reconnaissance par l’Iran de l’État 

d’IsraĂ«l, ce qui aura pour consĂ©quence la rupture des relations diplomatiques entre l’Iran et 
l’Égypte en 1960. Aussi, l’Iran ressentait-il le besoin, et peut ĂȘtre une occasion, de s’occuper 
de la totalitĂ© du golfe Persique. Le pays annonce son enthousiasme pour la Doctrine 
Eisenhower en 1957, qui avait Ă©tĂ© conçue pour protĂ©ger l’intĂ©gritĂ© territoriale et 

                      

 

1

 

Bill, James, A., 

The Eagle and the Lion: The Tragedy of American-Iranian Relations,

 Yale University Press, 

New Haven, 1988, p. 117. 

2

 

Ibid., p. 281. 

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63 

l’indĂ©pendance des nations qui demandaient de l’aide quand elles Ă©taient menacĂ©es, soit 
par une invasion de l’armĂ©e soviĂ©tique, soit par une subversion de l’intĂ©rieur

2

. Le 5 mars 

1959 l’Iran signe un accord exĂ©cutif avec les États-Unis. Selon les termes de cet accord, les 
États-Unis acceptent de considĂ©rer l’indĂ©pendance de l’Iran comme Â« vitale pour leur 
intĂ©rĂȘt national Â», et s’engagent Ă  lui fournir l’assistance Ă©conomique et militaire et Ă  venir Ă  
son aide en cas d’agression

3

. La Turquie et le Pakistan signent des accords similaires avec 

les États-Unis

4

À l’occasion de sa visite de dĂ©cembre 1959 en Iran, Eisenhower insiste fortement sur le 

« besoin pour la paix, la justice et la libertĂ©, d’un dĂ©veloppement Ă©conomique et social 
authentique [
] La force militaire seule ne crĂ©era pas la paix et la justice Â»

5

.  Les intĂ©rĂȘts 

des États-Unis Ă©taient animĂ©s par le fait que l’injustice ou le manque de dĂ©veloppement 
dans une sociĂ©tĂ© pourraient gĂ©nĂ©rer une rĂ©volution populaire, susceptible d’ĂȘtre rĂ©cupĂ©rĂ©e 
par l’Union soviĂ©tique. Cette inquiĂ©tude se manifestera aussi dans les initiatives de 
l’administration Kennedy. J. Bill Ă©crit : 

« MĂȘme s’il y avait un Ă©lĂ©ment d’altruisme dans le programme de Kennedy, la raison 

principale de son soutien aux rĂ©formes politiques, et au dĂ©veloppement Ă©conomique 
dans le tiers-monde, Ă©tait d’augmenter l’influence amĂ©ricaine et de neutraliser l’attrait 
du communisme soviĂ©tique. L’administration Kennedy cherchait particuliĂšrement Ă  
rĂ©duire l’aide militaire et Ă  la remplacer par des fonds de dĂ©veloppement Ă©conomique 
[
] une politique Ă©trangĂšre conçue pour encourager la rĂ©forme par le haut pour Ă©viter 
la rĂ©volution par le bas. Â»

6

 

L’inquiĂ©tude des États-Unis Ă©tait telle, qu’un analyste du DĂ©partement d’État amĂ©ricain, 

W. Bowling, considĂ©ra mĂȘme, en 1961, parmi les options potentielles pour traiter les 
problĂšmes sociaux iraniens, un « coup d’état nationaliste plus populiste et Mossadeghiste. Â» 
Mais il l’a Ă©cartĂ©, car trop coĂ»teux et susceptible de dĂ©stabiliser le CENTO, et d’amener le 
retrait des militaires amĂ©ricains de l’Iran, la perte du vote iranien en faveur des États-Unis 

                                                                    

 

1

 

New York Times

, 28 Juillet 1958, citĂ©e dans Ramazani, p. 281. 

2

 

The Eagle and the Lion, p. 118. 

3

 

Nations unies, SecrĂ©tariat, 

Treaty Series 327, 

no. 4725,

 

1959. CitĂ© dans Ramazani, p. 283. 

4

 

Ibid., p. 284. 

5

 

The Eagle and the Lion

, p. 120. 

6

 

Ibid., p. 131. 

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64 

aux Nations unies, un affaiblissement du prestige amĂ©ricain dans le monde, ainsi que la 
probabilité pour le consortium pétrolier de céder une part de son profit plus importante

1

Le mĂȘme analyste avait aussi suggĂ©rĂ© des actions pour peaufiner l’image du Shah Ă  
l’intĂ©rieur de son propre pays. Dans une liste de quatorze actions on peut trouver : 

« 1. Canaliser le mĂ©contentement vers ses ministres plutĂŽt que lui-mĂȘme, [
] 

4. RĂ©duire sa force militaire graduellement Ă  une petite force d’infanterie et artillerie 

capable de maintenir la sĂ©curitĂ© interne et activitĂ©s guĂ©rilla. [
] 

6. Censurer avec sĂ©vĂ©ritĂ© la classe dirigeante traditionnelle pour son manque de 

responsabilitĂ© sociale. [
] 

7. Changer la posture pro-occidentale ouverte avec le moins de dommages possibles 

pour le monde libre et son propre prestige. [
] 

9. ProcĂ©der, de maniĂšre visible et bruyante, Ă  un programme de la reforme agraire 

symbolique contre les grands propriĂ©taires terriens. 

10. Faire des gestes menaçants contre le consortium pĂ©trolier et lui “extraire” des 

concessions de façon que ceci apparaisse comme si le consortium s’était, Ă  contrecƓur, 
pliĂ© Ă  son pouvoir et Ă  sa dĂ©termination [
] Â»

 2

 

Ces quatorze points deviennent partie intĂ©grante du programme de rĂ©forme du Shah 
dans les deux ans Ă  venir, mĂȘme s’il n’était pas content d’accepter ces 
recommandations : en 1969, le Shah dĂ©clarera lors d’une entrevue amĂ©ricaine :  

« La pire de vos pĂ©riodes Ă©tait celle entre 1961 et 1962. Mais mĂȘme avant cette 

pĂ©riode il y avait vos magnifiques libĂ©raux amĂ©ricains voulant imposer leur version de la 
“dĂ©mocratie” aux autres, pensant que leur maniĂšre Ă©tait merveilleuse. Â»

1

 

En termes d’apaisement des mĂ©contentements intĂ©rieurs, il n’y aura pas de progrĂšs 

rapide. À titre d’exemple, en janvier 1962, l’armĂ©e intervient Ă  l’universitĂ© de TĂ©hĂ©ran pour 
briser une grĂšve Ă©tudiante. Le Chancelier de l’universitĂ© a Ă©crit Ă  ce sujet : 

« Je n’ai jamais vu ou entendu de tels actes de cruautĂ©, sadisme, atrocitĂ© et 

vandalisme de la part des forces gouvernementales. Certaines filles dans les salles de 

                      

 

1

 

Ibid., p. 133. 

2

 

Bowling, J. W., US Department of State, NEA/Greece, Turkey, Iran, « 

The Current Situation in Iran

 Â», 

p. 8-9.  CitĂ©e dans Bill, p. 133-134. (Seuls les articles directement intĂ©ressants pour cette Ă©tude 

sont citĂ©s ici.) 

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65 

cours avaient Ă©tĂ© criminellement attaquĂ©es par les soldats. Quand nous avons inspectĂ© 
les bĂątiments de l’universitĂ©, nous Ă©tions face Ă  une situation comme si une armĂ©e de 
barbares avait envahi le territoire ennemi. Â»

2

 

En ce qui concerne l’objectif de contenir l’Union soviĂ©tique, le Shah, en 1962, estime 

opportun de normaliser ses relations avec celle-ci, comme une composante de sa 
« politique nationale indĂ©pendante Â» (

syasateh mostaghelleh melli

). Un Ă©lĂ©ment important 

de cette normalisation fut l’engagement par l’Iran de ne pas dĂ©ployer des missiles Ă©trangers 
sur son sol

3

. Par ailleurs, en janvier 1963 le Shah annonce le programme intitulĂ© la 

« RĂ©volution Blanche Â» dont l’objectif est de contenir l’expansion du communisme par le 
dĂ©veloppement Ă©conomique et redistribution des richesses. MalgrĂ© un grand effort de 
communication sur celui-ci, la rĂ©forme, sans l’engagement de la majoritĂ© des techniciens et 
professionnels, resta plutĂŽt un projet sur le papier. J. Bill note qu’en 1970, les deux tiers des 
Iraniens n’avaient toujours pas accĂšs aux installations mĂ©dicales, et que le dĂ©veloppement 
Ă©tait ralenti Ă  cause du manque d’ingĂ©nieurs et de main-d'Ɠuvre qualifiĂ©e ; la distribution 
inĂ©gale de revenus laissait des millions de villageois plus pauvres que jamais, et le chĂŽmage 
grimpait. Comme indice d’efficacitĂ© de ce programme, il rappelle qu’en 1968 l’Iran a 
importĂ©, pour la premiĂšre fois, du blĂ© en quantitĂ©s importantes pour nourrir la population. 

L’une des composantes importantes de la Â« RĂ©volution Blanche Â» Ă©tait la rĂ©forme 

agraire. Celle-ci transformait de maniĂšre abrupte la structure fĂ©odale de la sociĂ©tĂ© en un 
pays prĂ©industriel. L’organisation pyramidale, Ă  la tĂȘte de laquelle se trouvaient les grands 
propriĂ©taires terriens, et dont la base Ă©tait les paysans, se fit dĂ©capiter. D’aprĂšs le rĂ©gime 
traditionnel, le paysan, ainsi que ses hĂ©ritiers, avaient le « droit Â» de rester sur les terres 
qu’ils ne possĂ©daient pas et d’y travailler. Ils ne pouvaient pas ĂȘtre dĂ©logĂ©s de ces terres 
(

Sahebeh Nassab

) et la rĂ©colte Ă©tait partagĂ©e sur une base de 3/5 pour le propriĂ©taire, 2/5 

pour le paysan. Les 

pillehvar

, les marchands ambulants, fournissaient aux paysans leurs 

besoins de consommation et les outils de travail nĂ©cessaires, et une population de 
travailleurs temporaires, les 

khoshnesheenan

, procuraient la main-d'Ɠuvre saisonniĂšre  en 

                                                                    

 

1

 

The Eagle and the Lion

, p. 137. 

2

 

Ibid., p. 146-147. 

3

 

Ramazani, Rohollah, 

Iran’s Foreign Policy 1941-1974: A Study of Foreign Policy in Modernizing Nations,

 

University Press of Virginia, Charlottesville, p. 316. 

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66 

fonction des besoins. Avec la modernisation agraire, ces populations ont Ă©migrĂ© vers les 
villes pour y trouver du travail. La dĂ©sertification des campagnes, la surpopulation des 
villes et l’apparition des bas quartiers autour de la capitale, en sont les consĂ©quences les 
plus directes. Toutes ces transformations sociales et leurs consĂ©quences n’étaient du moins 
pas au centre des prĂ©occupations du Shah et de ses gouvernements. Leur attention Ă©tait 
portĂ©e vers l’économie, la force militaire de l’Iran dans la rĂ©gion, et vers la croissance du 
PNB. 

Hossein Mahdavy, un ancien haut fonctionnaire du ministĂšre du Plan fut un des 

nombreux critiques des rĂ©formes agraires qui finira par opter pour l’exil. Dans un article de 

Foreign Affairs

 en date de 1966, il Ă©crit : 

« [
] La “RĂ©volution Blanche”, dont l’objectif sera de moderniser l’Iran et rendre une 

rĂ©volution par le bas inutile, [
] contient parmi les Ă©lĂ©ments les plus importants les 
rĂ©formes terriennes [
] La signification rĂ©elle de celles-ci en Iran doit ĂȘtre envisagĂ©e 
comme une mesure politique de la part du gouvernement pour obtenir l’allĂ©geance de 
la

 

paysannerie afin de compenser l’opposition croissante dans les zones urbaines. Au 

moment des rĂ©formes, l’Iran n’était face Ă  aucune difficultĂ© agraire [
] en fait le 
troisiĂšme plan quinquennal du gouvernement, qui commençait en 1962, n’avait pas 
prĂ©vu de programme de rĂ©forme agraire mĂȘme dans un futur lointain [
] Â»

1

 

Mahdavy dresse ensuite la liste complĂšte de toutes les catĂ©gories de terres comprises 

dans la rĂ©forme. Un des Ă©lĂ©ments d’intĂ©rĂȘt particulier est : 

« Le vaghf, les terres des fondations religieuses, doivent ĂȘtre louĂ©es aux paysans sur 

une base de 99 ans. Les loyers seront revus tous les cinq ans

2

 [
] le point le plus faible 

de la rĂ©forme est peut-ĂȘtre son Ă©chec pour changer les aspects organisationnels et 
technologiques de la production agricole [
] sur le plan politique, le slogan de 
“RĂ©forme Terrienne Oui, Dictature Non” inventĂ© par les Ă©lĂšves de l’universitĂ© de 
TĂ©hĂ©ran au moment du “rĂ©fĂ©rendum” du Shah a Ă©tĂ© largement adoptĂ©. [
] l’assassinat 
du Premier ministre MansĂ»r dĂ©but 1965, suivi d’un attentat s’en prenant Ă  la vie du 
Shah lui-mĂȘme par l’un des membres de sa Garde ImpĂ©riale, peut indiquer une forme 

                      

 

1

 

Mahdavy, Hossein, « The Coming Crisis in Iran Â», 

Foreign Affairs

, mars/avril 1966. 

2

 

Ibid., p. 139. 

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67 

de rĂ©sistance au rĂ©gime qui se forme. [
] il est probable que la position amĂ©ricaine en 
Iran continuera Ă  se dĂ©grader avec la montĂ©e de l’impopularitĂ© du rĂ©gime du Shah, et 
que les États-Unis remplaceront le Royaume-Uni comme cible principale d’attaques 
nationalistes. Â»

1

 

L’opposition principale de l’Ayatollah Khomeiny, Ă  cette Ă©poque, Ă©tait aussi en grande 

partie liĂ©e Ă  cette reforme agraire. À ceci s’ajoutaient les dolĂ©ances contre l’injustice du 
rĂ©gime, son allĂ©geance aux États-Unis et particuliĂšrement le statut privilĂ©giĂ© que le Shah 
accordait au personnel militaire amĂ©ricain. Ceci est devenu une loi en octobre 1964, quand 
le 

Majlés

 a approuvĂ© l’extension Ă  tous les personnels militaires amĂ©ricains et Ă  leurs 

dĂ©pendants stationnĂ©s en Iran, de l’immunitĂ© diplomatique complĂšte

2

. En juin 1963, les 

dĂ©monstrations et Ă©meutes contre le rĂšgne du Shah s’étendirent Ă  tout le pays. Des classes 
et mouvements idĂ©ologiques variĂ©s ont participĂ© Ă  ces Ă©meutes et des milliers de personnes 
ont Ă©tĂ© tuĂ©es dans les rues de TĂ©hĂ©ran. L’Ayatollah Khomeiny avait Ă©tĂ© identifiĂ© par un 
spĂ©cialiste amĂ©ricain de l’Iran comme l’un des organisateurs des Ă©meutes

3

. Khomeiny sera 

envoyĂ© en exil en Irak, oĂč il restera pratiquement jusqu'Ă  la rĂ©volution de 1979. 

Nous avons ici une idĂ©e de la façon dont la situation de dĂ©pendance de l’Iran vis-Ă -vis 

des États-Unis le conduisait Ă  non seulement participer Ă  des compromis Ă  l’extĂ©rieur, 
comme le CENTO, dans lesquels il ne croyait pas, mais aussi Ă  mettre en Ɠuvre des 
mesures Â« politiques et sociales Â» en interne, qui Ă©tait censĂ©es Ă©liminer la possibilitĂ© de 
rĂ©volution. Tout ceci Ă©tait rĂ©alisĂ© dans le seul but de freiner l’avancement du communisme 
de l’Union soviĂ©tique : c’était la fonction principale de l’Iran pour les États-Unis. Le Shah 
essayera de sortir de cette situation de dĂ©pendance en renforçant son contrĂŽle sur le pĂ©trole 
et en essayant d’assumer un rĂŽle de maintien de la sĂ©curitĂ© rĂ©gionale plus important 
comme nous le verrons plus loin.

 

La question sociale restera le talon d’Achille de  sa 

stratĂ©gie. 

L’Iran commencera Ă  rĂ©viser sa situation de sĂ©curitĂ© aprĂšs la guerre indo-pakistanaise de 

1965 et le retrait des forces britanniques d’Aden en 1967, un an avant la dĂ©claration 

                      

 

1

 

Ibid., p. 140-146. 

2

 

C’est-Ă -dire qu’ils ne pouvaient ĂȘtre poursuivis pour aucun crime par le systĂšme judiciaire 

iranien. 

3

 

The Eagle and the Lion

, p. 148. 

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68 

formelle de Londres de se retirer de « l’Est de Suez. Â» Pendant la guerre indo-pakistanaise 
de 1965, les États-Unis n’avaient pas fait grande chose pour venir en aide au Pakistan qui 
Ă©tait membre du CENTO. Il semblait alors que les États-Unis ne viendraient en aide Ă  leurs 
alliĂ©s du CENTO, qu’en cas de menace soviĂ©tique  les concernant directement, et pas 
autrement. Il fallait donc s’assurer de la sĂ©curitĂ© nationale. Puis, avec les signes de faiblesse 
des britanniques et le dĂ©part de leurs forces de la rĂ©gion, s’ouvrait aussi une occasion 
d’assumer un rĂŽle sĂ©curitaire plus important et d’obtenir une rente pour le maintien de 
cette sĂ©curitĂ©. Il s’agit donc de survivre et de devenir assez fort pour assumer le rĂŽle de 
superpuissance rĂ©gionale. 

Le Shah n’était pas le seul Ă  « faire le point Â» sur les nouvelles possibilitĂ©s et menaces : 

l’usine secrĂšte israĂ©lienne de retraitement de Dimona entrait en opĂ©ration pendant cette 
mĂȘme annĂ©e et produira du plutonium de qualitĂ© militaire dĂšs 1966

1

. L’Iran commença 

des nĂ©gociations pour l’achat d’avions F-4, les avions les plus sophistiquĂ©s du monde Ă  
l’époque, avec l’administration Johnson. Jusqu’alors, aucun autre pays, mis Ă  part le 
Royaume-Uni, ne possĂ©dait ces avions. Un accord fut signĂ© avec beaucoup de difficultĂ©s et 
rĂ©sistance de la part des amĂ©ricains en 1967, et la livraison s’est faite seulement fin 1968, 
avant l’arrivĂ©e au pouvoir de Nixon. C’est en raison de cette rĂ©ticence des États-Unis Ă  
fournir les matĂ©riels les plus avancĂ©s et Ă  des prix raisonnables, que le Shah menaçait 
parfois les États-Unis de se procurer des armes auprĂšs de l’Union soviĂ©tique. En 1966, 
quand il eut du mal Ă  se procurer des F-4 des États-Unis, il menaça d’acheter du matĂ©riel 
soviĂ©tique. AprĂšs leur obtention, il s’est plaint de leur coĂ»t Ă©levĂ©, 3 millions de dollars 
l’unitĂ©, en comparaison des Mig soviĂ©tiques Ă  650 000 dollars

2

Le dĂ©sĂ©quilibre du pouvoir en faveur de l’Inde dans le sous-continent d’Asie du Sud 

demeurera un sujet d’inquiĂ©tude pour le Shah. Pendant la guerre indo-pakistanaise de 
1965, les États-Unis n’avaient non seulement pas aidĂ© le Pakistan, mais ils avaient aussi 
empĂȘchĂ© l’Iran de mettre Ă  la disposition du Pakistan des matĂ©riels fournis par le CENTO 
et le traitĂ© bilatĂ©ral militaire irano-amĂ©ricain. Cette situation de dĂ©sĂ©quilibre s’aggravera 
aprĂšs la guerre du Bangladesh de 1971, ce qui aura pour rĂ©sultat le dĂ©membrement du 

                      

 

1

 

Spector, Leonard, S., 

Nuclear Ambitions: The Spread of Nuclear  Weapons 1989-1990

, Westview Press, 

Boulder, 1990, p. 153. 

2

 

The Eagle and the Lion

, p. 171. 

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69 

Pakistan et une supĂ©rioritĂ© militaire de l’Inde de l’ordre de un Ă  sept dans toutes les 
catĂ©gories d’armement. 

À la fin des annĂ©es 60, la Turquie souffrait des interventions militaires dans son systĂšme 

politique et le Pakistan Ă©tait sur le point de s’effondrer. Les Arabes se repliaient Ă  la suite de 
leur dĂ©faite contre IsraĂ«l en 1967. Les États-Unis Ă©taient enlisĂ©s dans une guerre difficile au 
ViĂȘt-nam et l’Union soviĂ©tique consolidait des liens de rapprochement avec les États arabes 
du Moyen-Orient. Pour les États-Unis, contenir l’Union soviĂ©tique par le biais d’une sĂ©rie 
d’alliances rĂ©gionales et d’une accumulation militaire l’emportait sur la nature autoritaire 
des gouvernements de ces pays

1

Avec la dĂ©claration britannique de 1968 annonçant la dĂ©cision de ceux-ci de retirer leurs 

forces du golfe Persique avant la fin de 1971, de nouvelles occasions se prĂ©sentĂšrent Ă  
l’Iran. Le Shah pouvait finalement assumer un rĂŽle sĂ©curitaire plus important dans le golfe 
Persique et renforcer ainsi sa position de force vis-Ă -vis des États-Unis. Mais d’un autre 
cotĂ©, la situation en Irak Ă©tait inquiĂ©tante. Les États-Unis rĂ©Ă©valuĂšrent leur soutien militaire 
Ă  l’Iran en partie Ă  cause de la dĂ©cision britannique, et en partie en raison de leurs besoins 
croissants de pĂ©trole iranien. Ce qui intensifia l’alignement de l’Iran avec les États-Unis. 
SimultanĂ©ment, le rapprochement croissant entre l’Union soviĂ©tique et l’Irak, 
l’intensification de la prĂ©sence navale soviĂ©tique en ocĂ©an Indien, les « visites Â» de vaisseaux 
soviĂ©tiques dans le golfe Persique, ainsi que le soutien soviĂ©tique au mouvement de 
« libĂ©ration nationale Â» en Oman, ont contribuĂ© Ă  la montĂ© de la tension entre l’Iran et 
l’Union soviĂ©tique. Au calme de l’ùre 1962-67, suivra une pĂ©riode avec des signes de 
tension Ă  la fin des annĂ©es 60 et au dĂ©but des annĂ©es 70. 

L’arrivĂ©e de Johnson au pouvoir avait amĂ©liorĂ© l’attitude des États-Unis vis-Ă -vis l’Iran. 

Le Shah le soutenait, surtout dans le contexte difficile de la guerre du ViĂȘt-nam. Il Ă©tait l’un 
des rares dirigeants des pays du tiers-monde Ă  le faire. Son soutien Ă  IsraĂ«l, un pays pour 
lequel l’appui amĂ©ricain n’a fait que s’intensifier depuis sa crĂ©ation, et la condamnation du 
rĂ©gime de Nasser, Ă©taient aussi apprĂ©ciĂ©s par Johnson. Dans l’analyse amĂ©ricaine, tant que 
les Britanniques Ă©taient prĂ©sents dans la rĂ©gion et qu’il n’y avait pas de menace de la part 
des voisins, l’Iran n’avait besoin d’armes que pour maintenir l’ordre intĂ©rieur, autrement 

                      

 

1

 

Voir 

The Shah and I

, p. 29. 

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70 

dit, pour Ă©craser tout mouvement procommuniste interne. Une agression Ă©ventuelle de 
l’Union soviĂ©tique n’entrait mĂȘme pas dans l’équation, car elle entrait dans la logique 
d’équilibre nuclĂ©aire de la guerre froide. Mais avec le dĂ©part imminent des Britanniques et 
un Irak rĂ©volutionnaire, le besoin iranien de renforcer sa position militaire en vue de 
contrer l’Irak rĂ©volutionnaire Ă©mergeait, notamment pour assumer un rĂŽle de sĂ©curitĂ© 
rĂ©gionale, surtout pour assurer le libre passage du pĂ©trole dans le golfe Persique. Les 
ressources militaires amĂ©ricaines Ă©taient lourdement utilisĂ©es au ViĂȘt-nam. Il Ă©tait difficile 
pour les États-Unis de combler  avec leurs propres forces  le vide  crĂ©Ă© par le dĂ©part des 
Britanniques. 

En outre, les revenus pĂ©troliers de l’Iran avaient augmentĂ© Ă  un point tel, que le pays 

Ă©tait devenu une cible intĂ©ressante pour les fabricants de matĂ©riels militaires amĂ©ricains, 
comme on le sait, un lobby puissant aux États-Unis. D’autant plus que l’Iran payait des 
prix Ă©levĂ©s, que le Shah lui-mĂȘme considĂ©rait souvent comme Â« exorbitants Â». Avec le coĂ»t 
trĂšs important de la guerre au ViĂȘt-nam pour les États-Unis, les achats d’armes par l’Iran 
Ă©taient un remĂšde partiel pour Ă©quilibrer les comptes nationaux

1

. Mais obtenir les 

derniĂšres technologies, et Ă  des prix raisonnables, n’était pas toujours facile dans une 
situation de monopole amĂ©ricain. 

La premiĂšre manifestation de l’intention de l’Iran d’acheter des armes Ă  l’Union 

soviĂ©tique fut annoncĂ©e au Parlement par le Premier ministre Hoveyda en fĂ©vrier 1967

2

Cette dĂ©cision  suscita l’inquiĂ©tude de Washington. Les AmĂ©ricains, d’aprĂšs le 

New York 

Times

, interprĂ©tĂšrent la vente d’armes par les soviĂ©tiques Ă  l’Iran comme « la campagne 

dĂ©terminĂ©e et patiente de l’Union soviĂ©tique pour miner les liens des pays de leur frontiĂšre 
Sud avec le systĂšme de dĂ©fense occidentale Â»

3

. C’était la premiĂšre fois qu’un « membre de 

l’alliance occidentale avait acceptĂ© d’acheter des armes soviĂ©tiques

4

. Â» Mais en rĂ©alitĂ©, le 

                      

 

1

 

Les dĂ©penses militaires amĂ©ricaines dans la pĂ©riode 1965-1968 ont augmentĂ© de 40 % en termes 

rĂ©els. La plupart Ă©taient dues Ă  la guerre du ViĂȘt-nam. 

2

 

En 1966, l’Iran et l’Union soviĂ©tique avaient conclu un accord commercial pour la fourniture 

d’une aciĂ©rie et d’un 

pipeline

 de gaz. L’Iran avait aussi acceptĂ© d’acheter 110 millions de dollars 

d’armes soviĂ©tiques. Le 

pipeline

 fut construit avec les fonds iraniens et il Ă©tait convenu que le 

paiement de l’aciĂ©rie se fasse par le biais de la consommation du gaz de l’Union soviĂ©tique. À 

l’époque, cette derniĂšre avait insistĂ© pour que le prix du gaz (18,7 cents/1 000ft

3

) fĂ»t indexĂ© sur le 

prix du pĂ©trole, Ă©tant persuadĂ©e que la baisse des prix en termes rĂ©els continuerait. 

3

 

New York Times, 

8 fĂ©vrier 1967. 

4

 

Ibid. 

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71 

Shah poursuivait son objectif de devenir la seule superpuissance rĂ©gionale valable qui 
puisse remplacer les Britanniques. En fĂ©vrier 1967 il avait aussi commandĂ© quatre 
destroyers au Royaume-Uni

1

Dans un mĂ©morandum au prĂ©sident Johnson en fĂ©vrier 1967, Robert McNamara a 

Ă©crit : 

« Nos ventes d’armes [Ă  l’Iran] ont crĂ©Ă© 1,4 millions annĂ©e-hommes de travail aux 

États-Unis et plus de 1 milliard de dollars de profit pour l’industrie amĂ©ricaine sur les 
cinq derniĂšres annĂ©es [
] Â»

2

 

C’est en 1968 que le TraitĂ© de Non-ProlifĂ©ration des armes nuclĂ©aires sera introduit par 

les États-Unis. Comme nous l’avons vu, l’Iran le signera sans tarder. Le 2 fĂ©vrier 1970, 
l’Iran ratifie le traitĂ©, ce qui indique bien qu’un dĂ©veloppement nuclĂ©aire militaire ne faisait 
pas partie de la stratĂ©gie militaire du Shah. 

Le dĂ©part des forces britanniques fut annoncĂ© le 16 janvier 1968 et sera achevĂ© en 1971. 

Le Shah s’était prĂ©parĂ© Ă  combler le vide laissĂ© par ce dĂ©part. Dans un entretien avec un 
membre du Parlement britannique en septembre 1969, le Shah avait fait part de son 
opposition Ă  la prolongation de la prĂ©sence britannique, ainsi qu’à une substitution 
amĂ©ricaine ou soviĂ©tique Ă  cette prĂ©sence ; il avait aussi indiquĂ© sa conviction quant Ă  la 
capacitĂ© de l’Iran Ă  pouvoir assumer ce rĂŽle

3

. Dans sa quĂȘte pour devenir une puissance 

militaire importante dans le Golfe, l’Iran Ă©tait assistĂ© par le Royaume-Uni qui lui vendit un 
nombre important d’hovercrafts et quatre destroyers 

Voper MK-5

, avec des missiles 

Seacat.

 

Le Royaume-Uni vendit aussi Ă  l’Iran 400 missiles 

Tiger Cat

 et 800 chars 

Chieftain

. Le Shah 

dĂ©clarera opportunĂ©ment Ă  la presse anglaise « nous contribuerons bien Ă  vos balances de 
paiement dans les annĂ©es Ă  venir. Â»

1

 

Durant cette pĂ©riode de renforcement stratĂ©gique, l’Iran entreprend des nĂ©gociations 

avec les Britanniques sur les Ăźles de Tumb et Abu Moussa, stratĂ©giquement situĂ©es au cƓur 
du dĂ©troit d’Ormuz. Le Royaume-Uni considĂ©rait ces Ăźles sous la souverainetĂ© des Émirats 
de Ras al-Khyamh et Sharjah. AprĂšs l’échec de plusieurs sĂ©ries de nĂ©gociations et offres 

                      

 

1

 

The Times, 

16 fĂ©vrier 1967. 

2

 

Memorandum, 

Robert, S. McNamara to President Johnson

,

 

9 fĂ©vrier 1967, LBJ Library, 

Confidential Files,

 

FO 3-2 (January-March 1966) Box 48. CitĂ© dans J. Bill, p. 173. 

3

 

Iran’s Foreign Relations

, p. 250. 

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72 

amicales d’aide financiĂšre iranienne Ă   des cheiks, conduites en vue de revenir Ă  la 
souverainetĂ© historique iranienne, l’Iran, le dernier jour du protectorat britannique, en 
novembre 1971, occupait les deux Ăźles par la force

2

Les calculs du Shah Ă©taient raisonnables : attĂ©nuer la dĂ©pendance vis-Ă -vis des États-

Unis, assumer le vide sĂ©curitaire laissĂ© derriĂšre les Britanniques rassurant ainsi les 
AmĂ©ricains qui Ă©taient fort sollicitĂ©s par leur conflit au  ViĂȘt-nam, avec une opinion 
publique de plus en plus hostile aux interventions militaires Ă  l’étranger ; les EuropĂ©ens 
Ă©taient occupĂ©s avec leurs propres crises sociales « post-1968 Â» [
] Les Iraniens attendaient 
un retour Ă©conomique. Les accords de TĂ©hĂ©ran du 14 fĂ©vrier 1971 furent le dĂ©but de la 
contrepartie Ă©conomique attendue. DĂ©sormais, pour  la premiĂšre fois dans l’histoire,  les 
pays producteurs  dĂ©finissaient les prix mondiaux. La stratĂ©gie de Shah s’appuyait sur le 
raisonnement suivant : maintien de la sĂ©curitĂ© rĂ©gionale, en Ă©change d’un prix honorable 
pour le pĂ©trole. Jusque lĂ , les prix du pĂ©trole en termes rĂ©els avaient continuellement baissĂ© 
depuis les annĂ©es 1950, tandis que les prix mondiaux des produits manufacturiers avaient 
augmentĂ©. 

La mise en Ɠuvre de cette stratĂ©gie reposait sur les Ă©lĂ©ments suivants : en  termes de 

sĂ©curitĂ© rĂ©gionale, il fallait ĂȘtre l’acteur le plus puissant. Ceci Ă©tait possible grĂące Ă  
l’acquisition d’armes modernes en quantitĂ©s suffisantes, Ă©tant donnĂ© que les marges de 
manƓuvre de l’acteur majeur de la  rĂ©gion, l’Union soviĂ©tique, Ă©taient maĂźtrisĂ©es par les 
considĂ©rations de la guerre froide. Pour ajuster les prix du pĂ©trole Ă  un niveau convenable, 
l’obtention de la coopĂ©ration des producteurs concurrents s’avĂ©rait nĂ©cessaire : l’OPEP 
servait de mĂ©canisme pour mettre en Ɠuvre cette collusion. Enfin pour la bonne marche 
de cette stratĂ©gie, le pays devait pouvoir continuer Ă  fonctionner : une paix sociale Ă©tait 
donc nĂ©cessaire. La SAVAK et le systĂšme d’ascension sociale et de cooptation des Ă©lites 
devaient pouvoir assurer la pĂ©rennitĂ© de ce projet. 

Mais en termes d’analyse stratĂ©gique, chacune des composantes  prĂ©cĂ©demment 

Ă©voquĂ©es recĂ©lait des faiblesses potentielles importantes. PremiĂšrement en termes de 
sĂ©curitĂ© rĂ©gionale, rester durablement l’acteur le plus fort nĂ©cessitait comme condition un 

                                                                    

 

1

 

Ibid.

,

 p. 253. 

2

 

Chubin, Shahram, Zabih, Sepehr, 

The Foreign Relations of Iran: A Developing State in a Zone of Great-

Power Conflict, 

UC Press, Berkley, 1974, p. 227. 

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73 

approvisionnement au moyen des technologies militaires les plus rĂ©centes Ă  des prix 
acceptables. DeuxiĂšmement il fallait qu’aucun autre acteur de la rĂ©gion ne possĂšde des 
armes Â« non conventionnelles Â». TroisiĂšmement, il fallait pouvoir absorber et faire 
fonctionner les armes de maniĂšre efficace. Tout ceci reposait sur la volontĂ© des fournisseurs 
amĂ©ricains, europĂ©ens, et soviĂ©tiques d’accorder  Ă  l’Iran les matĂ©riels et formations 
nĂ©cessaires. Tout ceci devait en principe se rĂ©aliser dans la mesure et tant qu’il y avait un 
« retour Ă©conomique Â» suffisamment important pour tous ces acteurs majeurs. 

En ce qui concerne le maintien des prix pĂ©troliers, il y avait deux risques potentiels 

d’affaiblissement. D’abord il fallait s’assurer que la collusion entre les membres de l’OPEP 
continuerait d’une maniĂšre efficace et durable. Ceci Ă©tait, Ă  la limite, dans le rayon 
d’influence du Shah. Mais un facteur moins contrĂŽlable Ă©tait l’éventualitĂ© de produits de 
substitution pour le pĂ©trole ou des sources alternatives de production pĂ©troliĂšre. Ni l’un ni 
l’autre n’étaient de maniĂšre quelconque maĂźtrisable par le Shah. 

La paix sociale dans le pays n’était pas sans points faibles elle non plus. La « RĂ©volution 

Blanche Â» n’avait pas livrĂ© toutes ses promesses. La structure traditionnelle de production 
agricole s’était irrĂ©mĂ©diablement dĂ©formĂ©e, aliĂ©nant les paysans et les propriĂ©taires terriens. 
Le clergĂ© chiite, les Ă©tudiants et intellectuels Ă©taient aussi insatisfaits des injustices sociales et 
rĂ©guliĂšrement oppressĂ©s. Un malaise latent rĂ©gnait au sujet de la prĂ©sence, de plus en plus 
visible, d’étrangers, avec des avantages supĂ©rieurs, on l’a vu, allant jusqu'Ă  l’immunitĂ© 
diplomatique. Aucun mĂ©canisme  ne  canalisait  ni ne traduisait les insatisfactions sociales 
comme dans les pays dĂ©mocratiques. Les insatisfactions inexprimĂ©es revĂȘtaient des 
dimensions psychologiques importantes et comme il n’y avait pas d’autres cibles, le Shah, 
personnellement, devint le responsable du malaise dans les cƓurs et esprits des 
mĂ©contents. Des mouvements s’armĂšrent au dĂ©but des annĂ©es 70 et le terrorisme urbain fit 
son apparition. Quelques 80 guĂ©rilleros seront exĂ©cutĂ©s en 1972-73, manifestation du 
terrorisme urbain

1

. Le point le plus faible de cette stratĂ©gie rĂ©sidait peut-ĂȘtre dans le fait 

que le systĂšme ne tenait qu’à une seule personne, le Shah. Toute dĂ©cision Ă©conomique, 
politique et sociale Ă©tait la sienne. 

                      

 

1

 

Iranian Foreign Relations,

 p. 12. 

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74 

La majoritĂ© des ouvrages sur l’Iran dĂ©peint une image du Shah comme un fin stratĂšge. 

Pourtant, chacune des faiblesses de sa stratĂ©gie sera exploitĂ©e pour l’empĂȘcher d’atteindre 
l’apogĂ©e qu’il souhaitait pour l’Iran. 

En 1971, se produisit Ă  

Siahkal

 un incident sanglant avec un groupe de guĂ©rilleros, dont 

la rĂ©pression marquera trĂšs fortement l’opinion publique dans le pays. Carte blanche a Ă©tĂ© 
donnĂ©e Ă  la SAVAK afin que les festivitĂ©s des 2 500 ans de l’Empire Perse se dĂ©roulent sans 
problĂšme : l’organisation, dĂ©jĂ  contestĂ©e, prend alors plus de pouvoir.  

La mĂȘme annĂ©e, signe supplĂ©mentaire d’une volontĂ© d’autonomie vis-Ă -vis des États-

Unis, le Shah Ă©tablit des relations diplomatiques avec la RĂ©publique populaire de Chine, la 
derniĂšre puissance nuclĂ©aire en date. La troisiĂšme guerre indo-pakistanaise eut pour 
rĂ©sultat le dĂ©membrement du Pakistan, la crĂ©ation du Bangladesh, et la montĂ©e en force 
d’un mouvement  sĂ©paratiste en Baloutchistan en Iran. De son cotĂ©, l’Irak signa un traitĂ© 
d’amitiĂ© et coopĂ©ration avec l’Union soviĂ©tique pour une durĂ©e de quinze ans en avril 
1972, dont les articles 8 et 9 concernent l’assistance et la coopĂ©ration mutuelle en matiĂšre 
de dĂ©fense. L’un des objectifs pour l’Irak Ă©tait de s’assurer contre toute intervention dans le 
cas oĂč l’

Irak Petroleum Company

 serait nationalisĂ©e. L’accord fut suivi de la visite d’une 

escadrille navale soviĂ©tique dans les ports irakiens d’Umm Ghasr et Bassorah. La prĂ©sence 
de ces vaisseaux Ă©tait alarmante pour TĂ©hĂ©ran. Fin mai 1972, le prĂ©sident Nixon et 
Kissinger rendirent visite au Shah de retour du sommet de Moscou. Le Shah passa un 
accord sans prĂ©cĂ©dent avec l’administration Nixon qui lui permit d’obtenir toutes les armes 
qu’il voulait de l’inventaire amĂ©ricain, y compris les F-14 et F-15. 

« Le prĂ©sident rĂ©itĂšre qu’en gĂ©nĂ©ral, les dĂ©cisions d’acquisition des matĂ©riels 

militaires doivent ĂȘtre laissĂ©es principalement au gouvernement d’Iran. Si le 
gouvernement d’Iran a dĂ©cidĂ© d’acheter certains Ă©quipements, l’achat de matĂ©riel 
amĂ©ricain doit ĂȘtre encouragĂ© avec tact quand ce sera appropriĂ©, et le conseil technique 
sur les capacitĂ©s des Ă©quipements en question doit ĂȘtre fourni. Â»

1

 

Les forces britanniques Ă©taient parties, laissant la sĂ©curitĂ© de la rĂ©gion Ă  l’acteur le plus 

fort ; dĂ©sormais la dĂ©cision d’acquisition d’armes ne dĂ©pendait que du Shah qui en avait 

                      

 

1

 

MĂ©morandum de Kissinger au secrĂ©taire d’État et au secrĂ©taire de la DĂ©fense amĂ©ricain, « 

Follow-

up on the President’s Talk with the Shah of Iran

 Â», 25 juillet 1972. CitĂ© par Bill, p. 201. 

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75 

aussi les moyens

1

,  dans  la mesure oĂč il  pouvait  intervenir sur l’évolution  des prix 

mondiaux de pĂ©trole. 

Les Ă‰tats-Unis perdent le pĂ©trole, le monopole du marchĂ© d’armement mais 

n’abandonnent pas l’Iran Ă  l’URSS 

Avec la perte des bĂ©nĂ©fices de l’industrie pĂ©troliĂšre iranienne, et l’indĂ©pendance 

croissante du Shah pour le choix et les sources d’approvisionnement de ses armes, les deux 
fonctions principales de l’Iran pour les États-Unis n’existaient plus. La troisiĂšme fonction de 
l’Iran, barrer la route Ă  l’avancement de l’Union soviĂ©tique vers les eaux chaudes du Golfe, 
n’était elle pas nĂ©gociable. Celle-ci, durant la pĂ©riode de la guerre froide, Ă©tait mĂȘme 
indispensable pour la victoire des États-Unis dans cette guerre et sa survie en dĂ©pendait. Le 
maintien, voire le succĂšs, du Shah non seulement prĂ©sentait une menace en ce qui 
concerne le contrĂŽle du passage du pĂ©trole dans le golfe Persique, mais  risquait aussi de 
devenir un exemple pour d’autres pays en voie de dĂ©veloppement, d’autant plus que, face 
Ă  une pression amĂ©ricaine, le Shah pouvait toujours faire alliance avec l’Union soviĂ©tique. 
Le Shah avait jouĂ© les deux superpuissances l’une contre l’autre ; ses achats militaires et 
industriels en Union soviĂ©tique avaient dĂ©jĂ  Ă©tĂ© un sujet d’inquiĂ©tude pour les États-Unis. 
Un autre risque prenait une place de plus en plus importante : le poids croissant des 
factions de gauche en Iran, factions, qui, elles aussi, pouvaient inflĂ©chir la politique dans 
une direction prosoviĂ©tique. 

Le Shah, vingt ans aprĂšs avoir Ă©tĂ© rĂ©tabli, ne rĂ©pondait plus aux attentes des États-Unis. 

Un « changement de rĂ©gime Â» pouvait se produire, voire  mĂȘme ĂȘtre considĂ©rĂ©  comme 
acceptable pour les États-Unis, mĂȘme si aux yeux des États-Unis ce nouveau rĂ©gime devrait 
au moins conserver un trait fondamental, Ă  savoir : l’anticommunisme. 

                      

 

1

 

Entre 1972 et 1977, les AmĂ©ricains vendront 16,2 milliards de dollars d’armes Ă  l’Iran (Bill, 

p. 202). 

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77 

4.

 

Pourquoi un programme  

aussi accĂ©lĂ©rĂ© d’industrie nuclĂ©aire  

pour un pays riche en pĂ©trole et gaz ?

 

Pourquoi une industrie nuclĂ©aire pour un pays possĂ©dant autant de ressources de 

pĂ©trole et de gaz ? La question se posait dĂ©jĂ  au dĂ©but des annĂ©es 70 ; elle se pose toujours 
aujourd’hui. De plus, pourquoi un programme tellement accĂ©lĂ©rĂ© ? Quelle Ă©tait l’urgence 
ressentie et analysĂ©e par le Shah pour accorder autant d’attention et de ressources Ă  ce 
programme ? Est-ce vraiment lui-mĂȘme, qui, comme pour la majoritĂ© des questions 
importantes pour le pays, a pris toutes les dĂ©cisions ? Il est important Ă  ce stade d’analyser 
les raisons du lancement de cette industrie. 

Akbar Étemad, prĂ©sident fondateur de l’organisation de l’énergie atomique iranienne 

(OEAI), reconnaĂźt lui-mĂȘme que « si l’Iran qui entrait dans le XXI

e

 siĂšcle Ă©tait restĂ© dans la 

mĂȘme posture que celle des annĂ©es 70, il n’y aurait pas eu de raison valable pour le choix 
de la technologie nuclĂ©aire [
] mais la vision de l’Iran du futur Ă©tait diffĂ©rente dans la 
pensĂ©e des dirigeants d’alors [
] Seulement ce qui s’est produit est bien diffĂ©rent. Selon la 

vision de l’époque, l’Iran du XXI

e

 siĂšcle devait avoir la mĂȘme politique d’envergure 

d’économie Ă©nergĂ©tique, mais en terme politique, beaucoup plus importante 
qu’aujourd’hui [
] Â»

1

  

Dans les annĂ©es 70 la  vision des nations sur la question nuclĂ©aire Ă©tait bien diffĂ©rente de 

celle d’aujourd’hui. La plupart des pays cherchaient Ă  accĂ©der Ă  l’énergie nuclĂ©aire. « Si un 

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78 

pays ne prenait pas cette voie c’était Ă  cause d’une incapacitĂ© financiĂšre ou bien 
technologique Â»

2

. Daniel Poneman, dans son ouvrage sur l’énergie nuclĂ©aire dans les pays 

en voie de dĂ©veloppement, donne quelques raisons de principe pour ce choix :  

« [
] ces pays ont voulu utiliser les rĂ©acteurs nuclĂ©aires pour augmenter leur 

capacitĂ© de gĂ©nĂ©ration d’électricitĂ©, dĂ©velopper leur capacitĂ© pour la construction des 
armes nuclĂ©aires, ou simplement crĂ©er l’option de poursuivre des voies militaires ou 
Ă©nergĂ©tiques dans le futur, en fonction des exigences de l’ùre Â»

3

.  

Le programme de l’Iran Ă©tait un mĂ©lange des deux : utiliser la technologie nuclĂ©aire au 

lieu du pĂ©trole, pour la production de l’électricitĂ©, et « se laisser le choix de poursuivre une 
option militaire, s’il y avait besoin, dans les quinze ou vingt ans Ă  venir Â».

4

 

Comme nous l’avons vu, aprĂšs l’Union soviĂ©tique (1949), le Royaume-Uni (1952) et la 

France (1960), c’était la Chine (1964), et puis IsraĂ«l

5

 (1967) qui ont fait concurrence au 

monopole amĂ©ricain des armes nuclĂ©aires. L’explosion indienne du 18 mai 1974, qualifiĂ©e 
de « pacifique Â» par le gouvernement indien, avait Ă©tĂ© le signal pour les États-Unis qu’il 
fallait mettre fin Ă  cette dynamique d’abord parce que le plutonium utilisĂ© pour cette 
explosion avait Ă©tĂ© produit dans un programme civil : ce fut le premier cas dans l’histoire. 
Tous les autres membres du club nuclĂ©aire avaient jusqu’alors utilisĂ© des voies militaires 
pour crĂ©er leurs capacitĂ©s nuclĂ©aires. Ensuite parce que l’Inde Ă©tait un pays en voie de 
dĂ©veloppement et avait accĂ©dĂ© Ă  la technologie nuclĂ©aire militaire par ses propres moyens. 
Tandis que la Chine, le premier pays en voie de dĂ©veloppement Ă  accĂ©der Ă  l’« arme des 
Ă©lites Â», avait Ă©tĂ© largement aidĂ©e par l’Union soviĂ©tique, y compris par le don d’une usine 
d’enrichissement

6

. L’explosion indienne avait aussi Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e par beaucoup comme un 

signal d’égalitĂ©, ou encore comme un moyen de dissuasion vis-Ă -vis du voisin chinois. Cet 

                                                                    

 

1

 

Afkhami, Gholamreza, ed., 

Barnameyeh Energieh Atomieh Iran : Talash Ha va Tanesh Ha

, Foundation 

for Iranian Studies, MD, 1997, p. XV. 

2

 

Ibid. 

3

 

Poneman, Daniel, Nuclear Power in the Developing World, George Allen & Unwin, Londres, 1982, p. 3. 

4

 

 

Le Shah paraphrasĂ© par A. Étemad, en janvier 2004. 

Le programme d’IsraĂ«l est secret. Il est estimĂ© qu’IsraĂ«l a pu sĂ©parer du plutonium dans ses 

installations secrĂštes de Dimona en 1967-1968. IsraĂ«l n’a apparemment montĂ© ses ogives qu’en 

1973. Puisqu’il n’a jamais « testĂ© Â» ses armes on ne le considĂšre pas comme un pays nuclĂ©aire 

comme les autres, mais comme un pays avec la capacitĂ© nuclĂ©aire. 

6

 

Les dĂ©veloppements chinois existaient, au moins au dĂ©part, en grande partie grĂące au transfert 

des technologies soviĂ©tiques. Les SoviĂ©tiques ont mĂȘme fourni Ă  la Chine une usine 

d’enrichissement d’uranium. Mais avant l’installation de cette usine les relations entre les deux 

pays se dĂ©gradĂšrent. 

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79 

effet « domino Â» impliquait que les autres pays de la rĂ©gion, Ă  commencer par les voisins 
de l’Inde, se sentiraient obligĂ©s d’accĂ©der aux armes nuclĂ©aires pour la mĂȘme raison. 

L’explosion indienne a fourni un bon prĂ©texte aux États-Unis pour renforcer leur 

positionnement mondial. Le pays venait de supporter une dĂ©faite amĂšre au ViĂȘt-nam. Cet 
Ă©chec militaire et stratĂ©gique Ă©tait accompagnĂ© d’une dĂ©faite Ă©conomique importante ; 
celle-ci se manifesta par les nationalisations des ressources pĂ©troliĂšres mondiales et la 
hausse des prix de l’OPEP de 1974. Renforcer la logique de la « non-prolifĂ©ration Â» offrait 
ainsi un double avantage pour amĂ©liorer le positionnement stratĂ©gique des États-Unis. 
Jusqu’ici cette logique visait Ă  empĂȘcher le transfert de la technologie nuclĂ©aire pour les 
usages militaires vers les pays en voie de dĂ©veloppement. DĂ©sormais l’ambition amĂ©ricaine 
Ă©tait d’arrĂȘter toute coopĂ©ration, tout transfert de technologies nuclĂ©aires entre pays 
avancĂ©s et en voie de dĂ©veloppement. Les raisons de cette accentuation Ă©taient doubles : 
d’une part, le contrĂŽle des ressources pĂ©troliĂšres des pays producteurs, quasiment tous des 
pays en voie de dĂ©veloppement, qui avait Ă©tĂ© maĂźtrisĂ© par les États-Unis depuis la fin de la 
Seconde Guerre mondiale, lui avait Ă©chappĂ© depuis 1973 ; d’autre part l’action de l’OPEP, 
elle-mĂȘme en grande partie due Ă  la guerre israĂ©lo-arabe de 1973, avait placĂ© les pays en 
voie de dĂ©veloppement, producteurs pĂ©troliers, en position de maĂźtriser 
l’approvisionnement Ă©nergĂ©tique des pays de l’OCDE. 

L’acquisition de la technologie nuclĂ©aire par ces pays risquait de renforcer leur position : 

ils pouvaient eux-mĂȘmes devenir indĂ©pendants du pĂ©trole pour leurs besoins Ă©nergĂ©tiques. 
L’ordre mondial Ă©tait sur le point de s’inverser. L’autre menace Ă©tait effectivement que 
certains pays, surtout ceux qui n’étaient pas membre du TNP, comme l’Inde, pouvaient 
mĂȘme accĂ©der Ă  l’arme nuclĂ©aire par des voies civiles. Or certains de ces pays n’étaient pas 
dans le camp amĂ©ricain. Les États-Unis Ă©tant l’une des deux puissances hĂ©gĂ©moniques de 
l’époque, le coĂ»t de maintien de la sĂ©curitĂ© internationale leur incombait en grande partie â€“
un ordre qui convenait bien sĂ»r aux intĂ©rĂȘts amĂ©ricains. L’introduction des armes 
nuclĂ©aires aurait pu augmenter considĂ©rablement ce coĂ»t et mĂȘme fournir aux pays 
nuclĂ©aires une certaine indĂ©pendance, d’autant plus que l’apparition des armes nuclĂ©aires 
aurait pu dans une certaine mesure diminuer l’efficacitĂ©, et donc le besoin en armes 
traditionnelles, un grand vecteur d’exportation pour les États-Unis. À l’époque, la vente des 
armes conventionnelles constituait une bonne partie des exportations amĂ©ricaines : Ă  titre 

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80 

d’exemple, l’Iran Ă  lui seul a achetĂ© entre 1972 et 1978 16,2 milliards de dollars d’armes 
conventionnelles aux États-Unis

1

Les enjeux Ă©taient trĂšs importants pour ces derniers : que ce soit la diminution 

considĂ©rable des exportations d’armes conventionnelles, l’augmentation du coĂ»t 
d’intervention dans le cas d’un conflit international, le potentiel de dissuasion par les pays 
faibles diminuant l’importance de l’arsenal nuclĂ©aire amĂ©ricain, la banalisation Ă©ventuelle 
de la position de force d’IsraĂ«l, dont la protection est le premier axe d’importance de la 
politique étrangÚre américaine

2

, et qui jusqu'alors Ă©tait la seule puissance nuclĂ©aire au 

Moyen-Orient

3

. C’était l’heure de vĂ©ritĂ© du programme Â« Atomes pour la Paix Â». 

L’efficacitĂ© du rĂ©gime de la « non-prolifĂ©ration Â» Ă©tait mise Ă  l’épreuve. Ce « rĂ©gime Â» Ă©tait 
en place, les pays y avaient adhĂ©rĂ©, son institution, l’AIEA fonctionnait, et son cadre lĂ©gal, le 
TNP restait en vigueur. Les pays signataires, dont l’Iran, s’étaient engagĂ©s Ă  ne pas utiliser 
cette technologie Ă  des fins militaires. Les pays non signataires du TNP, comme IsraĂ«l et 
l’Inde avaient, comme ils en avaient bien le droit, utilisĂ© cette technologie pour des fins 
militaires. La rĂ©ponse des États-Unis sera de punir les signataires, car en tout Ă©tat de cause, 
ils ne pouvaient rien contre les non signataires ! La hĂąte dans la mise en place de l’industrie 
nuclĂ©aire en Iran Ă©tait en partie due Ă  cette dynamique qui Ă©mergeait, mais il y avait 
d’autres raisons qu’il faut examiner. 

La hausse des prix pĂ©troliers en 1973 : le nuclĂ©aire pour Ă©conomiser le pĂ©trole 

La guerre du Kippour de 1973, mis Ă  part le fait qu’elle ait fourni l’occasion Ă  IsraĂ«l de 

monter ses premiĂšres armes nuclĂ©aires, a eu aussi pour consĂ©quence le premier choc 
pĂ©trolier. Beaucoup ont alors pensĂ© que ce serait le dĂ©but de l’ùre de l’exploitation complĂšte 
du potentiel de l’énergie atomique. Car l’OPEP fournissait alors 50 % du pĂ©trole mondial, 
qui gĂ©nĂ©rait, entre autre, le quart de l’électricitĂ© de l’OCDE. L’augmentation des prix offrait 

                      

 

1

 

Senate committee on Foreign Relations, US Military Sales, 20 janvier 1978

, citĂ© par Bill, p. 202. 

2

 

Hudson, Michael, « AprĂšs l’Irangate : les États-Unis peuvent-ils avoir une politique moyen-

orientale cohĂ©rente ? Â» 

Maghreb-Machrek, 

la Documentation Française, Paris, juillet-septembre 

1987, p. 18-19. 

3

 

Le statut d’IsraĂ«l est sujet Ă  controverse car il n’a jamais conduit une explosion nuclĂ©aire. Mais il 

est reconnu qu’IsraĂ«l a montĂ© 13 ogives nuclĂ©aires en 1973 et le nombre des ses arsenaux 

dĂ©passent 200 aujourd’hui. 

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81 

l’occasion, tant attendue par le Shah, de rĂ©aliser ses projets industriels

1

. Sans rentrer dans 

les dĂ©tails historiques de l’industrie pĂ©troliĂšre iranienne, rappelons aussi que le 15 janvier 
1973, le Shah avait mĂȘme dĂ©clarĂ© : je vais « terminer

 

les présents accords

2

 en 1979. Ensuite 

je serai libre de faire ce que je choisirai Â»

3

Le Shah voulait, comme l’analyse Daniel Yergin

4

, que l’Iran devienne une puissance 

Ă©conomique importante. Pour cela il avait besoin d’augmenter les revenus pĂ©troliers. Il 
visait une politique plus indĂ©pendante pour l’industrie pĂ©troliĂšre iranienne, mais dans une 
position de double contrainte qui nĂ©cessitait « la rĂ©duction [
] du pouvoir du consortium 
et des compagnies [
] quoique ne pouvant pas, ce faisant, remettre, les relations 
Ă©trangĂšres et la sĂ©curitĂ© de l’Iran en cause Â»

5

Quelques mois plus tard, en mai 1973, le Shah, ayant dĂ©cidĂ© de ne pas attendre jusqu’en 

1979, renĂ©gocia les termes de l’accord de 1954 avec le consortium. À peine vingt ans aprĂšs 
son retour  sur le trĂŽne Ă  la suite au coup d’état orchestrĂ© par la CIA pour annuler la 
nationalisation pĂ©troliĂšre de Mossadegh, le Shah lui-mĂȘme adopta une position qui n’est 
guĂšre autre qu’une nationalisation 

de facto 

de l’industrie pĂ©troliĂšre iranienne

6

Il est vrai 

que le contexte stratĂ©gique Ă©tait diffĂ©rent. La dĂ©cision contre Mossadegh avait Ă©tĂ© prise 
dans une pĂ©riode d’affaiblissement de l’hĂ©gĂ©monie britannique aprĂšs la Seconde Guerre 
mondiale. Les États-Unis avaient alors vite assumĂ© le rĂŽle du Royaume-Uni dans la rĂ©gion 
et leur « prix Â» avait Ă©tĂ© 40 % de la moitiĂ© des bĂ©nĂ©fices de l’industrie pĂ©troliĂšre iranienne. 
En 1973, les États-Unis Ă  leur tour donnent l’impression d’une perte de puissance 
hĂ©gĂ©monique. La superpuissance est en train de perdre une guerre difficile au ViĂȘt-nam. Sa 

                      

 

1

 

Les pays producteurs et les grandes firmes pĂ©troliĂšres s’étaient accordĂ©s pour le maintien du 

partage Ă©gal des profits (50-50) lors de la ConfĂ©rence de TĂ©hĂ©ran de 1971, basĂ©e sur la promesse 

des pays producteurs de ne pas augmenter les prix au-delĂ  de 2,5 % par an. Mais la dĂ©valuation 

du dollar par Nixon en 1972 a 

de facto

 annulĂ© la valeur rĂ©elle de l’augmentation des profits pour 

les pays producteurs et l’accord de TĂ©hĂ©ran n’a pas pu durer longtemps. Les grandes firmes, les 

« sept sƓurs Â», contrĂŽlaient Ă  l’époque 90% de la production du Moyen-Orient. La guerre israĂ©lo-

arabe de 1973 et l'incertitude qu'elle a dĂ©clenchĂ©e sur le marchĂ© pĂ©trolier avaient fourni 

l’occasion aux pays-membres de l’OPEP d’augmenter les prix. 

2

 

Faisant allusion aux accords de partage 50-50 passĂ©s avec le consortium pĂ©trolier en 1954. Ces 

accords qui avaient une durĂ©e de 25 ans devaient arriver Ă  leurs fins lĂ©gales en 1979. 

3

 

Alam, Asdollah, 

The Shah and I: The Confidential Diary of Iran’s Royal Court

, St. Martin’s Press, NY, 

1992, p. 276. 

4

 

Yergin, Daniel, 

The Prize: The Epic Quest for Oil, Money and Power

, Simon & Schuster, NY, 1992. 

5

 

Ibid., p. 501. 

6

 

Mis Ă  part certains aspects de commercialisation internationale et d’assistance technique, qu’il a 

laissĂ©s pour le consortium. 

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82 

position vis-Ă -vis de l’Union soviĂ©tique semble compromise. Les mouvements socialistes 
ont le vent en poupe dans la plupart des pays occidentaux. Une bonne majoritĂ© des pays en 
voie de dĂ©veloppement tisse des liens forts avec l’Union soviĂ©tique. Par ailleurs, la sociĂ©tĂ© 
civile amĂ©ricaine devient trĂšs critique vis-Ă -vis des actions de son gouvernement Ă  
l’étranger et les mouvements pacifistes sont en action. Le gouvernement amĂ©ricain est 
obligé de réduire son engagement militaire direct à travers le monde, y compris au Moyen-
Orient. Ainsi il donne carte blanche Ă  l’Iran pour acquĂ©rir autant d’armes sophistiquĂ©es 
qu’il souhaite auprĂšs des États-Unis pour lui sous-traiter le rĂŽle de puissance hĂ©gĂ©monique 
rĂ©gionale. C’est un rĂŽle que le Shah dĂ©sirait depuis longtemps, un rĂŽle pour lequel il voulait 
aussi une contrepartie Ă©conomique : la maĂźtrise de ses propres ressources pĂ©troliĂšres. 

Selon les nouveaux termes imposĂ©s unilatĂ©ralement par le Shah en mai 1973, l’Iran 

contrĂŽlait toutes ses infrastructures et  installations pĂ©troliĂšres ainsi que les rĂ©serves de 
pétrole et de gaz

1

. Les firmes internationales n’avaient plus qu’une position de fournisseur 

d’assistance technique et administrative, et la commercialisation de 2,5 millions de barils 
par jour de production

2

. Dans leur position de faiblesse relative, les États-Unis acceptĂšrent 

pour leurs multinationales  la perte des profits du pĂ©trole iranien, d’autant plus que leur 
contrat de vingt-cinq ans allait arriver Ă  terme en 1978-79. Mais une augmentation des prix 
par l’OPEP, telle qu’on l’attendait, allait ĂȘtre impossible Ă  absorber par leur Ă©conomie 
comme celle de beaucoup d’autres pays industrialisĂ©s. Ainsi, la seule demande de Kissinger 
et Nixon au Shah en juillet 1973 Ă©tait « d’adopter une position au sein de l’OPEP contre 
l’augmentation des prix Â»

3

. Si on se rĂ©fĂšre aux deux graphiques ci-dessous, l’enjeu de cette 

dĂ©cision devient Ă©vident. Le Shah dĂ©cidera de jouer le tout pour tout. 

La guerre israĂ©lo-arabe d’octobre 1973 et la victoire Ă©crasante d’IsraĂ«l laisseront les 

diffĂ©rents membres de l’OPEP indiffĂ©rents aux demandes de Nixon et Kissinger et 
fourniront l’impulsion nĂ©cessaire pour l’action collective des pays-membres. Le Shah ainsi 
que les autres producteurs de l’OPEP opteront pour la guerre Ă©conomique avec l’Occident. 
Deux mois plus tard, l’augmentation des prix de brut sera dĂ©cidĂ©e dans le cadre de l’accord 

                      

 

1

 

Amouzegar, Jahangir, 

Iran’s Economy under the Islamic Republic, 

I. B. Tauris & Co., Londres, 1993, 

p. 61. 

2

 

Entretien en 1993 avec un ancien haut fonctionnaire de DĂ©partement d’État amĂ©ricain, 

actuellement consultant dans l’industrie pĂ©troliĂšre aux États-Unis. 

3

 

The Eagle and the Lion,

 p. 204. 

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83 

de TĂ©hĂ©ran de dĂ©cembre 1973. Mais cette Â« augmentation Â» apparente n’est en vĂ©ritĂ© 
qu’une correction d’une longue baisse des prix rĂ©els. En effet, depuis son retour au pouvoir 
en 1953, le Shah avait acceptĂ© des prix qui, en termes courants, semblaient stables, 
approximativement 1,8 dollar par baril. Mais en termes constants (1973 = 100) l’Iran, ainsi 
que tous les pays exportateurs de pĂ©trole, avait accusĂ© une baisse de revenu et de pouvoir 
d’achat importante : 

 

 

 

 

 

 

Une des consĂ©quences immĂ©diates de cette correction  fut le surcroĂźt des revenus 

d’exportations pĂ©troliĂšres pour le gouvernement iranien : une augmentation de 
4,6 milliards de dollars entre 1973 et 1974, ce qui reprĂ©sentait une hausse de 65 % par 
rapport aux revenus de l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente. L’Iran, libre de ses engagements avec les 
multinationales pĂ©troliĂšres, put prendre, finalement le contrĂŽle de son industrie et de ses 
revenus pĂ©troliers. En coalition avec d’autres producteurs pĂ©troliers de l’OPEP, il put 
quadrupler les prix mondiaux de pĂ©trole. Il s’agit d’un cas de pays pĂ©riphĂ©rique qui ne 
satisfaisait plus les postulats de la 

dependencia

 dans ses relations avec le centre, une situation 

qui ne durera, comme l’histoire nous le montrera, pas trĂšs longtemps. 

Les revenus pĂ©troliers de l’Iran ont augmentĂ© de nouveau de 17,8 milliards de dollars en 

1974-75, ce qui reprĂ©sente une hausse de 300 % sur deux ans. Cet accroissement rapide a 
permis une forte augmentation du budget du gouvernement et des dĂ©penses, ainsi que des 
crédits massifs au secteur public

1

. La nĂ©cessitĂ© de trouver des moyens d’absorber le 

surcroĂźt des revenus pĂ©troliers s’avĂ©rait indispensable. L’économie du pays n’était pas Ă  un 
niveau de dĂ©veloppement suffisant pour s’ajuster immĂ©diatement Ă  cette augmentation de 
revenus. DĂ©sireux de moderniser le pays et de renforcer son prestige et son influence Ă  

                      

 

1

 

Amouzegar, Jahangir, 

Iran’s Economy under the Islamic Republic, 

I. B. Tauris & Co., Londres, 1993, p. 7. 

Prix de brute en termes courants (1953-1970)

0

0.5

1

1.5

2

2.5

3

1952

1955

1958

1961

1964

1967

1970

$ par baril

Prix du brut en termes courants (1953-1970)

Prix de brute en termes constants (1973=100) 

1942-1973

70

80

90

100

110

120

130

140

150

160

170

1938

1943

1948

1953

1958

1963

1968

1973

Index

Prix du brut en termes constants : 1942-1973

(1973=100)

Source

 : 

American Petroleum Institute, 

Basic Petroleum Data Book

, Volume XXI, no. 2, aoĂ»t 2001. 

background image

 

84 

l’extĂ©rieur, mais aussi pour Ă©viter, autant que possible l’inflation, le  Shah augmenta en 
consĂ©quence le budget du dĂ©veloppement

1

.  

Aussi, Ă  de tels niveaux de prix, le pĂ©trole Ă©tait-il considĂ©rĂ© comme une ressource 

beaucoup trop prĂ©cieuse pour ĂȘtre brĂ»lĂ©e en vue de la production d’électricitĂ© Ă  usage 
intĂ©rieur. Garder cette ressource limitĂ©e pour l’exportation et pour la transformation en 
produits pĂ©trochimiques Ă©tait donc nĂ©cessaire. Une suite logique pour un pays 
pĂ©riphĂ©rique dans une position de dĂ©pendance Ă©tait d’essayer de diversifier ses sources de 
revenu, pour sortir le pays de la position dangereuse de dĂ©pendance d’une source unique 
d’exportation. Les marges des produits transformĂ©s Ă©tant beaucoup plus importantes, le 
Shah, dĂ©sormais maĂźtre de ses ressources pĂ©troliĂšres, cherchait non seulement Ă  maximiser 
la crĂ©ation  de valeur par celles-ci, mais aussi Ă  garder les bĂ©nĂ©fices Ă  l’intĂ©rieur du pays 
pour financer le dĂ©veloppement d’autres segments de l’économie. Dans un dĂ©cret impĂ©rial 
en aoĂ»t 1974 le Shah dĂ©clarait : 

« Le pĂ©trole que nous appelons “le produit noble” sera Ă©puisĂ© un jour. C’est 

dommage d’utiliser ce produit noble pour la production d’énergie, pour faire 
fonctionner les usines, Ă©clairer les maisons. Presque 7 000 produits peuvent ĂȘtre dĂ©rivĂ©s 
du pĂ©trole. Nous planifions de produire, dĂšs que possible, 23 000 MW de l’électricitĂ© en 
utilisant des centrales nuclĂ©aires. En conjonction avec notre Ă©nergie hydroĂ©lectrique, ceci 
nous donnera un stock par habitant parmi les plus Ă©levĂ©s du monde. Â»

2

 

Comme le dĂ©crivent Étemad et Manzoor

3

, il y avait trois autres justifications en faveur 

d’une utilisation Ă  grande Ă©chelle de l’énergie nuclĂ©aire : premiĂšrement, l’énergie nuclĂ©aire 
Ă©tait considĂ©rĂ©e comme la meilleure alternative Ă  long terme, car les sources d’eau Ă©taient 
d’une capacitĂ© trop faible pour un programme hydroĂ©lectrique significatif et les techno-
logies de fusion et d’énergie solaire n’étaient pas utilisables avant la fin du siĂšcle. 
DeuxiĂšmement, l’énergie nuclĂ©aire nĂ©cessitait des investissements importants que l’Iran 
pouvait maintenant se permettre. TroisiĂšmement, les prĂ©visions Ă  long terme avaient 
montrĂ© un coĂ»t de fonctionnement des centrales Ă©lectriques en augmentation constante, ce 

                      

 

1

 

Desprairies, Pierre, « Pour un compromis historique OPEP-Occident Â», 

Arabies, 

fĂ©vrier 1989, p. 39-

41. 

2

 

Keyhan International

, 3 aoĂ»t 1974, p. 4. 

3

 

Étemad, A. et Manzoor, C., « Le programme Ă©lectronuclĂ©aire de l’Iran Â», 

Annales des Mines

, mai-

juin 1978. 

background image

 

 

85 

qui mettait l’énergie nuclĂ©aire dans une position Ă©conomique favorable

1

. De plus, la 

maĂźtrise de la technologie nuclĂ©aire Ă  l’échelle industrielle pouvait gĂ©nĂ©rer des retombĂ©es 
(

spillovers

) positives pour d’autres secteurs de l’industrie, tels que la mĂ©tallurgie, l’industrie 

chimique, mĂ©dicale, et d’autres. 

Avec les taux de croissance rĂ©cents de l’économie iranienne les besoins Ă©nergĂ©tiques 

augmentaient proportionnellement. Les prĂ©visions de l’époque prĂ©voyaient un doublement 
de la population en vingt Ă  trente ans. Celles-ci annonçaient aussi un Ă©puisement des 
ressources pĂ©troliĂšres ne permettant pas la mĂȘme intensitĂ© d’exportation au vers la fin du 
siĂšcle. Les investissements Ă©nergĂ©tiques sont de nature lourde : ils nĂ©cessitent des 
engagements Ă  long terme. Le gouvernement avait donc prĂ©vu que l’énergie nuclĂ©aire 
fournirait 25 % des besoins du pays, le reste Ă©tant apportĂ© par le gaz naturel et les 
ressources hydrauliques. 

Avant le lancement de l’OEAI en 1974, le Shah avait dĂ©fini pour objectif une puissance 

de 23 000 MW alimentĂ©s par l’énergie nuclĂ©aire pour le milieu des annĂ©es 90, l’équivalent 
de 25 % des besoins du pays

2

, ceci dans un contexte oĂč une bonne majoritĂ© des villages ne 

disposait toujours pas d’électricitĂ©, et oĂč il y avait mĂȘme des pĂ©nuries pour la 
consommation d’électricitĂ© des grandes villes. Les coupures d’électricitĂ© Ă©taient frĂ©quentes 
Ă  TĂ©hĂ©ran. À l’étranger, dans d’autres pays en voie de dĂ©veloppement comme l’Inde et les 
Philippines, les Ă©tudes avaient montrĂ© que la pĂ©nurie de l’électricitĂ© coĂ»tait 2 Ă  3 milliards 
de dollars par an au pays

3

. Cette comparaison, ce 

benchmark

,

 

donne une idĂ©e de ce que 

l’enjeu Ă©nergĂ©tique reprĂ©sentait pour l’Iran de l’époque. Pour un pays riche en pĂ©trole et 
gaz, ce type de pĂ©nurie d’électricitĂ© Ă©tait le symptĂŽme d’une mauvaise prĂ©vision, 
d’investissements inadaptĂ©s et d’une gestion Ă©nergĂ©tique mĂ©diocre. 

Dans un autre ordre de comparaison, dans les pays industriels avancĂ©s, la capacitĂ© de 

gĂ©nĂ©ration d’électricitĂ© est d’environ 2 MW par tĂȘte d’habitant. Au milieu des annĂ©es 1970 
elle Ă©tait de 0,2 MW par tĂȘte en Iran. Une nation qui avait des ambitions industrielles 
importantes devait prendre des mesures pour rattraper ce retard. Sur un horizon de vingt 

                      

 

1

 

Ibid., p. 213-214. 

2

 

Afkhami, Gholamreza, ed., 

Barnameyeh Energieh Atomieh Iran : Talaash Ha va Tanesh Ha

 (

Iran’s atomic 

energy program : mission, structure politics

),

 

Foundation for Iranian Studies, MD, 1997, p. 87. 

3

 

Ibid., p. 91. 

background image

 

86 

ans, ceci se traduit par une augmentation de la capacitĂ© de production d’électricitĂ© 
d’environ 50 000 MW. Si les centrales nuclĂ©aires avaient pu entrer en service comme prĂ©vu 
en 1981, elles n’auraient pu fournir que 12 000 MW de ce besoin. Et si la contribution du 
gaz et de l’énergie hydraulique Ă  la production Ă©nergĂ©tique globale avait progressĂ© Ă  la 
mĂȘme Ă©chelle, le pays aurait toujours manquĂ© de l’électricitĂ© nĂ©cessaire pour son 
dĂ©veloppement industriel. Les recettes de cette industrie, chiffrĂ©es avec le prix de vente du 
KWh de l’époque, auraient Ă©tĂ© de 400 millions de dollars par an, avec une prĂ©vision de 
5 milliards de dollars en 1990

1

. Si les pertes de croissance Ă©conomique de quelques 

milliards de dollars dues aux pĂ©nuries d’électricitĂ© s’ajoutaient Ă  ces chiffres, ces 
investissements auraient pu ĂȘtre vite rentabilisĂ©s. 

Symboliquement et politiquement, mĂȘme si l’Iran avait formellement choisi de ne pas 

suivre la voie de l’utilisation militaire de la technologie nuclĂ©aire, une industrie et le savoir-
faire nuclĂ©aire auraient pu lui fournir une image de force symbolique, qui 

de facto

 aurait 

amĂ©liorĂ© la perception de son positionnement stratĂ©gique et rĂ©duit les dĂ©penses militaires 
pour les armes conventionnelles

2

. Il s’agit lĂ  d’un autre trait de pays pĂ©riphĂ©rique tel que 

dĂ©fini par l’école de 

dependencia

, la dĂ©pendance vis-Ă -vis des armements Ă©trangers pour 

maintenir la position d’équilibre fragile dans la rĂ©gion et vis-Ă -vis des voisins. 

Aussi, pour rappeler la suite des Ă©volutions pĂ©troliĂšres jusqu'Ă  la RĂ©volution, indiquons 

que la position de force des pays producteurs ne durera pas longtemps. La manipulation 
d’une des structures de pouvoir, telle que dĂ©finie par S. Strange

3

, la structure 

internationale de la finance, par les États-Unis, par le biais de la dĂ©valuation du dollar entre 
1974 et 1978, et l’inflation, vont quasiment annuler l’effet de l’augmentation des prix

4

 avec 

des consĂ©quences dĂ©sastreuses pour l’économie iranienne. 

                      

 

1

 

Barnameyeh Energieh Atomieh Iran

, p. 99-100. 

2

 

Ces Ă©lĂ©ments seront dĂ©veloppĂ©s plus en dĂ©tail dans la section suivante. 

3

 

Voir 

States and Markets

4

 

States and Markets

, p. 198. 

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87 

 

Evolution des Prix réels et nominaux (1973-1979)

$US par baril (base 1973=100) 

 

 

 (Source: OPEP)

0

2

4

6

8

10

 

12

 

14

 

16

 

18

 

20

 

1972

1973

 

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

Nominal

 

 

En 1973, l’Union soviĂ©tique fut aussi obligĂ©e d’accepter l’augmentation du prix du gaz 

fourni par l’Iran Ă  travers le 

pipeline

. L’Union soviĂ©tique avait elle-mĂȘme demandĂ©, dans les 

annĂ©es 60, quand l’accord sur le troc d’aciĂ©rie contre gaz fut signĂ©, d’indexer le prix du gaz 
sur celui du pétrole, étant persuadée que la baisse de prix du pétrole en termes réels conti-
nuerait. Les accords de TĂ©hĂ©ran de 1971 avaient augmentĂ© le prix du pĂ©trole de 30 % ; ainsi 
l’Union soviĂ©tique fut-elle obligĂ©e d’accepter en aoĂ»t 1973 une augmentation de 35 % pour 
le prix du gaz

1

. Avec les augmentations des prix pĂ©troliers de la fin 1973, l’Iran pensait qu’il 

serait nĂ©cessaire d’augmenter les prix du gaz pour l’Union soviĂ©tique, particuliĂšrement car 
ce dernier vendait son propre gaz au nouveau des prix mondiaux Ă  des pays de l’Europe de 
l’Est et à l’Autriche

2

. La rĂ©ponse soviĂ©tique positive a Ă©tĂ© longue Ă  venir et prendra la forme 

d’une critique vive en 1974, Ă  laquelle l’Iran rĂ©pondra que « l’époque de l’exploitation de 
l’Iran par l’Ouest et l’Est Ă©tait terminĂ©e. Â» Les nĂ©gociations Ă  Moscou en juin ne donnent 
aucun rĂ©sultat, mais en juillet, l’Iran affiche un prix conciliatoire de 61,93 cents par 
1 000 pieds cubiques. 

Aussi, mĂȘme si la suite des Ă©vĂ©nements nous Ă©loignera des raisons de base de 

l’introduction de l’industrie de l’énergie nuclĂ©aire en Iran, rappelons que les compagnies 
pĂ©troliĂšres vont violer les termes des accords de 1973 dĂšs que leur position de force le leur 
permettra. En 1975 et 1976 les compagnies vont commercialiser seulement 1,5 millions de 
barils par jour de pĂ©trole iranien : moins que prĂ©vu par l’accord de 1973. Ceci diminuera 
les revenus annuels de l’Iran de 2,5 milliards de dollars. L’Iran essayera de rattraper la 
baisse de 12,7 % des ventes en exportant du pĂ©trole directement Ă  l’étranger, mais ceci 
n’augmentera les ventes directes que de 4,3 % en 1975-76. 

                      

 

1

 

Iran’s Foreign Relations

, p. 13. 

2

 

$1,04 par 1000ft

3

 d’aprĂšs le 

London Times

 citĂ© dans Ibid. 

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88 

La nuclĂ©arisation du Moyen-Orient :  
l’industrie nuclĂ©aire comme symbole 

Comme nous l’avons vu, l’intĂ©rĂȘt des États-Unis pour l’Iran se rĂ©duisait Ă  trois fonctions 

importantes : freiner l’expansion de l’Union soviĂ©tique, absorber suffisamment d’armes 
pour jouer le rĂŽle de client pour l’industrie d’armement amĂ©ricaine et celle de son agent 
dans la rĂ©gion, et enfin, maintenir une production et des prix stables de pĂ©trole, ce qui 
fournissait un 

input 

bon marchĂ© pour Ă  la fois garantir la stabilitĂ© de l’économie occidentale 

et les bĂ©nĂ©fices des multinationales pĂ©troliĂšres. Nous avons aussi dĂ©montrĂ© qu’avec 
l’amĂ©lioration de son positionnement stratĂ©gique vis-Ă -vis des États-Unis, le Shah avait 
essayĂ© d’obtenir les termes d’un Ă©change plus favorables dans cette Ă©quation. Ceci avait 
suscitĂ© une certaine pression sur les relations entre les deux pays. Avec l’annulation 
unilatĂ©rale prĂ©maturĂ©e des contrats pĂ©troliers, cette tension s’est renforcĂ©e. La participation 
de l’Iran dans la dĂ©cision d’augmentation des prix pĂ©troliers de 1974 a dĂ» ĂȘtre le signal 
pour les États-Unis que son client « alliĂ© Â» d’antan n’est plus un « alliĂ© Â» inconditionnel. Les 
rĂ©ponses des États-Unis ont Ă©tĂ© d’abord d’ordre financier, manipulation du dollar pour 
faciliter l’absorption de coĂ»t supplĂ©mentaire de pĂ©trole, puis d’ordre stratĂ©gique en 
favorisant la baisse de consommation, en mĂȘme temps que les dĂ©veloppements des sources 
alternatives de production pĂ©troliĂšre et des conditions d’un marchĂ© international qui soient 
de nouveau favorable aux multinationales. 

Au vu des dĂ©veloppements prĂ©cĂ©dents, il nous apparaĂźt aussi que le contrĂŽle du secteur 

nuclĂ©aire avait aussi Ă©chappĂ© aux États-Unis en 1974 en raison de l’entrĂ©e des pays 
europĂ©ens sur le marchĂ© du rĂ©acteur, et celle de l’Union soviĂ©tique sur le marchĂ© 
international de l’enrichissement commercial. En outre, si l’accĂšs aux armes nuclĂ©aires 
d’IsraĂ«l en 1973 n’avait pas Ă©tĂ© une source d’inquiĂ©tude pour les États-Unis, cela avait Ă©tĂ© le 
cas de celui de l’Inde en 1974. La rĂ©ponse des États-Unis dans ce secteur sera de mettre fin 
Ă  tout nouvel Ă©change international dans ce domaine. L’Iran prĂ©voyait ce changement et 
ressentait la nĂ©cessitĂ© de rĂ©aliser son industrie rapidement. Aussi la nuclĂ©arisation de l’Inde 
et d’IsraĂ«l diminuait l’

aura

 symbolique de la puissance militaire de l’Iran. Avec l’incertitude 

du futur, il fallait au moins possĂ©der une industrie civile, Ă  la fois pour les nĂ©cessitĂ©s 

background image

 

 

89 

commerciales et pour des raisons symboliques, et Ă©galement pour se doter de savoirs et 
d’expĂ©riences dans ce domaine afin d’opter pour les orientations convenables dans le futur. 

L’Iran de 1974 Ă©tait alors affectĂ© par une sĂ©rie de changements des politiques 

amĂ©ricaines. Certaines de ces politiques, telle l’arrĂȘt de la coopĂ©ration internationale dans le 
domaine nuclĂ©aire, ne visaient pas l’Iran spĂ©cifiquement mais l’affectaient tout de mĂȘme. 
D’autres, comme lier la vente d’armes aux droits de l’homme en Iran, Ă©taient ciblĂ©es et 
visaient Ă  mettre la pression sur un ancien client docile qui avait pris les ailes de 
l’indĂ©pendance. Dans l’attente de son propre dĂ©veloppement nuclĂ©aire, l’une des options 
disponibles pour l’Iran, pour sortir de sa posture de faiblesse nuclĂ©aire dans la rĂ©gion, Ă©tait 
d’utiliser les voix diplomatiques bi- et multilatĂ©rales pour « dĂ©nuclĂ©ariser Â» la rĂ©gion. Une 
rĂ©gion dĂ©pourvue des armes nuclĂ©aires garantissait sa position de force. 

L’échec de l’ONU pour dĂ©nuclĂ©ariser la rĂ©gion 

Un des facteurs d’explication de la hĂąte du Shah pour la rĂ©alisation d’une industrie 

d’énergie nuclĂ©aire Ă©tait donc la « nuclĂ©arisation Â» du Moyen-Orient. Il voulait Ă©tablir l’Iran 
comme superpuissance rĂ©gionale et avait fait acquisition de suffisamment d’armes 
conventionnelles pour mettre en pratique cette stratĂ©gie. Le dĂ©part des forces britanniques 
du golfe Persique en 1971 lui avait fourni l’occasion attendue. Le contexte semblait 
d’autant plus propice que la Doctrine Nixon-Kissinger prĂ©voyait une diminution des 
engagements globaux des États-Unis. Cette doctrine prĂ©conisait un engagement direct plus 
sĂ©lectif des forces amĂ©ricaines Ă  l’étranger et une dĂ©lĂ©gation croissante du maintien de la 
sĂ©curitĂ© par les Â« centres rĂ©gionaux du pouvoir Â» qui pouvaient assurer la stabilitĂ© 
internationale. 

D’aprĂšs les thĂ©oriciens gĂ©opolitiques

1

, le coĂ»t des activitĂ©s militaires augmente avec la 

distance et les difficultĂ©s logistiques. Les forces militaires des États-Unis Ă©taient Ă  l’époque 
dans une position trop Ă©tirĂ©e, surtout Ă  cause de la position de faiblesse et de l’usure dans la 
guerre du ViĂȘt-nam. Au dĂ©but des annĂ©es 1970, les États-Unis avaient 500 000 soldats au 
ViĂȘt-nam et rien qu’en 1969, ils en avaient perdu 19 000

1

. O’Sullivan maintient que « les 

États “patrons” peuvent ĂȘtre  entrainĂ©s dans les controverses gĂ©opolitiques  du fait de la 

                      

 

1

 

Voir O’Sullivan, Patrick, 

Geopolitics

, St. Martin’s Press, NY, 1986. 

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90 

vulnĂ©rabilitĂ© de leurs États clients. Dans de telles situations, les États patrons sont aspirĂ©s 
dans les conflits gĂ©opolitiques en dĂ©pit de leurs avantages gĂ©opolitiques dus Ă  la distance Â»

2

Dans une position de faiblesse vis-Ă -vis de l’Union soviĂ©tique au ViĂȘt-nam, les États-Unis ne 
pouvaient pas non plus se permettre d’intervenir pour protĂ©ger l’Iran contre une Ă©ventuelle 
invasion soviĂ©tique. La Doctrine Nixon-Kissinger comprenait aussi un transfert croissant 
d’armes conventionnelles vers ces « centres rĂ©gionaux du pouvoir Â», pour les empĂȘcher de 
recourir aux armes nuclĂ©aires.  

Or, les armes nuclĂ©aires avaient dĂ©jĂ  fait leur apparition dans la rĂ©gion : IsraĂ«l avait 

montĂ© treize armes nuclĂ©aires pendant la guerre d’Octobre 1973

3

 ; la CIA a estimĂ© en 1976 

qu’IsraĂ«l possĂ©dait entre dix et vingt armes nuclĂ©aires prĂȘtes Ă  ĂȘtre utilisĂ©es

4

, et d’autres 

sources estiment le nombre d’ogives nuclĂ©aires israĂ©liennes Ă  plus de 200 aujourd’hui

1

 ; 

l’Inde venait de signaler sa capacitĂ© nuclĂ©aire militaire avec son explosion de 1974. La 
crĂ©ation de l’Organisation de l’Énergie Atomique d’Iran (OEAI) a eu lieu seulement deux 
mois aprĂšs l’essai nuclĂ©aire indien du 18 mai 1974. Ceci laisserait  penser que les deux 
Ă©vĂ©nements pouvaient ĂȘtre liĂ©s. L’Inde avait poursuivi la voie civile pour arriver Ă  son arme 
nuclĂ©aire, ce qui n’était pas l’intention de l’Iran, mais les dĂ©veloppements israĂ©liens et 
indiens Ă©taient tout de mĂȘme des  sujets d’inquiĂ©tude. L’Iran, conscient de la signification 
de l’arsenal nuclĂ©aire d’IsraĂ«l depuis la guerre israĂ©lo-arabe d’octobre 1973, Ă©tait le premier 
État au Moyen-Orient Ă  plaider pour la dĂ©nuclĂ©arisation de la rĂ©gion. Cette position a Ă©tĂ© 
rĂ©itĂ©rĂ©e par la RĂ©publique islamique. La dĂ©nuclĂ©arisation nĂ©cessitait le dĂ©sarmement 
nuclĂ©aire d’IsraĂ«l, et l’engagement d’autres pays de ne pas rĂ©introduire les armes nuclĂ©aires 
dans la rĂ©gion. Le raisonnement du Shah Ă©tait que, comme ses forces armĂ©es Ă©taient 
suffisamment fortes pour imposer une retenue Ă  ses voisins, le pays n’avait pas besoin de 
lancer un programme de dĂ©veloppement d’armes nuclĂ©aires.  

« Ceci serait non seulement immature et coĂ»teux, mais pourrait aussi avoir un effet 

indĂ©sirable sur notre programme nuclĂ©aire civil. Car cela compliquera le transfert de 
technologie nuclĂ©aire dont nous avons besoin [
] Le seul facteur qui pourrait changer 

                                                                    

 

1

 

SIPRI, informations disponibles sur le site web, 2004. 

2

 

Ibid., p. 5. 

3

 

Karem, Mahmoud, 

A Nuclear Weapon-Free Zone in the Middle East: Problems and Prospects

,

 

Greenwood 

Press, NY, 1988, p. 93. 

4

 

New York Times,

 16 mars 1976. 

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91 

notre position dramatiquement serait l’acquisition des armes nuclĂ©aires par l’un des 
pays de la rĂ©gion. Si cela Ă©tait le cas, nous serions obligĂ©s  d’élaborer une nouvelle 
politique de dĂ©fense en consĂ©quence [
] Nous ne ferons pas de compromis sur notre 
sĂ©curitĂ© qui peut ĂȘtre garantie seulement par la suprĂ©matie militaire dans la rĂ©gion. Â»

2

 

Ce qui est Ă©tonnant, c’est qu’à cette date, non prĂ©cisĂ©e dans le compte rendu 

d’A. Ă‰temad, mais qui est nĂ©cessairement aprĂšs 1974, le Shah ne considĂ©rait pas les 
dĂ©veloppements israĂ©liens et indiens comme « l’acquisition d’armes nuclĂ©aires par l’un des 
acteurs de la rĂ©gion Â». En tout cas, le Shah opte clairement pour le dĂ©veloppement de 
l’industrie nuclĂ©aire civile et essaie en mĂȘme temps d’utiliser les voies diplomatiques pour 
essayer de faire marche arriĂšre sur la nuclĂ©arisation de la rĂ©gion. 

DĂšs juillet 1974, en mĂȘme temps que la crĂ©ation de l’OEAI, l’Iran commence Ă  

activement soutenir Ă  l’ONU l’option d’une zone dĂ©nuclĂ©arisĂ©e au Moyen-Orient. Ce sujet, 
au titre de Â« l’Établissement d’une Zone Non NuclĂ©aire dans la RĂ©gion du Moyen-
Orient Â»

3

, a fait partie de l’agenda de l’AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de l’ONU Ă  la vingt-neuviĂšme 

session. L’Iran a dispatchĂ© un mĂ©morandum explicatif, le 15 juillet 1974, dans lequel trois 
points ont Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©s : 

« 1. L’établissement d’une telle zone au Moyen-Orient Ă©tait devenu une nĂ©cessitĂ© 

urgente, Ă  cause de l’accĂšs des États Ă  la technologie nuclĂ©aire. 

2. L’AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale Ă©tait l’organe adaptĂ© pour la discussion d’une telle 

proposition. 

3. Ă€ cause de l’ambiguĂŻtĂ© gĂ©ographique dans la dĂ©signation de cette rĂ©gion, la 

dĂ©signation de la zone doit ĂȘtre laissĂ©e Ă  l’AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale. Â»

4

 

Huit jours plus tard,  aprĂšs des nĂ©gociations intenses, l’Iran convainc l’Égypte de co-

sponsoriser son initiative Ă  l’ONU. Ces nĂ©gociations ont donnĂ© lieu Ă  un accord bilatĂ©ral 
entre les deux pays, et l’intitulĂ© prĂ©cĂ©dent se transforme de « Ă‰tablissement d’une Zone 

                                                                    

 

1

 

Voir les nombreuses publications de Marcel Duval citĂ©es en bibliographie. 

2

 

Le Shah, citĂ© par A. Étemad, minutes d’un entretien accordĂ© en aoĂ»t 2001 Ă  M. Johnsen. Il est 

difficile de « tester Â» ces hypothĂšses avec les dĂ©cideurs militaires iraniens de l’époque. La quasi-

totalitĂ© des acteurs importants ont Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©s pendant la rĂ©volution de 1979. Puis, dans la 

plupart des dĂ©cisions importantes telles que celle-ci, le Shah semble ĂȘtre le seul qui les prenait. 

3

 

Establishment of a Nuclear Free Zone in the Region of the Middle East.

 

4

 

Karem, Mahmoud, 

A Nuclear Weapon-Free Zone in the Middle East: Problems and Prospects

, Greenwood 

Press, NY, 1988, p. 92. 

background image

 

92 

DĂ©nuclĂ©arisĂ©e Â» en « Ă‰tablissement d’une Zone Libre des Armes NuclĂ©aires

1

. Â» Les deux 

pays Ă©taient d’accord sur le principe que leur initiative devait se limiter au danger des 
armes nuclĂ©aires sans pour autant les empĂȘcher de bĂ©nĂ©ficier de l’énergie nuclĂ©aire pour 
les utilisations pacifiques. Ils avaient tous les deux lancĂ© des programmes ambitieux 
d’énergie nuclĂ©aire, avec la diffĂ©rence que l’Égypte n’avait pas encore Ă  cette Ă©poque ratifiĂ©e 
le TNP. Le texte de l’accord prĂ©voyait « pour les parties concernĂ©es de proclamer leur 
intention de s'abstenir, sur une base de rĂ©ciprocitĂ©, de produire, obtenir, acquĂ©rir, ou 
possĂ©der des armes nuclĂ©aires [
] et d’accĂ©der au TNP [
] Â»

2

.  

Le Shah envoie un mĂ©morandum au SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l’ONU, le 17 septembre 

1974, pour clarifier sa position : 

« L’énergie atomique reprĂ©sente Ă  la fois les meilleures espĂ©rances de l’homme pour 

sa survie et ses plus fortes craintes d’annihilation. Si les gĂ©nĂ©rations Ă  venir viennent Ă  
bĂ©nĂ©ficier des fruits de cette technologie, sans subir ses fardeaux, si nous voulons ouvrir 
les voies de la paix, nous devons ĂȘtre aussi courageux et imaginatifs pour freiner la 
dissĂ©mination des armes nuclĂ©aires, que nous l’avons Ă©tĂ© dans leur crĂ©ation [
] Dans le 
contexte politique de notre rĂ©gion ceci pourrait s’entendre plus que comme le simple 
engagement d’adversaires dans une course absurde Ă  l’armement. Â» 

Dans cette mĂȘme lettre il aborde les conditions gouvernant la prolifĂ©ration de la 

technologie nuclĂ©aire et appelle Ă  plus d’attention pour empĂȘcher le retraitement des 
matĂ©riaux fissiles et une dissĂ©mination plus large du savoir-faire nuclĂ©aire qui faciliterait 
l’acquisition des armes nuclĂ©aires. 

L’émergence d’un climat de comprĂ©hension entre l’Iran et l’Égypte Ă  l’issue de la guerre 

israĂ©lo-arabe de 1973 avait influencĂ© la position Ă©gyptienne, l’incitant Ă  soutenir cette 
option. L’hostilitĂ© entre les deux pays sous le rĂ©gime de Nasser s’était traduite en 
comprĂ©hension mutuelle sous Sadate, d’autant plus que les Égyptiens Ă©taient dĂ©sormais 
conscients de la force d’IsraĂ«l, surtout de sa force nuclĂ©aire. Pendant la guerre israĂ©lo-arabe 
de 1973, la rĂ©gion a Ă©tĂ© au bord d’un Ă©change nuclĂ©aire. IsraĂ«l avait gardĂ© l’alternative 
nuclĂ©aire comme une option de dernier ressort. Le 

Time

 a pu alors Ă©crire que treize armes 

                      

 

1

 

Epstein, William, 

The Last Chance: Nuclear Proliferation and Arms Control

,

 

Free Press, NY, 1976, p. 214. 

2

 

Ibid., p. 214. 

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93 

nuclĂ©aires avaient Ă©tĂ© montĂ©es par IsraĂ«l pendant la guerre d’Octobre 1973 et qu’elles y 
restaient toujours assemblées

1

. Les États-Unis et l’URSS avaient Ă©tĂ© engagĂ©s dans ce 

conflit : une des douzaines de rares occasions dans l’histoire oĂč les deux superpuissances 
ont dĂ©clenchĂ© l’alerte nuclĂ©aire et risquĂ© l’holocauste nuclĂ©aire. 

Cette guerre, entre deux parties tierces, s’insĂ©rait globalement dans le contexte de la 

confrontation Est-Ouest. Henry Kissinger aurait assurĂ© Anouar El Sadate, en novembre 
1973, que les États Unis ne tolĂ©reraient jamais la victoire des armes soviĂ©tiques sur des 
équipements américains

2

. Les États-Unis avaient mobilisĂ© l’ensemble de leurs forces 

militaires dans le monde. Richard Nixon n’a pas hĂ©sitĂ© Ă  faire savoir sa position : 

« Notre fourniture aĂ©rienne Ă  IsraĂ«l et l’alerte de nos forces, que j’avais commandĂ©e 

en 1973, en sachant que ceci pourrait entraĂźner un embargo pĂ©trolier arabe, dĂ©montre 
notre engagement Ă  la survie d’IsraĂ«l. Â»

3

 

Il avait envoyĂ© un tĂ©lĂ©gramme Ă  Sadate l’invitant Ă  « considĂ©rer les consĂ©quences pour 

votre pays, si deux superpuissances nuclĂ©aires devaient se battre sur votre sol Â»

4

.  Le dĂ©sir 

de l’Égypte d’acquĂ©rir la technologie nuclĂ©aire est expliquĂ© par la capacitĂ© nuclĂ©aire d’IsraĂ«l 
dans la plupart des documents nuclĂ©aires. Pour l’Iran de l’époque, IsraĂ«l n’aurait pas Ă©tĂ© 
une menace aussi importante que pour l’Égypte et que pour lui-mĂȘme sous la RĂ©publique 
islamique. MalgrĂ© la critique gĂ©nĂ©rale qu’il formulait concernant IsraĂ«l pour favoriser la 
cause arabe, le Shah maintenait des relations normales et amicales avec IsraĂ«l. Dans le 
passĂ©, il avait considĂ©rĂ© l’Égypte de Nasser comme une menace pour la stabilitĂ© rĂ©gionale, 
en raison de son soutien aux forces opposĂ©es au 

statu quo

 dans la rĂ©gion. Ses relations avec 

l’Égypte s’étaient beaucoup amĂ©liorĂ©es depuis l’arrivĂ© de Sadate. Mais TĂ©hĂ©ran craignait 
qu’un retour des Ă©lĂ©ments radicaux en Égypte puisse amener ce pays Ă  obtenir la capacitĂ© 
nuclĂ©aire militaire. Ceci n’était pas une menace immĂ©diate pour l’Iran mais plutĂŽt pour la 
stabilitĂ© du Moyen-Orient. Une action des militaires Ă©gyptiens contre IsraĂ«l aurait pu 
mobiliser les mouvements rĂ©volutionnaires arabes dans la rĂ©gion. 

                      

 

1

 

Nuclear Weapon-Free Zone in the Middle East

, p. 93. 

2

 

Ibid., « Sadat, In Search of Identity Â». 

3

 

Ibid., « Nixon 1980 Â», p. 93. 

4

 

Ibid. 

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94 

Pendant la trentiĂšme session de l’AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale en 1975, le BahreĂŻn, la Jordanie, le 

KoweĂŻt et la Tunisie ont soutenu l’initiative irano-Ă©gyptienne pour la crĂ©ation d’une zone 
libre d’armes nuclĂ©aires au Moyen-Orient. Lors de la trente-et-uniĂšme session en 1976, la 
mĂȘme rĂ©solution a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e par l’Égypte, l’Iran, et le KoweĂŻt, co-sponsorisĂ©e plus tard 
par le BahreĂŻn, la Jordanie, la Mauritanie, le Soudan et les Émirats arabes unis. La rĂ©solution 
a Ă©tĂ© adoptĂ©e en 1976, sous la rĂ©fĂ©rence 31/71 avec un vote de 130 pour, zĂ©ro contre, et une 
seule abstention : IsraĂ«l. La mĂȘme rĂ©solution, en substance, fut prĂ©sentĂ©e en 1977 lors de la 
trente-deuxiĂšme session de l’AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale, par l’Égypte, l’Iran, le BahreĂŻn, le KoweĂŻt, 
le Qatar, et le YĂ©men. L’Égypte a dĂ©clarĂ© lors de cette session que « si IsraĂ«l obtenait des 
armes nuclĂ©aires, on ne pourrait pas attendre de l’Égypte qu’elle ne fasse rien, face Ă  un tel 
dĂ©veloppement Â»

1

. Ă€ cette Ă©poque la capacitĂ© nuclĂ©aire militaire d’IsraĂ«l Ă©tait bien connue, 

mais de par son refus de l’admettre, et de par le fait qu’IsraĂ«l n’avait jamais testĂ© ses armes 
nuclĂ©aires, son statut Ă©tait ambigu. Cette rĂ©solution fut de nouveau adoptĂ©e (rĂ©solution 
32/82) avec 131 votes contre zĂ©ro et l’abstention d’IsraĂ«l. Avec la visite historique de Sadate 
Ă  JĂ©rusalem en 19 novembre 1977, ce qui reprĂ©sentait une reconnaissance 

de facto

 d’IsraĂ«l, 

les relations entre les deux pays sont entrĂ©es dans une nouvelle phase. 

En 1978, les Nations unies ont convenu de leur premiĂšre rĂ©union spĂ©ciale sur le 

dĂ©sarmement2. La question d’une zone non nuclĂ©aire au Moyen-Orient a Ă©tĂ© traitĂ©e avec 
un document final qui proposait : 

« Dans l’attente de l’établissement d’une telle zone dans la rĂ©gion, les États de la 

rĂ©gion doivent dĂ©clarer qu’ils vont se restreindre Ă  fabriquer [
] les engins explosifs 
nuclĂ©aires ou Ă  permettre le stationnement des armes nuclĂ©aires sur leurs territoires par 
une partie tierce, et accepter de mettre toutes leurs activitĂ©s nuclĂ©aires sous le contrĂŽle 
de l’AIEA. ConsidĂ©ration doit ĂȘtre donnĂ©e Ă  un rĂŽle pour le Conseil de sĂ©curitĂ© dans 
l’avancement d’établissement d’une zone non nuclĂ©aire au Moyen-Orient. Â»

3

 

La rĂ©fĂ©rence au TNP avait Ă©tĂ© Ă©vitĂ©e pour permettre un compromis avec les pays non 

signataires Ă  ce traitĂ©. Aussi un rĂŽle plus important pour le Conseil de sĂ©curitĂ© dans la 

                      

 

1

 

Karem, Mahmoud, 

A Nuclear Weapon-Free Zone in the Middle East: Problems and Prospects

,

 

Greenwood 

Press, NY, 1988, p. 100. 

2

 

First Special Session on Disarmament.

 

3

 

A Nuclear Weapon-Free Zone in the Middle East, 

p. 101. 

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95 

crĂ©ation d’une telle zone Ă©tait-il suggĂ©rĂ©, ce qui a crĂ©e une consternation qui dĂ©montrait 
que les deux superpuissances Ă©taient rĂ©ticentes Ă  une telle association. Les efforts 
d’attribution d’un rĂŽle plus actif pour le Conseil de sĂ©curitĂ© Ă©chouent. Rien ne se rĂ©alise Ă  
ce sujet jusqu’en 1979,  au moment  oĂč la rĂ©volution iranienne arrĂȘte les efforts de l’Iran 
pour le soutien d’une zone non nuclĂ©aire aux Nations unies. Le co-sponsor de cette 
initiative, l’Égypte, signe, le 26 mars 1979 un traitĂ© de paix avec IsraĂ«l. L’Égypte, seule, 
optera pour la prĂ©sentation d’une rĂ©solution Ă  nouveau en 1980. MalgrĂ© la rhĂ©torique crĂ©Ă©e 
par son traitĂ© de paix avec IsraĂ«l, la rĂ©solution sera adoptĂ©e encore avec 136 votes contre 
zĂ©ro et l’abstention d’IsraĂ«l1. Mais comme dans le cas de la plupart des rĂ©solutions de 
l’ONU aucune action concrĂšte n’a suivi. 

L’industrie de l’énergie nuclĂ©aire : quelle utilitĂ© militaire ? 

« Si en lançant le programme d’énergie nuclĂ©aire, le Shah avait des motivations 

militaires, il aurait optĂ© pour un programme beaucoup plus petit et moins Ă©laborĂ©. Â» C’est 
le raisonnement principal du prĂ©sident Fondateur de l’Organisation Iranienne de l’énergie 
Atomique. « Puis, le choix de la technologie d’eau lĂ©gĂšre, plutĂŽt que l’eau lourde, pour 
notre programme Ă©tait aussi une indication en soi et la preuve que nous ne voulions pas 
profiter des technologies dans notre programme pour maintenir un programme d’armes 
nuclĂ©aires. Un nombre de projets sans ĂȘtre dirigĂ©s vers les applications militaires [
] 
tombait nĂ©anmoins dans la catĂ©gorie de ce que l’on appelle “technologies sensibles”. Je dois 
dire que je donnais mon soutien entier Ă  ces recherches d’une maniĂšre trĂšs discrĂšte. Â»

 2

 

L’Iran s’était prĂ©cipitĂ© pour signer le TNP en juin 1968. Ce traitĂ© interdit le 

dĂ©veloppement ou l’acquisition  des armes nuclĂ©aires par les pays signataires qui n’en 
possĂšdent pas. Signal fort, en tout cas Ă  l’époque, que l’Iran n’avait en aucune maniĂšre 
l’intention de dĂ©velopper une capacitĂ© nuclĂ©aire militaire. Si les choses ont changĂ© en 1974, 
il faut analyser les facteurs responsables de ce changement, sur le plan interne et externe. 
D’aprĂšs Akbar Étemad, le programme iranien en 1974 Ă©tait de nature purement civil. Mais 
il devait aussi servir de symbole et fournir au pays l’option d’acquĂ©rir la capacitĂ© militaire 
dans un horizon de dix Ă  vingt ans, si sa survie en dĂ©pendait. Cette capacitĂ© ne dĂ©pendait 

                      

 

1

 

RĂ©solution 34/77 de 11 dĂ©cembre 1979. 

2

 

A. Étemad, compte rendu d’entretien accordĂ© le 16 aoĂ»t 2001 Ă  M. Johnsen, p. 130. 

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96 

pas des installations civiles du programme de gĂ©nĂ©ration d’électricitĂ©, mais plutĂŽt de la 
recherche nuclĂ©aire. Le Dr. Ă‰temad souligne le fait que 

« conduire la recherche, mĂȘme dans le domaine d’explosifs nuclĂ©aires, ne viole pas 

les termes du TNP [
] Bien que les États-Unis et les pays fournisseurs fussent 
consternĂ©s au sujet des “intentions rĂ©elles” de l’Iran, nous n’avions aucun plan pour 

fabriquer

 des armes nuclĂ©aires [
] Je n’étais pas intimidĂ© par l’atmosphĂšre de doute et 

de suspicion induite par la presse aux États-Unis et ailleurs sur notre programme 
nuclĂ©aire [
] Â».

1

 

Le discours d’Étemad et celui du Shah sur le sujet sont clairs : l’Iran ne voulait pas 

obtenir d’armes nuclĂ©aires, mais voulait avoir la capacitĂ© technique et intellectuelle de le 
faire si c’était nĂ©cessaire pour sa survie. L’Iran respectait ses engagements internationaux 
tels que dĂ©finis par le TraitĂ© de la Non-ProlifĂ©ration â€” de ne pas dĂ©velopper des armes 
nuclĂ©aires â€” mais tenait bien aussi Ă  exercer ses droits autorisĂ©s par ce traitĂ© : dĂ©velopper 
une industrie nuclĂ©aire civile Ă  l’échelle et avec les Ă©conomies qui lui convenaient. 

Pour faire la part des choses dans ce domaine il suffit de dĂ©cortiquer le cycle  de 

combustion nuclĂ©aire, c'est-Ă -dire le processus commençant par le minage de l’uranium 
jusqu'Ă  la gĂ©nĂ©ration de l’électricitĂ©. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                      

 

1

 

Ibid., p. 129. 

Source

 

: CEA 2004  

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97 

Ce processus se dĂ©cline en sept Ă©tapes : 

1. Exploitation miniĂšre et broyage du minerai d’uranium. 

2. Conversion de concentrĂ© chimique de l’uranium en forme gazeuse d’hexafluorure 

d’uranium, qui est nĂ©cessaire pour l’étape suivante : 

3. Enrichissement  isotopique, qui augmente la proportion de l’uranium-235, le 

constituant essentiel du combustible nuclĂ©aire1. Il existe trois types 
d’enrichissement : diffusion gazeuse, dĂ©veloppĂ©e par l’Urenco, processus de 
centrifugeuse, dĂ©veloppĂ©e par l’ex-Union soviĂ©tique, et le procĂ©dĂ© AVLIS, 
sĂ©paration par laser de vapeur atomique2. L’enrichissement est l’une des Ă©tapes 
sensibles de la non-prolifĂ©ration, car c’est ici qu’on pourra enrichir l’uranium Ă  des 
niveaux suffisants pour l’usage militaire â€” l’utiliser dans une explosion nuclĂ©aire

3

.  

4. Fabrication des « Ă©lĂ©ments Â» de combustible, des bĂątons qui s’insĂšrent au cƓur du 

rĂ©acteur un peu comme des piles dans un appareil Ă©lectrique. 

5. Radiation dans le rĂ©acteur, pour la production de l’énergie. 

6. Retraitement des Â« dĂ©chets Â», aprĂšs une pĂ©riode de stockage, pour rĂ©cupĂ©rer 

l’uranium rĂ©siduel des Ă©lĂ©ments, ainsi que le plutonium â€” qui est crĂ©Ă© dans le 
rĂ©acteur quand l’isotope U-238 interagit avec des neutrons. Les deux Ă©lĂ©ments sont 
encore des sources utiles pour la crĂ©ation d’énergie â€” ou bien, Ă  l’état hautement 
concentrĂ©, pour l’utilisation dans des bombes nuclĂ©aires. 

                      

 

1

 

Il n’existe qu’une seule matiĂšre fissile dans  la nature : l’uranium-235. Mais cet isotope de 

l’uranium ne reprĂ©sente que 0,7% de l’uranium naturel, le reste Ă©tant des isotopes 238. La 

fabrication d’une arme nuclĂ©aire nĂ©cessite soit de l’uranium qui est « enrichi Â» Ă  80-90% 

d’uranium-235 â€” comme celle d’Hiroshima â€” ou du plutonium-239 â€” comme celle de Nagasaki. 

2

 

Price, Terence, 

Political Electricity: What Future for Nuclear Energy?

, Oxford University Press, Oxford, 

1990, p. 41. 

 

Pour plus de dĂ©tails voir Duval, Marcel â€” dans « La prolifĂ©ration des armes de destruction massive : 

fantasme ou rĂ©alitĂ© ? Â», DĂ©fense Nationale, no. 8/9, Paris, 2001. Pour enrichir l’uranium, il existe trois 

procĂ©dĂ©s principaux : un traitement « Ă©lectromagnĂ©tique Â» â€” discret, mais qui nĂ©cessite une centaine 

de trĂšs gros aimants, dits « calutrons Â» ; la « diffusion gazeuse Â» â€” qui nĂ©cessite la construction d’une 

usine Â« d’enrichissement Â» type de Pierrelatte en France, trĂšs visible par satellite et grosse 

consommatrice d’électricitĂ©; et enfin par Â« centrifugation Â» qui nĂ©cessite des milliers de petites 

centrifugeuses, mais assez faciles Ă  dissimuler en souterrains et peu consommatrices d’électricitĂ©. 

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98 

7. Stockage, pour diminuer la radioactivitĂ© au bout de cinquante ans au moins. En 

fonction de la mĂ©thode de stockage et de leur disposition, les dĂ©chets peuvent ĂȘtre 
rĂ©cupĂ©rĂ©s, s’il y a besoin, et sinon y rester

1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comme le schĂ©ma ci-dessus le met en lumiĂšre, il y a deux Ă©tapes qui sont « sensibles Â» 

dans ce processus : l’enrichissement et le retraitement, parce que lors de chacune de ces 

                      

 

1

 

Political Electricity

, p. 24. 

Exploitation MiniĂšre 

Broyage (pour fabriquer le Â« yellow cake Â»)

Conversion (pour produire de hexafluorure d’uranium

Enrichissement

L’uranium Ă©puisĂ©

(U-238) 

L’uranium hautement enrichi 

(>50% U-235)

Métal de haute densité
(utilisĂ©e pour fabriquer des 

munition qui pĂ©nĂštrent 

l’acier, des chars
) 

Uranium utilisable pour l’usage 

militaire (explosions atomiques) 

Uranium lĂ©gĂšrement enrichi 

(3-5% U-235) 

utilisable comme fuel de réacteurs

1- diffusion gazeuse
2- centrifuge
3- sĂ©paration par laser

Retraitement 

(U-238)

utilisable comme 

fuel de réacteurs
Mais aussi pour 

L’usage militaire

(U-235)

Plutonium

Irradiation dans rĂ©acteur 

Pour produire de l’énergie

Exploitation MiniĂšre 

Broyage (pour fabriquer le Â« yellow cake Â»)

Conversion (pour produire de hexafluorure d’uranium

Enrichissement

L’uranium Ă©puisĂ©

(U-238) 

L’uranium hautement enrichi 

(>50% U-235)

Métal de haute densité
(utilisĂ©e pour fabriquer des 

munition qui pĂ©nĂštrent 

l’acier, des chars
) 

Uranium utilisable pour l’usage 

militaire (explosions atomiques) 

Uranium lĂ©gĂšrement enrichi 

(3-5% U-235) 

utilisable comme fuel de réacteurs

1- diffusion gazeuse
2- centrifuge
3- sĂ©paration par laser

Retraitement 

(U-238)

utilisable comme 

fuel de réacteurs
Mais aussi pour 

L’usage militaire

(U-235)

Plutonium

Irradiation dans rĂ©acteur 

Pour produire de l’énergie

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99 

Ă©tapes, il est possible d’accĂ©der Ă  des qualitĂ©s d’uranium ou de plutonium qui peuvent ĂȘtre 
utilisĂ©es dans des bombes atomiques. Mais ces deux Ă©tapes sont Ă©galement d’une 
importance primordiale pour les Ă©conomies d’opĂ©rations des rĂ©acteurs nuclĂ©aires : si le fuel 
enrichi utilisĂ© dans les rĂ©acteurs est fabriquĂ© et contrĂŽlĂ© par une partie tierce, ce dernier a 
toujours la possibilitĂ© de ne pas le fournir, ou imposer le prix qui lui convient. La nation 
opĂ©ratrice aura alors perdu sa souverainetĂ© sur la gestion mĂȘme de son industrie. En ce qui 
concerne le retraitement, le parallĂšle  avec les piles Ă©lectriques peut Ă©clairer l’enjeu : un 
utilisateur peut opter pour l’achat des piles jetables, s’il estime que c’est Ă©conomiquement 
justifiĂ©, ou opter pour les piles rechargeables qu’il peut recharger, s’il estime que cette 
option est plus Ă©conomique : 

« Pendant plus de quatre ans de nĂ©gociations, je refusais, avec le soutien total du 

Shah, de cĂ©der la souverainetĂ© de gestion de notre cycle de combustion aux AmĂ©ricains. 
Par consĂ©quent nous ne sommes jamais arrivĂ©s Ă  une comprĂ©hension mutuelle, bien 
qu’à la fin les AmĂ©ricains se soient efforcĂ©s d’accommoder nos points de vue et souhaits 
[
] Quelques mois avant la rĂ©volution le premier projet d’accord [
] Ă©tait signĂ© au 
niveau expert [
] Â»

1

 

Jusqu’en 1975 l’enrichissement sur un plan commercial Ă©tait conduit par des procĂ©dĂ©s 

de diffusion gazeuse. Une usine typique d’enrichissement par diffusion gazeuse couvre une 
surface de 30 hectares et utilise environ 2 milliards de litres d’eau en circulation par jour 
pour le refroidissement, ainsi que 1 300 MW d’énergie, nĂ©cessitant souvent son propre 
rĂ©acteur atomique pour fournir cette Ă©nergie. Jusque lĂ , les États-Unis et l’Union soviĂ©tique 
Ă©taient les deux fournisseurs dominants de services commerciaux d’enrichissement et la 
totalitĂ© de la capacitĂ© amĂ©ricaine Ă©tait vendue Ă  l’avance. La technologie d’enrichissement 
par centrifuge gazeuse, nĂ©cessitant un dixiĂšme d’énergie Ă©lectrique par rapport Ă  la 
technique de diffusion, Ă©tait encore en cours de dĂ©veloppement Ă  cette Ă©poque. Les deux 
autres technologies aĂ©rodynamiques d’enrichissement, telle que le jet de Becker et le laser, 
Ă©taient aussi en cours de dĂ©veloppement dans des pays tels qu’IsraĂ«l, l’Afrique du Sud et 
les États-Unis

2

                      

 

1

 

A. Étemad, entretien accordĂ© en 16 aoĂ»t 2001 Ă  M. Johnsen, p. 129. 

2

 

Marwah, Onkar, Sculz, Ann,  ed., Nuclear Proliferation and Near-Nuclear Countries, Ballinger, 

MA, 1975, p. 187. 

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100 

Un pays, comme l’Iran, qui utilise la technologie de rĂ©acteurs Ă  eau lĂ©gĂšre (

Light Water 

Reactors

, LWR) sera toujours dĂ©pendant du processus d’enrichissement et de fabrication 

des Ă©lĂ©ments de combustible, qui est en soi, un procĂ©dĂ© compliquĂ©. En 1975, mis Ă  part les 
six puissances nuclĂ©aires, seuls la Belgique, le BrĂ©sil, le Canada, l’Allemagne de l’Ouest, 
l’Italie, le Japon, les Pays-Bas, et la SuĂšde possĂ©daient des usines commerciales de 
fabrication d’élĂ©ments de combustible, en ajoutant l’Argentine qui possĂ©dait une usine 
pilote. 

Ces Ă©lĂ©ments doivent ĂȘtre remplacĂ©s avec une frĂ©quence annuelle. Puisque les rĂ©acteurs 

opĂšrent sous haute pression (200 psi), il est nĂ©cessaire de les arrĂȘter pour effectuer cette 
opĂ©ration. Interrompre le fonctionnement du rĂ©acteur et enlever le couvercle de pression 
est une procĂ©dure trĂšs lourde et facilement vĂ©rifiable par les inspecteurs. Ceci est un des 
deux autres avantages des rĂ©acteurs Ă  eau lĂ©gĂšre : le fait que les matiĂšres fissiles Ă  usage 
militaire puissent ĂȘtre rĂ©cupĂ©rĂ©es seulement pendant l’arrĂȘt facilement vĂ©rifiable du 
rĂ©acteur. L’autre Ă©tant que, grĂące Ă  la durĂ©e longue pendant laquelle les Ă©lĂ©ments de 
combustible sont irradiés dans les réacteurs, la majorité du plutonium produit est du Pu-
240 et non pas Pu-239 qui est adaptĂ© pour l’usage militaire

1

L’option militaire 

La capacitĂ© d’une nation Ă  poursuivre un programme nuclĂ©aire militaire, mis Ă  part 

l’accĂšs aux matiĂšres fissiles (uranium-235 ou plutonium), dĂ©pend aussi de la maĂźtrise des 
technologies d’explosion nuclĂ©aire. Ce n’est pas suffisant d’avoir du plutonium si un pays 
n’a pas accĂšs Ă  des technologies, assez avancĂ©es, d’usinage et de crĂ©ation d’une explosion 
primaire traditionnelle. Le plutonium, ou l’uranium, nĂ©cessaire pour une explosion 
pourrait effectivement ĂȘtre obtenu durant les Ă©tapes d’enrichissement et retraitement du 
cycle  du  combustible nuclĂ©aire. Mais si l’opĂ©rateur en question ne dispose pas d’un 
programme militaire pour faire le reste (usiner, monter des ogives [
]) ces matiĂšres sont 
quasi inutiles, sauf pour la fabrication des bombes sales (

dirty bombs

) que nous verrons 

plus loin. 

                      

 

1

   Ibid., p. 188. 

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101 

Puis, toujours pour fabriquer une arme de premiĂšre gĂ©nĂ©ration, il faut ĂȘtre capable 

d’amorcer la rĂ©action en chaĂźne de cette matiĂšre fissile, et cela de façon instantanĂ©e et non 
prématurée, ce qui suppose un certain savoir-faire technologique

1

. Avec les techniques 

conventionnelles d'usinage et de production, environ 15-25 kg d’uranium-235 ou 5-10 kg 
de plutonium-239 sont nécessaires pour fabriquer une arme nucléaire

2

Des rĂ©acteurs avec un modĂ©rateur de type Ă  « eau lourde Â» ou de type graphite peuvent 

utiliser l’uranium naturel comme combustible, produisant du plutonium dans leurs 
« dĂ©chets Â»

3

. Des rĂ©acteurs Ă  eau lĂ©gĂšre, comme ceux en cours de construction Ă  Boushehr 

(sud de l’Iran), utilisent l’uranium lĂ©gĂšrement enrichi comme combustible, ce qui nĂ©cessite 
une usine d’enrichissement d’uranium

4

, et met l’Iran dans une position de dĂ©pendance 

totale vis-Ă -vis d’un fournisseur d’uranium enrichi si le pays n’a pas le droit d’utiliser ses 
installations nationales

5

. Une industrie d’énergie nuclĂ©aire n’est donc pas le point de 

passage obligĂ© et la meilleure voie pour obtenir la capacitĂ© nuclĂ©aire militaire. Il suffit 
d’enrichir l’uranium naturel dans une usine d’enrichissement pour convertir l’uranium 
naturel Ă  plus de 80 % d'uranium-235

6

. Un programme nuclĂ©aire civil n’est donc pas un 

prĂ©alable obligĂ© pour obtenir la capacitĂ© nuclĂ©aire militaire. La Chine a obtenu son arme 
nuclĂ©aire en 1964, vingt ans avant de s’intĂ©resser sĂ©rieusement Ă  la production de l’énergie 

                      

 

1

 

Ibid. 

2

 

« De nos jours il est vrai qu’on aurait besoin de moins de plutonium pour fabriquer une bombe. 

Pour crĂ©er la rĂ©action en chaĂźne nĂ©cessaire, le plutonium doit ĂȘtre trĂšs compressĂ©, notamment 

par le biais d’une explosion
 pour cela les tolĂ©rances de fabrication nĂ©cessaire doivent ĂȘtre assez 

exactes (une bulle parfaitement symĂ©trique). Sinon sous la pression extrĂȘme de l’explosion sa 

surface pourrait se dĂ©former, et la pression nĂ©cessaire pour une rĂ©action en chaĂźne (donc une 

explosion nuclĂ©aire) ne pourrait pas ĂȘtre atteinte
 Dans le cas oĂč vous avez accĂšs Ă  des 

techniques de fabrication pour usiner le plutonium dans la forme d’une sphĂšre parfaite, un kilo 

de plutonium pourrait ĂȘtre suffisant pour obtenir le rĂ©sultat souhaitĂ©. Sans cette capacitĂ© de 

production des quantitĂ©s plus importantes de plutonium doivent ĂȘtre utilisĂ©es. Dans ce cas 

mĂȘme avec une dĂ©formation de la surface et la matiĂšre qui s’échapperait des cotĂ©s vous pourriez 

toujours crĂ©er une rĂ©action en chaĂźne, mais il vous faudra environs 8 kg de plutonium. Â» 

Entretien en 1995 avec un inspecteur nuclĂ©aire amĂ©ricain Ă  l’AIEA, Vienne.  

3

 

C’est la NorvĂšge, qui Ă©tait un des rares producteurs d’eau lourde dans le monde, qui avait fourni 

la France en 1939, lui permettant de rĂ©aliser son programme nuclĂ©aire. Elle a aussi vendu, en 

1959, vingt tonnes d'eau lourde Ă  IsraĂ«l. Une partie aurait Ă©galement Ă©tĂ© dĂ©tournĂ©e vers l’Inde, 

mais elle n’a interdit l’exportation de l’eau lourde qu’en mars 1989. Voir Price, Terence. 

Political 

Electricity : What Future for Nuclear Energy ?

 Oxford University Press, Oxford, 1990, p. 177. 

4

 

Ce qui explique, comme nous allons le voir plus loin, la participation financiĂšre de l’Iran Ă  l’usine 

d’enrichissement d’Eurodif en France, pour pouvoir bĂ©nĂ©ficier des services d’enrichissement. 

5

 

Ce point est important, notamment pour la section traitant du contrĂŽle politique du secteur 

nuclĂ©aire par les États-Unis. 

6

 

Pour une arme nuclĂ©aire il faut de l’uranium trĂšs enrichi (Ă  93%). Voir Duval, Marcel, « La 

prolifĂ©ration des armes de destruction massive : fantasme ou rĂ©alitĂ© ? Â», 

DĂ©fense Nationale

, no. 8/9, 

Paris, 2001. 

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102 

nuclĂ©aire en 1984. IsraĂ«l ne possĂšde mĂȘme pas de programme  nuclĂ©aire civil pour la 
production de l’électricitĂ© mais a pu dĂ©velopper un programme nuclĂ©aire militaire 
important. Si le Pakistan est devenu une puissance nuclĂ©aire militaire, ce n’est pas grĂące Ă  
son rĂ©acteur, mais grĂące Ă  son usine d'enrichissement d’uranium qu’il a pu fabriquer au 
dĂ©but des annĂ©es 80

1

. L’Inde non plus n’aurait pas pu accĂ©der Ă  la bombe atomique sans la 

technologie et les installations de retraitement. 

Une fois le plutonium ou l’uranium trĂšs enrichi (Ă  93 %) obtenu, et cela dans les 

quantitĂ©s appropriĂ©es, il faut usiner ces matiĂšres fissiles, et construire l’« implosoir Â». Ce 
« cƓur Â» et le systĂšme Ă©lectronique de mise Ă  feu doivent ĂȘtre englobĂ©s dans une « ogive Â» 
(

warhead

) de façon Ă  constituer la « tĂȘte nuclĂ©aire Â» de l’arme elle-mĂȘme. Enfin, cette ogive 

doit ĂȘtre « dĂ©livrĂ©e Â» par le moyen d’un avion, un missile, voire une torpille ou une mine 
terrestre. 

Il y a une correspondance entre les armes nuclĂ©aires et les armes conventionnelles. Pour 

citer quelques exemples de l’utilitĂ© des armes nuclĂ©aires, rappelons que les dĂ©cideurs 
amĂ©ricains ont souvent utilisĂ© les menaces nuclĂ©aires comme un moyen de promouvoir la 
politique amĂ©ricaine. L’Administration Eisenhower avait mis fin Ă  la guerre de CorĂ©e en 
menaçant la Chine d’utiliser l’arme nuclĂ©aire au cas oĂč les nĂ©gociations n’auraient pas 
avancĂ© assez rapidement. Au dĂ©but des annĂ©es 80, quand la crĂ©dibilitĂ© de l’engagement du 
prĂ©sident Carter Ă  dĂ©fendre le golfe Persique avait Ă©tĂ© mise en doute, et quand il y avait des 
raisons de croire que  l’Union soviĂ©tique prĂ©parait l’invasion de l’Iran, le gouvernement 
amĂ©ricain a menacĂ© l’Union soviĂ©tique d’utiliser des armes nuclĂ©aires en cas d’une invasion 
soviétique en Iran

2

Aussi les armes traditionnelles deviennent-elles obsolĂštes aprĂšs quelques annĂ©es, ce qui 

n’est pas le cas pour les armes nuclĂ©aires. Le coĂ»t de fabrication et la maintenance des 
armes nuclĂ©aires sont sensiblement moins Ă©levĂ©s que ceux des armes conventionnelles. 
D’aprĂšs une estimation, mĂȘme si celle-ci date des annĂ©es 90 et que l’on peut imaginer que 
les  avancĂ©es technologiques entre 1970 et 1990 ont baissĂ© le coĂ»t de la fabrication, les 

                      

 

1

 

Price, Terence, 

Political Electricity: What Future for Nuclear Energy?,

 Oxford University Press, Oxford, 

1990, p. 175-176. 

2

 

Blechman, Barry, M, & Hart, Douglas, M., « Dangerous Shortcuts Â», 

The New Republic, 

26 juillet 

1980, p. 13-15. 

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103 

installations nĂ©cessaires pour un programme nuclĂ©aire militaire simple auraient un coĂ»t 
entre 120 et 300 millions de dollars, ceci depuis le lancement de la recherche jusqu'Ă  la 
fabrication de la premiĂšre arme de type fission de plutonium d’un rendement d’une 
kilotonne. Le coût unitaire des armes suivantes baissera bien sûr de maniÚre significative

1

Armes nuclĂ©aires 

Une bombe nuclĂ©aire est un appareil avec de l’énergie explosive, laquelle est gĂ©nĂ©rĂ©e par 

fission ou par une combinaison de processus de fission et fusion. Les explosions avec de tels 
appareils produisent un choc terrestre initial trĂšs destructeur, ainsi que de hautes 
tempĂ©ratures et une radiation rĂ©siduelle qui peut durer longtemps. La production 
d’énergie dans les armes nuclĂ©aires de type fission se fait par la division du 

nucleus

 (noyau) 

d’un atome d’uranium enrichi ou plutonium en deux ou plusieurs parties, en le 
bombardant avec des neutrons. Chaque 

nucleus

 divisĂ© relĂąche de l’énergie, ainsi que des 

neutrons additionnels qui bombardent les 

nucleus

 voisins, ce qui soutient une rĂ©action en 

chaĂźne. 

Les bombes de type fission, comme celles utilisĂ©es Ă  Hiroshima et Nagasaki, sont les plus 

simples Ă  fabriquer. Elles peuvent fournir le catalyseur pour des explosions 
thermonuclĂ©aires plus complexes. Dans de telles armes une explosion de type fission crĂ©e 
la haute tempĂ©rature nĂ©cessaire pour joindre les isotopes lĂ©gers d’hydrogĂšne, normalement 
deutĂ©rium et tritium qui libĂšrent aussi de l’énergie et des neutrons. La plupart des armes 
modernes utilisent le survoltage (

boosting

) pour maintenir un haut rendement dans les 

bombes plus petites. 

Les armes nuclĂ©aires ne sont pas utiles militairement. Elles peuvent dissuader d’autres 

armes nuclĂ©aires et probablement une utilisation massive de force contre les intĂ©rĂȘts vitaux 
d’un pays. Elles ne peuvent se substituer aux armes conventionnelles. Elles ne sont pas 
crĂ©dibles contre des menaces mineures. Le seul intĂ©rĂȘt militaire des armes nuclĂ©aires est la 
dissuasion. Elles n’ont aucune utilitĂ© politique. L’incertitude sur la rĂ©action des autres États, 
surtout ceux avec la capacitĂ© nuclĂ©aire, peuvent seulement limiter des utilisations 
potentielles des armes  nuclĂ©aires. Les armes nuclĂ©aires peuvent donc amoindrir les 

                      

 

1

 

Office of Technology Assessment, US Congress,   

Technologies Underlying Weapons of Mass 

Destruction 

, Government Printing Office, Washington, DC, 1993, p. 155-158. 

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104 

capacitĂ©s conventionnelles qui sont nĂ©cessaires Ă  l’Iran pour traiter des contingences 
actuelles. 

Armes radiologiques 

Des armes radiologiques utilisent des explosifs conventionnels comme la dynamite pour 

disperser les matĂ©riaux radioactifs sur des zones assez larges. La conception le plus 
commune consiste Ă  mettre du matĂ©riel radioactif, en forme de poudre ou gaz autour des 
explosifs. La zone couverte dĂ©pend bien sĂ»r de la taille et de la force de l’explosion. Dans ce 
cas, les victimes qui ne sont pas blessĂ©es dans l’explosion seront exposĂ©es Ă  des niveaux 
mortels de radiation. La zone demeurera radioactive pendant les annĂ©es Ă  venir. 

Pour l’un ou l’autre type de bombe il y a besoin d’uranium enrichi ou de plutonium qui 

peut ĂȘtre obtenu seulement par les procĂ©dĂ©s d’enrichissement ou de retraitement des 
dĂ©chets de rĂ©acteurs. L’Iran sous la RĂ©publique islamique a fini par renoncer Ă  la fois Ă  
l’enrichissement et au retraitement dans son cycle combustible civil

1

La dimension politique de la capacitĂ© nuclĂ©aire 

Il est difficile d’avoir une certitude totale quant au poids respectif des considĂ©rations de 

nature militaire ou politique qui incitent une nation Ă  acquĂ©rir la capacitĂ© nuclĂ©aire : la 
sĂ©curitĂ© nationale, une position de 

leadership

 rĂ©gional ou mondial et les conquĂȘtes ou 

coercitions militaires Ă©ventuelles. Il existe aussi des raisons de prestige, que ce soit sur le 
plan domestique ou international, qui sont plus difficiles Ă  qualifier

2

. La force de frappe 

nuclĂ©aire peut aider un gouvernement Ă  surmonter ses difficultĂ©s internes, Ă  possĂ©der un 
prestige symbolique, et permettrait d'entretenir une hĂ©gĂ©monie politique et une 
domination Ă©conomique vis-Ă -vis des voisins plus faibles. 

L’Iran a eu depuis les annĂ©es 50 une superpuissance nuclĂ©aire Ă  sa frontiĂšre nord. Mais 

dans le contexte de la guerre froide, la stratĂ©gie nuclĂ©aire de l’Union soviĂ©tique a Ă©tĂ© 
contrainte par la logique de rivalitĂ© avec les États-Unis, ce qui assurait la non-intervention 
nuclĂ©aire de l’ex-Union soviĂ©tique dans la rĂ©gion. La nuclĂ©arisation des pays pĂ©riphĂ©riques 
dans la rĂ©gion a commencĂ© au milieu des annĂ©es 70, avec le montage des ogives nuclĂ©aires 

                      

 

1

 

Source: Site Web de la Federation of American Scientists. 

Nuclear and Biological Weapons

, 2003. 

2

 

Sagan, Scott, D., « Why Do States Build Nuclear Weapons? Three Models in Search of a Bomb Â», 

International Security 21

, no. 3, hiver 1996-97. 

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105 

par IsraĂ«l en 1973 et l’explosion nuclĂ©aire de l’Inde en 1974. La nuclĂ©arisation de l’Inde est 
souvent expliquĂ©e comme une rĂ©action au dĂ©veloppement de cette capacitĂ© par la Chine et 
sa supĂ©rioritĂ© militaire vis-Ă -vis de l’Inde. Avec « l’effet domino Â», le Pakistan s’est trouvĂ© Ă  
son tour dans une position d'infĂ©rioritĂ© militaire vis-Ă -vis de l’ennemi indien, situation dont 
la seule issue pouvait ĂȘtre le dĂ©veloppement d’une capacitĂ© nuclĂ©aire propre. Son 
expĂ©rience des conflits avec l’Inde lui avait montrĂ© qu’il ne pouvait pas compter sur ses 
liens d’alliance, ni avec les États-Unis ni avec la Chine, pour une protection nuclĂ©aire contre 
l’Inde

1

Ce n’est pas l’utilisation des armes nuclĂ©aires qui peut doter une nation d’avantages 

dans un conflit, mais la menace de leur utilisation. Celle-ci peut dissuader l’ennemi 
d’utiliser des armes  non conventionnelles ou bien d’augmenter l’intensitĂ© d’un conflit. À 
titre d’exemple, quand en 1984, se propageaient des rumeurs d’une attaque indienne sur 
les facilitĂ©s d’enrichissement de Kahuta, le Pakistan a annoncĂ© sa capacitĂ© Ă  enrichir 
l’uranium Ă  un degrĂ© qui le rende utilisable dans les armes nuclĂ©aires. La crise en question 
a pu ĂȘtre ainsi rĂ©solue. La crise du Kashmir en 1990 nous offre un autre exemple. Avec 
l’inquiĂ©tude que la guerre conventionnelle pouvait dĂ©gĂ©nĂ©rer Ă  un niveau nuclĂ©aire, Robert 
Gates (conseiller adjoint de la sĂ©curitĂ© nationale amĂ©ricaine Ă  cette Ă©poque et ancien 
directeur de la CIA) avait Ă©tĂ© envoyĂ© dans la rĂ©gion par le gouvernement amĂ©ricain pour 
aider Ă  trouver une solution pour ce conflit. Un conflit rĂ©gional peut ainsi prendre une 
importance internationale et ĂȘtre rĂ©solu. Une autre utilitĂ© politique de cette dĂ©claration du 
Pakistan a pu ĂȘtre d’établir un lien entre les armes nuclĂ©aires et d’autres types d’armes non 
conventionnelles. Il existe des preuves qui confirment cette hypothĂšse, car dĂšs 1989, aprĂšs 
la confĂ©rence de Paris sur les armes chimiques, et suite Ă  la proposition de M. Moubarak 
pour la crĂ©ation d’une zone libre des armes non conventionnelles, les États arabes ont 
essayĂ© de lier l’interdiction des armes chimiques et biologiques Ă  celle des armes 
nucléaires

2

                      

 

1

 

L’Iran fournissait des aides financiĂšres Ă  l’Afghanistan, au Pakistan et Ă  l’Inde pour Ă©viter des 

difficultĂ©s Ă©conomiques qui auraient pu crĂ©er des instabilitĂ©s dans ces pays dont l’intensification 

risquait de nuire Ă  l’Iran, (voir Cottrell p. 35). 

2

 

L’Égypte, comme l’Iran, a essayĂ© depuis le dĂ©but des annĂ©es 1970 de saisir toute opportunitĂ© 

pour avancer l’idĂ©e d’une zone dĂ©nuclĂ©arisĂ©e au Moyen-Orient, pour forcer IsraĂ«l Ă  dĂ©monter ses 

armes. 

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106 

L’utilitĂ© d’une « couverture Â» civile 

Si un programme civil n’est pas le point de passage obligĂ© pour arriver Ă  une capacitĂ© 

militaire, comme le cas de la France, de la Chine, et d’IsraĂ«l l’ont dĂ©montrĂ©, et si l’Iran a 
acceptĂ© d’abandonner les deux maillons de la chaĂźne du cycle du combustible nuclĂ©aire oĂč 
on peut avoir accĂšs a des matiĂšres fissiles de qualitĂ© militaire, alors pourquoi le programme 
civil iranien pose-t-il toujours problĂšme ? Roger Pajak, 

National Security Advisor

 pour les 

affaires soviĂ©tiques et du Moyen-Orient et conseiller de l’

US Arms Control and Disarmament 

Agency

 de 1970 Ă  1980, ancien officier d’intelligence militaire, fournit une explication dans 

son livre, 

Nuclear ProlifĂ©ration in the Middle East : Implications for the Superpowers

1

 : 

« IsraĂ«l sert d’exemple dramatique. Son aveu d’un programme militaire amĂšnerait 

des Arabes Ă  entreprendre des efforts comparables, et ajouterait des problĂšmes 
politiques avec les États-Unis [
] du cotĂ© arabe, l’acquisition de cette capacitĂ© 
nĂ©cessitera un grand nombre d’experts et un programme de formation longue [
] Â»

2

 

Concernant les dĂ©veloppements de la situation iranienne, Pajak est aussi d’avis que le 

programme iranien de l’époque du Shah ne pouvait servir que de symbole de prestige. 
Mais, aprĂšs avoir Ă©cartĂ© la capacitĂ© d’un dĂ©veloppement quelconque par un rĂ©gime 
rĂ©volutionnaire sans alliĂ©, il conclut que « les caprices de la politique du golfe Persique et 
les dĂ©veloppements futurs rendent le cours de la politique iranienne vis-Ă -vis de l’option 
nuclĂ©aire incertaine Â»

3

. Programme qui aurait alors besoin d’une couverture civile pour 

continuer. Il constate aussi que ce programme aurait besoin de montrer des avancements 
pour ne pas perdre de sa lĂ©gitimitĂ© et donner une impression de stagnation et de manque 
de sĂ©rieux. 

                      

 

1

 

Pajak, Roger, F., 

Nuclear Proliferation in the Middle East: Implications for the Superpowers

, National 

Defense University, Washington DC, 1982. 

2

 

Ibid., p. 27. 

3

 

Ibid., p. 63. 

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107 

L’essai nuclĂ©aire indien :  

prĂ©misse de la fin de la coopĂ©ration nuclĂ©aire 

L’Inde fut le premier pays Ă  utiliser ses rĂ©acteurs civils pour son programme nuclĂ©aire. 

L’Inde n’avait jamais signĂ© le TNP et avait le droit de dĂ©velopper un programme nuclĂ©aire 
militaire. La technologie de retraitement lui avait permis d’isoler du plutonium dans ses 
dĂ©chets civils et de procĂ©der Ă  un essai nuclĂ©aire le 18 mai 1974. Ă€ la suite de l’explosion 
indienne, les États-Unis ont radicalement changĂ© les modalitĂ©s des accords bilatĂ©raux pour 
les rendre plus restrictifs et y introduire de nouvelles conditions. 

« Notre malchance  est que nous sommes entrĂ©s en nĂ©gociation bilatĂ©rale avec les 

États-Unis au moment oĂč ils  ont commencĂ© Ă  serrer les boulons. MĂȘme si nous avons 
eu, pendant ces quatre annĂ©es, des rĂ©unions quasi mensuelles soit Ă  TĂ©hĂ©ran, soit chez 
eux, aux États-Unis, nous ne sommes pas arrivĂ©s Ă  un accord car ils voulaient imposer 
des conditions qui n’étaient pas acceptable pour nous. Â»

1

 

L’explosion indienne a fourni le prĂ©texte pour les États-Unis d’arrĂȘter toute coopĂ©ration 

internationale dans le domaine nuclĂ©aire. Les recettes de cette coopĂ©ration Ă©chappaient de 
plus en plus, comme nous l’avons vu, aux États-Unis. Avec l’entrĂ©e de l’Urenco et de 
l’Eurodif sur le marchĂ© international de l’enrichissement commercial, les États-Unis avaient 
perdu leur position de monopole dans ce marchĂ©. Une bonne partie du marchĂ© de 
rĂ©acteurs leur avait dĂ©jĂ  Ă©chappĂ© au profit de la France et l’Allemagne. Le marchĂ© nuclĂ©aire 
ne prĂ©sentait plus d’avantage pour les États-Unis. Ils dĂ©cident alors d’utiliser leur position 
de force sur les gouvernements des pays fournisseurs pour  faire cesser le commerce 
international dans ce domaine. Ceci,  conjuguĂ©  aux manipulations financiĂšres, crĂ©ation de 
sources alternatives, et Ă  la rĂ©duction de la consommation Ă©nergĂ©tique mondiale, permettra 
aux États-Unis de reprendre le contrĂŽle du secteur international de l’énergie, le facteur le 
plus important de dĂ©veloppement Ă©conomique. 

                      

 

1

 

Barnameyeh Energieh Atomieh Iran,

 p. 153. 

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109 

5.

 

L’énergie nuclĂ©aire en Iran :  

une rĂ©alisation ardue (1974-1979) 

Aujourd’hui l’industrie internationale de l’énergie nuclĂ©aire est fortement contrĂŽlĂ©e par 

les États-Unis, la plus grande puissance nuclĂ©aire militaire au monde depuis la fin de la 
guerre froide. À l’époque du lancement de cette industrie en Iran, ceci n’était pas encore le 
cas. En rĂ©alitĂ©, en 1974, le lancement de l’industrie nuclĂ©aire en Iran correspondait aussi 
aux prĂ©misses de la fin de l’ùre de coopĂ©ration internationale dans ce domaine. Pour cette 
raison, mais aussi Ă©tant donnĂ© les difficultĂ©s sociopolitiques internes qui ont engendrĂ© la 
rĂ©volution de 1979, la mise en place de cette industrie s’est avĂ©rĂ©e particuliĂšrement difficile. 

L’absence de prĂ©paration, de direction et de coordination 

Le programme de l’industrie d’énergie nuclĂ©aire en Iran a vĂ©ritablement commencĂ© 

avec la crĂ©ation de la nouvelle Organisation de l’Énergie Atomique d’Iran (OEAI) grĂące Ă  
l’initiative du Dr. Akbar Étemad, son prĂ©sident fondateur. AprĂšs l'Ă©chec d’une premiĂšre 
tentative de crĂ©ation d’un programme nuclĂ©aire sous la houlette du ministĂšre de l'Énergie 
et de l’Eau (MEE) en 1972, le Shah crĂ©ait en mars 1974 l’Organisation de l’Énergie 
Atomique d’Iran (OEAI), une entitĂ© autonome destinĂ©e Ă  doter l’Iran d’une capacitĂ© 
nuclĂ©aire. Jusque-lĂ , les activitĂ©s nuclĂ©aires en Iran se limitaient Ă  l’usage d’un petit rĂ©acteur 
de recherche Ă  l’universitĂ© de TĂ©hĂ©ran. Celui-ci avait Ă©tĂ© fourni par les États-Unis dans le 
cadre du programme Â« Atomes pour la Paix Â». À cette Ă©poque, seules quelques personnes 

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110 

qualifiĂ©es pouvaient faire fonctionner un rĂ©acteur nuclĂ©aire et il n’existait pas de 
programme formel pour une recherche systĂ©matique dans ce domaine. 

L’histoire de la formation supĂ©rieure d’Étemad illustre bien en soi la difficultĂ© de 

contrĂŽler le transfert de technologies avancĂ©es. Ce jeune iranien partit en Suisse pour 
poursuivre des Ă©tudes d’ingĂ©nieur Ă©lectrique qu’il termina Ă  l’École Polytechnique de 
Lausanne en 1956. AprĂšs une courte expĂ©rience chez Brown Boveri, il dĂ©cide de se 
spĂ©cialiser dans le domaine nuclĂ©aire Ă  l’Institut des Sciences et Technologies NuclĂ©aires Ă  
Paris. En 1958, sa spĂ©cialisation terminĂ©e, Joliot-Curie, prix Nobel de chimie pour la 
synthĂšse de nouveaux Ă©lĂ©ments radioactifs, accepte la direction de sa thĂšse de doctorat qu’il 
terminera â€” aprĂšs la mort de Curie â€” Ă  l’UniversitĂ© de Lausanne en 1963. Ce parcours est 
pour le moins exceptionnel. Il montre comment, en l’espace d’une dizaine d’annĂ©es, un 
jeune iranien, originaire d’une petite ville de province, Hamedaan, devient un expert 
mondial dans le domaine nuclĂ©aire. Et il rĂ©alisera l’un des plus importants programmes 
nuclĂ©aires du tiers-monde pour son pays. Mais reprĂ©senter la Suisse dans les colloques 
internationaux, et non pas son propre pays, Ă©tait pour lui une source de malaise qui 
heurtait son patriotisme. Voulant servir sa patrie, il dĂ©cide donc en 1965, de retourner en 
Iran, soit quinze ans aprĂšs avoir quittĂ© son pays pour se former en Occident. Les hommes 
de la gĂ©nĂ©ration d’Étemad voyaient dans la modernitĂ© technologique un moyen pour 
sortir l’Iran de sa position d’infĂ©rioritĂ© vis-Ă -vis de l’Ouest. Ils attribuaient la chute de 
l’Empire ottoman Ă  la supĂ©rioritĂ© technologique de l’Occident. Les institutions Ă©tatiques et 
l’appareil d’État iranien Ă©taient construits sur le modĂšle europĂ©en, surtout français. La 
petite minoritĂ© qui, comme Étemad, avait la possibilitĂ© de poursuivre des Ă©tudes 
supĂ©rieures en Europe â€” et plus tard aux États-Unis â€” avait souvent accĂšs Ă  des positions 
prestigieuses de responsabilitĂ© Ă  leur retour dans le pays. 

Étemad revint en Iran au moment oĂč le Shah s’impatientait de la lenteur avec laquelle 

Ă©voluait le projet-phare de l'alliĂ© amĂ©ricain, « Atomes pour la Paix Â». En effet, le rĂ©acteur de 
recherche de 5 MW fourni par les États-Unis dans le cadre de ce projet en 1960 n’était 
toujours pas opĂ©rationnel et il n’y avait que quelques personnes qualifiĂ©es pour faire 
avancer le projet. Il existait Ă  l’époque une « Commission d’Énergie Atomique Â» au sein du 
ministĂšre de l’Économie, mais le projet n’avançait pas. Étemad, qui avait Ă©tĂ© engagĂ© au sein 
du ministĂšre du Plan Ă  son retour, crĂ©a alors un bureau d’énergie atomique au sein de ce 

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111 

ministĂšre. C’est ainsi que la Commission d’Énergie Atomique sera dissoute et que le 
nouveau Bureau s’engagera dans la recherche et la formation des experts en matiĂšre 
nuclĂ©aire. L’objectif de ce bureau Ă©tait non seulement de mener la recherche, mais de 
former des spĂ©cialistes, d’utiliser la radio isotopie et la radiation dans la recherche nuclĂ©aire, 
agroalimentaire et industrielle

1

. Ceci s’insĂ©rait dans le quatriĂšme plan quinquennal de 

dĂ©veloppement du pays. À l’époque il n’était pas question d’utiliser la technologie nuclĂ©aire 
pour gĂ©nĂ©rer de l’électricitĂ©. 

En 1967, avec la crĂ©ation du ministĂšre des Sciences et de la Formation SupĂ©rieure, le 

Bureau d’Énergie Atomique est rattachĂ© Ă  ce ministĂšre. Étemad y est nommĂ© directeur 
adjoint scientifique et  directeur  de recherche. Étemad assumera en mĂȘme temps la 
responsabilitĂ© de prĂ©sident-recteur de l’universitĂ© de Bou Ali Sina Ă  Hamedaan

2

. Jusqu’en 

1974, les activitĂ©s nuclĂ©aires en Iran ne connaĂźtront pas d’autres dĂ©veloppements. 

En 1974, alors que le Shah vient de dĂ©cider le lancement d’un programme d’énergie 

nuclĂ©aire, Étemad sera contactĂ© pour prendre la direction de ce projet. Jusqu’alors il n’avait 
mĂȘme pas rencontrĂ© le Shah. Il demande un dĂ©lai de 48 heures pour donner sa rĂ©ponse. À 
ce moment lĂ , l’Argentine et l’Inde, les deux pays en voie de dĂ©veloppement les plus 
avancĂ©s dans le domaine nuclĂ©aire, avaient eux, dĂ©jĂ  dĂ©veloppĂ© leurs infrastructures 
scientifiques et techniques depuis longtemps. Leurs expĂ©riences faites avec des rĂ©acteurs de 
recherche leur avaient permis une introduction progressive dans la gĂ©nĂ©ration de puissance 
Ă©lectronuclĂ©aire. Ces deux pays avaient mis plus de vingt ans avant de pouvoir exploiter 
leurs premiers réacteurs commerciaux

1

. Pour l’Iran, il y avait urgence et le pays ne pouvait 

pas se permettre ce rythme de dĂ©veloppement progressif. Cette urgence Ă©tait dictĂ©e par 
l’accĂšs d’IsraĂ«l et  de  l’Inde Ă  la capacitĂ© nuclĂ©aire militaire, et aussi par la menace 
imminente d’une dĂ©cision amĂ©ricaine pour mettre fin au dĂ©veloppement du secteur 
nuclĂ©aire dans le tiers-monde. Les États-Unis ne voulaient plus de « nouveaux entrants Â» 
dans une industrie qui ne leur offrait plus aucun bĂ©nĂ©fice commercial, mais qui imposait 
un coĂ»t considĂ©rable en termes de perte d’une position oligopolistique de la maĂźtrise de la 
technologie nuclĂ©aire militaire. 

                      

 

1

 

Ibid., p. 9. 

2

 

Barnameyeh Energieh Atomieh Iran,

 p. 6-9. 

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112 

Les mĂ©canismes internationaux pour l’acquisition de la technologie et des matĂ©riels 

nuclĂ©aires Ă©taient ainsi sur le point de subir une Ă©volution importante. L’annĂ©e 1974 Ă©tait le 
dĂ©but de l’achĂšvement de la pĂ©riode de coopĂ©ration internationale dans le domaine 
nuclĂ©aire. Comme nous le verrons par la suite, dans les quatre annĂ©es qui vont suivre, 
aucun pays en voie de dĂ©veloppement ne pourra plus faire son entrĂ©e dans ce secteur, et Ă  
ce jour, aucun nouveau pays n’a pu lancer une industrie nuclĂ©aire. 

L’annĂ©e 1974 sera aussi la premiĂšre annĂ©e oĂč l’Iran a pu profiter de la hausse â€” de 

courte durĂ©e â€” des prix pĂ©troliers et disposer de moyens financiers suffisants pour des 
projets de cette envergure. Une industrie nuclĂ©aire civile pouvait, en effet, dans une 
certaine mesure renouveler le prestige que l’Iran, superpuissance rĂ©gionale, avait perdu 
Ă©tant donnĂ© l’accĂšs de l’Inde et d'IsraĂ«l  â€” acteurs moins puissants de la rĂ©gion â€” Ă  la 
capacitĂ© nuclĂ©aire militaire. Contrairement Ă  IsraĂ«l â€” qui avait dĂ©veloppĂ© son programme 
de maniĂšre clandestine â€” et Ă  l’Inde, l’Iran tenait Ă  faire les choses dans la lĂ©galitĂ© et avait 
mĂȘme signĂ© le TNP. Le pays s’était engagĂ©, ce faisant, Ă  ne pas dĂ©velopper d’armes 
nuclĂ©aires. Le Shah croyait que ses forces conventionnelles Ă©taient suffisantes pour faire 
face aux menaces qui pesaient sur son pays, mais restait toujours la question du prestige. 
C’est la raison pour laquelle il estimait, dans son calcul de coĂ»t-bĂ©nĂ©fice, que sa nation 
pourrait davantage profiter d’une industrie d’énergie nuclĂ©aire que des armes nuclĂ©aires. Il 
ne voyait donc aucune urgence Ă  dĂ©velopper un programme nuclĂ©aire militaire. Cela Ă©tant, 
il n’écartait pas la possibilitĂ© de le faire si la survie de son pays en dĂ©pendait. 

Si le cas d’Étemad montre bien que contrĂŽler le transfert de savoir-faire Ă  travers des 

« individus savants Â» est quasi impossible, cela donne une idĂ©e de la difficultĂ© de cette 
tĂąche aprĂšs la chute de l’Empire soviĂ©tique et la disponibilitĂ© de centaines de scientifiques 
sans travail et moyens de subsistance. À l’époque du lancement de cette industrie, l’AIEA 
organisait ce type de fourniture d’experts. C’est à ce titre que Quihillalt

1

, un ancien amiral 

argentin, devenu « expert Â» pour l’AIEA, se rend en Iran au moment de la crĂ©ation de 
l’OEAI et propose son expertise pour le dĂ©veloppement de l’industrie nuclĂ©aire iranienne. 
N’oublions pas que le mandat principal de l’AIEA Ă©tait de fournir ce genre de soutien et 

                                                                    

 

1

 

Poneman, Daniel, 

Nuclear Power in the Developing World,

 George Allen & Unwin, Londres, 1982, 

p. 86. 

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113 

d'aide technique Ă  des pays en voie de dĂ©veloppement. Actuellement, l’Agence s’occupe 
principalement du contrĂŽle de la non-prolifĂ©ration. Comme Quihillalt connaissait bien 
d’autres spĂ©cialistes nuclĂ©aires argentins exilĂ©s, il a pu rĂ©unir une dizaine d’autres 
spĂ©cialistes pour aider l’OEAI Ă  rĂ©aliser son programme. C’est lĂ  un bon exemple de 
ressortissants d’un pays en voie de dĂ©veloppement aidant un autre pays en voie de 
dĂ©veloppement Ă  acquĂ©rir des compĂ©tences nouvelles en matiĂšre de technologie nuclĂ©aire. 
Et voilĂ  prĂ©cisĂ©ment le type de coopĂ©ration que les États-Unis voulaient Ă  tout prix arrĂȘter. 
Cette expertise  Ă©tait un Ă©lĂ©ment dĂ©terminant pour l’avancement rapide du programme 
iranien. C’est ainsi notamment que la courbe d’expĂ©rience des autres pays a pu ĂȘtre divisĂ©e 
par cinq dans le cas du dĂ©veloppement iranien. Entre ressortissants des pays en voie de 
dĂ©veloppement, les liens personnels et affectifs Ă©taient aussi plus forts. Soumis aux mĂȘmes 
types de difficultĂ©s et obstacles dans leurs vie  â€” exil, changement de rĂ©gime, pression 
internationale, contraintes imposĂ©es par des pays forts [
] â€” ils se sentaient plus proches. 
Ils s’impliquaient par conviction, et pas seulement par obligation commerciale, ce qui 
dĂ©cuplait leur efficacitĂ©. 

Mais il faut aussi dire que le phĂ©nomĂšne des « individus savants Â» et la difficultĂ© de 

dĂ©terminer leurs allĂ©geances rĂ©elles dans leurs interventions peut avoir des consĂ©quences 
dans les deux sens. Un cas trĂšs intĂ©ressant est celui du journaliste Ă©conomique de l’époque, 
devenu patron d’entreprise pĂ©trolier aux États-Unis aujourd’hui, M. Mossavar Rahmani, 
qui, comme nous le verrons Ă  la fin de ce chapitre, a jouĂ© un rĂŽle dĂ©terminant dans la 
remise en cause du nuclĂ©aire en Iran. 

Dans les quatre annĂ©es de sa gloire, l’OEAI a aussi pu attirer un nombre important de 

chercheurs trĂšs qualifiĂ©s qui retournaient en Iran aprĂšs avoir terminĂ© leurs Ă©tudes dans 
diffĂ©rents pays Ă©trangers. Ces chercheurs avaient toute qualification nĂ©cessaire pour 
continuer leurs recherches sur des sujets civils et militaires. Les moyens ne manquaient pas 
et ils bĂ©nĂ©ficiaient d’une grande libertĂ© dans leurs recherches. Le but, selon les acteurs de 
l’époque, Ă©tait de faire en sorte que la capacitĂ© intellectuelle interne pour l’utilisation 
militaire Ă©ventuelle de la technologie nuclĂ©aire puisse exister, si besoin Ă©tait, dans le futur. 

                                                                    

 

1

 

Ancien chef de la Commission d’Énergie Atomique d’Argentine, qui avec la prise de pouvoir de 

Peron, avait Ă©tĂ© obligĂ© de quitter son pays. 

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114 

Le manque de direction, d’infrastructure, de coordination et d’expĂ©rience 

Ainsi, moins de dix ans aprĂšs son retour au pays, Étemad, jeune fonctionnaire, fera face 

Ă  une responsabilitĂ© lourde : assumer la direction de l’un des plus ambitieux programmes 
nuclĂ©aires au monde. Un dĂ©fi Ă©norme qui n’était pas exceptionnel pour les hommes de sa 
gĂ©nĂ©ration : construire Ă  partir de rien, sans institutions existantes, sans aucune 
infrastructure, sans spĂ©cialistes bien formĂ©s ! La rĂ©ponse d’Étemad sera positive, malgrĂ© 
l’absence totale de direction et d’objectifs clairs. Ni le Shah ni le Premier ministre Hoveyda 
ne lui donneront des objectifs clairs pour le programme. On voulait un programme 
d’énergie nuclĂ©aire, et trĂšs vite ! Le programme nuclĂ©aire de l’Iran sera donc esquissĂ© par 
Étemad en urgence. Il s’agissait de rĂ©pondre aux besoins Ă©nergiques du pays, et de 
conduire la recherche nuclĂ©aire, appliquĂ©e Ă  l’agriculture, la mĂ©decine, la biologie et 
l’industrie. La consommation d’électricitĂ© Ă  l’époque n’était pas trĂšs importante et il y avait 
beaucoup de perte dans le transport de l’électricitĂ©. Mais les besoins futurs d’une nation en 
cours d’industrialisation rapide Ă©taient considĂ©rables. Ayant validĂ© ces grandes lignes, 
Étemad demande un dĂ©lai d’un mois pour dĂ©velopper un programme dĂ©taillĂ© pour la 
nation. 

L’absence de rĂ©flexion stratĂ©gique et d’approche politique Ă  ce sujet peut paraĂźtre 

Ă©tonnante. Étemad admet lui-mĂȘme que personne ne lui aura fourni de directives ou 
d’objectifs Ă  long terme pour le programme nuclĂ©aire de l’Iran. S’agissait-il d’un 
programme purement commercial pour la production d’électricitĂ© ? Le Shah et le 
gouvernement auraient-ils d’autres objectifs de type militaire ? Il  interpellera le Premier 
ministre Hoveyda qui sembla, d’aprĂšs Étemad, ne pas avoir plus de rĂ©ponses Ă  ce sujet que 
lui-mĂȘme et qui invita Étemad Ă  consulter le Shah directement. Mais il faudra six mois 
d’audiences informelles et de « sensibilisation technique Â» du Shah avant qu’Étemad puisse 
finalement se permettre de lui poser la question du vĂ©ritable objectif, alors que le 
programme Ă©tait dĂ©jĂ  bien lancĂ©. La rĂ©ponse du Shah sera catĂ©gorique : 

« [
] aucune des nations qui nous entourent, que ce soit l’Afghanistan, le Pakistan, 

les Émirats du Sud, l’Arabie Saoudite, l’Irak, la Turquie, n’atteignent notre puissance 
militaire [
] Nous n’avons donc pas besoin d’armes nuclĂ©aires [
] En ce qui concerne 
l’Union soviĂ©tique, mĂȘme si nous avions deux, trois ou une dizaine de bombes 

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115 

nuclĂ©aires, nous ne pourrions pas nous dĂ©fendre contre elle. Des armes nuclĂ©aires 
n’auraient aucun avantage pour nous et pourraient au contraire perturber notre 
programme commercial [
] mais cet Ă©quilibre pourrait changer dans dix ou quinze 
ans. Â»

1

 

Face Ă  l’urgence il n’était pas question non plus de faire des Ă©tudes de marchĂ© ou de 

faisabilitĂ© : Étemad utilise donc les donnĂ©es existantes du ministĂšre du Plan et du bureau 
du Premier ministre ainsi que d’autres ressources gouvernementales pour Ă©laborer ses 
plans et scĂ©narios. D’aprĂšs lui, le Premier ministre et l’ensemble du gouvernement n’ont eu 
aucun rĂŽle dans la dĂ©finition du programme nuclĂ©aire. Dans les discussions de dĂ©part sur 
les objectifs et enjeux de cette industrie, Hoveyda semble avoir Ă©tĂ© dĂ©passĂ© ou avoir voulu 
se dĂ©sengager de ce programme. « Il me semblait trĂšs bizarre Â», souligne Étemad, « que le 
chef du gouvernement n’ait aucune influence sur un programme si important [
] pendant 
le mois ou j’élaborais le programme nuclĂ©aire du pays, Hoveyda aurait pu organiser un 
dĂ©bat au sein du gouvernement [
] mais il ne s’y est mĂȘme pas intĂ©ressĂ©, comme si ce 
programme appartenait Ă  un autre pays et que son dĂ©veloppement dĂ©pendait d’un autre 
État Â»

1

. Le gouvernement aurait aussi ignorĂ© la directive du Shah pour faire le point sur ce 

programme et les besoins de coordination. Seul le ministĂšre de l’Énergie aurait pris contact 
avec une firme amĂ©ricaine pour faire une Ă©tude autour de ce sujet, ce qui ne se rĂ©alisera 
jamais. C’est Hoveyda lui-mĂȘme qui suggĂ©ra au Shah qu’Étemad soit nommĂ© Adjoint au 
Premier ministre, en le convaincant que cette nomination donnerait un coup de pouce au 
programme nuclĂ©aire. Pour un chercheur scientifique de 44 ans, sans aucune formation 
politique et administrative, le  parcours  et  l’ascension  Ă©taient exceptionnels ! Avec 
seulement neuf ans d’expĂ©rience dans l’appareil administratif d’État, il devenait non 
seulement Adjoint au Premier ministre, mais responsable du programme nuclĂ©aire de 
l’Iran. 

Aucun ministĂšre, ou pouvoir public, ni le Premier ministre ne s’occupaient du 

fonctionnement de l’OEAI, pas mĂȘme pour coordonner les activitĂ©s  de celui-ci avec 
d’autres organes gouvernementaux. Seul le Shah semble avoir portĂ© un intĂ©rĂȘt rĂ©el au sort 
de cette organisation, ses activitĂ©s et ses dirigeants. Ce manque d’intĂ©rĂȘt manifeste semblait 

                      

 

1

 

Barnameyeh Energieh Atomieh Iran,

 p. 62. 

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116 

Ă©trange, mĂȘme Ă  Étemad lui-mĂȘme qui se plaint du fait qu’aucun ministre ne lui ait jamais 
demandĂ© quoi que ce soit sur les activitĂ©s de son organisation. Il n’y avait quasiment aucun 
contrĂŽle : « je me sentais dans un vide total, sans gravitĂ©, fallait-il que je sois mon propre 
contrĂŽleur, juge, et parti ? [
] pour Ă©valuer les consĂ©quences sociales et Ă©conomiques de 
nos activitĂ©s? Â»

2

 

La signification des propos d’Étemad est importante : il n’y avait pas de mĂ©canisme de 

consultation ni de coordination. Le Shah avait un poids trop important et un style trop 
autocratique, ce qui avait pour consĂ©quence l’absence de mĂ©canisme de participation et de 
contre-pouvoir dans les affaires d’État. Il semble qu’autour de lui il n’y ait eu personnes 
avec qui il ait pu confronter ses opinions et examiner la consĂ©quence de ses dĂ©cisions. Pas 
de relais pour prendre le pouls de l’opinion, pas de mĂ©canisme pour intĂ©grer les sentiments 
du public dans sa politique. C’était un vĂ©ritable style autocratique avec ses avantages et ses 
faiblesses. Le dĂ©savantage majeur Ă©tait l’isolement total de l’OEAI, ce qui affectera la 
rĂ©alisation du programme tant Ă  l’intĂ©rieur qu’à l’étranger. Deux exemples  â€” que nous 
verrons en dĂ©tail plus tard â€” illustreront ceci : d’une part les lignes d’électricitĂ© censĂ©es 
transporter l’énergie des centrales vers les rĂ©seaux nationaux ne seront pas prĂȘtes, d’autre 
part, dans les nĂ©gociations diplomatiques importantes Ă  l’étranger l’OEAI ne sera pas 
Ă©paulĂ©e par les diplomates du ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres. 

Pendant le mandat du Premier ministre Hoveyda, le gouvernement se concertera Ă  

seulement trois reprises avec Étemad, l’Adjoint au Premier ministre. La premiĂšre fois, lors 
d’une rĂ©union avec toutes les grandes institutions Ă©tatiques, pour leurs demander d’utiliser 
le personnel iranien dans la mesure du possible. La deuxiĂšme, Ă  l’époque oĂč le 
gouvernement commençait Ă  ressentir l’effet de la baisse de recettes pĂ©troliĂšres, concernera 
l’engagement de l’OEAI de ralentir le rythme des dĂ©veloppements pour dĂ©gager des 
Ă©conomies Ă  court terme. Mais d’aprĂšs Étemad, le Shah imposera son veto et dĂ©cidera que 
les projets nucléaires devront se compléter sans tarder

3

. La troisiĂšme concertation aura lieu 

lors d’un dĂ©jeuner avec le ministre du budget Houchang Ansary et le ministre du Plan 
Abdol-Majid Majidi, Ă  propos des barĂšmes des salaires  â€” selon lui trop Ă©levĂ©s â€” de 

                                                                    

 

1

 

Ibid., p. 17. 

2

 

Ibid., p. 104-105. 

3

 

Ibid., p. 113. 

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117 

l’organisation. Étemad ne trouve pas cette attitude du gouvernement trĂšs constructive et 
l’attribue au fait que la conception de tout responsable Ă©tait que « le Shah savait ce qu’il 
faisait Â»

1

, et qu’il n’était pas question de remettre ses dĂ©cisions en cause, ou d’en dĂ©battre. 

Par ce fait, l’OEAI avait aussi une indĂ©pendance totale dans ces nĂ©gociations et n’était 

pas Ă©paulĂ©e par d’autres ministĂšres tels que celui des Affaires Ă©trangĂšres dans les 
nĂ©gociations bilatĂ©rales avec des pays comme les États-Unis : 

« Nous Ă©tions complĂštement autonomes dans les nĂ©gociations [
] de maniĂšre 

gĂ©nĂ©rale aprĂšs avoir conclu des accords en forme finale, nous les transmettions au 
ministre des Affaires Ă©trangĂšres pour qu’il les signe et si nĂ©cessaire, nous les passions au 

Majlés

. Mais il n’y avait pas de reprĂ©sentants des Affaires Ă©trangĂšres dans les 

rĂ©unions. Â»

2

 

Dans le cas de nĂ©gociations avec la France par exemple, des reprĂ©sentants des ministres 

français des Affaires Ă©trangĂšres,  de l’Industrie et Technologie, et du Commissariat de 
l’Énergie Atomique, collaboraient ensemble au nom de la France, tandis que du cotĂ© 
iranien l’OEAI marchait seule. 

Le Shah semble mĂȘme ne pas avoir eu une vĂ©ritable confiance dans son gouvernement 

pour penser que l’apport des autres entitĂ©s pourrait ĂȘtre un avantage dans les affaires 
nuclĂ©aires. D’aprĂšs Étemad, « l’inquiĂ©tude principale du Shah Ă©tait que le gouvernement 
trouve le moyen de perturber les activitĂ©s de l’OEAI Â»

3

. Une coordination minimale ne 

semble mĂȘme pas avoir eu lieu grĂące aux deux organes de contrĂŽle de l’OEAI. Ces organes 
comprenaient le ComitĂ© d’Énergie Atomique, constituĂ© du prĂ©sident de l’OEAI, du 
ministre des Finances, du ministre du Plan et Budget, et du ministre de l’Énergie, et le 
Comité Exécutif (

Shoraye Ali) 

d’Énergie Atomique prĂ©sidĂ© par le Premier ministre qui 

comprenait « certains ministres et des personnes d’influence sur les affaires d’État [
] Â»

4

Bien que l’OEAI ait eu un budget important (de 30,8 millions de dollars en 1975 Ă  plus 

de $1 milliard en 1976

5

), l’Iran n’avait pas l'infrastructure nĂ©cessaire pour l’exploitation de 

                      

 

1

 

Ibid., p. 117. 

2

 

Ibid., p. 155. 

3

 

Ibid., p. 18. 

4

 

Ibid. 

5

 

United States Energy Research and Development Administration, « 

Iran: atomic energy program

 Â», 

octobre 1976, p. 3. 

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118 

l'Ă©nergie nuclĂ©aire, pas mĂȘme un rĂ©seau national d’électricitĂ©. Pas plus tard qu’en 1970, la 
Banque Mondiale avait fait un prĂȘt de 60 millions de dollars Ă  l’Iran pour l’expansion de 
réseaux électriques pour les alentours de Téhéran

1

. Une autre implication de ce manque de 

coordination Ă©tait que l’offre de l’industrie nationale Ă©tait infĂ©rieure Ă  la demande pour des 
matĂ©riaux et piĂšces utilisĂ©s pour la construction des centrales. Toutes ces incohĂ©rences 
seront utilisĂ©es par la suite par le mouvement contestataire pour discrĂ©diter le programme 
de l’énergie nuclĂ©aire de l’Iran. 

La signature de contrats dans des conditions de faiblesse croissante 

Quelques mois aprĂšs sa crĂ©ation, l’OEAI contacte tous les Â« grands fabricants Â» 

d’uranium dans le monde. Aucun de ces fournisseurs n’a voulu vendre d’uranium Ă  l’Iran. 
Toute la production mondiale Ă©tait Ă  l’époque prĂ©-vendue pour les annĂ©es Ă  venir. En effet, 
la pratique de l’époque consistait Ă  conclure des accords de longue durĂ©e avec les 
fournisseurs et Ă  passer des commandes pour l’uranium quelques annĂ©es Ă  l’avance. Avec 
l’adoption de l’énergie nuclĂ©aire par tant de pays dans le monde, la demande mondiale 
Ă©tait trĂšs importante et il en rĂ©sultait une vĂ©ritable pĂ©nurie de l’uranium. 

Le premier fournisseur de l’Iran sera la Namibie â€” Ă  l’époque sous le protectorat de 

l’Afrique du Sud. La compagnie miniĂšre Rio Tinto Zinc (RTZ) dĂ©tenait la majoritĂ© des parts 
dans cette exploitation miniĂšre. L’OEAI obtient des actions de RTZ lui donnant droit Ă  une 
part de cette exploitation. L’organisation prendra Ă©galement une participation dans la 
sociĂ©tĂ© allemande Uran Gesellschaft, qui explorait les nouvelles mines d’uranium dans le 
monde. Les nĂ©gociations avec le Niger et le Gabon, elles,  Ă©taient  infructueuses, d’aprĂšs 
Étemad, en raison du rĂŽle « nĂ©gatif Â» jouĂ©e par la France qui, d’aprĂšs lui, voulait avoir le 
contrĂŽle exclusif de ces ressources pour les revendre elle-mĂȘme Ă  des parties tierces comme 
l’Iran. À l’époque ceci Ă©tait inacceptable pour l’OEAI qui ne voulait pas perdre son 
indĂ©pendance dans le cycle de combustion. La solution idĂ©ale pour l’OEAI Ă©tait d’explorer 
de l’uranium dans le pays mĂȘme. La moitiĂ© du pays Ă©tait ainsi survolĂ© par des avions 
Ă©quipĂ©s avec des appareils de radiomĂ©trie et de gravimĂ©trie et c’est ainsi que les ressources 

                      

 

1

 

Marwah, Onkar, Sculz, Ann, ed., 

Nuclear Proliferation and Near-Nuclear Countries, 

Ballinger, MA, 1975, 

p. 186. 

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119 

d’uranium ont Ă©tĂ©  identifiĂ©es. Mais l’OEAI n’aura pas suffisamment de temps pour 
exploiter les ressources miniĂšres internes avant la rĂ©volution de 1979. 

Dans les pratiques courantes de l’enrichissement de cette Ă©poque, l’utilisateur de 

l’uranium enrichi fournissait le minerai d’uranium Ă  son fournisseur d’enrichissement et 
rĂ©cupĂ©rait l’uranium enrichi. À l’époque, seuls les États-Unis, l’Union soviĂ©tique et la 
France possĂ©daient des usines d’enrichissement d’uranium et seuls les États-Unis â€” et dans 
une moindre mesure l’Union soviĂ©tique â€” commercialisaient ces services. Avec la 
demande importante des services d’enrichissement de l’époque et son investissement fort 
dans l’énergie nuclĂ©aire, la France forme Ă  ce mĂȘme moment le consortium international 
Eurodif avec la participation minoritaire de l’Italie, de l’Espagne et de la Belgique, pour 
fabriquer la plus grande usine d’enrichissement d’uranium au monde

1

. C’est une 

installation immense qui nĂ©cessite pour sa propre consommation quatre rĂ©acteurs de 
900 MW  â€” deux fois plus que la capacitĂ© nuclĂ©aire prĂ©vue Ă  l’époque pour la 
consommation nationale en Iran. 

En mai 1974, l’Iran a ratifiĂ© un accord prĂ©liminaire avec la France pour l’achat de cinq 

rĂ©acteurs de 1 000 MW, pendant une visite du Shah et d’Étemad Ă  Paris. Cet accord de 
5 milliards de dollars comprenait l’approvisionnement de l’uranium, des Ă©quipements 
industriels, 

pipelines

 de gaz et un  centre de recherche nuclĂ©aire

2

. En mĂȘme temps un 

accord bilatĂ©ral de coopĂ©ration pour les usages civils de l’énergie atomique Ă©tait signĂ© par 
les ministres des Affaires Ă©trangĂšres, Abbas Ali Khalatbari et Jean Sauvagnargues. 

Avec les complications internationales liĂ©es Ă  l’acquisition des services d’enrichissement 

— ce que nous verrons plus loin en dĂ©tail â€” l’Iran ne pourra pas acheter des services 
d’enrichissement aux États-Unis, car les deux pays ne parviendront jamais Ă  conclure les 
accords bilatĂ©raux nĂ©cessaires Ă  cette coopĂ©ration. L’usine française Eurodif, elle, Ă©tait 
encore en construction et  â€” comme nous le verrons plus bas â€” le fournisseur allemand 
des rĂ©acteurs vendra ceux-ci Ă  l’Iran accompagnĂ©s des services d’enrichissement nĂ©cessaires 
pour une durĂ©e de dix ans â€” ce qu’elle-mĂȘme allait sous-traiter Ă  l’Union soviĂ©tique. Pour 
Ă©chapper Ă  cette dĂ©pendance et aux risques qu’elle reprĂ©sentait, l’OEAI dĂ©cide de participer 

                      

 

1

 

Cette usine sera opĂ©rationnelle dĂšs 1980, fournissant les pays du monde y compris le Japon avec 

des services d’enrichissement. 

2

 

Keyhan Internationale

, 29 juin 1974, p. 1. 

background image

 

 

120 

elle-mĂȘme au capital d’Eurodif. Lors du voyage de Jacques Chirac en Iran en 1975, le Shah 
s’engage Ă  fournir Ă  la France un « prĂȘt Â» d’un milliard de dollars pour participer au capital 
d’Eurodif. Les dĂ©tails de cet accord seront dĂ©finis par Étemad, ainsi que par Ansary, le 
ministre de l’Économie et des Finances, et approuvĂ©s par le Premier ministre Hoveyda et 
Jacques Chirac. 

Ces accords donneront lieu Ă  la crĂ©ation de deux sociĂ©tĂ©s de droit français, la Sofidif et la 

Coredif. L’Iran avait une participation de 40 % dans le capital de la premiĂšre et 20 % dans 
le capital de la seconde, la  France dĂ©tenant le reste. La sociĂ©tĂ© Sofidif dĂ©tenait 25 % du 
capital d’Eurodif, et par la mĂȘme, l’Iran dĂ©tenait indirectement (40 % x 25 %), 10 % du 
capital d’Eurodif ce qui lui donnait droit Ă  10 % de la capacitĂ© d’enrichissement annuelle 
d’Eurodif. La raison de ce montage compliquĂ© Ă©tait pour la France de garder sa position 
d’actionnaire majoritaire au sein d’Eurodif. Cela donnait le droit Ă  Étemad de siĂ©ger au sein 
des conseils de Sofidif et d’Eurodif

1

, et l’Iran acquĂ©rait un droit d’utiliser 10 % de la 

capacitĂ© annuelle d’enrichissement de l’uranium de  l’Eurodif

2

. Eurodif sera la premiĂšre 

usine commerciale d’enrichissement d’uranium dans le monde en dehors des États-Unis et 

de l’Union soviĂ©tique. L’Iran a aussi signĂ© un accord avec les États-Unis, en novembre 
1974, exprimant son intĂ©rĂȘt pour participer aussi au capital d’une usine commerciale 
d’enrichissement d’uranium qui devait ĂȘtre fabriquĂ©e aux États-Unis. 

Ce premier investissement en capacitĂ© d’enrichissement n’est pas neutre. Comme le 

schĂ©ma du cycle  du  combustible  nuclĂ©aire  dans le chapitre prĂ©cĂ©dent le dĂ©montre, les 
Ă©tapes d’enrichissement et de retraitement sont les deux maillons de la chaĂźne pouvant 

                      

 

1

 

Barnameyeh Energieh Atomieh Iran

, p. 49-51. 

2

 

TIAS 7967, 

Iran-Cooperation

 - 2 novembre 1974. 

CEA 

TotalFinaElf 

ERAP    Caisses des d Ă©pĂŽts 

et consignations

| 74.7%        | 14.5%            | 7.6%       | 3.2% 

|              |                  |            |

COGEMA 

OEAI      

ENUSA 

Synatom

Enea

(France)     (Iran)      (Espagne)  (Belgique)  (Italie)
44.653% | 60%    

| 40%       11.11%    11.11%      8.12%

|   |      |           

|          |          |

|  

|          |          |

|        |               |          |          |
|     SOFIDIF            |          | 

|

|        | 25%           |          |          |
|        |               |          |          |

EURODIF SA

Source: CEA, 22 mai 2001.

|

CEA 

TotalFinaElf 

ERAP    Caisses des d Ă©pĂŽts 

et consignations

| 74.7%        | 14.5%            | 7.6%       | 3.2% 

|              |                  |            |

COGEMA 

OEAI      

ENUSA 

Synatom

Enea

(France)     (Iran)      (Espagne)  (Belgique)  (Italie)
44.653% | 60%    

| 40%       11.11%    11.11%      8.12%

|   |      |           

|          |          |

|  

|          |          |

|        |               |          |          |
|     SOFIDIF            |          | 

|

|        | 25%           |          |          |
|        |               |          |          |

EURODIF SA

Source: CEA, 22 mai 2001.

|

background image

 

 

 

121 

produire du plutonium et de l’uranium de qualitĂ© militaire. Les États-Unis ont mis,  dĂšs 
1974, des mesures puissantes en place pour barrer l’accĂšs des pays en voie de 
dĂ©veloppement Ă  des technologies d’enrichissement et de retraitement

1

, ceci non 

seulement par crainte â€” ou sous le prĂ©texte â€” que ces technologies soient utilisĂ©es Ă  des 
fins militaires, mais aussi parce que jusque-lĂ  les États-Unis avaient le monopole 
commercial de ces services dans le monde, ce qui n’allait plus ĂȘtre le cas avec l’entrĂ©e de 
l’Europe et de l’Union soviĂ©tique sur le marchĂ© international

2

. La participation de l’Iran 

dans Eurodif Ă©tait censĂ©e contourner le risque que les États-Unis bloquent l’accĂšs aux 
services d’enrichissement. 

« [
] Il y avait seulement trois pays sĂ©rieux avec qui on pouvait travailler Â» 

souligne 

Étemad

  Â« : la France, l'Allemagne, les États-Unis, c'est tout  â€” nous n’avions jamais 

considĂ©rĂ© l’Union soviĂ©tique comme un partenaire technologique viable, en tout cas pas 
pour construire des centrales nuclĂ©aires, mais nous pouvions y acheter des matĂ©riels et 
des piĂšces. L’Angleterre non plus d’ailleurs car leur technologie ne nous intĂ©ressait pas, 
et le monde s’accorde maintenant Ă  considĂ©rer que c'est une technologie obsolĂšte. Par 
contre nous avions passĂ© un accord avec l’United Kingdom Nuclear Energy Authority 
pour la formation des cadres et la sĂ»retĂ©. Il y avait donc quatre entreprises avec qui on 
pouvait traiter : Framatome (France), Siemens/Kraftwerk Union (Allemagne), 
Westinghouse et General Electric (USA). Comme le gouvernement amĂ©ricain faisait 
traĂźner les accords nĂ©cessaires pour travailler avec les entreprises amĂ©ricaines, nos seuls 
choix Ă©taient la France et l’Allemagne. Nous avons dĂ©cidĂ© de travailler avec les deux, 
pour ne pas ĂȘtre dĂ©pendants d’un seul fournisseur. Â»

3

 

En juillet 1974, Ă  peine quatre mois aprĂšs la crĂ©ation de l’OEAI, l’Iran avait fait d’abord 

un prĂȘt d’un milliard de dollars au gouvernement français

4

 â€” suivi d’un second prĂȘt de 

                      

 

1

 

L’Iran avait aussi signĂ© un accord avec les États-Unis, en novembre 1974, exprimant son intĂ©rĂȘt 

dans la participation Ă  une usine commerciale d’enrichissement d’uranium qui devait ĂȘtre 

fabriquĂ©e aux États-Unis. (TIAS 7967, Iran-Cooperation - 2 novembre 1974). Mais ces accords 

formels doivent ĂȘtre examinĂ©s avec attention car c’est en rĂ©alitĂ© l’OEAI qui  dĂ©cidait des 

partenariats dans ce domaine. La commission Ă©conomique mixte irano-amĂ©ricaine a pris un 

certain nombre de bonnes rĂ©solutions dans ce domaine qui n’ont jamais Ă©tĂ© appliquĂ©es. 

2

 

Ces points seront dĂ©veloppĂ©s en dĂ©tail dans les sections suivantes. 

3

 

Entretien avec Dr. Akbar Étemad, Paris, 1992. 

4

 

D’aprĂšs 

Le Monde Diplomatique

 d’avril 1992, au CEA, pour participer au capital  de l’usine 

d’enrichissement d’uranium, Eurodif (un consortium entre la France, la Belgique et l’Italie) en 

France. Mais le 

Keyhan International 

du 30 juillet 1974 prĂ©sente une version diffĂ©rente de cette 

background image

 

 

122 

350 millions de francs â€” ceux-ci Ă©tant « censĂ©s faciliter la coopĂ©ration entre les deux pays 
dans le domaine nuclĂ©aire Â»

1

. Le gouvernement britannique avait lui aussi reçu un prĂȘt 

d’un milliard de dollars du gouvernement iranien. Du cotĂ© français, ce prĂȘt Ă©tait consacrĂ© Ă  
la coopĂ©ration nuclĂ©aire. Il faut dire que l’augmentation des prix pĂ©troliers par l’OPEP en 
1974 avait mis une pression considĂ©rable sur les Ă©conomies des pays industrialisĂ©s et fait 
peser une tension sur les relations irano-amĂ©ricaines. Le Shah, qui avait optĂ© pour l’alliance 
avec l’Europe, voulait faciliter l’absorption de ce choc pour ces alliĂ©s EuropĂ©ens, surtout les 
deux 

leaders

 politiques, la France et le Royaume-Uni. 

L’OEAI avait aussi nĂ©gociĂ© un contrat de 10 milliards de francs avec Framatome pour 

construire deux rĂ©acteurs de 900 MW Ă  Ahvaz. Ces rĂ©acteurs devaient entrer en fonction 
en 1982-1983  â€” dans l’accord de 1974 le coĂ»t des cinq rĂ©acteurs de 1 000 MW Ă©tait 
annoncĂ© Ă  1,2 milliards de dollars dans la presse, mais le prix des deux rĂ©acteurs de 
900 MW, d’aprĂšs la presse, Ă©tait montĂ© Ă  1,2 milliards de dollars en 1976

2

. Les contrats des 

centrales françaises  â€” par opposition aux centrales allemandes â€” allaient prendre 
beaucoup de temps pour se finaliser. 

M. Majid Majidi, ministre iranien du Plan en 1974, raconte :  

« Le gouvernement du Shah avait dĂ©cidĂ© en 74 d’aider les gouvernements français et 

anglais pour amortir les rĂ©percussions du choc pĂ©trolier. Donc 1 milliard de dollars avait 
Ă©tĂ© versĂ© Ă  la Banque d’Angleterre (environ 500 millions de dollars pour le 

Water 

Authority

 et 500 millions de dollars pour 

l’Electricity Authority 

et 1 milliard de dollars Ă  

la Banque de France, sommes qui Ă©taient consacrĂ©s Ă  l'Eurodif. Le prix du baril avait 
augmentĂ© une premiĂšre fois au dĂ©but de 1973 et une deuxiĂšme fois vers la fin de 73. 
Nous avions seulement touchĂ© les bĂ©nĂ©fices en 74, et ces deux prĂȘts avaient Ă©tĂ© accordĂ©s 
Ă  la France et Ă  l’Angleterre Ă  la fin de 74 pour la collaboration Ă©conomique. Les 
gouvernements français et anglais Ă©taient tellement inquiets de la rĂ©percussion de ces 
augmentations sur leur monnaie et leur balance des paiements, qu'ils nous ont demandĂ© 
une aide afin de pouvoir les payer. Ceci avait pour but d'une part d'aider la Banque de 

                                                                    

 

histoire, prĂ©tendant que ce prĂȘt Ă©tait fait Ă  la Banque de France, comme paiement pour des 

rĂ©acteurs, sur trois ans au taux commercial en vigueur. 

1

 

TIAS 7967, 

Iran-Cooperation

 - 2 novembre 1974. 

2

 

Washington Post

, 26 mai 1976. 

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123 

France, pour ses sorties de devises fortes en vue de l'achat du pĂ©trole, et d’autre part de 
participer Ă  la construction d'Eurodif. À long terme, l’Iran ayant une part dans ce 
marchĂ© d’enrichissement, dans le but de devenir un client de ce produit, s’était pris au 
jeu dans ce marchĂ© trĂšs sensible [
] Â»

1

 

En juin 1975, des lettres d’intention de 7,8 milliards de DM pour deux centrales 

nuclĂ©aires, ont Ă©tĂ© signĂ©es avec Kraftwerk Union de la RFA pour la construction de deux 
rĂ©acteurs de 1 240 MW Ă  Boushehr. Épousant la mĂȘme dĂ©marche que dans le cas de la 
France et du Royaume-Uni, ces centrales ont Ă©tĂ© payĂ©es Ă  l’avance pour assurer le 
commencement immĂ©diat des travaux. Les deux rĂ©acteurs de Boushehr devaient respec-
tivement entrer en fonction en 1980 et 1981. Les travaux des rĂ©acteurs allemands dĂ©marrĂ©s 
dĂšs aoĂ»t 1975 sur une simple lettre d’intention et avant mĂȘme la signature des contrats 
dĂ©finitifs ont Ă©tĂ© signĂ©s seulement l’étĂ© suivant

2

. Les Allemands, qui  avaient pu conclure 

leurs contrats avant le dĂ©but des difficultĂ©s fiscales en Iran, obtinrent des termes de 
financement en espĂšces

3

. C’est seulement au cours de cette annĂ©e que le gouvernement 

allemand cĂ©dera finalement aux pressions des États-Unis et signera le TNP. La RFA 
participait aussi, avec la France, le Royaume-Uni et les autres pays fournisseurs nuclĂ©aires, 
au « Club de Londres Â»  â€” un club secret qui venait d’ĂȘtre Ă©tabli par les AmĂ©ricains pour 
contrĂŽler les explorateurs nuclĂ©aires et mettre fin Ă   leurs ventes aux pays en voie de 
dĂ©veloppement. 

Les contrats pour les centrales françaises ne seront signĂ©s qu’en octobre 1976. 

Contrairement aux projets allemands rapidement rĂ©alisĂ©s, les projets français ne 
dĂ©marrĂšrent qu’en juillet 1977

4

. À cette Ă©poque, l’énergie nuclĂ©aire Ă©tait dĂ©jĂ  sujette aux 

critiques de la sociĂ©tĂ© civile iranienne. Une des raisons de ce retard semble ĂȘtre l’isolement 
de l’OEAI. Étemad maintint que les Français exerçaient des « pressions Â» pour conclure les 
contrats de vente des rĂ©acteurs aussi rapidement que possible. D’aprĂšs lui, Â« c’était 
prĂ©maturĂ© et l’OEAI ne cĂ©dait pas Ă  ces pressions Â»

5

. Il prĂ©cise : 

                      

 

1

 

Entretien avec M. Majid Majidi, ministre iranien du Plan en 1974, Paris, 1992. 

2

 

Nucleonics Week,

 8 juillet 1976, p. 4-5. 

3

 

Poneman, Daniel, 

Nuclear Power in the Developing World, 

George Allen & Unwin, Londres, 1982, 

p. 91. 

4

 

Un contrat pour un laboratoire de cycle du combustible nuclĂ©aire Ă  Ispahan avait Ă©tĂ© signĂ© avec 

le CEA en mai 1975. 

5

 

Barnameyeh Energieh Atomieh Iran

, p. 159. 

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124 

« Lors de la visite de Giscard d’Estaing Ă  TĂ©hĂ©ran en 1976, ils [la diplomatie française] 

avaient fait comprendre au Shah qu’il  fallait, pour des raisons politiques, que lors de 
cette visite la signature des contrats des rĂ©acteurs entre les deux pays soient annoncĂ©e Ă  
la presse

1

 [
] Hoveyda s’adressait Ă  moi en français  â€” en prĂ©sence de Giscard 

d’Estaing, et des ministres français des Finances, des Affaires Ă©trangĂšres et de l’Industrie 
de l’époque, ainsi que d’Ansary, le ministre iranien de l’Économie et Finance, de Majidi, 
le ministre du Plan, et de trois autres ministres â€” disant que le Shah et Giscard avaient 
eu une discussion privĂ©e aujourd’hui et que l’une de leurs dĂ©cisions avait Ă©tĂ© de 
rĂ©soudre les problĂšmes concernant la question de la vente des centrales françaises et 
d’annoncer cette nouvelle officiellement Ă  la fin de la visite [
] Â»

2

 

Mais Étemad s’opposa Ă  cet engagement, avec de bons arguments techniques. Il prit 

rendez-vous avec le Shah et le convint de Â« ne pas cĂ©der Ă  la pression de Giscard Â»

3

 

Ă©voquant des raisons d’ordre financier, juridique et technique. Cela Ă©conomisa, d’aprĂšs lui, 
2 Ă  3 milliards de francs pour l’Iran Ă  l’époque

1

. Mais, vu de l’extĂ©rieur, on peut dire que 

l’annonce Ă  la presse de la vente des rĂ©acteurs n’aurait sans doute pas eu de consĂ©quence 
juridique, mais aurait pu renforcer la position française vis-Ă -vis des États-Unis dans le 
cadre des nĂ©gociations entre ces pays. La France avait rĂ©sistĂ© jusqu’en 1976 Ă  la pression 
amĂ©ricaine pour participer au Club de Londres. 

Le manque de dynamique de coopĂ©ration au sein du gouvernement iranien Ă  cette 

Ă©poque faisait que l’OEAI menait en solitaire et seulement avec ses ressources internes 
toute nĂ©gociation, tant sur le plan politique, juridique et financier, avec les entreprises et les 
États Ă©trangers. Ces ressources n’avaient Ă©tĂ© mises en place que depuis deux ou trois ans, 
sans connaissance approfondie du contexte international, des processus diplomatiques et 
des jeux politiques. Les États-Unis ne se sont jamais opposĂ©s directement Ă  l’Iran au sujet 
de son programme nuclĂ©aire. Au contraire, les nĂ©gociations formelles entre les deux pays 
— plutĂŽt de l’ordre du rituel que de vĂ©ritables nĂ©gociations â€” ont continuĂ© tout au long de 
cette pĂ©riode dans le cadre de la commission mixte de coopĂ©ration entre les deux pays, 
mais aussi entre l’OEAI et diffĂ©rents acteurs amĂ©ricains. 

                      

 

1

 

Ibid. 

2

 

Ibid. 

3

 

Ibid. 

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125 

Un certain nombre d’accords et traitĂ©s ont Ă©tĂ© signĂ©s entre l’Iran et les États-Unis pour la 

coopĂ©ration dans le domaine de l’énergie nuclĂ©aire. En mai 1974, le prĂ©sident de la 
commission amĂ©ricaine pour l’énergie nuclĂ©aire (US Atomic Energy Commission), le 
Dr. Dixie Lee Ray, s’était rendu Ă  TĂ©hĂ©ran. Le mois suivant, un accord de principe avec les 
États-Unis pour la vente de deux rĂ©acteurs, ainsi que de l’uranium enrichi nĂ©cessaire pour 
leur fonctionnement, est signĂ©. Mais ces accords n’ont jamais Ă©tĂ© finalisĂ©s par manque 
d’accords bilatĂ©raux entre les deux pays. Le sujet qui posait problĂšme dans les accords 
bilatĂ©raux Ă©tait la maĂźtrise iranienne du cycle du combustible nuclĂ©aire, l’enrichissement et 
le retraitement. Les États-Unis ne voulaient pas donner cette capacitĂ© Ă  l’Iran et ce dernier 
ne voyait pas comment assurer la viabilitĂ© commerciale du programme sans maĂźtrise de 
fuel. Chacun faisait une estimation de sa position de force. Le Shah avait assumĂ© beaucoup 
plus d’indĂ©pendance vis-Ă -vis des États-Unis. La  â€” 

de facto 

— nationalisation de son 

industrie pĂ©troliĂšre et son rĂŽle dans l’augmentation des prix OPEP Ă©taient mal passĂ©s avec 
les États-Unis. Si les deux pays avaient gardĂ© des relations en apparence cordiale jusqu'Ă  la 
fin du rĂšgne du Shah, les AmĂ©ricains, eux, n’étaient plus satisfaits des positions de leur alliĂ© 
d’antan. L’estimation de la position de force de l’Iran Ă  l’époque fit que l’OEAI ne lĂącha pas 
la maĂźtrise de cette capacitĂ©. Par voie de consĂ©quence, les rĂ©acteurs, qui devaient entrer en 
service en 1981, aujourd’hui, 23 ans plus tard, ne sont toujours pas opĂ©rationnels ! 

En 1976, l’aggravation de la situation fiscale amena le gouvernement iranien Ă  proposer 

un troc, pour les centrales nuclĂ©aires françaises contre du pĂ©trole, ce qui, Ă  l’époque, n’avait 
pas suscitĂ© l’intĂ©rĂȘt de Paris.  Par ailleurs, les firmes françaises voulaient attendre des 
contrats dĂ©finitifs avant de commencer leurs travaux. C’est pourquoi, avec de surcroit des 
dĂ©saccords sur le prix et les termes d’assurance, les nĂ©gociations avec la France stagnaient. 
L’accord principal prĂ©voyait le paiement de 40 % du montant en espĂšces par l’Iran et un 
crĂ©dit de sept ans par la France par le biais d’un consortium de la SociĂ©tĂ© GĂ©nĂ©rale, la 
Banque de l’Union EuropĂ©enne, et la Banque Française du Commerce ExtĂ©rieur. En plus sa 
finalisation aurait Ă©tĂ© compliquĂ©e par le dĂ©saccord sur la prime de la Compagnie Française 
d’Assurance au Commerce ExtĂ©rieur (Coface) ; sans l’assurance de la Coface, les entreprises 

                                                                    

 

1

 

Ibid., p. 165. 

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126 

françaises n’auraient pas Ă©tĂ© capables d’obtenir un crĂ©dit bancaire raisonnable pour le 
financement de leurs projets. 

En juin 1977, pendant que les contrats finaux pour les deux centrales françaises Ă©taient 

encore en attente, de nouvelles nĂ©gociations furent ouvertes avec KWU pour une deuxiĂšme 
tranche de rĂ©acteurs allemands. Une lettre d’intention fut rĂ©digĂ©e avant novembre pour 
quatre autres centrales de 1 200 MW avec KWU. Elle concernait la fourniture de tous les 
Ă©quipements pour les centrales, mais n’abordait pas la question des travaux ni des termes 
de financement. Le cabinet fĂ©dĂ©ral ouvrait une ligne de crĂ©dit de 10,8 milliards de DM 
pour l’Iran qui couvrait plus de la moitiĂ© du prix de contrat

1

Cela amena le prĂ©sident Giscard d’Estaing Ă  intervenir personnellement pour conclure 

les contrats français. Michel Poniatowski fut chargĂ© de faire le nĂ©cessaire pour dĂ©bloquer la 
situation. Il finalisa les contrats en octobre 1977 par un arrangement de plusieurs sous-
contrats qui couvraient sĂ©parĂ©ment les termes de financement, les centrales nuclĂ©aires et la 
fourniture de combustible

2

. Un quatriĂšme contrat couvrait le contrĂŽle des dĂ©chets 

nucléaires

3

. Ainsi, les travaux français purent finalement dĂ©marrer aprĂšs trois ans de retard 

sur la rive est du fleuve Karoun prĂšs d’Ahvaz. 

Une fois ce premier contrat de centrale finalisĂ©, les Français pouvaient aborder le sujet 

des six autres centrales qui avaient fait l’objet d’un accord entre les deux chefs d’État en 
1976. La France finit par modifier sa politique en 1978 pour intĂ©grer plus de pĂ©trole iranien 
dans ses importations, une sorte de troc couvrant le prix des quatre premiĂšres centrales

4

Au printemps de la mĂȘme annĂ©e, lors de la visite du prĂ©sident Scheel Ă  TĂ©hĂ©ran, KWU 
entamait des négociations préliminaires pour les septiÚme et huitiÚme réacteurs

5

Deux facteurs principaux montrent l’intention positive de l’Iran envers la technologie 

nuclĂ©aire : d’abord le choix d’un lancement industriel, dĂ©diĂ© Ă  la gĂ©nĂ©ration d’électricitĂ© (au 
contraire de la Chine et d'IsraĂ«l), ensuite le choix du type de rĂ©acteur (qui ne nĂ©cessite pas 
d’uranium hautement enrichi, utilisable pour les armes). Cela dit, durant ses quatre annĂ©es 

                      

 

1

 

Financial Times

, 1 dĂ©cembre, 1977 ; International Herald Tribune, 2 dĂ©cembre 1977. 

2

 

Les entreprises majeures impliquĂ©es Ă©taient Framatome, Spie-Batignolles, et Alsthom. 

3

 

Nucleonics Week, 

20 octobre 1977, p. 13-14. 

4

 

Nucleonics Week, 

29 juillet 1978, p. 4. 

5

 

Poneman, Daniel, 

Nuclear Power in the Developing World, 

George Allen & Unwin, Londres, 1982, 

p. 92. 

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127 

de gloire, l’OEAI a pu attirer un nombre important de chercheurs iraniens trĂšs qualifiĂ©s qui 
retournaient en Iran. Ces chercheurs avaient toute qualification nĂ©cessaire pour continuer 
leurs recherches sur des sujets militaires. Les moyens ne manquaient pas. Et la capacitĂ© 
intellectuelle et technologique d’une utilisation future de la technologie nuclĂ©aire Ă  des fins 
militaires pourrait ainsi se dĂ©velopper en Iran. 

L’Iran n’a rĂ©alisĂ© aucun projet avec les États-Unis dans le domaine nuclĂ©aire. MalgrĂ© une 

multitude de promesses, les accords bilatĂ©raux nĂ©cessaires n’ont jamais pu ĂȘtre signĂ©s. 
D’une part, entre les deux anciens alliĂ©s la confiance avait disparu, et d’autre part, les Ă‰tats-
Unis commençaient Ă  restreindre la vente des rĂ©acteurs de ses entreprises Ă  l’étranger. La 
section 123 de 

l’US Atomic Energy Act

 stipulait que la coopĂ©ration avec des pays Ă©trangers 

dans le domaine nuclĂ©aire devait ĂȘtre basĂ©e sur des accords de coopĂ©ration qui dĂ©finissaient 
les limites et les frontiÚres des relations nucléaires bilatérales

1

. L’accord bilatĂ©ral de 1957 

entre l’Iran et les États-Unis  â€” qui arriva Ă  son terme en 1979 â€” ne couvrait que la 
coopĂ©ration pour la recherche nuclĂ©aire et ne pouvait pas ĂȘtre Ă©tendu Ă  la coopĂ©ration pour 
la gĂ©nĂ©ration de puissance Ă©lectronuclĂ©aire. Les nĂ©gociations pour les nouvelles recherches 
et installations nuclĂ©aires commerciales furent bloquĂ©es en raison de la demande par l’Iran 
du droit de retraiter les dĂ©chets de ses centrales nuclĂ©aires ; c’est par la mĂȘme procĂ©dure 
que l’Inde avait extrait du plutonium pour l’utilisation de sa bombe atomique. 

En mars 1975, dans un communiquĂ© commun Iran-États-Unis, l’Iran s’engagea Ă  

dĂ©penser 15 milliards de dollars pour l’achat des produits amĂ©ricains dans les cinq annĂ©es Ă  
venir. Dans ce communiquĂ©, qui fut transmis Ă  la presse Ă  l’issue de la derniĂšre rĂ©union de 
la Commission conjointe États-Unis-Iran, il y avait un accord de principe concernant 
l’acquisition de huit rĂ©acteurs nuclĂ©aires dans la prochaine dĂ©cennie

2

. Mais en rĂ©alitĂ©, les 

dĂ©penses du client iranien non seulement ne montaient pas pour faciliter l’absorption du 
choc pĂ©trolier par l’ancien patron amĂ©ricain, mais parfois elles baissaient mĂȘme. Un 
exemple : en 1975, l’annulation par l’Iran de son contrat d’achat de quatre des six 

destroyers

 

Spurance

 avec les États-Unis, sous prĂ©texte d’une chute de 4 milliards de dollars dans ses 

revenus pĂ©troliers. 

                      

 

1

 

United States Atomic Energy Act of 1954

, sec. 123. 

2

 

New York Times, 

5 mars 1975.  

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128 

L’absence de coordination dans les nĂ©gociations avec les États-Unis 

Nous avons vu dans le chapitre 3 que les relations irano-amĂ©ricaines, dans les vingt 

annĂ©es qui suivirent la rĂ©installation du Shah par les États-Unis, s’étaient plutĂŽt dĂ©gradĂ©es. 
Plusieurs facteurs furent responsables de cette Â« dĂ©gradation Â». Tout d’abord le 
comportement du Shah montrait bien l’amĂ©lioration de son positionnement stratĂ©gique 
vis-Ă -vis des États-Unis. Le Shah avait assumĂ© avec succĂšs le rĂŽle sĂ©curitaire que les 
AmĂ©ricains souhaitaient lui sous-traiter dans la rĂ©gion. Par ailleurs, il avait freinĂ© l’avan-
cement du communisme soviĂ©tique et absorbĂ© plus d’armes amĂ©ricaines que tous leurs 
autres clients. Ayant consolidĂ© sa position dans les vingt annĂ©es qui suivirent son retour au 
trĂŽne, il avait dĂ©cidĂ© de prendre la totalitĂ© des bĂ©nĂ©fices  de son industrie pĂ©troliĂšre 
nationale pour compenser une partie de la baisse rĂ©elle des prix durant la mĂȘme pĂ©riode. 
Jusqu’ici, les manƓuvres du Shah Ă©taient encore acceptables pour les  Ă‰tats-Unis, ou, en 
tout cas, ils se pliaient Ă  ces conditions Ă©tant donnĂ© leur position de faiblesse internationale 
— Ă  la fin de la guerre du  ViĂȘt-nam â€” et, Ă  l’intĂ©rieur du pays, une opinion publique 
critique. L’augmentation des prix pĂ©troliers par l’OPEP  â€” en rĂ©alitĂ© la correction de la 
baisse continue des prix â€” dĂ©passait la limite d’acceptabilitĂ© pour les États-Unis. 
Concernant le pĂ©trole, la rĂ©ponse des États-Unis dans un premier temps Ă©tait de baisser la 
consommation mondiale par le biais de la coopĂ©ration avec les pays consommateurs 
industrialisĂ©s. En mĂȘme temps, ils promurent l’utilisation des ressources nationales 
d’énergie des pays industrialisĂ©s  â€” pĂ©trole, charbon, gaz naturel, hydro-Ă©lectricitĂ©, et 
Ă©nergie nuclĂ©aire â€” tout en favorisant la crĂ©ation des sources alternatives de production 
pĂ©troliĂšre â€” comme en Russie, au Mexique, en NorvĂšge, en Angleterre et en Colombie

1

Finalement, ils affaiblirent l’OPEP, notamment par le biais des conflits entre ses membres, 
comme par exemple la guerre Iran-Irak

1

. Avec la position rĂ©cente du Shah, le seul rĂŽle 

essentiel que l’Iran pouvait jouer pour les États-Unis Ă©tait de freiner l’avancement de 
l’Union soviĂ©tique vers les mers chaudes. L’Iran revĂȘtait une autre importance â€” d’ordre 
symbolique â€” pour les États-Unis : l’Iran avait un rĂŽle de 

leader

 ou de modĂšle aux yeux 

                      

 

1

 

Le Mexique a pu dĂ©passer l’Arabie Saoudite en 1997 pour devenir le deuxiĂšme exportateur de 

pĂ©trole des États-Unis aprĂšs le Venezuela. Les pays d’AmĂ©rique Latine, tels que la Colombie et le 

BrĂ©sil, essaient d’augmenter leur production Ă  l’heure actuelle. 

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129 

des autres pays en voie de dĂ©veloppement. Si les États-Unis laissaient faire l’Iran, d’autres 
pays pourraient s’inspirer de son exemple et suivre le mĂȘme cheminement. Il y avait lĂ  un 
enjeu de taille pour les États-Unis, qui dĂ©passait l’enjeu iranien et avait des  implications 
d’ordre mondial. 

En novembre 1974, quelques mois avant la crĂ©ation du Club de Londres, Henry 

Kissinger, le secrĂ©taire d’État amĂ©ricain, se rendit Ă  TĂ©hĂ©ran. Pendant son sĂ©jour, il 
rencontra le Shah, le ministre des Affaires Ă©trangĂšres, Abbas Ali Khalatbari, et le ministre 
iranien des Affaires Ă©conomiques et des Finances, Houchang Ansary. Ils dĂ©cidĂšrent de crĂ©er 
une commission conjointe irano-amĂ©ricaine pour « augmenter et intensifier les liens de 
coopĂ©ration existant entre les deux pays. [
] [Surtout] dans le domaine de l’énergie 
nuclĂ©aire, particuliĂšrement pour la gĂ©nĂ©ration de l’électricitĂ© [
] Â»

1

. En mĂȘme temps, des 

contrats furent signĂ©s, selon lesquels les États-Unis Ă©taient censĂ©s approvisionner l’Iran avec 
de l’uranium enrichi pour deux rĂ©acteurs nuclĂ©aires, et on prĂ©voyait dans un futur proche 
la signature d’un contrat pour l’alimentation de six rĂ©acteurs. Les deux pays exprimĂšrent 
leur accord sur les efforts qui devaient ĂȘtre faits pour dĂ©courager les dĂ©veloppements 
nationaux d’armes nuclĂ©aires. Les raisons de ces accords semblent difficiles Ă  expliquer. 
L’Iran avait dĂ©jĂ  participĂ© au capital d’Eurodif. Le paiement d’une avance d’un milliard de 
dollars au gouvernement français Ă©tait un signe fort de la soliditĂ© de cet engagement. 
Pourquoi signer un autre accord de mĂȘme type avec les États-Unis, et sans aucun 
engagement financier ? En rĂ©alitĂ©, il n’y avait aucun lien entre les activitĂ©s de cette 
commission conjointe et les dĂ©cisions de l’OEAI. Akbar Étemad mettait son veto : tant que 
la question de cycle  du  combustible nuclĂ©aire n’était pas rĂ©glĂ©e, pas de contrat avec les 
États-Unis : 

« Cette commission avait dĂ©cidĂ© que dans le cadre de coopĂ©ration entre les deux 

pays, l’Iran achĂšterait huit centrales nuclĂ©aires  aux Ă‰tats-Unis, bien que nous n’ayons 
pas de tel programme [
] et je â€” en tant que membre de cette commission â€” n’avais 
pas donnĂ© mon accord pour ceci [
] Houchang Ansary Ă©tait Ă  la tĂȘte de cette 
commission du cotĂ© iranien et Henry Kissinger du cotĂ© amĂ©ricain [
] diffĂ©rents 

                                                                    

 

1

 

La part de l’OPEP a baissĂ© de 55% d’exportations mondiales pĂ©troliĂšres dans les annĂ©es 1970 Ă  

41% en 1992, avec une descente Ă  30% en 1985. Durant cette annĂ©e l’Arabie Saoudite a baissĂ© ses 

prix pour augmenter sa part de marchĂ©. 

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130 

SĂ©nateurs amĂ©ricains venaient mĂȘme ouvertement voir le Shah pour faire pression sur 
lui [
] ainsi que des représentants du président [

américain

]

2

. Ils croyaient que nous 

Ă©tions obligĂ©s de les suivre [
] leur pression s’exerçait de maniĂšre vulgaire [
] je suis 
sĂ»r que mĂȘme le Shah considĂ©rait ceci comme un jeu politique et n’y attachait pas trop 
d’importance. Â»

3

 

Étemad avait suffisamment l’oreille du Shah pour tenir son cap, malgrĂ© les dĂ©cisions des 

ministĂšres des Affaires Ă©trangĂšres et de l’Économie et des Finances. 

« Ă€ titre d’exemple, Gerald Ford, le prĂ©sident de l’époque, avait envoyĂ© une 

dĂ©lĂ©gation du CongrĂšs pour voir le Shah et le convaincre de conclure les accords 
bilatĂ©raux dĂšs que possible et [
] d’acheter des rĂ©acteurs nuclĂ©aires des États-Unis [
] 
le Shah  m’a montrĂ© la lettre de Ford [
] et je lui ai dit que tant que nos diffĂ©rends ne 
seraient pas rĂ©solus avec les États-Unis (concernant le cycle du combustible nuclĂ©aire), la 
rĂ©ponse serait non [
] Je prĂ©parais une rĂ©ponse que le Shah signa telle quelle. Â»

4

 

Les enjeux de l’enrichissement et du retraitement pour la rentabilitĂ© des centrales 

nuclĂ©aires sont simples. Si l’opĂ©rateur ne possĂšde pas la possibilitĂ© d’enrichir son 
combustible, il sera toujours dĂ©pendant d’un fournisseur Ă©tranger et Ă  des prix dĂ©finis par 
lui. Si l’opĂ©rateur n’a pas la possibilitĂ© de retraiter, et donc de rĂ©utiliser son combustible, il 
est doublement dĂ©pendant des fournisseurs. Il sera obligĂ© d’accepter le prix de combustible 
enrichi et il ne pourra pas obtenir un prix Ă©levĂ© pour son combustible Â« usĂ© Â», car il n’aura 
pas la possibilitĂ© de le retraiter. Ceci affectera les Ă©conomies des centrales nuclĂ©aires de 
maniĂšre importante. Les États-Unis imposaient leur contrĂŽle sur les combustibles usĂ©s et 
insistaient pour ne pas laisser les pays retraiter leur propre combustible usĂ©, car il y avait 
dans celui-ci une quantitĂ© de plutonium qui pouvait ĂȘtre utilisĂ©e pour la fabrication des 
bombes atomiques. 

La rĂ©futation du gouvernement iranien, des accusations selon lesquelles il aurait 

l’intention d’acquĂ©rir des armes nuclĂ©aires n’était pas suffisante. DĂšs 1961, le Shah avait 
dĂ©jĂ  Ă©crit :  

                                                                    

 

1

 

US Treaties and Other International Agreements,

 TIAS 7967, « 

Iran-USA, Cooperation

 Â», 2 novembre 1974. 

2

 

Barnameyeh Energieh Atomieh Iran

, p. 171. 

3

 

Ibid., p. 172. 

 

4

 

Ibid. 

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131 

« Notre philosophie est bien exprimĂ©e par l’Institut de Science NuclĂ©aire du CENTO, 

qui est entiĂšrement dĂ©vouĂ© aux applications civiles de l’énergie nuclĂ©aire. Â»

1

 

L’Iran d’ailleurs s’était prĂ©cipitĂ© pour signer et ratifier le traitĂ© pour la limitation des tests 

nuclĂ©aires (

Limited Test Ban Treaty

) de 1963 et le TraitĂ© de non-prolifĂ©ration de 1968. 

Toutes les installations nuclĂ©aires iraniennes Ă©taient soumises aux mesures de sauvegarde 
de l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA). Quant au Shah, il soutenait 
toutes les initiatives des Nations unies pour bloquer l’utilisation et la possession des armes 
nucléaires au Moyen-Orient

2

. Il considĂ©rait que l’idĂ©e des armes nuclĂ©aires pour l’Iran Ă©tait 

absurde, Ă©tant donnĂ© le nombre d’arsenaux nuclĂ©aires soviĂ©tiques et amĂ©ricains

3

. Sa 

doctrine militaire nĂ©cessitait l’accumulation suffisante d’armes conventionnelles pour 
pouvoir repousser les attaques non nuclĂ©aires. 

Henry Kissinger et Houshang Ansary, signÚrent un autre traité

4

 en 1976, pour la 

coopĂ©ration entre les États-Unis et l’Iran. Ce traitĂ© concernait « l’évaluation des sites pour la 
construction des centrales atomiques en Iran, l’exploration en Iran des ressources de 
l’uranium, la formation des ingĂ©nieurs et scientifiques Iraniens et la fabrication de 
l’uranium lĂ©gĂšrement enrichi pour alimenter les rĂ©acteurs d’énergie nuclĂ©aire Â»

5

. Le 

montant de cette coopĂ©ration Ă©tait estimĂ© Ă  230 millions de dollars. L’OEAI et  l’

United 

States Nuclear Regulatory Commission

 signĂšrent aussi un autre accord en avril 1977, « pour 

l’échange de renseignements techniques et la coopĂ©ration dans  le domaine de la sĂ©curitĂ© 
nuclĂ©aire Â»

6

Les États-Unis demandĂšrent Ă  l’Iran de renoncer  formellement  au retraitement 

chimique de ses déchets

1

, mais l’OEAI refusa de l’accepter, car Â« on ne pouvait pas 

s’engager sur un sujet qui allait seulement se poser dans quinze ou vingt ans [
] ne 
sachant pas quel serait le paysage Ă©nergĂ©tique et les conditions Ă©conomiques mondiales Ă  ce 

                      

 

1

 

Pahlavi, 

Mission for my country,

 p. 308. 

2

 

Keyhan International

, 8 juillet 1974, p. 1. 

3

 

Lefevre, Ernest W., 

Nuclear Armes in the Third World, 

Washington, DC, Brookings Institute, 1979, p. 

52. 

4

 

US Treaties and Other International Agreements

, TIAS 8455, « IRAN, Economic Cooperation Â», 7 aoĂ»t 

1976. Section consacrĂ©e Ă  l’énergie (p. 4336-4337). 

5

 

US Treaties and Other International Agreements, TIAS 8867, « Accord between the United States 

Nuclear Regulatory Commission and the Atomic Energy Organization of Iran for the Exchange of 

Technical Information and Cooperation in Technical Matters Â», 11 avril 1977, p. 1053-1070. 

6

 

Ibid. 

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132 

moment-lĂ  Â»

2

. L’ambiguĂŻtĂ© de la rĂ©ponse du gouvernement iranien renforça l’inquiĂ©tude 

des États-Unis. Sullivan

3

, l’Ambassadeur amĂ©ricain en Iran, lors d’un entretien, fit part de 

cette inquiĂ©tude Ă  Étemad : « Ce n’est pas votre programme qui nous inquiĂšte directement 
mais le symbole que le programme de votre pays reprĂ©sentera pour d’autre pays de 
dĂ©veloppement. Nous sommes bien obligĂ©s de contrĂŽler ces pays et vous ĂȘtes devenu un 
modĂšle pour eux [
] Â»

4

 Ă‰temad rappela que ceci Ă©tait « le problĂšme des États-Unis et non 

pas le sien Â», une rĂ©ponse qui sera mal prise et qui mettra fin Ă  des discussions entre 
l’Ambassadeur amĂ©ricain et le prĂ©sident de l’OEAI Ă  ce sujet. 

Une rupture similaire se produisit aussi avec Henry Kissinger, ministre amĂ©ricain des 

Affaires Ă©trangĂšres, qui reprĂ©sentait les États-Unis dans les commissions de coopĂ©ration 
Ă©conomiques mixtes irano-amĂ©ricaines. Il avait proposĂ© un compromis, basĂ© sur 
l’argument  suivant : puisque des pays comme l’Iran et le Pakistan ne disposaient pas 
d’économies d’échelles suffisantes pour des cycles de combustion nuclĂ©aires nationaux, on 
pourrait alors penser Ă  des centres rĂ©gionaux de cycle de combustion nuclĂ©aire pour 
fournir les États membres avec des services  adĂ©quats. Il pensait que la participation de 
l’Iran, comme pays fort de la rĂ©gion, pourrait entraĂźner les autres pays Ă  y participer. Mais 
cette proposition n’eut pas d’écho du cotĂ© iranien. Le Shah avait dĂ©jĂ  acceptĂ© de mettre les 
activitĂ©s de retraitement sous contrĂŽle international

5

, ce qui n’était pas le cas de l’Inde â€”

 qui a pu ainsi accĂ©der au plutonium non-contrĂŽlĂ© et l’utiliser Ă  des fins militaires. Étemad 
alla plus loin en dĂ©clarant que l’Iran n’avait mĂȘme pas de plan immĂ©diat pour retraiter ses 
dĂ©chets nuclĂ©aires, essayant ainsi d’écarter l’hypothĂšse d’une utilisation militaire. Mais Ă  
cette Ă©poque, Jimmy Carter Ă©tait dĂ©jĂ  Ă©lu prĂ©sident des États-Unis ce qui entraĂźna des 
retards supplĂ©mentaires. 

Dans sa campagne Ă©lectorale, Carter avait en effet mis l’accent sur la nĂ©cessitĂ© de 

contrÎler la prolifération des armes nucléaires

6

, ce qui avait eu pour rĂ©sultat d’entraĂźner 

                                                                    

 

1

 

Barnameyeh Energieh Atomieh Iran

, p. 57. 

2

 

Ibid., p. 57. 

3

 

Ambassadeur amĂ©ricain en Iran, de juin 1977 Ă  avril 1979. 

4

 

Barnameyeh Energieh Atomieh Iran,

 p. 58. 

5

 

International Herald Tribune

, 16 aoĂ»t 1976. 

6

 

Ce qui Ă©tait en cohĂ©rence avec la politique d’engagement directe des États-Unis â€” qui deviendra 

la Â« doctrine Carter Â» : la doctrine Nixon selon laquelle les États-Unis prĂ©serveraient leurs 

intĂ©rĂȘts en s'appuyant sur des puissances locales, afin d'Ă©viter un nouveau ViĂȘt-nam sera rendu 

caduque par l'invasion de l'Afghanistan par les SoviĂ©tiques et l'effondrement du rĂ©gime du Shah. 

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133 

une politique encore plus restrictive des États-Unis en matiĂšre d’exportations nuclĂ©aires. 
Étemad prĂ©cise : 

« [
] Nous ressentions la pression des AmĂ©ricains, mais nous ne nous sommes pas 

laissĂ©s faire. Ils semaient la pagaille tant qu'ils le pouvaient, ils mettaient beaucoup de 
pression sur les Allemands et sur les Français [
] Ils ont crĂ©Ă© le Club de Londres [
] 
qui a Ă©tabli ses propres rĂšgles et que chacun des pays-membres Ă©tait censĂ© observer 
quand il faisait du commerce nuclĂ©aire avec d'autres pays. Nous Ă©tions sur le plan 
politique en contact avec le Club de Londres, mais leurs dossiers n’étaient pas publics. 
Nous avions organisĂ© une confĂ©rence  internationale trĂšs importante en Iran sur le 
transfert de technologie nuclĂ©aire en 1977, confĂ©rence qui eut beaucoup de succĂšs parce 
que les AmĂ©ricains Ă©taient pratiquement mis au banc des accusĂ©s par le monde entier. 
Nous n'avons jamais acceptĂ© ni le 

diktat

 ni l'esprit du Club de Londres. Mais toujours 

est-il que le club existe [
] Â»

1

 

En janvier 1978, au cours des nĂ©gociations Ă  TĂ©hĂ©ran entre le Shah et le prĂ©sident 

Carter, les derniers problĂšmes semblĂšrent finalement se rĂ©soudre

2

 : pas un droit de 

retraitement pour l’Iran, mais pas non plus un droit de veto sur ce sujet pour les États-
Unis. Les États-Unis s’engagĂšrent Ă  accorder la clause Â« d’État le plus favorisĂ© Â» (

most 

favored state

) Ă  l’Iran pour le retraitement. Ce qui voulait dire que les États-Unis ne feraient 

pas de discrimination contre l’Iran, par comparaison avec d’autres pays, pour ce qui est du 
droit de retraitement de ses dĂ©chets nuclĂ©aires. Le gouvernement iranien s’engageait mĂȘme 
Ă  appliquer des contrĂŽles supplĂ©mentaires exigĂ©s par Washington, et dĂ©passant ceux de 
l’AIEA. Cela donna lieu Ă  un autre traitĂ© entre l’Iran et les États-Unis

1

, prĂ©voyant la 

participation des États-Unis au programme nuclĂ©aire de l’Iran (les États-Unis avaient 

                                                                    

 

Le prĂ©sident Carter dĂ©finira alors le Golfe comme une rĂ©gion vitale pour les intĂ©rĂȘts amĂ©ricains 

et envisagera l'emploi direct de la force militaire contre toute puissance qui tenterait de s'en 

approprier le contrĂŽle. Pour jouer ce rĂŽle de « gendarme du Golfe Â», les États-Unis constitueront 

la « Rapid Deployment Joint Task Force Â» (RDJTF) basĂ©e en Floride mais disposant de nombreux 

points d'appuis dans le Golfe, au Maroc et Ă  Oman (Ăźle de Masirah), et de l'usage de la base 

militaire Ă©gyptienne de Ras Banas, de la base d'Incirlik et des ports de Yumurtalik et 

d'Iskenderun en Turquie. Des accords de dĂ©fense ont Ă©tĂ© conclus avec le Qatar (mars 1995), les 

Émirats arabes unis (1991 et 1994) et le BahreĂŻn (1991 et 1994) oĂč se trouve le quartier gĂ©nĂ©ral de 

la 5

flotte. Bien que les États-Unis ne soient pas liĂ©s par des accords spĂ©cifiques avec l'Arabie 

Saoudite, des forces amĂ©ricaines sont stationnĂ©es sur son territoire. 

1

 

Entretien avec Dr. Akbar Étemad, Paris, 1992. 

2

 

Nucleonics Week, 

12 janvier 1978, p. 2-3. 

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134 

toujours le monopole de la production de l’uranium enrichi dans le monde Ă  cette Ă©poque). 
Mais en dĂ©pit de ces accords les nĂ©gociations avec les États-Unis durĂšrent jusqu’à la chute 
du Shah et il n’y eut aucune coopĂ©ration concrĂšte. 

« Avec les AmĂ©ricains on n’a jamais pu faire quelque chose de plus que de la 

formation [
] En mai 1974, l'Inde avait fait un essai nuclĂ©aire. Alors tout d'un coup le 
gouvernement amĂ©ricain avait imposĂ© des nouvelles conditions Ă  la signature des 
accords bilatĂ©raux. Alors ils avaient changĂ© la formule, imposĂ© les restrictions qui Ă  mon 
sens allaient au-delĂ  de l'inspection technologique, c’était des conditions qui 
restreignaient la bonne marche Ă©conomique de la centrale nuclĂ©aire. C'est pour ça que 
j'ai nĂ©gociĂ© avec les AmĂ©ricains pendant plus de quatre ans continuellement tous les 
mois â€” avec le “State Department” et avec la Commission de l'Énergie Atomique (qui a 
changĂ© de nom plusieurs fois, devenant l’ERDA, “Energy Research and Development 
Agency”, [
] mais c'est l'entitĂ© gouvernementale qui s'occupait du nuclĂ©aire). Nous 
discutions avec un organisme gouvernemental qui s'occupait de la non-prolifĂ©ration des 
armes [
] Le ministĂšre de l’Énergie aussi [
] les discussions Ă©taient assez difficiles, 
laborieuses, avec les AmĂ©ricains. Elles n'ont jamais abouti parce que nous partions du 
principe que l'Ă©nergie nuclĂ©aire en Iran pour la production de l'Ă©lectricitĂ© devait se faire 
selon des rĂšgles Ă©conomiques, et que toutes les conditions qui allaient Ă  l’encontre de ces 
rĂšgles n'Ă©taient pas acceptĂ©es. Les AmĂ©ricains se plaçaient, eux, du point de vue de la 
non-prolifĂ©ration, alors ils imposaient des rĂšgles qui n'Ă©taient pas acceptables [
] donc il 
ne s’est rien passĂ©

2

. Mon objectif final [
] Ă©tait de mettre en lumiĂšre la nature 

unilatĂ©rale du rĂ©gime de la non-prolifĂ©ration des armes atomiques et  dĂ©montrer 
comment ceci perturbait les relations internationales et endommageait des relations 
justes et Ă©quitables dans le domaine nuclĂ©aire. Â»

1

 

Les États-Unis furent ainsi Ă©cartĂ©s par l’OEAI comme fournisseur potentiel de rĂ©acteur 

et cela en raison de l’échec des nĂ©gociations pour conclure les indispensables accords 
bilatĂ©raux prĂ©alables. Ces accords n’aboutissaient pas, principalement Ă  cause de la vision 
divergente des deux pays sur les droits de retraitement. On peut sans doute considĂ©rer que 

                                                                    

 

1

 

US Treaties and Other International Agreements,

 TIAS 9238, « 

Iran-Economic Cooperation

 Â», 28 fĂ©vrier 1978, 

p. 1040-1042. 

2

 

Entretien avec M. Akbar Étemad, prĂ©sident de l’OEAI Ă  cette Ă©poque, Ă  Paris en 1992. 

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135 

les positions d’Étemad et du Shah Ă©taient a priori justifiĂ©es. Pourquoi abandonner la 
souverainetĂ© du pays en matiĂšre du cycle de combustion, tant qu’ils Ă©taient en parfait 
accord avec le droit international en vigueur ? 

Mais on peut aussi faire le raisonnement suivant : alors que  les pays concernĂ©s 

disposaient de moyens diffĂ©rents et de pouvoirs de nĂ©gociation inĂ©gal, n’aurait-il pas Ă©tĂ© 
plus judicieux d’abandonner le retraitement et de garder l’industrie ? Ceci n’était-il pas en 
partie dĂ» Ă  la capacitĂ© de mesurer les positions de force de chaque partie et de s’y adapter 
en temps rĂ©el ? Une meilleure coordination entre les diffĂ©rentes entitĂ©s du gouvernement 
aurait-elle pu amĂ©liorer la prise de position et le succĂšs des nĂ©gociations ? Une consultation 
plus large de son gouvernement n’aurait-elle pas permis au Shah de mieux mesurer son 
positionnement stratĂ©gique et d’adapter ses ambitions et ses demandes ? 

Les cas du Pakistan et de l’Irak, les deux voisins de l’Iran, avec des programmes 

nuclĂ©aires qui ont connu un sort opposĂ©, peuvent rĂ©pondre Ă  certaines de ces questions et 
sont en soi d’un grand intĂ©rĂȘt pour notre Ă©tude. 

Des contraintes internationales croissantes 

« Pour avoir accĂšs Ă  la technologie nuclĂ©aire, il faut apprendre la technologie du cycle 

du combustible nuclĂ©aire. Beaucoup de choses sont Ă©crites sur ce sujet, mais ce n'est pas 
dans les livres qu'on apprend, il faut essayer, il faut former les gens [
] Un laboratoire 
du cycle combustible est une nĂ©cessitĂ© absolue pour tout pays qui veut se lancer dans le 
nuclĂ©aire. Sans cela, un pays ne peut pas gĂ©rer son combustible parce que le cycle de 
combustible est tellement long et compliquĂ©  qu’à tout moment vous devez pouvoir 
intervenir [
] C'est le processus le plus long et le plus compliquĂ© qui existe dans la 
technologie nuclĂ©aire. Les opĂ©rations de cycle  du  combustible nuclĂ©aire peuvent 
s'Ă©chelonner sur plusieurs dĂ©cennies. Cela inclut le processus de l'obtention de 
l'uranium [
] Donc, c'est un processus tellement long que si vous voulez fonctionner 
selon les rĂšgles en vigueur sur le marchĂ©, il faut s'y prendre au moins vingt ans en 

                                                                    

 

1

 

Barnameyeh Energieh Atomieh Iran

, p. 169. 

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136 

avance, si ce n'est pas trente ou quarante ans. C'est pour cela que nous avions donnĂ© la 
prioritĂ© absolue au cycle du combustible. Â»

1

 

C’est prĂ©cisĂ©ment ce cycle du combustible nuclĂ©aire que les États-Unis ne voulaient pas 

laisser l’Iran dĂ©velopper. Il y a cela une raison officielle : les Ă©tapes d’enrichissement et de 
retraitement dans ce cycle peuvent fournir Ă  l’opĂ©rateur de l’uranium et du plutonium de 
qualitĂ©s militaire. La raison officieuse, c’est que la maĂźtrise de ce cycle peut aussi fournir Ă  
une nation des Ă©conomies d’opĂ©rations supĂ©rieures. Pour les États-Unis, laisser un pays qui 
vient de faire quadrupler son coĂ»t d’énergie avoir accĂšs Ă  un 

input

 d’énergie bon marchĂ© 

n’a aucun  sens commercial. D’autant plus que le pĂ©trole  ainsi  Ă©conomisĂ© peut se 
transformer en produits pĂ©trochimiques qui peuvent ĂȘtre des concurrents des produits 
transformĂ©s importĂ©s ; c’est un dĂ©but de processus de dĂ©veloppement par substitution des 
importations. À cela s’ajoute le fait que le pays en question, un ancien alliĂ©, ne veut mĂȘme 
plus faire des achats aux États-Unis, que ce soit de centrales nuclĂ©aires, d’usines 
pĂ©trochimiques ou d’aciĂ©ries. 

L’explosion indienne comme prĂ©texte au contrĂŽle politique des fournisseurs : la perte du 

monopole amĂ©ricain d’enrichissement 

Dix ans ont sĂ©parĂ© l’explosion chinoise d’octobre 1964 de l’essai indien de mai 1974. 

L’explosion indienne a Ă©tĂ© l'Ă©vĂ©nement qui a permis aux États-Unis d’aller plus loin dans 
leur quĂȘte de contrĂŽle du secteur nuclĂ©aire international. Cette nouvelle Ă©tape a mis fin Ă  
toute coopĂ©ration entre pays industrialisĂ©s et pays en voie de dĂ©veloppement dans ce 
domaine.  

Jusqu’en 1974 en effet, les États-Unis avaient pu contrĂŽler le secteur international  de 

l’énergie nuclĂ©aire par le biais de la maĂźtrise de la technologie d’enrichissement. Or, cette 
maĂźtrise  Ă©tait d’abord possible  du fait que les États-Unis  avaient  rĂ©ussi Ă  imposer les 
rĂ©acteurs de type « eau lĂ©gĂšre Â» comme standard international. Le fonctionnement de ce 
type de rĂ©acteur commercial nĂ©cessite l’utilisation de l’uranium lĂ©gĂšrement enrichi comme 
combustible, Ă  l’inverse d’autres modĂšles qui, eux, peuvent utiliser l’uranium naturel. Les 
pays qui adoptaient ce standard ne pouvaient pas utiliser de l’uranium naturel et Ă©taient 

                      

 

1

 

Entretien avec Dr. Akbar Étemad, prĂ©sident fondateur de l’OEAI, Paris 1992. 

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137 

dĂ©pendants des services d’enrichissement amĂ©ricains. L’autre avantage, d’autant plus 
important pour les AmĂ©ricains, consistait dans le fait que cet uranium lĂ©gĂšrement enrichi 
n’est pas utilisable Ă  des fins militaires. Jusqu'alors les États-Unis avaient Ă©tĂ© le seul pays, en 
dehors du bloc communiste, Ă  proposer des services commerciaux d’enrichissement. Ainsi, 
mĂȘme si un pays pouvait acheter son rĂ©acteur Ă  un autre fournisseur, telles la France ou 
l’Allemagne, il dĂ©pendait toujours de l’approvisionnement amĂ©ricain de combustible pour 
son fonctionnement

1

. Or, en 1974, les États-Unis ont perdu leur monopole de services 

commerciaux d’enrichissement du monde capitaliste pour deux raisons : d’une part, 
l’Union soviĂ©tique, qui possĂ©dait aussi cette capacitĂ©, Ă©tait entrĂ©e sur ce marchĂ©, et d’autre 
part l’Europe

2

 Ă©tait en voie de dĂ©velopper une capacitĂ© industrielle importante 

d’enrichissement. 

Sur le plan Ă©conomique, avec la croissance de l’industrie europĂ©enne de fabrication de 

rĂ©acteurs, les bĂ©nĂ©fices de ce marchĂ© avaient dĂ©jĂ  Ă©chappĂ© aux AmĂ©ricains. Avec la perte 
du monopole commercial des services d’enrichissement, une autre source de bĂ©nĂ©fice du 
marchĂ© nuclĂ©aire leur Ă©chappait aussi, ainsi que le moyen de contrĂŽle du secteur. 
DĂ©sormais, non seulement le commerce nuclĂ©aire international n’offrait que peu de 
bĂ©nĂ©fices pour les AmĂ©ricains, mais il imposait aussi un coĂ»t important : le potentiel de la 
prolifĂ©ration des armes nuclĂ©aires. Ces armes Ă©taient non seulement dans une certaine 
mesure des substituts pour les armes conventionnelles  â€” une source importante 
d’exportation pour les États-Unis â€” mais en plus, elles pouvaient ĂȘtre fabriquĂ©es par les 
pays eux-mĂȘmes, rĂ©duisant ainsi la dĂ©pendance des pays en voie de dĂ©veloppement du 
camp amĂ©ricain vis-Ă -vis des exportations d’armes et â€” dans une certaine mesure â€” de la 
protection nuclĂ©aire des États-Unis. Cela augmentait aussi le coĂ»t d’intervention pour les 
États-Unis en cas de conflit. En supposant que l’Irak ait pu possĂ©der des armes nuclĂ©aires 
pendant la guerre du Golfe, il n’aurait pas pu ĂȘtre envahi aussi facilement en 2003. De plus, 

                      

 

1

 

La fourniture de l’uranium enrichi amĂ©ricain se faisait par le biais des « accords de coopĂ©ration Â» 

et des contrats de fourniture Ă  long terme. L’assurance de l’offre de l’uranium enrichi et le 

transfert de technologie amĂ©ricaine par le biais de brevets avaient fait des rĂ©acteurs Ă  eau lĂ©gĂšre 

le modĂšle dominant sur le marchĂ© international. DĂšs 1964, les États-Unis ont changĂ© de position : 

au lieu de fournir leur clients-partenaires avec l’uranium enrichi, ils ont fourni seulement des 

services d’enrichissement, ce qui obligeait les clients Ă  se procurer leur propre uranium sur le 

marchĂ© international et Ă  l’enrichir aux États-Unis avant de pouvoir l’utiliser dans leurs 

rĂ©acteurs. 

2

 

Par le biais du consortium Eurodif en 1974, dans lequel l’Iran aussi participait et que nous 

examinerons plus en dĂ©tail par la suite. 

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138 

les États-Unis Ă©tant l’une des deux superpuissances de l’époque, pour eux le coĂ»t du 
maintien de la stabilitĂ© internationale aurait augmentĂ©, car les conflits rĂ©gionaux risquaient 
de dĂ©gĂ©nĂ©rer en conflit nuclĂ©aire. 

En rĂ©sumĂ©, la pĂ©riode de coopĂ©ration internationale en matiĂšre d’énergie nuclĂ©aire, qui 

avait commencĂ© en 1953 sous l’impulsion amĂ©ricaine se terminait en 1974 par l’initiative 
amĂ©ricaine, Ă  une Ă©poque oĂč le monopole amĂ©ricain d’enrichissement Ă©tait brisĂ© par 
l’entrĂ©e des concurrents soviĂ©tique et europĂ©en (Urenco

1

, Eurodif) sur le marchĂ© 

international d’enrichissement

2

. Avec l'impossibilitĂ© d’assurer le contrĂŽle du secteur par le 

biais du cycle du combustible nuclĂ©aire, se renforçait un mĂ©canisme alternatif de contrĂŽle : 
les mesures multilatĂ©rales qui avaient Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©es en parallĂšle depuis 1953. Le but final 
maintenant Ă©tait d’arrĂȘter le transfert international de toute technologie dans ce secteur afin 
d’éviter l’entrĂ©e de nouvelles nations sur le marchĂ© nuclĂ©aire. Le secteur international de 
l’énergie nuclĂ©aire ne reprĂ©sentait plus aucun avantage pour les États-Unis : ni vente de 
rĂ©acteur, ni contrĂŽle par le biais des services d’enrichissement. Le potentiel militaire de 
cette technologie aurait pu permettre aux pays moins avancĂ©s de se doter d'armes 
nuclĂ©aires, rĂ©duisant leurs besoins en armes conventionnelles et  de leur dĂ©pendance au 
parapluie nuclĂ©aire amĂ©ricain. Le maintien de la stabilitĂ© internationale en aurait Ă©tĂ© 
d'autant plus coĂ»teux et difficile en raison de la possibilitĂ© d’escalade des conflits sur le plan 
nuclĂ©aire. Le potentiel Ă©nergĂ©tique de la technologie nuclĂ©aire aurait pu libĂ©rer des nations 
de leurs importations d’hydrocarbures. En 1973 les États-Unis avaient perdu le contrĂŽle du 
secteur pĂ©trolier, avec la hausse de prix de l'OPEP. Mais, comme nous l’avons vu 
prĂ©cĂ©demment, les multinationales pĂ©troliĂšres â€” dont la plupart sont amĂ©ricaines â€” sont Ă  
nouveau des forces dominantes du marchĂ© transnational depuis la deuxiĂšme moitiĂ© des 
annĂ©es 1980. Le dĂ©veloppement nuclĂ©aire international ne reprĂ©sentait donc plus aucune 
opportunitĂ© pour les États-Unis, mais engendrait au contraire une sĂ©rie de menaces. 

                      

 

1

 

L'Urenco a Ă©tĂ© Ă©tabli en 1971 avec le traitĂ© d’Almelo entre les gouvernements allemand, 

hollandais et britannique. Cette crĂ©ation Ă©tait basĂ©e sur le dĂ©sir de ces gouvernements de faire 

concurrence au futur Eurodif. StratĂ©gie rĂ©ussie, car l’entreprise fournit 13% des services 

d’enrichissement du monde aujourd’hui. C’est aussi l’Urenco qui a Ă©tĂ© Ă  l’origine de diffusion de 

centrifugeuses Ă  travers le monde. Les sites d’enrichissement aujourd’hui sont Ă  Capenhurst au 

Royaume-Uni, Gronau en Allemagne, Almelo aux Pays-Bas. La recherche et le dĂ©veloppement 

sont faits Ă  JĂŒlich en Allemagne. 

2

 

Smart, Ian, 

World Nuclear Energy: Towards a Bargain of Confidence, 

Johns Hopkins University Press, 

Baltimore, 1982, p. 39. 

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139 

L’Iran, qui avait lancĂ© son industrie nuclĂ©aire en 1974, Ă©tait pleinement concernĂ© par 

tous ces changements. L’OEAI Ă©tait contrainte de rĂ©aliser son programme pendant ces 
annĂ©es de « transition Â» (1974-1978), Ă  la fin de la pĂ©riode de coopĂ©ration internationale 
dans le domaine nuclĂ©aire. Il est difficile  de qualifier la pĂ©riode de 1953 Ă   1973 de 
« coopĂ©ration internationale Â» comme  d’une pĂ©riode de la suprĂ©matie du marchĂ©. Ce 
« marchĂ© Â» avait Ă©tĂ© politiquement crĂ©Ă© par les États-Unis en 1953 avec l’introduction du 
programme Â« Atomes pour la Paix Â» comme moyen de contrĂŽle pour limiter la 
dissĂ©mination anarchique de la technologie nuclĂ©aire vers les pays moins avancĂ©s. Ce 
marchĂ© a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© progressivement entre 1974 et 1978 par l’action politique des États-
Unis. 

Les annĂ©es 1974-1979 ont Ă©tĂ© ainsi des annĂ©es de transition vers un arrĂȘt total du 

commerce international des rĂ©acteurs, sauf entre les pays qui en possĂ©daient dĂ©jĂ . Le choc 
pĂ©trolier de 1974 avait contribuĂ© Ă  rendre l’option nuclĂ©aire plus attrayante. Le nombre des 
unitĂ©s commerciales en construction, commandĂ©es ou planifiĂ©es, en 1976 Ă©tait : 9 pour le 
BrĂ©sil, 5 pour l’Égypte, 5 pour l’Inde, 3 pour l’IndonĂ©sie, 5 pour l’Iran, 10 pour la CorĂ©e du 
Sud, 9 pour le Mexique, 3 pour la ThaĂŻlande, 8 pour Cuba, et 2 pour la Yougoslavie, le 
KoweĂŻt et la Libye

1

. Mais cette tendance s'est inversĂ©e, en apparence en raison de 

l’augmentation du coĂ»t des rĂ©acteurs, de la rĂ©cession Ă©conomique en liaison avec l’inflation 
qui diminue le pouvoir d’achat des pays importateurs de pĂ©trole. Mais la cause rĂ©elle, a Ă©tĂ© 
la pression politique amĂ©ricaine sur les fournisseurs internationaux qui sont devenus 
soumis Ă  des contraintes de plus en plus importantes au nom de la prolifĂ©ration nuclĂ©aire. 

Saisissant le prĂ©texte de l’explosion indienne â€” mĂȘme si l’Inde n’était pas signataire du 

TNP et avait donc tout droit pour dĂ©velopper des armes nuclĂ©aires â€” les États-Unis sont 
allĂ©s au bout de leur dĂ©termination d’arrĂȘter le transfert international de technologie 
nuclĂ©aire. Le contrĂŽle des nations acheteuses Ă©tant acquis  â€” par le biais du TNP et de la 
sauvegarde des installations des pays receveurs par l’AIEA â€” il fallait maintenant un 
systĂšme de contrĂŽle des fournisseurs. C’est ainsi que le « Club de Londres Â», a Ă©tĂ© crĂ©Ă© en 
1975 Ă  l'initiative amĂ©ricaine. Comme  suite Ă  la crĂ©ation du Club de Londres, le ministre 
des Affaires Ă©trangĂšres amĂ©ricain, Cyrus Vance, se rend Ă  TĂ©hĂ©ran. Il demande Ă  

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140 

l’Ambassadeur d’organiser un dĂ©jeuner avec Étemad avant de rencontrer le Shah. Étemad 
le rencontre en huis clos et lui demande de le mettre au courant des dĂ©veloppements du 
Club de Londres, ce que Vance refuse, rappelant que les discussions de ce Club sont 
confidentielles. Â« Mais l’objectif de ces discussions Ă©tait de renforcer les moyens 
d’empĂȘcher la prolifĂ©ration des armes nuclĂ©aires, ce qui ne devait pas inquiĂ©ter l’Iran Â»

2

Étemad lui rĂ©pond que « l’Iran n’accepterait jamais un rĂ©gime sans avoir Ă©tĂ© concertĂ© pour 
sa crĂ©ation, et poserait son veto Ă  toute entente confidentielle entre pays industrialisĂ©s Â»

3

. Il 

tient le Shah au courant de sa conversation avec Vance, qui lui demande de faire attention 
Ă  ce que le joug de la pression des pays industrialisĂ©s ne se resserre pas davantage. 

Le Club de Londres, 1975 : le contrĂŽle des concurrents 

Les États-Unis ont crĂ©Ă©, en 1975, le Club de Londres avec l’Angleterre, le Canada, 

l’Allemagne et le Japon sous le prĂ©texte de l’explosion indienne. La France et l’Union 
soviĂ©tique finirent par y participer. L’objectif de ce Â« Club Â» Ă©tait d’établir des rĂšgles 
gĂ©nĂ©rales de conduite entre les principaux exportateurs de la technologie et les 
équipements nucléaires, pour éviter la prolifération

4

. Les rĂ©unions de ce « Club Â» Ă©taient 

secrĂštes. En 1976, le Club de Londres rĂ©vĂ©la ses rĂšglements de principe dans des termes 
gĂ©nĂ©raux, mais les termes prĂ©cis ne furent rendus publics qu’au dĂ©but de 1978. L’une des 
raisons de cette discrĂ©tion totale Ă©tait l’implication de fournisseurs de certains de ces pays 
dans les ventes Ă  l'Ă©tranger â€” comme c'Ă©tait le cas des entreprises françaises et allemandes 
en Iran  â€” ventes qui pouvaient ĂȘtre annulĂ©es par les dĂ©cisions politiques du Club. Une 
autre tentative de contrĂŽle multilatĂ©ral de ce secteur Ă  la mĂȘme Ă©poque fut la crĂ©ation du 
ComitĂ© de Zangger, destinĂ© Ă  Ă©tablir une liste de matĂ©riels nuclĂ©aires avec leur potentiel 
d’application militaire, et Ă  lier toutes exportations nuclĂ©aires aux mesures de sauvegarde 
de l’AIEA. 

Pour donner une idĂ©e de la rĂ©ussite de la technologie nuclĂ©aire dans les pays en voie de 

dĂ©veloppement, et pour noter que le cas de l’Iran n’est pas unique, rappelons simplement 

                                                                    

 

1

 

Poneman, Daniel, 

Nuclear Power in the Developing World, 

George Allen & Unwin, Londres, 1982, p. 

27. 

2

 

Barnameyeh Energieh Atomieh Iran

, p. 211. 

3

 

Ibid. 

4

 

MĂŒller, Hararld, 

A European Non-Proliferation Policy: Prospects and Problems

, Clarendon Press, Oxford, 

1987. 

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141 

qu’en 1990, il y avait seulement 25 centrales nuclĂ©aires dans les pays en voie de 
dĂ©veloppement avec une capacitĂ© totale de gĂ©nĂ©ration de puissance d’environ 15 000 MW, 
ce qui reprĂ©sente moins de 5 % de la somme totale de la capacitĂ© nuclĂ©aire installĂ©e dans le 
monde

1

. C’est ce qui a Ă©tĂ© nommĂ© Â« colonisation technologique Â». Il s’agissait du transfert 

des ressources minĂ©rales et Ă©nergiques des pays en voie de dĂ©veloppement vers les pays 
industrialisĂ©s, sans une compensation Ă©conomique juste, ou bien du partage de la science et 
de la technologie occidentales indispensables pour leur dĂ©veloppement. Sans le 
programme Â« Atomes pour la Paix Â» il aurait Ă©tĂ© plus difficile pour les États-Unis de 
contrĂŽler le marchĂ©.  En ce sens, le rĂ©gime de la non-prolifĂ©ration peut ĂȘtre qualifiĂ© de 
rĂ©ussite de la politique Ă©trangĂšre amĂ©ricaine. 

DĂšs 1975, les États-Unis essayĂšrent de renforcer leur contrĂŽle du secteur nuclĂ©aire en 

introduisant un mĂ©canisme secret de coordination entre fournisseurs de la technologie 
nuclĂ©aire. Le but des États-Unis Ă©tait d’obtenir l’accord des six autres exportateurs de 
rĂ©acteurs nuclĂ©aires (le Canada, la France, la RFA, l’Union soviĂ©tique, l’Angleterre et le 
Japon), et de ne plus vendre d’usines d’enrichissement ou de retraitement Ă  d’autres pays. 
Si l’explosion indienne de 1974 avait pu se faire grĂące Ă  une usine de retraitement ayant 
permis Ă  l’Inde d’extraire le plutonium des dĂ©chets obtenus dans ses installations civiles, il 
faut aussi rappeler que cette usine de retraitement Ă©tait  construite avec la technologie 
amĂ©ricaine. 

Avec le dĂ©veloppement de l’industrie de fabrication de rĂ©acteurs en Europe, le profit des 

ventes de centrales dans les pays du tiers-monde Ă©tait de plus en plus captĂ© par les 
fournisseurs europĂ©ens. En 1974, la concurrence europĂ©enne avait commencĂ© Ă  reprĂ©senter 
une menace supplĂ©mentaire pour les États-Unis qui dĂ©tenaient jusqu’alors le monopole 
commercial de l’enrichissement de l’uranium.  Ainsi que nous l’avons prĂ©cisĂ© dans les 
sections prĂ©cĂ©dentes, l’Iran avait versĂ© un milliard de dollars Ă  la France en 1974 pour 
entrer dans le capital d’Eurodif, la premiĂšre usine d’enrichissement europĂ©enne. 

Les annĂ©es 1974-79, comme nous l'avons vu, furent les annĂ©es de transition vers un 

arrĂȘt total de ce commerce. La base philosophique de cette nouvelle Ă©poque introduisait 

                      

 

1

 

Pilat, Joseph, F., Pendley, Robert, E., 

Beyond 1995: the Future of the NPT Regime, 

Plenum Press, New 

York, 1990. 

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142 

l’élĂ©ment de « tentation Â», prĂ©tendant que l’accĂšs aux matĂ©riels et installations sensibles 
encourageait les pays sans un plan prĂ©alable de dĂ©veloppement des armes nuclĂ©aires Ă  en 
adopter un. 

Quand le TNP avait Ă©tĂ© signĂ© Ă  Londres, Ă  Moscou et Ă  Washington en juin 1968, la 

France avait refusĂ© de le signer. Commençait dĂ©jĂ  Ă  cette Ă©poque la divergence entre 
l’approche française et celle de ces trois pays. Ce n’est qu’à la suite de l’explosion indienne 
et de la rĂ©union au sommet Ford-Giscard en dĂ©cembre 1974 que le gouvernement français 
envisagea de se plier Ă  des rĂšgles internationales dĂ©finies, en ce qui concerne ses 
exportations nuclĂ©aires. Mais ce changement de politique ne se concrĂ©tisa qu’à la fin des 
annĂ©es 1970. Bien que la France se fĂ»t dĂ©cidĂ©e Ă  abandonner son rĂŽle 

freelance

 du passĂ© et Ă  

participer au Club de Londres au dĂ©but de l’annĂ©e 1976, elle continua sa coopĂ©ration 
internationale dans le domaine nuclĂ©aire. 

Mais cette participation au Club de Londres marquait pour la premiĂšre fois une 

négation du transfert de technologie de la part de la France

1

. Un certain nombre 

d’exportations nuclĂ©aires du pays furent annulĂ©es pendant cette pĂ©riode, mais l’initiative 
n’était pas française. C’est Ă  peine neuf mois aprĂšs la signature du contrat d’une usine de 
retraitement avec le Pakistan que la France annonça en dĂ©cembre 1976 qu’elle ne formerait 
plus de coopĂ©rations bilatĂ©rales nouvelles pour le transfert de la technologie de retraitement 
industriel. Mais elle n’annula pas pour autant son contrat avec le Pakistan. C’est le Pakistan 
qui annula unilatĂ©ralement son contrat sous la pression des États-Unis et en raison des 
sanctions imposĂ©es par eux (annulation de l’aide Ă©conomique et militaire

2

). Les pressions 

diplomatiques amĂ©ricaines sur la France, et la participation de celle-ci au Club de Londres 
ne purent renverser sa position pour les projets en cours. Le projet iranien, lui aussi, fut 
annulĂ© unilatĂ©ralement par le gouvernement rĂ©volutionnaire  en 1979  â€” Framatome 
suspendit son contrat par dĂ©faut de paiement en mars 1979, et il l’annula en juin 1979. Un 

                      

 

1

 

Smart, Ian, 

World Nuclear Energy: Towards a Barg ain of Confidence

, Johns Hopkins University Press, 

Baltimore, 1982, p. 42. 

2

 

L’amendement Syminston au projet de loi d’aide Ă  l’étranger (3 juin 1976) prĂ©voyait la 

suspension de l’aide Ă©conomique et militaire amĂ©ricaine aux pays qui importeraient ou 

exporteraient des Ă©quipements d’enrichissement ou de retraitement sans les soumettre aux 

garanties de l’AIEA (sauf si la suspension de cette aide pouvait nuire aux intĂ©rĂȘts vitaux des 

États-Unis). Il convient Ă©galement de rappeler que le CongrĂšs amĂ©ricain a, dĂšs novembre 1976, 

votĂ© une loi l’autorisant Ă  examiner toutes transactions relatives Ă  une installation ou Ă  des 

matiĂšres nuclĂ©aires. 

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143 

autre projet français dans la rĂ©gion, le rĂ©acteur de recherche Osirak en Irak fonctionnait 
encore lorsqu’il fut bombardĂ© par IsraĂ«l en juin 1981. 

Les directives politiques des fournisseurs français Ă©taient les suivantes : l'interdiction de 

la vente de l’uranium hautement enrichi et du plutonium adaptĂ© Ă  l’usage militaire, ainsi 
que l’interdiction de l’exportation de la technologie d’enrichissement et de retraitement aux 
pays qui ne sont pas politiquement stables ou qui n’en ont pas besoin pour leurs 
programmes de production d’électricitĂ©. Le gouvernement français, sous le prĂ©sident 
Giscard d’Estaing, avait dĂ©cidĂ© que les usines de retraitement seraient seulement vendues Ă  
l’Allemagne et au Japon. Seul l’un de ces deux projets se matĂ©rialisa au Japon

1

Au printemps 1976 le Directeur de l'

US Arms Control and Disarmament Agency

 et le 

secrĂ©taire d’État amĂ©ricain annonçaient au comitĂ© du SĂ©nat que les sept pays Ă©taient 
parvenus Ă  un accord dĂ©finissant l'avenir des exportations nuclĂ©aires. Ces principes Ă©taient 
les suivants : 

1. Les pays receveurs de la technologie, des matĂ©riels, et Ă©quipements nuclĂ©aires, des 

sept pays signataires, devaient accepter d’appliquer les mesures de sauvegarde de l’AIEA. 

2. Les receveurs devaient donner leurs accords pour ne pas utiliser leurs importations 

dans le but de faire des explosions nuclĂ©aires, mĂȘme « pacifiques Â». 

3. Les importateurs devaient se plier aux conditions spĂ©ciales gouvernant l’utilisation ou 

le transfert des matĂ©riaux sensibles, des Ă©quipements et technologies. 

4. Les exportateurs et importateurs devaient coopĂ©rer pour assurer la sĂ©curitĂ© des 

matĂ©riaux nuclĂ©aires contre le vol ou le sabotage. 

5. Les exportateurs devaient se restreindre dans le transfert des technologies sensibles 

telles que l’enrichissement de l’uranium ou le retraitement du plutonium. 

6. Des facilitĂ©s multinationales rĂ©gionales de retraitement et d'enrichissement seraient 

encouragĂ©es pour amĂ©liorer le contrĂŽle international dans un environnement oĂč il y aurait 

                      

 

1

 

Felten, Paul, « France and the International Nuclear Scene Â», West, Dalton, A., ed., 

The International 

Nuclear Scene: Views From France,

 United States Global Energy Council, Washington, DC, 1993. 

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144 

de plus en plus de rĂ©acteurs pour l’utilisation civile dans les pays en voie de 
développement

1

Les États-Unis et le Canada jouĂšrent un rĂŽle moteur dans l'Ă©tablissement de conditions 

plus restrictives pour les exportations nucléaires

2

. Mais la France et l’Allemagne n’étaient 

pas d’accord avec de telles restrictions imposĂ©es Ă  la libre concurrence. L’Iran, quant Ă  lui, 
ne comprenait pas non plus le manque de confiance des États-Unis, d’autant plus qu’il 
s’était engagĂ© Ă  utiliser la technologie Ă  des fins civiles et Ă  mettre toutes ses opĂ©rations sous 
contrĂŽle international. Le pays avait donnĂ© sa parole de ne pas acquĂ©rir des usines 
d’enrichissement ou de retraitement Ă  la condition que les États-Unis garantissent la 
livraison de combustible pour ses rĂ©acteurs et de pouvoir utiliser une facilitĂ© multinationale 
rĂ©gionale de retraitement Ă  terme. 

Les rĂšglements des pays fournisseurs exigeaient qu’avant toute livraison, qu'il s'agisse de 

rĂ©acteurs, d'Ă©quipements ou de combustibles, le pays importateur s'engage Ă  les utiliser 
uniquement Ă  des fins pacifiques, et Ă  les placer sous le contrĂŽle de l'AIEA. Pour les 
techniques sensibles (enrichissement, retraitement, production d'eau lourde), l'exportation 
ne devait ĂȘtre autorisĂ©e que dans des cas exceptionnels. Des mesures strictes seraient 
appliquĂ©es pour que les Ă©quipements fournis soient utilisĂ©s Ă  des fins civiles. Les 
installations qui pourraient ĂȘtre construites ultĂ©rieurement sur le mĂȘme modĂšle obĂ©iraient 
aux mĂȘmes restrictions. 

Le contrĂŽle international du cycle du combustible nuclĂ©aire 

L’uranium naturel 

Les États-Unis avaient dĂ©fini les dynamiques du marchĂ© de l’uranium naturel depuis les 

annĂ©es 1950. Avec la baisse de leurs besoins militaires en uranium Ă  la fin des annĂ©es 1950, 
ils avaient dĂ©cidĂ© de ne pas renouveler leurs contrats avec le Canada et l’Afrique du Sud, ce 
qui crĂ©ait une saturation du marchĂ© de l’uranium et la baisse des prix qui dura jusqu’au 
dĂ©but des annĂ©es 1970. Pendant  cette pĂ©riode, l’offre de l’uranium semblait sĂ»re et il n’y 

                      

 

1

 

Kissinger, Henry, discours devant le 

Senate Committee on Government Operations

, 9 mars 1976, 

Department of State Press Release

no

. 119, p. 3. 

2

 

N’oublions pas que l’explosion indienne de 1974 s’était rĂ©alisĂ©e grĂące la technologie fournie par 

les États-Unis et le Canada. 

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145 

avait pas d’inquiĂ©tude  quant Ă  la disponibilitĂ© Ă  long terme

1

. L’assurance de l’offre de 

l’uranium enrichi et le transfert de technologie amĂ©ricaine par le biais de brevets, firent des 
rĂ©acteurs Ă  l’eau lĂ©gĂšre le modĂšle dominant sur le marchĂ© international, ce qui eut pour 
consĂ©quence l’augmentation de la demande d’uranium enrichi

1

DĂšs 1964 les États-Unis changent de stratĂ©gie : au lieu de fournir de l’uranium enrichi, 

ils fournissent dĂ©sormais seulement des services d’enrichissement, ce qui oblige leurs 
clients Ă  se procurer leur propre uranium et Ă  le faire enrichir aux États-Unis avant de 
pouvoir l’utiliser dans leurs rĂ©acteurs. SimultanĂ©ment, le CongrĂšs amĂ©ricain a introduit des 
lois pour limiter le marchĂ© d’enrichissement amĂ©ricain au seul uranium naturel amĂ©ricain, 
pour assurer la croissance de leur industrie nationale d’uranium. Cet embargo sur 
l’uranium non-amĂ©ricain contribuait Ă  la dĂ©pression des prix de l’uranium en dehors des 
États-Unis, environ 5 dollars par livre, ce qui ne pouvait mĂȘme pas couvrir le coĂ»t de la 
production. Au dĂ©but des annĂ©es 1970, les fabricants les plus importants de rĂ©acteurs 
amĂ©ricains offraient l’uranium pour servir les rĂ©acteurs vendus pendant les trente annĂ©es 
de leur durĂ©e d’opĂ©ration. Cela contribua Ă  la stagnation de la demande d’uranium â€” Ă©tant 
donnĂ© que les firmes en question n’achetaient pas d’avance le stock de l’uranium vendu. 

En 1974, la crise pĂ©troliĂšre amena certaines compagnies d’électricitĂ© Ă  accumuler des 

stocks d’uranium pour assurer leur production Ă  long terme. L’Australie n’entra pas sur le 
marchĂ© de l’uranium comme prĂ©vu, Ă©tant donnĂ©e l’hostilitĂ© de ses syndicats Ă  l’énergie 
nuclĂ©aire. L’explosion indienne aura pour rĂ©sultat la baisse et ensuite l’arrĂȘt total des 
exportations canadiennes. Ainsi, certains fournisseurs seront dans la difficultĂ© de livrer de 
l’uranium Ă  leurs clients, comme prĂ©vu par contrats. Cela amĂšnera les États-Unis Ă  rentrer 
sur le marchĂ© international de l’uranium avec la levĂ©e progressive de l’embargo 
d’enrichissement. C’était ce type d’incertitude que l’Iran voulait Ă©viter en maĂźtrisant son 
propre cycle de combustible. L’OEAI prendra l’option de l'indĂ©pendance pour la 
fourniture de l’uranium nĂ©cessaire pour ses futurs rĂ©acteurs. Comme nous avons vu, son 
accĂšs aux services d’enrichissement avait Ă©tĂ© dĂ©jĂ  garanti avec sa participation dans le 
capital d’Eurodif. 

                      

 

1

 

Smart, Ian, 

World Nuclear Energy: Towards a Bargain of Confidence, 

Johns Hopkins University Press, 

Baltimore, 1982, p. 27. 

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146 

« [
] J’étais persuadĂ© qu'il y avait de l'uranium en  Iran. Nous avions lancĂ© un 

programme extrĂȘmement ambitieux de  balayage du territoire iranien par avion et par 
hĂ©licoptĂšre et nous avons balayĂ© pratiquement la moitiĂ© du pays â€” l'autre moitiĂ© Ă©tait 
montagneuse â€” par intervalles de 500 mĂštres avec des appareils de radiomĂ©trie et de 
gravimĂ©trie, nous avons produit une carte extraordinaire de ressources naturelles ; on 
avait dĂ©pensĂ© Ă©normĂ©ment de temps et d'argent mais on savait exactement quelles 
ressources miniĂšres l'Iran possĂ©dait. Ceci a Ă©tĂ© fait dĂšs 1974, et je peux vous dire que 
l'Iran possĂšde beaucoup d'uranium. Si on nous avait laissĂ© continuer on aurait eu de 
l'uranium pour 20-30 ans. [
] Â»

2

 

En 1990, avec le dĂ©mantĂšlement de l’Union soviĂ©tique, une source additionnelle 

d’uranium apparut sur le marchĂ© : l’uranium de qualitĂ© militaire (enrichi Ă  90 % d’U-235) 
diluĂ© d’environ 1/30 avec l’uranium Ă©puisĂ© des rĂ©acteurs

 

(contenant d’environ 0,3 % d’U-

235). Ainsi les stocks de l’uranium de qualitĂ© militaire de l’ancienne Union soviĂ©tique 
seront utilisĂ©s comme fuel pour la gĂ©nĂ©ration de l’électricitĂ©.  Le plutonium de qualitĂ© 
militaire, en provenance de la mĂȘme source, peut aussi ĂȘtre diluĂ© et utilisĂ© comme fuel Ă  
oxyde mixte (MOX) dans les rĂ©acteurs spĂ©ciaux qui sont conçus pour utiliser ce fuel pour la 
gĂ©nĂ©ration de l’électricitĂ©. 

Enrichissement 

En 1973, les États-Unis ont introduit des changements dans leurs contrats 

d’enrichissement qui obligeaient les clients non seulement Ă  s’engager par avance pour des 
longues pĂ©riodes, mais Ă  payer Ă  des prix en vigueur au moment de la livraison, prix qui 
Ă©taient sous le contrĂŽle unilatĂ©ral amĂ©ricain. Les États-Unis Ă©taient encore Ă  cette Ă©poque le 
fournisseur unique sur le marchĂ© commercial. L’Union soviĂ©tique rĂ©agit en entrant sur le 
marchĂ© et conclut des contrats avec la France, l’Allemagne de l’Ouest et la SuĂšde. Les 
EuropĂ©ens optĂšrent pour une capacitĂ© d’enrichissement indĂ©pendante, et lancĂšrent en 
1974 le consortium Eurodif auquel l’Iran participa en dĂ©cembre de la mĂȘme annĂ©e. Cela 
mettait fin au monopole amĂ©ricain de l’enrichissement. 

                                                                    

 

1

 

RĂ©acteur thermique dans lequel l’eau ordinaire (lĂ©gĂšre) est le modĂ©rateur et le refroidisseur. Ces 

rĂ©acteurs utilisent gĂ©nĂ©ralement de l’uranium peu enrichi. 

2

 A. Etemad. 

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147 

Le monopole amĂ©ricain de l’enrichissement de l’uranium inquiĂ©tait naturellement les 

autres nations qui craignaient la dĂ©pendance vis-Ă -vis d'une source unique de fourniture et 
qui cherchaient des sources alternatives, d’autant plus qu’il y avait des « plafonds Â» dans les 
quantitĂ©s fournies par les Ă‰tats-Unis et le besoin d’extension des accords qui impliquait une 
vĂ©rification  par le CongrĂšs et  l’exĂ©cutif.

 

Les pays clients avaient besoin de permissions 

spĂ©ciales pour l’achat d’uranium trĂšs enrichi nĂ©cessaire pour certains types de rĂ©acteurs â€”
 comme  celui Ă  haute tempĂ©rature â€” et ils ne pouvaient pas transfĂ©rer l’uranium achetĂ© 
des États-Unis Ă  d’autres pays sauf Ă  ceux qui avaient passĂ© des accords nuclĂ©aires avec les 
États-Unis et qui devaient leur demander la permission dans chaque cas. 

Par consĂ©quent il y avait un consensus en Europe sur le besoin d’une capacitĂ© 

d’enrichissement indĂ©pendante. En 1968, le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Pays-Bas 
avaient crĂ©Ă© le consortium d’enrichissement Urenco. Et en 1973, la suite des changements 
majeurs annoncĂ©s  par les États-Unis dans ses futurs contrats d’enrichissement, un autre 
consortium, Eurodif â€” dans lequel l’Iran avait pris une participation de 10 % â€” avait Ă©tĂ© 
crĂ©Ă© en Europe. Mais en 1974, Eurodif Ă©tait encore en projet et avant qu’il ne soit 
opĂ©rationnel, il fallait trouver de l’uranium enrichi ailleurs. 

L’OEAI lance alors des programmes pour acheter de l'uranium. À l'Ă©poque il Ă©tait trĂšs 

difficile de trouver de l'uranium sur le marchĂ© ; aujourd’hui ceci est plus facile car l'intĂ©rĂȘt 
pour le nuclĂ©aire disparaĂźt dans le monde. Mais Ă  l'Ă©poque, il y avait beaucoup d'acheteurs 
et pas de vendeurs. L’OEAI dĂ©cide donc d’acheter Ă  l’Union soviĂ©tique : les premiers 
contrats d'achat d'uranium et d'enrichissement furent passĂ©s avec l’Union soviĂ©tique. Elle 
fournit l'uranium des deux premiers rĂ©acteurs. 

« [
] la France d'abord n’en voulait pas, c'Ă©tait quelque chose d'extraordinaire 

d'avoir une usine d’enrichissement en Europe, Tricastin Ă©tait la premiĂšre. Les Français 
eux mĂȘmes achetaient aux États-Unis. Les Anglais et les Hollandais avaient de petites 
unitĂ©s d'enrichissement par centrifugeuse mais elles Ă©taient presque de la taille de 
laboratoire. Les Français comptaient beaucoup dessus. L'Iran insistait pour en faire 
partie, c'Ă©tait la condition que nous avions imposĂ©e aux Français pour notre coopĂ©ration 

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148 

qui Ă©tait trĂšs vaste [
] c'est-Ă -dire les laboratoires, des rĂ©acteurs nuclĂ©aires, des cycles 
combustibles [
] Â»

1

   

RĂ©acteurs 

Les premiers rĂ©acteurs, ainsi que des grands rĂ©acteurs de recherche vendus dans le 

monde, utilisaient l’uranium naturel comme combustible. Le transfert d’un tel rĂ©acteur de 
recherche  â€” canadien, utilisant l’eau lourde

2

 amĂ©ricaine â€” Ă  l’Inde dans les annĂ©es 1950, 

sans aucune sauvegarde, avait permis l’explosion indienne de 1974. L’autre composant 
indispensable pour cette explosion  â€” qui avait utilisĂ© du plutonium â€” Ă©tait l’usine de 
retraitement, elle aussi, construite avec la technologie amĂ©ricaine. Les premiers rĂ©acteurs 
nuclĂ©aires vendus par l’Angleterre Ă  la fin des annĂ©es 1950 Ă  l’Italie et au Japon Ă©taient de 
type Magnox

3

. Mais l’Angleterre n’était pas capable de maintenir son avance technologique 

et abandonnait le modĂšle mĂȘme de Magnox. 

La controverse entre les partisans de rĂ©acteurs utilisant l’uranium naturel et l’uranium 

enrichi avait dominĂ© le marchĂ© naissant des rĂ©acteurs. La France a vendu un de ces 
réacteurs de type gaz graphite

4

 Ă  Vandellos, une sociĂ©tĂ© mixte franco-espagnole en 

Espagne. Le Canada Ă©tait le pays qui vendait la plupart des unitĂ©s d’uranium naturel/eau 
lourde : il vendait par exemple, Ă  l’Argentine, Ă  l’Inde, au Pakistan, Ă  la CorĂ©e du Sud et un 
large rĂ©acteur de recherche Ă   TaĂŻwan. L’Allemagne avait aussi vendu Ă  l’Argentine. Mais, 
mis Ă  part ces exceptions, le marchĂ© international des rĂ©acteurs Ă©tait dominĂ© par les 
rĂ©acteurs Ă  eau lĂ©gĂšre. Ceux-ci, utilisaient l’uranium enrichi comme combustible et 
l’enrichissement de l’uranium Ă©tait sous le monopole amĂ©ricain jusqu’à la fin des annĂ©es 
1970. 

À l’intĂ©rieur des États-Unis, la concurrence se jouait aussi entre deux types de 

fournisseurs : les amĂ©ricains (rĂ©acteurs Ă  eau lĂ©gĂšre) et les britanniques, français et 
canadiens (rĂ©acteurs utilisant l’uranium naturel). GrĂące Ă  cette concurrence, les termes 

                      

 

1

 

PrĂ©sident fondateur de l’OEAI. 

2

 

RĂ©acteur thermique dans lequel l’oxyde de deutĂ©rium (D

2

O

2

) est le modĂ©rateur. Ces rĂ©acteurs 

utilisent souvent, mais pas nĂ©cessairement, l’uranium naturel. 

3

 

Version britannique de rĂ©acteur, refroidi Ă  gaz, utilisant l’uranium naturel contenu dans 

Magnox (oxyde de manganĂšse). 

4

 

RĂ©acteur thermique refroidi par gaz et utilisant l’uranium naturel et le graphite comme 

modĂ©rateur. 

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149 

Ă©taient plutĂŽt favorables pour les acheteurs

1

. Un autre Ă©lĂ©ment important Ă©tait le 

financement des exportations, particuliĂšrement aux pays en voie de dĂ©veloppement. Des 
prĂȘts Ă  taux rĂ©duits Ă©taient l’élĂ©ment dĂ©cisif dans la vente amĂ©ricaine Ă  l’Inde ainsi que la 
vente canadienne au Pakistan. 

C’est le programme de coopĂ©ration US-Euratom pour construire 1 000 000 MW de 

capacitĂ© nuclĂ©aire dans la CommunautĂ© europĂ©enne, qui a permis aux États-Unis 
d’augmenter ses exportations et de crĂ©er une industrie de rĂ©acteur Ă  eau lĂ©gĂšre en Europe. 
La volontĂ© des fabricants amĂ©ricains de vendre leur technologie sous brevet permit la 
crĂ©ation de la capacitĂ© de fabrication de rĂ©acteurs Ă  eau lĂ©gĂšre en France, en Allemagne de 
l’Ouest, en Italie et au Japon. Pendant la pĂ©riode de coopĂ©ration internationale les 
EuropĂ©ens investirent lourdement dans l’industrie nuclĂ©aire, mais l’utilitĂ© de ces 
investissements, restait, dans les meilleurs des cas, limitĂ©e aux marchĂ©s nationaux. Depuis 
1979 il n’y a plus eu de vente de rĂ©acteur Ă  l’étranger. 

Pendant la pĂ©riode 1974-75, il y eut 20 Ă  25 commandes d’usines nuclĂ©aires seules aux 

États-Unis. En 1979, la capacitĂ© mondiale (en dehors des Ă©conomies planifiĂ©es) pouvait 
fournir entre 60 Ă  70 rĂ©acteurs par an. Beaucoup de pays industrialisĂ©s craignaient qu’avec 
cette baisse d’activitĂ©, les fabricants nationaux ne puissent pas survivre. Il y avait donc des 
enjeux considĂ©rables pour une concurrence agressive dans le marchĂ© limitĂ© de 
l’exportation, pour Ă©quilibrer la diminution des commandes intĂ©rieures

2

. Le choc pĂ©trolier 

de 1974 avait beaucoup contribuĂ© Ă  l’attractivitĂ© de l’option nuclĂ©aire. L’augmentation du 
coĂ»t des rĂ©acteurs les rendait moins rentables, et la rĂ©cession en conjonction avec l’inflation 
attĂ©nuait le pouvoir d’achat des pays importateurs. De 1979 Ă  1982, une cinquantaine de 
commandes de rĂ©acteurs ont Ă©tĂ© annulĂ©es

3

. En revanche le rĂ©gime de contrĂŽle a Ă©tĂ© une 

rĂ©ussite : fin 1990, environ 350 tonnes de plutonium, 10 tonnes d’uranium trĂšs enrichi et 
35 000 tonnes d’uranium faiblement enrichi se seraient trouvĂ©es sous le contrĂŽle de 
l’AIEA

4

                      

 

1

 

Smart, Ian, 

World Nuclear Energy: Towards a Bargain of Confidence

, Johns Hopkins University Press, 

Baltimore, 1982, p. 29. 

2

 

Rochlin, Gene I., 

Plutonium, Power, and Politics: International Arrangements for Disposition of Spent Nuclear 

Fuel

, Berkley, University of California Press, 1979, p. 66. 

3

 

Political Electricity, p. 34. 

4

 

Rapport sur le projet de loi autorisant l’adhĂ©sion au TraitĂ© sur la non-prolifĂ©ration des armes 

nuclĂ©aires, deuxiĂšme session ordinaire de 1991-1992, p. 22. 

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150 

Retraitement 

Le retraitement est l’étape dans le cycle du combustible nuclĂ©aire qui permet l’isolation 

du plutonium qui se trouve dans les « dĂ©chets Â» des rĂ©acteurs nuclĂ©aires et qui peut servir 
Ă  des fins militaires. Les conceptions initiales de l’exploitation de l’énergie nuclĂ©aire, 
utilisant les rĂ©acteurs Ă  eau lĂ©gĂšre, prĂ©voyaient le recyclage de plutonium qui y Ă©tait 
produit. Ce plutonium, ainsi que l’uranium rĂ©cupĂ©rĂ© dans les dĂ©chets rĂ©duisaient le coĂ»t 
du cycle du combustible nuclĂ©aire et ceci malgrĂ© les frais supplĂ©mentaires de retraitement, 
car le plutonium peut ĂȘtre rĂ©utilisĂ© comme combustible. La technologie de retraitement ne 
faisait pas partie des documents dĂ©classifiĂ©s par les États-Unis et l’Angleterre pour la 
premiĂšre confĂ©rence de GenĂšve en 1955. Mais les documents sur le retraitement par 
extraction chimique avaient Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©s par la France. Les États-Unis et l’Angleterre ont 
ainsi suivi la France au cours de la confĂ©rence suivante, en 1958. L’Union soviĂ©tique, en 
revanche, n’a pas partagĂ© sa technologie de retraitement et a toujours insistĂ© pour que les 
dĂ©chets de ses partenaires des pays de l’est soient retournĂ©s en URSS pour retraitement

1

Dans les annĂ©es 1960, l’industrie française, qui avait dĂ©jĂ  une expĂ©rience importante 

dans ce domaine grĂące son programme nuclĂ©aire national, prenait l’initiative de former un 
consortium de treize pays de l’Europe de l’Ouest pour introduire une activitĂ© de 
retraitement en Europe sous les auspices de l’OCDE. Cette premiĂšre usine de retraitement 
europĂ©enne fut construite Ă   Mol, en Belgique, par l’Agence EuropĂ©enne de l’Énergie 
NuclĂ©aire. L’intention  initiale Ă©tait de construire une usine entiĂšrement commerciale et 
multinationale, avec une capacitĂ© maximale de mille tonnes par an ce qui Ă©tait suffisant 
pour servir plus d’une trentaine de rĂ©acteurs civils. Mais comme la croissance anticipĂ©e de 
l’énergie nuclĂ©aire ne s’est pas rĂ©alisĂ©e, le projet a Ă©tĂ© rĂ©duit Ă  une usine pilote de 
production d’une capacitĂ© de 70-100 tonnes par an, ce qui ne pouvait pas lui permettre un 
succĂšs commercial

2

.  

D’autres installations de retraitement furent fabriquĂ©es ailleurs, et souvent avec peu 

d’assistance Ă©trangĂšre car la technologie de retraitement est assez conventionnelle. C’était 
par exemple le cas d’une usine en Inde avec une capacitĂ© importante de retraitement de 

                      

 

1

 

Smart, Ian, 

World Nuclear Energy: Towards a Bargain of Confidence

, Johns Hopkins University Press, 

Baltimore, 1982, p. 34. 

2

 

A European Non-Proliferation Policy.

 

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151 

plutonium, basĂ©e sur la technologie amĂ©ricaine, qui est entrĂ©e en fonction en 1966. 
D’autres installations plus modestes furent fabriquĂ©es en Espagne, en Argentine et en Italie. 
L’usine israĂ©lienne de retraitement de Dimona passera  ses premiers essais avec succĂšs en 
1965 et produira du plutonium dĂšs 1966-1967

1

. Une usine pilote de retraitement, fondĂ©e 

sur l’expĂ©rience europĂ©enne, a Ă©tĂ© construite en Allemagne de l’Ouest en 1970. C’est 
seulement Ă  la fin des annĂ©es 1960 que l’attitude amĂ©ricaine vis-Ă -vis de l’assistance pour la 
fabrication des usines de retraitement change. Avec le rapprochement de l’introduction du 
TNP, et le fait qu’il y avait des sources importantes de rĂ©acteurs et combustibles sans 
sauvegarde, le gouvernement  amĂ©ricain a commencĂ© Ă  prendre des initiatives informelles 
pour restreindre l’assistance de l’industrie amĂ©ricaine dans le domaine de retraitement. 
Ceci s’est formalisĂ© en 1973 avec un amendement aux rĂ©gulations amĂ©ricaines, qui 
imposait le contrĂŽle et l’approbation du gouvernement dans chaque cas d’assistance. Ce 
rĂšglement ne prohibait pas l’assistance en gĂ©nĂ©ral, mais permettait au gouvernement 
amĂ©ricain de traiter les demandes d’assistance au cas par cas. 

Pour les pays utilisateurs de l’énergie atomique, l’enjeu du retraitement est commercial : 

si le coĂ»t du retraitement des dĂ©chets et de leur rĂ©utilisation comme combustible dans les 
rĂ©acteurs est infĂ©rieur au coĂ»t d’achat de l’uranium enrichi, ils ont tout intĂ©rĂȘt Ă  opter pour 
le retraitement. Pour les Ă‰tats-Unis qui veulent Ă©viter l’accĂšs d’autres nations Ă  l’arme 
nuclĂ©aire, cela reprĂ©sente un enjeu politique et commercial : non seulement le retraitement 
peut rĂ©duire le coĂ»t unitaire Ă©nergĂ©tique des pays concurrents, mais il peut aussi leur 
fournir des moyens de dissuasion et de dĂ©fense qui diminuent la supĂ©rioritĂ© militaire des 
États-Unis. Il est aussi plus facile d’utiliser du plutonium dans une arme nuclĂ©aire que de 
l’uranium enrichi. 

À la fin de la pĂ©riode de coopĂ©ration internationale (1953-1973),  il est devenu Ă©vident 

que le retraitement Ă©tait la premiĂšre activitĂ© dans le cycle  du  combustible nuclĂ©aire Ă  
connaĂźtre une offre insuffisante. Une usine commerciale de retraitement aux États-Unis, 
construite en 1966, a Ă©tĂ© fermĂ©e sans explication en 1972. Une autre usine terminĂ©e en 
1973 n’est mĂȘme pas entrĂ©e en exploitation. En France et au Royaume-Uni, la reconversion 
des installations militaires a fourni une capacitĂ© limitĂ©e. Ailleurs, au Japon et en Allemagne, 

                      

 

1

 

Spector, Leonard S., 

Nuclear Ambitions: The Spread of Nuclear Weapons 1989-1990,

 Westview Press, 

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152 

les usines de retraitement en construction ont pris des retards importants, principalement Ă  
cause d’une opposition publique croissante. L’opposition la plus forte s’est faite sentir aux 
États-Unis provenant des intĂ©rĂȘts Ă©cologistes, en 1973. En avril 1977, l’administration 
Carter a dĂ©clarĂ© son intention d’arrĂȘter le dĂ©veloppement de plutonium comme combus-
tible. Les États-Unis pensaient avoir une capacitĂ© suffisante pour pouvoir fournir aux pays 
qui ne possĂ©daient pas leurs propres facilitĂ©s d’enrichissement de l’uranium enrichi

1

 

comme substitut. Pour l’Iran, la question du retraitement ne se posait pas Ă  l’époque. Car le 
Shah voulait de l’énergie nuclĂ©aire. Mais avec le retard considĂ©rable qu’il avait pris dans le 
lancement de cette industrie, les changements importants survenus dans la structure 
internationale de ce secteur, ainsi que sa dĂ©pendance quasi totale vis-Ă -vis des partenaires 
Ă©trangers pour tous les maillons de la chaĂźne du cycle du combustible nuclĂ©aire, il Ă©tait prĂȘt 
Ă  tous les compromis pour avoir « du nuclĂ©aire Â». Mais d’aprĂšs Étemad, la question de 
retraitement ne se posait mĂȘme pas, car « c’était le dĂ©but de notre programme et ce sujet 
allait se poser Ă  nous dans plus de quarante ans Â»

2

La politique de la non-prolifĂ©ration est un des sujets que l’administration Carter a en 

prioritĂ© passĂ© en revue. Les consultations sur ce point avaient commencĂ© avant la 
nomination de Jimmy Carter. Dans deux dĂ©clarations datant d’avril 1977, le prĂ©sident 
Carter dĂ©crit sa politique : l’ajournement de toutes les activitĂ©s de retraitement et 
d’enrichissement commercial, le ralentissement et la rĂ©orientation des dĂ©veloppements de 
rĂ©acteurs de type 

fast breeder

, pour ne pas utiliser le cycle combustible plutonium. Pour 

faire preuve de non-discrimination, Carter annonçait qu’il n’encourageait pas l’opĂ©ration 
de l’usine commerciale de retraitement de Barnwelle (USA), et que le gouvernement 
arrĂȘterait le dĂ©veloppement d’un projet de rĂ©acteur 

fast breeder

 Ă  Clinch River (USA). Pour 

aller Ă  l’encontre des critiques Ă©trangĂšres, il offrit l’assurance que les États-Unis resteraient 
un fournisseur sérieux de combustible nucléaire

1

. Cette nouvelle politique Ă©tait trĂšs 

critiquĂ©e au Japon et en Europe oĂč il y avait des programmes de retraitement, de recyclage 
de plutonium et des rĂ©acteurs de type 

fast breeder

 en cours. En 1978, Carter fait passer son 

                                                                    

 

Boulder, 1990, p. 153. 

1

 

Cottrell, Alvin J., Dougherty, James E., 

Iran’s Quest for Security: US arms Transfers and the Nuclear 

Option

, Institute for Foreign Policy Analysis, Inc. Cambridge (MA), mai 1977, p. 28. 

2

 

Barnameyeh Energieh Atomieh Iran

, p. 54. 

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153 

Nuclear non-prolifération Act

 qui, entre autres, donne aux États-Unis le droit de dĂ©cision et 

d’approbation sur les services de retraitement rendus sur le plan international

2

Les États-Unis avaient rĂ©ussi Ă  Ă©tablir la  norme de rĂ©acteurs Ă  eau lĂ©gĂšre (nĂ©cessitant 

l’uranium enrichi comme combustible, et donc des services d’enrichissement) comme 
norme internationale. Mais le contrĂŽle de la source de combustible pour ces rĂ©acteurs lui 
avait échappé

3

Quand les pressions de l’alliĂ© d’antan,  

les États-Unis, surviennent 

Les difficultĂ©s d’achat d’armes amĂ©ricaines 

DĂšs 1973  â€” l’annĂ©e de l’augmentation des prix pĂ©troliers par l’OPEP â€” les États-Unis 

revoient leur politique de vente d’armes au Moyen-Orient. Cette politique a Ă©tĂ© mise en 
dĂ©bat dans le cadre de la formulation de la politique Ă©trangĂšre des États-Unis. L’une des 
justifications de ce dĂ©bat Ă©tait que les administrations Nixon et Ford avaient utilisĂ© la vente 
d’armes pour amĂ©liorer la balance des paiements des États-Unis. Mais ce qui dĂ©montrent 
les intentions rĂ©elles de cette controverse, c’est que les deux acteurs majeurs de l’OPEP, 
l’Iran et Ă  un moindre degrĂ© l’Arabie Saoudite, Ă©taient au centre du dĂ©bat. Les critiques de 
cette politique prĂ©tendaient qu’un pays comme l’Iran n’avait pas besoin d’une force 
conventionnelle d’une telle qualitĂ© et importance. Ils maintenaient que la vente des armes 
Ă©tait en soi dĂ©stabilisante et que le programme d’approvisionnement militaire de l’Iran 
n’avait de sens que si le Shah avait l’intention de l’utiliser Ă  des fins expansionnistes 
agressives

4

. En plus, l’utilisation Ă©ventuelle de ces armes, d’aprĂšs cette commission du 

SĂ©nat pour les affaires Ă©trangĂšres, aurait nĂ©cessitĂ© une implication directe des personnels 
amĂ©ricains, ce que les États-Unis ne voulaient pas : 

                                                                    

 

1

 

Smart, Ian, 

World Nuclear Energy: Towards a Bargain of Confidence

, Johns Hopkins University Press, 

Baltimore, 1982, p. 44. 

2

 

Ibid.

,

 p. 47. 

3

 

Ibid.

p. 39. 

4

 

Voir la rĂ©fĂ©rence Ă  ce dĂ©bat initial dans 

US Congress, Senate, Committee on Foreign Relations, US 

Military Sales to Iran, Staff Report to the Subcommittee on Foreign Assistance, 94th Congress, 2nd Session

Government Printing Office, Washington DC, 1976, p. 12. 

background image

 

 

154 

« Les observateurs les mieux informĂ©s croyaient que l’Iran ne serait pas capable 

d’absorber et d’opĂ©rer, dans les cinq Ă  dix ans Ă  venir, une grande partie des 
Ă©quipements sophistiquĂ©s qu’il achetait aux États-Unis, sauf si un nombre croissant 
d’experts amĂ©ricains venaient en Iran pour l’aider. Â»

1

 

La question maintenant Ă©tait : pourquoi aider un ancien client/alliĂ© sur le chemin de 

l'indĂ©pendance Ă  devenir plus fort, car non seulement il ne partageait plus les bĂ©nĂ©fices de 
ses recettes pĂ©troliĂšres, mais aussi il avait Ă©tĂ© Ă  l’origine d’un des plus grands chocs 
Ă©conomiques dans l’Histoire ? Le Shah qui avait Ă©tĂ© client des États-Unis depuis 1954 avait, 

de facto

, nationalisĂ© l’industrie pĂ©troliĂšre en 1973 : 40 % de la moitiĂ© des revenus 

d’exportations pĂ©troliĂšres de l’Iran avaient alors Ă©chappĂ© aux compagnies amĂ©ricaines  â€”
 l’un des lobbies les plus puissants aux États-Unis. L’Iran Ă©tait aussi un acteur essentiel dans 
l’OPEP qui avait quadruplĂ© le coĂ»t du facteur de production le plus  important des pays 
industrialisĂ©s. 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans la relation clientĂ©liste entre l’Iran et les États-Unis, l’économie et la sĂ©curitĂ© Ă©taient 

les deux facteurs essentiels. Du cotĂ© de l’économie, le pĂ©trole, le composant le plus 
important de l’économie iranienne, rapportait des bĂ©nĂ©fices directs aux compagnies 
amĂ©ricaines. La partie des bĂ©nĂ©fices captĂ©e par le pays (50 % des profits) aidait Ă  financer, 
entre autres, l’achat d’armes, qui convenait aussi aux fabricants d’armes amĂ©ricains, et qui 
faisaient de l’Iran un partenaire  rĂ©pondant aux prĂ©occupations de sĂ©curitĂ©. Avec la 
nuclĂ©arisation de la rĂ©gion, le rĂŽle sĂ©curitaire de l’Iran  s’en trouvait diminuĂ© : non 
seulement la superpuissance rĂ©gionale n’avait pas de paritĂ© nuclĂ©aire avec IsraĂ«l et l’Inde, 

                      

 

1

 

Ibid., p. VIII. 

0

3000

6000

9000

1972

1973

1974

1975

1976

1977

1978

 

Exportations pétroliÚres iraniennes : 1973-1978 ($m)

Source :  International Financial Statistics, FMI 2003

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155 

mais on  l’accusait dĂ©sormais de ne mĂȘme pas pouvoir  Â« absorber Â» des armes 
conventionnelles

1

.  

Avec le changement de position de l’Iran, les États-Unis estimĂšrent qu’il fallait mieux 

orienter les ventes d’armes, qui, mĂȘme comme source de revenu, n’étaient plus « dans 
l’intĂ©rĂȘt global de la politique amĂ©ricaine Â»

2

. Avec la nouvelle posture de l’Iran, non 

seulement on pensait maintenant qu’un pays comme lui n’avait pas besoin de l’importante 
force militaire qu’il avait constituĂ©e, mais dĂ©sormais on croyait aussi que cette force pouvait 
mĂȘme « dĂ©stabiliser la rĂ©gion Â». Et en plus, il y avait un problĂšme « d’absorption de ces 
armes Â». Ainsi, si le pays se trouvait dans un conflit militaire important, les États-Unis 
auraient pu ĂȘtre amenĂ©s Ă  y participer, en raison des liens logistiques et de l’important 
personnel militaire amĂ©ricain stationnĂ© en Iran, en relation avec les programmes de 
construction, maintenance et formation pour les systÚmes de défense

1

Les six administrations amĂ©ricaines, de Truman (1945-1953) Ă  Ford (1974-1977), avaient 

considĂ©rĂ© la sauvegarde de la sĂ©curitĂ© de l’Iran dans l’intĂ©rĂȘt national des États-Unis. 
Depuis la Seconde Guerre, les AmĂ©ricains avaient considĂ©rĂ© l’Iran comme un pays 
d’importance stratĂ©gique, pour sa position gĂ©ographique et ses rĂ©serves de pĂ©trole. L’Iran 
et la Turquie jouaient un rĂŽle important pour la politique de « 

containment 

» amĂ©ricaine 

dans la rĂ©gion, en barrant la route d’accĂšs de l’Union soviĂ©tique au golfe Persique et Ă  la 
MĂ©diterranĂ©e. Pour  cette raison les AmĂ©ricains avaient soutenu l’Iran pendant la crise 
d’AzerbaĂŻdjan en 1946. La CIA avait rĂ©tabli le Shah en 1953, et le gouvernement amĂ©ricain 
lui accordait une assistance militaire depuis sa participation au CENTO en 1955. Et, comme 
nous l’avons vu prĂ©cĂ©demment, la vente d’armes Ă  l’Iran Ă©tait une source importante de 
revenus pour les États-Unis, mais il y eut une Ă©poque oĂč l’Iran voulut diminuer ces achats. 

Cette politique fut mĂȘme renforcĂ©e aprĂšs le coup anti-occidental de 1958 en Irak, 

l’administration Kennedy (dĂ©mocrate 1961-63), ayant Ă©tĂ© la seule Ă  considĂ©rer que l’Iran 
n’avait pas besoin d’une force militaire pour faire face aux besoins de dĂ©fense extĂ©rieure. 

                      

 

1

  

D’aprĂšs les analystes amĂ©ricains Ă  l’époque, la formation des troupes iraniennes, et en particulier les 

officiers ne suivait pas le rythme des Ă©volutions technologiques des armes conventionnelles achetĂ©es 

aux États-Unis.

 

2

 

US Congress, Senate, Committee on Foreign Relations, US Military Sales to Iran, Staff Report to the 

Subcommittee on Foreign Assistance, 94th Congress

, p. 14. 

background image

 

 

156 

L’administration Kennedy prenait la mĂȘme position vis-Ă -vis des autres alliĂ©s des États-Unis 
qui recevaient une assistance militaire amĂ©ricaine. Un conseiller de Kennedy Ă©crit : 

« Le Shah insistait pour que nous l’aidions Ă  dĂ©velopper une armĂ©e qui coĂ»tait trop 

cher et qui Ă©tait trop grande pour des incidents de frontiĂšre et la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure, et 
totalement inutile dans une vraie guerre de grande Ă©chelle
 Â»

2

 

Mais l’administration de Johnson avait de nouveau changĂ© la politique des États-Unis 

envers l’Iran. Deux ans aprĂšs l’arrivĂ©e au pouvoir de Lyndon Johnson (1963-69), les États-
Unis avait recommencĂ© Ă  fournir des crĂ©dits d’assistance militaire Ă  l’Iran. Les relations 
irano-amĂ©ricaines s’amĂ©lioreront pendant l’administration Johnson, sauf pour l’incident de 
la guerre indo-pakistanaise de 1965, et la critique du Shah sur la position amĂ©ricaine. 
Cottrell et Dougherty  â€” deux conseillers militaires amĂ©ricains qui avaient Ă©tĂ© chargĂ©s de 
faire le point sur les « besoins militaires Â» de l’Iran en 1976 â€” fournissent une analyse sur la 
position sĂ©curitaire iranienne de 1976 : l’Iran commençait Ă  revoir sa sĂ©curitĂ© aprĂšs la 
guerre indo-pakistanaise de 1965 et le retrait des forces britanniques d’Aden en 1967 (un 
an avant la dĂ©claration formelle le Londres de se retirer de Â« l’est de Suez Â»). Les 
nĂ©gociations pour l’achat des F-4s, les avions les plus sophistiquĂ©s du monde Ă  l’époque, se 
tenaient en 1965 entre l’Iran et l’administration de Johnson. Un accord avait Ă©tĂ© signĂ© en 
1967 et la livraison s’était faite Ă  la fin de 1968, avant l’arrivĂ©e au pouvoir de Nixon. L’Iran 
avait Ă©tĂ© le seul pays, hors de l’Europe, Ă  recevoir les F-4s, avant mĂȘme IsraĂ«l envers qui les 
États-Unis avaient un engagement d’assistance pour assurer sa dĂ©fense

3

. D’autres F-4 

furent livrĂ©s pendant l’administration Nixon, sans qu’il n’y eut jamais de critique du 
CongrĂšs amĂ©ricain. 

Cottrell et Dougherty estimaient qu’il y avait une possibilitĂ© pour le Shah d’ĂȘtre amenĂ© Ă  

aider le Pakistan Ă  se dĂ©fendre vis-Ă -vis de l’Inde nuclĂ©aire, dans le cas d’un conflit 

                                                                    

 

1

 

Le nombre des civils et officiels amĂ©ricains en Iran Ă©tait estimĂ© Ă  24 000 en 1976. D’aprĂšs la source 

ci-dessus,

 

p. 1. 

2

 

Theodore Sorenson, 1965, citĂ© dans Cottrell, Alvin J., Dougherty, James E, 

Iran’s Quest for Security: 

US Arms Transfers and the Nuclear Option

,

 

Institute for Foreign Policy Analysis, Inc. Cambridge (MA), 

mai 1977, p. 42. 

3

 

La vente de F-4s Ă  IsraĂ«l avait d’ailleurs Ă©tĂ© sujette Ă  un court embargo des États-Unis pour 

mettre la pression sur IsraĂ«l afin qu’il dĂ©clare qu’il n’avait pas d’intention de produire des armes 

nuclĂ©aires. Mais ce blocage se lĂšve sans qu’IsraĂ«l ne cĂšde Ă  cette pression avec l’intervention 

directe de Johnson pour dĂ©tourner la bureaucratie amĂ©ricaine et il  annonce la livraison de 50 

appareils F-4s Ă  IsraĂ«l. Voir Quandt, William B., 

Decade of Decisions, 

University of California Press, 

1977, p. 67. 

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157 

Ă©ventuel

1

. Il est vrai que le Shah avait dĂ©clarĂ© qu’il ne tolĂ©rerait plus de dĂ©membrement 

territorial du Pakistan, et qu’il voulait soutenir son gouvernement contre la menace crĂ©Ă©e 
par le mouvement sĂ©paratiste du PushtunistĂąn (nord-est du Pakistan, soutenu par 
l’Afghanistan avec ferveur depuis la chute du Roi Mohammed Zahir en 1973) et en 
BalĂ»chistĂąn (sud est de l’Iran, Sud Ouest du Pakistan, soutenu par l’Irak). Selon lui, un État 
indĂ©pendant en BalĂ»chistĂąn, en conjonction avec la chute du Sultan d’Oman, pourrait 
mettre deux gouvernements hostiles de chaque cotĂ© de l’entrĂ©e du golfe Persique. Un tel 
dĂ©veloppement pourrait mettre en cause le libre passage du pĂ©trole iranien. 

La sĂ©curitĂ© du golfe Persique Ă©tait d’une importance primordiale pour l’Iran, car le 

transport du pĂ©trole â€” la premiĂšre source de revenu du pays â€” dĂ©pendait de la libertĂ© de 
circulation dans le Golfe. Cette question du transport maritime liait la sĂ©curitĂ© du golfe 
Persique Ă  celle de l’ocĂ©an Indien, ce qui explique l’insistance du Shah pour une prĂ©sence 
navale amĂ©ricaine dans l’ocĂ©an Indien, y compris les bases amĂ©ricaines Ă  Diego Garcia. Il 
Ă©tait donc trĂšs sensible Ă  tous les signes d’une volontĂ© amĂ©ricaine de cĂ©der sa position 
hĂ©gĂ©monique stratĂ©gique dans l’ocĂ©an Indien face Ă  l’Union soviĂ©tique. La seule voie 
d’accĂšs du pĂ©trole iranien au marchĂ©, Ă  l’époque, Ă©tait le dĂ©troit d’Ormuz, ce que le Shah 
appelait l’artĂšre de l’Occident. Ainsi il avait fourni Ă  l’Oman des troupes iraniennes et 
commençait à construire la base navale de Shah Bandar dans le golfe d’Oman

2

 â€” pour la 

surveillance aĂ©rienne du nord-ouest de l’ocĂ©an Indien. 

 

 

 

 

 

 

 

                      

 

1

 

Cottrell, Alvin J., Dougherty, James E., 

Iran’s Quest for Security: US Arms Transfers and the Nuclear 

Option

, Institute for Foreign Policy Analysis, Inc. Cambridge, MA, mai 1977, p. 8. 

2

 

Ibid., p. 9. La prĂ©sence des forces iraniennes en Oman sera admise par le Premier ministre 

Hoveyda lors d’une visite Ă  Londres en 1973. 

Moyen Orient 

Amérique du Nord

A mĂ©rique Latine

Afrique 

Europe de l’Ouest 

Ex Union SoviĂ©tique   

Asie Pacifique

Iran

Venezuela

Ecuador

Gabon

Nigeria

Algérie

Libye

Pays OPEP

Ancien Membre OPEP

Moyen Orient 

Amérique du Nord

A mĂ©rique Latine

Afrique 

Europe de l’Ouest 

Ex Union SoviĂ©tique   

Asie Pacifique

Iran

Venezuela

Ecuador

Gabon

Nigeria

Algérie

Libye

Pays OPEP

Ancien Membre OPEP

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158 

 

Le Shah considĂ©rait les gouvernements conservateurs comme le seul moyen de rĂ©sister 

aux mouvements nationalistes, ethniques, au marxisme et Ă  l’anarchie dans le monde arabe 
et autres pays de la rĂ©gion. Quand les troupes irakiennes traversĂšrent la frontiĂšre du KoweĂŻt 
en 1973  â€“ pour prendre le contrĂŽle des Ăźles Bubyane et Warba  â€” il proposa une aide 
militaire au KoweĂŻt, ce qui fut le cas de la Jordanie et de l’Arabie Saoudite aussi. Le KoweĂŻt, 
Ă  l’époque, Ă©tait dĂ©cidĂ© Ă  accepter l’offre saoudienne. Mais le Shah avait dĂ©clarĂ© 
publiquement qu’il n’accepterait pas l’annexion du KoweĂŻt par l’Irak. L’Irak continuera 
d’importuner l’Iran par son soutien des mouvements nationalistes et sĂ©cessionnistes, au 
moins jusqu’au traitĂ© d’Alger de 1975 â€” et ensuite aprĂšs la rĂ©volution iranienne. Le rĂŽle de 
sĂ©curitĂ© rĂ©gionale pour lequel le Shah Ă©tait depuis longtemps prĂ©parĂ©, semblait devenir 
plus difficile Ă  assumer que prĂ©vu. Certains voyaient mĂȘme l’Iran encerclĂ© par l’Union 
soviĂ©tique et ses sympathisants. 

Le 12 mars 1972, le Shah, dans un entretien avec le journal indien 

Blitz,

 avait dit que 

« l’Irak avait Ă  la fois plus de chars et d’avions que l’Iran et que certaines de ses armes 
Ă©taient plus sophistiquĂ©es que celles des forces iraniennes. Des MIG-21 et les bombardiers 
supersoniques TU-22 ont Ă©tĂ© fournis Ă  l’Irak et il y aurait mĂȘme eu des avions  â€”
 supersoniques mach2 â€” SU-20s dans le pays [
] Nous n’aurons pas d’avions aussi 
sophistiquĂ©s avant que les F-16s soient livrĂ©s en 1976 Â»

1

. Des incidents de frontiĂšre avaient 

Ă©tĂ© plus frĂ©quents depuis la livraison de ces armes Ă  l’Irak. En 1973 et 1974, il y eut plus 
d’une dizaine d’échanges de feu importants avec l’Irak. L’Irak utilisera aussi du gaz sur les 
populations kurdes alors que personnes Ă  ce moment lĂ  ne parle des Â« Armes de 
Destruction Massive Â»   (

Weapons of Mass Destruction

). L’Irak soutiendra aussi un grand 

nombre de mouvements subversifs dans la rĂ©gion â€” KhuzestĂąn

2

, Kurdistan, BalĂ»chistĂąn, 

Oman, ÉrythrĂ©e, Tchad, Somalie, [
].

 

                      

 

1

 

Iran’s foreign relations

, p. 5. 

2

 

Qui contient la majoritĂ© des ressources pĂ©troliĂšres d’Iran et dont la population est de souche 

majoritairement arabe. 

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159 

Quoiqu’il en soit, l’Iran considĂ©rait le Pakistan comme une zone tampon sur son cĂŽtĂ© 

est, et celui-ci n’avait plus les moyens de se dĂ©fendre

1

. Le Shah avait dĂ©clarĂ© en 1972 que 

l’Iran n’accepterait pas le dĂ©membrement du Pakistan et considĂ©rait une future attaque 
contre le Pakistan comme une attaque contre lui-mĂȘme

2

. Amir Taheri, un spĂ©cialiste de la 

politique de dĂ©fense iranienne Ă©crit en 1975 : 

« Tant qu’il n’y aura pas d’armes nuclĂ©aires dans cette rĂ©gion, l’Iran restera la 

puissance militaire la plus forte, non seulement du golfe Persique, mais du Moyen-
Orient et de l’ocĂ©an indien [
] Les  armes nuclĂ©aires auront un effet d’équilibre qui 
diminuera la supĂ©rioritĂ© quantitative et qualitative de l’Iran. Â»

3

 

Un autre analyste, Walter Hahn, Ă©crivit la mĂȘme annĂ©e, que la direction potentielle de la 

prolifĂ©ration nuclĂ©aire Ă©tait difficilement prĂ©visible, mais qu’il pensait que l’acquisition de 
l’arme nuclĂ©aire par l’Inde mettait une pression Ă©norme sur le Pakistan pour acquĂ©rir sa 
propre capacitĂ© nuclĂ©aire. Le Pakistan considĂ©rait l’indisponibilitĂ© d’une protection 
nuclĂ©aire des superpuissances comme une raison de prolifĂ©ration. Son expĂ©rience du passĂ© 
lui avait montrĂ© qu’il ne pouvait pas compter sur ses liens d’alliance ni avec les États-Unis, 
ni avec la Chine, pour le protĂ©ger contre l’attaque et dĂ©membrement par l’Inde. Pour 
Hahn, le Pakistan semblait ĂȘtre dans l’

obligation

 d’obtenir la capacitĂ© nuclĂ©aire. Il a estimĂ© 

que l’Iran aussi Ă©tait sujet Ă  des pressions indirectes

4

En 1974, l’Iran se trouvait donc en face des dĂ©veloppements trĂšs importants qui 

affectaient sa sĂ©curitĂ© : 

1. Le changement de la politique des États-Unis, rĂ©duisant son engagement direct dans 

le maintien de la sĂ©curitĂ© de la rĂ©gion, 

2. La vente des armes amĂ©ricaines Ă  l'Iran qui sont devenues sujettes Ă  des critiques 

sĂ©vĂšres Ă  l’intĂ©rieur des États-Unis, 

                      

 

1

 

L’Iran fournissait des aides financiĂšres Ă  l’Afghanistan, au Pakistan et Ă  l’Inde pour Ă©viter des 

difficultĂ©s Ă©conomiques qui auraient pu crĂ©er des instabilitĂ©s dans ces pays et dont 

l’intensification risquait de nuire Ă  l’Iran. 

2

 

Taheri, Amir, « Policies of Iran in the Persian Gulf Region Â» dans Amiri, Abbas, ed., 

The Persian 

Gulf and Indian Ocean in International Politics,

 Institute for International Politics and Economic 

Studies, TĂ©hĂ©ran, 1975, p. 265. 

3

 

Hessing Cahn, Anne, « Determinants of the Nuclear Option: The Case of Iran Â» dans Marwah, 

Omar et Schultz, Ann, ed., 

Nuclear Proliferation and Near Nuclear Countries

, Cambridge (MA), 

Ballinger, 1975, p. 195. 

4

 

Hahn, Walter F., « 

Nuclear Proliferation 

», 

Strategic Review, 

hiver 1975, p. 18. 

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160 

3. Le vide crĂ©Ă© par le dĂ©part des forces britanniques de l’est de Suez et le manque de 

volontĂ© ou de capacitĂ© des États-Unis d’engagement direct pour assurer la sĂ©curitĂ© de la 
région

1

À ces facteurs s’ajoutait l’élĂ©ment nuclĂ©aire : Ă  l’ouest, IsraĂ«l avait assemblĂ© des armes 

nuclĂ©aires pendant la guerre d’octobre 1973, et Ă  l’est, l’Inde possĂ©dait dĂ©sormais l’arme 
nuclĂ©aire. Une invasion soviĂ©tique de l’Iran Ă  des fins politiques et Ă©conomiques, Ă©tait 
toujours une possibilité

2

. La probabilitĂ© de cette Ă©ventualitĂ© augmentait avec la baisse de 

l’influence amĂ©ricaine au Moyen-Orient, en dessous du seuil d’équilibre des 
superpuissances. Une telle Ă©ventualitĂ© aurait aussi pu justifier la quĂȘte de l’Iran pour des 
moyens supplĂ©mentaires de dissuasion. 

L’étude de Cottrell et Dougherty

3

, aprĂšs une analyse dĂ©taillĂ©e des forces 

conventionnelles iraniennes avait conclu : 

« [
] L’établissement militaire de l’Iran peut garantir dans la plupart des cas, sa 

sĂ©curitĂ© nationale contre les attaques Ă©trangĂšres ; assurer l’ouverture du golfe Persique 
pour le passage de pĂ©trole, et aider Ă  sauvegarder la rĂ©gion contre les radicaux 
rĂ©volutionnaires et terroristes [
] Ă  la condition que : 1. Les États-Unis continuent 
d’assurer une dissuasion contre les efforts cherchant Ă  perturber la stabilitĂ© de la rĂ©gion ; 
2. L’Iran puisse maintenir sa capacitĂ© politique et Ă©conomique pour pouvoir amĂ©liorer 
ses forces militaires, en achetant des Ă©quipements modernes et sophistiquĂ©s ; 3. Il n’y ait 
pas de menace pour sa sĂ©curitĂ© par l’Union soviĂ©tique directement ou par des pays 
soutenus par elle ou bien par l’Inde nuclĂ©arisĂ© qui peut mettre une pression sur le 
Pakistan ou sur l’Iran lui-mĂȘme. Â»

1

 

Les armes conventionnelles sont ainsi devenues 

problématiques

 d’autant plus qu’elles 

coĂ»taient trop cher. Cottrell et Dougherty prĂ©voyaient aussi que : 

« L’Iran garderait probablement son engagement Ă  maintenir une force militaire 

conventionnelle moderne, technologiquement sophistiquĂ©e et trĂšs mobile. Mais le coĂ»t 
d’une telle force continuerait Ă  monter en flĂšche. Les gĂ©nĂ©rations suivantes des chars, 

                      

 

1

 

Ibid. 

2

 

Cottrell, Alvin J., Dougherty, James E., 

Iran’s Quest for Security: US Arms Transfers and the Nuclear 

Option, 

Institute for Foreign Policy Analysis, Inc. Cambridge, MA, mai 1977, p. 5. 

3

 

Ibid. 

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161 

avions, bateaux, missiles, Ă©quipements de communication, et d’autres systĂšmes 
conventionnels, coĂ»teraient trois fois plus cher Ă  la fin des annĂ©es 80 et  au dĂ©but des 
annĂ©es 90. Sans dĂ©veloppement inattendu dans le paysage mondial du pĂ©trole, le prix 
de pĂ©trole n’augmenterait pas aussi rapidement que le coĂ»t de la technologie 
occidentale. En plus, avec la montĂ©e du standard de vie du peuple iranien, le coĂ»t pour 
maintenir le personnel qualifiĂ© pour une telle armĂ©e deviendrait exorbitant [
] il y 
aurait un point ou l’Iran considĂ©rerait le raisonnement militaro-politique suivant : 

1. Il est moins cher d’amĂ©liorer l’établissement militaire en diminuant la taille des 

forces conventionnelles pour lesquelles des nouveaux systĂšmes coĂ»teux d’armes doivent 
ĂȘtre procurĂ©s, et en se dotant de la puissance de feu supĂ©rieure dans le package 
nuclĂ©aire. 

2. La possession d’une industrie nuclĂ©aire rendra cette option faisable, facilitant la 

poursuite avec un coĂ»t tolĂ©rable. Â»

2

 

Ils ont conclu que, dans l’analyse finale, la dĂ©cision de l’Iran dĂ©pendait des changements 

dans l’environnement militaire de la rĂ©gion. MĂȘme si l’Iran ne prenait pas l’initiative de la 
prolifĂ©ration dans la rĂ©gion, il serait obligĂ© de rĂ©agir si les autres pays introduisaient les 
armes nuclĂ©aires dans l’équation rĂ©gionale. Cela Ă©tait le cas. 

Le Shah lui-mĂȘme avait prĂ©vu ce scĂ©nario en 1975 : 

« Nous ne voudrions pas acquĂ©rir les armes nuclĂ©aires pour l’Iran, juste pour les 

avoir. Mais je vous dis trĂšs franchement que si n’importe quel nouveau riche dans la 
rĂ©gion les obtient, l’Iran sera obligĂ© de s’en doter aussi. Â»

1

 

L’Iran n’était pas le seul pays dans cette situation. D’autres nations avaient Ă©tĂ© 

considĂ©rĂ©es par les États-Unis comme des candidats potentiels pour devenir des forces 
nuclĂ©aires. Le Pakistan, le Japon, la CorĂ©e du Sud et TaĂŻwan Ă©taient sur la mĂȘme liste au 
milieu des annĂ©es 1970. À cette Ă©poque il y avait un dĂ©bat, dans chacun de ces pays, sur les 
moyens et la nĂ©cessitĂ© de devenir « nuclĂ©aire Â». Ces pays Ă©taient tous dĂ©pendants des États-
Unis pour leur sĂ©curitĂ©, soit par l’engagement direct amĂ©ricain pour les dĂ©fendre (Japon, 

                                                                    

 

1

 

Ibid., p. 20. 

2

 

« Iran and the Nuclear Weapons Option Â» dans Cottrell, Alvin J., Dougherty, James E., 

Iran’s Quest 

for Security: US arms Transfers and the Nuclear Option, 

Institute for Foreign Policy Analysis, Inc. 

Cambridge, MA, mai 1977, p. 36. 

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162 

CorĂ©e du Sud, TaĂŻwan) par soit par son assistance et un soutien militaire (Iran et Pakistan). 
Mais les dĂ©veloppements des annĂ©es 1970, notamment la dĂ©faite des États-Unis au ViĂȘt-
nam, le changement de sa position vis-Ă -vis de la Chine, sa dĂ©tente avec l’Union soviĂ©tique, 
avaient contribuĂ© Ă  la perception d’un dĂ©clin de la capacitĂ© des États-Unis pour un 
engagement Ă  l’échelle mondiale et prĂ©sentait des menaces et des opportunitĂ©s nouvelles 
aux dĂ©cideurs de ces pays. 

Jusqu’en 1976, l’Iran Ă©tait encore le client le plus important des Ă©quipements militaires 

amĂ©ricains. De 1972 Ă  1976, les États-Unis avaient vendu plus de 10 milliards de dollars 
d’armes à l’Iran

2

. Le budget de la dĂ©fense iranien augmentait de 1,4 milliards de dollar en 

1972 Ă  9,4 milliards de dollar en 1977, une augmentation de 680 %. En 1977, l’armĂ©e et la 
sĂ©curitĂ© en Iran absorbait 40 % du budget national

3

Mais d’autres limitations dans l’acquisition des armes conventionnelles semblent avoir 

Ă©tĂ© imposĂ©es. En 1975, aprĂšs avoir annulĂ© l’achat de 4 des 6 destroyers 

Spurance 

des États-

Unis, le Shah remet les travaux de la base navale des eaux profondes de Shahbandar en 
cause. Il avait dit Ă  Cottrell : 

« Je ne peux plus me permettre d’acheter les six destroyers planifiĂ©s [
] et je ne 

gĂącherai plus d’argent sur le port de Shahbandar, tant que l’achat des bateaux d’eau 
profonde n’est pas sĂ»r [
] Â»

4

 

L’Iran avait justifiĂ© ceci par la baisse de 4 milliards de dollars dans ses revenus pĂ©troliers. 

Mais, au cours de l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente, il avait payĂ© pour les centrales allemandes Ă  l’avance 
et avait mĂȘme fait un prĂȘt de 2 milliards de dollars Ă  la France

5

 et Ă  l’Angleterre : une 

rĂ©allocation de ressources, favorisant le symbole nuclĂ©aire sur les armes conventionnelles, 
et les nouveaux partenaires europĂ©ens sur l’alliĂ© historique, les États-Unis. 

Pendant l’annĂ©e 1976, la vente des armes amĂ©ricaines Ă  l’Iran s’est encore plus 

compliquĂ©e. Aux États-Unis, les milieux universitaires, religieux et journalistiques ne 

                                                                    

 

1

 

Keyhan International,

 entretien avec Hassanein Haykal, 20 septembre 1975, p. 4. 

2

 

US Congress, Senate, 

Committee on Foreign Relations, US Military Sales to Iran, Staff Report to the 

Subcommittee on Foreign Assistance, 94th Congress, 2nd Session, 

Government Printing Office, 

Washington DC, 1976, p. vii. 

3

 

Sources variĂ©es citĂ©es par Bill â€” qui estime la vente des armes amĂ©ricaines entre 1972 et 1977 Ă  

l’Iran de 16,2 milliards de dollars, p. 202. 

4

 

Cottrell, p. 24. BasĂ© sur son entretien avec le Shah au palais de Niavaran le 13 janvier 1976. 

5

 

Pour participer au capital d’Eurodif. 

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163 

cessaient de critiquer le concept de vente des armes. Certains AmĂ©ricains supportaient mal 
l’idĂ©e d’amĂ©liorer la balance des paiements par ces ventes. Il y avait une prĂ©fĂ©rence morale 
faisaient Ă©tat d’une prĂ©fĂ©rence idĂ©aliste des instruments Ă©conomiques sur les instruments 
militaires

1

Les droits de l’homme liĂ©s Ă  la vente d’armes 

En 1976, le CongrĂšs amĂ©ricain s’est efforcĂ© de rĂ©duire les ventes d’armes Ă  l’étranger. Au 

cours de cette annĂ©e leurs exportations ont Ă©tĂ© soumises Ă  de nouveaux contrĂŽles. Le SĂ©nat 
amĂ©ricain encourageait des arrangements pour rĂ©duire le commerce international des 
outils de la guerre, le danger d’éclatement des conflits rĂ©gionaux et le poids imposĂ© par 
l’armement

2

 : 

« Le prĂ©sident doit mener une Ă©tude comprĂ©hensive sur les politiques de vente des 

armes et les pratiques du gouvernement amĂ©ricain [
] concernant les ventes 
commerciales d’armes, afin de dĂ©terminer si ces politiques et pratiques doivent changer. 
Une telle Ă©tude doit examiner la logique de la vente des armes aux pays Ă©trangers, les 
bĂ©nĂ©fices de ces ventes pour les États-Unis, les risques que ce genre de vente pose Ă  la 
paix mondiale [
] Â»

3

 

DĂ©sormais, la situation des droits de l’homme dans le pays receveur d’armes 

amĂ©ricaines Ă©tait aussi associĂ©e aux ventes d’armes. L’amendement le plus polĂ©mique, 
attachĂ© en 1976 Ă  l’Acte d’Assistance ÉtrangĂšre de 1961 par le SĂ©nat, stipule :  

« C’est la politique des États-Unis en accord  avec les obligations dĂ©crites dans la 

Charte des Nations unies et en continuation de  l’hĂ©ritage constitutionnel et des 
traditions des États-Unis, de promouvoir et d’encourager un respect croissant pour les 
droits de l’homme [
] et de promouvoir une observation croissante des droits de 
l’homme par tous les pays [
] C’est la politique des États-Unis de ne pas fournir, sauf 
dans les circonstances dĂ©crites dans cette section, une assistance de sĂ©curitĂ© Ă  tout pays 

                      

 

1

 

Hessing Cahn, Anne, « Determinants of the Nuclear Option: The Case of Iran Â» dans Marwah, 

Omar et Schultz, Ann, ed., 

Nuclear Proliferation and Near Nuclear Countries

, Ballinger, Cambridge 

1975. 

2

 

US Congress, Senate, H. R. 13680, An

 Act to Amend the Foreign Assistance Act of 1961 and the Foreign 

Military Sales Act, 94th

 

Congress, second session

, 14 juin 1976, Government Printing Office, 

Washington DC, 1976, p. 100-101. 

3

 

Ibid. 

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164 

ou gouvernement qui s’engage dans des pratiques consistant Ă  violer les droits de 
l’homme reconnus au niveau international. Â»

1

 

Par la loi, le secrĂ©taire d’État Ă©tait maintenant obligĂ© de prĂ©parer, avec l’assistance d’un 

« Coordinateur pour les droits de l’homme Â», un rapport sur la situation des droits de 
l’homme dans chaque pays proposĂ© comme receveur de l’aide militaire amĂ©ricaine

2

. L’Acte 

ne prĂ©voyait pas un arrĂȘt systĂ©matique et obligatoire de « l’aide Â» militaire dans chaque cas 
oĂč les droits de l’homme Ă©taient violĂ©s. Le CongrĂšs Ă©tait bien conscient que l’intĂ©rĂȘt 
national des États-Unis pourrait nĂ©cessiter la continuation de « l’aide Â» militaire amĂ©ricaine 
Ă  certains pays, mĂȘme s’il y avait une violation aberrante des droits de l’homme

3

La situation des droits civils et politiques en Iran fut donc examinĂ©e par le CongrĂšs 

américain (

Subcommittee on International Organizations of the House International Relations 

Committee

) Ă  la fin de l’étĂ© 1976. L’un des rapports de ce comitĂ© conclut que l’Iran avait 

introduit des limitations sĂ©vĂšres Ă  la libertĂ© d’association et d’expression, par le biais d’un 
systĂšme de parti unique. Ce rapport prĂ©cisait que les procĂ©dures et les pratiques d’arrĂȘt et 
de détention des suspects politiques par la SAVAK

4

 violaient les droits de ces personnes. Il 

y aurait eu, selon ce rapport, « une utilisation systĂ©matique des mĂ©thodes inacceptables de 
torture physique et psychique des suspects politiques pendant leurs interrogatoires Â»

5

L’auteur de ce rapport admettait qu’il avait beaucoup de problĂšmes pour obtenir des 
renseignements de sources  directes sur le fonctionnement des tribunaux militaires et les 
activitĂ©s de la police secrĂšte. Il n’avait visitĂ© aucune prison, et n’avait interviewĂ© aucun 
prisonnier â€” ses sources d’information venaient principalement des anciens prisonniers et 
de leurs familles. L’un des points principaux de son rapport Ă©tait qu’il n’y avait pas 
d’investigations indĂ©pendantes concernant les allĂ©gations de torture par la SAVAK lorsque 

                      

 

1

 

Ibid., p. 136-137. 

2

 

La notion d'

aide

 est utilisĂ©e d’une maniĂšre ambiguĂ« et porte en elle l’aide de gratuitĂ©. L’Iran 

payait, 

et trĂšs cher, pour ses acquisitions d’armement des États-Unis. Il Ă©tait un 

client 

de l’industrie de 

l’armement amĂ©ricaine et non pas le receveur de 

l’aide 

militaire du gouvernement amĂ©ricain. 

3

 

US Congress, Senate, H. R. 13680, p. 137-140.  Il faut aussi mentionner que par consĂ©quent le 

CongrĂšs a bloquĂ© une aide militaire de $3 milliards Ă  l’Uruguay qui Ă©tait jugĂ© pour violation des 

droits de l’homme. 

4

 

Sazmaneh Aminiat Va Atellaateh Keshvar 

— le service secret iranien. 

5

 

Butler, William J., « Report on Human Rights in Iran Â», 

Human Rights and the Legal System in Iran, 

GenĂšve, International Commission of Jurists, mars 1976, p. 22-23. 

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165 

les prisonniers portaient plainte  en justice et que ses plaintes Ă©taient ignorĂ©es par les 
tribunaux militaires

1

Le DĂ©partement d’État amĂ©ricain adoptait une position diffĂ©rente. Un de ses secrĂ©taires 

adjoints (

Assistant Secretary

), Atherton, expliqua au CongrĂšs, en septembre 1976, que 

l’observation des droits de l’homme dans les pays Ă©trangers Ă©tait un objectif important de 
la politique Ă©trangĂšre des États-Unis, non seulement pour le bien inhĂ©rent Ă  un tel objectif, 
et pour sa conformitĂ© avec les traditions et valeurs du peuple amĂ©ricain, mais aussi parce 
que la volontĂ© et la capacitĂ© des gouvernements Ă©trangers Ă  respecter les droits de l’homme 
pouvaient avoir un effet sur la stabilitĂ© internationale. Les États-Unis, dit-il, doivent 
mesurer leurs politiques en considĂ©rant la totalitĂ© de leurs intĂ©rĂȘts dans leurs relations avec 
un pays donnĂ©. La question des droits de l’homme doit ĂȘtre abordĂ©e tout en « Ă©tant 
conscient qu’il y a une large panoplie de vĂ©ritĂ©s sociales et de systĂšmes lĂ©gaux dans le 
monde, des cultures extraordinairement diverses et des expĂ©riences historiques qui sont 
toutes différentes les unes des autres

2

 [
] Le peuple iranien, ayant souffert des 

indignations qui lui ont Ă©tĂ© infligĂ©es par la main de l’Occident pendant le dix-neuviĂšme et 
le dĂ©but du vingtiĂšme siĂšcle, [
] est aujourd’hui extraordinairement nationaliste et trĂšs 
sensible Ă  ses droits souverains Â»

3

Atherton n’alla pas jusqu’à rappeler au CongrĂšs qu’il y a seulement quelques vingt ans, 

le gouvernement amĂ©ricain Ă©tait intervenu par le biais de la CIA pour renverser le 
gouvernement de Mossadegh afin de restaurer le Shah, et que c’était le gouvernement 
amĂ©ricain mĂȘme, qui avait aidĂ© le Shah pour la crĂ©ation et  le fonctionnement de la 
SAVAK. Mais il citait les adaptations mises en Ɠuvre en faveur du peuple iranien sous le 
Shah et en particulier, grĂące Ă  la « RĂ©volution Blanche Â» : l’alphabĂ©tisation, la santĂ©, le statut 
des femmes, le systĂšme de la sĂ©curitĂ© sociale, [
]. Cottrell et Dougherty ont Ă©crit, quelques 
mois plus tard : 

« [
] Quand les États-Unis essaient d’obliger un État Ă©tranger Ă  changer son 

comportement Ă  l’intĂ©rieur en menaçant de bloquer le transfert de son armement vers 

                      

 

1

 

Ibid., p. 21. 

2

 

« Iran: Reform and Human Rights Â»,

 Statement by Alfred L. Atherton, Jr., Assistant Secretary of State for 

Near Eastern and South Asian Affairs, before the Subcommittee on International Organizations of the House 

International Relations Committee

, 16 septembre 1976, 

Department of State News Release

, p. 1. 

3

 

Ibid., p. 1. 

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166 

ce pays, il est probable que ce genre d’action aura peu d’impact sur la situation des 
droits de l’homme du pays en question, mais des risques rĂ©els pour la politique de 
dĂ©fense et les intĂ©rĂȘts de sĂ©curitĂ© internationale de États-Unis. Â»

1

 

Henry Kissinger, secrĂ©taire d’État, voyait aussi une incohĂ©rence dans la politique 

amĂ©ricaine :

 

« Si nous insistons pour que les autres acceptent nos prĂ©fĂ©rences morales, sommes-

nous prĂȘts aussi Ă   utiliser la force militaire pour les protĂ©ger ? Et si nous abandonnons 
ceux qui ne suivent pas nos recommandations, que ferons-nous quand leur isolement 
amĂšnera d’autres pays, plus rĂ©pressifs, Ă  les mettre sous pression ou bien Ă  les attaquer ? 
Aurons-nous servi nos objectifs moraux, si en ce faisant nous mettons notre propre 
sĂ©curitĂ© en cause ? Â»

2

 

À cela, il faut ajouter que depuis Kennedy, les États-Unis avaient augmentĂ© leurs forces 

conventionnelles et poussĂ© leurs alliĂ©s EuropĂ©ens Ă  faire de mĂȘme. À l’exception d’une 
pĂ©riode courte Ă  la fin des annĂ©es 60, les annĂ©es 60 Ă  90 ont Ă©tĂ© marquĂ©es par un effort 
important des États-Unis pour augmenter leurs forces militaires conventionnelles afin de 
compenser leur perte de supĂ©rioritĂ© nuclĂ©aire stratĂ©gique â€” avec un contrainte liĂ© au fait 
que  les forces conventionnelles sont beaucoup plus chĂšres que leurs Ă©quivalents 
nucléaires

3

.  

La question des droits de l’homme avait Ă©tĂ© intĂ©grĂ©e dans des dĂ©bats sur les politiques 

Ă©trangĂšres, tant aux États-Unis qu'en Europe, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. 
Pourquoi cette soudaine rĂ©surgence de la prise en compte des droits de l’homme aux États-
Unis dans la deuxiĂšme moitiĂ© des annĂ©es 1970 ? La rĂ©ponse proposĂ©e par Kathryn Sikkink 
est qu’en Europe, les idĂ©es ont eu  un impact direct dans la politique, ce qui explique 
l’émergence de rĂ©gimes europĂ©ens des droits de l’homme dans la pĂ©riode d’aprĂšs guerre. 
Mais aux États-Unis, l’impact des idĂ©es des droits de l’homme a Ă©tĂ© retardĂ© par la guerre 
froide. C’est seulement avec la conjoncture de la dĂ©tente, de la dĂ©sillusion publique du 
ViĂȘt-nam, et le succĂšs initial du mouvement des droits civils que les droits de l’homme ont 

                      

 

1

 

Cottrell, Alvin J., Dougherty, James E., 

Iran’s Quest for Security: US Arms Transfers and the Nuclear 

Option

, Institute for Foreign Policy Analysis, Inc. Cambridge, MA, mai 1977, p. 55. 

2

 

New York Times

, 20 octobre 1976. 

3

 

Friedberg, Aaron L., « The Political Economy of American Strategy Â», 

World Politics

, avril 1989, 

p. 383. 

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167 

entrainĂ© des changements dans la politique Ă©trangĂšre des États-Unis au dĂ©but des annĂ©es 
1970

1

Comme la vente d’armes Ă  l’étranger Ă©tait soudain devenue sujette Ă  critique aux États-

Unis en 1973, les droits de l’homme ont ressurgi aussi comme un des facteurs principaux 
de politique Ă©trangĂšre des États-Unis en 1973. Ce sujet avait Ă©tĂ© totalement absent dans le 
programme de la politique Ă©trangĂšre des États-Unis pendant les vingt ans correspondant Ă  
la pĂ©riode 1953-1973. Mais entre 1973 et 1980, les États-Unis ont fondamentalement 
changĂ© leur politique Ă©trangĂšre en incorporant la notion des droits de l’homme. Cette 
politique, qui est souvent associĂ©e Ă  l’administration Carter, avait en rĂ©alitĂ© commencĂ© au 
CongrĂšs, et bien avant la prĂ©sidence de Carter. En effet, l’essentiel  de la lĂ©gislation 
concernant les droits de l’homme avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© adoptĂ©e lorsqu’il prit ses fonctions en 1977. 
Mais son administration soutenait fortement l’initiative du CongrĂšs et c’est ainsi que les 
droits de l’homme sont devenus le composant central de la politique Ă©trangĂšre des États-
Unis pendant la pĂ©riode 1973-1980. 

D’autres pays sont devenus des « cibles Â» de cette politique. C’est le cas de l’Argentine, 

du Chili, de l’Uruguay, du Paraguay et dans une moindre mesure du Guatemala et du 
Nicaragua

2

. Ces rĂ©gimes, qui avaient bĂ©nĂ©ficiĂ© d’une relation Ă©troite et cordiale avec les 

États-Unis, Ă©taient maintenant mis au banc des accusĂ©s au DĂ©partement d’État pour leurs 
violations des droits de l’homme, et les aides qu’ils recevaient Ă©taient sujettes Ă  annulation. 
L’Iran n’était donc pas le seul pays Ă  ĂȘtre affectĂ© par l’adoption soudaine des droits de 
l’homme comme axe principal de la politique Ă©trangĂšre amĂ©ricaine. Mais comment 
expliquer l’adoption de cette politique par les États-Unis ? Les thĂ©ories rĂ©aliste et nĂ©orĂ©aliste 
peuvent expliquer ceci comme un moyen pour les États-Unis de lĂ©gitimer leurs intĂ©rĂȘts 
Ă©conomiques et sĂ©curitaires. Dans ce cas, on peut s’attendre Ă  l’application de cette 
politique, contre les adversaires et non pas les alliĂ©s, car ceci aurait risquĂ© de les dĂ©stabiliser 
et de mettre en cause les accords de sĂ©curitĂ©, Ă  moins que les alliances en question ne soient 
plus primordiales pour les États-Unis, ou dĂ©nuĂ©es d’efficacitĂ©. 

                      

 

1

 

Sikkins, Kathryn, « The Power of Principled Ideas: Human Rights Policies in the United States 

and Western Europe Â», Goldstein, Judith, Keohane, Robert, 

Ideas and Foreign Policy: Beliefs, 

Institutions and Political Change

, Cornell University Press, Ithaca, 1993, p. 140-144. 

2

 

Ibid., p. 152-154. 

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168 

« Les États-Unis avaient fait des grands investissements Ă©conomique et militaire dans 

ces pays et avaient employĂ© des efforts diplomatiques, et parfois des interventions 
clandestines, pour promouvoir ces types de rĂ©gime anticommuniste qu’ils cherchaient Ă  
isoler et dĂ©stabiliser maintenant. Â»

1

 

La politique des droits de l’homme ne prĂ©sentait pas un coĂ»t Ă©levĂ©. Mais elle impliquait 

une rupture de relations avec ces rĂ©gimes, que ce soit ceux d’AmĂ©rique du Sud citĂ©s 
auparavant ou l’Iran. Les États-Unis eux-mĂȘmes avaient cultivĂ© et mis ces relations en place 
pendant les vingt annĂ©es prĂ©cĂ©dentes. L’Iran, ainsi que ces pays d’AmĂ©rique du Sud, 
voyaient les États-Unis comme un alliĂ© sur lequel ils ne pouvaient plus compter. Cela peut 
expliquer le choix fait par l’Iran de s’allier avec les EuropĂ©ens pour le dĂ©veloppement de 
son industrie nuclĂ©aire. 

Il faut aussi noter que la politique des droits de l’homme amĂ©ricaine Ă©tait surtout 

appliquĂ©e d’une maniĂšre bilatĂ©rale pendant cette pĂ©riode. Cette politique privilĂ©giait les 
droits politiques et civils de l’homme et non pas la liste plus large des droits de l’homme, 
telle que dĂ©finie dans la DĂ©claration Universelle des droits de l’homme des Nations unies. 
Les droits Ă©conomiques, sociaux et culturels notamment, n’y figuraient pas. Pendant la 
guerre froide, l’anticommunisme l’emportait sur les droits de l’homme dans la politique 
Ă©trangĂšre des États-Unis. L’intĂ©rĂȘt pour les droits de l’homme a ressurgi avec la dĂ©tente en 
1973. La dĂ©tente a permis aux superpuissances de s’éloigner de la sĂ©curitĂ© et de privilĂ©gier 
une concurrence dans des domaines plutĂŽt idĂ©ologiques. 

Les changements  liĂ©s Ă  la dĂ©tente favorisaient une atmosphĂšre dans laquelle d’autres 

valeurs que l’anticommunisme pouvaient jouer un rĂŽle. La politique des droits de l’homme 
Ă©tait souvent justifiĂ©e comme une arme essentielle dans le conflit idĂ©ologique avec l’URSS 
dans les pays du tiers-monde et l’Europe de l’Est. La focalisation sur une dĂ©finition Ă©troite 
des droits de l’homme, notamment la violation des droits civils et politiques, lĂ©gitimait et 
privilĂ©giait ces droits sur les droits Ă©conomiques et sociaux qui font aussi partie de la 
DĂ©claration Universelle. Ceci  permettait la promotion des valeurs capitalistes, en mettant 
l’accent sur la libertĂ© politique plutĂŽt qu’économique. En se focalisant sur la rĂ©pression, la 
politique des droits de l’homme amĂ©ricaine a minimisĂ© l’importance de l’oppression. Au 

                      

 

1

 

Ibid., p. 158. 

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169 

lieu d’un soutien direct de leurs intĂ©rĂȘts Ă©conomiques et sĂ©curitaires, les États-Unis ont 
indirectement crĂ©Ă© un climat idĂ©ologique dans lequel les valeurs et les intĂ©rĂȘts 
Ă©conomiques et sĂ©curitaires de l’Occident pouvaient fleurir. 

L’analyse structurelle, telle que dĂ©finit par Strange

1

, suggĂšre que ce ne sont pas les 

changements technologiques qui changent les structures du pouvoir, mais plutĂŽt les 
changements dans le systĂšme des croyances (

belief systems

) qui dĂ©terminent ou soutiennent 

les arrangements politiques et Ă©conomiques acceptables pour la sociĂ©tĂ©. Les changements 
structurels dans le monde, qui ont rĂ©sultĂ© de la dĂ©tente, permettent de mieux comprendre 
le 

timing

 de la rĂ©surgence de la politique des droits de l’homme dans la politique Ă©trangĂšre 

des États-Unis. Mais avec la convergence de la rĂ©volution au Nicaragua, l’invasion 
soviĂ©tique de l’Afghanistan, et la prise des otages en Iran en 1979, le soutien pour les droits 
de l’homme et la dĂ©tente aux États-Unis a disparu

2

Comme nous l’avons dit, le changement de politique amĂ©ricaine n’a pas Ă©tĂ© une 

initiative de la PrĂ©sidence. L’initiative Ă©tait celle du CongrĂšs. Mais ceci ne reposait pas sur la 
demande ou l’appui du public. Les sondages au dĂ©but des annĂ©es 1970 indiquaient 
d’ailleurs que les droits de l’homme Ă©taient une prioritĂ© faible pour les AmĂ©ricains par 
rapport aux autres questions de politique Ă©trangĂšre. 63 % des personnes interrogĂ©es 
pensaient que le Â« gouvernement amĂ©ricain ne devait pas soutenir des gouvernements 
autoritaires qui avaient renversĂ© des rĂ©gimes populaires Â» et 73 % s’opposaient au soutien 
des États-Unis pour des dictatures militaires, mĂȘme si celui-ci devait permettre aux États-
Unis d’installer des bases militaires dans ces pays. Par contre, en 1985, les sondages 
trouvaient un soutien plus actif de l’opinion publique pour les droits de l’homme 
proprement dits

1

Les Ă©vĂ©nements de la dĂ©cennie prĂ©cĂ©dant ce changement de politique, tels ceux du ViĂȘt-

nam, ou de Watergate, le mouvement des droits civils, l’invasion amĂ©ricaine de la 
RĂ©publique Dominicaine, le soutien amĂ©ricain des rĂ©gimes autoritaires pro-occidentaux ou 
le coup d’état militaire en GrĂšce, avaient augmentĂ© la sensibilitĂ© des AmĂ©ricains au sujet 
des droits de l’homme. La 

realpolitik

 de Kissinger avait fait preuve d’une moralitĂ© 

                      

 

1

 

States and Markets,

 p. 123-124 

2

 

The Power of Principled Ideas, 

p. 159-160. 

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170 

douteuse. On avait pris conscience des vraies raisons des abus des droits de l’homme dans 
le monde et de la responsabilitĂ© des États-Unis sur le sujet. Les abus des droits de l’homme 
dans des pays dĂ©veloppĂ©s comme la GrĂšce, l’Argentine et la CorĂ©e du Sud et dans des pays 
avec une longue tradition dĂ©mocratique, comme l’Uruguay et le Chili, avaient brisĂ© le 
clichĂ© qui associait les causes de ces abus Ă  la pauvretĂ©, la culture politique et le despotisme. 
Les concepts des droits de l’homme Ă©taient dĂ©jĂ  promus par des organisations non-
gouvernementales et transnationales comme 

Amnesty International. 

Les politiciens 

amĂ©ricains avaient besoin d’une nouvelle politique Ă©trangĂšre qui donne Ă  la fois une bonne 
image Ă  l’intĂ©rieur du pays, et qui puisse faire avancer ses intĂ©rĂȘts Ă  l’extĂ©rieur. La 
lĂ©gislation sur les droits de l’homme  prĂ©sentait la double opportunitĂ© de changer les 
pratiques de rĂ©pression dans les pays en question, mais surtout d’éloigner les États-Unis de 
telles pratiques

2

Pour Sikkink, ceci est un bon exemple de l’utilisation d’une des structures de pouvoir, 

telle qu’elle est dĂ©finie par S. Strange

3

 : la structure des idĂ©es, par un pays fort, pour faire 

avancer ses intĂ©rĂȘts sur la scĂšne internationale. Un saut qualitatif a Ă©tĂ© crĂ©Ă©, en partie par les 
medias et les organisations non gouvernementales, dans la comprĂ©hension et l’approbation 
par les citoyens des pratiques de leur gouvernement. Une opportunitĂ© s’est prĂ©sentĂ©e grĂące 
aux changements de la structure de sĂ©curitĂ© internationale, pour adopter une nouvelle 
politique Ă©trangĂšre avec un coĂ»t infĂ©rieur, qui  prĂ©servait les intĂ©rĂȘts Ă©conomiques et 
sĂ©curitaires des États-Unis Ă  long terme. Le label « droits de l’homme Â» a permis de mettre 
en Ɠuvre cette nouvelle politique sous une forme acceptable pour les citoyens. 

Les oppositions nuclĂ©aires, la mise en cause Ă©conomique,  

la rĂ©volution et l’arrĂȘt des travaux 

Vers la moitiĂ© des annĂ©es 1970, des oppositions croissantes de la sociĂ©tĂ© civile 

s’exprimĂšrent contre l’énergie nuclĂ©aire dans diffĂ©rents pays du monde. Ces mouvements, 
relayĂ©s par la puissance des mĂ©dias,  Ă©taient trĂšs virulents, surtout en Allemagne et aux 

                                                                    

 

1

 

Ibid., p. 161. 

2

 

The Power of Principled Ideas

, p. 164-7. 

3

 

States and Markets

, voir surtout chapitre 6, p. 116-136. 

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171 

Etats-Unis, et leurs actions contribuaient Ă  la dĂ©tĂ©rioration de l’image de l’énergie nuclĂ©aire 
dans le monde entier. 

L’effondrement de la centrale Enrico  Fermi prĂšs de Detroit avait fourni un prĂ©texte 

lĂ©gitime pour la contestation de ces groupes. Enricho Fermi, la premiĂšre centrale de 
dĂ©monstration de type 

breeder

, avait Ă©tĂ© fermĂ©e en 1971 pour raison d’échauffement et 

d'effondrement de deux éléments de combustible, ce

 

qui avait donnĂ© lieu  Ă  des fuites 

radioactives. Mais cet effondrement n’était pas le premier dans l’histoire : en novembre 
1955, une centrale expĂ©rimentale de mĂȘme type avait Ă©tĂ© fermĂ©e Ă  Buffalo aprĂšs un 
effondrement similaire. Mais Ă  cette Ă©poque, les États-Unis Ă©taient eux-mĂȘmes trĂšs 
dĂ©pendants des dĂ©veloppements nuclĂ©aires et cet Ă©vĂ©nement n’a suscitĂ© aucune rĂ©action 
dans la sociĂ©tĂ© civile. L’apparition de ces groupes transnationaux non gouvernementaux est 
un phĂ©nomĂšne des annĂ©es 1970 qui soutenait la nouvelle politique amĂ©ricaine visant Ă  
mettre fin au transfert de technologie nuclĂ©aire vers les pays en voie de dĂ©veloppement. 

Un autre phĂ©nomĂšne des annĂ©es 1970 fut la remise en cause Ă©conomique de l’énergie 

nuclĂ©aire en particulier par certains spĂ©cialistes de l’énergie notamment Ă  cause du coĂ»t de 
retraitement du plutonium qu’ils estimaient dĂ©sormais exorbitant. L’augmentation du coĂ»t 
du capital pour les rĂ©acteurs Ă©tait un autre argument « Ă©conomique Â» de ces savants. Ces 
facteurs â€” les mouvements civils et les remises en cause d’économistes 

freelance

 â€” avaient 

forcĂ© les compagnies d’électricitĂ© (

utilities

) Ă  annuler leurs commandes de centrales. 

L’opposition allemande Ă  l’énergie nuclĂ©aire, probablement la plus forte au monde, a brisĂ© 
le consensus allemand en matiĂšre d’énergie.  De fait, depuis 1978, il n’y a eu aucune 
commande nouvelle de rĂ©acteur en Allemagne, mĂȘme pour l’usage national. 

Les mĂȘmes symptĂŽmes sont apparus en Iran Ă  la fin des annĂ©es 1970. À ce moment lĂ , 

le pays ressentait d’autres pressions prĂ©rĂ©volutionnaires et les mouvements antinuclĂ©aires 
renforçaient largement ces pressions. Les critiques de l’énergie nuclĂ©aire proposaient une 
meilleure utilisation des ressources nationales de gaz naturel. L’Iran possĂ©dait la deuxiĂšme 

rĂ©serve la plus importante de gaz (1 700 km

3

) dans le monde

1

. Mais les 

pipelines

 pour le gaz 

Ă©taient aussi coĂ»teux et le problĂšme de transmission de la puissance des centrales Ă©tait le 

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172 

mĂȘme que pour les centrales nuclĂ©aires. En revanche, les centrales Ă  gaz coĂ»taient 
sensiblement moins cher que les centrales nuclĂ©aires. À titre d’exemple, le coĂ»t des deux 
centrales Ă  gaz en construction Ă  Rey et Ă  Neka Ă©tait estimĂ© entre 300 et 500 dollars/KW, 
environ le tiers de l’hypothùse basse de la centrale de Boushehr

2

. Des centrales Ă  gaz plus 

modestes avaient aussi pour autre avantage de pouvoir s’implanter plus facilement auprĂšs 
des consommateurs, ce qui pouvait  gĂ©nĂ©rer certaines Ă©conomies sur le coĂ»t de 
transmission et de distribution. Elles diminuaient aussi le besoin en devises car 
l’investissement nĂ©cessaire Ă©tait plus faible et il n’y avait pas de nĂ©cessitĂ© d’importer le 
combustible. Toutefois, ces centrales Ă  gaz ne suscitaient pas le prestige inestimable que les 
centrales nuclĂ©aires pouvaient donner Ă  l’Iran et au Shah. 

La dĂ©gradation de l’opinion publique au sujet de l'Ă©nergie nuclĂ©aire Ă©tait un phĂ©nomĂšne 

transnational. Les mĂȘme discours critiques ont Ă©tĂ© tenus dans d’autres pays du monde, y 
compris dans les pays fournisseurs. Cette opinion publique dĂ©favorable a mis une pression 
supplĂ©mentaire sur les gouvernements des pays dĂ©mocratiques pour  les conduire Ă  
renoncer Ă  leurs projets et exportations nuclĂ©aires. Bien que la preuve de l'hypothĂšse qui va 
suivre nĂ©cessiterait une recherche spĂ©cifique, nous considĂ©rerons ce phĂ©nomĂšne comme le 
résultat d'une capacité de manipulation de la structure des idées

1

 â€” par les États-Unis â€” 

par le biais des medias et des diverses ONG, ce qui a facilitĂ© la participation des 
gouvernements allemand et français dans les engagements multilatĂ©raux visant Ă  empĂȘcher 
leurs industries d’exporter Ă  l'Ă©tranger. La manipulation de la structure des idĂ©es a 
l’avantage de crĂ©er des mouvements, en apparence autochtones, qui  peuvent contraindre 
un gouvernement par des demandes lĂ©gitimes. 

C’est l’opinion publique qui fut Ă  l’origine de la remise en cause de l’énergie nuclĂ©aire en 

Iran. Étemad prendra finalement l’initiative de crĂ©er au sein de l’OEAI un groupe de travail 
pour expliquer les activitĂ©s et les objectifs de l’OEAI en les rendant accessibles Ă  tous les 
citoyens. Mais cette ambition de former l’opinion publique alors que la baisse des recettes 
pĂ©troliĂšres avait engendrĂ© une situation de crise, Ă©tait plutĂŽt une rĂ©action tardive et non 

                                                                    

 

1

 

Fox, J. B., Stobbs, J., 

International Data Collection and  Analysis

, Nuclear Assurance Corporation, 

Atlanta, avril 1979, p. Iran 1. Son volume a Ă©tĂ© estimĂ© Ă  800 trillions de mĂštres cubes en 2004 par 

le 

Oil and Gas Journal

 & le 

BP Statistical Review of World Energy

 en 1999. 

2

 

Mossavar Rahmani, Bijan, 

Energy Policy in Iran: Domestic Choices and International Implications

Pergamon, New York, 1981, p. 199. 

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173 

une action proactive. Il proposa aux opposants publics  et mĂ©diatiques de l’énergie 
atomique de participer Ă  ces groupes de travail pour exprimer leur mĂ©contentement et 
dĂ©battre des solutions/modifications possibles. Mais les opposants publics ne participĂšrent 
jamais Ă  ces rĂ©unions. 

L’un des opposants les plus influents Ă  l’énergie atomique Ă©tait Bijan Mossavar Rahmani, 

correspondant de l’énergie pour 

Keyhan Internationale

. Il avançait trois arguments contre le 

programme de l’OEAI : premiĂšrement, la disponibilitĂ© de l’uranium dans le monde, puis 
les restrictions politiques qui Ă©taient imposĂ©es Ă  sa vente et enfin les incertitudes du 
« marchĂ© hautement politique, trĂšs instable et contrĂŽlĂ© par un cartel Â» des services 
d’enrichissement, devaient pousser l’Iran Ă  dĂ©pendre d’un « petit groupe de fournisseurs 
politisĂ©s et commercialement agressifs. Â» À l’époque l’OEAI Ă©tait Ă  la recherche active 
d’uranium Ă  l’intĂ©rieur du pays. Sa participation dans Eurodif lui garantissait un accĂšs aux 
services d’enrichissement. D’autant plus que si on considĂšre les conditions de marchĂ© 
d’aujourd’hui, il existait une offre excessive d’uranium dans le monde. 

DeuxiĂšmement M. Mossavar Rahmani soutenait que l’infrastructure Ă©lectrique de l’Iran 

n’était pas en Ă©tat d’intĂ©grer les rĂ©acteurs planifiĂ©s d’une maniĂšre sĂ»re et certaine. Les 
rĂ©seaux Ă©lectriques Ă©taient trop petits pour les rĂ©acteurs de plusieurs milliers de mĂ©gawatts. 
Le rĂ©seau national iranien n’avait pas de capacitĂ© de rĂ©serve non plus. Ce manque de 
capacitĂ© de rĂ©serve Ă©tait particuliĂšrement grave en Iran, oĂč les coupures de courant de 1976 
et 1977 avaient des effets politiques négatifs pour le Shah

2

L’isolement de l’OEAI de l’appareil bureaucratique du gouvernement avait des 

avantages mais aussi des inconvĂ©nients. L’avantage Ă©tait que sous la supervision directe du 
Shah, et sans  les contraintes et l’inertie habituelle de l’administration, l'OEAI avait pu 
rĂ©aliser ses projets rapidement. Il y avait en l’espace de quatre ans, quatre centrales 
nuclĂ©aires en cours de construction en Iran. Mais l’inconvĂ©nient Ă©tait que les autres 
administrations, responsables pour d’autres aspects des projets, ne suivaient pas Ă  la vitesse 
de l’OEAI. En tout cas, il n’y avait presque aucune coordination pour assurer que tout ceci 
avance au mĂȘme rythme. 

Tavanir, 

l’entitĂ© de MEE, chargĂ© de la  construction de rĂ©seaux 

                                                                    

 

1

 

Tel que dĂ©crit par Susan Strange dans 

States and Markets.

 

2

 

Halliday, F., 

Iran: Dictatorship and Development, 

Penguin, Harmondsworth, Middlesex, 1979, p. 285. 

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174 

permettant le transport de l’électricitĂ© des centrales nuclĂ©aires jusqu’aux consommateurs, 
n’avait, ni installĂ© la ligne de 230 000 volt qui devait alimenter le site de Boushehr, ni la 
ligne de 400 000 volt qui devait conduire l’électricitĂ© produite dans cette centrale

1

Le troisiĂšme argument de Mossavar Rahmani portait sur le coĂ»t de l’énergie atomique 

en Iran : 3 000 dollars par kilowatt, le triple du coĂ»t de l’énergie atomique dans les pays 
dĂ©veloppĂ©s et largement supĂ©rieur Ă  celui des centrales Ă  gaz en Iran. Ce chiffre Ă©tait aussi 
trois fois supĂ©rieur Ă  celui estimĂ© par l’OEAI pour les centrales de Boushehr et Ahvaz. Ceci 
s’expliquait par le fait que les centrales ne pouvaient pas opĂ©rer Ă  leur capacitĂ© maximale, 
car les prĂ©visions pour la demande de l’électricitĂ© avant 1980 n’étaient pas suffisantes pour 
absorber les 2 480 MW des centrales de Boushehr.

 

En tout cas, l'essentiel est que ces considĂ©rations auraient dĂ» ĂȘtre prises en compte avant 

le lancement d’un projet aussi important que le  projet nuclĂ©aire de l’Iran. L’intĂ©rĂȘt des 
critiques des Ă©conomistes antinuclĂ©aires ne rĂ©side pas dans l’intĂ©gritĂ© et la validitĂ© de leurs 
arguments, mais dans le fait qu’en tant qu’individus, ils ont pu Ă©branler les fondations 
d’une industrie nationale dans laquelle des milliards de dollars avaient Ă©tĂ© investis. Ces 
Ă©conomistes ne prenaient pas en considĂ©ration les prĂ©visions de croissance Ă©conomique et 
le fait que le prestige, et dans une certaine mesure la sĂ©curitĂ© du pays, pouvaient en 
dĂ©pendre. Cela est un exemple d’intervention des acteurs au niveau micro tel qu’il est 
décrit par Rosenau

2

. D’aprùs lui, ceux-ci

 

peuvent avoir un impact considĂ©rable sur les 

résultats (

outcomes

), mĂȘme dans un domaine, comme c’est le cas ici, censĂ© ĂȘtre sous le 

contrĂŽle de l’État et primordial pour la survie et la sĂ©curitĂ© de la nation â€” critĂšres fonda-
mentaux pour l’école rĂ©aliste. 

L’une des initiatives de l’Iran de l’OEAI pour la crĂ©ation d’un soutien international 

contre les mouvements de plus en plus virulents de remise en cause de l’énergie nuclĂ©aire 
fut d’organiser la « ConfĂ©rence sur le Transfert de la Technologie NuclĂ©aire Â» en 1977 Ă  
PersĂ©polis. L’

American Nuclear Society

European Nuclear Society

, et la 

Japan Atomic Society

 

ont co-sponsorisĂ© la confĂ©rence. Quelques 500 responsables d’énergie nuclĂ©aire, 
universitaires, et diplomates de 41 pays ont participĂ© Ă  cette confĂ©rence, y compris le 

                      

 

1

 

Nucleonics Week, 

2 fĂ©vrier 1978, p. 10. 

2

 

Rosenau, James N., 

Turbulence in World Politics: A Theory of Change and Continuity, 

Princeton 

University Press, Princeton, 1990. 

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175 

Premier ministre Hoveyda. Dix jours avant la date de la confĂ©rence, Jimmy Carter a rendu 
publique la nouvelle politique des États-Unis dans le domaine nuclĂ©aire. Il s’agissait alors 
d’empĂȘcher le transfert de toute technologie nuclĂ©aire â€” et pas seulement des technologies 
militaires â€” ce qui a Ă©tĂ© naturellement largement dĂ©battu pendant la confĂ©rence. Carter a 
aussi envoyĂ© un message Ă  l’attention du Shah faisant allusion Ă  l’importance de cette 
confĂ©rence et lui souhaitant bonne chance pour son dĂ©roulement. La politique nouvelle des 
États-Unis sera naturellement critiquĂ©e par les pays receveurs de technologie. Le Shah, 
d’aprĂšs Étemad, Ă©tait satisfait de son rĂŽle de 

leadership

 dans ces affaires pour reprĂ©senter 

l’opinion des pays qui Ă©taient contre la politique amĂ©ricaine. Étemad estime que cette 
confĂ©rence a contribuĂ© au renforcement de la politique du Shah pour la diminution de 
l’influence des superpuissances dans l’ocĂ©an Indien

1

. À la fin de cette confĂ©rence Étemad 

dira Ă  l’un des journalistes Ă©trangers : « N’oubliez pas que la politique de l’énergie nuclĂ©aire 
de l’Iran est dĂ©finie Ă  TĂ©hĂ©ran Â»

2

Avec les agitations croissantes

3

 en Iran, le Shah fut amenĂ©, en aoĂ»t 1977, Ă  remplacer 

Amir Abbas Hoveyda qui Ă©tait son Premier ministre depuis douze ans. D’aprĂšs Richard 
Cottam, la raison de ceci Ă©tait « l’incapacitĂ© de Hoveyda Ă  fonctionner dans la situation de 
crise qui rĂ©gnait en Iran Â»

1

. Hoveyda Ă©tait un dĂ©fenseur de l’énergie nuclĂ©aire et soutenait 

l’OEAI au sein de son cabinet. Son remplaçant, Jamshid Amouzegar, avait Ă©tĂ© ministre du 
pĂ©trole et ne partageait pas l’enthousiasme de Hoveyda pour l’énergie atomique. De plus, 
Amouzegar Ă©tait un technocrate mis en place pour traiter la crise Ă©conomique. Il voulait 
rĂ©duire les dĂ©penses et avait prĂ©conisĂ© le contrĂŽle des prix et des revenus. Des centrales 
nuclĂ©aires, surtout avec une rentabilitĂ© devenue maintenant douteuse, n’étaient pas trĂšs 
prioritaires pour Amouzegar, mĂȘme si l’OEAI maintenait que, sans le coĂ»t des routes, des 
hĂŽpitaux, des maisons, des Ă©coles et des abris qui doivent exister Ă  cĂŽtĂ© des centrales, le 

                      

 

1

 

Barnameyeh Energieh Atomieh Iran, 

p. 218. 

2

 

Ibid., p. 216. 

3

 

Les inĂ©galitĂ©s croissantes de revenus dans les rĂ©gions urbaines, ainsi qu’entre TĂ©hĂ©ran et la 

province, la baisse des revenus pĂ©troliers dans la deuxiĂšme moitiĂ© des annĂ©es 70, sans autres 

sources de devises Ă©trangĂšres, une machine bureaucratique inefficace, sans planification correcte 

et avec la corruption, l’incapacitĂ© de mettre en Ɠuvre des reformes sociales, et le besoin de 

continuer les dĂ©penses militaires pour maintenir les forces militaires existantes pour assurer la 

politique Ă©trangĂšre de l’Iran sont parmi les facteurs qui ont contribuĂ© au mĂ©contentement 

gĂ©nĂ©ral. Ces facteurs sont bien Ă©tudiĂ©s, entre autres dans Halliday, Fred, 

Iran : Dictatorship and 

Development. 

Pelican Books, NY, 1979. 

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176 

coĂ»t par KW Ă©tait infĂ©rieur Ă  1 000 dollars et qu’à long terme ces rĂ©acteurs de haute 
capacitĂ© pourraient compenser leur inefficacitĂ© Ă  court terme. Pour l’OEAI l’achat du 
modĂšle standard de 1 240 MW permettait Ă  l’Iran de bĂ©nĂ©ficier des amĂ©liorations futures 
apportĂ©es Ă  ce modĂšle par le fournisseur. 

Avec le remplacement du Premier ministre Amir Abbas Hoveyda, l’OEAI perdit un 

défenseur de l'énergie nucléaire

2

. Des centrales nuclĂ©aires, surtout avec une rentabilitĂ© 

dĂ©sormais douteuse, n’étaient pas prioritaires pour Amouzegar. À la fin de l’annĂ©e 1977 
Amouzegar soutiendra les mouvements civils anti-nuclĂ©aires. Ce petit groupe 
d’économistes et spĂ©cialistes de l’énergie accusaient l’OEAI de « manque de transparence 
dans l’évaluation des coĂ»ts et de risques croissants de l’énergie atomique Â»

3

.  

À son arrivĂ©e au pouvoir, Amouzegar avait invitĂ© Étemad Ă  prendre la responsabilitĂ© du 

ministĂšre de l’Énergie. Ce ministĂšre aurait eu des responsabilitĂ©s Ă©tendues sur la 
compagnie du pétrole (

Sherkateh Naft

), la société du gaz (

Sherkateh Gaz

) et l’OEAI, ce qui 

permettait de formuler une politique énergétique cohérente pour la nation

4

. Étemad 

refusera Ă  cause de l’état dĂ©plorable de l’électricitĂ© et de la distribution du gaz dans le pays. 
Pendant le gouvernement d’Amouzegar, l’OEAI sera rattachĂ©e au ministĂšre de l’Énergie 
sous le directorat d’Ahmad Sotoudehnia, vice-prĂ©sident et directeur des programmes de 
l’OEAI, qui deviendra adjoint au ministre de l’Énergie, Ali Tavvakkoli. La responsabilitĂ© du 
planning, de la construction et du fonctionnement des centrales sera mise sous la 
responsabilitĂ© du ministĂšre de l’Énergie

5

. La sĂ»retĂ© des centrales et l’approvisionnement en 

combustibles Ă©taient les seules responsabilitĂ©s qui incomberont Ă   l’OEAI. Peu de temps 
aprĂšs la chute du gouvernement Amouzegar et sous le gouvernement de Sharif-Emami, 
Étemad dĂ©missionnera de la prĂ©sidence de l’OEAI. 

                                                                    

 

1

 

Cottam, Richard, W., 

Iran and the United States: A Cold War Case Study

,

 

University of Pittsburgh 

Press, Pittsburgh, 1988, p. 170. 

2

 

Ibid. 

3

 

Mossavar Rahmani, Bijan, « Iran’s nuclear power program revisited Â», 

Energy Policy, 

vol. 8, no. 3, 

septembre 1980, p. 195. 

4

 

Barnameyeh Energieh Atomieh Iran

, p. 120. 

5

 

Keyhan International

, 29 juin 1978, p. 1. 

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177 

Fin de l’OAEI 

En octobre 1978, il y eut une discussion sur le sort de l’énergie nuclĂ©aire entre 

M. Sotoudehnia et la Commission de l’Énergie Atomique (comprenant les ministres de 
l’Énergie, et des Finances, et le Directeur de l’Organisation du Plan et Budget), et d’autres 
membres du gouvernement. Les nĂ©gociations avec la France pour d’autres rĂ©acteurs furent 
suspendues. À ce moment lĂ , le Shah Ă©tait de plus en plus critiquĂ© pour ses dĂ©penses mili-
taires et nuclĂ©aires. Ces facteurs eurent pour consĂ©quence de retarder l’achat des quatre 
centrales de KWU

1

, mais les travaux sur les quatre autres centrales en cours de 

construction continuĂšrent

2

Framatome a arrĂȘtĂ© ses opĂ©rations en Iran en mars 1979, rapatriant ses 450 derniers 

employĂ©s en Iran. L’Iran n’était pas le seul client que la France perdait. Dans la premiĂšre 
partie des annĂ©es 1980 presque tous les projets français de ventes de centrales â€” Ă  IsraĂ«l, Ă  
l’Irak (pour remplacer Osirak), à l’Afrique du Sud

1

, Ă  l’Inde au Pakistan â€” ont Ă©tĂ© annulĂ©s. 

KWU fit revenir la plupart de ses 2 100 employĂ©s expatriĂ©s en Iran et mit au chĂŽmage 

6 400 des 7 000 employĂ©s iraniens. L’entreprise utilisa l’instabilitĂ© du pays Ă  cette Ă©poque 
comme prĂ©texte, prĂ©tendant que le retard de livraison des matĂ©riaux de construction par 
les firmes nationales l’empĂȘchait de mener Ă  bien ses travaux. Ces travaux n’ont jamais 
repris Ă  ce jour malgrĂ© l’intĂ©rĂȘt renouvelĂ© de TĂ©hĂ©ran et de KWU. 36 bateaux contenant des 
matĂ©riels pour les centrales de Boushehr  attendaient d’ĂȘtre dĂ©chargĂ©s dans le golfe 
Persique. Mais avec l’instabilitĂ© croissante du pays ces navires retournĂšrent en Allemagne. 
À ce jour, leur contenu, des matĂ©riels qui appartiennent lĂ©galement Ă  l’Iran, reste toujours 
stockĂ© en Allemagne. En novembre et dĂ©cembre 1978, les grĂšves interrompirent Ă©galement 
les travaux des centrales d’Ahvaz. 

En janvier 1979, Shahpur Bakhtiar, le dernier Premier ministre du Shah, annonça 

l’annulation unilatĂ©rale des deux centrales françaises, qui Ă©taient en cours de construction. 
Il justifiait sa dĂ©cision en mettant en avant les rĂ©serves de gaz en Iran, le coĂ»t exorbitant des 
centrales, le manque de ressources financiĂšres, et la probabilitĂ© que les rĂ©acteurs soient dĂ©jĂ  

                      

 

1

 

Energy Daily,

 13 octobre 1978, p. 1. 

2

 

Nucleonics Week,

 26 octobre 1978, p. 13-14. 

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178 

obsolĂštes dans une douzaine d’annĂ©es

2

. Les bureaux de l’OEAI en RFA, en France, en 

Angleterre et aux États-Unis ont Ă©tĂ© alors fermĂ©s. Bakhtiar rompit Ă©galement les 
engagements pris Ă  l'Ă©gard d'Eurodif, ainsi que les contrats conclus avec les entreprises 
françaises pour les travaux autour des centrales. L'État français rompit le paiement des 
Ă©chĂ©ances du prĂȘt de 1 milliard de dollars que l'Iran lui avait consenti

3

                                                                    

 

1

 

Le Conseil de la CEE avait pris la dĂ©cision de ne pas permettre Ă  ses membres d’entrer dans des 

nouveaux contrats avec l’État d’apartheid. 

2

 

Le Monde, 

30 janvier 1979. 

3

 

Il y aurait eu deux paiements de 630 millions de dollars en 1986-87 Ă  l'Iran. 

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179 

6.

 

La RĂ©publique islamique s’intĂ©resse  

Ă  l’énergie nuclĂ©aire qu’elle avait vigoureusement 

dĂ©noncĂ©e (1984-2005) 

Nous avons vu dans le chapitre prĂ©cĂ©dent l’hĂ©ritage nuclĂ©aire laissĂ© Ă  la RĂ©publique 

islamique en 1979 : deux rĂ©acteurs allemands quasi complets, le droit Ă  10 % de capacitĂ© 
d’enrichissement d’Eurodif, une Ă©quipe avec des laboratoires de recherche de classe 
mondiale ; en mĂȘme temps, une opinion publique extrĂȘmement critique Ă  l’égard des 
grands projets, et des experts Ă©trangers prĂ©sents sur le sol iranien pour apporter leur 
assistance Ă  la rĂ©alisation de ces projets.  

Un ancien fonctionnaire de l’OEAI nous a expliquĂ© lors d’un entretien que « tout ce qui 

avait Ă©tĂ© entrepris sous le Shah Ă©tait considĂ©rĂ© au moment de la rĂ©volution comme 
mauvais, corrompu, devant changer ou finir. Que ce soient les projets de barrage, les 
projets de centrales, etc. On ne voulait rien des arrangements Â« pourris Â» de l’ancien 
régime

1

 [
] Â»

 

L’autonomie, l’isolation et la rupture avec le passĂ© Ă©taient les principaux 

objectifs du nouveau gouvernement rĂ©volutionnaire. Le nouveau responsable de l'Ă©nergie 
atomique en Iran critiqua aussi l’augmentation du coĂ»t des centrales de Boushehr Ă  
7 milliards de dollars et demanda une compensation financiĂšre au titre de ces contrats 
« illĂ©gitimes Â». C’est ainsi qu’en aoĂ»t 1979, KWU termina « formellement Â» les travaux des 
centrales de Boushehr, avec les deux rĂ©acteurs achevĂ©s Ă  environ 85 % et 70 %. En 
revanche, la recherche nuclĂ©aire moins visible, et ne nĂ©cessitant pas l’intervention des 

                      

 

1

 

Entretien avec un fonctionnaire iranien de l’AIEA Ă  Vienne en 1995. 

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180 

Ă©trangers, survĂ©cut aux dĂ©cisions du nouveau gouvernement. Elle fut mĂȘme renforcĂ©e dans 
les annĂ©es suivantes. 

Le nouveau gouvernement issu de la rĂ©volution appuyait ses dĂ©cisions sur des critĂšres 

idĂ©ologiques trĂšs rigides : l’autosuffisance, l’indĂ©pendance et l’isolationnisme. Ces critĂšres 
dĂ©terminaient les dĂ©cisions du gouvernement pour gĂ©rer les affaires impliquant des firmes 
Ă©trangĂšres. Pour ce qui Ă©tait des projets nuclĂ©aires, M. Fereydoun Sahabi, le nouveau 
prĂ©sident de l’OEAI avait dĂ©clarĂ© : 

« Nous serons obligĂ©s de dĂ©pendre de l’aide Ă©trangĂšre [pour terminer les travaux des 

centrales nuclĂ©aires], ce qui nous forcera Ă  entretenir des liens Ă©conomiques et 
industriels avec ces pays. Â»

1

 

En juin 1979, KWU dĂ©nonça ses contrats avec l’Iran. C’est une annĂ©e charniĂšre dans 

l’histoire du pays car en novembre, Ă  peine quelques mois aprĂšs la rĂ©volution, l’ambassade 
des États-Unis avait Ă©tĂ© occupĂ©e par des militants et une soixantaine de diplomates 
amĂ©ricains furent pris en otage â€” une crise qui allait durer quatorze mois et ĂȘtre rĂ©glĂ©e par 
l’accord d’Alger, qui, entre autres, interdirait aux États-Unis toute intervention dans les 
affaires intĂ©rieures  de l’Iran. Le mois suivant, les forces soviĂ©tiques envahirent 
l’Afghanistan. Cette opĂ©ration fut suivie, en septembre 1980, par l’invasion irakienne de 
l’Iran, qui engendrera une guerre de huit ans qui fera plus d'un million de victimes. 

Les leçons de la guerre d’Irak 

AprĂšs la rĂ©volution, suivie de la prise en otage de l’ambassade des États-Unis et de 

l’invasion soviĂ©tique de l’Afghanistan, le nouveau gouvernement inexpĂ©rimentĂ© dut faire 
face Ă  de nouveaux dĂ©fis. Le plus important dĂ©fi survint Ă  peine deux mois aprĂšs la prise 
d’otages de l’ambassade des États-Unis : en effet, le 22 septembre 1980, l’Irak, profitant du 
chaos rĂ©volutionnaire qui rĂ©gnait en Iran, dĂ©cida d’envahir le pays. 

Pendant les premiĂšres annĂ©es de la rĂ©volution, la ferveur rĂ©volutionnaire et une certaine 

irrationalitĂ© caractĂ©risĂšrent les dĂ©cisions du gouvernement iranien aussi bien en matiĂšre de 
politique Ă©trangĂšre que de politique intĂ©rieure. C’était un gouvernement jeune et novice 

                      

 

1

 

Nuclear News

, juillet 1979, p. 72. 

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181 

qui n’avait pas les ressources et l’expĂ©rience nĂ©cessaires pour gĂ©rer les affaires Ă©conomiques 
ou politiques du pays. L’euphorie rĂ©volutionnaire amenait le gouvernement â€” constituĂ© 
pour une grand part, mais aussi contrĂŽlĂ©, par des Ă©lĂ©ments religieux â€” Ă  vouloir exporter la 
rĂ©volution vers les autres pays pour gagner en influence. Ces efforts avaient suscitĂ© la 
crainte des gouvernements conservateurs de la rĂ©gion et leur hostilitĂ© envers l’Iran 
rĂ©volutionnaire. Cela amena les pays pĂ©troliers riches, notamment l’Arabie Saoudite, Ă  
fournir Ă  l’Irak des aides Ă©conomiques indispensables pour combattre l’Iran qui menaçait 
de les dĂ©stabiliser. Ainsi l’Iran se trouva-t-il isolĂ© sur la scĂšne internationale. Seules la Syrie, 
la Libye et l’AlgĂ©rie lui manifestĂšrent Ă  des degrĂ©s divers leur soutien. 

Nous avons vu combien les  relations irano-amĂ©ricaines s’étaient progressivement 

dĂ©gradĂ©es Ă  la fin du rĂšgne Pahlavi, notamment aprĂšs l’augmentation des prix pĂ©troliers de 
1974. Toutefois elles demeuraient en apparence cordiales. Le Shah Ă©tait un client Ă©garĂ©, 
mais il n’avait pas ouvertement dĂ©fiĂ© les États-Unis. Ce qui n'a pas Ă©tĂ© le cas du 
gouvernement de la RĂ©publique islamique qui, dans son discours et ses actes, dĂ©fiait les 
États-Unis. Depuis dix mois, en effet, ce gouvernement dĂ©tenait l’ambassade des États-Unis 
et 66 de ses diplomates en otage. La couverture mĂ©diatique de cette prise d’otage eut un 
impact sur l’opinion publique amĂ©ricaine, comparable aux images du ViĂȘt-nam. La prise 
d’otages changea complĂštement la nature des relations irano-amĂ©ricaines. L’opinion 
publique et la politique amĂ©ricaine furent profondĂ©ment affectĂ©es par cette crise. Aucun 
autre pays de la pĂ©riphĂ©rie n’avait jamais osĂ© dans l’histoire dĂ©fier les États-Unis de la sorte. 
Aucun autre Ă©vĂ©nement, Ă  l'exception du 11 septembre 2001, n’a probablement pu ternir Ă  
ce point l’image de la puissance amĂ©ricaine ! C’est entre autres pour cela â€” mais aussi pour 
affaiblir l’OPEP â€” que l’invasion irakienne de l’Iran en septembre 1980 fut un Ă©vĂ©nement 
favorable pour les États-Unis, comme l’explique Geoffrey Kemp

1

 : 

« MalgrĂ© l’agression de Saddam, les États-Unis Ă©taient discrĂštement contents de voir 

le rĂ©gime [iranien] faire face Ă  un nouveau dĂ©fi majeur, et alors que les États-Unis 

                      

 

1

 

Directeur de 

Regional Strategic Programs

 au Nixon Center, qui a servi Ă  la Maison Blanche durant la 

premiĂšre administration Ronald Reagan, en tant que 

Special Assistant to the President for National 

Security Affairs

 et 

Senior Director for Near East and South Asian Affairs of the National Security Council

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182 

professaient la neutralitĂ©, on supposait et espĂ©rait que les forces de Saddam puissent 
faire tomber le nouveau gouvernement de l’Ayatollah. Â»

1

 

Mais Ă  la grande surprise des stratĂšges amĂ©ricains, et malgrĂ© leurs Ă©valuations pour 

l’annĂ©e 1976 (ils avaient estimĂ© l’armĂ©e iranienne incapable d’absorber les armements 
modernes amĂ©ricains et de maĂźtriser les nouvelles technologies), mĂȘme avec l’élimination 
des officiers de haut rang et les dĂ©sertions massives des officiers de mĂ©tier durant la 
rĂ©volution, les forces iraniennes rĂ©ussirent Ă  s’imposer Ă  l’armĂ©e de Saddam Hussein. Non 
seulement en 1982 l’armĂ©e iranienne avait rĂ©ussi Ă  expulser les forces de Saddam, mais elle 
avait mĂȘme dĂ©cidĂ© d’étendre la guerre Ă  la pĂ©ninsule Arabique, menaçant dĂ©sormais les 
monarchies arabes riches. L’objectif de propagation de la rĂ©volution vers d’autres pays Ă©tait 
ouvertement Â« publicisĂ© Â» par le gouvernement iranien et ceci devenait un sujet 
d’inquiĂ©tude croissant Ă  Washington : 

« Les États-Unis en conclurent qu’une offensive rĂ©ussie contre les forces irakiennes 

pourrait faire peser une menace stratĂ©gique majeure sur la rĂ©gion, et ils commencĂšrent 
ainsi Ă  ouvertement soutenir l’Irak [
] l’Iran devint assujetti Ă  un embargo global 
orchestrĂ© par les États-Unis, dĂ©nommĂ© l’opĂ©ration STAUNCH [
] pendant que l’Irak 
fut ouvertement soutenu par la majoritĂ© des États arabes, l’Europe, l’Union soviĂ©tique et 
prudemment par les États-Unis. Â»

2

 

L’Iran commença ainsi Ă  manquer de piĂšces de rechange indispensables pour continuer 

la guerre. La majoritĂ© des Ă©quipements militaires iraniens, surtout l’indispensable force 
aĂ©rienne, Ă©taient de fabrication amĂ©ricaine. D’aprĂšs Kemp, ce fut cette impressionnante 
contrainte imposĂ©e aux avions et aux missiles iraniens qui les força Ă  faire un marchĂ© avec 
le « Grand et le Petit Satan Â», les États-Unis et IsraĂ«l

3

. Le nouveau gouvernement faisait 

ainsi son apprentissage : accepter et gĂ©rer les contraintes du systĂšme international. En effet, 
Ă  peine deux ans aprĂšs avoir dĂ©noncĂ© l’ancien fournisseur, l’Iran Ă©tait forcĂ©, pour sa survie, 
de conclure un marchĂ© avec lui et cela par l’intermĂ©diaire d’IsraĂ«l. 

                      

 

1

 

Kemp, Geoffrey, Â« US-Iranian Strategic Cooperation Since 1979 Â», dans Sokolski, Henry, et 

Clawson, Patrick, 

Checking Iran’s Nuclear Ambitions

, Strategic Studies Institute, janvier 2004, p. 101. 

2

 

Ibid., p. 102. 

3

 

Ibid. 

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183 

La guerre contre l’Irak a ainsi brisĂ© l’illusion que seule la volontĂ© et les sacrifices humains 

pouvaient prendre l’avantage et se substituer Ă  la technologie et aux matĂ©riels de dĂ©fense. 
ConsidĂ©rĂ©e comme un ermite dangereux par l’Occident et ses voisins arabes, du fait de ses 
efforts agressifs pour exporter la rĂ©volution et pour son soutien au terrorisme international, 
la RĂ©publique islamique s’est battue quasiment seule contre l’Irak. Pendant la mĂȘme 
pĂ©riode l’Irak a reçu plus de 80 milliards de dollars de prĂȘts, de la part de ses voisins arabes, 
et l’assistance des États-Unis

1

. En mĂȘme temps l’embargo mondial imposĂ© Ă  l’Iran par les 

États-Unis Ă©tait efficace au point de l’empĂȘcher de vaincre son ennemi l’Irak, devenu 

de 

facto

 alliĂ© des États-Unis. 

Un an seulement avant la guerre, l’Iran Ă©tait encore la puissance incontestĂ©e du Golfe, et 

une puissance hĂ©gĂ©monique rĂ©gionale, un rĂŽle que le Shah avait rĂ©ussi Ă  rĂ©server Ă  l’Iran, le 
nĂ©gociant avec les États-Unis depuis le dĂ©part des forces britanniques de la rĂ©gion. Il avait 
rĂ©ussi Ă  avoir de bonnes relations avec la plupart des États de la rĂ©gion, et Ă©tait considĂ©rĂ© 
par beaucoup comme un protecteur, alors que l’Iran rĂ©volutionnaire percevait des menaces 
de tous cĂŽtĂ©s : au nord, avec une Union soviĂ©tique nuclĂ©aire qui venait d’envahir son voisin 
l’Afghanistan ; au sud, avec les forces amĂ©ricaines et les pays protĂ©gĂ©s par ces derniers ; Ă  
l’ouest, avec la guerre contre l’Irak, et Ă  l’est, avec un pays envahi et un autre qui lui-mĂȘme 
cherchait dĂ©sespĂ©rĂ©ment Ă  Ă©viter l’invasion soviĂ©tique. Il faut se mettre Ă  la place des 
dirigeants iraniens de cette Ă©poque pour comprendre l’importance que l’atome et le 
dĂ©veloppement interne d’un pouvoir de dissuasion reprĂ©sentaient. Ce besoin vital sera 
renforcĂ© par l’humiliation de devoir traiter avec ses deux ennemis idĂ©ologiques pour 
obtenir des armes qui n’allaient pas assurer sa survie ou la victoire, mais seulement la 
possibilitĂ© de continuer Ă  s’entretuer plus longtemps. 

L’humiliation : l’obtention d’armes aux États-Unis et en IsraĂ«l 

Dans son livre, 

What Uncle Sam Really Wants

, Noam Chomsky constate: 

« L’envoi des armes [amĂ©ricaines] Ă  l’Iran par le biais d'IsraĂ«l n’a pas seulement 

commencĂ© en 1985, lorsque le CongrĂšs en a parlĂ©. Cela a commencĂ© presque 
immĂ©diatement Ă  la suite de la chute du Shah en 1979. Le public savait avant 1982 

                      

 

1

 

Schake, Kori N., Yaphe, Judith S., 

The Strategic Implication of a Nuclear Armed Iran,

 Institute for 

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184 

qu’IsraĂ«l fournissait une grande partie des armes Ă  l’Iran â€” on pouvait mĂȘme le lire 
dans le New York Times

En octobre 1982 l’ambassadeur d'IsraĂ«l aux États-Unis a rendu 

public l’envoi des armes au rĂ©gime de Khomeiny par IsraĂ«l avec la coopĂ©ration des 
États-Unis [
] au plus haut niveau. [
] La raison ? Établir des liens avec des Ă©lĂ©ments 
militaires en Iran qui pourraient faire un coup d’État et rĂ©tablir les mĂȘmes arrangements 
que sous le Shah. Â»

1

 

La guerre avec l’Irak fournit son premier rĂ©sultat positif aux États-Unis lorsqu’un an 

aprĂšs le dĂ©but de celle-ci, les besoins de survie contraignirent la RĂ©publique islamique Ă  
nĂ©gocier avec eux pour obtenir des armes. Les otages amĂ©ricains en Iran furent libĂ©rĂ©s en 
janvier 1981 : derniĂšre monnaie d’échange de la RĂ©publique « novice Â». Mais les situations 
dĂ©sespĂ©rĂ©es requiĂšrent des actes dĂ©sespĂ©rĂ©s. Des groupes sympathisants du gouvernement 
islamique au Liban prirent d’autres otages amĂ©ricains, otages qui allaient encore servir plus 
tard de monnaie d’échange pour l'obtention de missiles et de piĂšces de rechange pour 
l'aviation. Ce que la jeune RĂ©publique ne savait pas, c’est qu’il n’était pas nĂ©cessaire de 
prendre des otages pour assurer la livraison des armes indispensables par les États-Unis. 
Ces derniers avaient intĂ©rĂȘt Ă  maintenir leur client Ă©garĂ© Ă  un niveau de puissance suffisant 
pour empĂȘcher une victoire trop rapide de l’Irak, ou l’emprise de l’Union soviĂ©tique. 
L’intĂ©rĂȘt d’un gouvernement islamique pour les États-Unis Ă©tait d’abord, et avant tout, 
d’empĂȘcher la propagation du socialisme soviĂ©tique en Iran. Faire face Ă  l’expansion de 
l’Union soviĂ©tique Ă©tait l’un des derniers rĂŽles que l’Iran pouvait jouer pour les États-Unis 
— mis Ă  part celui de ne pas gĂȘner la libre circulation du pĂ©trole dans le golfe Persique. 
Juste aprĂšs la rĂ©volution en Iran, les forces soviĂ©tiques avaient en effet envahi l’Afghanistan. 
Mais ce pays enclavĂ© ne pouvait pas leur donner accĂšs aux eaux chaudes du golfe Persique. 
Le Pakistan faisait barrage Ă  l'accĂšs au golfe Persique. Il fallait donc que la RĂ©publique 
islamique demeure suffisamment forte pour assumer ce rĂŽle. 

Le marchĂ© du Pakistan 

Tout au long de cette  thĂšse nous avons proposĂ© des Ă©tudes de cas sur les 

dĂ©veloppements nuclĂ©aires dans d’autres pays que l’Iran. Cela permet de mieux 

                                                                    

 

National Strategic Studies, National Defence University, Washington DC, 2001, p. 2. 

1

 

Chomsky, Noam, 

What Uncle Sam Really Wants

, Odonian Press, Berkeley, 1992, p. 68-69. 

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185 

comprendre les spĂ©cificitĂ©s du cas iranien et les motifs et marges de manƓuvre de l’Iran. 
Mais cela permet surtout de mieux saisir la nature des interactions dans le secteur nuclĂ©aire 
international. Le Pakistan, qui avait plus de capacitĂ© diplomatique Ă  cette Ă©poque, a mieux 
rĂ©ussi Ă  jouer sa carte face aux États-Unis. Conscient de son importance stratĂ©gique pour 
les États-Unis depuis l’invasion soviĂ©tique en Afghanistan, le pays rĂ©ussit Ă  obtenir le prix 
tant dĂ©sirĂ©. En 1981, le Pakistan obtint une exemption de six ans de la part du CongrĂšs des 
États-Unis pour dĂ©velopper sa capacitĂ© nuclĂ©aire militaire. Dans un climat international oĂč 
les États-Unis ne permettaient mĂȘme plus l’introduction de nouveaux programmes civils, 
ceci reprĂ©sentait une concession Ă©norme. Les États-Unis Ă©taient contraints d’accorder cette 
faveur bilatĂ©rale au Pakistan  â€” affaiblissant ainsi le rĂ©gime de la non-prolifĂ©ration â€” en 
contrepartie du soutien du Pakistan aux combattants afghans contre les forces soviĂ©tiques. 
C’est grĂące Ă  cette dĂ©rogation que l’usine pakistanaise d’enrichissement d’uranium a pu 
devenir opĂ©rationnelle en 1984, permettant au Pakistan d’atteindre la capacitĂ© nuclĂ©aire 
militaire en 1986

1

. Le  Pakistan avait mis sur pied dĂšs 1975 un programme clandestin 

d’acquisition de matĂ©riels et technologies en provenance des diffĂ©rents pays industrialisĂ©s, 
pour construire une usine d’enrichissement et aurait commencĂ© Ă  enrichir de l’uranium 
dĂšs 1976. L’autorisation des États-Unis lui donnait quartier libre pour rĂ©aliser ceci 
ouvertement et Ă  une Ă©chelle industrielle. Une contribution indispensable pour rĂ©aliser ce 
programme avait Ă©tĂ© l’obtention des conceptions de centrifugeuses volĂ©es par Munir 
Ahmad Khan Ă  l’Urenco

2

En dĂ©pit de sa faible expĂ©rience, la jeune RĂ©publique islamique s’est vite aperçue que ses 

fournisseurs (États-Unis et IsraĂ«l) limitaient leurs approvisionnements en piĂšces dĂ©tachĂ©es 
et missiles de façon Ă  faire durer le conflit Iran-Irak. Dans le contexte d’un embargo 
international, elle Ă©prouvait le besoin de renforcer sa dĂ©fense par d'autres moyens internes. 
Les enfants envoyĂ©s au front dans les missions suicides ne pouvaient ĂȘtre qu’un remĂšde 
temporaire face Ă  l’armĂ©e de Saddam soutenue par les États-Unis, l’Union soviĂ©tique, et les 
milliards de dollars de financement des pays de la rĂ©gion. Le zĂšle rĂ©volutionnaire et les 
sacrifices humains n’allaient pas continuer indĂ©finiment. Le discours et l’idĂ©ologie de « Ni 

                      

 

1

 

Spector, Leonard S., 

Going Nuclear

, Ballinger Publishing Company, Cambridge, 1987

p. 132. 

2

 

US State Department, 

The Pakistani Nuclear Program

, National Security Archives, Washington, 

23 juin 1983. 

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186 

l’Ouest ni l’Est, RĂ©publique islamique Â»

avaient atteint leur limite dĂšs lors que le 

gouvernement rĂ©volutionnaire avait dĂ» conclure un marchĂ© avec les États-Unis et IsraĂ«l 
pour obtenir des armes, armes qui aprĂšs tout n’étaient suffisantes que pour faire durer un 
conflit sanglant sans qu’il puisse y avoir de gagnant. L’invasion soviĂ©tique de l’Afghanistan 
Ă©tait trop proche et prĂ©sente pour que le gouvernement puisse ignorer la possibilitĂ© que 
l’Union soviĂ©tique dĂ©cide un jour de faire pareil en Iran. À l’époque du Shah, l’équilibre 
nuclĂ©aire entre les États-Unis et l’Union soviĂ©tique aurait dissuadĂ© ce dernier d'envisager 
une telle option. Mais dans le cadre des nouvelles relations entre la RĂ©publique islamique et 
les États-Unis, ce dernier allait-t-il toujours s’opposer Ă  une telle invasion ? L’Iran 
rĂ©volutionnaire avait fort besoin d’un moyen de dissuasion. C’est Ă  cette Ă©poque que la 
recherche nuclĂ©aire de classe mondiale crĂ©Ă©e durant le rĂšgne du Shah se tournera vers 
l’usage militaire. Encore une preuve que ce sont les facteurs internationaux qui incitent les 
gouvernements Ă  opter ou non pour l’utilisation militaire de l’atome. 

C’est dans ces conditions qu’en 1981, l’Iran a commissionnĂ© la construction au Centre 

des Technologies NuclĂ©aires d’Ispahan, d’un laboratoire de chimie d’uranium  â€”
 formellement dĂ©clarĂ© Ă  l’AIEA en 1998

1

. Mais ce laboratoire ne pouvait pas ĂȘtre 

immĂ©diatement opĂ©rationnel pour maintenir l’équilibre nuclĂ©aire. Aussi, en juin de la 
mĂȘme annĂ©e, IsraĂ«l, profitant du fait que l’Irak Ă©tait concentrĂ© sur la guerre contre l’Iran, 
bombarda le rĂ©acteur de recherche irakien, l’Ostiak

2

. Le gouvernement de la RĂ©publique 

islamique qui avait lui-mĂȘme essayĂ© de bombarder Ostiak Ă  deux reprises, mais sans 
succĂšs

3

, fut sans doute soulagé par ce développement

4

                      

 

1

 

IAEA, 

Implementation of the NPT Safeguards Agreement in the Islamic Republic of Iran

, Vienne, 

10 novembre 2003. 

2

 

Des bombardiers spĂ©ciaux F-16 Ă  longue portĂ©e et des renseignements de reconnaissance ainsi 

que des photos de satellite amĂ©ricaines avaient Ă©tĂ© utilisĂ©s pour le raid. 

3

 

D'aprĂšs les sources du CEA, je n’ai pas trouvĂ© de documentation publiĂ©e Ă  ce sujet. 

4

 

L’Irak avait achetĂ© ce rĂ©acteur de recherche  â€” extraordinairement large pour un rĂ©acteur de 

recherche (20-70 MW) â€” en 1976, Ă  la France. Ce rĂ©acteur trĂšs perfectionnĂ© Ă©tait capable 

d’irradier l’uranium pour produire des quantitĂ©s importantes de plutonium, mais cet uranium 

Ă©tait quasiment inutilisable en l’état, et impossible Ă  faire sortir du cƓur du rĂ©acteur. C’est 

l’achat de trois unitĂ©s d’extraction de plutonium d’Italie (

radiological shielded hot cells

) qui avait 

alarmĂ© les IsraĂ©liens. La France avait aussi fournit l’Irak avec 12,5 kg d’uranium trĂšs enrichi avec 

ce rĂ©acteur, ce qui pourrait ĂȘtre Ă  priori Ă  peine suffisant pour la fabrication d’une bombe 

nuclĂ©aire, mais quasiment impossible de retirer d’un tel rĂ©acteur d’aprĂšs diffĂ©rents spĂ©cialistes 

interviewĂ©s.  

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187 

Durant l’annĂ©e 1982,  l’Iran a aussi importĂ© 531 tonnes de concentrĂ© d’U

3

O

8

 naturel

1

Les conditions difficiles de la guerre, l’embargo international et l’isolement total du pays 
forcĂšrent alors le gouvernement Ă  orienter les activitĂ©s de recherche nuclĂ©aire vers des 
utilisations dĂ©sormais militaires. Les contraintes du systĂšme international et la politique 
bilatĂ©rale des États-Unis â€” y compris fournir des donnĂ©es de renseignements en temps rĂ©el 
Ă  l’Irak durant la guerre â€” forcĂšrent l’Iran Ă  considĂ©rer l’atome comme un moyen de 
dissuasion et de survie. Non seulement l’Iran n’avait plus de fournisseur d’armes 
conventionnelles Ă©tant donnĂ© l’embargo qui lui Ă©tait imposĂ©, mais le pays n’avait plus de 
moyens financiers pour maintenir les mĂȘmes forces militaires qu’à l’époque du Shah. C’est 
Ă  ce moment-lĂ  que la production et les exportations pĂ©troliĂšres connurent le creux le plus 
bas de son histoire depuis l’époque Mossadegh. Le chĂątiment imposĂ© Ă  l’Iran pour la 
nationalisation des sociĂ©tĂ©s pĂ©troliĂšres par le Shah Ă©tait mĂȘme plus sĂ©vĂšre que celui imposĂ© 
Ă  Mossadegh : cette fois, le changement de rĂ©gime s’accompagnait aussi d’une guerre. Mais 
le crime du Shah Ă©tait certainement plus rĂ©prĂ©hensible : non seulement il avait nationalisĂ© 
le pĂ©trole, mais il avait aussi amenĂ© l’OPEP Ă  corriger les prix internationaux. 

 

 

 

 

 

 

Le gouvernement de la RĂ©publique islamique fut contraint d'augmenter ses revenus 

pĂ©troliers pour financer les efforts de guerre. Mais la vente de pĂ©trole est devenue de plus 
en plus difficile lors des annĂ©es 80. Non seulement en raison de la guerre et de la 
destruction des installations, mais aussi en raison de la baisse de la demande du pĂ©trole et 
de l’augmentation de l’offre non-OPEP  â€” rĂ©sultat des initiatives amĂ©ricaines du cĂŽtĂ© de 
l’offre pour promouvoir des offres alternatives, et du cĂŽtĂ© de la demande, pour baisser la 

                      

 

1

 

DĂ©clarĂ© Ă  l’AIEA en 1990. Voir IAEA, 

Implementation of the NPT Safeguards Agreement in the Islamic 

Republic of Iran,

 Vienne, 10 novembre 2003. 

0

50

100

150

200

250

1948

1953

1958

1963

1968

1973

1978

1983

1988

1993

Index

 

Exportations pétroliÚres iraniennes : 1948-1996

Source:  International Financial Statistics, FMI 2003

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188 

consommation des pays industrialisĂ©s. Les bombardements irakiens du Kharg, le terminal 
principal des exportations pĂ©troliĂšres iraniennes, rĂ©duisirent les exportations du pays Ă  
150 000 barils par jour. À la veille de la guerre avec l’Irak, la production iranienne Ă©tait dĂ©jĂ  
tombĂ©e Ă  800 000 barils

1

. La part de l’Iran dans la production de l’OPEP est passĂ©e entre 

1978 et 1981 de 17 Ă  6 %

2

. L’Iran et l’Irak â€” deux des membres les plus importants de 

l’OPEP â€” s’affaiblissaient en s’entretuant et l’OPEP s’affaiblissait avec eux : le conflit Iran-
Irak avait dĂ©jĂ  atteint l’un de ses objectifs principaux ! 

Ramazani constate que bien que la communautĂ© internationale ait condamnĂ© l’agression 

de l’Irak contre le KoweĂŻt en 1991, « il y a eu manifestement une absence d’attention 
juridique en ce qui concerne l’usage flagrant de force militaire par l’Irak contre l’Iran le 
22 septembre 1980 Â»

3

. Et cela, selon lui, en raison de Â« considĂ©rations politiques, 

distorsions mĂ©diatiques, et prĂ©dispositions personnelles Â».

 

Cette injustice internationale, 

durant ce que l’Iran appelait la

 

« guerre imposĂ©e Â», a poussĂ© davantage le pays Ă  

l’autosuffisance en matiĂšre de dĂ©fense nationale. L’Irak, mis Ă  part l’utilisation des armes 
chimiques, avait aussi accĂšs Ă  plus de missiles et avec des portĂ©es plus longues. Il pouvait 
les utiliser contre les villes iraniennes ; un avantage qui Ă©tait amplifiĂ© par la supĂ©rioritĂ© en 
nombre de l'aviation irakienne

4

L’Iran utilisera 85 kg d’U

3

O

8

 naturelle importĂ©e entre 1982 et 1993 dans les laboratoires 

chimiques d’Ispahan pour diffĂ©rentes expĂ©rimentations. Entre 1982 et 1987, 12,2 kg d’UO

2

 

ont pu ĂȘtre produits en utilisant de l’U

3

O

8

. D’aprĂšs l’AIEA, entre 1989 et 1993, 10 kg d’UF

4

 

ont été produits au centre de recherche nucléaire de Téhéran

1

L’Iran essaya de contraindre le KoweĂŻt et les autres États de la  rĂ©gion Ă   arrĂȘter leur 

soutien Ă  l’Irak en attaquant des navires qui transportaient leur pĂ©trole vers les marchĂ©s 
internationaux. En 1987-1988, l’Iran visa Ă©galement le transport maritime dans le golfe 
Persique et les territoires de certains alliĂ©s des États-Unis pour les punir pour leur soutien Ă  

                      

 

1

 

OPEC, 

Annual Statistical Bulletin

, 1994. 

2

 

Ibid. 

3

 

Ramazani, R. K., Â« Who Started the Iran-Irak War? A Commentary Â», 

Virginia Journal of 

International Law

, automne 1992. 

4

 

Chubin, Shahram, « Iran’s Strategic Aims and Constraints Â», dans Clawson, Patrick, ed., 

Iran’s 

Strategic Intentions and Capabilities,

 McNair Paper 29, National Defense University, DC, 1994, p. 65-

70. 

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189 

l’Irak dans sa guerre contre l’Iran. En plus de la pression militaire, l’Iran a aussi soutenu les 
radicaux Chiites contre les rĂ©gimes du Golfe

2

. Pour Chubin aussi, c’est bien la guerre avec 

l’Irak et la position de faiblesse de l’époque de la RĂ©publique islamique qui auraient poussĂ© 
l’Iran Ă  envisager des moyens de dissuasion autochtone. 

« Ă‰tant donnĂ© le coĂ»t et la difficultĂ© pour trouver une paritĂ© dans les armes 

conventionnelles, ça pourrait ĂȘtre une bonne idĂ©e de considĂ©rer d’autres moyens pour 
dissuader les États plus avancĂ©s. En ce qui concerne l’Irak, il est clair que l’Iran ne 
pouvait pas se permettre d’autres surprises dans le futur. L’Iran aurait besoin des armes 
chimiques ne serait-ce que pour la dissuasion ; des missiles pour soutenir une armĂ©e de 
l’air qui mettra des annĂ©es pour ĂȘtre capable de dissuader les missiles ennemis [
] Â»

3

 

L’utilisation d’armes de destruction massive par l’Irak et l’embargo imposĂ© Ă  l’Iran : la 

nĂ©cessitĂ© de la dissuasion par moyens internes 

Lors de la prise du pouvoir en 1979, la RĂ©publique islamique avait dĂ©noncĂ© le 

programme nuclĂ©aire, comme symbole de dĂ©pendance vis-Ă -vis de l’étranger et comme 
moyen illĂ©gitime de dĂ©penser les richesses du pays. Nous avons vu que pendant les 
premiĂšres annĂ©es, elle apprĂ©ciait de pouvoir utiliser l’infrastructure de recherche nuclĂ©aire 
qui existait Ă  l’époque du Shah pour commencer Ă  chercher un moyen de dissuasion. Mais 
en 1984, la RĂ©publique islamique fit un retour impressionnant sur sa position publique 
concernant l’énergie nuclĂ©aire en prenant la dĂ©cision de relancer les travaux des centrales 
de Boushehr ; un projet beaucoup plus visible et coĂ»teux que les activitĂ©s de recherche. Les 
critĂšres idĂ©ologiques avaient dĂ©jĂ  changĂ© Ă©tant donnĂ©es les leçons du passĂ© rĂ©cent. Il y avait 
aussi une considĂ©ration d’ordre intĂ©rieur pour justifier cette dĂ©cision. En effet, le nouveau 
pouvoir s’était aperçu qu’il n’avait aucun projet public de grande envergure. Le zĂšle 
rĂ©volutionnaire s’effritait, et la RĂ©publique islamique n'avait que la guerre et la baisse de 
niveau de vie, Ă  offrir aux citoyens. « C’est lĂ  oĂč le gouvernement commença Ă  sortir un 
par un les programmes de l’époque du Shah et Ă  les remettre d’actualitĂ© [
] nous n’avions 

                                                                    

 

1

 

IAEA, 

Implementation of NPT Safeguards Agreement in the Islamic Republic of Iran

, Vienne, 24 fĂ©vrier 2004 

et 1 juin 2004. 

2

 

Ibid., p. 12. 

3

 

Chubin, Shahram, « Iran’s Strategic Aims and Constraints Â»,  dans Clawson, Patrick, ed., 

Iran’s 

Strategic Intentions and Capabilities,

 McNair Paper 29, National Defense University, DC, 1994, p. 71. 

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190 

rien de nouveau ou de diffĂ©rent Ă  montrer, et il y avait urgence Ă  faire quelque chose 
quand mĂȘme Â»

1

, prĂ©cise un haut fonctionnaire du ministĂšre du Plan de l’époque. L’autre 

raison de ce dĂ©veloppement Ă©tait que, sans un programme civil, le gouvernement pouvait 
difficilement justifier ses activitĂ©s de recherche. C’est Ă  ce moment-lĂ  que le programme 
civil de l’Iran assumera un deuxiĂšme rĂŽle : fournir une justification pour les programmes 
de recherche. 

Mais Ă  cette occasion l’Allemagne de l’Ouest refusa de reprendre les travaux de 

Boushehr, sous prĂ©texte que l’Iran Ă©tait en guerre avec l’Irak. Ceci n’était qu’un prĂ©texte, 
car l’Iran n’était pas le seul pays Ă  qui les Allemands refusaient, Ă  cette Ă©poque, de vendre 
leur technologie : depuis 1978, l’Allemagne n’avait voulu accepter aucune commande de 
rĂ©acteur. Pendant cette mĂȘme pĂ©riode le gouvernement allemand n’avait pas pu donner 
son autorisation Ă  KWU pour nĂ©gocier avec le Pakistan non plus. Les États-Unis, eux 
avaient rĂ©ussi, en partie grĂące au Club de Londres, Ă  mettre fin Ă  la quasi-totalitĂ© des 
exportations européennes de centrales nucléaires à la fin des années 1970

2

. L’Irak 

commença Ă  bombarder Boushehr identifiĂ© dĂ©sormais comme une cible stratĂ©gique dĂšs 
1984. Ces bombardements seront rĂ©pĂ©tĂ©s en fĂ©vrier et avril 1985  â€” puis en juillet et 
novembre 1987, et juillet 1988

3

. DĂšs 1984, l’Irak avait dominĂ© la guerre aĂ©rienne et en 

profitait pour bombarder TĂ©hĂ©ran. L’Iran rĂ©pondait en utilisant les missiles Ă  courte 
portĂ©e : Bagdad n’étant pas trop loin de la frontiĂšre Iran-Irak

4

. Ce fut aussi l’occasion pour 

la RĂ©publique islamique de faire l’apprentissage de l’utilitĂ© des missiles Ă  courte et 
moyenne portĂ©e qui coĂ»tent beaucoup moins cher que les avions et qui ne nĂ©cessitent pas 
de piĂšces de rechange. 

La RĂ©publique islamique rĂ©ussira en revanche Ă  obtenir l’assistance de la Chine pour la 

crĂ©ation d’un nouveau centre de recherche nuclĂ©aire Ă  Ispahan pendant la mĂȘme annĂ©e

1

 et 

Ă  commander la construction, au Centre de Technologies NuclĂ©aires d’Ispahan, d’un 

                      

 

1

 

Entretien avec un ancien haut fonctionnaire du ministĂšre du Plan durant les premiĂšres annĂ©es de 

la rĂ©volution, Ă  Washington en 2003. 

2

 

MĂŒller, Harald & Schlupp, Christian, « Nuclear Decision-making in the Federal Republic of 

Germany Â», 

How Western Nuclear Policy is Made: Deciding on the Atom

, McMillan, Basingstoke, 1991, 

p. 74. 

3

 

L’AIEA avait ignorĂ© Ă  cette Ă©poque la demande de soutien de la RĂ©publique islamique (source: 

CEA, Paris). 

4

 

Chubin, Shahram, 

Iran’s National Security Policy: Intentions, Capabilities and Impact

, Carnegie 

Endowment, Washington DC, 1994, p. 21. 

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191 

laboratoire de fabrication de combustible

2

. La Chine n’était tenue, ni par le TNP ni par les 

arrangements du Club de Londres, Ă  limiter ses coopĂ©rations nuclĂ©aires. C’est au cours de 
cette mĂȘme annĂ©e que l’usine d’enrichissement pakistanaise entra en activitĂ©. 

Un accord bilatĂ©ral a aussi Ă©tĂ© signĂ© en 1985 entre l’Iran et la Chine pour la formation 

d’une quinzaine d’ingĂ©nieurs nuclĂ©aires iraniens en Chine en vue de la conception de 
réacteurs

3

. C’était encore la difficultĂ© de traiter avec les Ă©trangers  â€” les mĂȘmes que la 

RĂ©publique islamique avait dĂ©noncĂ©s Ă  peine cinq ans avant â€” qui poussait l’Iran Ă  
dĂ©velopper des compĂ©tences intĂ©rieures. IsraĂ«l et les États-Unis continuaient Ă  fournir les 
armes indispensables pour faire durer la guerre entre l’Iran et l’Irak. En aoĂ»t et septembre 
1985, IsraĂ«l envoya 504 missiles TOW Ă  l’Iran. En novembre de la mĂȘme annĂ©e 18 missiles 
anti-avion HAWK furent livrĂ©s directement par la CIA Ă  l’Iran, mais ils auraient Ă©tĂ© rejetĂ©s 
pour des raisons techniques. Le 17 fĂ©vrier 1986, les États-Unis envoyĂšrent 500 autres 
missiles TOW Ă  l’Iran en passant encore par IsraĂ«l, puis 500 de plus en 27 fĂ©vrier, 508 en 
mai, et encore 500 en octobre

4

. Les États-Unis armaient comme nous l’avons dit les deux 

cĂŽtĂ©s, mais fournissaient aussi des donnĂ©es de renseignements Ă  l’Irak, leur but Ă©tant de 
maintenir un Ă©quilibre dans le conflit, sans vainqueur, mais avec le plus de destructions et 
d’affaiblissement possibles. Avec la baisse de production des deux grands de l’OPEP, 
compensĂ©e par le dĂ©veloppement rapide des sources non-OPEP durant les mĂȘmes annĂ©es, 
l’ordre pĂ©trolier inconvenant imposĂ© par l’OPEP en 1974 allait changer : un dĂ©veloppement 
indispensable pour la survie de l’ordre capitaliste mondial qui repose sur la fourniture d’un 
pĂ©trole bon marchĂ©. 

DĂšs 1985, il devint Ă©vident que la rĂ©volution iranienne perdait suffisamment de force 

pour ne plus pouvoir dĂ©stabiliser les gouvernements riches traditionnels de la rĂ©gion. 
L’Arabie Saoudite prit alors des mesures discrĂštes pour se rapprocher de l’Iran. Son 
ministre des Affaires Ă©trangĂšres, Saoud Bin Faysal, se rendit en Iran en 25 mai 1985

5

. Ce 

rapprochement Ă©tait partie intĂ©grante d’une forme de rapprochement avec les États-Unis. 

                                                                    

 

1

 

MEDNEWS,

 8 juin 1992. 

2

 

Ceci a Ă©tĂ© formellement dĂ©clarĂ© Ă  l’AIEA en 1998. Voir IAEA, 

Implementation of the NPT Safeguards 

Agreement in the Islamic Republic of Iran

, Vienne, 10 novembre 2003. 

3

 

Nucleonics Week

, 5 fĂ©vrier 1991. 

4

 

Inouye, Daniel K. & Hamilton, Lee. H., 

Report of the Congressional Committees Investigating the Iran-

Contra Affair,

 Times Books, New York, 1988, p xix. 

5

 

American Hegemony and World Oil

, p. 227. 

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192 

Le gouvernement rĂ©volutionnaire avait toujours besoin de piĂšces de rechange pour ses 
Ă©quipements militaires dans sa position d’infĂ©rioritĂ© face Ă  l’Irak qui utilisait des armes de 
destruction massive contre la population iranienne. Les otages amĂ©ricains au Liban 
servirent une fois encore de monnaie d’échange : armements et piĂšces de rechange contre 
la libération des otages

1

De 1984 Ă  1986, l’Irak utilisa des armes chimiques de destruction massive contre les 

populations civiles en Iran pendant que les Ă‰tats-Unis lui fournissaient des renseignements 
en temps rĂ©el et que la communautĂ© internationale se dĂ©sintĂ©ressait de la situation. Dans 
ces conditions de faiblesse, le gouvernement iranien prit la dĂ©cision en 1985 de poursuivre 
un programme d’enrichissement d’uranium. Son voisin pakistanais Ă©tait sur le point 
d’atteindre le seuil nuclĂ©aire grĂące Ă  un programme similaire, et son voisin irakien, soutenu 
par les États-Unis, continuait Ă  gazer ses populations. Les motifs du gouvernement pour 
poursuivre des recherches nuclĂ©aires sur les technologies de double utilisation â€” bien que 
lĂ©gales et dans le cadre du TNP â€” Ă©taient basĂ©s sur ces deux facteurs. DĂšs 1986, certains 
mĂ©dias Ă©voquaient une coopĂ©ration nuclĂ©aire secrĂšte entre l’Iran et le Pakistan. 

En 1987, l’Irak bombarda de nouveau le site de Boushehr sous prĂ©texte de la reprise par 

l’Iran de son programme nuclĂ©aire. L’Iran chercha l’aide d’un consortium de sociĂ©tĂ©s 
allemande, espagnole et argentine pour la reconstruction du site de Boushehr mais en 

                      

 

1

 

Tel que dĂ©crit dans Bill, James A., 

The Eagle and the Lion: the Tragedy of American-Iranian Relations

,

 

Yale 

University Press, New Haven, 1988, p. 306-315, et Tower, John, Muskie, Edmond, et Scowcroft, 

Brent, 

The Tower Commission Report

, Bantam Books, 

New

 York, 1987. Ceci avait Ă©tĂ© orchestrĂ© par le 

Conseil National de Sécurité (

National Security Council, NSC) 

avec la coopĂ©ration de la CIA et 

l’approbation du prĂ©sident Reagan. Le but Ă©tait de vendre Ă  l’Iran les piĂšces de rechanges qui lui 

manquaient cruellement afin d'obtenir sa coopĂ©ration dans la libĂ©ration des otages amĂ©ricains 

au Liban. Ce plan avait Ă©tĂ© initiĂ© sous la direction de Robert McFarlane, mais il fut poursuivi par 

son remplaçant Ă  la tĂȘte du NSC, le vice-amiral John M. Poindexter assistĂ© du Lt. Colonel Oliver 

North. Le 25 mai 1986, McFarlane, North, Howard Teicher, le conseiller du Moyen-Orient au 

NSC, Amir Nir, un IsraĂ©lien, et George Cave, le spĂ©cialiste de l’Iran Ă  la CIA se sont rendus Ă  

TĂ©hĂ©ran pour l’échange des armes contre les otages. 

 

La libĂ©ration des otages contre les armes, alliait avantages gĂ©opolitiques et raisons de politique 

intĂ©rieure pour le prĂ©sident Reagan qui semblait impuissant Ă  rĂ©soudre cette crise d'une autre 

maniĂšre. La premiĂšre raison stratĂ©gique de l’ouverture vers l’Iran Ă©tait la prĂ©occupation de la 

Maison Blanche face au pouvoir soviĂ©tique dans la rĂ©gion. Le rapport du NSC en juin 1985 avait 

soulignĂ© la menace de l’Union soviĂ©tique pour l’Iran et les intĂ©rĂȘts amĂ©ricains dans la rĂ©gion. Ce 

point de vue Ă©tait renforcĂ© par les conseillers du PrĂ©sident, en particulier Donald Regan, et les 

IsraĂ©liens en faveur d'un rapprochement. La deuxiĂšme raison stratĂ©gique Ă©tait le danger de 

l’exportation de la rĂ©volution iranienne Ă  des pays conservateurs voisins. Les États-Unis Ă©taient 

particuliĂšrement prĂ©occupĂ©s par la stabilitĂ© de l’Arabie Saoudite, le pays qui Ă  l’époque dĂ©tenait 

un quart des rĂ©serves mondiales et qui Ă©tait le plus grand producteur du pĂ©trole. 

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193 

vain

1

. L’Irak bombarda Ă  trois autres reprises en 1987 le site de Boushehr prĂ©textant le 

transfert par l'Iran de certains matĂ©riels sous contrĂŽle. L’Iran essaya en vain de faire 
condamner l’Irak par l’AIEA, prĂ©tendant que ces rĂ©acteurs n’étaient pas terminĂ©s et ne 
contenaient pas de combustible nuclĂ©aire ; l’AIEA ne mit aucune mesure de sauvegarde en 
application, maintenant qu’elle n’avait pas de juridiction pour ce cas. Devenu sensible aux 
aspects discriminatoires du rĂ©gime de non-prolifĂ©ration, l’Iran refusa de signer la 
Convention sur la Protection Physique des MatĂ©riaux NuclĂ©aires, Ă©tant donnĂ© le privilĂšge 
que cette convention accordait aux États nuclĂ©aires. 

En 1987, l’Iran signa aussi un accord avec l’Argentine pour la fourniture d’uranium 

enrichi Ă  20 % destinĂ© au rĂ©acteur de recherche de TĂ©hĂ©ran

2

. Mais l’Argentine renonça Ă  

cette vente sous la pression bilatĂ©rale des États-Unis. C’est aussi au cours de cette mĂȘme 
annĂ©e, et en position de faiblesse dans une guerre, qui verra trĂšs bientĂŽt l’implication 
directe des États-Unis, que l’Iran a pu obtenir des conceptions de centrifugeuses pour 
enrichir de l’uranium. L’annĂ©e prĂ©cĂ©dente, le Pakistan, avec l’accord tacite des États-Unis, 
avait pu enrichir de l’uranium et en accumuler suffisamment, d’aprĂšs les services de 
renseignements amĂ©ricains, pour fabriquer quelques bombes. Lors de la mĂȘme annĂ©e, 
l’Iran acheta aussi un calutron

3

 Ă  la Chine

4

 qu’un responsable qualifiait de miniature

 (desk-

top sized)

 et Â« [
] qui faisait partie de l’accord, quand la Chine fournissait Ă   l’Iran le 

rĂ©acteur de 27 MW pour Ispahan. Ce calutron servait Ă  produire des isotopes stables qui 
pourraient ĂȘtre irradiĂ©s dans le rĂ©acteur en question et convertis en matiĂšre radioactive 
utilisĂ©e pour la recherche et la mĂ©decine Â»

5

. La RĂ©publique islamique continua ses efforts 

pour ressusciter ses activitĂ©s nuclĂ©aires dans un environnement international Ă  la fois 
hostile Ă  toute coopĂ©ration dans ce domaine et Ă  l’idĂ©e d’un Iran nuclĂ©aire. 

Au printemps 1988, le conflit Iran-Irak entra dans sa phase de « guerre des villes Â». Les 

deux adversaires tirĂšrent des missiles sur les capitales ennemies. L’Irak avait la supĂ©rioritĂ© 

                      

 

1

 

Il y avait des rumeurs disant que KWU voulait utiliser ses parts minoritaires dans une 

entreprise nuclĂ©aire argentine pour aider l’Iran Ă  complĂ©ter les centrales de Boushehr, Ă©chappant 

ainsi au contrĂŽle du gouvernement allemand. 

2

 

Spector, Leonard, « Nuclear Proliferation in the Middle East Â», 

Orbis, 

printemps 1992, p. 186-87. 

3

 

SĂ©parateur Ă©lectromagnĂ©tique d’isotope, tel qu’utilisĂ© massivement par l’Irak dans son 

programme d’enrichissement Ă  Tarmiya (voir Rhodes, 

Making of the Atomic Bomb)

 p. 486-492. 

4

 

Nuclear Fuel,

 12 septembre 1991. 

5

 

Bulletin of the Atomic Scientists

, mars 1992, p. 10. 

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194 

dans le nombre et l’usage de missiles (190 missiles Scud tirĂ©es contre 75 par l’Iran

1

). 

Durant cette phase, les États-Unis s’engagĂšrent directement dans la guerre contre l’Iran 
surtout pour protĂ©ger le libre passage des pĂ©troliers dans le golfe Persique. En juillet 1988, 
le navire de guerre amĂ©ricain 

Vincennes 

tira sur un avion civil iranien, tuant les 

290 passagers

2

. Ce signal a marquĂ© la fin de la guerre Iran-Irak. Avec l’engagement direct 

des États-Unis, le dĂ©fi est devenu d’une taille ingĂ©rable pour l’Iran. Pendant la guerre, le 
rĂŽle des forces maritimes Ă©tait d’attaquer les pĂ©troliers transportant du pĂ©trole arabe, en 
reprĂ©sailles contre  les attaques irakiennes sur les navires et l’infrastructure des pĂ©troliers 
iraniens. Autrement dit, les iraniens ont cherchĂ© Ă  dĂ©stabiliser l’une des structures 
secondaires du pouvoir, selon Strange â€” la structure de transport â€” pour Ă©largir l’impact 
de la guerre en affectant la provision pĂ©troliĂšre de l’Occident. Mais c’était un acte de 
dĂ©sespoir. Quand les forces amĂ©ricaines commencĂšrent Ă  activement dĂ©fendre le transport 
maritime de pĂ©trole dans le golfe Persique, les iraniens commencĂšrent Ă©galement Ă  les 
combattre, avec les moyens qu’ils possĂ©daient. Mais ils furent totalement inefficaces contre 
les forces navales impressionnantes des États-Unis. Eric Arnett

3

 maintient que ce fut le 

facteur dĂ©cisif qui mit fin Ă  la guerre Iran-Irak. L’Iran finit par accepter la rĂ©solution des 
Nations unies pour le cessez-le-feu. 

L’Irak accrut en 1988 l'utilisation de cyanure et gaz de moutarde contre la population 

iranienne. LĂ  encore, il n’y a eu aucune dĂ©nonciation au niveau international de l’utilisation 
des armes de destruction massive. C’est aussi dans ces conditions que Rafsandjani, qui Ă©tait 
alors Ă  la tĂȘte du parlement iranien dĂ©clara, en octobre1988 : 

« Concernant les armes chimiques, bactĂ©riologiques et radiologiques, il est devenu 

clair pendant la guerre, que ces armes Ă©taient dĂ©cisives. C’est clair aussi, que les 
enseignements moraux du monde ne sont pas trĂšs efficaces, quand la guerre atteint un 
certain degrĂ©, que le monde ne respecte plus ses propres rĂ©solutions et ferme les yeux 
sur les violations et agressions qui se font dans les batailles [
] Nous devrons nous 
Ă©quiper, Ă  la fois pour l’usage offensif et dĂ©fensif, des armes chimiques, bactĂ©riologiques 

                      

 

1

 

Iran’s National Security Policy

, p. 21. 

2

 

Iran’s Nuclear Weapons Options

, p. 103. 

3

 

Arnett, Eric, 

Iran, Threat Perception and Military Confidence-Building Measures

, SIPRI, 1997. 

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195 

et radiologiques. Prenez dĂ©sormais l’opportunitĂ© prĂ©sente et accomplissez cette 
tĂąche ! Â»

1

 

C’est le premier discours public de la RĂ©publique islamique Ă  propos de la nĂ©cessitĂ© 

d’acquĂ©rir des armes nuclĂ©aires. Il ne faut pas oublier que Rafsandjani Ă©tait Ă  l'Ă©poque 
candidat Ă  la prĂ©sidence et que ce type de discours, de la part d’un gouvernement battu, a 
pu largement servir pour son Ă©lection. Quelques mois plus tard, en fĂ©vrier 1989, l’amiral 
Thomas E. Brooks, directeur du bureau de renseignements navals des États-Unis, a dĂ©clarĂ© 
au CongrĂšs que l’Iran « poursuivait activement Â» un programme nuclĂ©aire, sans donner de 
détails

2

. Spector soutient que lors d'entretiens avec des autoritĂ©s amĂ©ricaines, on lui avait 

affirmĂ© que l’Iran avait crĂ©Ă© un rĂ©seau clandestin d'acquisition des matĂ©riels et de 
technologie nuclĂ©aire en provenance de l’Europe. Ces autoritĂ©s affirmaient Ă©galement que 
l’Iran avait un programme de recherche sur la production des matĂ©riaux fissiles Ă  l’usage 
militaire. D’aprĂšs les sources de M. Spector, cette recherche se faisait, Ă  Ghazvine, sous le 
contrĂŽle des gardes rĂ©volutionnaires et non pas de l’OEAI

3

La fin de la guerre avec l’Irak fut suivie par la mort de l’Ayatollah Khomeiny l’annĂ©e 

suivante. D'oĂč une amĂ©lioration des relations irano-amĂ©ricaines marquĂ©e par le fait que le 
prĂ©sident Bush indiqua la possibilitĂ© d’une ouverture vers l’Iran si ce dernier aidait Ă  la 
libération des otages au Liban

4

. Les iraniens saisirent cette occasion anticipant un 

rapprochement avec les États-Unis des et une rĂ©compense de leur part. La plupart des 
otages furent relĂąchĂ©s, mais il n’y a eu aucune contrepartie. 

Entre 1984 et 1991, l’Iran a acquis deux fois moins d’armes (16,1 milliards de dollars) 

que l’Irak (35 milliards de dollars) et trois fois moins que l’Arabie Saoudite (63,6 milliards 
de dollars

5

), ce qui le laissa en position de faiblesse dans la rĂ©gion. Les dĂ©penses militaires 

de l’Iran n’étaient plus de mĂȘme ampleur qu’à l’époque Pahlavi : 16,6 % de PNB en 1978 
contre Ă  2,2 % en 1990

6

                      

 

1

 

Orbis, 

printemps 1992, p. 187. (FBIS Daily Report, 7 octobre 1988). 

2

 

Ibid., et 

Testimony of Rear Admiral Thomas E. Brooks, before the Subcommittee on Seapower, Strategic, and 

Critical Materials of the Committee on Armed Services, US House of Representatives

, 22 fĂ©vrier 1989. 

3

 

Ibid., p. 188. 

4

 

En 20 Janvier 1989, « goodwill begets goodwill Â», voir Kemp, 

Iran’s Nuclear Weapons Options

, p. 103. 

5

 

Chubin, « 

Iran’s Strategic Aims and Constraints

 Â», p. 73. 

6

 

Ibid., p. 88. 

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196 

Depuis la fin de la guerre avec l’Irak, l’Iran a cherchĂ© Ă  ressusciter son programme 

nuclĂ©aire civil. En raison des pressions  exercĂ©es par les États-Unis sur l’Allemagne, la 
France, l’Inde et l’Argentine, il s'est tournĂ©e vers la Russie et la Chine et ressent l'action des 
États-Unis pour l’empĂȘcher d’avoir accĂšs Ă  la technologie nuclĂ©aire civile, comme 
discriminatoire et contraire aux promesses du TNP, notamment de son article 4. Il 
percevait la politique amĂ©ricaine comme arbitraire, l’isolant en tant que membre du TNP, 
alors que ceux-ci ignorent la non-adhĂ©sion d’IsraĂ«l au TNP et ses stocks de bombes 
nuclĂ©aires. Depuis le dĂ©but  des annĂ©es 1990, l’Iran a mis l’accent sur son droit Ă  la 
technologie nuclĂ©aire pour l’usage civil. Depuis, le pays prĂ©voit toujours la fourniture de 10 
Ă  20 % de son Ă©lectricitĂ© par l’énergie nuclĂ©aire. 

La fin de la guerre froide et le dĂ©but des nouvelles alliances 

La fin de la guerre froide n’a pas amĂ©liorĂ© la sĂ©curitĂ© de l’Iran. Les États-Unis, le pays 

que la RĂ©publique islamique avait dĂ©noncĂ© depuis sa prise de pouvoir en 1979, sont 
devenus dĂ©sormais le pouvoir hĂ©gĂ©monique unique dans le monde, sans le contre-pouvoir 
soviĂ©tique, et sont mieux Ă  mĂȘme de rĂ©gler leur longue confrontation avec la RĂ©publique 
islamique

1

. MĂȘme si avec la chute de l’Union soviĂ©tique, une menace importante pesant 

sur la sĂ©curitĂ© de l’Iran a disparu, la diminution de la force soviĂ©tique au nord a Ă©tĂ© 
compensĂ©e par une prĂ©sence plus forte des États-Unis au sud. Pendant la guerre froide, la 
menace potentielle que reprĂ©sentait l’Union soviĂ©tique pour l’Iran Ă©tait contrĂ©e par les 
États-Unis pour des raisons liĂ©es Ă  l’équilibre des pouvoirs entre superpuissances. Avec 
l’éclatement de l’ex-Union soviĂ©tique, l’Iran s'est retrouvĂ© au nord, au moins pendant une 
pĂ©riode de transition, avec des États, politiquement instables. La RĂ©publique islamique 
privilĂ©gia ses relations avec la Russie â€” qui pouvait lui fournir armes et technologie â€” au 
dĂ©triment d’une relation potentielle avec les 50 millions de musulmans de l’ex-Union 
soviĂ©tique.  

Avec l’émergence des États-Unis comme pouvoir hĂ©gĂ©monique unique, la dissuasion 

d’une intervention Ă©ventuelle de ceux-ci incombait Ă  l’Iran seul. Si, Ă  la fin de rĂ©gime du 

                      

 

1

 

Hannah, John, p. « Evolving Russian Attitudes Towards Iran Â», dans Clawson, Patrick, ed., 

Iran’s 

Strategic Intentions and Capabilities,

 McNair Paper 29, National Defense University, DC, 1994, p. 57. 

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197 

Shah, les relations avec les États-Unis avaient commencĂ© Ă  se dĂ©grader, la RĂ©publique 
Islamique s’était positionnĂ©e d’emblĂ©e et de maniĂšre trĂšs visible contre l'hĂ©gĂ©monie 
amĂ©ricaine. La fin de la guerre froide et la disparition de l’ordre bipolaire amenĂšrent la 
nĂ©cessitĂ© de crĂ©er un contre-pouvoir Ă  la prĂ©sence des États-Unis dans la rĂ©gion en gĂ©nĂ©ral 
et dans le golfe Persique en particulier, de mĂȘme que de dissuader la Russie et de faire 
alliance avec elle. L’Iran a mis huit ans Ă  combattre l’Irak, sans succĂšs flagrant. Deux ans et 
demi plus tard, les forces alliĂ©es ont pu dĂ©stabiliser l’armĂ©e de Saddam Hussein en 
quelques semaines. Pour l’Iran, cela aurait dĂ» ĂȘtre la preuve de l’inutilitĂ© de ses forces 
affaiblies face à une menace extérieure similaire

1

L’invasion du KoweĂŻt par l’Irak avait dĂ©montrĂ© que l’utilisation de la force demeurait 

une stratĂ©gie rĂ©aliste pour certains pays de la rĂ©gion. Le dĂ©mantĂšlement de l’Union 
soviĂ©tique mit fin au soutien politique de celle-ci de mĂȘme qu’à sa fourniture d’armement 
aux pays de la rĂ©gion. L’indisponibilitĂ© des armes conventionnelles, leur coĂ»t exorbitant, et 
leur inefficacitĂ© relative dĂ©montrĂ©e lors de la guerre du Golfe, fournirent une meilleure 
raison Ă  la RĂ©publique islamique pour obtenir des armes nuclĂ©aires en vue de dissuader les 
États-Unis ou IsraĂ«l

2

Les premiers contrats avec de nouveaux partenaires 

Les nouveaux partenaires nuclĂ©aires et de dĂ©fense de l’Iran sous la RĂ©publique islamique 

sont des  pays de l’ancien bloc communiste, notamment la Chine et la Russie. L’embargo 
des États-Unis Ă©tait une des raisons pour laquelle l’Iran s’était tournĂ© vers le bloc de l’est. 
L’autre raison Ă©tait que les États-Unis ne pouvaient pas exercer la mĂȘme pression sur la 
Chine et l’Inde que sur les autres pays. La Russie, quant Ă  elle, avait adoptĂ© une politique 
de bon voisinage avec les États de la rĂ©gion comme suite Ă  la chute de l’Union soviĂ©tique. 
Cela impliquait une coopĂ©ration Ă©conomique avec ces pays, coopĂ©ration qui, Ă©tant donnĂ© 
l’état financier de la Russie, lui Ă©tait indispensable. La coopĂ©ration nuclĂ©aire avec l’Iran sera 
aussi source de doubles revenus pour la Russie. CĂŽtĂ© iranien, les recettes venaient des 

                      

 

1

 

Chubin, Shahram, 

Iran’s National  Security Policy: Intentions, Capabilities and Impact

, Carnegie 

Endowment, Washington DC, 1994, p. IX. 

2

 

Chubin, Shahram, 

The

 

Middle East and Proliferation

 (manuscrit non-publiĂ©), 1994. 

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198 

ventes du rĂ©acteur et de technologies nuclĂ©aires, et du cĂŽtĂ© amĂ©ricain, des aides financiĂšres 
pour inciter la Russie Ă  remettre constamment Ă  plus tard l’achĂšvement des travaux. 

Le contrat initial entre l’Iran et la Russie pour la reconstruction des deux rĂ©acteurs de 

Boushehr â€” et la construction de deux autres rĂ©acteurs â€” date de 1990

1

. En mars 1990, la 

RĂ©publique islamique signe un accord de principe avec l’Union soviĂ©tique pour l’achat de 
deux centrales de 440 MW. Mais cet accord ne fut pas finalisĂ© avant septembre 1992

2

. Le 

retard pour la rĂ©alisation de ce contrat a Ă©tĂ© expliquĂ© par des problĂšmes « techniques et 
financiers Â». Durant la mĂȘme annĂ©e, l’Iran et la Chine signĂšrent un accord de coopĂ©ration 
de dix ans pour le transfert de technologie nucléaire

3

 et la vente d’un rĂ©acteur de 30 MW

4

La Chine avait Ă©tĂ© l'un des fournisseurs d’armes de l’Iran pendant la guerre de 1980-88

5

Elle devait originellement vendre deux rĂ©acteurs Ă  l’Iran, mais la rĂ©duction Ă  un seul avait 
pour but de rĂ©duire la rĂ©sistance amĂ©ricaine Ă  cette vente. 

Dans les annĂ©es 90, la Chine entretint des relations militaires avec l’Iran, plus 

importantes qu'avec le Pakistan et la CorĂ©e du Nord. La Chine a vendu Ă  l’Iran des milliers 
de chars, piĂšces d’artillerie, plus de cent avions et des douzaines de navires militaires, aussi 
bien que  des systĂšmes et technologies de missiles, y compris balistiques

6

, ceci jusqu’en 

1997, annĂ©e oĂč la Chine sembla cĂ©der Ă  la pression amĂ©ricaine, du moins en ce qui 
concerne la technologie des missiles et l’assistance nuclĂ©aire. 

En janvier 1991, l’Iran lançait un programme de fabrication de missiles Ă  longue portĂ©e. 

En juin, le gouvernement allemand qui dĂ©sormais exigeait des sauvegardes complĂštes pour 
tous ses rĂ©acteurs vendus, dĂ©clara qu’il ne permettra pas au KWU de complĂ©ter les 
réacteurs de Boushehr

7

. En  octobre, la France versa 1 milliard de dollars Ă  la RĂ©publique 

islamique pour le remboursement du prĂȘt consenti en 1974 par le Shah Ă  la France pour 
participer au capital d’Eurodif. Le remboursement de ce prĂȘt n’a pas Ă©tĂ© sans problĂšme, Ă  
cause du refus de la France de reconnaĂźtre la RĂ©publique islamique comme un 

                      

 

1

 

Koch, Andrew, Wolf, Jeanette, « Iran’s Nuclear Procurement Programme: How Close to the 

Bomb? Â», 

Nonproliferation Review

, no. 5, automne 1997, p. 126-127. 

2

 

Clawson, Patrick, « Iran’s Challenge to the West: How, When, and Why Â», 

Policy Papers, 

no. 33, 

The Washington Institute for Near East Policy, Washington, DC, 1993, p. 62. 

3

 

New York Times, 

11 septembre 1992. 

4

 

MEED, 

6 juillet 1990. 

5

 

New York Times, 

16 dĂ©cembre 1991. 

6

 

Iran’s National Security Policy

, p. 62. 

7

 

Nucleonics Week

, 4 juillet 1991. 

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199 

interlocuteur juridiquement acceptable pour percevoir le remboursement d’un prĂȘt du 
gouvernement Pahlavi. Elle finira par cĂ©der, Ă  la suite des actes terroristes orchestrĂ©s par la 
RĂ©publique islamique Ă  Paris. 

Pendant la guerre du Golfe, l’Iran sert de refuge aux avions irakiens qui s’échappaient 

des batailles qu’ils n’auraient jamais pu gagner, avions que l’Iran n’a jamais retournĂ©s Ă  
l’Irak. Les iraniens espĂ©raient aussi que leur posture 

de facto

 Â« pro-coalition Â» serait vue 

comme un acte de rapprochement et rĂ©compensĂ©e par les États-Unis

1

. Dans son fameux 

discours Ă  la fin du conflit, George Bush prĂ©senta quatre dĂ©fis au « nouveau Â» Moyen-
Orient dans « le nouvel ordre mondial Â» : mise en place d’accords de sĂ©curitĂ© partagĂ©s, 
contrĂŽle des armes de destruction massive, promotion d’une paix globale arabo-israĂ©lienne, 
et du dĂ©veloppement Ă©conomique de la rĂ©gion. Ces objectifs sont devenus partie intĂ©grante 
de la pierre angulaire de la ConfĂ©rence de Paix de Madrid de novembre 1991. Mais malgrĂ© 
ses prises de position pendant la guerre et ses efforts depuis pour effacer l’image nĂ©gative 
de la pĂ©riode postrĂ©volutionnaire, l’Iran n’a pas Ă©tĂ© invitĂ© Ă  cette confĂ©rence. La nation n’a 
pas Ă©tĂ© consultĂ©e et est restĂ©e en dehors des nĂ©gociations. Le choix qui lui restait a Ă©tĂ© 
d’organiser une rĂ©union des États radicaux opposĂ©s Ă  la ConfĂ©rence de Madrid

2

. Les 

signaux des deux cĂŽtĂ©s sont restĂ©s assez mitigĂ©s pendant cette pĂ©riode. Le prĂ©sident 
Rafsandjani Ă©tait considĂ©rĂ© plus pragmatique que l’Ayatollah Khomeiny, mais le passĂ© 
rĂ©cent de l’Iran discrĂ©ditait les efforts de son gouvernement pour ouvrir les voies d'une 
nĂ©gociation en vue d'une intĂ©gration dans le systĂšme international. 

À la suite de la guerre du Golfe, les États-Unis et d’autres puissances occidentales ont 

vendu des Ă©quipements sophistiquĂ©s Ă  un nombre important d’États du Golfe, ce qui a 
donnĂ© Ă  l’Iran â€” la superpuissance de la rĂ©gion Ă  l’époque du Shah â€” une gĂ©nĂ©ration de 
retard, mĂȘme par rapport Ă  l’Arabie Saoudite qui Ă  cette Ă©poque n’avait qu’une fraction de 
la puissance aĂ©rienne du Shah. AprĂšs la guerre du Golfe, l’engagement direct des États-
Unis dans la rĂ©gion a considĂ©rablement augmentĂ©, et ses forces se sont intensifiĂ©es, en 
1990, 1992, 1994, 1998, 2002 et 2003

1

. Depuis la fin de la guerre du Golfe, quelques 

20 000 soldats amĂ©ricains sont prĂ©sents Ă  la frontiĂšre maritime sud de l’Iran. L’analyse de 

                      

 

1

 

Iran’s Nuclear Weapons Options,

 p. 104. 

2

 

Ibid., p. 104. 

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200 

Chubin Ă  l’époque concluait que « pour des États comme la Syrie et l’Iran, la fin de la 
guerre froide pouvait ĂȘtre le dĂ©but d’une nouvelle Ă©poque d'insĂ©curitĂ©, avec les États-Unis 
comme seul pouvoir non Ă©quilibrĂ©, interventionniste et discriminatoire dans ces 
politiques. Â» Chubin voyait Ă  l’époque les alliĂ©s rĂ©gionaux de la Syrie â€” l'Égypte et les États 
du Golfe â€” faire des efforts diplomatiques, pour contrer cette menace, tandis que, disait-il : 
« l’Iran prĂ©voit des dĂ©ceptions et examine l’option militaire. L’Iran est conscient des 
dangers de la prĂ©sence amĂ©ricaine dans le Golfe, du processus de paix conçu par les États-
Unis qui laisse les demandes arabes insatisfaites, et de sa propre position comme champion 
des causes musulmanes si elle joue bien ses cartes et se renforce militairement Â»

2

Mais les 

États-Unis augmentĂšrent le nombre de leurs troupes dans le golfe Persique ainsi qu’en 
Arabie Saoudite et en renforçant parallĂšlement leurs relations avec les États Arabes, ils 
rĂ©duisirent l’influence de l’Iran sur ces nations. 

Sous le label de « double maĂźtrise Â» (

dual containment

), et avec la crainte que les pays du 

CCG

3

 ne puissent pas assurer leur propre sĂ©curitĂ©, les États-Unis optĂšrent pour une 

prĂ©sence encore plus forte dans le Golfe. Ceci entendait une large accumulation des forces 
amĂ©ricaines dans le Golfe, accompagnĂ©e de ventes d’armes importantes aux États du CCG 
—sans se poser la question, comme cela avait Ă©tĂ© le cas dans la deuxiĂšme moitiĂ© des annĂ©es 
1970, si ces pays Ă©taient capables d’absorber et d’utiliser ces armes

4

 â€” dans le but de 

fournir des forces militaires endogĂšnes pour renforcer les forces amĂ©ricaines. L’Iran se 
voyait, comme le note Chubin, Â« sujet d’une double maĂźtrise par les États-Unis qui 
cherchaient Ă  l’exclure de la politique rĂ©gionale tant dans le nord que dans le golfe 
Persique. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, l’Iran Ă©tait mĂ©fiant vis-Ă -vis des États-Unis dans un monde 
unipolaire, tant Ă  cause de leur utilisation sĂ©lective des Nations unies, qu’à cause des 
nĂ©gociations dans le Moyen-Orient, et de leurs efforts pour affaiblir l’Iran Ă©conomiquement 
en empĂȘchant son accĂšs Ă  la technologie Â»

5

                                                                    

 

1

 

Rathmell, Andrew, Karasik, Theodore, Gompert, David, 

A New Persian Gulf Security System

,

 

RAND, 

Washington, 2003, p. 4. 

2

 

Chubin, Shahram, 

The Middle East and Proliferation

 (manuscrit non publiĂ©), 1994. 

3

 

Le Conseil de coopĂ©ration du Golfe : l’Arabie Saoudite, le KoweĂŻt, l’Oman, les Émirats arabes unis, 

le Qatar, le BahreĂŻn. 

4

 

Rathmell, Andrew, Karasik, Theodore, Gompert, David, 

A New Persian Gulf Security System

,

 

RAND, 

Washington, 2003, p. 3. 

5

 

Hannah, John, P. « Evolving Russian Attitudes Towards Iran Â», dans Clawson, Patrick, ed., 

Iran’s 

Strategic Intentions and Capabilities,

 McNair Paper 29, National Defense University, DC, 1994, p. 67. 

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201 

L’infrastructure nuclĂ©aire de l’Irak fut dĂ©truite sous les auspices de l’ONU, avec la chute 

de l’Union soviĂ©tique. L’administration Bush redoubla alors ses efforts pour contenir la 
prolifération nucléaire au Moyen-Orient

1

. L’objectif Ă©tait d’empĂȘcher tous les pays â€” sauf 

IsraĂ«l â€” de possĂ©der la capacitĂ© nuclĂ©aire dans la rĂ©gion. Des efforts similaires furent 
entrepris dans d’autres rĂ©gions du monde : avec succĂšs en Afrique du Sud, au BrĂ©sil et en 
Argentine. Les États-Unis ont essayĂ© de persuader l’Inde et le Pakistan d'abandonner leur 
capacitĂ© nuclĂ©aire militaire mais IsraĂ«l demeurait toujours le seul pays au monde qui 
échappait aux efforts de désarmement nucléaire américain

2

. Une autre dĂ©claration au sujet 

de la nĂ©cessitĂ© d’acquĂ©rir des armes nuclĂ©aires pour l’Iran vient en octobre 1991, du vice-
prĂ©sident iranien, Attollah Mohajerani : 

« Si IsraĂ«l a le droit de possĂ©der les armes nuclĂ©aires, alors les pays islamiques doivent 

aussi avoir le mĂȘme droit. Â»

3

 

Le manque d’investissements militaires 

Au dĂ©but des annĂ©es 1990, avec des difficultĂ©s financiĂšres importantes l’Iran avait 

besoin du FMI et aussi d’un certain rapprochement avec les États-Unis. Le pays Ă©tait encore 
assez isolĂ© sur la scĂšne internationale. La dette extĂ©rieure aprĂšs des annĂ©es de guerre et la 
baisse des revenus pĂ©troliers imposait une contrainte importante sur le gouvernement qui 
Ă©tait confrontĂ© Ă  une perte croissante de sa lĂ©gitimitĂ© politico-religieuse. La RĂ©publique 
islamique était alors concernée par la survie du gouvernement national

4

. DĂ©sormais, le 

nationalisme l’emportait sur l’islamisme du dĂ©but de la rĂ©volution. DĂšs le dĂ©but de 1992, le 
mĂ©contentement gĂ©nĂ©ral s’exprima lors des Ă©meutes de Mashad, Arak et Shiraz. Le taux 
d’abstentionnisme fut assez Ă©levĂ© aux Ă©lections prĂ©sidentielles de 1993. Cette mĂȘme annĂ©e, 
le pays ne put faire face Ă  ses dettes Ă  court terme de 30 milliards de dollars, malgrĂ© les 
renĂ©gociations bilatĂ©rales avec les banques japonaises, allemandes et françaises. 

                      

 

1

 

Albright, David & Hibbs, Mark, « Pakistan’s Bomb out of the Closet Â», 

The Bulletin of Atomic 

Scientists

, janvier-fĂ©vrier 1993. 

2

 

Pakistan’s Bomb out of the Closet.

 

3

 

Clawson, Patrick, 

Iran’s Challenge to the West: How, When, and Why

,

 

Policy Papers, no. 33, The 

Washington Institute for Near East Policy, Washington, DC. 1993, p. 59 (originellement dans 

Mideast Mirror, 

9

 

juin 1992). 

4

 

Lamote,  Larent, « Domestic Politics and Strategic Intentions Â», dans Clawson, Patrick, ed., 

Iran’s 

Strategic Intentions and Capabilities,

 McNair Paper 29, National Defense University, DC, 1994. 

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202 

Pendant les annĂ©es 90, il y eut une diminution des dĂ©penses militaires due Ă  des baisses 

des revenus pĂ©troliers et le pays dut faire des investissements militaires bien au-dessous de 
ses besoins. Les Ă©quipements anciens n’ont pu ĂȘtre remplacĂ©s. Eisenstadt estime que l’Iran 
a acquis Ă  cette Ă©poque, moins d’un cinquiĂšme des chars et moins de la moitiĂ© des avions 
et l’artillerie dont il avait besoin pour assurer sa sĂ©curitĂ©

1

. Au lieu de reconstruire ses forces 

militaires en accord avec les orientations du passĂ©, l’Iran, Ă©tant donnĂ© ses difficultĂ©s 
financiĂšres, focalisa ses efforts sur l’amĂ©lioration de ses capacitĂ©s de dissuasion contre les 
forces amĂ©ricaines et en particulier des systĂšmes lui permettant d’amĂ©liorer sa capacitĂ© de 
s’opposer aux forces navales amĂ©ricaines et de perturber le transport maritime du pĂ©trole 
dans le Golfe. Les missiles de croisiĂšres anti-navires et les sous-marins Kilo seront utilisĂ©s 
dans ce but. 

Des considĂ©rations Ă©conomiques toujours valables 

En octobre 1991, lors de la trente-cinquiĂšme session rĂ©guliĂšre de l’AIEA, Reza Amrollahi 

prĂ©sentait la vision de la RĂ©publique islamique d’Iran sur les Ă©volutions mondiales : 

« Une certaine utilisation de l’énergie nuclĂ©aire est justifiable et mĂȘme importante, 

comme moyen de prĂ©server le pĂ©trole pour les exportations [
] Ă©tant donnĂ© que les 
rĂ©serves de pĂ©trole d’Iran (estimĂ©es Ă  57,5 milliards de baril en 1980) sont Ă©quivalentes Ă  
30 ans de production [
] Ces chiffres caractĂ©risent le calcul rĂ©serves-production qui 
justifiait le lancement du programme nuclĂ©aire de l’Iran. Mais prenant en considĂ©ration 
les grandes rĂ©serves du gaz naturel d’Iran (500 000 milliards de mĂštres cube), il est 
difficile de justifier les besoins de l’Iran pour l’énergie nuclĂ©aire. Â»

2

 

Il y a eu des dizaines d’articles et ouvrages, depuis la finalisation des contrats des 

centrales Boushehr avec la Russie, sur l’inutilitĂ© pour l’Iran des investissements nuclĂ©aires, 
car le pays possĂšde du pĂ©trole et du gaz (la deuxiĂšme rĂ©serve mondiale). Le raisonnement 
Ă©conomique Ă©tait simpliste et visait seulement Ă  rĂ©duire la lĂ©gitimitĂ© du programme 
nuclĂ©aire de l’Iran. En dĂ©montrant l’absurditĂ© Ă©conomique prĂ©supposĂ©e d’un tel 
programme, ces auteurs cherchaient Ă  fournir des preuves que le programme de l’Iran 

                      

 

1

 

Eisenstadt, « The Armed Forces of the Islamic Republic of Iran Â», p. 35, Cordesman, 

Iran’s Military 

Forces in Transition,

 p. 42. 

2

 

Donnelly, Warren H. & Davis, Zachary S., 

Iran’s Nuclear Activities and the Congressional Response

Congressional Research Services, Washington, DC, 20 mai 1992, p. 3. 

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203 

avait aussi une utilitĂ© militaire, pour pouvoir ensuite le dĂ©noncer. Sans entrer dans les 
dĂ©tails Ă©conomiques, on peut simplement rappeler que dans les annĂ©es 1970, quand l’Iran 
a lancĂ© son programme, tous les pays du monde qui en avaient les moyens, avaient eux 
aussi lancĂ© le leur. Les rĂ©acteurs de Boushehr, malgrĂ© des multiples bombardements 
irakiens, n’ont pas Ă©tĂ© dĂ©truits. La reconstruction de la premiĂšre centrale nuclĂ©aire de 
Boushehr ne coĂ»tera plus que 800 millions de dollars Ă  l’Iran quand elle sera 
opĂ©rationnelle. Prenant ces facteurs en considĂ©ration, les arguments Ă©conomiques et le 
raisonnement de rentabilitĂ© deviennent moins convaincants. Patrick Clawson, analyste du 
programme nuclĂ©aire iranien, auquel il s’oppose depuis longtemps, reconnaĂźt lui-mĂȘme : 

« La centrale partiellement terminĂ©e de Boushehr est une exception possible. En tout 

cas il y a besoin d’une nouvelle centrale Ă©lectrique dans cette rĂ©gion, et le coĂ»t de 
l’achĂšvement de la centrale de Boushehr pourrait ĂȘtre lĂ©gĂšrement supĂ©rieur Ă  celui 
d’une nouvelle centrale Ă  gaz. Â»

1

 

L’achĂšvement de la centrale de Boushehr aurait mĂȘme pu coĂ»ter moins cher. Toutes les 

piĂšces et tous les matĂ©riels qui lui Ă©taient nĂ©cessaires avaient Ă©tĂ© payĂ©s par le gouvernement 
du Shah et sont Ă  ce jour toujours stockĂ©s en Allemagne. L’annulation unilatĂ©rale des 
contrats avec KWU par la RĂ©publique islamique fut l’erreur qui força Ă  dĂ©penser ces 
800 millions de dollars pour la terminer. Sans cette erreur, l’achĂšvement de Boushehr 
aurait coĂ»tĂ© beaucoup moins cher. 

Le nouveau partenariat nuclĂ©aire de l’Iran n’est pas restĂ© limitĂ© Ă  l’Union soviĂ©tique et Ă  

la Chine. En novembre 1991, l’Iran a signĂ© un accord avec l’Inde pour un rĂ©acteur de 
recherche de 10 MW

2

. Mais cet accord ne rĂ©sistera mĂȘme pas un mois Ă  la pression 

amĂ©ricaine et sera annulĂ© par l’Inde en dĂ©cembre 1991, Ă  la suite de la visite des autoritĂ©s 
amĂ©ricaines. Les États-Unis ont aussi envoyĂ© leurs diplomates en Chine pour faire pression 
sur les contrats chinois, mais la Russie et la Chine, comme nous le verrons, rĂ©sisteront 
mieux aux pressions amĂ©ricaines. 

                      

 

1

 

Ibid., p. 63. 

2

 

The Washington Post

, 15 novembre 1991. 

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204 

Tandis que l’Inde a annulĂ© sa vente sous la pression amĂ©ricaine

1

, la Chine, elle, 

augmenta l’intensitĂ© de sa coopĂ©ration avec l’Iran. Pendant que le rĂ©acteur de recherche 
chinois Ă©tait en construction Ă  Ispahan, le gouvernement chinois annonçait, en septembre 
1992, la conclusion d’un autre accord pour la vente de deux autres rĂ©acteurs de 300 MW Ă  
l’Iran

2

. Le mĂȘme mois, l’accord de principe pour la vente de deux centrales soviĂ©tiques de 

440 MW, (signĂ© en mars 1990), s’est finalisĂ©

3

. Ceci a dĂ» ĂȘtre une dĂ©ception importante 

pour KWU qui Ă©tait toujours tenu par son gouvernement et ne pouvait pas atteindre ses 
objectifs. Peu de temps avant l’annonce des contrats chinois et russe, le directeur de 
Siemens (le groupe industriel allemand dont KWU fait partie), M. Von Pierrer, dĂ©clara : 

« La question de la centrale de Boushehr est une histoire triste, qui a non seulement 

exaspĂ©rĂ© les autoritĂ©s iraniennes, mais aussi les employĂ©s de Siemens [
] Le 
gouvernement allemand doit donner l’accord pour la terminaison de la centrale de 
Boushehr [
] Â»

4

 

De 1980 Ă  1990, l’Iran refusa de payer pour l’uranium enrichi auquel son contrat avec 

Eurodif lui donnait accĂšs : 250-300 tonnes d’uranium enrichi Ă  3 %. À cette Ă©poque, le pays 
n’avait pas de rĂ©acteur dans lequel il aurait pu utiliser cet uranium et une telle acquisition 
aurait sans doute donnĂ© lieu Ă  des accusations internationales. D’ailleurs, quand en 1991 
l’Iran a essayĂ© d’obtenir de l’uranium enrichi d’Eurodif, ce dernier a refusĂ©, arguant que les 
contrats de fourniture d’uranium Ă©taient terminĂ©s en 1990

5

En 1992, il y eut des comptes-rendus dans les mĂ©dias sur un programme d’enri-

chissement par centrifugeuse dans des endroits secrets en Iran, y compris Moallem 
Kalayeh dans les montagnes d’Alborz et Ă  Karaj, au nord de TĂ©hĂ©ran. Mais Ă  l’époque, les 
services de renseignements amĂ©ricains ne semblaient avoir aucune information Ă  ce sujet et 
on pensait que ces rumeurs Ă©taient vĂ©hiculĂ©es par les Ă©migrĂ©s dont les informations 
dataient de l’époque du Shah. L’Iran possĂ©dait aussi depuis l’époque du Shah beaucoup de 

                      

 

1

 

MĂŒller, Harald, 

The nuclear non-proliferation regime beyond the Persian Gulf War and the dissolution of the 

Soviet Union

, SIPRI Yearbook, 1992. 

2

 

MEED,

 5 mars 1993. Ainsi que 

New York Times

, 11 septembre 1992. Il y avait un seul rĂ©acteur en 

septembre 92, mais en mars 93 deux rĂ©acteurs avaient Ă©tĂ© annoncĂ©s. 

3

 

Clawson, Patrick, 

Iran’s Challenge to the West: How, When, and Why

, Policy Papers, no. 33, The 

Washington Institute for Near East Policy, Washington, DC, 1993, p. 62. 

4

 

Akhbar, 

3 aoĂ»t, 1992. 

5

 

Albright, David, Hibbs, Mark, « Nuclear Proliferation: Spotlight Shifts to Iran Â», 

Bulletin of Nuclear 

Scientist

, mars 1992. 

background image

 

 

 

205 

« cellules chaudes Â»   (

hot cells

)  â€” utilisables pour la sĂ©paration du plutonium dans les 

dĂ©chets nuclĂ©aires â€” qui avaient Ă©tĂ© fournies par les États-Unis dans les annĂ©es 1960, avec 
le rĂ©acteur de recherche de 5 MW

1

Le 

Middle East News

 a aussi Ă©crit que des scientifiques d'Ukraine, de Russie, du 

TurkmĂ©nistan et du Kazakhstan auraient travaillĂ© en Iran Â« avec des salaires qui 
atteignaient 200 000 dollars par mois Â». 

Al Ahram, 

le journal du Caire, le 13 octobre 1991, 

avait aussi Ă©crit que « cinq missiles tactiques nuclĂ©aires avaient Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©s du complexe 
nuclĂ©aire de Semipalatinsk au Kazakhstan Ă  l’Iran par voie terrestre en passant par le 
TurkmĂ©nistan. Â» Certains journaux ont citĂ© aussi 

The European 

du 30 avril 1992 qui 

confirmait cette rumeur en affirmant que deux des trois armes nuclĂ©aires qui avaient 
disparu de Kazakhstan avaient Ă©tĂ© livrĂ©es Ă  l’Iran (avec une puissance de moins de 25 % de 
l’arme utilisĂ©e Ă  Hiroshima). 

Dans son compte-rendu, ce journal estimait que la seule utilitĂ© Ă©ventuelle de ces armes 

serait la dissuasion : 

« L’acquisition de quelques armes nuclĂ©aires tactiques ne transforme pas l’Iran en 

une puissance nuclĂ©aire d’un coup. L’Iran n’a pas de force de frappe nuclĂ©aire et surtout 
pas de capacitĂ© de deuxiĂšme frappe. Au mieux, ces armes pourront servir Ă  dissuader 
l’Irak et servent probablement pour l’opinion publique Ă  l’intĂ©rieur plus que toute autre 
chose. [
] L’activitĂ© Ă  long terme de dĂ©veloppement nuclĂ©aire endogĂšne de l’Iran est 
beaucoup plus menaçante, et lĂ , l’AIEA est quasiment incapable de dĂ©tecter les activitĂ©s 
clandestines de l’Iran avec ses moyens actuels. [
] L’Occident peut ralentir les 
dĂ©veloppements nuclĂ©aires de l’Iran, en renforçant les contrĂŽles des exportations et en 
mettant de la pression sur les fournisseurs de l’Iran, la Chine et la CorĂ©e du Nord. [
] 
MalgrĂ© tout, Ă©tant donnĂ© l'Ă©tat d'avancement technologique de l’Iran, que ce soit dans 
cinq dix ou quinze ans, il rejoindra les rangs des pays nuclĂ©aires. Â»

2

 

Les spĂ©cialistes des armes nuclĂ©aires interviewĂ©s ont affirmĂ© que mĂȘme si la RĂ©publique 

islamique a pu obtenir ces missiles tactiques par des moyens clandestins, leur utilisation 
serait quasiment impossible. Il y aurait suffisamment de mesures de sĂ©curitĂ© intĂ©grĂ©es dans 

                      

 

1

 

Ibid. 

2

 

Middle East News, 

8 juin 1992, p. 5-7. 

background image

 

 

206 

ce type de missiles pour empĂȘcher une utilisation non autorisĂ©e. La technologie et les matĂ©-
riaux fissiles utilisĂ©s dans ces missiles pouvaient en revanche ĂȘtre utilisĂ©s ultĂ©rieurement. Le 
service de recherche du CongrĂšs amĂ©ricain confirme cette hypothĂšse : 

« [
] Les rapports de la presse concernant l’acquisition des tĂȘtes nuclĂ©aires du 

Kazakhstan n’ont pas Ă©tĂ© confirmĂ©s. MĂȘme si l’Iran obtenait des armes d’une 
RĂ©publique de la CSI, il ne pourrait probablement pas les faire exploser dans le court 
terme. Mais il pourrait utiliser les matiĂšres fissiles et le tritium qui s’y trouvent pour ses 
propres engins au cas oĂč il possĂ©derait l’expĂ©rience et le savoir nĂ©cessaires pour la 
conception, la construction et l’opĂ©ration des armes nuclĂ©aires. [
] Les intĂ©rĂȘts 
nationaux des États-Unis sont en jeu [
] car l’ambition  nuclĂ©aire de l’Iran pourrait 
dĂ©stabiliser les alliĂ©s des États-Unis dans la rĂ©gion, et mettre en danger les efforts des 
USA et d’autres pays de la rĂ©gion pour empĂȘcher la prolifĂ©ration des armes 
nuclĂ©aires. Â»

1

 

Le prĂ©sident de l’OEAI, Ă  l’époque, vice-prĂ©sident de la RĂ©publique islamique d’Iran, 

M. Amrollahi, a dĂ©clarĂ© Ă  la trente-sixiĂšme session de la ConfĂ©rence GĂ©nĂ©rale de l’Agence 
Internationale de l’Énergie Atomique, le 22 septembre 1992 : 

« [
] La croisade contre la prolifĂ©ration des armes de destruction massives et leurs 

moyens de dĂ©ploiement est une cause noble Ă  laquelle nous souscrivons pleinement. 
Nous soutenons ceci sur des bases humanitaires, mais aussi parce que, dans le passĂ© 
rĂ©cent, l’Iran a Ă©tĂ© le seul État qui ait souffert du dĂ©ploiement des  armes chimiques 
contre sa population. [
] les initiatives actuelles de la non-prolifĂ©ration sont immenses 
[
] mais nous croyons que deux critĂšres majeurs pourraient amĂ©liorer leurs succĂšs : 
d’abord les mĂ©canismes de vĂ©rification et les traitĂ©s qui les renforcent doivent ĂȘtre 
appliquĂ©s sans discrimination ; DeuxiĂšmement, ils ne doivent pas empĂȘcher le 
dĂ©veloppement lĂ©gitime des programmes pacifiques. [
] IsraĂ«l a dĂ©veloppĂ© ses armes 
nuclĂ©aires avec la connaissance et l’approbation complĂšte de certains, sinon de tous les 
États nuclĂ©aires. Bien qu’il n’ait pas ratifiĂ© le TNP, IsraĂ«l est membre de l’AIEA et a 
bĂ©nĂ©ficiĂ© de ses aides techniques. Ce qui a empĂȘchĂ© le dĂ©veloppement d’une rĂ©gion 
dĂ©nuclĂ©arisĂ©e. [
] Nous nous trouvons actuellement dans une situation injuste. À titre 

background image

 

 

 

207 

d’exemple le gouvernement allemand a refusĂ© sa permission pour l'achĂšvement du site 
nuclĂ©aire de Boushehr dans laquelle des milliards de dollars ont Ă©tĂ© investis et dont le 
coĂ»t de maintenance demeure un poids financier considĂ©rable [
] Â»

2

 

La politique amĂ©ricaine de double maĂźtrise 

L’arrivĂ©e de l’administration Clinton en 1993 fut l’occasion de rĂ©Ă©valuer la politique des 

États-Unis dans le golfe Persique qui aboutit Ă  la critique de la politique Reagan-Bush. Le 
rapport critiquait les efforts jusqu’en 1990 d’équilibrer l’Irak contre l’Iran et maintenait que 
« l’inclinaison des États-Unis vers l’Irak pendant la guerre Iran-Irak Ă©tait basĂ©e sur des 
considĂ©rations dĂ©fectueuses Â»

3

. L’équipe de Clinton ne croyait pas qu’un Ă©quilibre des 

forces dans la rĂ©gion soit soutenable. Les États-Unis devaient traiter l’Irak, comme l’Iran, en 
tant qu'États « voyous Â» (

rogue states

), les isoler et les contenir. La stratĂ©gie de « double 

maĂźtrise Â» (

dual containment

) a vu le jour Ă  cette occasion. L’objectif Ă©tait de maintenir l’Iran 

comme l’Irak en Ă©tat d’impuissance : les États-Unis allaient devenir le garant de la sĂ©curitĂ© 
dans le Golfe, en dĂ©ployant suffisamment de forces militaires pour dissuader, ou si 
nĂ©cessaire combattre Ă  la fois l’Iran et l’Irak dans une confrontation future. 

L’objectif des États-Unis, d’aprĂšs Kemp, Ă©tait d’éventuellement faire basculer Saddam 

Hussein. Dans le cas de l’Iran, il s’agissait de « changer certains Ă©lĂ©ments clĂ©s de la politique 
iranienne : soutien de l’Iran au terrorisme international, refus du processus de paix israĂ©lo-
arabe (y compris le droit d’IsraĂ«l Ă  exister), dĂ©veloppement d’armes de destruction massive, 
violation des droits de l’homme et du droit international ; objectifs qui sont demeurĂ©s de 
maniĂšre constante depuis 1993 Â»

1

. Mais ceci ne prenait pas du tout en considĂ©ration les 

menaces qui pesaient sur la sĂ©curitĂ© iranienne, notamment les 200 armes nuclĂ©aires 
d’IsraĂ«l. La crĂ©ation d’une zone non nuclĂ©aire est revenue Ă  l’ordre du jour de l’AssemblĂ©e 
gĂ©nĂ©rale des Nations unies, encore une fois sans aucune implication quelconque. L’Iran 
avait prĂ©sentĂ© sa proposition de transformer le Moyen-Orient en une zone dĂ©nuclĂ©arisĂ©e 

                                                                    

 

1

 

Donnelly, Warren H. & Davis, Zachary S., 

Iran’s Nuclear  Activities and the Congressional Response

Congressional Research Services, Washington, DC, 20 mai 1992, p. 1. 

2

 

Amrollahi, R., vice-prĂ©sident de la RĂ©publique islamique d’Iran et prĂ©sident de l’Organisation de 

l’Énergie Atomique d’Iran. DĂ©claration Ă  la trente-sixiĂšme session de la ConfĂ©rence GĂ©nĂ©rale de 

l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique, 22 septembre 1992. 

3

 

Kemp, Geoffrey, ed., 

Iran’s Nuclear Weapons Options: Issues and Analysis, 

The Nixon Center, DC, 2001, 

p. 104. 

background image

 

 

208 

lors de la rĂ©union de 2 dĂ©cembre 1993 de l’AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de l’ONU

2

. L’un des 

adjoints du ministre des Affaires Ă©trangĂšres, chargĂ© des affaires internationales, 
M. Mohammad Javad Zarif, proposa l’établissement d’une zone dĂ©nuclĂ©arisĂ©e au Moyen-
Orient, ainsi que la mise en point d’accords pour la sĂ©curitĂ© et la coopĂ©ration, et la 
rĂ©duction des dĂ©penses militaires, y compris un plafond international pour le transfert et la 
vente d’armes aux pays de la rĂ©gion. 

 

 

 

 

 

 Â« L’erreur la plus fondamentale dans le rĂ©gime international de la non-prolifĂ©ration est 
probablement l’application de doubles standards qui  ont amenĂ© une prolifĂ©ration 
sĂ©lective des armes nuclĂ©aires. Ceci a non seulement diminuĂ© l’autoritĂ© et l’applicabilitĂ© 
du TNP, mais a eu aussi des rĂ©percussions sur la paix et la sĂ©curitĂ© internationale et 
rĂ©gionale en retardant les initiatives rĂ©gionales. Dans notre rĂ©gion, l’acquisition des 
armes nuclĂ©aires par IsraĂ«l a arrĂȘtĂ© tous les efforts pour l’établissement d’une zone non 
nuclĂ©aire dans le Moyen-Orient, en dĂ©pit de l’aval continu de l’AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale sur 
les vingt derniĂšres annĂ©es, depuis que cette idĂ©e a Ă©tĂ© avancĂ©e par l’Iran [
] mais pire 
encore, la menace posĂ©e par le refus d’IsraĂ«l Ă  rejoindre un rĂ©gime nuclĂ©aire 
international quelconque, Ă  accepter le TNP ou les rĂšgles du contrĂŽle de l’AIEA, couplĂ© 
avec la poursuite d’une politique sĂ©lective de prolifĂ©ration, au lieu de la non-
prolifĂ©ration, par les États nuclĂ©aires ont augmentĂ© le potentiel de prolifĂ©ration des 
armes de destruction massives en Moyen-Orient. Â»

3

 

                                                                    

 

1

 

Ibid., p. 105. 

2

 

Entretien d’Ali Shirzadian, porte parole de l’OEAI, 16 fĂ©vrier 1994. Dans FBIS- NES- 94-033, 17 

fĂ©vrier 1994. 

3

 

Zarif, Javad, (vice-ministre des affaires internationales de la RĂ©publique islamique d’Iran), 

Statement Before the United Nations Disarmament Commission, 

New York, 19 avril 1994. 

0

500

1000

1500

Israël

Royaume Uni

France

Russie

CorĂ©e du Nord 

Iran

Chine

Pakistan

Inde

Budgets militaires ($/habitant)

Source: Carnegie Institute 2003

0.1

0.1

0.3

0.3

3.1

5.9

31.3

0

10

20

30

40

Inde

CorĂ©e du Nord 

Chine

Pakistan

Royaume Uni

France

Israël

Armes nucléaires par millions d'habitants

Source: Carnegie Institute 2003

background image

 

 

 

209 

MalgrĂ© la politique de « double maĂźtrise Â» de l’administration Clinton, Rafsandjani a 

cherchĂ© Ă  amĂ©liorer les relations avec les États-Unis. Le gouvernement rebelle a eu bien des 
occasions d’apprentissage dans la dĂ©cennie qui a suivi la rĂ©volution. DĂšs lors, il poursuivait 
une politique d’ouverture vers le monde extĂ©rieur ; le pays avait besoin des capitaux 
Ă©trangers pour la reconstruction aprĂšs une dĂ©cennie de destruction et de guerre sanglante, 
d’absence d’investissements, d’isolement et de repli. Il croyait qu’une meilleure attitude 
vis-Ă -vis des États-Unis pourrait faciliter le dĂ©veloppement Ă©conomique de l’Iran, 
notamment dans le secteur de l’énergie. La plupart des Ă©quipements de forage de 
l’industrie pĂ©troliĂšre dataient des annĂ©es 1970 et nĂ©cessitaient une modernisation urgente. 
Rafsandjani a Ă©galement libĂ©ralisĂ© une partie de l’économie et l’a ouverte au monde 
extĂ©rieur. Il essayait aussi de minimiser des annĂ©es d’animositĂ© envers les États-Unis et de 
mettre en avant la volontĂ© de changement et d’ouverture du nouvel Iran. Il amĂ©liora aussi 
les relations de l’Iran avec l’Arabie Saoudite et l’Union europĂ©enne. MalgrĂ© la politique de 
double maĂźtrise, les États-Unis firent du commerce avec l’Iran et les compagnies pĂ©troliĂšres 
amĂ©ricaines, ont continuĂ© Ă  acheter du pĂ©trole iranien et Ă  le commercialiser 
mondialement

1

MalgrĂ© ces petites amĂ©liorations, la politique de Â« double maĂźtrise Â» et l’embargo 

militaire mettaient l’Iran dans une position difficile. Le pays ne pouvait pas investir 
suffisamment en matĂ©riels militaires par manque de revenus, et n’avait accĂšs qu'Ă  des 
matĂ©riels chinois et russe, largement inutiles contre les États-Unis ou IsraĂ«l. 

D’aprĂšs Albright, c’est entre 1993 et 1995 que l’Iran aurait rĂ©ussi Ă  se procurer 

suffisamment de piĂšces sur le marchĂ© international pour la fabrication de 
500 centrifugeuses pour l’enrichissement de l’uranium

2

. Comment se fait-il que des 

services de renseignements de diffĂ©rents pays aient fermĂ© les yeux sur ces acquisitions ? 
Une rĂ©ponse peut ĂȘtre que ce programme ne prĂ©sentait pas de menace tant qu’il n’était pas 
suffisamment avancĂ©. Quoi qu’il en soit, il n’y aura d’action internationale Ă  ce sujet qu’en 
2002. De 1995 Ă  2002, l’Iran a eu une libertĂ© quasi totale pour dĂ©velopper une industrie 
endogĂšne de centrifugeuses nuclĂ©aires. Une industrie qui dĂ©sormais le libĂšre des 

                      

 

1

 

Iran’s Nuclear Weapons Options

, p. 106. 

2

 

Albright, David & Hinderstein, Corey, « The centrifuge connection Â», 

Bulletin of Atomic Scientists

mars/avril 2004, vol. 60, no. 2, p. 61-66. 

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210 

contraintes de provision de fuel pour ses rĂ©acteurs, et lui donne aussi la possibilitĂ© de 
« signaler Â» sa capacitĂ© d’enrichir l’uranium mĂȘme pour l’usage militaire, mais sans l’avoir 
fait. 

Iran-Russie : un partenariat stratĂ©gique et des intĂ©rĂȘts financiers 

CĂŽtĂ© russe, dĂšs l’automne 1993, le ministre libĂ©ral proamĂ©ricain des affaires Ă©trangĂšres, 

Andrei Kozyrev, demandait qu’on reconnaisse le droit de la Russie Ă  utiliser sa puissance 
politique, Ă©conomique et militaire, pour « maintenir une zone de bon voisinage Â» tout au 
long des pĂ©rimĂštres gĂ©ographiques de l’ancienne Union soviĂ©tique. La volontĂ© de l’Iran de 
s’incliner devant cette politique, surtout dans le Caucase et l’Asie centrale a facilitĂ© l’attitude 
positive de la Russie envers l’Iran et ceci Ă  une Ă©poque oĂč le fondamentalisme islamique 
inspirĂ© par l’Iran Ă©tait parmi les menaces sĂ©curitaires les plus importantes pour la Russie de 
la post guerre froide

1

Il y avait aussi un calcul des gains dans les jeux multiples qu’il pourrait y avoir entre les 

deux nations. Par exemple, on peut penser que la possibilitĂ© de dĂ©mantĂšlement des armes 
nuclĂ©aires russes, l’achat et le contrĂŽle de l’uranium hautement enrichi Ă©taient un enjeu 
beaucoup plus important pour les États-Unis que de mettre un veto sur les travaux russes 
sur le rĂ©acteur de Boushehr. Les États-Unis Ă©taient conscients Ă  l’époque de la nĂ©cessitĂ© de 
faire planer une image forte et nationaliste sur Eltsine pour le soutenir lors des Ă©lections. 
C’est pour cela, qu'en 1995 et 1996, lorsque le CongrĂšs amĂ©ricain voulut mettre la pression 
sur l’administration Clinton pour imposer des sanctions Ă  la Russie et arrĂȘter l’aide Ă  ce 
pays Ă  cause du contrat nuclĂ©aire avec l’Iran, l’administration n’avait pas suivi, arguant du 
fait que ceci pourrait ralentir les rĂ©formes et la dĂ©centralisation en Russie : « Ă§a serait 
comme couper le nez pour sauver le visage Â»

2

L’Iran a coopĂ©rĂ© avec la Russie contre l’influence des Talibans et pour la stabilitĂ© de la 

zone du Tadjikistan. Cela permettait aussi d’établir un contre-pouvoir Ă  l’influence turque 

                      

 

1

 

Hannah, John, P., « Evolving Russian Attitudes Towards Iran Â», dans Clawson, Patrick, ed., 

Iran’s 

Strategic Intentions and Capabilities,

 McNair Paper 29, National Defense University, DC, 1994. p. 55-

56. 

2

 

Temoignage de l’Ambassadeur amĂ©ricain Simons dans 

House Committee on International Relations, 

US Assistance Programs for Economic and Political Reform and Dismantling of Weapons of Mass Destruction 

in the NIS: Hearing before the Committee on International Relations, 104th Congress, 1st session

, 3 mars 

1995. 

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211 

en Asie centrale et dans le Caucase. L’Iran soutint aussi la position de la Russie sur le statut 
du pĂ©trole en Caspienne. Une coopĂ©ration entre les deux pays pourrait aussi dissuader 
l’Iran d’influencer les dĂ©veloppements des États ex-soviĂ©tiques d’Asie  centrale, si les 
considĂ©rations financiĂšres et Ă©conomiques ne suffisaient pas en soi. 

En tout cas, les États-Unis ne pouvaient pas produire d'argument lĂ©gal contre le contrat 

irano-russe. La vente de rĂ©acteurs russes Ă  l’Iran ne violait aucun des principes de non-
prolifĂ©ration du Groupe de Fournisseurs NuclĂ©aires, car eux-mĂȘmes avaient passĂ© un 
accord avec la CorĂ©e du Nord pour construire des rĂ©acteurs Ă  l’eau lĂ©gĂšre â€” comme ceux 
que la Russie construit en Iran â€” pour justement ne pas permettre Ă  cet État qui avait 
dĂ©sertĂ© le TNP de faire fonctionner des rĂ©acteurs qui pourraient leur permettre d’avoir 
accÚs aux matiÚres fissiles de qualité militaire

1

En janvier 1995, l’Iran signe un contrat avec le ministĂšre de l’Énergie Atomique russe. 

Dans ce contrat, la Russie s’engage Ă  terminer les travaux du rĂ©acteur du Boushehr. Les 
deux pays Ă©taient en nĂ©gociation autour de la fourniture par la Russie d’une centrifugeuse Ă  
gaz (utilisĂ©e pour enrichir l’uranium) Ă  l’Iran. Ceci Ă©tait considĂ©rĂ© comme un problĂšme 
majeur par les AmĂ©ricains qui estimaient que cette vente pourrait perturber le processus de 
paix au Moyen-Orient, en permettant Ă  l’Iran de se confronter Ă  IsraĂ«l et en gĂȘnant la 
distribution du pétrole dans le golfe Persique

2

. La vente de la centrifugeuse a Ă©tĂ© 

immĂ©diatement annulĂ©e par le ministĂšre russe des Affaires Ă©trangĂšres. On peut imaginer 
que ce sujet aurait Ă©tĂ© d’intĂ©rĂȘt dans le sommet Eltsine-Clinton, pendant la visite du 
prĂ©sident Clinton Ă  Moscou en mai 1995. 

Au cours de la mĂȘme annĂ©e, la Russie accepte de ne pas passer d’autres accords avec 

l’Iran pour la vente d'armes conventionnelles

3

, devenant ainsi membre de l'« Arrangement 

Wassenaar Â», une institution multilatĂ©rale pour empĂȘcher les exportations de technologies 
sensibles et les armes qui pourraient dĂ©stabiliser une rĂ©gion.  

Les États-Unis ont essayĂ©, sans succĂšs, d’arrĂȘter la coopĂ©ration de la Russie au 

programme nuclĂ©aire de l’Iran. Mais ils ont obtenu de la Russie de ne pas vendre d’usines 

                      

 

1

 

Entretien avec l’Amiral Marcel Duval, en 2003. 

2

 

Goldman, Stuart D., Katzman, Kenneth, Davis, Zachary, Â« Russian Nuclear Reactor and 

Conventional Arms Transfer to Iran Â», 

CRS Report for Congress

, 23 mai 1995, p. 1. 

3

 

The Guardian

, 15 juin 1996. 

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212 

d’enrichissement ou d’autres installations sensibles Ă  l’Iran

1

. La Russie a pu rationaliser sa 

politique car le TNP prĂ©voit l’accĂšs, pour les pays signataires, Ă  la technologie pour le 
dĂ©veloppement des applications passives d’énergie nuclĂ©aire. Les actions de la Russie sont 
aussi en accord avec les standards du comitĂ© Zangger puisque l’Iran a acceptĂ© le contrĂŽle 
de l’AIEA sur ses activitĂ©s nuclĂ©aires. Les difficultĂ©s financiĂšres du complexe nuclĂ©aire 
russe, et l’importance que ces exportations ont pu prĂ©senter pour la Russie dans ce 
contexte, sont sans doute  des facteurs importants dans le dĂ©veloppement de cette 
coopĂ©ration. En 1995, l’administration Clinton a demandĂ© Ă  la Russie de refuser d’accepter 
de signer un contrat pour une usine de retraitement et d’éviter que ses experts nuclĂ©aires 
soient employĂ©s par l’Iran

2

Le 11 septembre 2001 et l’occupation de l’Afghanistan et de l’Irak : la 

dissuasion virtuelle contre les « CroisĂ©s du Mal Â» 

Avant le 11 septembre 2001, l’Irak Ă©tait l’une des menaces les plus importantes pour le 

régime islamique à cause des ambitions territoriales de Saddam Hussein sur le Shatt al-
Arab et de son attitude rĂ©visionniste Ă  l'Ă©gard des partis arabes de l’Iran. Une autre menace, 
de moindre importance, Ă©tait le rĂ©gime des Talibans. L’essai nuclĂ©aire pakistanais, au 
Baloutchistan en aoĂ»t 1998, Ă  seulement 30 kms de la frontiĂšre iranienne, avait aussi donnĂ© 
lieu Ă  un dĂ©bat parlementaire sur la nĂ©cessitĂ© de dĂ©velopper des armes nuclĂ©aires, dĂ©bat au 
terme duquel, d’aprĂšs Farhi, « l’Iran ne pouvait pas rester derriĂšre le Pakistan Â»

3

Les Ă©vĂ©nements du 11 septembre 2001 ont fourni une occasion sans prĂ©cĂ©dent de 

rapprochement entre l’Iran et les États-Unis. Pour les Etats-Unis, il Ă©tait inĂ©vitable 
d’intervenir en Afghanistan, et l’Iran qui n’apprĂ©ciait pas le rĂ©gime des Talibans a coopĂ©rĂ© 
avec les États-Unis. Mais du fait de la dĂ©couverte des armes iraniennes Ă  destination de la 
Palestine, les espoirs de rapprochement se sont refroidis. D’aprĂšs Kemp, c’est Ă  partir de cet 
incident que l’Iran a Ă©tĂ© mis sur la liste « d’Axe du Mal»

4

.  Lors des prĂ©paratifs de l’invasion 

                      

 

1

 

Albright, David, « An Iranian Bomb? Â», 

Bulletin of Atomic Scientist

, juillet-aoĂ»t 1995. 

2

 

New York Times

, 6 avril 1995. 

3

 

Farhi, Farideh, « To Have or not to Have? Iran’s Domestic Debate on Nuclear Options Â», dans 

Kemp, Geoffrey, ed., 

Iran’s Nuclear Weapons Options: Issues and Analysis,

 The Nixon Center, DC, 2001, 

p. 39. 

4

 

Iran’s Nuclear Weapons Options

, p. 108. 

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213 

amĂ©ricaine en Irak, il y eut des rencontres secrĂštes, en Ă©tĂ© et automne 2002, entre des 
officiels amĂ©ricains et leurs homologues iraniens, les assurant que l’Iran jouerait le mĂȘme 
rĂŽle que pendant la guerre du Golfe. L’Iran a adoptĂ© une attitude de neutralitĂ©, offrant 
mĂȘme son aide diplomatique. Mais cette ouverture au dialogue, Ă  un rapprochement plus 
officiel et Ă  un partage des responsabilitĂ©s s'est avĂ©rĂ©e infructueuse. Sans ce partage des 
responsabilitĂ©s et des bĂ©nĂ©fices, l’occupation de l’Irak ne fait que complĂ©ter l’encerclement 
de l’Iran

1

On peut constater deux phĂ©nomĂšnes importants depuis les Ă©vĂ©nements du 

11 septembre 2001. Avec la chute de l’ex-Union soviĂ©tique et la disparition de l’ordre 
bipolaire, la notion de guerre contre « l’Empire du Mal Â» a disparu. Avec les Ă©vĂ©nements 
du 11 septembre, cela a Ă©tĂ© remplacĂ© par la guerre contre le Â« Mal Â», le mal incarnĂ© 
désormais par le terrorisme

2

. Les comportements passĂ©s de la RĂ©publique islamique sur le 

plan du terrorisme ont pu justifier aux yeux de George W. Bush, son inclusion, avec l’Irak 
et la CorĂ©e de Nord, sur la liste de « l’Axe de Mal Â». Mais le fait demeure, sur le plan 
stratĂ©gique et sĂ©curitaire, que les États-Unis maintiennent Ă  l’heure actuelle une prĂ©sence 
militaire  autour de l’Iran, tant au nord et au sud, qu’à l’est et Ă  l’ouest ! L’Iran est 
« encerclĂ© Â» par une puissance nuclĂ©aire qui prĂŽne son changement de rĂ©gime. Face Ă  cette 
menace, la RĂ©publique islamique, sans l’influence d’une « idĂ©ologie Â» quelconque, a fait le 
choix de ce que Chubin qualifie de « dissuasion minimale basĂ©e sur l’augmentation du 
coĂ»t d’une intervention pour l’adversaire Â»

3

. C’est le mĂȘme choix que le Shah avait 

envisagĂ© il y trente ans : avoir la capacitĂ© de dĂ©velopper des armes si un jour la survie de la 
nation en dĂ©pendait. La rĂ©vĂ©lation des activitĂ©s d’enrichissement sera examinĂ©e Ă  la lumiĂšre 
de ces Ă©vĂ©nements dans le prochain chapitre. 

                      

 

1

 

Ibid., p. 109. 

2

 

Voir Montbrial, de, Thierry, 

Quinze ans qui bouleversĂšrent le monde : de Berlin Ă  Bagdad

, Dunod, Paris, 

2003, surtout p. 409-462. 

3

 

Chubin, Shahram, 

Whither Iran? Reform,  Domestic Politics and National Security

, Oxford University 

Press, Oxford, 2002, p. 49. 

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215 

7.

 

DĂ©montrer sa compĂ©tence militaire  

pour faire fonctionner le nuclĂ©aire civil aprĂšs 

30 ans d’obstacles 

En fĂ©vrier 2003, l’Iran fait connaĂźtre Ă  l’AIEA l’existence de deux installations dĂ©diĂ©es Ă  

l’enrichissement d'uranium Ă  Natanz. Le consensus gĂ©nĂ©ral est que l’existence de ces 
activitĂ©s aurait Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e Ă  la presse par les 

Mojahediné Khalgh

 au cours de l’annĂ©e 2002. 

Nous allons prĂ©senter un raisonnement diffĂ©rent ci-aprĂšs. Notre hypothĂšse est que 
l’existence d’activitĂ©s d’enrichissement est connue depuis longtemps par les services secrets 
des diffĂ©rents pays et que la divulgation de celle-ci convient Ă  la RĂ©publique islamique. Un 
de ces deux sites est une usine pilote et l’autre un site commercial en cours de construction. 
Comme nous l’avons dĂ©jĂ  dit  â€” et les descriptions dĂ©taillĂ©es dans l’annexe le 
dĂ©montrent â€” l’enrichissement, ainsi que la plupart des activitĂ©s du cycle de combustion, 
sont d’une double utilitĂ©. D’une part l’uranium enrichi est une fourniture indispensable 
pour les rĂ©acteurs de type Boushehr (Ă  l’eau lĂ©gĂšre qui utilisent l’uranium peu enrichi) et 
d’autre part, la mĂȘme technologie peut enrichir l’uranium Ă  des degrĂ©s suffisamment 
Ă©levĂ©s pour l’usage militaire. 

L’utilitĂ© de la divulgation des activitĂ©s d’enrichissement 

Le calendrier et les raisons de la divulgation des ces activitĂ©s sont d’une importance 

extrĂȘme pour nos conclusions. DiffĂ©rents mĂ©dias ont accusĂ© l’Iran depuis plus d’une 
dĂ©cennie d’avoir ce type de capacitĂ© ; pourquoi alors en fĂ©vrier 2003 ceci a-t-il Ă©tĂ© rendu 

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216 

public ? MĂȘme si, comme on le croit gĂ©nĂ©ralement, l’Iran s’est fait prendre en flagrant dĂ©lit 
dans ces activitĂ©s, il faut croire que la RĂ©publique islamique a beaucoup de chance car c’est 
une dĂ©couverte qui lui convient parfaitement. Notre hypothĂšse est que le moment a Ă©tĂ© 
trĂšs opportun pour l’Iran de rendre ces activitĂ©s publiques â€” activitĂ©s qui sont par ailleurs 
complĂštement lĂ©gales et dans le cadre du TNP, mĂȘme si jusqu’en 2003 l’Iran avait choisi de 
garder l’existence de celles-ci secrĂštes. 

Un rappel du cas de la CorĂ©e du Nord est intĂ©ressant : elle aussi a rĂ©vĂ©lĂ©, en octobre 

2002, sa possession d’un programme secret d’enrichissement d’uranium, ainsi que son 
intention de se retirer du TNP â€” c’est le premier pays dans l’histoire Ă  avoir fait un tel 
choix. La CorĂ©e s’est effectivement retirĂ©e du TNP trois mois plus tard le 10 janvier 2003. 
Le dĂ©lai de trois mois est une obligation lĂ©gale du TNP. Celui-ci stipule dans le 
paragraphe 1 de l’article 10 que : 

« Chaque Partie, dans l'exercice de sa souverainetĂ© nationale, aura le droit de se 

retirer du TraitĂ© si elle dĂ©cide que des Ă©vĂ©nements extraordinaires, en rapport  avec 
l'objet du prĂ©sent TraitĂ©, ont compromis les intĂ©rĂȘts suprĂȘmes de son pays. Elle devra 
notifier ce retrait Ă  toutes les autres Parties du TraitĂ© ainsi qu'au Conseil de sĂ©curitĂ© de 
l'Organisation des Nations unies avec un prĂ©avis de trois mois. Ladite notification devra 
contenir un exposĂ© des Ă©vĂ©nements extraordinaires que l'État en question considĂšre 
comme ayant compromis ses intĂ©rĂȘts suprĂȘmes. Â» 

La CorĂ©e du Nord a justifiĂ© ceci comme une rĂ©action aux dĂ©clarations de George Bush, 

l’ayant mise, comme l’Iran, dans « l’Axe du Mal Â». Elle craignait une invasion des États-
Unis pour opĂ©rer un changement de rĂ©gime, comme en Irak. Mais ni la divulgation de la 
capacitĂ© d'enrichissement de la CorĂ©e, ni son retrait du TNP, ni sa dĂ©claration en fĂ©vrier 
2005 de possĂ©der l'arme nuclĂ©aire, n'ont suscitĂ©, et de loin de la part des États-Unis, une 
rĂ©action comparable Ă  celle qu'ils ont exprimĂ©e vis-Ă -vis de l'Iran. 

Le soutien multilatĂ©ral de l’Iran : le monde multipolaire contre l’unilatĂ©ralisme amĂ©ricain 

Le calendrier des rĂ©vĂ©lations sur le programme nuclĂ©aire iranien ne pouvait ĂȘtre mieux 

choisi. Les États-Unis qui accusent l'Iran de se servir de son programme nuclĂ©aire civil 
comme Â« couverture Â» pour la mise au point des bombes se trouvaient en posture 

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217 

diplomatique difficile face Ă  la France, la Russie et la Chine en raison de leur dĂ©saccord au 
sujet de la nĂ©cessitĂ© d’envahir l’Irak. Tous ces pays sont des fournisseurs anciens, actuels, et 
futurs du programme nuclĂ©aire iranien ainsi que des partenaires Ă©conomiques importants 
du pays. Tous ces pays sont aussi membres du Conseil de sĂ©curitĂ© de l’ONU, instance qui 
doit ĂȘtre saisie, au cas oĂč les États-Unis voudraient faire examiner le cas de l’Iran comme 
une infraction au TNP. 

Ce sont la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, qui, en octobre 2003 ont nĂ©gociĂ© le 

compromis d’arrĂȘt du programme d’enrichissement avec l’Iran, compromis qui a empĂȘchĂ© 
les États-Unis de faire pression sur l’AIEA pour dĂ©noncer les activitĂ©s de l’Iran. 
L’Allemagne et la France, partenaires Ă©conomiques importants de l’Iran, s’étaient opposĂ©es 
aux États-Unis au sujet de l’intervention unilatĂ©rale de ces derniers en Irak, prĂ©textant la 
menace de ses « armes de destruction massive Â», dont aucune n’a Ă©tĂ© trouvĂ©e. Les deux 
grandes nations de l’Europe, la France et l’Allemagne, avaient mĂȘme fait part 
publiquement de leur mĂ©contentement devant l’attitude condescendante des États-Unis 
dans les mois qui ont prĂ©cĂ©dĂ© l’invasion de l’Irak. Il est clair qu’ils n’allaient pas faire 
Ă©quipe avec les États-Unis pour diaboliser le programme de cycle de combustion de l’Iran. 
Le cycle de combustion nuclĂ©aire, comme nous l’avons vu Ă  plusieurs reprises, est par 
nature Ă  double utilitĂ©. Dans le cas de l’Iran, que ce soit Ă  l’époque du Shah ou de la 
RĂ©publique islamique, les  Ă‰tats-Unis se sont toujours focalisĂ©s sur son utilitĂ© militaire. 
Jamais ils n’auraient permis Ă  l’Iran de dĂ©velopper un cycle de combustion complet. La 
seule maniĂšre de le faire, c’était secrĂštement. S’il y avait un moment pour rendre publique 
l’existence  des capacitĂ©s d’enrichissement, c’était sans aucun doute le meilleur : une 
pĂ©riode de tension diplomatique et de dĂ©saccord entre les États-Unis et le reste des 
membres du Conseil de sĂ©curitĂ©, et une pĂ©riode de difficultĂ© croissante pour les États-Unis 
et le Royaume-Uni en Irak qui pouvait les amener Ă  la nĂ©gociation sur ce sujet. 

Notre hypothĂšse est que la rĂ©vĂ©lation de ces activitĂ©s convenait bien Ă  l’Iran qui se 

trouvait en position de force croissante vis-Ă -vis des États-Unis depuis l’invasion de l’Irak. 
PremiĂšre raison Ă  la rĂ©vĂ©lation de ces activitĂ©s : un environnement diplomatique 
international favorable et une posture difficile pour les États-Unis en Irak qui les amĂšne Ă  
admettre les dĂ©veloppements iraniens. DeuxiĂšme raison : la « dissuasion virtuelle Â» des 
capacitĂ©s iraniennes. 

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218 

La « dissuasion virtuelle Â» de la menace amĂ©ricaine 

« DĂ©sormais, nous sommes encerclĂ©s Â», soulignait un diplomate iranien en 2003

« L’occupation de l’Irak par les forces amĂ©ricaines achĂšve l’encerclement de l’Iran ; 
amorcĂ© par le dispositif militaire que les États-Unis ont mis en place au Caucase, en Asie 
centrale, en Afghanistan, au Pakistan et dans le Golfe. L’un des buts non avĂ©rĂ© de 
l’invasion amĂ©ricaine d’Irak a Ă©tĂ© aussi d’achever cet encerclement. Â»

1

 

Il est vrai que, comme nous l’avons vu dans le chapitre prĂ©cĂ©dent, avec l’invasion de 

l’Irak, les États-Unis entourent l’Iran. Le discours amĂ©ricain est plutĂŽt agressif. L’un des 
trois pays de Â« l’Axe du Mal Â», l’Irak, est dĂ©sormais envahi. Avec cette invasion, les 
menaces amĂ©ricaines semblent de plus en plus rĂ©elles. C’est lĂ  oĂč, dans la situation d’un 
pays qui se sent assiĂ©gĂ©, un moyen de dissuasion contre l’invasion est utile. C’est d’ailleurs 
l’une des plus importantes fonctions de la dissuasion : barrer l’ennemi, le dissuader 
d’envahir. La rĂ©ponse de la CorĂ©e du Nord, mĂȘme si cette derniĂšre est moins encerclĂ©e que 
l’Iran, a Ă©tĂ© de fabriquer des bombes nuclĂ©aires, sans doute parce qu’elle n’a pas autant de 
moyens que l’Iran, surtout sur le plan diplomatique. La rĂ©ponse iranienne a Ă©tĂ© plus 
subtile : faire connaĂźtre ses capacitĂ©s  â€” dissuader â€” sans aller jusqu’à la fabrication des 
armes  â€” donc rester dans la lĂ©galitĂ©, respecter les termes du TNP, et montrer sa bonne 
citoyennetĂ© internationale. 

La dĂ©cision des Iraniens de ne pas dĂ©velopper d’armes nuclĂ©aires, montre aussi que non 

seulement ils disposent d’autres atouts  â€” soutien diplomatique au niveau international, 
soutien des Chiites dans la rĂ©gion entre autres â€” mais aussi qu’ils tiennent Ă  garder la 
confiance qu’ils ont difficilement dĂ©veloppĂ©e dans les vingt-quatre annĂ©es qui ont suivi la 
rĂ©volution. L’isolement et l’autarcie ont coĂ»tĂ© trĂšs cher Ă  l’Iran rĂ©volutionnaire. C’est une 
expĂ©rience qui l’empĂȘche de rĂ©pĂ©ter les mĂȘmes erreurs. Mais l’Iran, en ne dĂ©veloppant pas 
l’arme nuclĂ©aire, montre aussi, aujourd’hui comme au premier jour de lancement du 
programme d’énergie atomique, sa dĂ©termination Ă  bien profiter d’une industrie nuclĂ©aire 
civile, industrie dont l’Iran a seul le droit de juger des avantages. Jusqu'Ă  maintenant, et 
depuis le lancement de cette industrie en 1974, l’Iran a toujours Ă©tĂ© accusĂ© de vouloir 

                      

 

1

 

Citation d’un diplomate iranien dans de la Gorce, Paul-Marie, « La RĂ©publique islamique d’Iran 

sous pression Â», 

Le Monde Diplomatique

, juillet 2003, p. 8-9. 

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219 

utiliser son industrie civile comme Â« une couverture Â» pour dĂ©velopper des armes 
nuclĂ©aires. En dĂ©veloppant les activitĂ©s lĂ©gales d’enrichissement  â€” sans aller jusqu’aux 
taux militaires â€” l’Iran a signalĂ© sa capacitĂ© Ă  dĂ©velopper des armes nuclĂ©aires. En 
abandonnant les activitĂ©s d’enrichissement, le pays a fait preuve de bonne volontĂ© pour 
respecter ses engagements du TNP. En retour, depuis trente ans, l’Iran n’a pas reçu la 
contrepartie que le TNP prĂ©voit pour la bonne conduite, notamment l’accĂšs Ă  la 
technologie et la possibilitĂ© de dĂ©velopper une industrie nuclĂ©aire rentable. C’est lĂ  oĂč, en 
Ă©change de la dĂ©monstration de son respect des droits internationaux, l’Iran attend les 
bĂ©nĂ©fices de la deuxiĂšme partie du contrat. Il a obtenu le 18 dĂ©cembre 2003, en signant 
encore un protocole supplĂ©mentaire pour l’inspection internationale plus poussĂ©e de ses 
sites nucléaires

1

, l’engagement des EuropĂ©ens Ă  lui fournir des technologies avancĂ©es pour 

son programme civil

2

Un autre avantage pour l’Iran de simplement rĂ©vĂ©ler sa capacitĂ© de dĂ©velopper les armes 

nuclĂ©aires, mais sans le faire â€” ce que nous avons intitulĂ© « dissuasion virtuelle Â» â€” a Ă©tĂ© 
de prĂ©server la stabilitĂ© du Moyen-Orient. L’introduction d’une puissance nuclĂ©aire de plus 
dans la rĂ©gion aurait nĂ©cessairement perturbĂ© l’équilibre existant

3

. DiffĂ©rents pays de la 

rĂ©gion auraient rĂ©agi diffĂ©remment Ă  ce dĂ©veloppement : certains auraient cherchĂ© la 
couverture de la protection iranienne, d’autres, celle des États-Unis. Un dĂ©sĂ©quilibre dans 
la rĂ©gion, surtout dans le Golfe, n’est souhaitable ni pour l’Iran, ni pour les États-Unis. Les 
deux acteurs dĂ©pendent du passage libre et rĂ©gulier du pĂ©trole dans le Golfe. Voyons 
maintenant comment la capacitĂ© de « dissuasion virtuelle Â» de l’Iran sert Ă  dissuader les 
États-Unis et IsraĂ«l  â€” ainsi que d’autres voisins nuclĂ©aires menaçants â€” mais sans 
perturber l’équilibre rĂ©gional. Voyons aussi comment le passage libre du pĂ©trole n’est pas 
la seule question qui rapproche les États-Unis et l’Iran. C’est en partie l’évaluation de ces 
facteurs qui nous permettra de faire des pronostics sur le fonctionnement futur de 
l’industrie nuclĂ©aire en Iran. 

                      

 

1

 

Permettant des « inspections surprises » par l’AIEA de toutes les installations nuclĂ©aires du 

pays. 

2

 

IAEA, 

Implementation of NPT Safeguards Agreement in the Islamic Republic of Iran,

 Vienne, 24 fĂ©vrier 

2004, et des diffĂ©rents articles de presse internationale, 

The Guardian

BBC, Yale Global, World 

Nuclear Energy

.  

3

 

Rathmell, Andrew, Karasik, Theodore, Gompert, David, 

A New Persian Gulf Security System, 

RAND, 

Washington, 2003, p. 3-4. 

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220 

L’avenir du nuclĂ©aire iranien :  

trois options pour les États-Unis 

L’évolution de l’industrie nuclĂ©aire iranienne dĂ©pend des États-Unis et de ses dĂ©cisions 

dans les mois Ă  venir. MĂȘme si d’autres acteurs, la Russie, l’Europe, la Chine, l’ONU, ou 
des Ă©vĂ©nements, comme ceux d’Irak, peuvent influencer la dĂ©cision des États-Unis, le pays 
hĂ©gĂ©monique mondial a suffisamment de moyens pour imposer la dĂ©cision qui lui semble 
convenable.  Toutes les options lui sont ouvertes : du bombardement des installations 
iraniennes Ă  la tentative de changement de rĂ©gime, jusqu’à l’acceptation de la souverainetĂ© 
de l’Iran sur son cycle de combustion. 

RĂ©putation et antĂ©cĂ©dent 

Sur le plan de la conjoncture iranienne, plusieurs paramĂštres sont importants pour les 

États-Unis, notamment celui de la « rĂ©putation Â» ou de  la crĂ©ation d’un antĂ©cĂ©dent. Ils 
craignent, en effet, qu’aprĂšs avoir crĂ©Ă© une grande animation autour du nuclĂ©aire iranien 
depuis les derniĂšres trente annĂ©es, cĂ©der Ă  son fonctionnement serait donner une 
impression de clĂ©mence aux autres pays, les incitant Ă  poursuivre des industries nuclĂ©aires. 
Mais c’est une fausse inquiĂ©tude : peu de nouveaux pays seront en position de lancer une 
industrie nuclĂ©aire dans les conditions actuelles de ce marchĂ©. Les interdictions multiples 
de dĂ©veloppement des cycles de combustion et les mesures de contrĂŽle des fournisseurs 
sont suffisantes pour empĂȘcher de nouveaux entrants ou les contrĂŽler efficacement. Le cas 
de l’Iran est d’une certaine façon Â« ancien Â». Sans l’infrastructure et le savoir-faire 
introduits Ă  l’époque du Shah, la RĂ©publique islamique n’aurait pas Ă©tĂ© capable de 
dĂ©velopper une telle industrie et une telle compĂ©tence. 

EfficacitĂ© du rĂ©gime de non-prolifĂ©ration 

La deuxiĂšme crainte des États-Unis est celle de la santĂ© du rĂ©gime de la non-

prolifĂ©ration. Le dĂ©veloppement des armes par l’Iran aurait Ă©tĂ© signe de l’inefficacitĂ© du 
rĂ©gime du TNP. C’est aussi pour cela que la dĂ©cision iranienne de rĂ©vĂ©ler une capacitĂ© sans 
dĂ©velopper des armes renforce le rĂ©gime crĂ©Ă© et maintenu par les États-Unis. Ainsi, l’Iran 

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221 

sera un cas similaire au Japon ou Ă  l’Allemagne. Ce rĂ©gime, pour empĂȘcher une autre 
CorĂ©e du Nord, devra faciliter l’opĂ©ration rentable de l’industrie nuclĂ©aire civile de l’Iran. 

Le cas du Pakistan a Ă©tĂ© plus nuisible pour la logique du rĂ©gime de la non-prolifĂ©ration. 

LĂ , les États-Unis, pour des raisons bilatĂ©rales, ont Ă©tĂ© obligĂ©s de donner une dĂ©rogation au 
Pakistan, ce qui lui a permis de dĂ©velopper une capacitĂ© nuclĂ©aire militaire. Ceci a affaibli 
le rĂ©gime de non-prolifĂ©ration, mais Ă  l’époque, les intĂ©rĂȘts nationaux du gardien du 
rĂ©gime l’emportaient sur la survie de ce rĂ©gime. Cependant, le Pakistan, Ă  l’inverse de 
l’Iran, n’était pas signataire du TNP. Dans le cas de l’Iran, ce serait dans l’intĂ©rĂȘt du 
maintien du rĂ©gime de non-prolifĂ©ration, que les États-Unis ne poussent pas l’Iran en 
dehors de ce rĂ©gime pour des raisons bilatĂ©rales. LĂ  aussi, la stratĂ©gie de « dissuasion 
virtuelle Â» de l’Iran facilite la tĂąche des États-Unis. 

Les États-Unis sont ainsi face Ă  trois options possibles pour traiter du cas iranien. 

Examinons chaque option ainsi que leurs avantages et inconvĂ©nients. 

Le veto au nuclĂ©aire iranien 

Les États-Unis pourraient maintenir leur objection Ă  l’industrie nuclĂ©aire iranienne et 

intervenir pour l’arrĂȘter. Trois options sont possibles pour atteindre ce but : attaquer les 
installations iraniennes, tenter de changer le rĂ©gime actuel pour en privilĂ©gier un autre plus 
proche des souhaits amĂ©ricains, ou intervenir sur le fournisseur unique de l’Iran, la Russie, 
qui a rĂ©sistĂ© jusqu’à maintenant aux pressions amĂ©ricaines visant Ă  arrĂȘter le projet. 

L’option d’une attaque militaire et opĂ©ration couverte 

Shahram Chubin, bien que critique vis-Ă -vis du programme nuclĂ©aire iranien, dĂšs juillet 

2003, a mis les États-Unis en garde contre une intervention militaire Ă©ventuelle. Pour 
Chubin, « dans le meilleur des cas, l'utilisation de la force militaire peut seulement diffĂ©rer 
le programme d'acquisition nuclĂ©aire Â» et ceci ne sera pas sans risque. Chubin propose 
l’exemple de la CorĂ©e du Nord en 1994 comme pouvant se produire en Iran

1

. Un des 

inconvĂ©nients d’une intervention militaire serait l’admission par les États-Unis que le 
programme iranien est de nature militaire, et ce, contre l’avis de l’AIEA et le reste du 
monde â€” sauf IsraĂ«l. 

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222 

Il est vrai qu’IsraĂ«l a pu, en 1981, par une seule attaque dĂ©cisive, Ă©liminer l’Osirak, le 

seul rĂ©acteur de recherche de l’Irak. Mais le programme nuclĂ©aire iranien n’est pas 
comparable au petit rĂ©acteur de recherche qui constituait le cƓur du programme irakien. 
D’abord Osirak Ă©tait extrĂȘmement visible et Ă  cette Ă©poque, l’Irak, prĂ©occupĂ© par la guerre 
contre l’Iran n’a pas pu prendre des mesures de reprĂ©sailles jusqu’en 1991, au moment de 
la guerre du Golfe. Les installations-clĂ©s iraniennes ne sont pas au mĂȘme endroit. Elles sont 
dispersĂ©es et pas aussi visibles. Il sera impossible d’endommager le programme iranien en 
une seule attaque. Avec une telle option, plusieurs attaques simultanĂ©es seront nĂ©cessaires 
et ceci augmentera considĂ©rablement le risque d’une intervention militaire. 

Une telle intervention n’est voulue que par les États-Unis et IsraĂ«l. Ce dernier n’a pas la 

capacitĂ© d’entreprendre une mission d’une telle envergure et en ce qui concerne les États-
Unis, mĂȘme si les relations entre les deux pays semblent parfois tendues, il y a un dĂ©sir de 
rapprochement des deux cotĂ©s, et, depuis les difficultĂ©s amĂ©ricaines en Irak, une 
opportunitĂ© rĂ©elle de coopĂ©ration. Toute intervention militaire minerait cette possibilitĂ©. 
L’Iran possĂšde aussi plus d’atouts pour des reprĂ©sailles,  que ce soit sur les intĂ©rĂȘts 
amĂ©ricains en Irak, ou ailleurs. 

L’option la plus probable se ramĂšnerait Ă  la destruction ciblĂ©e des centres industriels et 

nuclĂ©aires supposĂ©s capables de fournir une capacitĂ© militaire. Mais la rĂ©action iranienne 
dĂ©jĂ  annoncĂ©e ne se limiterait sans doute pas Ă  une rupture avec l’AIEA et Ă  son pouvoir de 
nuisance en Irak ; elle pourrait se traduire par exemple par des initiatives dĂ©stabilisant le 
dispositif politique et militaire amĂ©ricain en Afghanistan â€” et indirectement au Pakistan. 
Chubin souligne : 

« En fait, les craintes principales de l'Iran sont les États-Unis, soupçonnĂ©s par les 

partisans de la ligne dure d'avoir cherchĂ© le changement de rĂ©gime bien avant d'en 
Ă©riger la doctrine. Rien de tout cela n'est officiellement  dĂ©clarĂ©, puisque les Iraniens 
nient vouloir l'arme nuclĂ©aire. Mais le sujet est cachĂ© au fond du dĂ©bat sur l'Ă©nergie 
nuclĂ©aire. Les durs ont brillamment rĂ©ussi Ă  le monopoliser en l'entourant de 
mystĂšre. Â»

2

 

                                                                    

 

1

 

Chubin, Shahram, 

Modifier la politique nucléaire de l'Iran plutÎt que provoquer un «changement de régime»,

 

Centre de politique de sĂ©curitĂ© de GenĂšve, 18 juin 2003. 

2

 

Ibid. 

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223 

Que peuvent donc faire les États-Unis s’ils s’engagent vers une confrontation ? L’option 

la moins vraisemblable serait le dĂ©clenchement d’une guerre analogue Ă  celle menĂ©e contre 
l’Irak. L’Iran est un pays d’une toute autre envergure par sa dimension, sa population, ses 
ressources et sa position gĂ©ostratĂ©gique. L’occuper nĂ©cessiterait l’engagement de forces 
considĂ©rables. Les forces iraniennes, divisĂ©es entre une armĂ©e classique et le corps des 
gardiens de la rĂ©volution, ne disposent, en rĂ©alitĂ©, que de crĂ©dits restreints et ne 
reprĂ©sentent qu’une puissance limitĂ©e. Toutefois, en dehors peut-ĂȘtre des rĂ©gions kurde au 
nord-ouest et baloutche au sud-est, la rĂ©sistance pourrait ĂȘtre indĂ©finiment prolongĂ©e dans 
toute la partie centrale du pays. La « dissuasion virtuelle Â» de l’Iran doit dans la majoritĂ© 
des cas Ă©viter une telle intervention. L’intervention immĂ©diate des États-Unis non 
seulement n’est pas possible, mais en rĂ©alitĂ© n’est mĂȘme pas urgente. 

En ce qui concerne les possibilitĂ©s d’une action couverte par les États-Unis, ce qui serait, 

en fonction des  difficultĂ©s d’une action ouverte, un choix plus raisonnable pour les États-
Unis, ceci pourrait prendre, d’aprĂšs Eisenstadt, la forme d’un « harcĂšlement ou assassinat 
des scientifiques et techniciens-clĂ©s iraniens [
] sabotage par l’introduction des dĂ©fauts 
dans le processus [
] pour crĂ©er des accidents catastrophiques ; sabotage des installations, 
directement ou bien par des citoyens des pays tiers ; sabotage des systĂšmes d’information 
par le biais des virus informatiques destructeurs [
] Â»

1

Mais Eisenstadt reconnaĂźt lui-mĂȘme que ces actions n’auront qu’un effet modeste et 

temporaire sur le programme iranien et risquent de provoquer des reprĂ©sailles et des 
rĂ©actions politiques dĂ©favorables Ă  l’Iran et Ă  la communautĂ© internationale  â€” trĂšs 
susceptible depuis quelque temps aux actions bilatĂ©rales des États-Unis. Que ce soit dans le 
cadre d’une action Â« couverte ou ouverte Â» des États-Unis, l’Iran aurait de multiples 
possibilitĂ©s de reprĂ©sailles. La perturbation du passage du pĂ©trole en golfe Persique est la 
solution la plus simple et la plus probable, mais d’aprĂšs Eisenstadt, des actions terroristes 
en Oman, KoweĂŻt, BahreĂŻn, Qatar et dans les EAU ne seraient pas hors de question. Tous 
ces pays sont des bases d’installations militaires importantes des États-Unis. Bien que 
jusqu'Ă  prĂ©sent l’Iran ait cherchĂ© activement Ă  aider les États-Unis dans sa lutte contre 

Al-

                      

 

1

 

Eisenstadt, Michael, « The Challenges of US Preventive Military Action Â», dans Sokolski, Henry, 

et Clawson, Patrick, 

Checking Iran’s Nuclear Ambitions

, Strategic Studies Institute, janvier 2004, 

p. 121-122. 

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224 

QaĂŻda

, la dĂ©gradation des relations pourrait l’amener Ă  faire moins attention Ă  certaines 

circulations clandestines Ă  travers ses frontiĂšres. Une action  Â« couverte ou ouverte Â» des 
États-Unis pousserait aussi les populations iraniennes qui lui sont favorables dans le camp 
des opposants et rĂ©duirait ainsi les efforts actuels de rĂ©forme et d’ouverture en Iran. 

L’Iran a dĂ©jĂ  dĂ©montrĂ© sa capacitĂ© Ă  enrichir l’uranium et l’a temporairement mise en 

arrĂȘt. Il possĂšde des mines d’uranium et la capacitĂ© nationale de fabrication des 
centrifugeuses. Une attaque le pousserait seulement vers un programme militaire 
clandestin utilisant tous ces atouts, cette fois en dehors du TNP et Ă  des fins militaires. Le 
fonctionnement du rĂ©acteur civil iranien ne reprĂ©sente aucun danger immĂ©diat pour les 
États-Unis. Le plutonium qui sera accumulĂ© dans les dĂ©chets de Boushehr â€” mĂȘme aprĂšs 
un an de fonctionnement â€” n’est pas vĂ©ritablement adaptĂ© Ă  l’usage militaire. Sa 
composition isotopique et la chaleur et radioactivitĂ© le rendent difficile et dangereux Ă  
manipuler. 

Dans les conditions actuelles de l’économie mondiale, la moindre perturbation du flux 

du pĂ©trole du Golfe, mĂȘme temporaire, aurait des consĂ©quences dramatiques sur 
l’économie mondiale. L’Iran pourrait aussi saisir des Ăźles ou bien des plateformes 

offshore

 

d’alliĂ©s des États-Unis dans le Golfe. L’Iran pourrait utiliser ses rĂ©seaux dans les États du 
Golfe pour renverser ou dĂ©stabiliser les pouvoirs en place. 

La pression sur la Russie 

La Russie est le fournisseur unique du rĂ©acteur de Boushehr. Si elle refusait d'achever les 

travaux des rĂ©acteurs, le programme de l’énergie nuclĂ©aire de l’Iran prendrait un retard 
considĂ©rable.  Les AmĂ©ricains et les IsraĂ©liens ont souvent tentĂ© d’intervenir sur la Russie 
pour lui faire arrĂȘter les travaux de Boushehr

1

. La Russie a souvent bĂ©nĂ©ficiĂ© d’aides 

financiĂšres des États-Unis pour ralentir l’achĂšvement des travaux. Les prĂȘts du FMI, 
l’élargissement de l’OTAN, la facilitation de la position russe en Asie centrale et mĂȘme 
l’acceptation du passage des 

pipelines

 Ă  travers la Russie plutĂŽt que la Turquie, ont Ă©tĂ© liĂ©s Ă  

la coopĂ©ration nuclĂ©aire de la Russie avec l’Iran. Mais, mis Ă  part des retards successifs, ces 
efforts n’ont pas changĂ© la volontĂ© de la Russie de mener Ă  bien son engagement. Les 

                      

 

1

 

Schake, Kori N., Yaphe, Judith S., 

The Strategic Implication of a Nuclear Armed Iran

, Institute for 

National Strategic Studies, National Defence University, Washington DC, 2001, p. 18-19. 

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225 

AmĂ©ricains ont pourtant remportĂ© des succĂšs dans les annĂ©es 1990 en poussant la Russie Ă  
annuler certains composants de son programme de coopĂ©ration nuclĂ©aire avec l’Iran. En 
1995, le prĂ©sident Eltsine a cĂ©dĂ© Ă  la pression amĂ©ricaine, en annulant la vente d’une usine 
d’enrichissement â€” par centrifugeuses â€” Ă  l’Iran. 

La Russie a un programme pour fournir au moins quatre rĂ©acteurs nuclĂ©aires Ă  l’Iran â€”

 dont deux pour Boushehr. Elle â€” comme quasiment tous les autres pays sauf IsraĂ«l â€” ne 
partage pas les prĂ©visions alarmistes des États-Unis sur l’industrie nuclĂ©aire iranienne. En 
outre, de bonnes relations avec l’Iran sont indispensables pour les intĂ©rĂȘts russes dans les 
rĂ©publiques musulmanes de l’ex-Union soviĂ©tique, en TchĂ©tchĂ©nie, et dans les rĂ©publiques 
d’Asie centrale â€” OuzbĂ©kistan, Kazakhstan, Tadjikistan, TurkmĂ©nistan, et Kirghizstan. La 
Russie a des siĂšcles de domination politique et Ă©conomique sur ces rĂ©publiques et les forces 
russes sont prĂ©sentes chez certaines d’entre elles. De plus, la Russie partage l’inquiĂ©tude de 
l’Iran en ce qui concerne l’expansion des relations amĂ©ricaines avec les rĂ©publiques d’Asie 
Centrale, particuliĂšrement les coopĂ©rations militaires. Les liens amicaux avec l’Iran 
fournissent Ă  la Russie un contrepoids important pour compenser sa faiblesse Ă©conomique 
et militaire par rapport aux États-Unis. La Russie voit en l’Iran un partenaire pour la 
stabilitĂ© de la rĂ©gion et ne risquera pas de ternir ses relations avec lui sur une question oĂč, 
pour une fois, ce sont les États-Unis et IsraĂ«l qui voient le Mal lĂ  oĂč il n’existe pas. Et cela 
surtout aprĂšs l’invasion de l’Irak par des amĂ©ricains et leur incapacitĂ© Ă  y trouver des armes 
de destruction massive ! 

Manipulations internes et changement de rĂ©gime 

L’opposition des États-Unis Ă  la souverainetĂ© iranienne sur le cycle de combustion ne 

date pas d’aujourd’hui, ni de l’avĂšnement de la RĂ©publique islamique. Les États-Unis ont 
Ă©tĂ©, depuis l’essai nuclĂ©aire de l’Inde en 1974 et depuis le lancement du programme 
nuclĂ©aire industriel de l’Iran, opposĂ©s Ă  la maĂźtrise nationale par l’Iran sur son cycle de 
combustion nuclĂ©aire. C’est la raison pour laquelle les accords bilatĂ©raux de coopĂ©ration 
nuclĂ©aire entre les deux pays n’ont jamais pu ĂȘtre finalisĂ©s. C’est aussi en partie la raison 
qui explique l’absence de participation des firmes  amĂ©ricaines dans la construction du 
programme nuclĂ©aire impressionnant de l’Iran Ă  l’époque du Shah. Le veto amĂ©ricain sur 
cette question Ă  cette Ă©poque s’est traduit par un changement de rĂ©gime. Mais il y avait, 

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226 

comme nous l’avons vu dans les chapitres prĂ©cĂ©dents, beaucoup d’autres facteurs qui ont 
favorisĂ© cette option. Les effets liĂ©s Ă  des changements de rĂ©gime sont, par nature, 
incertains. Les dĂ©veloppements, en ce qui concerne la politique nuclĂ©aire, mĂȘme favorable 
aux États-Unis, risquent d’ĂȘtre temporaires. 

Chubin, quand Ă  lui, prĂ©conise une Ă©volution soutenue plutĂŽt qu’un changement : 

« L'Iran n'est pas, comme la CorĂ©e du Nord, un État en faillite qui jouerait les ermites 

en souhaitant quitter le TNP, ni un agresseur, ni un paria international comme l'Ă©tait 
l'Irak de Saddam. C'est un État presque dĂ©mocratique, avec un certain degrĂ© de libertĂ© 
lors des Ă©lections, une presse “libre” bien que cible d'intimidations et, surtout, un dĂ©bat 
politique animĂ© parmi une population rĂ©tive dont l'opinion compte. C'est sur elle que 
pourrait s'appuyer une bonne politique de non-prolifĂ©ration Iran-US. Â»

1

 

Mais pour Chubin, il faut que cette Ă©volution soit fortement soutenue. Il fait allusion Ă  

« l’exaspĂ©ration d’une grande partie de la population du pouvoir conservateur et au 
discrĂ©dit grandissant du camp des rĂ©formateurs Â»

2

 qui ont Ă©tĂ© mis en lumiĂšre par les 

rĂ©centes Ă©lections municipales, oĂč seulement 12 % des Ă©lecteurs ont votĂ© Ă  TĂ©hĂ©ran, et Ă  
peine davantage dans l’ensemble des zones urbaines. Chubin traduit ceci par l’incapacitĂ© 
des Ă©lecteurs Ă  changer le rĂ©gime et prĂ©conise le renforcement de cette voie de rĂ©forme. 
Son option est celle de la « dĂ©mocratie contre le nuclĂ©aire civil Â». 

Accepter le nuclĂ©aire civil 

La deuxiĂšme option des États-Unis, optimale pour les deux parties d’aprĂšs notre analyse, 

est l’acceptation et la facilitation de l’industrie nuclĂ©aire iranienne  â€” c'est-Ă -dire 
l’achĂšvement immĂ©diat du rĂ©acteur de Boushehr. Mais pour que cette option fonctionne 
correctement, il faut que l’abandon par l’Iran de son cycle de combustion soit compensĂ© 
par la fourniture fiable et Ă©conomique de fuel. C’est aussi l’option qui permettrait d’exiger 
des rĂ©formes dĂ©mocratiques plus poussĂ©es en Iran. C’est la voie de la nĂ©gociation, la seule 
option vĂ©ritablement crĂ©dible ! Dans ce scĂ©nario, on doit aussi prendre en considĂ©ration les 
demandes lĂ©gitimes de l’Iran : fin des sanctions, garanties de sĂ©curitĂ© par les AmĂ©ricains, 
accĂšs aux technologies avancĂ©es, et Ă  terme, le retrait des forces amĂ©ricaines du golfe 

                      

 

1

 

Modifier la politique nuclĂ©aire de l'Iran plutĂŽt que provoquer un « changement de rĂ©gime Â».

 

2

 

Ibid. 

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227 

Persique. L’inconvĂ©nient de cette option pour les AmĂ©ricains est que certains composants 
de ce « marchĂ© Â» ne peuvent pas ĂȘtre Ă©changĂ©s immĂ©diatement. Mais dans la derniĂšre 
section de ce chapitre nous proposerons des solutions qui pourraient faciliter la mise en 
place de cette option. L’autre inquiĂ©tude des AmĂ©ricains est le fait que, tout en mettant en 
Ɠuvre cette option, l’Iran aura dĂ©jĂ  accĂ©dĂ© Ă  sa premiĂšre bombe nuclĂ©aire

1

. Nos arguments 

jusqu’ici ont montrĂ© que cela n’est pas dans l’intĂ©rĂȘt de l’Iran, si notre hypothĂšse de 
« dissuasion virtuelle Â» est valable. 

L’intervention, dĂšs dĂ©cembre 2004, des gouvernements britannique,  français et 

allemand va dans ce sens et renforce notre hypothĂšse. Ces États sont conscients que, pour 
que l’impact de leurs interventions soit durable, il faut qu’ils honorent leurs promesses de 
fourniture de technologie. La dĂ©claration de Kamal Kharrazi du 7 avril 2004 rappelant que 
l’abandon des activitĂ©s d’enrichissement n’était que temporaire, visait aussi Ă  rappeler la 
nĂ©cessitĂ© de remplir l’autre partie de ce marchĂ©. 

L’abandon de souverainetĂ© du cycle de combustion : les garanties de fourniture du fuel 

« Nous devons essayer d’inverser la direction des dĂ©veloppements iraniens en 

fournissant de meilleures options, moins chĂšres, en combustible pour la centrale de 
Boushehr, et en apaisant les inquiĂ©tudes sĂ©curitaires des Iraniens rĂ©formistes aussi bien que 
conservateurs, qui sont intĂ©ressĂ©s par la bombe Â»

2

, Ă©crivait un rĂ©dacteur du 

Los Angeles 

Times 

en aoĂ»t 2003. 

L’abandon des activitĂ©s d’enrichissement, pour ĂȘtre durable, doit recevoir en 

contrepartie la garantie d’une fourniture Ă©conomique et fiable de l’uranium. Pour le 
moment, cette fourniture est comprise dans le contrat de vente du rĂ©acteur par la Russie. 
Mais les contrats bilatĂ©raux ont le dĂ©faut de pouvoir ĂȘtre remis en cause unilatĂ©ralement. 
Avec des pressions ou des incitations venant des Etats-Unis, ou pour d’autres raisons 
politiques, la Russie pourrait toujours arrĂȘter de fournir de l’uranium Ă  l’Iran. C’est lĂ  oĂč les 
solutions multilatĂ©rales, par l’intermĂ©diaire de l’Union europĂ©enne ou de l’AIEA, peuvent 
intervenir. L’Iran est toujours membre d’Eurodif. Il suffit de reconsidĂ©rer les droits de 10 % 

                      

 

1

 

Sokolski, Henry, et Clawson, Patrick, 

Checking Iran’s Nuclear Ambitions

, Strategic Studies Institute, 

janvier 2004. 

2

 

Perkovich, citĂ© dans Franz, Douglas, « Iran Closes in on Ability to Build a Nuclear Bomb Â»

, Los 

Angeles Times

, 4 aoĂ»t 2003. 

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228 

de capacitĂ© d’enrichissement d’Eurodif sur une durĂ©e garantie de dix ou vingt ans. L’AIEA 
pourrait aussi se constituer un nouveau rĂŽle de crĂ©ation d’une gestion de fourniture de fuel 
pour diffĂ©rents pays, y compris l’Iran ; une sorte de marchĂ© interne avec des prix fixes et 
garantis sur plusieurs annĂ©es. 

Cette fourniture, qu’elle soit contrĂŽlĂ©e par l’AIEA ou par l’Union europĂ©enne, pourrait 

ĂȘtre liĂ©e Ă  la bonne mise en Ɠuvre des rĂ©formes dĂ©mocratiques, donnant ainsi le coup de 
pouce prĂ©conisĂ© par Chubin pour dĂ©mocratiser l’Iran. Ce concept pourrait paraĂźtre trop 
thĂ©orique, une sorte d’« Énergie pour la DĂ©mocratie Â» qui serait peut-ĂȘtre et finalement le 
vĂ©ritable « Atomes pour la Paix Â» en Iran. 

Le renforcement des rĂ©formes naturelles conduites par le pays 

L’Iran dĂ©tient dĂ©jĂ  un potentiel nuclĂ©aire militaire. Cette capacitĂ© de Â« dissuasion 

virtuelle Â» remplit ses besoins de dissuasion immĂ©diate. En attendant que la politique 
Ă©trangĂšre amĂ©ricaine soit plus rationnelle, respectueuse de ses alliĂ©s internationaux, moins 
favorable Ă  IsraĂ«l, et plus humaine, l’acceptation du nuclĂ©aire civil pourrait renforcer le 
processus interne de dĂ©mocratisation en Iran. La brusque rĂ©volte Ă©tudiante entamĂ©e dans la 
soirĂ©e du 10 juin 2003 sur le campus de l’universitĂ© de TĂ©hĂ©ran, qui a culminĂ© le 
vendredi 13 avec le renfort de cortĂšges venant des quartiers avoisinants, est l’exemple d’un 
soutien intĂ©rieur fort pour engager les rĂ©formes nĂ©cessaires. En Iran, le patriotisme, le 
nationalisme mĂȘme, sont d’essentielles donnĂ©es de la sociĂ©tĂ© et de l’esprit public. Il est 
important de bien gĂ©rer les processus de rĂ©forme pour y inclure l’ensemble de la 
population iranienne et lui garantir une reprĂ©sentation. L’essentiel ici serait d’éviter les 
piĂšges de la rĂ©volution de 1979. C’est l’évolution qui convient Ă  l’Iran d’aujourd’hui, et non 
pas la rĂ©volution â€” ou le « changement de rĂ©gime. Â» 

Accepter la souverainetĂ© iranienne sur son cycle de combustion 

En juin 2003, le prĂ©sident George W. Bush a dĂ©clarĂ©, pour la premiĂšre fois, que « les 

États-Unis ne tolĂ©reraient pas la possession par l’Iran d’une bombe atomique Â»

1

. Cela 

renforce notre thĂšse sur l’inutilitĂ© de la bombe pour l’Iran et l’hypothĂšse de l’utilitĂ© de la 
« dissuasion virtuelle Â». Si l’Iran possĂšde dĂ©jĂ  cette capacitĂ© de dissuasion, ce qui signifie 

                      

 

1

 

The Guardian,

 20 juin 2003. 

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229 

qu’il n’y a plus d’intĂ©rĂȘt Ă  fabriquer des bombes, et si la confiance entre les deux pays 
augmente suffisamment, cette troisiĂšme option  â€” fortement improbable dans le court 
terme â€” pour  les États-Unis d’accepter le dĂ©veloppement d’un cycle de combustion 
complet par l’Iran, restera toujours ouverte. 

Les Ă©lĂ©ments les plus inquiĂ©tants du cycle de combustion iranien pour les États-Unis 

sont les suivants : 

L’enrichissement 

Une contamination d’uranium enrichi  â€” seulement Ă  36 % â€” dans l’environnement 

des centrifugeuses iraniennes explique l’inquiĂ©tude des États-Unis au sujet du cycle de 
combustion. Le taux nĂ©cessaire pour les rĂ©acteurs Ă  l’eau lĂ©gĂšre est de 3 %. Les installations 
d’enrichissement peuvent effectivement enrichir l’uranium Ă  des taux Ă©levĂ©s utiles pour 
l’usage militaire. Pour ce faire, le taux d’enrichissement doit dĂ©passer les 90 %. À 36 % on 
en est loin. Mais ceci peut servir de signal de capacitĂ©. Le Pakistan avait signalĂ© en 1994 sa 
capacitĂ© Ă  enrichir l’uranium Ă  des taux Ă©levĂ©s quand il craignait la possibilitĂ© d’une 
invasion armĂ©e par l’Inde. Le signal a pu rĂ©sorber le conflit. 

La RĂ©publique islamique a justifiĂ© ce taux par le fait que les centrifugeuses utilisĂ©es sont 

d’occasion et que la contamination dĂ©tectĂ©e est due Ă  leur utilisation passĂ©e dans leur pays 
de provenance â€” probablement le Pakistan

1

Le retraitement 

Comme l’enrichissement, le retraitement offre Ă©galement une possibilitĂ© pour un 

opĂ©rateur de rĂ©acteurs civils d’isoler du plutonium et de l’uranium enrichi qui pourront 
ensuite ĂȘtre utilisĂ©s pour la fabrication des bombes nuclĂ©aires. Cette voie est mĂȘme 
beaucoup plus simple et moins coĂ»teuse que celle de l’enrichissement. Les usines de 
retraitement sont assez simples et petites â€” 10 m x 15 m x 45 m â€” les rendant difficiles Ă  
identifier par satellite, et nĂ©cessitant peu d’investissement et de temps Ă  construire. L’Iran 
possĂšde dĂ©jĂ  cette technologie. 

L’un des arguments qu’on avance contre l’Iran est que le plutonium dans les dĂ©chets n’a 

pas de valeur Ă©conomique, et qu’il vaut mieux le retourner en Russie pour le retraitement. 

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230 

Ce que l’Iran a acceptĂ© pour son rĂ©acteur russe

2

. Mais des considĂ©rations « financiĂšres Â» 

bloquent toujours la signature des accords entre l’Iran et la Russie Ă  ce sujet. 

Iran-USA : dolĂ©ances, avantages comparĂ©s et intĂ©rĂȘts communs 

Avec l’arrivĂ©e au pouvoir du prĂ©sident Khatami en mai 1997, il y a eu une tentative 

publique d’ouverture vers les États-Unis. Khatami proposa sur CNN un « dialogue de 
civilisations Â» entre les États-Unis et l’Iran. Clinton a donnĂ© suite Ă  cette proposition en 
disant lors d’un match de football entre l’Iran et les États-Unis : « En applaudissant le 
match d’aujourd’hui entre athlĂštes iraniens et amĂ©ricains, j’espĂšre que ce sera un autre pas 
vers la fin des tensions entre nos deux pays. Â» Il y eut un autre geste stratĂ©gique lorsqu’en 
octobre 1999 les États-Unis mirent les 

Mojahedines

 sur leur liste d’organisations terroristes

3

Les quatre premiĂšres annĂ©es de la prĂ©sidence de Khatami ont Ă©tĂ© remplies d’espoirs de 
rapprochement entre les deux pays. Bien qu’il y ait eu une amĂ©lioration certaine dans les 
relations entre l’Iran et les États-Unis dans les derniĂšres annĂ©es, surtout depuis la 
prĂ©conisation par le prĂ©sident Khatami d’un « dialogue de civilisations Â», trois questions 
divisent encore les deux pays. La premiĂšre est la question du Â« terrorisme Â» pour les 
AmĂ©ricains, qui sont persuadĂ©s que l’Iran l’utilise, mais qui reconnaissent que cela a 
beaucoup diminuĂ©. L’autre question, pour l’Iran comme pour le reste du monde, est le 
soutien inconditionnel des États-Unis Ă  l’IsraĂ«l. La derniĂšre question est celle des armes de 
destruction massive

1

Les dolĂ©ances 

Les États-Unis ne peuvent pas oublier qu’ils ont Ă©tĂ© forcĂ©s de quitter Beyrouth en 1983 

aprĂšs l’attaque par des milices pro-iraniennes qui a tuĂ© 241 marines. Une premiĂšre 
humiliation a Ă©tĂ© la prise d’otages Ă  l’ambassade des États-Unis Ă  TĂ©hĂ©ran, et la seconde le 

                                                                    

 

1

 

Des fuites rĂ©centes de l’IAEA laissent croire qu’il y aurait eu quatre pays fournisseurs pour le 

programme d’enrichissement de l’Iran. 

2

 

Ce rĂ©acteur produira environ 250 kg de plutonium par an dans ses dĂ©chets. 

3

 

Les États-Unis ont maintenu des relations proches avec les Mojahedines depuis la rĂ©volution, 

d’aprùs ce que l’

Iran desk officer

 au DĂ©partement d’État amĂ©ricain nous a confirmĂ© en 1994. C’est ce 

mĂȘme groupe, que la presse prĂ©sente comme responsable de la divulgation des activitĂ©s 

d’enrichissement en Iran. 

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231 

Hezbollah qui avait forcĂ© les IsraĂ©liens Ă  quitter le Liban. L’Iran, quant Ă  lui, se souvient 
toujours des dĂ©veloppements dĂ©mocratiques tronquĂ©s par le coup anglo-amĂ©ricain de 1953 
et par les interventions amĂ©ricaines dans ses affaires internes durant l’époque du Shah. En 
ce qui concerne les armes de destruction massive, l’Iran, qui est toujours accusĂ© de vouloir 
en dĂ©velopper, ne peut pas oublier comment les États-Unis ont armĂ© et financĂ© l’Irak pour 
les utiliser contre les populations iraniennes

2

Si durant les premiĂšres annĂ©es de la rĂ©volution, l’Iran Ă©tait isolĂ© et constituait une source 

d’inquiĂ©tude pour les pays de la rĂ©gion, ceci a changĂ© de maniĂšre significative dans les 
annĂ©es qui ont suivi l’élection du prĂ©sident Khatami. L’Iran a Ă©tĂ© le pays hĂŽte de 
l’Organisation de la ConfĂ©rence Islamique en 1997 Ă  laquelle plus de cinquante pays ont 
participĂ©. Depuis, il y eut des contacts rĂ©cents entre dirigeants iraniens et saoudiens et les 
relations avec le KoweĂŻt, BahreĂŻn, et Oman se sont aussi amĂ©liorĂ©es. Bien qu’à une Ă©poque, 
la politique Ă©trangĂšre de l’Iran ait Ă©tĂ© un mĂ©lange d’objectifs nationalistes et islamiques, 
celle de la pĂ©riode rĂ©cente est fondĂ©e sur des considĂ©rations gĂ©opolitiques et Ă©conomiques. 
Le dĂ©sir de stabilitĂ© rĂ©gionale et d’amĂ©lioration de l’économie a pris la place des principes 
rĂ©volutionnaires d’antan. La politique Ă©trangĂšre de l’Iran est marquĂ©e par la prudence. Les 
forces armĂ©es rĂ©volutionnaires se comportent de plus en plus de maniĂšre professionnelle et 
comme des forces armĂ©es traditionnelles. L’Iran s’est Ă©loignĂ© du Hezbollah depuis que ce 
dernier a refusĂ© de reconnaĂźtre l’Ayatollah Khamenei comme sa source d’émulation

3

Depuis l’élection du prĂ©sident Khatami, l’Iran signale que son soutien au Hezbollah se 
limite Ă  la libĂ©ration du Liban et qu’une paix acceptable pour l’AutoritĂ© Palestinienne sera 
acceptable pour lui aussi. L’utilitĂ© du soutien Ă  la Palestine a Ă©tĂ© dĂ©battue au Parlement et 
l’Ayatollah Khamenei lui-mĂȘme dĂ©clarait que le DjihĂąd de Palestine n’était pas celui de 
l’Iran. 

En 1999, le prĂ©sident Khatami a visitĂ© de nombreuses capitales europĂ©ennes et dĂ©clarĂ© 

que l’Iran ne commettait plus d’actes de terrorisme Ă  l’étranger et coopĂ©rait sur la question 
des armes de destruction massive

4

. L’Iran a arrĂȘtĂ© son soutien au terrorisme dans le Golfe 

                                                                    

 

1

 

Green, Jerrold, D., 

Iran: Limits to Rapprochement, Statement before the Committee on Foreign Relations 

Subcommittee on Near Eastern and South Asian Affairs

, 1999. 

2

 

Financial Times

, 17 mars 2004. 

3

 

Iran’s Security Policy in the Post-Revolutionary Era,

 RAND, Washington, 2001. 

4

 

Ibid., p. 86. 

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232 

et son implication dans les incidents s’est rĂ©duite depuis l’élection de Khatami. Si IsraĂ«l et 
les États-Unis sont prĂ©occupĂ©s par le dĂ©veloppement des missiles iraniens, l’Iran, quant Ă  
lui, a la mĂȘme inquiĂ©tude pour ceux d’IsraĂ«l, qui peuvent en plus porter quelques 200 tĂȘtes 
nuclĂ©aires. L’Iran craint aussi la puissance nuclĂ©aire d’IsraĂ«l et la considĂšre comme une 
menace contre sa sĂ©curitĂ©. Le rapprochement croissant d’IsraĂ«l avec la Turquie est aussi 
une source de prĂ©occupation pour l’Iran. Bien que l’appareil de dĂ©fense iranien compte sur 
les missiles et les avions comme moyen de dissuasion contre IsraĂ«l, il craint aussi que les 
forces iraniennes ne puissent pas dĂ©fendre l’Iran contre une attaque israĂ©lienne

1

D’aprĂšs Daniel Byman et Jerold Green de RAND, Shahram Chubin du 

Geneva Centre for 

Security Policy

, Anoush Ehteshami de l’universitĂ© de Durham, bien que capables de 

« relever les dĂ©fis du vingt et uniĂšme siĂšcle : forces amĂ©ricaines en Irak et en Afghanistan, 
axe Turquie-IsraĂ«l fort, terrorisme et troubles en Arabie Saoudite, et dans les autres États 
du Golfe Â», les forces armĂ©es ainsi que les services secrets iraniens fonctionnent seulement 
avec un budget de moins de cinq milliards de dollars par an

2

. Rafsandjani, dĂšs 1989, a 

rationalisĂ© les forces armĂ©es, l’

Artesh,

 et professionnalisĂ© les 

Pasdaran

 (le Corps des 

Gardiens RĂ©volutionnaires Islamiques qui a Ă©tĂ© crĂ©Ă© aprĂšs la rĂ©volution). 

En raison de la crise Ă©conomique, et du dĂ©sir d’avoir une plus large reprĂ©sentation 

politique, un plus grand nombre d’Iraniens demandent des rĂ©formes Ă©conomiques et 
sociales. Bien que le prĂ©sident Khatami ait amĂ©liorĂ© les relations avec l’Europe et le monde 
arabe, le « dialogue critique Â» avec l’Europe est lent au goĂ»t des AmĂ©ricains

3

. Les Iraniens 

d’aujourd’hui, d’aprĂšs Chubin, ne peuvent plus ĂȘtre mobilisĂ©s par le rĂ©gime pour faire des 
sacrifices de guerre. L’Iran, d’aprĂšs Chubin, « fonctionne comme un État normal Â», en 
partie Ă  cause de sa dĂ©sillusion concernant l’usage de la force et parce que les forces 
militaires et sĂ©curitaires iraniennes ont pris des mesures pour Ă©viter que l’Iran ne s’engage 
dans une confrontation. L’Iran a Ă©vitĂ© le conflit en reculant devant une confrontation avec 
les Talibans en 1998

4

 et avec la Turquie en juillet 1999

5

                      

 

1

 

Ibid. 

2

 

Ibid., p. 31. 

3

 

International Crisis Group, 

Iran: the Struggle for the Revolution’s Soul

, Bruxelles, 5 aoĂ»t 2002. 

4

 

Suite Ă  la mort de plusieurs Iraniens durant l’invasion de Mazaereh Sharif. 

5

 

Les troupes turques avaient attaqué en juillet 1999 des sites en Iran durant leur campagne anti-

PKK (parti travailliste kurde). 

background image

 

 

233 

L’Iran d’aujourd’hui n’est pas celui de la dĂ©cennie qui a suivi la rĂ©volution. Comme 

nous le montrerons plus loin, si les États-Unis en tiennent compte, cela pourra faciliter la 
coopĂ©ration entre les deux pays. Le discours sur l’« Axe du Mal Â» et sur les armes de 
destruction massive a perdu de sa lĂ©gitimitĂ©, depuis qu’aucune arme n’a Ă©tĂ© trouvĂ©e en 
Irak. Avec le non respect par les amĂ©ricains des droits de l’homme en Irak, la dĂ©signation 
des autres par le « Mal Â» est aussi devenue beaucoup moins pertinente. 

Les avantages comparĂ©s 

L’Irak et l’Afghanistan 

La situation en Irak est probablement l’atout le plus important que possĂšde l’Iran Ă  

l’heure actuelle face aux États-Unis : l’issue de l’invasion amĂ©ricano-britannique de l’Irak 
est trĂšs incertaine et l’aide de l’Iran pourrait ĂȘtre un avantage considĂ©rable pour les États-
Unis.  Les États-Unis exercent actuellement une domination militaire sur le golfe Persique. 
L’Iran, comme nous l’avons vu au chapitre prĂ©cĂ©dent, a fait des investissements en dessous 
de ses besoins de sĂ©curitĂ© et n’est pas un dĂ©fi militaire pour les États-Unis. Cependant, le 
maintien des forces amĂ©ricaines dans la rĂ©gion non seulement coĂ»te cher, mais commence 
Ă  avoir un effet nĂ©gatif, y compris sur les alliĂ©s amĂ©ricains dans la rĂ©gion. D’aprĂšs de la 
Gorce, un accord « secret Â» entre Washington et TĂ©hĂ©ran a permis, en 2003, l’ouverture 
d’un corridor entre le territoire iranien et les rĂ©gions dĂ©jĂ  occupĂ©es par l’armĂ©e amĂ©ricaine 
oĂč la communautĂ© chiite est implantĂ©e

1

. Ainsi, la RĂ©publique islamique aurait montrĂ© une 

grande rĂ©serve devant le dĂ©roulement des opĂ©rations. L’armĂ©e iranienne a refoulĂ© le groupe 
wahhabite qui menait dans le nord de l’Irak une violente activitĂ© politique et religieuse. Il 
Ă©tait soupçonnĂ© par les services amĂ©ricains d’ĂȘtre en relation avec 

Al-QaĂŻda

 et, devant la 

prise en main de la rĂ©gion par les milices kurdes, de tenter de franchir la frontiĂšre. 

Donald Rumsfeld a essayĂ© de dissuader l’Iran â€” ainsi que la Syrie â€” d’apporter une 

aide Ă  la rĂ©sistance irakienne. Si le cours des Ă©vĂ©nements ne s’amĂ©liore pas, l’influence 
iranienne sur les Chiites d’Irak pourrait constituer un appui trùs important pour les États-
Unis. Certains de ces groupes ont leurs bases arriĂšre en Iran, y compris le plus important, 

                      

 

1

 

De la Gorce, Paul-Marie, « La RĂ©publique islamique d'Iran sous pression Â», 

Le Monde diplomatique

juillet 2003, pp. 8-9. 

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234 

le Conseil SuprĂȘme de la RĂ©volution Islamique en Irak (CSRII) prĂ©sidĂ© par M. Baqer Al-
Hakim. Dans d’autres groupes encore, on trouve des religieux trĂšs influents, comme par 
exemple l’ayatollah Ali Sistani. Tous revendiquent l’établissement d’un pouvoir national, le 
dĂ©part des forces amĂ©ricaines d’occupation et la prĂ©sence des Chiites Ă  la tĂȘte du pays, en 
conformitĂ© avec leur prĂ©pondĂ©rance numĂ©rique. 

Que ce soit en bordure d’Irak ou d’Afghanistan, les frontiĂšres avec l’Iran sont assez 

longues. Sans aller jusqu’à la complicitĂ©, s’il est forcĂ© Ă  le faire, l’Iran pourrait au moins 
surveiller les mouvements Ă  travers ses frontiĂšres. 

L’impopularitĂ© croissante de la prĂ©sence amĂ©ricaine dans le Golfe 

L’impopularitĂ© croissante des États-Unis dans le monde, et surtout dans la rĂ©gion du 

Golfe, est un avantage temporaire pour l’Iran. La perception des populations de ces pays est 
que leurs gouvernements dĂ©pensent des sommes importantes pour maintenir des forces 
amĂ©ricaines dans la rĂ©gion. Elles croient  â€” Ă  juste titre â€” que leurs gouvernements 
dĂ©pensent encore plus pour l’achat des systĂšmes de dĂ©fense amĂ©ricains. Depuis l’invasion 
de l’Irak en 2003, mĂȘme certaines nations europĂ©ennes partagent l’avis de l’Iran et se font 
des États-Unis l’image d’un pays arrogant, intimidant les États plus faibles, et incapable de 
nouer des relations de respect mutuel avec d’autres nations. 

L’Iran perçoit la forte prĂ©sence amĂ©ricaine dans le golfe Persique comme un signe 

d’intimidation et veut que cette prĂ©sence diminue. La stratĂ©gie de l’armĂ©e iranienne a Ă©tĂ© 
d’augmenter le coĂ»t pour les États-Unis d’une intervention contre les forces iraniennes. 
Cela confirme aussi notre hypothĂšse de divulgation des activitĂ©s d’enrichissement comme 
une « dissuasion virtuelle. Â» 

En 1997, l’Iran voyait les États-Unis comme seule source de menace dans le Golfe : 

« Aujourd’hui les États-Unis sont le seul ennemi que nous considĂ©rons comme une menace 
majeure dans notre stratĂ©gie. Aucun des pays de la rĂ©gion n’est une menace pour la 
sĂ©curitĂ© de l’Iran. Nous avons organisĂ© nos forces et Ă©quipements contre la menace des 
États-Unis et nos manƓuvres et exercices sont basĂ©s sur ces menaces Â»

1

. L’

Artesh

 essaie de 

                      

 

1

 

Kayhan

, 10 dĂ©cembre, 1996. 

background image

 

 

235 

restreindre les activitĂ©s des 

Pasdaran 

dans le Golfe et de les empĂȘcher d’engager les États-

Unis. 

Les missiles iraniens 

Un autre atout de l’Iran est son programme de missiles. Ce programme avait Ă©tĂ© 

dĂ©veloppĂ© Ă  la suite de, et en raison de l’expĂ©rience de, la guerre contre l’Irak. Bagdad Ă©tait 
la cible visĂ©e au dĂ©part, mais aujourd’hui c’est Tel-Aviv. Le programme de missiles de l’Iran 
ne peut servir que pour la dissuasion, Ă©tant donnĂ© la supĂ©rioritĂ© d’IsraĂ«l qui possĂšde aussi 
des sous-marins dans le golfe Persique capables de lancer des missiles nuclĂ©aires. 

La distance la plus courte entre la frontiĂšre de l’Iran et Bagdad est de 130 km. Pendant la 

guerre Iran-Irak, et plus particuliĂšrement durant la « guerre des villes Â» de 1988, l’Iran a 
tirĂ© des missiles Scud sur Bagdad, avec une portĂ©e de 300 km et une charge utile de 
1 000 kg. AprĂšs la guerre, l’Iran a essayĂ© de dĂ©velopper des sĂ©ries de missiles 

Mushak

 avec 

des portĂ©es de 130 Ă  200 km dans le seul but d’atteindre Bagdad. En 1989, l’Iran a importĂ© 
200 missiles chinois CSS-8 avec une portĂ©e de 150 km et une charge utile de 190 kg, la 
cible Ă©tant encore Bagdad. Depuis la fin de la guerre, l’Iran a achetĂ© en CorĂ©e du Nord des 
missiles Scud avec des portĂ©es atteignant 500 km. 

Le dĂ©veloppement des missiles, de mĂȘme que les recherches nuclĂ©aires, ont finalement 

servi un seul but : la dissuasion. Ce dĂ©veloppement Ă©tait fondĂ© sur l’expĂ©rience de la guerre 
avec l’Irak et sur la constatation que le droit et les institutions internationales n’étaient pas 
les moyens sur lesquels on pouvait compter pour sa survie. 

Comme l’explique Chubin

1

l’Iran s’est tournĂ© vers l’est, notamment la Chine et CorĂ©e 

du Nord, pour l’acquisition des missiles et technologies, en raison de son incapacitĂ© Ă  se 
procurer une quantitĂ© de missiles nĂ©cessaire pour faire face Ă  l’Irak en 1987-88. En mĂȘme 
temps, Ă  cause d’embargos imposĂ©s Ă  la RĂ©publique islamique, il y a eu un programme de 
dĂ©veloppement de missiles en interne. 

Oghab

 (l’aigle) et 

Shahin

 (le faucon) sont les fruits de 

                      

 

1

 

Chubin, Shahram, 

Iran’s National Security Policy: Intentions, Capabilities and Impact,

 Carnegie 

Endowment, Washington DC, 1994, p. 22-25. 

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236 

ce dĂ©veloppement. En 1989, l’Iran a annoncĂ© la fabrication d’un nouveau missile avec une 
portĂ©e de 200 kilomĂštres

1

En 1999, l’Iran a testĂ© le 

Shahab 3, 

un dĂ©rivĂ© du 

Nodong 1

 de la CorĂ©e du Nord avec une 

portĂ©e de 1 300 kms et une charge utile de 750 kg. Ceux-ci peuvent atteindre IsraĂ«l : Tel-
Aviv est Ă  1 020 kms. La portĂ©e supplĂ©mentaire pourrait donner la capacitĂ© Ă  ce missile 
d’adopter une courbe de trajectoire plus convexe, atteignant une vitesse d’entrĂ©e qui 
empĂȘche leur interception par le systĂšme de dĂ©fense aĂ©rien israĂ©lien, 

Arrow

2

. L’Iran, selon 

des rumeurs, dĂ©velopperait aussi le 

Shahab 4, 

avec une portĂ©e de 2 000 kms et une charge 

utile de 1 000 kgs. 

En juillet et septembre 2000, l’Iran aurait testĂ© le 

Chehab-3D

  qui utiliserait des fuels 

solides et liquides, et dĂ©clare avoir fabriquĂ© cinq missiles balistiques sous le contrĂŽle des 
gardiens islamiques révolutionnaires (

pasdaran

3

). 

« La construction du missile Shahab-3 n’est pas en infraction avec la politique de paix 

de la RĂ©publique islamique de l’Iran, qui cherche la dĂ©tente et l’établissement de la paix 
et de la sĂ©curitĂ© dans la rĂ©gion comme principe. En fait, ceci est une garantie pour la 
paix et la sĂ©curitĂ© dans la rĂ©gion du golfe Persique, contre ceux qui commettent des 
agressions contre les droits des nations. Â»

4

 

La guerre avec l’Irak a dĂ©truit 75 % des avions militaires iraniens  â€” de production 

amĂ©ricaine â€” et rendu les 25 % restants d’une utilitĂ© incertaine, pour manque d’accĂšs aux 
piĂšces de rechange. Depuis, l’Iran s’est tournĂ© vers l’Union soviĂ©tique (et ensuite la Russie) 
comme fournisseur de matĂ©riel. L’Iran a aussi rĂ©cupĂ©rĂ© des avions soviĂ©tiques irakiens, en 
1991, quand les pilotes irakiens se sont enfuis. En janvier 1991, l’Iran dĂ©clare avoir lancĂ© un 
programme de fabrication de missiles de longue portĂ©e, de missiles Ă  courte portĂ©e, de type 

                      

 

1

 

INRA, 19 avril 1989. Repris dans Chubin, Shahram, 

Iran’s National Security Policy: Intentions, 

Capabilities and Impact

, Carnegie Endowment, Washington DC, 1994, p. 22. 

2

 

Speier, Richard, Â« Iranian Missiles and Payloads Â», dans Kemp, Geoffrey, ed., 

Iran’s Nuclear 

Weapons Options: Issues and Analysis, 

The Nixon Center, DC, 2001, p. 57. 

3

 

Arms Control Today

, octobre 2000, repris dans Chubin, Shahram, 

Whither Iran? Reform, Domestic 

Politics and National Security

, Oxford University Press, Oxford, 2002, p. 56. 

4

 

Mohsen Rezai, juillet 1998, citĂ© dans Schake, p. 27. 

background image

 

 

237 

sol Ă  sol (

ground to ground

) tel que le 

Fazeat 

(80-150 kms), 

Fadjr 

et 

Zehal 

(200 kms), ainsi 

que des missiles anti-bateaux et des missiles de croisiĂšre, et le missile balistique 

Chehab-3

1

Ayant des bases industrielles et intellectuelles, l’Iran a mĂȘme pu dĂ©passer son 

fournisseur nord-corĂ©en. L’infrastructure des missiles balistiques en Iran est dĂ©sormais plus 
sophistiquĂ©e que celle de la CorĂ©e du Nord. Elle a bĂ©nĂ©ficiĂ© de l’assistance Ă  long terme de 
la Russie et la Chine. D’aprĂšs un rapport du CongrĂšs amĂ©ricain de 1988, l’Iran fait des 
progrĂšs rapides pour le dĂ©veloppement du 

Shahab-3 MRBM

 qui, comme le 

Nodong 

de la 

CorĂ©e du Nord, a une portĂ©e de 1 300 kms

2

Ce mĂȘme  rapport a jugĂ© que « l’Iran a 

dĂ©sormais la capacitĂ© et les ressources pour la fabrication de missiles balistiques de portĂ©e 
ICBM, similaire au TD-2, basĂ© sur la technologie Scud [
] mais qu’il n’a pas pris la 
dĂ©cision de lancer le programme de fabrication. Â»

 

Cependant, il faut tempĂ©rer les dĂ©clarations alarmistes de la presse sur le programme de 

missiles iraniens. Les missiles que l’Iran dĂ©veloppe  actuellement ne sont pas de type 
« intelligent Â», capables d’une grande prĂ©cision pour atteindre leurs cibles. Leur seule utilitĂ© 
est dans le cas d’attaques contre des villes et des cibles Ă©tendues. Comme le note Byman, ils 
peuvent Ă  la limite ĂȘtre utilisĂ©s contre des zones de concentration de troupes, compliquant 
ainsi les opĂ©rations d’une campagne amĂ©ricaine

3

En 1995, l’Arabie Saoudite a finalisĂ© un systĂšme de dĂ©fense aĂ©rien  â€” le bouclier de 

paix â€” qui a coĂ»tĂ© 8 milliards de dollars et qui lie les systĂšmes de radars avancĂ©s de rayon 
court, moyen et long aux AWACS saoudiens, avions d’attaque, et aux missiles SAM et 
systĂšmes antiaĂ©riens. Ceci pourrait devenir la base d’un systĂšme de dĂ©fense aĂ©rien pour le 
Golfe. Le KoweĂŻt, en 1995, a Ă©tabli un systĂšme similaire Ă  une plus petite Ă©chelle et a 
cherchĂ© Ă  lier son systĂšme d’avertissement avancĂ© (

advanced warning system

) Ă  celui de 

l’Arabie Saoudite. Le commandement aĂ©rien d’Oman planifie actuellement un systĂšme et 
une mise à niveau similaires à ceux de l’Arabie Saoudite. En 2001, le CCG

4

 a aussi 

                      

 

1

 

The New York Times, 

13 mars 2001, 

Defense News, 

12 mars 2001, citĂ©s dans Chubin, Shahram, 

Whither Iran? Reform, Domestic Politics and National Security

,

 

Oxford University Press, Oxford, 2002, 

p. 56. 

2

 

Executive Summary of the Report to the Commission to Assess the Ballistic Missile Threat to the United States. 

Pursuant to Public Law 201. 104th Congress

 , Washington, 15 juillet 1998. 

3

 

Byman, Daniel, Wise, John, L., 

The Persian Gulf in the Coming Decade: Trends, Threats, and Opportunities

 , 

RAND Project Air Force, 2002, p. 29. 

4

 

Regroupant l’Arabie Saoudite, le KoweĂŻt, l’Oman, les Émirats arabes unis, le Qatar, le BahreĂŻn. 

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238 

commencĂ© la construction d’un systĂšme conjoint de dĂ©fense aĂ©rienne  â€” 

Hizaam  Al 

Taawun 

ou bouclier de coopĂ©ration â€” qui est liĂ© au systĂšme de dĂ©fense aĂ©rien de chaque 

État

1

. Face Ă  ces dĂ©veloppements sophistiquĂ©s et coĂ»teux, les missiles iraniens ne peuvent 

avoir d’utilitĂ© que pour la dissuasion. 

L’ouvrage trĂšs complet de Cordesman sur la capacitĂ© militaire iranienne

2

 

fournit une 

Ă©tude dĂ©taillĂ©e de tous les aspects de la puissance iranienne, y compris la capacitĂ© nuclĂ©aire 
et les moyens d'envoi (

delivery

). Lui aussi confirme la capacitĂ© autonome de fabrication des 

missiles balistiques, de croisiĂšre ou Ă  longue portĂ©e de l’Iran, capables d’atteindre IsraĂ«l. 
L’avantage des missiles sur les avions est de ne pas nĂ©cessiter de piĂšces de rechange. Avec 
l’embargo et la baisse importante des budgets de dĂ©fense iraniens, les seules sources 
d’approvisionnement possible d’avions sont la Russie et la Chine. Les appareils chinois ne 
sont pas assez sophistiquĂ©s, et ceux de la Russie obligeront l’Iran Ă  s’entraĂźner sur les 
systĂšmes soviĂ©tiques, alors que les forces iraniennes sont formĂ©es sur les appareils 
occidentaux. Les missiles sont aussi comparativement beaucoup plus simples Ă  fabriquer 
en interne. 

Les intĂ©rĂȘts communs : pĂ©trole, gaz et sĂ©curitĂ© du Golfe 

L’intĂ©rĂȘt immĂ©diat principal des États-Unis dans le golfe Persique est le libre 

acheminement du pĂ©trole du Golfe vers les pays industrialisĂ©s. En tant que Directeur 
gĂ©nĂ©ral de Halliburton, Cheney s’était souvent interrogĂ© sur l’intĂ©rĂȘt des sanctions contre 
l’Iran. La production et l’exportation ininterrompue du pĂ©trole et du gaz sont les premiers 
intĂ©rĂȘts communs de l’Iran et des États-Unis. Pour celui-ci, le contrĂŽle et la propriĂ©tĂ© de ce 
pĂ©trole ou l’obtention de ses bĂ©nĂ©fices  â€” que ce soit par le biais de firmes amĂ©ricaines, 
europĂ©ennes, russes, iraniennes saoudiennes, ou irakiennes â€” sont des  Ă©lĂ©ments 
d’importance mais demeurent une prĂ©occupation secondaire. Le premier facteur  â€”
 production et transport â€” affecte l’économie mondiale (le Golfe fournit 25 % de la 
consommation mondiale de pĂ©trole), le deuxiĂšme est l’intĂ©rĂȘt financier des firmes 
amĂ©ricaines, qui sont parmi les plus puissants groupes de pression aux États-Unis. 

                      

 

1

 

Ibid., p. 54. 

2

 

Cordesman, Anthony H., 

Iran’s Military Force in Transition: Conventional Threats and Weapons of Mass 

Destruction

, Praeger, Connecticut, 1999. 

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239 

L’économie mondiale, depuis la Seconde Guerre mondiale, s’est construite sur la base 
d’une fourniture Ă©nergĂ©tique bon marchĂ©. Nous avons vu au chapitre 4 l’impact de 
l’augmentation des prix de l’OPEP ; l’économie mondiale s’effondrera si cette base est 
modifiée

1

Approximativement, 25 % de la production mondiale de pĂ©trole vient de la rĂ©gion du 

Golfe. L’Arabie Saoudite, seule, fournit environ 15 % de cette production et l’Iran plus de 
4 %. Le golfe Persique contient deux tiers des rĂ©serves mondiales de pĂ©trole, pĂ©trole dont la 
production est la plus Ă©conomique au monde

2

. La perte du pĂ©trole saoudien, ou la 

combinaison d’un pĂ©trole iranien et irakien produiraient probablement une  rĂ©cession 
mondiale plus importante que celle des annĂ©es 30. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                      

 

1

 

Pollack, Kenneth M., 

Securing the Persian Gulf: Washington Must Manage Both External Aggression and 

Internal Instability

, Brookings, Washington, DC, 2003 (Reprint from article in 

Foreign Affairs

July/August, 2003). 

2

 

Ibid. 

 

0

100

200

300

400

500

600

700

800

Amérique du Nord

Amérique Centrale et du Sud

Europe

FSU

Golfe

Afrique du Nord

Afrique Sous-Saharien 

Asie Pacifique

Milliards de Barils

Afrique Sub-Saharienne

Importance du Moyen-Orient: réserves mondiales de pétrole

Source: Oil and Gas Journal & Bp Statistical Review of World Energy 1999.

* Nigeria, Angola, Colombie, Venezuela

FSU * 

% des RĂ©serves par Pays

Source:  BP Amaco Statistical Review of World Energy 1999

Arabie 

Saoudite

36%

UAE

14%

Iran
13%

Reste 

8%

Irak

16%

Kuweit

13%

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

1

% des RĂ©serves par Pays

Source:  BP Amaco Statistical Review of World Energy 1999

Arabie 

Saoudite

36%

UAE

14%

Iran
13%

Reste 

8%

Irak

16%

Kuweit

13%

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

1

background image

 

 

240 

 

 

 

 

 

 

 

Les États-Unis et l’Iran ont aussi tous les deux le mĂȘme intĂ©rĂȘt stratĂ©gique pour un 

dĂ©veloppement stable du transport de l’énergie du bassin caspien, Ă  travers la Turquie et 
l’Asie centrale. Ils ont aussi intĂ©rĂȘt Ă  limiter la dĂ©pendance de ces pays vis-Ă -vis de la Russie. 
L’Iran est un trajet potentiel important pour les olĂ©oducs, gazoducs et pour le commerce, et 
peut garantir l’accĂšs de la Turquie Ă  des sources d’énergie Ă©conomiques. Les incertitudes 
gĂ©opolitiques rĂ©centes renforcent l’argument en faveur des voies de passage multiples pour 
les olĂ©oducs et gazoducs, mĂȘme si cela pourrait mettre leur viabilitĂ© Ă©conomique en cause. 
L’Iran de son cĂŽtĂ© a surtout besoin d’investissements et de technologie et pas seulement 
dans le domaine de l’énergie. L’Iran, en tant que « troisiĂšme acteur Â», peut aussi minimiser 
le risque de tension entre les États-Unis et la Russie pour avoir une influence dans le 
dĂ©veloppement du bassin caspien et l’Asie centrale. 

En 1995 l’occasion s’est prĂ©sentĂ©e pour que les relations entre les deux pays puissent 

faire un pas en avant, avec l’accord passĂ© entre l’Iran et Conoco pour dĂ©velopper un 
domaine gazier 

offshore

 dans le golfe Persique. Conoco avait gagnĂ© le contrat en battant 

Total. Bien que ce contrat soit tombĂ© en dehors de la politique de « double maĂźtrise Â» il Ă©tait 
Ă  tout point de vue lĂ©gal. Mais les États-Unis se sont opposĂ©s Ă  ce contrat en imposant des 
sanctions unilatĂ©rales Ă  l’Iran, et en interdisant aux sociĂ©tĂ©s amĂ©ricaines de faire des affaires 
avec la RĂ©publique islamique. 

La production et le passage ininterrompu du pĂ©trole rĂ©clament la sĂ©curitĂ© dans le Golfe. 

Il est naturel que les acteurs qui bĂ©nĂ©ficient de cette stabilitĂ© partagent le coĂ»t  de son 
maintien. Une Ă©tude de 

RAND

 de 2003 indique qu’il y avait trois pĂŽles potentiels de 

pouvoir dans la rĂ©gion du Golfe : l’Arabie Saoudite et les autres membres du CCG  â€” le 

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1800

Russie

Iran

Qatar

UAE

Arabie Saoudite

US

Trillions de mĂštres cubique

Importance du Moyen-Orient: réserves mondiales de gaz

Source: Oil and Gas Journal & Bp Statistical Review of World Energy 1999.

background image

 

 

241 

KoweĂŻt, l’Oman, les Emirats Arabes Unis, le Qatar, le BahreĂŻn â€” l’Iran et l’Irak. Avec 
l’invasion et le dĂ©mantĂšlement rĂ©cent de l’Irak, il n’en reste que deux. L’Arabie Saoudite et 
les États du Golfe avec leurs investissements rĂ©cents importants et l’accĂšs Ă  la technologie 
militaire amĂ©ricaine ont pris une avance d’une gĂ©nĂ©ration sur l’Iran en termes de qualitĂ© du 
matĂ©riel. Mais leurs forces militaires n’ont pas la capacitĂ© de contrer l’ennemi et d’utiliser 
ces matĂ©riels de maniĂšre efficace. Beaucoup de ces États ont des pĂ©nuries de personnel, 
leurs possibilitĂ©s de recrutement Ă©tant limitĂ©es. En outre il arrive souvent que les États du 
Golfe ne possĂšdent pas l’infrastructure nĂ©cessaire pour faire fonctionner leurs systĂšmes. 
L’entraĂźnement du personnel militaire et la maintenance des Ă©quipements sont superficiels 
et nĂ©gligĂ©s. Leurs facultĂ©s de combat et de manƓuvre sont pauvres sauf pour l’armĂ©e de 
l’air oĂč plusieurs États du Golfe ont de bonnes capacitĂ©s d’opĂ©rations air-air, mais peu de 
capacité air-sol

1

Mais ces pĂŽles apprĂ©cient de moins en moins la prĂ©sence amĂ©ricaine dans la rĂ©gion. Le 

sort de l’Irak n’est pas clair pour le futur proche et la plupart des actions amĂ©ricaines sont 
trĂšs impopulaires. Le soutien loyal et inconditionnel d’IsraĂ«l est ce que ces pays reprochent 
le plus aux États-Unis. Le traitement des Palestiniens par IsraĂ«l est devenu sujet Ă  critique, 
non seulement pour les États du Golfe, mais trĂšs rĂ©cemment pour la quasi-totalitĂ© des pays 
du monde. Le 19 mai 2004, le Conseil de sĂ©curitĂ© de l’ONU a unanimement condamnĂ© le 
refus d’IsraĂ«l de respecter les droits de l’homme Ă  Gaza

2

. Ces facteurs reprĂ©sentent une 

opportunitĂ© pour l’Iran d’assumer de nouveau un rĂŽle sĂ©curitaire plus important dans le 
Golfe. La gĂ©ographie et la population de l’Iran lui donnent une position de domination 
naturelle et un intĂ©rĂȘt stratĂ©gique rĂ©el

3

, d’autant plus qu’avec les Ă©vĂ©nements rĂ©cents en 

Irak, les États-Unis pourraient bien avoir besoin de l’Iran pour assumer ce rĂŽle. 

L’objectif principal des États-Unis n’est pas alors de simplement assurer le libre passage 

du pĂ©trole, mais d’empĂȘcher l’Iran, ou un autre État, de perturber ce passage, ou bien 
encore d’avoir une influence trop forte sur les ressources de la rĂ©gion â€” comme cela a Ă©tĂ© 
le cas du Shah Ă  la fin de son rĂšgne. Dans ce contexte, les armes nuclĂ©aires ont une 

                      

 

1

 

Byman, Daniel, Wise, John, L., 

The Persian Gulf in the Coming Decade: Trends, Threats, and Opportunities

RAND Project Air Force, 2002, p. xiv. 

2

 

BBC 19 mai 2004. Les USA n’ont pas utilisĂ© leur veto Ă  cette occasion, mais se sont abstenus. 

3

 

Rathmell, Andrew, Karasik, Theodore, Gompert, David, 

A New Persian Gulf Security System

, RAND, 

Washington, 2003. 

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242 

importance rĂ©elle dans le positionnement stratĂ©gique de l’Iran. Car les États-Unis, d’aprĂšs 
Pollack

1

, « veulent avoir un accĂšs militaire Ă  cette rĂ©gion d’importance gĂ©ostratĂ©gique afin 

de prĂ©server leur influence sur les Ă©vĂ©nements au Moyen-Orient, en Asie centrale, en 
Afrique de l’Ouest, et en Asie du Sud Â». D’aprĂšs Pollack, cette stratĂ©gie fonctionnera mieux 
maintenant que dans les annĂ©es 1970, car « Ă  l’époque Ă  la fois l’Iran et l’Irak Ă©taient trop 
forts [
] aujourd’hui ils sont beaucoup plus faibles et semblent le demeurer, du moins 
jusqu’à ce que l’Iran acquiert l’arme nuclĂ©aire. Â» 

Mais mĂȘme sans les armes nuclĂ©aires, l’Iran a amĂ©liorĂ© sa capacitĂ© Ă  perturber le passage 

du pĂ©trole par le DĂ©troit d’Ormuz : « le pays a acquis des sous-marins Kilo en Russie et est 
en train d’amĂ©liorer la capacitĂ© de ses missiles antinavires et accĂ©dera bientĂŽt par 
dĂ©veloppement interne Ă  des missiles Ă  longue portĂ©e capables d’atteindre l’Arabie 
Saoudite et IsraĂ«l Â»

1

Les mesures de coopĂ©ration et d’amĂ©lioration de la confiance entre l’Iran 

et les Etats-Unis 

Si les intĂ©rĂȘts actuels ont permis au  ViĂȘt-nam et aux États-Unis d’oublier leur lourd 

passĂ© et de coopĂ©rer, dans le cas de l’Iran et des États-Unis, cela devrait ĂȘtre encore plus 
simple. La RĂ©publique islamique a dĂ©jĂ  pris des mesures Ă  l’égard des universitaires et des 
dissidents iraniens pour montrer son ouverture grandissante. Ces actions peuvent s’étendre 
aux personnalitĂ©s et universitaires amĂ©ricains en dĂ©saccord avec les politiques de 
gouvernement Bush. Dans le contexte actuel, il y a beaucoup de personnalitĂ©s aux États-
Unis qui sont opposĂ©es Ă  l’administration Bush et Ă  la guerre en Irak. Ces individus 
peuvent ouvrir une voie parallĂšle de dialogue avec le nouveau gouvernement du PrĂ©sident 
Ahmadinejad, Ă©vitant ainsi que les relations entre les deux pays ne se dĂ©gradent d’avantage.  

Un dĂ©but de rapprochement doit permettre aux deux parties d’aborder dans une future 

proche, et sur un plan plus officiel, le sujet de la prise d’otages de l’ambassade amĂ©ricaine 
ou celui de l’incident de l’avion civil d’

Iran Air

. On pourrait Ă©voquer les erreurs du passĂ© et 

                      

 

1

 

Ibid. 

background image

 

 

243 

en quelque sorte regretter la chute de Mossadegh. Les États-Unis pourraient laisser 
entendre que le dĂ©veloppement Ă©nergĂ©tique et Ă©conomique de l’Iran est conforme Ă  leur 
intĂ©rĂȘt Ă  long terme et  qu’ils investiront en Iran une fois que les dĂ©veloppements 
dĂ©mocratiques garantiront la viabilitĂ© de ces investissements. Toute action qui pourrait 
faciliter le fonctionnement rapide de l’industrie nuclĂ©aire civile iranienne empĂȘchera l’Iran 
Ă  chercher Ă   dĂ©velopper des applications militaires de cette technologie. La geste de 
Washington en Mars 2005, de ne plus s’opposer Ă  la candidature iranienne Ă  l’OMC, ainsi 
que son annulation de l’embargo sur les piĂšces pour les avions civils iraniens vont dans le 
sens d’un rapprochement entre les deux pays. Le passage des pipelines Ă  travers l’Iran 
pourrait ĂȘtre un autre enjeu commun pour les deux parties pouvant faciliter leur 
coopĂ©ration. Enfin, les deux pays pourraient participer Ă  une confĂ©rence semi officielle sur 
la sĂ©curitĂ© du Golfe, dans un pays du Golfe, ce qui pourrait ĂȘtre l’amorce d’un dialogue. 

Maintenant que leur intervention en Irak n’a produit que des scandales humanitaires et 

financiers, les États-Unis doivent reconnaĂźtre que leurs discours moralisateurs ne peuvent 
plus servir de prĂ©texte Ă  l’invasion d’un pays dans le but de s’accaparer ses ressources. Mais 
si dans le cas d’Irak, les États-Unis avaient misĂ© sur leur certitude d’y trouver des armes de 
destruction massive, dans le cas de l’Iran ils insistent sur « l’intention Â» de l’Iran Ă  utiliser 
son industrie nuclĂ©aire Ă  des fins militaires. DĂ©noncer le programme nuclĂ©aire de l’Iran â€” 
qui est dans la lĂ©galitĂ© totale du TNP et qui peut au mieux servir de dissuasion virtuelle, 
tout en maintenant une conspiration du silence sur les armes nuclĂ©aires d’IsraĂ«l â€” ne 
crĂ©era pas un environnement de coopĂ©ration, devenu dĂ©sormais trĂšs urgent. Sur le plan 
sĂ©curitaire, la politique des États-Unis doit ĂȘtre plus raisonnable et moins discriminatoire. 
Renoncer Ă  la rhĂ©torique de l'action prĂ©ventive et Ă  l’injustice de la diffamation sera utile. 
ReconnaĂźtre les besoins lĂ©gitimes de l'Iran en matiĂšre de sĂ©curitĂ© et de dĂ©fense, l'associer Ă  
des discussions rĂ©gionales et lui garantir ainsi une plus grande participation Ă  la stabilitĂ© de 
la rĂ©gion sera un dĂ©but de transfert d’un certain rĂŽle sĂ©curitaire Ă  l’Iran. La fourniture 

                                                                    

 

1

 

CIA, 

Statement by Acting Director of Central Intelligence George J. Tenet Before The Senate Select Committee 

On Intelligence Hearing On Current And Projected National Security Threats to the United States

, 5 fĂ©vrier 

1997. 

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244 

d’armement conventionnel Ă  l’Iran couplĂ© Ă  des garanties de non-agression d’IsraĂ«l 
diminuera, d’aprĂšs Chubin, le besoin de « chercher des substituts nuclĂ©aires Â»

1

D’autres mesures de coopĂ©ration peuvent consister en des accords rĂ©gionaux de contrĂŽle 

des armements et des garanties de non-emploi de l'arme nuclĂ©aire par les États-Unis et 
IsraĂ«l contre des États qui ne la possĂšdent pas, en attendant de faciliter la dĂ©nuclĂ©arisation 
du Moyen-Orient. Chubin soutient qu’aucune de ces mesures n'est inacceptable pour les 
États-Unis et qu’elles devraient ĂȘtre envisagĂ©es indĂ©pendamment d'un accord formel avec 
l'Iran

2

Un courant favorable au rĂ©tablissement de relations Ă©troites et profitables avec l’Iran a 

existĂ© dans les administrations amĂ©ricaines depuis l’arrivĂ©e au pouvoir en Iran des 
« rĂ©formateurs Â». Mais le courant opposĂ© l’a emportĂ© en s’appuyant sur leur conviction que 
les rĂ©formateurs iraniens avaient fait preuve d’impuissance. Avec l’élection de PrĂ©sident 
Ahamadinejad, les États-Unis n’ont d’autre option valable que de trouver un arrangement 
provisoire avec le pouvoir en place. 

L’Iran possĂšde un emplacement gĂ©ographique, une population importante avec un bon 

niveau d’éducation, une armĂ©e bien formĂ©e et professionnelle, ainsi que l’expĂ©rience 
rĂ©cente d’avoir assumĂ© un rĂŽle sĂ©curitaire dans le Golfe. C’est un acteur respectĂ© par les 
États de la rĂ©gion et il pourrait garantir la stabilitĂ© et dĂ©veloppement de la rĂ©gion. La 
coopĂ©ration entre l’Iran et les États-Unis en matiĂšre de sĂ©curitĂ© et de dĂ©veloppement du 
Golfe doit ĂȘtre l’objectif Ă  long terme. Pour que celle-ci puisse se concrĂ©tiser et soit durable, 
il est indispensable que l’Iran continue son processus de dĂ©mocratisation. Pas 
nĂ©cessairement une dĂ©mocratie « Ă  l’Occidentale Â» mais au moins un systĂšme comprenant 
des contre-pouvoirs politiques qui puissent garantir la reprĂ©sentation et les intĂ©rĂȘts de tous. 
À cet Ă©gard, le rĂŽle de la communautĂ© internationale doit ĂȘtre de veiller Ă  ce que le rĂŽle 
sĂ©curitaire de l’Iran se double de rĂ©formes intĂ©rieures garantissant la libertĂ© et la justice. 

                      

 

1

 

Chubin, Sharam, 

Modifier la politique nucléaire de l'Iran plutÎt que provoquer un «changement de régime»

Centre de politique de sĂ©curitĂ© de GenĂšve, 18 juin 2003. 

2

 

Ibid. 

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245 

Conclusion 

Si les États-Unis s’opposent aujourd’hui avec virulence au programme nuclĂ©aire iranien, 

il n’est pas inutile de rappeler et d’expliquer comment l’introduction de l’atome en Iran 
s’est faite Ă  leur propre initiative en 1957. À l’époque, cette incitation Ă  introduire des 
activitĂ©s nuclĂ©aires dans ce pays s’est dĂ©roulĂ©e dans le cadre du programme « Atomes pour 
la Paix Â». L’Iran de l’époque n’avait bien sĂ»r aucunement besoin de la technologie 
nuclĂ©aire, mais cette mĂȘme technologie lui a fourni les moyens de dissuasion contre les 
États-Unis mĂȘmes, un demi-siĂšcle plus tard : en quelque sorte l’atome a servi pour la « paix 
en Iran Â». 

Il faut aussi comprendre que le rejet de la part des États-Unis du programme nuclĂ©aire 

iranien ne date pas de l’avĂšnement de la RĂ©publique islamique. MĂȘme Ă  l’époque du 
lancement de ce programme, sous le rĂ©gime Pahlavi, les amĂ©ricains s’y opposaient. Pour le 
motif, entre autres, que les iraniens n’avaient pas optĂ© pour l’achat de rĂ©acteurs amĂ©ricains, 
mais de modĂšles allemands et français. 

L’initiative amĂ©ricaine dans les annĂ©es 50 Ă©tait basĂ©e sur leur position de faiblesse pour le 

contrĂŽle du secteur nuclĂ©aire. La participation de l’Iran, comme des autres pays, au 
programme Â« Atomes pour la Paix Â» a permis aux États-Unis de crĂ©er un rĂ©gime 
international leurs assurant le contrĂŽle de ce secteur. Leur but Ă©tait d’empĂȘcher 
l’acquisition de la capacitĂ© nuclĂ©aire militaire par de nouveaux pays. Cette acquisition par 
les nations fortes, l’Union soviĂ©tique (1949), le Royaume-Uni (1952), la France (1960) 
n’avait pas pu ĂȘtre contrĂŽlĂ©e par les États-Unis. L’acquisition de l’arme nuclĂ©aire par la 
Chine (1964), un pays en voie de dĂ©veloppement, a amenĂ© les États-Unis Ă  renforcer le 
rĂ©gime de la non-prolifĂ©ration par la crĂ©ation d’un organe international de contrĂŽle 

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246 

(l’AIEA

1

) et un traitĂ©, le TraitĂ© de non-prolifĂ©ration (TNP), auquel l’Iran a immĂ©diatement 

adhĂ©rĂ©. IsraĂ«l, avec l’appui discret des États-Unis et l’assistance technique de la France, a pu 
Ă©chapper Ă  toute mesure de contrĂŽle et a obtenu la capacitĂ© nuclĂ©aire militaire en 1967-68. 

Les États-Unis ont utilisĂ© l’accession de l’Inde Ă  la capacitĂ© nuclĂ©aire militaire (1974) 

comme prĂ©texte pour empĂȘcher l’accĂšs de tout nouveau pays Ă  l’utilisation de l’énergie 
nuclĂ©aire. C’est parce que l’Inde avait utilisĂ© les dĂ©chets de ses centrales civiles pour cet 
essai que les États-Unis ont dĂ©cidĂ© de mettre fin Ă  toute coopĂ©ration internationale dans ce 
domaine et d’empĂȘcher le lancement de nouvelles industries nuclĂ©aires dans le monde. 
L’Inde n’était mĂȘme pas signataire du TNP, et de plus le type de rĂ©acteur qu’elle avait 
utilisĂ© Ă©tait diffĂ©rent de celui adoptĂ© par les utilisateurs pacifiques de l’énergie nuclĂ©aire. De 
plus, les activitĂ©s de retraitement, qui ont permis l’extraction du plutonium des dĂ©chets, 
n’étaient pas sous le contrĂŽle de l’AIEA. La vĂ©ritable raison de l’arrĂȘt, par les États-Unis, de 
la coopĂ©ration internationale dans ce secteur Ă©tait la perte de leur monopole sur le marchĂ© 
d’enrichissement commercial. Une bonne part du marchĂ© des rĂ©acteurs avait dĂ©jĂ  Ă©chappĂ© 
aux AmĂ©ricains au profit de la France et de l’Allemagne. Avec l’entrĂ©e de l’Europe dans le 
marchĂ© de l’enrichissement, les AmĂ©ricains n’avaient plus aucun intĂ©rĂȘt dans le maintien et 
la croissance du secteur nuclĂ©aire international. L’Inde avait fourni Â« l’évĂ©nement Â» 
nĂ©cessaire pour justifier l’arrĂȘt par les États-Unis de la coopĂ©ration internationale dans ce 
domaine. Ce marchĂ© ne leur servit plus Ă  rien, et allait mĂȘme augmenter le coĂ»t de leurs 
interventions militaires. 

Si le « changement de rĂ©gime Â» de Mossadegh, orchestrĂ© par la CIA, avait facilitĂ© le 

retour du Shah sur le trĂŽne, celui-ci avait aussi fourni aux États-Unis 40 % des bĂ©nĂ©fices de 
l’industrie pĂ©troliĂšre iranienne. Une partie importante des bĂ©nĂ©fices iraniens servit aussi 
aux achats d’armes auprĂšs des États-Unis pendant les vingt-cinq annĂ©es qui ont suivi le 
rĂ©tablissement du Shah. Le dĂ©part des forces britanniques du golfe Persique en 1971 a 
fourni l’occasion au Shah d’assumer un rĂŽle sĂ©curitaire important dans la rĂ©gion. La 
contrepartie pour celui-ci Ă©tait la rĂ©cupĂ©ration totale des bĂ©nĂ©fices de l’industrie pĂ©troliĂšre. 
Mais il visait aussi Ă  enrayer la baisse continue des prix pĂ©troliers en termes rĂ©els par le biais 
d’une action collective de l’OPEP, ce qui n’était plus acceptable pour les États-Unis. Ceci, 

                      

 

1

   L’Agence Internationale de l’Energie Atomique.  

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247 

couplĂ© avec la volontĂ© du Shah d’ajuster ses dĂ©penses d’armement aux besoins du pays et 
de s’équiper chez les meilleurs fournisseurs et pas nĂ©cessairement les États-Unis, a fait du 
Shah un client inutile aux yeux de ces derniers. 

L’introduction de l’industrie nuclĂ©aire iranienne en 1974 s’est faite dans ces conditions 

de mĂ©fiance entre les États-Unis et l’Iran. Ce programme Ă©tait un des piliers de 
l’industrialisation accĂ©lĂ©rĂ©e du pays : d’une part la nation prĂ©voyait un Ă©quilibre 
Ă©nergĂ©tique optimal, et d’autre part la diminution de l’utilisation du pĂ©trole pour la 
consommation Ă©nergĂ©tique permettait son utilisation Ă  des fins de diversification. Le 
moment prĂ©cis du lancement de cette industrie a Ă©tĂ© choisi pour deux raisons : d’abord 
l’augmentation des prix pĂ©troliers fournissait les revenus nĂ©cessaires pour des 
investissements d’envergure. DeuxiĂšmement, en tant que puissance hĂ©gĂ©monique 
rĂ©gionale, l’Iran ne pouvait pas ignorer le statut nuclĂ©aire d’IsraĂ«l et de l’Inde. MĂȘme si le 
programme de l’Iran Ă©tait de nature strictement commerciale (usage civil), il fournissait 
deux Ă©lĂ©ments indispensables pour l’Iran : d’une part, l’industrie nuclĂ©aire pouvait servir 
dans l’immĂ©diat de symbole et, d’autre part, la capacitĂ© de recherche et les technologies Ă  
double usage pouvaient, si besoin Ă©tait, fournir Ă  l’Iran une capacitĂ© de dissuasion nuclĂ©aire 
dans le futur. L’option nuclĂ©aire militaire n’était pas une fin en soi pour le Shah. Ce dernier 
poursuivait activement Ă  l’ONU la dĂ©nuclĂ©arisation du Moyen-Orient. Mais la survie de sa 
nation Ă©tait importante. Il voulait se donner les moyens de la dĂ©fendre contre une menace 
nuclĂ©aire si un jour celle-ci se prĂ©sentait. En ce sens l’acquisition d’un savoir-faire et 
d’installations nuclĂ©aires prĂ©sentait autant d’importance que l’aspect Ă©nergĂ©tique et 
Ă©conomique. 

Le lancement de l’industrie nuclĂ©aire iranienne s’est effectuĂ© dans des conditions 

d’urgence. D’un cĂŽtĂ© deux pays de la rĂ©gion, l’Inde et IsraĂ«l, avaient dĂ©veloppĂ© des 
capacitĂ©s nuclĂ©aires militaires : l’Iran avait besoin d’une telle industrie pour son aspect 
symbolique. De l’autre cĂŽtĂ©, les AmĂ©ricains, ayant utilisĂ© l’essai nuclĂ©aire indien comme 
prĂ©texte, avaient commencĂ© Ă  faire pression sur les fournisseurs nuclĂ©aires pour 
interrompre la coopĂ©ration internationale dans ce secteur. Un troisiĂšme facteur d’urgence 
Ă©tait le quadruplement soudain des revenus pĂ©troliers de l’Iran : il fallait trouver un moyen 
rapide d’investissement de ces recettes pour Ă©viter la pression inflationniste. 

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248 

De leur cĂŽtĂ©, les AmĂ©ricains avaient commencĂ©, l’annĂ©e oĂč l’Iran avait lancĂ© son 

programme nuclĂ©aire, Ă  mettre fin au commerce international dans ce secteur par le biais 
du contrĂŽle des fournisseurs. Aussi Ă©taient-ils mĂ©contents de leur client d’antan qui avait 
nationalisĂ© son pĂ©trole, rĂ©tabli les cours internationaux du pĂ©trole, et s’était imposĂ© comme 
la puissance forte de la rĂ©gion avec un contrĂŽle direct sur la circulation du pĂ©trole dans le 
golfe Persique. En somme, l’Iran Ă©tait devenu un ancien client qui refusait mĂȘme d’acheter 
ses centrales nuclĂ©aires aux États-Unis. 

La rĂ©ponse des États-Unis au dĂ©fi de l’Iran a Ă©tĂ© un mĂ©lange de deux mesures : sur le 

plan international, le contrĂŽle des fournisseurs nuclĂ©aires a rendu difficile la souverainetĂ© 
iranienne sur son cycle du combustible nuclĂ©aire. Par ailleurs, les manipulations 
amĂ©ricaines des taux de change du dollar ont renversĂ© les gains temporaires des pays 
producteurs et ont 

de facto

 annulĂ© le redressement des cours du pĂ©trole. Tout ceci a imposĂ© 

des contraintes importantes sur des pays comme l’Iran, qui s’étaient engagĂ©s dans des 
programmes  industriels et des investissements lourds. En a rĂ©sultĂ© un mĂ©contentement 
populaire, qui a Ă©tĂ© aggravĂ© par le « ciblage Â» de l’Iran par les États-Unis pour le non 
respect des droits de l’homme. Les États-Unis ont aussi favorisĂ© les mouvements 
d’opposition nuclĂ©aire dans le monde qui, avec l’insatisfaction gĂ©nĂ©rale de la population en 
Iran, ont facilitĂ© la remise en cause du programme nuclĂ©aire. Cette situation a aussi favorisĂ© 
le changement de rĂ©gime, qui s’est traduit par la rĂ©volution de 1979. 

Le programme nuclĂ©aire a Ă©tĂ© dĂ©noncĂ© par le gouvernement rĂ©volutionnaire Ă  cause du 

« symbole de dĂ©pendance envers l’Occident Â» qu’il reprĂ©sentait Ă  ses yeux et Ă  cause 
d’« une mauvaise gestion du budget qui ne profitait pas au peuple Â». Seules les activitĂ©s de 
recherche nuclĂ©aire continueront pendant les premiĂšres annĂ©es de la rĂ©volution : ceci Ă  
cause de la guerre avec l’Irak, de l’utilisation par les irakiens des armes chimiques, de 
l’embargo sur les armes et du manque de piĂšces de rechange. Ces facteurs poussĂšrent le 
gouvernement rĂ©volutionnaire Ă  rechercher un moyen autonome de dissuasion. Avec les 
ravages de la guerre, l’indĂ©pendance prit moins d’importance pour le nouveau 
gouvernement. Mais les recherches de la RĂ©publique islamique en vue d'obtenir l’aide 
Ă©trangĂšre pour le programme nuclĂ©aire ne produisirent pas d’effet en raison de l’incapacitĂ© 
des fournisseurs Ă  exporter du savoir et du matĂ©riel nuclĂ©aire, du fait de la contrainte des 

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249 

lois de non-prolifĂ©ration des États-Unis. C’est en Chine que la RĂ©publique  islamique 
trouvera la capacitĂ© de rĂ©sister aux pressions amĂ©ricaines Ă  la fin des annĂ©es 1980. Mais la 
coopĂ©ration avec la Chine restera limitĂ©e Ă  la recherche et la formation. 

Avec la fin de la guerre froide, l’Iran s’est trouvĂ© dans un environnement plus 

menaçant : celui d’un monde unipolaire avec les États-Unis, l’ancien patron qu’il avait 
dĂ©noncĂ© et humiliĂ©, comme puissance hĂ©gĂ©monique. Mais avec de nouvelles menaces, la 
fin de la guerre froide a aussi apportĂ© de nouveaux partenaires. La Russie devient dĂšs 1990 
le nouveau fournisseur de l’Iran. Avec la baisse des moyens financiers et l’embargo 
militaire, la dissuasion devient la base centrale de la dĂ©fense iranienne. Pour cela, un 
programme de missile est lancĂ© en 1990 : il fournira Ă  l’Iran une production interne de 
missiles de toutes portĂ©es, capables d’atteindre Tel-Aviv et au-delĂ . 

Ainsi la divulgation en 2002 de la capacitĂ© d’enrichissement de l’Iran servit deux 

fonctions essentielles : installer une « dissuasion virtuelle Â» contre une invasion amĂ©ricaine, 
et, profitant de la division qui rĂ©gnait entre les États-Unis et les autres membres du Conseil 
de sĂ©curitĂ©, de faire valoir ses droits Ă  un cycle combustible complet. En tant que signataire 
du TNP, l’Iran a le droit de faire fonctionner un cycle combustible, comprenant les activitĂ©s 
d’enrichissement et de retraitement. Mais depuis le lancement de cette industrie en 1974, 
les États-Unis s’y sont opposĂ© unilatĂ©ralement pour des motifs variĂ©s. Ainsi le 
gouvernement iranien chercha Ă  accĂ©lĂ©rer la mise  en fonctionnement de la centrale de 
Boushehr, qui a Ă©tĂ© retardĂ©e plusieurs fois pour cause de pression des États-Unis sur la 
Russie. La position difficile des États-Unis en Irak, son dĂ©saccord avec les membres du 
Conseil de sĂ©curitĂ©, et son impopularitĂ© croissante dans les États du Golfe, ont rendu le 
moment de cette divulgation particuliĂšrement bien choisi. 

Le programme des missiles iraniens est la deuxiĂšme composante de son systĂšme de 

dissuasion : la capacitĂ© d’enrichissement peut dissuader les États-Unis de l’envahir mais les 
missiles capables d’atteindre Tel-Aviv peuvent aussi dissuader IsraĂ«l de lancer une attaque 
nuclĂ©aire contre l’Iran. L’utilitĂ© de ce programme est limitĂ©e Ă  la dissuasion, car l’Iran n’a 
pas la capacitĂ© d’une deuxiĂšme attaque, tandis qu’IsraĂ«l possĂšde des sous-marins dans le 
golfe Persique capables de lancer une deuxiĂšme frappe nuclĂ©aire sur l’Iran. 

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250 

Parmi les trois choix qui s’offrent aux États-Unis face Ă  cette situation  â€” veto, 

acceptation du nuclĂ©aire civil, acceptation du cycle complet de combustion â€”l’intĂ©rĂȘt des 
États-Unis aurait Ă©tĂ© de choisir la seconde, c’est-Ă -dire le fonctionnement de la centrale 
civile. Mais les dĂ©veloppements trĂšs rĂ©cents semblent indiquer qu’ils finiront par 
reconnaĂźtre les droits de l’Iran Ă  une activitĂ© d’enrichissement. L’option du veto 
nĂ©cessiterait de la part des États-Unis une intervention militaire ou un sabotage, des 
pressions sur la Russie, ou l’incitation aux troubles internes et au changement de rĂ©gime. 
Aucune de ces actions n’est facile ni souhaitable. Au mieux, elles peuvent retarder le 
programme civil iranien, mais avec le risque de l’orienter vers un dĂ©veloppement militaire 
dont le pays a dĂ©jĂ  la capacitĂ©. Un rĂ©gime diffĂ©rent risque de poursuivre l’option nuclĂ©aire 
encore plus activement, comme la RĂ©publique islamique en a fait la dĂ©monstration aprĂšs le 
rĂ©gime Pahlavi.  

Les intĂ©rĂȘts communs de l’Iran et des États-Unis, gaz, pĂ©trole, et le passage libre de ce 

dernier dans le golfe Persique garanti par la sĂ©curitĂ© de la rĂ©gion, fourniraient des 
opportunitĂ©s de coopĂ©ration entre les deux nations. Cela doit d’abord passer par l’abandon 
d’une rhĂ©torique hostile des deux cĂŽtĂ©s et la prise en considĂ©ration des besoins lĂ©gitimes de 
l’Iran en matiĂšre de sĂ©curitĂ©. Des mesures Ă  moyen et long terme nĂ©cessitent le 
renforcement du processus de dĂ©mocratisation en Iran et peuvent aller, au delĂ  de la 
coopĂ©ration Ă©conomique, jusqu’au maintien commun de sĂ©curitĂ© dans le golfe Persique. 

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316.Whynes, David, ed., 

What is Political Economy?: Eight Perspectives

,

 

Basil Blackwell, Oxford, 1984. 

317.Yergin, Daniel, 

The Prize: The Epic Quest for Oil, Money and Power

, Simon & Schuster, NY, 1992. 

318.Yin, Robert K., 

Case Study Research: Design and Methods

, Sage, CA, 1994. 

319.Zarif, Javad, 

Statement before the United Nations Disarmament Commission

, New York, 19 avril 1994. 

320.Zonis, Marvin, 

The Political Elite of Iran

, Princeton University Press, NJ, 1976. 

background image

 

 

264 

D’autres Journaux, hebdomadaires et Sources d’Internet 
 
 

 

Agence France Presse 
ANSA 
Arms Control Today 
Associated Press 
Aviation Week and Space Technology 
Ayandegan 
Azadlyg 
BBC

, site web 

Bulletin of the Atomic Scientists 
Business Week 
Congressional Quarterly 
CQ Weekly 
DĂ©fense Nationale 
Ettela’at 
Ettela’at International 
Ettela’at Siaysi-Eghtesadi 
Economist 
Electrical World 
Factiva (Dow Jones Reuters  
Business Interactive) 
Federal News Service 
Financial Times 
Foreign Affairs 
Frankfurter Rundschau 
Guardian 
Hamshahri 
International Journal of Middle East Studies 
International Organization 
International Power Generation 
IRNA 
Iran Times 

Iranian Studies 
Jomhuri-e Islami 
Keyhan 
Keyhan Havai 
Los Angles Times 
MEED (Middle East Economic Digest) 
Me’ir Stieglitz 
Middle East Journal 
Middle East Studies 
Middle East News

 

Modern Power Systems 
Moscow Times 
National Review Online 
New Perspectives Quarterly 
New Republic 
Nonproliferation Review 
Nuclear Fuel 
Orbis 
Power Economics 
Prime-TASS Energy Service (Russie) 
Reuters 
Scientific American 
St. Petersburg Times 
Tehran Times 
Time 
Time Canada 
US News and World Report 
Wall Street Journal 
World Nuclear Energy. 
World Politics 
Xinhua 
Yale Global 

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265 

Annexes 

1-

 

Table d’évĂ©nements 

 

 

ÉvĂ©nement 

Notes 

1938 

DĂ©couverte de la fission de l’uranium  

- Ă€ Berlin, Allemagne.  

1939 

La France commence Ă  obtenir les matĂ©riaux 
fissiles en mĂȘme temps ou peut-ĂȘtre avant les USA 
et l’Angleterre.  

- Craignant l’invasion de l’Allemagne nazie.  

 

- La France obtient de l’eau lourde de la NorvĂšge et 
de l’uranium du Congo belge.  

 

1941 

-Mohammad Reza Shah Pahlavi accĂšde au trĂŽne  

 

1945 

- Fin de la prĂ©sidence de Roosevelt  
(dĂ©mocrate 1933-1945). 
- 12 avril : prĂ©sidence de Truman  
(dĂ©mocrate, 1945-53).  

 
 
- AprĂšs la mort de Roosevelt.  

**** 

- Bombe d’Hiroshima (uranium enrichi) 
- Bombe de Nagasaki, 9 aoĂ»t, (plutonium) 

- 72 000 tuĂ©s, 80 000 blessĂ©s Ă  Hiroshima. 
- 26 000 tuĂ©s, 40 000 blessĂ©s Ă  Nagasaki.  

 

- De Gaulle crĂ©e le Commissariat Ă  l’Énergie 
Atomique (CEA).  

- Un an avant son Ă©quivalent amĂ©ricain, l’« US Atomic 
Energy Commission. Â»  

1946 

- Plan Acheson-Lilienthal (DĂ©partement d'État 
amĂ©ricain). 
- Le rapport rejette la possibilitĂ© d'un contrĂŽle 
international basĂ© seulement sur la promesse des 
participants et une inspection internationale.  

-Propose le contrĂŽle international de toute activitĂ© 
nuclĂ©aire dans le monde. AbandonnĂ© Ă  cause du refus 
de l'Union soviĂ©tique. 
 

 

- CrĂ©ation de l’« 

US Atomic Energy Commission

 Â» 

 

1949 
**** 

- Armes nuclĂ©aires de l'Union soviĂ©tique.  

- DeuxiĂšme puissance nuclĂ©aire au monde.  

1950 

- Le MinistĂšre de la DĂ©fense israĂ©lien crĂ©e une 
division  
de recherche et dĂ©veloppement nuclĂ©aire.  

- Au sein de l’Institut scientifique Weizman.  

1951 

- Nationalisation de l’industrie pĂ©troliĂšre en Iran par 
Mossadegh.  

- Le Shah quitte le pays et ne reviendra qu’en 1953.  
- En 1954 il accorde 50 % des bĂ©nĂ©fices du pĂ©trole 
iranien Ă  un consortium de 40 % de compagnies 
amĂ©ricaines et 40 % anglaises.  

1952 
**** 

- Armes nuclĂ©aires du Royaume-Uni.  

 

 

- IsraĂ«l crĂ©e la Commission de l’Énergie Atomique.  

- Une entitĂ© secrĂšte qui sera rendue publique 
seulement en 1954 par le gouvernement israĂ©lien. 

1953 

- PrĂ©sidence d'Eisenhower (rĂ©publicain 1953-61).  

 

 

- Rapport de Dean Acheson, secrĂ©taire d'État 
amĂ©ricain : il y a dĂ©jĂ  trop de matĂ©riaux fissiles dans 
le monde pour qu’ils puissent ĂȘtre contrĂŽlĂ©s.  

- Et assurer qu'ils ne seront pas utilisĂ©s pour l'usage 
militaire.  

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266 

 

-19 aoĂ»t : La CIA et les services britanniques 
renversent le gouvernement de Mossadegh.  

- L’Iran a Ă©tĂ© sous embargo durant la totalitĂ© du 
gouvernement de Mossadegh.  

 

- 22 aoĂ»t : le Shah retourne en Iran.  

- Le gouvernement amĂ©ricain lui accordera une 
assistance militaire dĂšs sa participation au CENTO en 
1955. 
- Les ventes d'armes amĂ©ricaines Ă  l’Iran 
commencent sous Eisenhower.  

 

- 2 dĂ©cembre 1953 : Eisenhower expose son projet 
« Atomes pour la Paix Â» devant l'AssemblĂ©e 
GĂ©nĂ©rale des Nations Unies.  

- Pour persuader les autres nations d’y participer, il 
propose une assistance technique et Ă©conomique. 
- Monopole anglo-amĂ©ricain des ressources 
nuclĂ©aires non communistes jusqu’à cette date.  

1955 

- Le prototype de sous-marin nuclĂ©aire amĂ©ricain 

Nautilus

 est mis en route. 

 

- Utilise la technologie Ă  l’eau pressurisĂ©e, ce qui est 
devenu la norme la plus rĂ©pandue pour les rĂ©acteurs.  

 

- Fourniture d’un rĂ©acteur de recherche Ă  IsraĂ«l  

- Par les États-Unis sous le programme « Atomes 
pour la Paix Â» 

1957 

- Mai : bombe H britannique 

- Utilisant du plutonium.  

 

- Lancement du Spoutnik soviĂ©tique. 

 

 

- CrĂ©ation de l'AIEA (Agence Internationale de 
l'Énergie Atomique) par le programme « Atomes 
pour la Paix Â», pour encourager les programmes 
nuclĂ©aires pacifiques et dĂ©courager l'utilisation 
militaire de la technologie nuclĂ©aire dans diffĂ©rentes 
nations.  

- Le statut de l'AIEA n'est pas celui d'une 
organisation spĂ©cialisĂ©e de l'ONU, mais d'une 
organisation qui, bien qu'autonome, se trouve 
subordonnĂ©e Ă  l'ONU.  

 

- Exposition d’« Atomes pour la Paix Â» en Iran.  

- Le Shah annonce la signature d’un accord de 
coopĂ©ration, proposĂ© par les États-Unis, pour la 
recherche sur les utilisations pacifiques de l’énergie 
nuclĂ©aire 

 

- CrĂ©ation du SAVAK, le service secret du Shah.  

- Sazemaneh Amnyat va Ettelaateh Keshvar 

Organisation de la SĂ©curitĂ© et de l’Information de la 
Nation 

1958 

- Juillet : rĂ©volution en Irak.  

- Fin du pacte de Bagdad (qui deviendra le CENTO, 
avec les mĂȘmes membres sans l’Irak). 

1959 

- IsraĂ«l achĂšte 20 tonnes d’eau lourde Ă  la NorvĂšge.  

- Une quantitĂ© aurait Ă©galement Ă©tĂ© dĂ©tournĂ©e vers 
l’Inde. La NorvĂšge n’interdira l’exportation de l’eau 
lourde qu’en mars 1989.  

 

- Le Shah donne l’ordre de crĂ©er un centre de 
recherches nuclĂ©aires Ă  l’universitĂ© de TĂ©hĂ©ran.  

 

1960 
**** 

- PrĂ©sidence de John F. Kennedy  
(dĂ©mocrate 1960-63) 

 

 

- PremiĂšre explosion nuclĂ©aire française.  

- En AlgĂ©rie française. 13 fĂ©vrier 1960.  

 

- Premier rĂ©acteur de recherche iranien (5 MW), qui 
ne sera opĂ©rationnel qu’en 1967. 

- Fourni par les États-Unis sous le programme 
« Atomes pour la Paix. Â» 

1961 

- DĂ©cembre : des nĂ©gociations s’ouvrent Ă  l'ONU, 
pour un accord des puissances nuclĂ©aires afin de ne 
pas assister les puissances non nuclĂ©aires pour la 
fabrication de l'arme atomique.  

- Ce qui deviendra plus tard le TNP, adoptĂ© en 12 juin 
1968 par l'AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de l’ONU. 
- Les pays non nuclĂ©aires renonçaient Ă  obtenir les 
armes nuclĂ©aires.  

1963 

- Janvier : annonce de la « RĂ©volution Blanche Â» par 
le Shah. 

 

 

- Â« 

Limited Test Ban Treaty

 Â» (LTBT).  

- Sous la prĂ©sidence Kennedy.  

 

- Juin : discours incendiaire d’Ayatollah Khomeiny.  

- DĂ©nonçant le Shah, la tyrannie et la corruption de 
son rĂšgne.  

 

- Novembre : assassinat du prĂ©sident Kennedy.  

 

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267 

 

- PrĂ©sidence de Johnson (dĂ©mocrate 63-69) suite Ă  
l’assassinat de Kennedy.  

- Comme Kennedy, Johnson donne l’impression 
d’exercer une pression bilatĂ©rale sur IsraĂ«l pour le 
faire entrer dans le rĂ©gime de la non-prolifĂ©ration et 
l'AIEA.  

1964 
**** 

- Octobre : la Chine obtient l'arme nuclĂ©aire par un 
dĂ©veloppement purement militaire. 
- La Chine ne s'intĂ©resse sĂ©rieusement Ă  la 
production d'Ă©nergie nuclĂ©aire qu'en 1984.  

- Toutes les acquisitions d’armes atomiques Ă  ce jour 
dĂ©montrent qu’un programme nuclĂ©aire civil n'est 
pas le point de dĂ©part ou une nĂ©cessitĂ© pour un 
programme militaire.  

 

- Les États-Unis se rĂ©signent au droit de veto pour 
tous les membres nuclĂ©aires du Conseil de sĂ©curitĂ© 
Ă  l'ONU.  

- Preuve qu’un pays ne peut se faire entendre au 
niveau du Conseil de sĂ©curitĂ© que s’il possĂšde l’arme 
nuclĂ©aire.  

1965 

Guerre indo -pakistanaise.  

 

 

Hassinein Haykal Ă©crit dans 

Al-Ahram

 qu’IsraĂ«l 

aurait accĂšs Ă  la bombe atomique dans deux ou trois 
ans.  

- Cette information Ă©tant publique, il est certain que le 
Shah aura pris ce facteur en considĂ©ration.  

1967 
**** 

- IsraĂ«l sĂ©pare du plutonium de qualitĂ© militaire dans 
ses installations secrĂštes.  

- Les « tĂȘtes nuclĂ©aires Â» ne seront montĂ©es qu’en 
1973. Il faut aussi noter qu’IsraĂ«l n’a jamais « testĂ© Â» 
ses armes.  

 

- Retrait des forces britanniques d’Aden. 

 

 

1968 

- CrĂ©ation du consortium d’enrichissement Urenco.  

- Par le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Pays-Bas.  

 

- 16 janvier : le Royaume-Uni annonc e que ses 
forces quitteront le Golfe Persique.  

- Reçu comme une grande surprise car jusqu’a la fin 
de 1967 il avait affirmĂ© rester au moins jusqu’en 1975.  

 

- 12 juin : le TNP est adoptĂ© par l'AssemblĂ©e 
GĂ©nĂ©rale des Nations Unies. 
 

- Essentiellement Ă  l'initiative des États-Unis, et de 
l'URSS.  

 

- 1 juillet : l’Iran signe le TNP.  

- Ratification seulement le 2 fĂ©vrier 1970. 
- Preuve que l’Iran n’a pas l’intention de dĂ©velopper 
des armes nuclĂ©aires.  

1969 

- PrĂ©sidence de Nixon (rĂ©publicain 69-74).  

- Nixon et Kissinger arrĂȘtent les pressions bilatĂ©rales 
sur IsraĂ«l et laissent libre chemin Ă  d’autres pays 
comme l’Afrique du Sud, l’Inde, l’Allemagne et le 
Japon pour dĂ©velopper leurs programmes nuclĂ©aires.  

1970 

2 fĂ©vrier : ratification du TNP par l’Iran.  

- Preuve que l’Iran ne considĂšre pas Ă  ce moment la 
capacitĂ© nuclĂ©aire militaire d’IsraĂ«l comme une 
menace pour sa sĂ©curitĂ©.  

1971 

14 fĂ©vrier : Accords de TĂ©hĂ©ran.  

- Pour augmenter les prix pĂ©troliers en faveur des 
producteurs.  

 

Mars : le gouvernement britannique annonc e qu’il 
retirera ses forces du Golfe Persique avant la fin de 
l’annĂ©e. 

 

 

AoĂ»t : Ă©tablissement de relations diplomatiques 
avec la RĂ©publique Populaire de Chine.  

 

 

Retrait des forces britanniques du golfe Persique.  

- Occasion attendue par le Shah pour assumer un rĂŽle 
de sĂ©curitĂ© rĂ©gional, gardien des intĂ©rĂȘts capitalistes 
dans la rĂ©gion.  

1972 

- Le premier rĂ©acteur pakistanais, 125 MW (eau 
lourde, uranium naturel), entre en fonction â€”
 fabrication GE Canada.  

- Le Pakistan avait depuis 1965 un rĂ©acteur de 
recherche de fabrication amĂ©ricaine, fourni par les 
États-Unis/AIEA.  

 

- Les États-Unis et l’Union soviĂ©tique signent leur 
premier pacte de dĂ©sarmement.  

- Mais les stocks d’armes continuent Ă  augmenter.  

1973 

- Mai : le Shah renĂ©gocie les accords de 1954 avec 
le consortium pĂ©trolier. 

Une nationalisation 

de facto

 de l’industrie pĂ©troliĂšre 

iranienne.  

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268 

 

- Octobre : guerre israĂ©lo-arabe. 
- IsraĂ«l monte treize armes nuclĂ©aires et menace de 
les utiliser comme option de dernier recours. 

- Les USA et l'URSS soutiennent les deux parties et 
sont en alerte nuclĂ©aire. 
- Une des rares fois oĂč les superpuissances sont 
entrĂ©es en posture de confrontation nuclĂ©aire.  

 

- La politique amĂ©ricaine de vente d’armes au 
Moyen-Orient est mise en dĂ©bat dans le cadre de la 
politique Ă©trangĂšre des États-Unis.  

On pense soudainement que l'Iran est surarmĂ© et que 
ces ventes ne sont pas dans l'intĂ©rĂȘt global de la 
politique amĂ©ricaine.  

 

- DĂ©cembre : accords de TĂ©hĂ©ran. L’OPEP 
quadruple les prix pĂ©troliers.  

- La consommation mondiale de pĂ©trole a augmentĂ© 
de 70 % entre 1965 et 1973. 
- Nixon-Kissinger, ayant donnĂ© carte blanche au Shah 
pour l’acquisition de toutes les armes qu’il voulait, lui 
demanda de ne pas opter pour l’augmentation des prix 
pĂ©troliers au sein de l’OPEP.  

 

- Quatre-vingt 

guerilleros

 exĂ©cutĂ©s en Iran en 1972-

73.  

- Manifestations de terrorisme urbain.  

1974 
**** 

- PrĂ©sidence de Ford (rĂ©publicain 74-77).  

 

 

- Mars : crĂ©ation de l'Organisation d'Énergie 
Atomique d'Iran (OEAI).  

- L’Iran avait dĂ©jĂ  un accord de principe avec la 
France pour cinq rĂ©acteurs de 1 000 MW.  

**** 

- 18 mai : explosion nuclĂ©aire indienne â€” utilisant du 
plutonium crĂ©Ă© dans ses rĂ©acteurs civils. L’Inde 
n’est pas signataire du TNP.  

- Ceci est le premier exemple au monde d’accession Ă  
la bombe atomique par une voie civile. 
- Mais l’Inde n’est pas signataire du TNP.  

 

Juin : Accord de principe avec les USA pour deux 
rĂ©acteurs, et l'uranium enrichi nĂ©cessaire.  

- Comprenant l'approvisionnement d'uranium, et un 
centre de recherche nuclĂ©aire. 

 

- Ratification de l'accord prĂ©liminaire avec la France 
pour l'achat de cinq rĂ©acteurs de 1 000 MW.  

 

 

- Contrats entre l’Iran & l'URSS pour la fourniture 
d’uranium enrichi. 
- L'uranium enrichi est livrĂ©.  

- L’Iran, le Pakistan, le Japon, la CorĂ©e du Sud et 
TaĂŻwan sont considĂ©rĂ©s comme des candidats 
potentiels pour le club nuclĂ©aire par les USA.  

 

Juillet : L’Iran commence Ă  soutenir l’idĂ©e d’une 
zone dĂ©nuclĂ©arisĂ©e au Moyen-Orient. 
- L’Égypte co-sponsorise la demande iranienne ; dĂšs 
1975, le BahreĂŻn, la Jordanie, le KoweĂŻt et la Tunisie 
vont soutenir l’initiative.  

 - La dĂ©faite des États-Unis au ViĂȘt-nam, le 
changement de leur position vis-Ă -vis de la Chine, et 
la dĂ©tente avec l’Union soviĂ©tique, contribuaient Ă  la 
perception d’un dĂ©clin de la capacitĂ© des États-Unis 
pour un engagement Ă  l’échelle mondiale. La 
Doctrine Nixon-Kissinger articule une diminution de 
ces engagements en faveur des centres rĂ©gionaux du 
pouvoir.  

 

- L’administration Nixon offre son assistance 
nuclĂ©aire Ă  l’Égypte et Ă  IsraĂ«l.  

- Critique sĂ©vĂšre aux États-Unis qui donne lieu Ă  la 
crĂ©ation de la premiĂšre lĂ©gislation restrictive, depuis 
1954, pour la coopĂ©ration nuclĂ©aire pacifique 
amĂ©ricaine.  

 

Novembre : visite de Henry Kissinger, SecrĂ©taire 
d’État amĂ©ricain, Ă  TĂ©hĂ©ran. 
- DĂ©cision de crĂ©ation d’une commission conjointe 
irano- amĂ©ricaine pour intensifier les liens de 
coopĂ©ration entre les deux pays, surtout dans le 
domaine de l’énergie nuclĂ©aire. 
- Signature des contrats pour l’approvisionnement 
de l’uranium enrichi pour deux rĂ©acteurs nuclĂ©aires.  

 - La construction de ces rĂ©acteurs sera discutĂ©e avec 
des firmes amĂ©ricaines, et l’Iran exprime son intĂ©rĂȘt 
pour la participation dans une usine commerciale 
d’enrichissement de l’uranium qui doit ĂȘtre construite 
aux États-Unis. 
 

 

DĂ©cembre : Signature d'un protocole d'accord pour 
la participation de l'Iran dans Eurodif.  

 

 

- Sommet Ford-Giscard.  

- Le gouvernement français envisage de se plier, 
pour ses exportations nuclĂ©aires, aux rĂšgles 
internationales dĂ©finies.  

1975 

- Introduction du systĂšme de parti unique 
« Rastakhiz Â» en Iran. 

 

 

- Ratification du TNP par la RFA 

- L’opposition nuclĂ©aire en RFA commence au milieu 
des annĂ©es 1970.  

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269 

 

- FĂ©vrier : accord sur la participation de l'Iran dans 
Eurodif.  

 

 

- Mai : Signature de contrats entre l’OEAI & CEA 
pour les grandes lignes du projet de cycle 
combustible Ispahan.   

- Le contrat sur les Ă©tudes dĂ©taillĂ©es des installations 
du centre sera signĂ© en fĂ©vrier 1976. 
- Non- rĂ©alisĂ©.  

 

- L’Iran prĂȘte 1 milliard de dollars au gouvernement 
français pour participer au capital d’Eurodif 
(enrichissement) et financer l’achat des futurs 
rĂ©acteurs. 

- Ă€ ce jour seul l’USA et l’URSS disposent de 
capacitĂ© d’enrichissement. L’Iran ne bĂ©nĂ©ficiera 
jamais de son droit d’accĂšs aux services 
d’enrichissement.  

 

- Juin : lettre d’intention de 8 milliards de DM signĂ©e 
entre l’OEAI & KWU pour deux centrales 
nuclĂ©aires.  

- PayĂ©s en espĂšce. Les travaux commencent en aoĂ»t, 
sans les contrats finaux, qui sont enfin signĂ©s en 1976.  

 

- Le Shah dĂ©clare que si un pays dans la rĂ©gion 
obtient l’arme nuclĂ©aire, l’Iran le ferait aussi.  

 

 

- L’Iran annule son contrat pour quatre des six 
destroyers « Spurance Â» avec les États- Unis.  

- Ă€ cause d’une chute de 4 milliards de dollars dans 
ses revenus pĂ©troliers.  

 

- Le Pakistan commence un programme clandestin 
d’acquisition des matĂ©riels et des technologies 
nuclĂ©aires.  

- Pour construire une usine d’enrichissement. 

- CrĂ©ation du Club de Londres sur une initiative 
amĂ©ricaine.  

- USA, Royaume-Uni, Canada, Japon, Allemagne de 
l’Ouest, France & URSS, y participent.  

1976 

- Giscard d’Estaing crĂ©e le ComitĂ© pour la Politique 
d’Exportations NuclĂ©aires sous sa propre direction.  

- L’Iran est le client militaire le plus important des 
USA.  

 

17 mars : l’accord de coopĂ©ration nuclĂ©aire franco-
pakistanais.  

- Y compris la vente d’une usine de retraitement.  

 

- Octobre 1976 : contrat dĂ©finitif avec la France sur 
les centrales de Karoun (date donnĂ© par le CEA) 
 - L’intervention de Giscard dĂ©bloque les 
nĂ©gociations stagnantes depuis 1974. Contrats 
sĂ©parĂ©s pour le financement, centrales, fourniture de 
combustible et retraitement.  

- De 1972 Ă  1976 les USA vendent plus de 
10 milliards de dollars d’armes Ă  l’Iran. 

 

- DĂ©cembre : la France dĂ©clare qu’elle ne rentrerait 
plus en coopĂ©rations bilatĂ©rales nouvelles pour le 
transfert de technologie de retraitement industrielle.  

- Pression amĂ©ricaine sur le Pakistan et la France pour 
arrĂȘter le projet français de retraitement au Pakistan.  

 

- Vente d’Osirak, un rĂ©acteur de recherche 20-
70 MW, Ă  l’Irak par la France.  

- La France avait aussi fourni l’Irak avec  
12.5 kg d’uranium trĂšs enrichi, Ă  peine suffisant pour 
une bombe.  

 

- TraitĂ©, pour la coopĂ©ration nuclĂ©aire entre les 
États-Unis et l’Iran.  

- L’évaluation des sites pour la construction des 
centrales atomiques ; l’exploration des ressources de 
l’uranium ; formation des ingĂ©nieurs et scientifiques 
iraniens, et fabrication de l’uranium lĂ©gĂšrement 
enrichi pour alimenter les rĂ©acteurs d’énergie 
nuclĂ©aire.  

 

- La rĂ©solution pour dĂ©clarer le Moyen-Orient zone 
libre des armes nuclĂ©aires est adoptĂ©e Ă  l’ONU avec 
un vote de 130, zĂ©ro opposition, et une seule 
abstention : IsraĂ«l. 
 

- Sous l’initiative de l’Égypte, l’Iran, et le KoweĂŻt, co-
sponsorisĂ© plus tard par le BahreĂŻn, la Jordanie, la 
Mauritanie, le Soudan et le les Émirats Arabes Unis. 

 

- Le Shah est trĂšs affaibli par la chimiothĂ©rapie.  

 

1977 

- PrĂ©sidence de Jimmy Carter (dĂ©mocrate 1977-
1981).  

 

 

- Annulation du projet d’usine de retraitement 
français au Pakistan.  

- Washington coupe toute aide militaire et 
Ă©cono mique au Pakistan.  

 

- ConfĂ©rence sur le transfert de la technologie 
nuclĂ©aire Ă  TakhtĂ© Jamshide, Iran.  

- CrĂ©e un « esprit de rĂ©sistance Â» parmi les pays 
receveurs de la technologie nuclĂ©aire (l’esprit de 
PersĂ©polis) 

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270 

 

- Avril : politique nuclĂ©aire de Carter : ajournement 
de toute activitĂ©s de retraitement et 
d’enrichissement commercial ; ralentissement et 
rĂ©orientation les dĂ©veloppements « fast breeder Â» 
pour ne pas utiliser le cycle combustible plutonium.  

- Les USA pensent avoir une capacitĂ© suffisante pour 
fournir les pays qui ne possĂ©daient pas leurs propres 
facilitĂ©s, avec service d’enrichissement ou avec de 
l’uranium enrichi.  

- Introduction du Programme International 
d’« Ă‰valuation de Cycle Combustible NuclĂ©aire Â».  

- Â« International Nuclear Fuel Cycle Evaluation 
Program Â» (INFCE).  

 

- Juillet 1977 : les travaux (français) prĂ©liminaires 
commencent Ă  Karoun.  

- L’Égypte dĂ©clare Ă  l’ONU qu’elle n’accepterait pas 
l’obtention des armes nuclĂ©aires par IsraĂ«l.  

 

- AoĂ»t : La France suspend toute livraison pour 
l’usine de retraitement pakistanais.  

 

 

- Novembre : Sadate se rende Ă  JĂ©rusalem.  

- Signe de la rĂ©cognition 

de facto

 d’IsraĂ«l.  

- Ă‰mergence d’une nouvelle forme de relations 
Ă©gypto -israĂ©liennes.  

 

- CrĂ©ation de « International Fuel Cycle Evaluation Â» 
(INFCE) sous initiative amĂ©ricaine.  

- ConfĂ©rence technique internationale pour que les 
fournisseurs nuclĂ©aires acceptent de prendre les 
implications des exportations commerciales sur la 
prolifĂ©ration en considĂ©ration.  

 

- L’Iran importe 20 kg d’U

3

O

Ă©puisĂ© et 50 kg d’UO

2

 

Ă©puisĂ©.  

- En 1998 l’Iran dĂ©clarera 5 kg de cet U

3

O

comme 

perte dans le processus d’enrichissement.  

1978 

- Janvier 1978 : Les directives de Londres pour les 
exportations nuclĂ©aires sont rendues publiques.  

- Les rĂ©unions et dĂ©cisions sont tenues secrĂštes de 
1975 Ă  1978.  

 

- 10 mars : 

Nuclear Non-Proliferation Act

 du prĂ©sident 

Carter.  

- Donne aux États-Unis le droit de dĂ©cision et 
d’approbation sur les services de retraitement rendus 
au niveau international.  

 

- 23 mai au 1 juillet : premiĂšres rĂ©unions des Nations 
unies sur le dĂ©sarmement.  

 

 

- Juin : rĂ©organisation de l’OEAI par le Premier 
ministre Amouzegar.  

- Le planning, la construction et l’opĂ©ration des 
centrales sont mis sous la responsabilitĂ© du ministĂšre 
de l’Énergie.  

 

- Agitations rĂ©volutionnaires en Iran.  

- L’énergie nuclĂ©aire est critiquĂ©e.  

 

- Novembre et dĂ©cembre : les grĂšves interrompent 
les travaux sur le site d’Ahvaz.  

 

1979 

- Janvier : Bakhtiar interrompt les contrats français 
(Framatome et Eurodif) face Ă  la remontĂ©e des 
protestations sociales.  

- La France rompt alors le paiement des Ă©chĂ©ances du 
prĂȘt d’1 Milliard de dollars que l'Iran lui avait 
consenti.  

 

- 11 fĂ©vrier : forces rĂ©volutionnaires prennent le 
pouvoir en Iran.  

 

 

- Mars : suspension du contrat par Framatome pour 
cause de dĂ©faut de paiement. 
- TraitĂ© de paix israĂ©lo-Ă©gyptien 
- Accident nuclĂ©aire de « 3 Miles Island Â» aux USA 
(PA).  

 

 

- Mai : les USA coupent pour la deuxiĂšme fois leur 
aide au Pakistan.  

- Rendant publique leurs inquiĂ©tude pour l’usine 
d’enrichissement en construction au Pakistan.  

 

- Juin : Framatome dĂ©nonce le contrat avec l’Iran.  

 

 

- AoĂ»t : KWU arrĂȘte ses travaux en Iran, complĂ©tĂ©s Ă  
75 % et 85 %, prĂ©textant le retard de livraison des 
matĂ©riaux de construction par les firmes nationales.  

- Le gouvernement rĂ©volutionnaire ne s’intĂ©resse pas 
Ă  la continuation des travaux, car cela est vu comme 
une dĂ©pendance technologique et Ă©conomique 
envers l’Occident. La recherche nuclĂ©aire, en 
revanche, continue.  

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271 

 

- Novembre : premiĂšre arme atomique de l’Afrique 
du Sud. 
(l’Afrique du Sud n’avait pas signĂ© le TNP et n’aurait 
jamais testĂ© ces bombes). 
- 4 novembre : 66 diplomates amĂ©ricains sont pris 
en otages en Iran. 
- 6 novembre : Chute du gouvernement provisoire 
de Mehdi Bazargan.  

- Une arme tout les 18 mois Ă©tait construite durant les 
dix ans qui allaient suivre (uranium enrichi).  

 

- Occupation de la grande mosquĂ©e de Mecque.  

- Par des radicaux Islamistes.  

 

DĂ©cembre : occupation de l’Afghanistan par des 
forces soviĂ©tiques. 
- Les USA reviennent sur leur position et offrent 
une aide de plus en plus importante au Pakistan.  

 

1980 

Septembre : L’Irak envahit l’Iran. 
(22 septembre dĂ©but de la guerre) 

- DĂ©but d’une guerre qui va durer huit ans, et qui 
coĂ»tera la vie Ă  plus de 400 000 iraniens.  

1981 

- Janvier : les otages amĂ©ricains en Iran sont libĂ©rĂ©s.  

 

 

- PrĂ©sident Ronald Reagan (rĂ©publicain 81-89). 
-Vice présidence de George Bush (républicain 81-
89).  

- La prise d’otages amĂ©ricains en Iran Ă©tait la raison 
principale de la perte des Ă©lections par Carter.  

 

Mai : crĂ©ation du Conseil de sĂ©curitĂ© du Golfe 
(CSG) : Arabie Saoudite, KoweĂŻt, Oman, Émirats 
arabes unis, Qatar, BahreĂŻn.  

- Face Ă  la double menace irakienne et iranienne, 
appuyĂ© en sous-main par les États-Unis. La 
consolidation de son bras militaire « le Bouclier de la 
PĂ©ninsule Â», basĂ© Ă  Hafre al Batin en Arabie Saoudite 
prendra 10 ans.  

 

- 7 juin : IsraĂ«l bombarde Osirak. 
 

- Des bombardiers spĂ©ciaux F-16 longue portĂ©e et 
des renseignements de reconnaissance ainsi que des 
photos de satellites amĂ©ricains sont utilisĂ©s pour le 
raid.  

 

- Le Pakistan reçoit une exemption de six ans des 
lois de la non-prolifĂ©ration du CongrĂšs amĂ©ricain.  

- Ainsi l’usine d’enrichissement du Pakistan dĂ©marrait 
son opĂ©ration en 1984. Le Pakistan va franchir le 
seuil nuclĂ©aire en 1986. 
- Un responsable amĂ©ricain a l’AIEA nous dit (1994) 
que le Pakistan teste ses bombes nuclĂ©aires en Chine, 
dĂ©passant ainsi des rĂšglements internationaux sur les 
essais nuclĂ©aires.  

 

- L’Iran a commissionnĂ© la construction, Ă  ENTC, 
d’un laboratoire de chimie d’uranium.  

- Ceci a Ă©tĂ© formellement dĂ©clarĂ© Ă  l’AIEA en 1998.  

 

- Tentative de coup d’état en BahreĂŻn.  

- Soutient du Gouvernement de la RĂ©publique 
islamique.  

1982 

- L’Iran importe 531 tonnes de concentrĂ©s d’U3O8 
naturel. 

- Ceci sera dĂ©clarĂ© Ă  l’AIEA en 1990 (dont 85 kg 
dĂ©clarĂ©s comme perte durant le processus 
d’enrichissement).  

 

- 85 kg de cet U

3

O

sera traitĂ© entre 1982 et 1993 au 

laboratoire chimique d’Ispahan (fermĂ©), dont 4 kg 
dĂ©clarĂ©s comme perte dans ces expĂ©rimentations.  

- DĂ©clarĂ© Ă  l’Agence en 1998. 

 

- Entre 1982 et 1987 environ 12. 2 kg d’U0

2

 Ă©tait 

produit utilisant U

3

O

8

 dĂ©clarĂ© comme perte en 1998.  

- Ceci sera utilisĂ© entre 1989 et 1993 pour produire 
10 kg d’UF

4

 au centre de recherche nuclĂ©aire de 

TĂ©hĂ©ran.  

1983 

- Octobre : 241 marines amĂ©ricains sont tuĂ©s dans un 
attentat Ă  BayrĂ»t.  

- Des sympathisants pro-iraniens sont soupçonnĂ©s 
d’y ĂȘtre impliquĂ©s.  

 

- Munir A. Khan, du Pakistan, aurait volĂ© les 
conceptions des centrifugeuses de l’Urenco cette 
annĂ©e.  

 

1984 

- L’Iran s’intĂ©resse de nouveau aux projets 
nuclĂ©aires. 
 

- L’Allemagne refuse de reprendre les travaux de 
Boushehr, prĂ©textant la guerre Iran- Irak.  

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272 

 

- Avril : Bombardements irakiens des centrales de 
Boushehr.  

- Il y aura huit bombardements au total pendant la 
guerre.  

 

- Nouveau centre de recherche nuclĂ©aire Ă  Ispahan.  

- Avec l’aide de la Chine.  

 

- L’usine d’enrichissement pakistanais entre en 
opĂ©ration. 
- Le gouvernement pakistanais annonçait que le 
centre de Kahuta avait enrichi de l’uranium Ă  moins 
de 5 %.  

- Permettant au Pakistan d’obtenir de l’uranium 
hautement enrichi utilisable dans l’arme nuclĂ©aire en 
1986.  

 

- L’Iran a commissionnĂ© la construction, Ă  Ispahan, 
d’un laboratoire de fabrication de fuel.  

Ceci a Ă©tĂ© formellement dĂ©clarĂ© Ă  l’AIEA en 1998.  

1985 

- FĂ©vrier : Bombardements irakiens des centrales de 
Boushehr.  

- Boushehr sera de nouveau bombardĂ©e par l’Irak en 
avril 85, juillet et novembre 87, et juillet 88.  

 

- Avril : Bombardements irakiens Ă  Boushehr.  

 

 

- Juillet : Accord de principe des USA pour la vente 
des missiles anti-char TOW Ă  l’Iran.  

 

 

- AoĂ»t : IsraĂ«l envoie 96 missiles TOW Ă  l’Iran pour 
le compte des États-Unis ainsi que 408 de plus le 
14 septembre.  

- L’otage Weir sera libĂ©rĂ© le 14 septembre.  

 

- 24 novembre : 18 missiles anti-avions HAWK sont 
livrĂ©s Ă  l’Iran par la CIA.  

- RefusĂ©s par l’Iran aprĂšs le premier tir car ils ne 
correspondent pas Ă  ses besoins. 

 

- DĂ©cision de lancement d’un programme 
d’enrichissement par centrifugeuse.  

 

1986 

- 17 fĂ©vrier : 1986 les USA envoi 500 TOW Ă  l’Iran 
en passant par IsraĂ«l suivi de 500 de plus en 27 
fĂ©vrier et 508 autres en mai, et 500 en octobre 

- L’otage Jenco sera libĂ©rĂ© le 26 juillet.  

 

- 26 avril : accident de Tchernobyl.  

 

 

- Juillet : le bureau d’Environnement, Protection de 
la Nature et SĂ»retĂ© de RĂ©acteurs, qui faisait partie du 
MinistĂšre FĂ©dĂ©ral de l’IntĂ©rieur, devient autonome.  

- Cette dĂ©cision est justifiĂ©e comme consĂ©quence du 
dĂ©sastre de Tchernobyl. 

 

- Novembre : 

Irangate

. On commence Ă  apprendre 

que Ronald Reagan est prĂȘt Ă  Ă©changer les otages 
amĂ©ricains en Proche-Orient contre la vente 
d’armes Ă  l’Iran.  

- Les recettes de ces ventes sont destinĂ©es Ă  armer la 
Contra nicaraguayenne (guĂ©rilla antisandiniste) en 
dĂ©pit de la volontĂ© du CongrĂšs.  

 

- D’aprĂšs l

’intelligence 

amĂ©ricaine le Pakistan aurait 

enrichi suffisamment d’uranium pour quelques 
bombes.  

 

 

- C’est Ă  ce moment que l’URSS possĂšde le plus de 
stocks d’armes nuclĂ©aires.  

 

 

MordechaĂŻ Vanunu, ingĂ©nieur au centre de Dimona, 
rĂ©vĂ©la au 

Sunday Times

, l’existence du programme 

nuclĂ©aire militaire israĂ©lien.  

- EnlevĂ© en Italie par le Mossad alors qu’il venait de 
contacter les journalistes et avant que leur article ne 
paraisse, il fut jugĂ© Ă  huis clos et emprisonnĂ© dix-huit 
ans. 

1987 

- Vente par la Chine d’un calutron Ă  l’Iran. 
(sĂ©parateur d’isotope Ă©lectromagnĂ©tique)  

- L’Iran refuse de signer le 

Physical Protection of 

Nuclear Materials.

  

 

- Rupture totale des relations diplomatiques entre 
l’Iran et la France.  

- MalgrĂ© le soutien français de l’Irak pendant la 
guerre, il y avait une relation diplomatique informelle 
jusqu’alors.  

 

- Juillet : bombardements irakiens Ă  Boushehr.  

 

 

- Novembre : bombardements irakiens Ă  Boushehr.  

 

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273 

 

- La France et la Suisse modifient leurs lois 
d’exportations nuclĂ©aires et de transfert de la 
technologie pour ĂȘtre en accord avec les exigences 
du Londres. 
- Initiatives du CEA pour opĂ©rer des changements 
dans sa politique de non-prolifĂ©ration de la France. 
- La Belgique aussi met fin Ă  ses nĂ©gociations 
nuclĂ©aires avec la Libye sous la pression 
amĂ©ricaine.  

- Une sĂ©rie de changements structurels est implantĂ©e 
dans le mĂ©canisme de prise de dĂ©cision du 
gouvernement allemand en 1986-87. 
- Dans la premiĂšre partie des annĂ©es 80 presque tous 
les projets français de vente de centrales - Ă  IsraĂ«l, 
l’Irak, l’Afrique du Sud, l’Inde et le Pakistan sont 
annulĂ©s. Il en va de mĂȘme en Allemagne ou KWU ne 
reçoit pas l’autorisation du gouvernement allemand 
pour nĂ©gocier avec le Pakistan.  

 

- Signature entre les États-Unis et l’Union soviĂ©tique 
de l’

Intermediate-Range Nulcear Force Treaty

.  

 

 

- L’Iran reçoit au cours de cette annĂ©e des dessins 
de conception de centrifugeuses.  

- Par un intermĂ©diaire Ă©tranger, pas nommĂ©.  

1988 

- Juillet : bombardements irakiens des centrales de 
Boushehr.  

 

 

- Octobre : dĂ©claration de Rafsandjani â€” Chef du 
Parlement â€” pour l’acquisition des armes 
nuclĂ©aires.  

- Dans le contexte d’utilisation des armes chimiques 
contre les populations iraniennes, perte de la guerre Ă  
cause de l’engagement direct des États-Unis et des 
futures Ă©lections prĂ©sidentielles en Iran.  

 

- Fin de la guerre avec l’Irak.  

 

1989 

- PrĂ©sidence de George Bush (rĂ©publicain 89-93).  

 

 

- Janvier : le prĂ©sident Bush signale possibilitĂ© d’une 
ouverture Ă  l’Iran : « 

good will begets good will

 Â».  

- En faisant allusion aux otages amĂ©ricains au Liban.  

 

- DĂ©cĂšs de l’Ayatollah Khomeiny.  

- Avec la fin de la guerre avec l’Irak et le dĂ©cĂšs de 
Khomeiny l’Islam iranien n’est plus perçu comme 
subversif, mais comme une idĂ©ologie officielle.  

 

- PrĂ©sidence de Rafsandjani.  

 

 

- FĂ©vrier : l’amiral Brooks, directeur des services de 
renseignements navals des États-Unis, dĂ©clare au 
CongrĂšs que l’Iran « poursuivait activement Â» un 
programme nuclĂ©aire.  

 

 

- Juillet : Signature d’un accord nuclĂ©aire entre l’Iran 
et l’Union soviĂ©tique.  

- Lors de la visite du prĂ©sident Rafsandjani Ă  Moscou.  

 

- Le commerce international annuel de combustible 
nuclĂ©aire est de 2 milliards de dollars.  

- ReprĂ©sentant 10 % du coĂ»t total de production 
d’électricitĂ© nuclĂ©aire (d’environ 20 milliards de 
dollars par an.) 

 

- Certains medias accusent l’Iran d’avoir obtenu, en 
1988-89, de l’uranium de l’Afrique du Sud. 

- Pour ĂȘtre enrichi localement ou au Pakistan 

1990 

- Accord de 10 ans avec la Chine pour coopĂ©ration 
scientifique, transfert de la technologie et la vente 
d’un rĂ©acteur de recherche de 30 MW. (Les Chinois 
devaient vendre deux centrales, et certains pensent 
que la rĂ©duction Ă  une seule a eu pour but de rĂ©duire 
l’opposition amĂ©ricaine.) 

- Bien que l’Iran renie toutes implications militaires 
dans cette affaire, c’est le ministre de la DĂ©fense 
iranien, Torkan, qui accompagne Rafsandjani Ă  PĂ©kin 
et qui annonce l’accord.  

 

- Mars : accord de principe avec l’Union soviĂ©tique 
pour deux centrales de 440 MW.  

- Qui sera finalisĂ© seulement en septembre 1992.  

 

- La France gĂ©nĂšre 74 % de son Ă©lectricitĂ© par son 
industrie nuclĂ©aire.  

- En 1974 ceci Ă©tait seulement de 8 %. Le chiffre de 
46 % pour utilisation de pĂ©trole et gaz baisse Ă  2 %.  

 

- 430 rĂ©acteurs civils sont en opĂ©ration dans le 
monde.  

- 96 centrales de plus sont en cours de construction.  

 

- AoĂ»t : l’Allemagne dĂ©clare, lors de la confĂ©rence 
de revue du TNP, exiger des sauvegardes 
complĂštes pour to utes ses futures exportations.  

- Les accords existants doivent ĂȘtre renĂ©gociĂ©s avant 
1995 pour se conformer Ă  cette nouvelle politique.  

1991 

- Janvier : l’Iran lance un programme de fabrication 
de missiles de longue portĂ©e.  

 

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274 

 

Juin : Le gouvernement allemand ne permettra pas Ă  
KWU de complĂ©ter les rĂ©acteurs de Boushehr.  

- Suite Ă  ses discussions avec les autoritĂ©s 
amĂ©ricaines.  

 

- Juillet : l’Afrique du Sud signe le TNP.  

- DĂ©clarera en 1993 avoir montĂ© 7 armes nuclĂ©aires 
en 1990, mais les avoir dĂ©truites avant la signature du 
TNP.  

 

- Annonce de la signature du TNP par la France. 
(SĂ©nat) 

- Ă€ l’occasion du « plan de maĂźtrise des armements Â» 
du prĂ©sident Mitterrand.  

 

Octobre : accord prĂ©liminaire franco-iranien pour le 
versement d’un milliard de dollars par la France. 
- Ayatollah MohajĂ©rani dĂ©clare que si IsraĂ«l a le 
droit de possĂ©der les armes nuclĂ©aires, alors les 
pays islamiques doivent aussi avoir ce droit.  

- Pour le remboursement du prĂȘt consenti en 1974. 
Maintien de la participation financiĂšre de l’Iran, qui 
perd son droit d’enrichissement. 

 

- Novembre : accord avec l’Inde pour un rĂ©acteur 
de recherche (10- MW).  

- AnnulĂ© par l’Inde en dĂ©cembre 1991, suite Ă  la visite 
des autoritĂ©s amĂ©ricaines Ă  New Delhi.  

 

- DĂ©cembre : visite des AmĂ©ricains Ă  New Delhi et 
PĂ©kin au sujet de la coopĂ©ration nuclĂ©aire avec 
l’Iran.  

- Jusqu’au milieu de l’annĂ©e 1991 les analyses 
amĂ©ricaines ne donnent pas de crĂ©dibilitĂ© au 
programme nuclĂ©aire de l’Iran et prĂ©voient un dĂ©lai 
d’environ dix ans pour une Ă©ventuelle arme. 
- Les dĂ©mocrates sont plus critiques au sujet de la 
coopĂ©ration nuclĂ©aire de l’Iran.  

 

- 29 dĂ©cembre : le contentieux Eurodif est 
dĂ©finitivement rĂ©glĂ©.  

- La France ne permettra aucun futur transfert 
d'uranium enrichi vers l’Iran.  

 

- Importation de 1 005 kg d’UF

6

 (naturel) 

- 1,9 kg de cette UF

6

 seront utilisĂ©s entre 1999 et 

2002 pour les essais d’enrichissement par 
centrifugeuse.  

 

- Importation de 402 kg d’UF

4.

  

- DĂ©clarĂ© en 2003.  

 

- Entre 1991 et 1993 376. 4 kg d’UF

4

 ont Ă©tĂ© 

convertis en mĂ©tal d’uranium dans 113 
expĂ©rimentations, et 9. 4 kg d’UF

4

 pour produire 6,5 

kg d’U

.

F

6

 

- Aux laboratoires multifonctionnels de Jabr Ibn 
Hayan, au centre de recherche nuclĂ©aire de TĂ©hĂ©ran.  

 

- Importation de 401,5 kg d’U0

2

.  

- DĂ©clarĂ© en 2003.  

 

- 44 kg d’UO

2

 utilisĂ© pour tester les colonnes de 

battement au centre Jabr Ibn Hayan de TNRC.  

 

 

- 1-2 kg d’UO

2

 irradiĂ©.  

- Dans le rĂ©acteur de recherche de TĂ©hĂ©ran.  

 

- 2,7 kg d’UO

2

 utilisĂ© pour produire d’UF4

.

 

 

1992 

La France a adhĂ©rĂ© au TNP.  

 

 

- FĂ©vrier : R. Gates, directeur de la CIA, annonce au 
CongrĂšs que l’Iran veut obtenir des missiles et la 
technologie nuclĂ©aire de la Chine. 
- Visite d’équipe d’inspection de l’AIEA sur 
invitation du gouvernement d’Iran.  

- Pour dĂ©velopper sa capacitĂ© militaire. 
- Indiquant que l’Iran pouvait dĂ©velopper une arme 
nuclĂ©aire avant l’an 2000. 
- Ne trouve aucune indication d’un programme 
nuclĂ©aire militaire.  

 

- Mars : la visite de l’IAEA ne trouve pas  
d’installations d’enrichissement Ă  Moallem Kalayeh.  

- Les mĂ©dias avancent l’hypothĂšse que puisque les 
rumeurs des sites d’enrichissement ne sont pas 
d’origine 

Mojahedines

 mais viennent des services de 

renseignements des États-Unis.  

 

- Avril : 

The European

 confirme la rumeur de 

livraison Ă  l’Iran de deux des trois armes nuclĂ©aires 
disparues au Kazakhstan.  

- Les Ă©valuations amĂ©ricaines du programme 
nuclĂ©aire de l’Iran donnent plus de crĂ©dibilitĂ© et des 
dĂ©lais plus courts (3 - 5 ans) pour une arme iranienne.  

 

- Septembre Le gouvernement chinois annonce 
l’accord pour la vente de deux rĂ©acteurs de 
300 MW Ă  l’Iran. 
- L’accord de vente de deux centrales de 440 MW 
(initiĂ© en mars 90) est finalisĂ©.  

 

 

- Entre 1945 et 1992 les États-Unis ont conduit 
1 030 essais nuclĂ©aires.  

 

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275 

1993 

- PrĂ©sidence de Clinton (dĂ©mocrate 93 - 2001) 

 

 

- Avril : ratification par le 

Majlés

 des accords avec la 

Chine et la Russie pour la coopĂ©ration dans 
l’utilisation pacifique de l’énergie nuclĂ©aire.  

- PrĂ©sident de l’OEAI, M. Reza Amrollahi dĂ©clare que 
l’Iran veut fournir 20 % de son Ă©lectricitĂ© par 
l’énergie nuclĂ©aire dans 20 ans.  

 

- Fin novembre 1993 : visite par l’AIEA des sites de 
TĂ©hĂ©ran, Karaj, et Ispahan.  

 

 

- Mi dĂ©cembre : L’ambassadeur de l’Union 
soviĂ©tique Ă  TĂ©hĂ©ran, Sergei Tretyakov, est citĂ© par 
Keyhan Havai, de dĂ©clarer que la Russie terminera 
les travaux du site de Karoun.  

- La Russie a une politique indĂ©pendante envers l’Iran, 
et rien ne l’empĂȘchera de transfĂ©rer la technologie 
moderne aux pays islamiques (

Economic Intelligence 

Unit

, « Country Report IRAN Â». 1st quarter 1994. p. 

11.) 

 

- Importation de 50 kg de mĂ©tal d’uranium.  

- Dont 8 kg seront utilisĂ©s entre 1999 et 2000 pour 
expĂ©rimentations de sĂ©paration isotopique par laser, 
au centre de recherche nuclĂ©aire de TĂ©hĂ©ran. 
- 22 kg seront utilisĂ©s entre 2002 et 2003 pour 
expĂ©rimentations de sĂ©paration isotopique par laser Ă  
Lashkar Abad.  

 

- L’Iran signe la Convention des Armes Chimiques.  

 

1994 

- AoĂ»t : on pense maintenant que 1 kg de plutonium 
suffira pour une bombe, tandis que 8 kg Ă©taient 
nĂ©cessaires auparavant.  

- 1 kg dans une bombe bien conçue produirait le 
mĂȘme effet que 1 000 tonnes d’explosifs (Hiroshima = 
1 500 kg).  

 

- Les AmĂ©ricains et les Français estiment qu’un 
pouvoir hostile en Russie ou bien une alliance de 
plusieurs Ă©tats forts dotĂ©s d’arme nuc lĂ©aire pourrait 
constituer une nouvelle menace.  

L’Iran, au sud de la Russie pourrait bien ressentir cette 
menace. 

 

- La CorĂ©e du Nord s’engage Ă  mettre fin Ă  son 
programme nuclĂ©aire militaire.  

- Le pays est membre du TNP.  

1995 

- 8 janvier : le ministĂšre d’énergie atomique de la 
Russie signe un contrat avec son homologue 
iranien pour terminer les travaux des rĂ©acteurs de 
Boushehr.  

- Ainsi que des centrifuges a gaz permettant  Ă  l’Iran 
d’enrichir l’uranium. Le ministĂšre des Affaires 
Ă©trangĂšres russe annule immĂ©diatement la vente de la 
centrifuge.  

 

- 11 mai 1995 : Extension dĂ©finitive du TNP du 
1 juillet 1968 par 175 pays. À ce jour 188 pays ont 
signĂ© le traitĂ©, y compris les cinq Ă©tats nuclĂ©aires. 
- L’article VIII, paragraphe 3, envisage une revue de 
l’opĂ©ration du traitĂ© tous les cinq ans. 

- Chaque pays a le droit de se retirer de ce traitĂ© si 
son intĂ©rĂȘt vital le nĂ©cessite. Il faut dans ce cas avertir 
le conseil de sĂ©curitĂ© de l’ONU trois mois Ă  l’avance. 
 

 

- Le TNP a Ă©tĂ© complĂ©tĂ© par des accords rĂ©gionaux 
crĂ©ant des " zones exemptes d'armes nuclĂ©aires ". 

- La France a ainsi ratifiĂ© le 20 septembre 1996 les 
Protocoles de Rarotonga applicables au Pacifique 
Sud.  

 

- Campagne française de six essais nuclĂ©aires en 
1995 et 1996.  

- La France signera par la suite le TraitĂ© d’Interdiction 
ComplĂšte des Essais NuclĂ©aires (ratifiĂ© par le 
Parlement en 1998).  

 

- L’Argentine rejoint le TNP.  

 

1996 

- Conclusion du « TraitĂ© d'Interdiction ComplĂšte des 
Essais Â».  

- Les États-Unis n’y participeront pas.  

 

- La France signe le TraitĂ© d’Interdiction ComplĂšte 
des Essais NuclĂ©aires (ratifiĂ© par le Parlement en 
1998).  

- AprĂšs avoir conclu une campagne de 6 essais 
nuclĂ©aires en 1995 et 1996.  

1997 

Mai : Mise en Ɠuvre de sauvegardes renforcĂ©es de 
l’AIEA.  

 

 

- Octobre : Aghazadeh rĂ©affirme l’engagement de 
l’Iran pour un programme d’énergie nuclĂ©aire 
important. À terme 20 % des besoins Ă©nergĂ©tiques 
de l’Iran seront fournis par les centrales nuclĂ©aires.  

- Aghazadeh, l’ancien chef du pĂ©trole iranien avait Ă©tĂ© 
nommĂ© par le prĂ©sident Khatami pour remplacer M. 
Amrollahi.  

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276 

1998 

- L’Inde et le Pakistan font des dĂ©tonations 
nuclĂ©aires et dĂ©clarent leur volontĂ© de dĂ©ployer des 
armes.  

- L’Inde, le Pakistan et IsraĂ«l ne sont pas membres du 
TNP.  

1999 

- Le SĂ©nat amĂ©ricain rejette la ratification du CTBT.  

- Ce qui rendra la traite de la non-prolifĂ©ration plus 
fragile. 

 

- Le lieutenant gĂ©nĂ©ral Hughes dĂ©clare que l’Iran 
peut avoir une arme nuclĂ©aire avant l’an 2000.  

 

 

- 1,9 kg des 1 005 kg d’UF

6

 importĂ©s en 1991 seront 

utilisĂ©s entre 1999 et 2002 pour les essais 
d’enrichissement par centrifugeuse.  

 

 

- 8 kg de mĂ©tal d’uranium seront utilisĂ©s entre 1999 
et 2000 pour des expĂ©rimentations de sĂ©paration 
isotopique par laser, au centre de recherche 
nuclĂ©aire de TĂ©hĂ©ran.  

 

2000 

- 24 avril-19 mai : confĂ©rence de revue des pays 
membres du TNP.  

- En accord avec l’article VIII, par. 3, qui envisage 
une revue de l’opĂ©ration du traitĂ© tous les cinq ans.  

2001 

- 21 mars : le CSG se dote d'une dĂ©fense aĂ©rienne 
unifiĂ©e.  

 

 

- 11 septembre : Le « World Trade Center Â» est 
dĂ©truit par deux avions dĂ©tournĂ©s par des terroristes 
prĂ©sumĂ©s.  

 

 

- Le DĂ©partement de DĂ©fense amĂ©ricain rend 
publique l’existence d’une structure dĂ©diĂ©e au 
dĂ©veloppement des armes nuclĂ©aires en Iran.  

- BasĂ©e sur l’effo rt d’établir des capacitĂ©s 
d’enrichissement et de retraitement.  

2002 

- Mai : signature par la Russie et les USA de la 

Strategic Offensive Reductions Treaty

 (SORT).  

- Cela marque une percĂ©e dans la rĂ©duction 
stratĂ©gique des armes, dans l’impasse depuis l’entrĂ©e 
en force en 1993 du traitĂ© START II.  

 

- Retrait des USA du traitĂ© 

Anti-Ballistic Missile Treaty

 

de 1972.  

 

 

- Septembre : le prĂ©sident de l’OEAI rappelle Ă  
l’AIEA que l’Iran introduira 6 000 MW d’énergie 
nuclĂ©aire dans les vingt ans Ă  venir. 
- Condamne la possession des armes de destruction 
massive.  

- Invite les pays technologiquement avancĂ©s Ă  
participer au programme large iranien, y compris au 
cycle combustible.  

 

- Octobre : La CorĂ©e du Nord dĂ©clare qu’elle 
possĂšde un programme secret d’enrichissement 
d’uranium. 
- Annonce son intention de devenir le premier pays 
Ă  se retirer du TNP.  

- En rĂ©activant une facilitĂ© qu’elle avait « gelĂ©e Â» en 
1994, suite Ă  un accord avec les États-Unis.  

 

- Les 

Mojahédine

s de Khalgh auraient rĂ©vĂ©lĂ© Ă  la 

presse l’existence de deux sites d’enrichissement Ă  
Natanz. 

- Notre hypothĂšse est que cette divulgation a servi 
les intĂ©rĂȘts de la RĂ©publique islamique. 

 

8 novembre : Ariel Sharon, Premier ministre 
israĂ©lien, dĂ©clare que « la guerre amĂ©ricaine contre 
la terreur ne doit pas s’arrĂȘter avec l’Irak [et qu’il] 
pousserait po ur que l’Iran soit mis sur la ‘liste Ă  
faire’» (

to do list

). 

(New York Post) 

 

- DĂ©cembre : le prĂ©sident G. W. Bush ordonne le 
dĂ©ploiement d’un systĂšme de dĂ©fense contre les 
missiles balistiques en 2004–2005.  

- Â« Pour faire face Ă  la menace des missiles 
balistiques. Â» 
- S’étant retirĂ©s du 

Anti-Ballistic Missile Treaty 

de 

1972, plus tĂŽt dans l’annĂ©e. 
- InquiĂ©tude de la Russie et la Chine pour « la stabilitĂ© 
mondiale. Â»  

 

- 22 kg de mĂ©tal d’uranium seront utilisĂ©s entre 2002 
et 2003 pour des expĂ©rimentations de sĂ©paration 
isotopique par laser.  

- Ă€ Lashkar Abad.  

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277 

2003 

- 10 janvier : la CorĂ©e du Nord annonce son retrait 
du TNP.  

 

 

- FĂ©vrier : L’Iran reconnaĂźt devant l’AIEA la 
construction de deux sites d’enrichissement Ă  
Natanz.  

- Un site pilote et un site commercial en cours de 
construction.  
 

 

- Mars : l’administration Bush informe le CongrĂšs 
qu’elle dĂ©pensera 21 millions de dollars pour 
dĂ©velopper des minis armes nuclĂ©aires capables de 
pĂ©nĂ©trer les montagnes et les rochers.  

- A l’attention de ceux qui ont des installations 
cachĂ©es souterraines.  

 

- 20 mars : invasion de l’Irak par les forces 
amĂ©ricaines.  

- PrĂ©textant l’élimination des armes de destruction 
massive de Saddam Hussein. 

 

- 28 avril - 9 mai : la confĂ©rence de rĂ©vision du TNP 
en 2005 se rĂ©unit Ă  l'ONU Ă  GenĂšve. 
Il existe actuellement environ 30 000 bombes 
atomiques sur la planĂšte, soit une rĂ©duction de 
seulement 1 500 unitĂ©s depuis la signature du TNP 
en 1970.  

- Les États membres du TNP ont la responsabilitĂ© de 
respecter les lois internationales et de garantir un 
monde sans armes atomiques. Malheureusement, les 
puissances nuclĂ©aires officielles du TNP - USA, 
Russie, Royaume-Uni, Chine et France - ont manquĂ© Ă  
leur devoir et n'ont pas respectĂ© le TNP.  

 

- Mai : L’Iran informe l’AIEA de son intention de 
construire un rĂ©acteur de recherche Ă  l’eau lourde Ă  
Arak.  

- Les mĂ©dias avaient dĂ©jĂ  fait part de ceci en 2002.  

 

- Les États-Unis dĂ©clarent que les 

Mojahedines

 

Khalgh

 en Irak seront dĂ©sarmĂ©s et dĂ©tenus. 

Les États-Unis avaient maintenu des liens avec les 

Mojahedines

 depuis la rĂ©volution iranienne de 1979.  

- En Ă©change de la neutralitĂ© de l’Iran au sujet de 
l’invasion de l’Iraq par les États-Unis. 
- L’Iraq avait depuis des annĂ©es abritĂ© les 

Mojahedines

 

et en reprĂ©sailles l’Iran abritait le Conseil SuprĂȘme 
pour la RĂ©volution Islamique en Iraq (CSRII).  

 

- 18 juin : George Bush dĂ©clare que « les États-Unis 
ne tolĂšreront  pas la possession par l’Iran d’une 
bombe atomique Â».  

 

 

- Juillet : les 

Mojahedines

 rĂ©vĂšlent deux sites 

nuclĂ©aires secrets Ă  Hashtgerd, 30 km au nord-ouest 
de TĂ©hĂ©ran.  

- Ce sont les 

Mojahedines

 qui auraient rĂ©vĂ©lĂ© les sites 

de Natanz et d’Arak Ă  la presse aussi.  

 

- 17 juillet : suicide contestĂ©e du scientifique 
britannique David Kelly. 

- Il maintenait qu’il n’y avait pas d’armes de 
destruction massive en Irak.  

 

- 12 septembre : l’AIEA adopte une rĂ©solution sur 
les sauvegardes en Iran. 
- 2 octobre : les inspecteurs de l’AIEA partent en 
Iran. 

- Demandant Ă  l’Iran plus de coopĂ©ration et de 
transparence pour permettre Ă  l’Agence d’accomplir 
sa mission.  

 

- 16 octobre : El Baradei conclut ses nĂ©gociations Ă  
TĂ©hĂ©ran. 

- Recevant des assurances de la part du Conseil 
SuprĂȘme de SĂ©curitĂ© Nationale pour  une 
coopĂ©ration accĂ©lĂ©rĂ©e.  

 

- 22 octobre : l’Iran accepte d’arrĂȘter le programme 
d’enrichissement d’uranium aprĂšs la visite des 
ministres des affaires Ă©trangĂšres de la France, de 
l’Allemagne et du Royaume-Uni. 
- L’Iran n’a pas encore abandonnĂ© le retraitement.  

- L’AIEA avait donnĂ© un dĂ©lai jusqu’à fin octobre Ă  
l’Iran. 
- Le contrepartie demandĂ©e est d’avoir plus de 
technologie de pointe.  

 

- La Libye importe des centrifuges pour 
enrichissement de l’uranium.  

- De conception pakistanaise et de fabrication 
malaisienne. 
- 1000 Ă  2000 de ces centrifuges permettraient 
d’enrichir suffisamment d’uranium naturel pour une 
bombe dans environ 1-2 ans.  

 

- 12 novembre : L’Iran arrĂȘte toutes ses activitĂ©s 
d’enrichissement.  

- En janvier 2004 l’Iran possĂšde 920 centrifugeuses, 
toutes sous le contrĂŽle de l’AIEA.  

 

22 novembre : Les États-Unis accusent la France, 
l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’AIEA de ne pas 
vouloir admettre que l’Iran est en brĂšche de ses 
engagements du TNP. Cette accusation est rejetĂ©e 
comme « malhonnĂȘte Â» par El Baradei.  

- L’argument des USA est basĂ© sur la dĂ©couverte par 
l’AIEA de traces d’uranium de qualitĂ© militaire, et sur 
un rapport concernant la construction par l’Iran de 
capacitĂ© sophistiquĂ©e d’enrichissement depuis 18 ans.  

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278 

 

- 18 dĂ©cembre : l’Iran signe un protocole pour 
l’inspection internationale plus poussĂ©e de ses sites 
nuclĂ©aires, permettant des « inspections surprises Â» 
par l’AIEA de toutes les installations nuclĂ©aires du 
pays.  

- Bien accueilli par les USA, mais cela Â« n’apaise pas 
leur inquiĂ©tude Â» au sujet du nuclĂ©aire iranien. 
- Â« Promesse Â» d’arrĂȘt des activitĂ©s d’enrichissement. 
- Les EuropĂ©ens s’engagent Ă  fournir l’Iran en 
technologie avancĂ©e pour son programme civil.  

2004 

- Janvier : le prĂ©sident Khatami menace de boycotter 
les Ă©lections rĂ©gionales.  

- Si le processus d’approbation des candidats par les 
instances religieuses n’est pas reformĂ©. 
- L’Ayatollah Khamenei, leader religieux, donne 
l’ordre de rĂ©examiner les dossiers des candidats.  

 

- Plusieurs membres du gouvernement iranien 
dĂ©missionnent.  

- Pour contester le manque d’ouverture concernant 
l’approbation des candidats pour les Ă©lections 
locales.  

 

- 8 fĂ©vrier : Abdul Qader Khan, le pĂšre du 
programme nuclĂ©aire pakistanais, avoue et s’excuse, 
dans une apparition tĂ©lĂ©visĂ©e, d’avoir transmis des 
secrets nuclĂ©aires Ă  l’Iran (piĂšces de centrifugeuse 
en 1994-95), la Libye et le CorĂ©e du Nord.  

- DĂ©menti par l’Iran Ă  qui on reproche d’avoir cachĂ©e 
sa capacitĂ© d’enrichir des petites quantitĂ©s d’uranium 
et du plutonium depuis 18 ans (1986).  

 

- 12 fĂ©vrier : El Baradei demande un renforcement 
du systĂšme de contrĂŽle des exportations nuclĂ©aires 
et de nouveaux efforts pour le dĂ©sarmement 
nuclĂ©aire.  

 

 

- El Baradei salue la dĂ©cision de l’Iran d’abandonner 
ses activitĂ©s d’enrichissement.  

 

 

- 25 fĂ©vrier : El Baradei dĂ©clare ĂȘtre satisfait de la 
coopĂ©ration de l’Iran. 

- Le seul problĂšme est la conception des centrifuges 
P-2, qui n’avaient pas Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©es avant.  

 

- L’accord sur le transport des dĂ©chets de Boushehr 
Ă  la Russie n’a pas pu ĂȘtre signĂ©. 

- La Russie aurait demandĂ© Ă  ĂȘtre payĂ©e davantage 
pour le retraitement des dĂ©chets.  

 

- 6 avril : El Baradei se dit « satisfait Â» de la 
coopĂ©ration iranienne.  

- Des inspecteurs de l’AIEA visiteront l’Iran bientĂŽt 
pour vĂ©rifier l’arrĂȘt d’enrichissement de l’uranium.  

 

- 7 avril : Kamal Kharrazi, ministre iranien des 
Affaires Ă©trangĂšres, dĂ©clare que l’arrĂȘt des activitĂ©s 
d’enrichissement est seulement temporaire.  

- Et reprendra dans le futur si « appropriĂ© Â».  

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279 

2- TraitĂ© de non-prolifĂ©ration nuclĂ©aire (1970) 

 

Texte officiel en français 

Texte intĂ©gral du TraitĂ© de non-prolifĂ©ration nuclĂ©aire ouvert  

Ă  la signature Ă  Londres, Moscou et Washington le 1er juillet 1968 

EntrĂ© en vigueur le 5 mars 1970 

TRAITÉ SUR LA NON-PROLIFÉRATION DES ARMES NUCLÉAIRES 

Les États qui concluent le prĂ©sent TraitĂ©, ci-aprĂšs dĂ©nommĂ©s les « Parties au TraitĂ© Â». 
ConsidĂ©rant les dĂ©vastations qu'une guerre nuclĂ©aire ferait subir Ă  l'humanitĂ© entiĂšre et la nĂ©cessitĂ© qui 

en rĂ©sulte de ne mĂ©nager aucun effort pour Ă©carter le risque d'une telle guerre et de prendre des mesures 
en vue de sauvegarder la sĂ©curitĂ© des peuples : 

PersuadĂ©s que la prolifĂ©ration des armes nuclĂ©aires augmenterait considĂ©rablement le risque de guerre 

nuclĂ©aire : en conformitĂ© avec les rĂ©solutions de l'AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de l'Organisation des Nations unies 
demandant la conclusion d'un accord sur la prĂ©vention d'une plus grande dissĂ©mination des armes 
nuclĂ©aires : 

S'engageant Ă  coopĂ©rer en vue de faciliter l'application des garanties de l'Agence internationale de 

l'Ă©nergie atomique aux activitĂ©s nuclĂ©aires pacifiques : 

Exprimant leur appui aux efforts de recherche, de mise au point et autres visant Ă  favoriser l'application, 

dans le cadre du systĂšme de garanties de l'Agence internationale de l'Ă©nergie atomique, du principe d'une 
garantie efficace du flux de matiĂšres brutes et de produits fissiles spĂ©ciaux grĂące Ă  l'emploi d'instruments et 
autres moyens techniques en certains points stratĂ©giques : 

Affirmant le principe selon lequel les avantages des applications pacifiques de la technologie nuclĂ©aire, y 

compris tous les sous-produits technologiques que les États dotĂ©s d'armes nuclĂ©aires pourraient obtenir par 
la mise au point de dispositifs nuclĂ©aires explosifs, devraient ĂȘtre accessibles, Ă  des fins pacifiques, Ă  toutes 
les Parties au TraitĂ©, qu'il s'agisse d'États dotĂ©s ou non dotĂ©s d'armes nuclĂ©aires : 

Convaincus qu'en application de ce principe, toutes les Parties au TraitĂ© ont le droit de participer Ă  un 

Ă©change aussi large que possible de renseignements scientifiques en vue du dĂ©veloppement plus poussĂ© 
des utilisations de l'Ă©nergie atomique Ă  des fins pacifiques, et de contribuer Ă  ce dĂ©veloppement Ă  titre 
individuel ou en coopĂ©ration avec d'autres États ; DĂ©clarant leur intention de parvenir au plus tĂŽt Ă  la 
cessation de la course aux armements nuclĂ©aires et de prendre des mesures efficaces dans la voie du 
dĂ©sarmement nuclĂ©aire. 

Demandant instamment la coopĂ©ration de tous les États en vue d'atteindre cet objectif ; 
Rappelant que les Parties au TraitĂ© de 1963 interdisant les essais d'armes nuclĂ©aires dans l'atmosphĂšre, 

dans l'espace extra- atmosphĂ©rique et sous l'eau ont, dans le prĂ©ambule du dit TraitĂ©, exprimĂ© leur 
dĂ©termination de chercher Ă  assurer l'arrĂȘt de toutes les explosions expĂ©rimentales d'armes nuclĂ©aires Ă  
tout jamais et de poursuivre les nĂ©gociations Ă  cette fin ; 

DĂ©sireux de promouvoir la dĂ©tente internationale et le renforcement de la confiance entre États afin de 

faciliter la cessation de la fabrication d'armes nuclĂ©aires, la liquidation de tous les stocks existants des dites 
armes, et l'Ă©limination des armes nuclĂ©aires et leurs vecteurs des arsenaux nationaux en vertu d'un traitĂ© 
sur le dĂ©sarmement gĂ©nĂ©ral et complet sous un contrĂŽle international strict et efficace ; 

Rappelant que, conformĂ©ment Ă  la Charte des Nations unies, les États doivent s'abstenir, dans leurs 

relations internationales, de recourir Ă  la menace ou Ă  l'emploi de la force, soit contre l'intĂ©gritĂ© territoriale 
ou l'indĂ©pendance politique de tout État, soit de toute autre maniĂšre incompatible avec les buts des Nations 
unies, et qu'il faut favoriser l'Ă©tablissement et le maintien de la paix et de la sĂ©curitĂ© internationales en ne 

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280 

dĂ©tournant vers les armements que le minimum des ressources humaines et Ă©conomiques du monde, sont 
convenus de ce qui suit : 

ARTICLE 1er 

Tout État dotĂ© d'armes nuclĂ©aires qui est Partie au TraitĂ© s'engage Ă  ne transfĂ©rer Ă  qui que ce soit, ni 

directement ni indirectement, des armes nuclĂ©aires ou autres dispositifs nuclĂ©aires explosifs, ou le contrĂŽle 
de telles armes ou de tels dispositifs explosifs : et Ă  n'aider, n'encourager ni inciter d'aucune façon un État 
non dotĂ© d'armes nuclĂ©aires, quel qu'il soit, Ă  fabriquer ou acquĂ©rir de quelque autre maniĂšre des armes 
nuclĂ©aires ou autres dispositifs nuclĂ©aires explosifs, ou le contrĂŽle de telles armes ou tels dispositifs 
explosifs. 

ARTICLE 2 

Tout État non dotĂ© d'armes nuclĂ©aires qui est Partie au TraitĂ© s'engage Ă  n'accepter de qui que ce soit, ni 

directement ni indirectement, le transfert d'armes nuclĂ©aires ou autres dispositifs explosifs nuclĂ©aires ou du 
contrĂŽle de telles armes ou de tels dispositifs explosifs : Ă  ne fabriquer ni acquĂ©rir de quelque autre maniĂšre 
des armes nuclĂ©aires ou autres dispositifs nuclĂ©aires explosifs : et Ă  ne rechercher ni recevoir une aide 
quelconque pour la fabrication d armes nuclĂ©aires ou d autres dispositifs nuclĂ©aires explosifs. 

ARTICLE 3 

1. Tout État non dotĂ© d'armes nuclĂ©aires qui est Partie au TraitĂ© s'engage Ă  accepter les garanties 

stipulĂ©es dans un accord qui sera nĂ©gociĂ© et conclu avec l'Agence internationale de l'Ă©nergie atomique, 
conformĂ©ment au statut de l'Agence internationale de l'Ă©nergie atomique et au systĂšme de garanties de 
ladite Agence, Ă  seule fin de vĂ©rifier l'exĂ©cution des obligations assumĂ©es par ledit État aux termes du 
prĂ©sent TraitĂ© en vue d'empĂȘcher que l'Ă©nergie nuclĂ©aire ne soit dĂ©tournĂ©e de ses utilisations pacifiques 
vers des armes nuclĂ©aires ou autres dispositifs explosifs nuclĂ©aires. Les modalitĂ©s d'application des 
garanties requises par le prĂ©sent article porteront sur les matiĂšres brutes et les produits fissiles spĂ©ciaux, 
que ces matiĂšres ou produits soient produits, traitĂ©s ou utilisĂ©s dans une installation nuclĂ©aire principale ou 
se trouvent en dehors d'une telle installation. Les garanties requises par le prĂ©sent article s'appliqueront 
toutes matiĂšres brutes ou touts produits fissiles spĂ©ciaux dans toutes activitĂ©s nuclĂ©aires pacifiques 
exercĂ©es sur le territoire d'un tel État, sous sa juridiction, ou entreprises sous son contrĂŽle en quelque lieu 
que ce soit. 

2. Tout État Partie au TraitĂ© s'engage Ă  ne pas fournir : 
a) De matiĂšres brutes ou de produits fissiles spĂ©ciaux, ou 
b) D'Ă©quipements ou de matiĂšres spĂ©cialement conçus ou prĂ©parĂ©s pour le traitement, l'utilisation ou la 

production de produits fissiles spĂ©ciaux, Ă  un État non dotĂ© d armes nuclĂ©aires, quel qu'il soit, Ă  des fins 
pacifiques, Ă  moins que lesdites matiĂšres brutes ou lesdits produits fissiles spĂ©ciaux ne soient soumis aux 
garanties requises par le prĂ©sent article. 

3. Les garanties requises par le prĂ©sent article seront mises en Ɠuvre de maniĂšre Ă  satisfaire aux 

dispositions de l'article  4 du prĂ©sent TraitĂ© et Ă  Ă©viter d'entraver le dĂ©veloppement Ă©conomique ou 
technologique des Parties au TraitĂ©, ou la coopĂ©ration internationale dans le domaine des activitĂ©s 
nuclĂ©aires pacifiques, notamment les Ă©changes internationaux de matiĂšres et d'Ă©quipements nuclĂ©aires 
pour le traitement, l'utilisation ou la production de matiĂšres nuclĂ©aires Ă  des fins pacifiques, conformĂ©ment 
aux dispositions du prĂ©sent article et au principe de garantie Ă©noncĂ© au prĂ©ambule du prĂ©sent TraitĂ©. 

4. Les États non dotĂ©s d'armes nuclĂ©aires qui sont Parties au TraitĂ© concluront des accords avec 

l'Agence internationale de l'Ă©nergie atomique pour satisfaire aux exigences du prĂ©sent article, soit Ă  titre 
individuel, soit conjointement avec d'autres États conformĂ©ment au statut de l'Agence internationale de 
l'Ă©nergie atomique. La nĂ©gociation de ces accords commencera dans les 180 jours qui suivront l'entrĂ©e en 
vigueur initiale du prĂ©sent TraitĂ©. Pour les États qui dĂ©poseront leur instrument de ratification ou d'adhĂ©sion 
aprĂšs ladite pĂ©riode de 180 jours, la nĂ©gociation de ces accords commencera au plus tard Ă  la date de dĂ©pĂŽt 

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281 

du dit instrument de ratification ou d'adhésion. Les dits accords devront entrer en vigueur au plus tard dix-
huit mois aprĂšs la date du commencement des nĂ©gociations. 

ARTICLE 4 

1. Aucune disposition du prĂ©sent TraitĂ© ne sera interprĂ©tĂ©e comme portant atteinte au droit inaliĂ©nable 

de toutes les Parties au TraitĂ© de dĂ©velopper la recherche, la production et l'utilisation de l'Ă©nergie nuclĂ©aire 
a des fins pacifiques, sans discrimination et conformĂ©ment aux dispositions des articles 1 et 2 du prĂ©sent 
TraitĂ©. 

2. Toutes les Parties au TraitĂ© s'engagent Ă  faciliter un Ă©change aussi large que possible d'Ă©quipement, 

de matiĂšres et de renseignements scientifiques et technologiques en vue des utilisations de l'Ă©nergie 
nuclĂ©aire Ă  des fins pacifiques, et ont le droit d'y participer. Les Parties au TraitĂ© en mesure de le faire 
devront aussi coopĂ©rer en contribuant, Ă  titre individuel ou conjointement avec d'autres États ou des 
organisations internationales, au dĂ©veloppement plus poussĂ© des applications de l'Ă©nergie nuclĂ©aire Ă  des 
fins pacifiques, en particulier sur les territoires des États non dotĂ©s d'aimes nuclĂ©aires qui sont Parties au 
TraitĂ©, compte dĂ»ment tenu des besoins des rĂ©gions du monde qui sont en voie de dĂ©veloppement. 

ARTICLE 5 

Chaque Partie au TraitĂ© s'engage Ă  prendre des mesures appropriĂ©es pour assurer que, conformĂ©ment 

au prĂ©sent TraitĂ©, sous une surveillance internationale appropriĂ©e et par la voie de procĂ©dures 
internationales appropriĂ©es, les avantages pouvant dĂ©couler des applications pacifiques, quelles qu'elle s 
soient, des explosions nuclĂ©aires soient accessibles sur une base non discriminatoire aux États non dotĂ©s 
d'armes nuclĂ©aires qui sont Parties au TraitĂ©, et que le coĂ»t pour les dites Parties des dispositifs explosifs 
utilisĂ©s soit aussi rĂ©duit que possible et ne comporte pas de frais pour la recherche et la mise au point. Les 
États non dotĂ©s d'armes nuclĂ©aires qui sont Parties au TraitĂ© seront en mesure d’obtenir des avantages de 
cette nature, conformĂ©ment Ă  un accord international spĂ©cial ou Ă  des accords internationaux spĂ©ciaux, par 
l'entremise d'un organisme international appropriĂ© oĂč les États non dotĂ©s d'armes nuclĂ©aires seront 
reprĂ©sentĂ©s de maniĂšre adĂ©quate. 

Des nĂ©gociations Ă  ce sujet commenceront le plus tĂŽt possible aprĂšs l'entrĂ©e en vigueur du TraitĂ©. 
Les États non dotĂ©s d'armes nuclĂ©aires qui sont Parties au TraitĂ© pourront aussi s'ils le souhaitent, 

obtenir ces avantages en vertu d'accords bilatĂ©raux. 

ARTICLE 6 

Chacune des Parties au TraitĂ© s'engage Ă  poursuivre de bonne foi des nĂ©gociations sur des mesures 

efficaces relatives Ă  la cessation de la course aux armements nuclĂ©aires Ă  une date rapprochĂ©e et au 
dĂ©sarmement nuclĂ©aire, et sur un traitĂ© de dĂ©sarmement gĂ©nĂ©ral et complet sous un contrĂŽle international 
strict et efficace. 

ARTICLE 7 

Aucune clause du prĂ©sent TraitĂ© ne porte atteinte au droit d'un groupe quelconque d'États de conclure 

des traites rĂ©gionaux de façon Ă  assurer l'absence totale d'armes nuclĂ©aires sur leurs territoires respectifs. 

ARTICLE 8 

1. Toute Partie au TraitĂ© peut proposer des amendements au prĂ©sent TraitĂ©. Le texte de tout 

amendement proposĂ© sera soumis aux gouvernements dĂ©positaires qui le communiqueront Ă  toutes les 
Parties au TraitĂ©. Si un tiers des Parties au TraitĂ© ou davantage en font alors la demande, les 
gouvernements dĂ©positaires convoqueront une confĂ©rence Ă  laquelle ils inviteront toutes les Parties au 
TraitĂ© pour Ă©tudier cet amendement. 

2. Tout amendement au PrĂ©sent TraitĂ© devra ĂȘtre approuvĂ© Ă  la majoritĂ© des voix de toutes les Parties 

au TraitĂ©, y compris le s voix de tous les États dotĂ©s d'armes nuclĂ©aires qui sont Parties au TraitĂ© et de 

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282 

toutes les autres parties qui Ă  la date de la communication de l'amendement, sont membres du Conseil des 
gouverneurs de l'Agence internationale de l'Ă©nergie atomique. 

L'amendement entrera en vigueur Ă  l'Ă©gard de toute Partie qui dĂ©posera son instrument de ratification 

du dit amendement dĂšs le dĂ©pĂŽt de tels instruments de ratification de tous les États dotĂ©s d'armes 
nuclĂ©aires qui sont Parties au TraitĂ© et de toutes les autres Parties qui, Ă  la date de la communication de 
l'amendement, sont membres du Conseil des gouverneurs de l'Agence internationale de l'Ă©nergie 
atomique. Par la suite, l'amendement entrera en vigueur Ă  l'Ă©gard de toute autre Partie dĂšs le dĂ©pĂŽt de son 
instrument de ratification de l’amendement. 

3. Cinq ans aprĂšs l'entrĂ©e en vigueur du prĂ©sent TraitĂ©, une ConfĂ©rence des Parties au TraitĂ© aura lieu Ă  

GenĂšve (Suisse), afin d'examiner le fonctionnement du prĂ©sent TraitĂ© en vue de s assurer que les objectifs 
de prĂ©ambule et les dispositions du TraitĂ© sont en voie de rĂ©alisation. Par la suite, Ă  des intervalles de cinq 
ans, une majoritĂ© des Parties au TraitĂ© pourra obtenir en soumettant une proposition Ă  cet effet aux 
gouvernements dĂ©positaires, la convocation d'autres confĂ©rences ayant le mĂȘme objet, Ă  savoir examiner 
le fonctionnement du TraitĂ©. 

ARTICLE 9 

1. Le prĂ©sent TraitĂ© est ouvert Ă  la signature de tous les États. Tout État qui n'aura pas signĂ© le prĂ©sent 

TraitĂ© avant son entrĂ©e en vigueur conformĂ©ment au paragraphe 3 du prĂ©sent article pourra y adhĂ©rer Ă  
tout moment. 

2. Le prĂ©sent TraitĂ© sera soumis Ă  la ratification et les instruments de ratification seront dĂ©posĂ©s auprĂšs 

des gouvernements des États-Unis d'AmĂ©rique, du Royaume-Uni de Grande -Bretagne et d'Irlande du Nord 
et de l'Union des rĂ©publiques socialistes soviĂ©tiques, qui sont par les prĂ©sents dĂ©signĂ©s comme 
gouvernements dĂ©positaires. 

3. Le prĂ©sent TraitĂ© entrera en vigueur aprĂšs qu'il aura Ă©tĂ© ratifiĂ© par les États dont les gouvernements 

sont dĂ©signĂ©s comme dĂ©positaires du TraitĂ©, et par quarante autres États signataires du prĂ©sent TraitĂ©, et 
aprĂšs le dĂ©pĂŽt de leurs instruments de ratification. Aux fins du prĂ©sent traitĂ©, un État dotĂ© d'armes 
nuclĂ©aires est un État qui a fabriquĂ© et a fait exploser une arme nuclĂ©aire ou un autre dispositif nuclĂ©aire 
explosif avant le 1er janvier 1967. 

4. Pour les États dont les instruments de ratification ou d'adhĂ©sion seront dĂ©posĂ©s aprĂšs l'entrĂ©e en 

vigueur Ă  la date du dĂ©pĂŽt de leurs instruments de ratification ou d'adhĂ©sion. 

5. Les gouvernements dĂ©positaires informeront sans dĂ©lai tous les États qui auront signĂ© le prĂ©sent 

TraitĂ© ou y auront adhĂ©rĂ© de la date de chaque signature, de la date de dĂ©pĂŽt de chaque instrument de 
ratification ou d'adhĂ©sion, de la date d'entrĂ©e en vigueur du prĂ©sent TraitĂ© et de la date de rĂ©ception de 
toute demande de convocation d'une confĂ©rence ainsi que de toute autre communication. 

6. Le prĂ©sent TraitĂ© sera enregistrĂ© par les gouvernements dĂ©positaires, conformĂ©ment Ă  l'article  102 de 

la Charte des Nations unies. 

 

ARTICLE 10 

1. Chaque Partie, dans l'exercice de sa souverainetĂ© nationale, aura le droit de se retirer du TraitĂ© si elle 

dĂ©cide que des Ă©vĂ©nements extraordinaires, en rapport avec l'objet du prĂ©sent TraitĂ©, ont compromis les 
intĂ©rĂȘts suprĂȘmes de son pays. Elle devra notifier ce retrait Ă  toutes les autres Parties du TraitĂ© ainsi qu'au 
Conseil de sĂ©curitĂ© de l'Organisation des Nations unies avec un prĂ©avis de trois mois. Ladite notification 
devra contenir un exposĂ© des Ă©vĂ©nements extraordinaires que l'État en question considĂšre comme ayant 
compromis ses intĂ©rĂȘts suprĂȘmes. 

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283 

2. Vingt-cinq ans aprĂšs l'entrĂ©e en vigueur du TraitĂ©, une confĂ©rence sera convoquĂ©e en vue de dĂ©cider 

si le TraitĂ© demeurera en vigueur pour une durĂ©e indĂ©finie, ou sera prorogĂ© pour une ou plusieurs pĂ©riodes 
supplémentaires d'une durée déterminée. Cette décision sera prise à la majorité des Parties au Traité

ARTICLE 11 

Le prĂ©sent TraitĂ©, dont les textes anglais, chinois, espagnol, français et russe font Ă©galement foi, sera 

dĂ©posĂ© dans les archives des gouvernements dĂ©positaires. Des copies dĂ»ment certifiĂ©es conformes du 
prĂ©sent TraitĂ© seront adressĂ©es par les gouvernements dĂ©positaires aux gouvernements des États qui 
auront signĂ© le TraitĂ©, ou qui y auront adhĂ©rĂ©. 

En foi de quoi les soussignĂ©s, dĂ»ment habilitĂ©s Ă  cet effet, ont signĂ© le prĂ©sent TraitĂ©. 
 
 
 

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284 

3- DĂ©finitions 

Atome

 : La matiĂšre (eau, gaz, roche, ĂȘtres vivants) est constituĂ©e de molĂ©cules, qui sont des 

combinaisons d'atomes.  Les atomes comprennent un noyau chargĂ© positivement, autour duquel se 
dĂ©placent des Ă©lectrons chargĂ©s nĂ©gativement.  L'atome est neutre. Le noyau de l'atome comprend des 
protons chargĂ©s positivement, et des neutrons. C'est lui qui se transforme en Ă©mettant un 
rayonnement lorsque la radioactivitĂ© d'un atome se manifeste.  
 

Combustible

 : dont la combustion, c'est-Ă -dire la rĂ©action avec un comburant (souvent l'oxygĂšne) 

produit une Ă©nergie utilisable  
Combustible nuclĂ©aire : matiĂšre fissile constituant la partie active du cƓur d'un rĂ©acteur. Pour 
qu'une rĂ©action de fission en chaĂźne soit possible, l'uranium naturel, mĂ©lange comprenant 0,7% 
d'uranium 235 - fissile - et 99,3% d'uranium 238 - non fissile -, a dĂ» ĂȘtre prĂ©alablement enrichi Ă  4% en 
uranium 235.  Cet uranium est utilisĂ© sous la forme d'oxyde d'uranium, particuliĂšrement stable 
chimiquement.  
 

Deutérium

 : isotope de l’hydrogĂšne (masse atomique 2)  

 

Enrichissement

 : processus par lequel est accrue la teneur d'un Ă©lĂ©ment chimique en un de ses 

isotopes.  Ce processus conduit Ă  la sĂ©paration du produit en deux parties dites respectivement 
enrichie et appauvrie en l'isotope recherchĂ©. Exemple :  enrichissement de l'uranium en isotope 235  

  

Fission

 : sission d'un noyau lourd en deux morceaux, accompagnĂ© d'Ă©mission de neutrons, de 

rayonnements et d'un important dĂ©gagement de chaleur  

 

Fusion

 : rĂ©action consistant Ă  rĂ©unir deux petits noyaux pour en produire un plus gros 

 

Fusion thermonucléaire

 : rĂ©action entre deux noyaux lĂ©gers aboutissant Ă  la production d'un noyau 

plus lourd que l'un ou l'autre des noyaux initiaux, s’accompagnant gĂ©nĂ©ralement de l'Ă©mission de 
particules et dĂ©gageant une grande quantitĂ© d'Ă©nergie  

 

MatiĂšre fissile

 : noyau (ou matiĂšre) pouvant subir la fission par absorption de neutrons. En toute 

rigueur, ce n’est pas le noyau appelĂ© fissile qui subit la fission mais le noyau composĂ© formĂ© suite Ă  la 
capture d’un neutron.  MatiĂšres nuclĂ©aires dĂ©signent des composĂ©s radioactifs qui peuvent ĂȘtre 
valorisĂ©s, soit immĂ©diatement, soit ultĂ©rieurement en raison de leur potentiel Ă©nergĂ©tique :  ce sont 
par exemple l'uranium et le plutonium qui renferment des isotopes fissiles. 

 

Modérateur

 : matĂ©riau formĂ© de noyaux lĂ©gers qui ralentissent les neutrons par diffusions Ă©lastiques. 

Il doit ĂȘtre peu capturant afin de ne pas "gaspiller"  les neutrons et ĂȘtre suffisamment dense pour 
assurer un ralentissement efficace 

 

Uranium appauvri

 : uranium dont la teneur en isotope 235, le seul fissile, est infĂ©rieure Ă  son niveau 

naturel (0,72% en masse). Il est principalement obtenu, d'une part en tant que co-produit d'une 
opĂ©ration d'enrichissement (autour de 0,3% de 235U), d'autre part en tant que sous-produit (1% de 
235U) d'un traitement de combustible usĂ© aprĂšs passage en rĂ©acteur 

 

Uranium enrichi

 :  uranium dont la teneur en isotope 235, le seul  fissile, a Ă©tĂ© portĂ©e de son faible 

niveau naturel (0,72% en masse) Ă , par exemple, 3,5% pour un combustible destinĂ© Ă  un rĂ©acteur 
nuclĂ©aire Ă  eau sous pression. 

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285 

4- Cycle combustible 

L'extraction de l'uranium du minerai 

L’uranium est un mĂ©tal relativement rĂ©pandu dans l’écorce terrestre (50 fois plus que le mercure 

par exemple). Comme la plupart des mĂ©taux, il ne s’extrait pas directement sous sa forme pure parce 
qu’à l’état naturel il se trouve, dans des roches, combinĂ© Ă  d’autres Ă©lĂ©ments chimiques. Les roches les 
plus riches en uranium sont les minerais uranifĂšres (c’est-Ă -dire contenant de l’uranium), telles, par 
exemple, l’uraninite et la pechblende. 

Le cycle du combustible nuclĂ©aire commence donc par l’extraction du minerai uranifĂšre dans des 

mines Ă   ciel ouvert ou en galeries souterraines. Les principaux gisements connus se trouvent en 
Australie, aux États-Unis, au Canada, en Afrique du Sud et en Russie. 

La concentration et le raffinage de l'uranium 

La teneur du minerai en uranium est en gĂ©nĂ©ral assez faible. En France, par exemple, chaque tonne 

de minerai contient de 1 Ă  5 kg d’uranium (soit entre 0,1 et 0,5 %). Il est donc indispensable de 
concentrer l’uranium de ces minerais, ce qui se fait le plus souvent sur place. Les roches sont d’abord 
concassĂ©es et finement broyĂ©es, puis l’uranium est extrait par diverses opĂ©rations chimiques. Le 
concentrĂ© fabriquĂ© a l’aspect d’une pĂąte jaune appelĂ©e 

yellow cake

. Il contient environ 75 % d’oxyde 

d’uranium

1

, soit 750 kg par tonne. Le concentrĂ© d’uranium ne peut pas ĂȘtre utilisĂ© tel quel dans les 

rĂ©acteurs nuclĂ©aires. L’oxyde d’uranium doit d’abord ĂȘtre dĂ©barrassĂ© des impuretĂ©s par diffĂ©rentes 
Ă©tapes de purification (raffinage). TrĂšs pur, il est ensuite converti en tĂ©tra fluorure d’uranium (UF

4

constituĂ© de quatre atomes de fluor et d’un atome d’uranium. 

L'enrichissement de l'uranium 

Pour alimenter les REP, il faut disposer d’un combustible dont la proportion d’uranium-235 se 

situe entre 3 et 5 %, car seul cet isotope de l’uranium peut subir la fission nuclĂ©aire libĂ©ratrice 
d’énergie. Or, dans 100 kg d’uranium naturel, il y a 99,3 kg d’uranium-238 et 0,7 kg d’uranium-235, 
soit 0,7 % seulement d’uranium-235 fissile. L’opĂ©ration consistant Ă  augmenter la proportion 
d’uranium-235 est appelĂ©e enrichissement. 

L’enrichissement est une opĂ©ration difficile car, comme tous les isotopes d’un mĂȘme Ă©lĂ©ment, 

l’uranium-235 et l’uranium-238 se ressemblent beaucoup et ont quasiment les mĂȘmes propriĂ©tĂ©s 
chimiques. Cependant, il est possible de les diffĂ©rencier grĂące Ă  leur lĂ©gĂšre diffĂ©rence de masse. En 
effet, l’uranium-235 est un tout petit peu plus lĂ©ger que l’uranium-238. 

C’est pourquoi, actuellement, l’enrichissement de l’uranium est basĂ© sur la diffĂ©rence de mobilitĂ© 

due Ă  cette faible diffĂ©rence de masse. De tous les procĂ©dĂ©s d’enrichissement Ă©tudiĂ©s jusqu’à prĂ©sent, 
deux ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©s Ă  l’échelle industrielle : la diffusion gazeuse et l’ultracentrifugation

La prĂ©paration des assemblages de combustible 

AprĂšs enrichissement, l’hexafluorure d’uranium est converti en oxyde d’uranium sous la forme 

d’une poudre noire. Celle-ci est comprimĂ©e puis frittĂ©e (cuite au four) pour donner des petits cylindres 
d’environ 1 cm de long et gros comme des petits morceaux de craie, appelĂ©s « pastilles Â». Chaque 
pastille, qui ne pĂšse que 7 g, peut libĂ©rer autant d’énergie qu’une tonne de charbon (1 million de 

                      

 

1

 

L’uranium est un mĂ©tal qui s’oxyde trĂšs rapidement au contact de l’oxygĂšne de l’air, se 

transformant en oxyde d’uranium. 

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286 

grammes). Les pastilles sont enfilĂ©es dans de longs tubes mĂ©talliques de 4 m de long en alliage de 
zirconium, les « gaines Â», dont les extrĂ©mitĂ©s sont bouchĂ©es de maniĂšre Ă©tanche pour constituer les 
« crayons Â» de combustible. Pour une centrale, plus de 40 000 crayons sont prĂ©parĂ©s pour ĂȘtre 
rassemblĂ©s en « fagots Â» de section carrĂ©e, appelĂ©s assemblages de combustible. Chaque assemblage 
contient 264 crayons. Le chargement d’un rĂ©acteur nuclĂ©aire de 900 mĂ©gawatts (millions de watts) 
nĂ©cessite 157 assemblages contenant en tout 11 millions de pastilles. 

La consommation de l'uranium-235 

Les assemblages de combustible, disposĂ©s selon une gĂ©omĂ©trie prĂ©cise, forment le cƓur du 

rĂ©acteur. Chacun va y sĂ©journer pendant trois ou quatre ans. Durant cette pĂ©riode, la fission de 
l’uranium-235 va fournir la chaleur nĂ©cessaire Ă  la production de vapeur puis d’électricitĂ©. 

En effet, l’uranium-235 est fissile. Cela signifie que, sous l’effet de la collision avec un neutron, son 

noyau se casse (fissionne) en produits de fission radioactifs tout en libĂ©rant de l’énergie. En revanche, 
l’uranium-238, qui reprĂ©sente pourtant 97 % de la masse d’uranium enrichi, ne se casse pas lors de 
l’absorption d’un neutron. Cependant, certains noyaux d’uranium-238 capturent un neutron et se 
transforment en plutonium-239, lequel est fissile comme l’uranium-235 : c’est pourquoi on dit que 
l’uranium-238 est fertile. Une partie du plutonium-239 peut fournir de l’énergie par fission des 
noyaux. Une petite partie se transforme aussi en d’autres isotopes du plutonium par capture de 
neutrons. 

La dĂ©gradation du combustible 

Au fil du temps, le combustible va subir certaines transformations qui le rendent moins 

performant : 

‱ consommation progressive d’uranium-235 ; 
‱ apparition de produits de fission (absorbant les neutrons, ces produits perturbent la rĂ©action en 

chaĂźne). 

Au bout d’un certain temps, le combustible doit donc ĂȘtre retirĂ© du rĂ©acteur mĂȘme s’il contient 

encore des quantitĂ©s importantes de matiĂšres Ă©nergĂ©tiques rĂ©cupĂ©rables, notamment l’uranium et le 
plutonium. Ce combustible usĂ© est Ă©galement trĂšs radioactif en raison de la prĂ©sence des produits de 
fission. Les rayonnements Ă©mis par ces atomes radioactifs dĂ©gagent beaucoup de chaleur et, aprĂšs son 
utilisation, le combustible usĂ© est donc entreposĂ© dans une piscine de refroidissement prĂšs du 
rĂ©acteur pendant trois ans pour laisser diminuer son activitĂ©. 

Les objectifs du retraitement 

Le retraitement consiste Ă  : 
‱ rĂ©cupĂ©rer la matiĂšre encore utilisable, le plutonium et l’uranium, pour produire Ă  nouveau de 

l’électricitĂ©. C’est le recyclage des matiĂšres Ă©nergĂ©tiques contenues dans les combustibles usĂ©s ; 

‱ trier les dĂ©chets radioactifs non rĂ©cupĂ©rables. 
Certains pays n’ont pas optĂ© pour le retraitement, par exemple, la SuĂšde et les États-Unis. Dans ce 

cas, les combustibles usĂ©s sont considĂ©rĂ©s comme des dĂ©chets et sont directement stockĂ©s aprĂšs leur 
retrait du rĂ©acteur. Les pays ayant choisi d’avoir une usine de retraitement sont la France, la Grande-
Bretagne, la Russie et le Japon. D’autres pays comme l’Allemagne, la Suisse et la Belgique font retraiter 
dans d’autres pays (notamment en France). 

L'extraction des produits de fission 

Lors de leur arrivĂ©e dans l’usine de retraitement, les assemblages de combustible usĂ©s sont de 

nouveau entreposĂ©s dans une piscine. Ils sont ensuite cisaillĂ©s en petits tronçons, lesquels sont alors 

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287 

introduits dans une solution chimique qui dissout le combustible mais laisse intacts les morceaux 
mĂ©talliques (gaines
). Ceux-ci seront stockĂ©s comme dĂ©chets nuclĂ©aires. Des traitements chimiques 
successifs sur le combustible en solution permettent de sĂ©parer le plutonium et l’uranium des 
produits de fission. Ces derniers seront intĂ©grĂ©s dans des verres spĂ©ciaux (vitrification) et stockĂ©s 
comme dĂ©chets nuclĂ©aires. L’uranium et le plutonium, qui reprĂ©sentent 96 % de l’ensemble, sont 
sĂ©parĂ©s et conditionnĂ©s sĂ©parĂ©ment. 

Le recyclage des matiĂšres combustibles 

L’utilisation du plutonium issu du retraitement fait l’objet de nombreuses Ă©tudes, notamment au 

CEA. De nouveaux combustibles composĂ©s d’un mĂ©lange d’oxyde d’uranium et oxyde de plutonium 
(appelĂ©s Mox, de l'anglais 

Mixed Oxides

) sont dĂ©jĂ  utilisĂ©s dans certains rĂ©acteurs (REP) d’EDF. De plus, 

en ce qui concerne l’uranium rĂ©cupĂ©rĂ© au cours du retraitement et qui est encore lĂ©gĂšrement plus 
riche que l’uranium naturel (environ 1 % d’uranium-235), il pourra ĂȘtre Ă  nouveau enrichi Ă  plus de 
3 % et suivre une voie analogue Ă  celle d’un combustible ordinaire. 

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288 

5- 

RĂ©acteurs

 

DiffĂ©rentes familles de rĂ©acteur 

Une centrale nuclĂ©aire est destinĂ©e Ă  produire de l’électricitĂ© Ă  partir d’un combustible nuclĂ©aire. 

Cependant, mĂȘme si le principe de fonctionnement est identique dans toutes les centrales nuclĂ©aires, 
il existe plusieurs familles de rĂ©acteurs, que l’on appelle filiĂšres. 

Quatre constituants principaux sont nĂ©cessaires pour concevoir un cƓur de rĂ©acteur : 
‱ un combustible dans lequel se produit la fission ; 
‱ un fluide caloporteur qui transporte la chaleur hors du rĂ©acteur ; 
‱ un modĂ©rateur (sauf pour les rĂ©acteurs Ă  neutrons rapides) qui permet de ralentir les neutrons ; 
‱ des barres de commande qui contrĂŽlent la rĂ©action en chaĂźne. 
Pour ces constituants, notamment les trois premiers, il existe plusieurs possibilitĂ©s. Par exemple, 

le caloporteur peut ĂȘtre gazeux (gaz carbonique) ou liquide (eau). Cependant, parmi toutes les 
combinaisons possibles entre les diffĂ©rents combustibles, caloporteurs ou modĂ©rateurs, seules 
certaines ont Ă©tĂ© retenues et ont donnĂ© lieu Ă  des rĂ©alisations industrielles. Les principales sont 
dĂ©crites dans le tableau des diffĂ©rentes familles de rĂ©acteurs. 

Les rĂ©acteurs Ă  eau sous pression (REP) 

La filiĂšre des rĂ©acteurs Ă  eau sous pression est la plus rĂ©pandue dans le monde. Ces rĂ©acteurs 

produisent environ la moitiĂ© de l’électricitĂ© mondiale d’origine nuclĂ©aire. 

En France, tous les rĂ©acteurs nuclĂ©aires, mis Ă  part PhĂ©nix, sont des REP :  
‱ 34 dĂ©livrent une puissance de 900 MWe (mĂ©gawatts Ă©lectriques),  
‱ 20 une puissance de 1 300 MWe 
‱ et 4 une puissance de 1 450 MWe. 
« Les rĂ©acteurs Ă  eau sous pression produisent prĂšs de la moitiĂ© de l’électricitĂ© d’origine nuclĂ©aire 

dans le monde. Â» 

Les rĂ©acteurs Ă  neutrons rapides (RNR) 

Les rĂ©acteurs Ă  neutrons rapides ont Ă©tĂ© conçus pour utiliser la matiĂšre fissile (l’uranium et le 

plutonium) comme combustible nuclĂ©aire, plus complĂštement que dans les rĂ©acteurs Ă  neutrons 
thermiques. 

Le fluide caloporteur peut ĂȘtre un mĂ©tal liquide, tel le sodium (PhĂ©nix) ou un gaz (l’hĂ©lium). 
Ils prĂ©sentent les avantages de pouvoir fabriquer de la matiĂšre fissile (surgĂ©nĂ©rateur) ou, au 

contraire, incinĂ©rer des dĂ©chets (actinides) Ă  vie longue. « Les rĂ©acteurs Ă  neutrons rapides n’utilisent 
pas de modĂ©rateur. Â» 

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289 

Les rĂ©acteurs Ă  caloporteur gaz (RCG) 

L’utilisation de l’hĂ©lium comme caloporteur permet d’envisager une gamme de rĂ©acteurs Ă  cycle 

direct (l’hĂ©lium Ă  haute tempĂ©rature alimente directement, sans Ă©changeur intermĂ©diaire, le groupe 
turbo-alternateur) avec un rendement thermodynamique Ă©levĂ©. Ils ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©s dans le passĂ©, 
mais bĂ©nĂ©ficient aujourd’hui des trĂšs importants progrĂšs accomplis en matiĂšre de turbine Ă  gaz. Ils 
sont susceptibles de permettre la rĂ©alisation d’unitĂ©s de petite taille (de 100 Ă  300 MWe), Ă©conomiques 
et sĂ»res. 

Ce type de rĂ©acteur est Ă©galement susceptible de fonctionner avec des neutrons rapides et donc de 

prĂ©senter alors les avantages complĂ©mentaires des RNR. 

 

Les diffĂ©rentes familles de rĂ©acteurs 

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
 

 

 

 

 

 

FILIÈRES

 

 

 

COMBUSTIBLE

 

 

MODÉRATEUR

 

 

CALOPORTEUR

 

RĂ©acteur UNGG 

(Uranium naturel graphite-gaz)  
PremiĂšre filiĂšre dĂ©veloppĂ©e en 

France.  Tous les rĂ©acteurs de 

cette gĂ©nĂ©ration ont maintenant 

Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s, le dernier en 1994. 
 

Uranium 

naturel 

(0,7 % U-235) 

Carbone solide 

(graphite) 

 

Gaz carbonique 

RĂ©acteur CANDU 

FiliĂšre dĂ©veloppĂ©e au Canada.  

 

Uranium 

naturel 

Eau lourde* 

Eau lourde sous 

pression 

RĂ©acteur RBMK 

(

Reactor Bolchoe Molchnastie

 

Kipiachie 

ou en français 

« RĂ©acteur bouillant de grande 

puissance Â»).  Ces rĂ©acteurs 

constituent 40% du parc 
nuclĂ©aire de l’ancienne Union 

SoviĂ©tique (ex. Tchernobyl
). 

 

Uranium enrichi 

Ă  1,8% de U-235 

Carbone 

(graphite) 

Eau bouillante 

RĂ©acteur Ă  eau bouillante (REB) 

FiliĂšre dĂ©veloppĂ©e aux États-

Unis, au Japon et en SuĂšde  

 

Uranium enrichi 

Ă  3% de U-235 

Eau ordinaire entrant en Ă©bullition 

dans le cƓur 

RĂ©acteur Ă  eau sous pression 
(REP)

 

La filiĂšre la plus classique dans 

le monde occidental.  Elle est 

également développée en ex-

URSS sous le nom de « VVER Â». 
 

Uranium enrichi 

Ă  3% de U-235 

 

Eau sous pression maintenue Ă  l’état 

liquide.  L’eau sous pression est Ă  la 

fois le modĂ©rateur et le colporteur. 

 

RĂ©acteur Ă  neutrons rapides 

(RNR)

 

La caractĂ©ristique de ces 

rĂ©acteurs est qu’ils ne 
comprennent pas de modĂ©rateur :  

les neutrons restent rapides.  

Un prototype en France : 

le rĂ©acteur PhĂ©nix (250 MWe). 
 

Uranium enrichi 

ou plutonium 

Aucun 

Sodium liquide. 

Ne ralentit pas 

les neutrons 

*Eau lourde :  eau constituĂ©e de molĂ©cules d’eau dont l’atome d’hydrogĂšne est un atome de 

deutĂ©rium, isotope lourd de l’hydrogĂšne. 

Source :  CEA 2004

 

 

background image

 

 

290 

RĂ©acteurs dans le monde 

  

GĂ©nĂ©ration 

d’ElectricitĂ© 

NuclĂ©aire 2002  

RĂ©acteurs 

OpĂ©rables   
mars 2004 

RĂ©acteurs sous 

Construction mars 

2004  

RĂ©acteurs 

PlanifiĂ©es  

mars 2004 

RĂ©acteurs 

ProposĂ©s 

mars 2004 

Besoin 

d’uranium  

2004 

 

billion kWh 

% e 

No. 

MWe 

No. 

MWe 

No. 

MWe 

No.  

MWe  

tonnes U 

Argentine  

5.4 

7.2 

2  

935  

0  

0  

1  

692  

  

  

140  

ArmĂ©nie 

2.1 

4 1 

1  

376  

0  

0  

0  

0  

  

  

54  

Belgique  

44.7 

5 7 

7  

5728  

0  

0  

0  

0  

  

  

1163  

BrĂ©sil  

13.8 

4.0 

2  

1901  

0  

0  

1  

1245  

  

  

303  

Bulgarie 

20.2 

4 7 

4  

2722  

0  

0  

0  

0  

1  

1000  

340  

Canada  

71.0 

1 2 

17  

12054  

1  

515  

2  

1030  

  

  

1692  

Chine 

57.4 

** 

15  

11471  

4  

4500  

4  

3800  

22  

18000  

2127  

TchĂ©quie   

18.7 

2 5 

6  

3472  

0  

0  

0  

0  

2  

1900  

474  

Egypte  

  

  

  

  

  

  

  

  

1  

600  

  

Finlande  

21.4 

3 0 

4  

2656  

0  

0  

1  

1600  

  

  

542  

France 

415.5 

7 8 

59  

63473  

0  

0  

0  

0  

  

  

10181  

Allemagne  

162.3 

3 0 

18  

20643  

0  

0  

0  

0  

  

  

3704  

Hongrie 

12.8 

3 6 

4  

1755  

0  

0  

0  

0  

  

  

271  

Inde 

17.8 

3.7 

14  

2493  

9  

4128  

0  

0  

24  

13160  

299  

IndonĂ©sie 

  

  

  

  

  

  

  

  

2  

2000  

  

Iran 

0  

0  

1  

950  

1  

950  

3  

2850  

125  

Japon 

313.8 

3 9 

53  

44141  

3  

3707  

13  

16810  

  

  

7661  

CorĂ©e du 
Nord 

0  

0  

1  

950  

1  

950  

  

  

0  

CorĂ©e du 
S ud 

113.1 

3 9 

19  

15880  

1  

960  

8  

9200  

  

  

2819  

Lituanie  

12.9 

8 0 

2  

2370  

0  

0  

0  

0  

  

  

290  

Mexique  

9.4 

4.1 

2  

1310  

0  

0  

0  

0  

  

  

233  

Pays Bas  

3.7 

4.0 

1  

452  

0  

0  

0  

0  

  

  

112  

Pakistan  

1.8 

2.5 

2  

425  

0  

0  

1  

300  

  

  

57  

Roumanie 

5.1 

1 0 

1  

655  

1  

655  

0  

0  

3  

1995  

90  

Russie 

130.0 

1 6 

30  

20793  

6  

5475  

0  

0  

8  

9375  

3013  

Slovaquie 

18.0 

6 5 

6  

2472  

0  

0  

0  

0  

2  

840  

370  

SlovĂ©nie 

5.3 

4 1 

1  

676  

0  

0  

0  

0  

  

  

128  

Afrique du 
Sud 

12.0 

5.9 

2  

1842  

0  

0  

0  

0  

1  

125  

356  

Espagne 

60.3 

2 6 

9  

7584  

0  

0  

0  

0  

  

  

1629  

SuĂšde  

65.6 

4 6 

11  

9429  

0  

0  

0  

0  

  

  

1536  

Suisse  

25.7 

4 0 

5  

3220  

0  

0  

0  

0  

  

  

596  

Ukraine 

73.4 

4 6 

13  

11268  

2  

1900  

0  

0  

  

  

1512  

R. Uni 

81.1 

2 2 

27  

12048  

0  

0  

0  

0  

  

  

2488  

USA 

780.1 

2 0  103  

97452  

1  

1065  

0  

0  

  

  

22353  

Vietnam  

  

  

  

  

  

  

  

  

2  

2000  

  

Monde  

2574 

1 6 

440  

361,696 

3 0 

24,805  

3 3  

36,577 

71  

54,000 

66,658 

 

Sources: 

World Nuclear Association

   

25 mars 2004 

Sources: 

World Nuclear Association

   25 mars 2004         

background image

 

 

291 

6- Enrichissement 

 

Il existe trois types d’enrichissement : diffusion gazeuse, dĂ©veloppĂ©e par Urenco, processus de 

centrifuge, dĂ©veloppĂ©e par l’ex-Union soviĂ©tique, et AVLIS, sĂ©paration par laser de vapeur atomique. 
L’enrichissement est l’un des Ă©tapes sensibles de non-prolifĂ©ration, car c’est ici qu’on pourra enrichir 
l’uranium Ă  des niveaux suffisants pour pouvoir l’utiliser dans une explosion nuclĂ©aire. 

La diffusion gazeuse 

Avant son enrichissement par ce procĂ©dĂ©, le tĂ©trafluorure d’uranium, obtenu aprĂšs extraction du 

minerai et raffinage, sera transformĂ© en hexafluorure d’uranium (UF6) qui a la propriĂ©tĂ© d’ĂȘtre gazeux 
Ă  partir de 56 Â°C. 

Le procĂ©dĂ© par diffusion gazeuse consiste Ă  faire passer l’UF6 Ă  l’état gazeux Ă  travers une 

multitude de « barriĂšres Â» qui sont des membranes percĂ©es de trous minuscules. Les molĂ©cules 
d’hexafluorure d’uranium-235, plus lĂ©gĂšres que celles d’hexafluorure d’uranium-238, traversent un 
peu plus rapidement chaque barriĂšre, ce qui permet d’enrichir peu Ă  peu l’uranium. Mais Ă©tant donnĂ© 
la masse trĂšs voisine des deux isotopes, le ralentissement de l’uranium-238 est trĂšs faible par rapport 
Ă  celui de l’uranium-235. C’est pourquoi, en France, dans l’usine d’enrichissement de l’uranium (usine 
Eurodif de Tricastin dans la vallĂ©e du RhĂŽne fournissant plus du tiers de la production mondiale 
d’uranium enrichi), l’opĂ©ration doit ĂȘtre rĂ©pĂ©tĂ©e 1 400 fois pour produire un uranium assez enrichi en 
uranium-235, alors utilisable dans des centrales nuclĂ©aires classiques. 

L'ultracentrifugation 

Un autre procĂ©dĂ© d’enrichissement de l’uranium est utilisĂ© Ă  moins grande Ă©chelle par le groupe 

europĂ©en Urenco (Allemagne, Pays-Bas, Grande-Bretagne) : c’est l’ultracentrifugation. 

Ce principe de sĂ©paration utilise une centrifugeuse qui, telle une essoreuse Ă  salade tournant Ă  

grande vitesse, projette plus vite Ă  sa pĂ©riphĂ©rie l’hexafluorure d’uranium-238 que l’hexafluorure 
d’uranium-235 qu’elle contient. La trĂšs lĂ©gĂšre diffĂ©rence de masse entre les deux molĂ©cules permet 
ainsi d’augmenter petit Ă  petit la concentration en uranium-235. LĂ  encore, de nombreuses Ă©tapes 
successives sont nĂ©cessaires pour obtenir un enrichissement. 

 

background image

 

 

292 

7- Sites nuclĂ©aires en Iran

1

 

                      

 

1

   Source: IAEA, Implementation of the NPT Safeguards Agreement in the Islamic Republic of Iran. 

Vienne, 10 novembre 2003. 

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293 

Usine de production  de r

Ă©

acteurs 

Ă 

l’

eau 

lourde

Arak 

R

Ă©

acteurs de 

recherche

Complexe d

’enrichissement

de l

’uranium

Mines d

’uranium

Usine de conversion de minerai en fuel (UF

6

)

R

Ă©

acteur de 

1000 MW

2 R

Ă©

acteurs 

de 1000 MW

Exploitation  Mini

Ăš

re U

3

0

8

Enrichisse

-

ment

Fabrication   de Fuel  UO

2

R

Ă©

acteur 

Nucl

Ă©

aire

Retraitement

Bonab

Natanz

Ramsar

Planifi

Ă©

En op

Ă©ration

Sous construction 

Conversion 

UF4

(UF6 

centrfg

)

Usine de production  de r

Ă©

acteurs 

Ă 

l’

eau 

lourde

Arak 

R

Ă©

acteurs de 

recherche

Complexe d

’enrichissement

de l

’uranium

Mines d

’uranium

Usine de conversion de minerai en fuel (UF

6

)

R

Ă©

acteur de 

1000 MW

2 R

Ă©

acteurs 

de 1000 MW

Exploitation  Mini

Ăš

re U

3

0

8

Enrichisse

-

ment

Fabrication   de Fuel  UO

2

R

Ă©

acteur 

Nucl

Ă©

aire

Retraitement

Bonab

Natanz

Ramsar

Planifi

Ă©

Planifi

Ă©

En op

Ă©ration

En op

Ă©ration

Sous construction Sous construction 

Conversion 

UF4

(UF6 

centrfg

)

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294 

 

8- ExpĂ©rimentations nuclĂ©aires en Iran depuis 1977

1

 

 

                      

 

1

   Source :  AIEA 2004. 

 

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295 

 

9- Ogives NuclĂ©aires dans le Monde 

 

 

 

 

 

 

Pays 

Ogives 

StratĂ©giques 

Ogives non 

stratĂ©giques  

Ogives 

Totale  

USA 

5 948 

1 120 

7 068 a 

Russie 

4 852 

3 380 

8 232 b 

China 

282 

120 

402 

France 

348 

348 

UK 

185 

185 

Inde 

(30-40) c 

Pakistan 

(30-50) c 

IsraĂ«l 

(~200) c 

Total 

~16 500 

 

Source:

 Kristensen, H.M. & Kile, S., 'Appendix 15A.  World Nuclear Forces', 

SIPRI Yearbook 2003. 

Note : Tel que dĂ©fini par le TNP de 1968 seule les Ă©tats qui avaient fabriquĂ© et explosĂ© une 
 bombe nuclĂ©aire avant janvier 1967 sont considĂ©rĂ©s comme puissances nuclĂ©aires reconnues. 
BasĂ© sur cette dĂ©finition la Chine la France, la Russie, l'Royaume Uni et les Etats Unis sont  
lĂ©galement reconnus comme Ă©tats nuclĂ©aires.  L'Inde, le Pakistan et l'IsraĂ«l ne sont pas membres 
 du TNP. 
a : Le total d’USA y compris rĂ©serves est e 10 600 ogives et 5000 plutonium pits en stockage.   
b : Le total de la Russie contient 18 000 ogives mais 9800 sont en stockage en attente de dĂ©montlement 
c : Partiellement dĂ©ployĂ©es. 

 

 

 

 

 

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296 

10- Population de l’Iran et sa croissance 

 

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297 

11- Structure du pouvoir constitutionnel en Iran

1

 

                      

 

1

 International Crisis Group, Iran: the Struggle for the Revolution’s Soul.  Bruxelles, 5 aout 2002.  P. 

37.