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Guernica


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Ne garder que l'essentiel d'une oeuvre : une analyse de Guernica de Picasso pour travailler la composition

mots clés : organisation, composition, référence, picasso


questions - espace représenté; oeuvre : démarche artistique, place du spectateur, exposition, référence, analyse
compétences
- analyser, rédiger, expérimenter, créer, savoir-faire (maîtriser des gestes et des opérations)

 

quelques constats pour commencer

D'une façon assez intuitive, quelques observations se sont regroupées, lorsque j'ai commencé à réfléchir à une leçon consacrée à l'approche d'une œuvre moderne et de sa composition. Tout d'abord, si il est un artiste moderne que les élèves «connaissent», c'est en premier lieu Picasso. D'ailleurs, l'évocation de son nom suffit à faire surgir quelques sarcasmes ici et là dans les classes («Picasso c'est n'importe quoi !» «Mon petit frère en fait autant !» etc). Voilà donc un bon point de départ, si je veux faire évoluer ces a priori.

J'ai remarqué, à plusieurs occasions, la difficulté des élèves à composer leurs travaux, afin d'abonder dans le sens de leurs intentions.

Dans un même ordre d'idée, ils ne prennent que peu en compte la totalité du format, l'équilibre des masses colorées, ils travaillent souvent d'un détail à un autre.

En eux-mêmes, si ces constats me paraissent finalement assez «normaux», ils révèlent en creux ce que l'enseignement des arts plastiques doit apporter à la construction du regard des élèves : apprendre à lire une œuvre, en comprendre la structure et les codes et mettre en relation les différents éléments qui la composent.


le tableau de Picasso par excellence : Guernica

Dans un premier temps je me propose «d'oublier» ce que je sais du tableau, d'essayer d'évacuer son empreinte visuelle dans ma mémoire. Simplement pour essayer de me mettre à la place des élèves qui n'ont pas, a priori, la même familiarité que moi avec l'œuvre.

"Guernica", huile sur toile, 351 x 782 cm, peint du 1er Mai au 4 Juin 1937.


Ce que je vois :

Se reconnaissent, en vrac, certaines formes comme étant des visages criant, grâce à leurs yeux, leur bouche ouverte, un taureau à ses cornes, son mufle et la courbure de son échine, il semble nous regarder, impassible ou hébété. Un cheval hennit, un bras apporte de la lumière, d'autres sont tendus vers le ciel, ou écartelés au sol. Une sorte d'oeil/ampoule surplombe l'ensemble de la scène. Dans l'ombre se distingue un oiseau lui aussi cou et bec tendu et criant au vers le ciel.

Mais il y en a de tous les côtés ! L'œil ne sait pas trop où s'arrêter, il est sollicité de toutes part, des formes géométriques, des contrastes blanc et noirs violents s'entrechoquent et donnent une impression de chaos. Une multitude de plans gris perturbe la lecture de l'image.

Il est difficile de savoir ou se passe la scène, quelques pans de mur, la pente d'un toit, le coin formé par des murs et un plafond ne permettent pas vraiment de se repérer, est-on à l'extérieur ou à l'intérieur ?
Rien n'indique non plus quelle est la cause de ces cris, de cette peur et de ce désordre.




Ce que je sais :


la dimension politique de Guernica

« La peinture n'est pas faite pour décorer les appartements, c'est un instrument de guerre, offensif et défensif, contre l'ennemi. » Picasso, à propos de Guernica.

En 1937, le gouvernement républicain alors au pouvoir (juste avant d'être renversé par Franco) commande à Picasso une grande composition murale, pour le pavillon espagnol de l'exposition universelle de Paris.

Alors que cette « commande » lui est faite, ses proches on raconté que Picasso ne sait pas quelle direction prendre pour y répondre. Mais quelques jours plus tard, l'actualité va créer le facteur déclenchant de cette œuvre : l'aviation nazie bombarde, le 26 avril 1937, la ville basque de Guernica faisant près de 2000 morts. Après une controverse médiatique, la vérité éclate. Le « sujet » est trouvé.

Picasso voulut explicitement faire don au peuple espagnol de ce tableau mais seulement « dès que les libertés publiques seraient rétablies en Espagne ». Guernica y fut finalement accueilli en 1981.


un chef d'œuvre moderne nourri de tradition 

Le tableau est achevé en moins de 2 mois, il est le fruit d'une intense activité créatrice : Picasso a exécuté une centaine d'études préparatoire à l'œuvre. En cela, il se rapproche de la conception classique d'un chef d'œuvre. Dora Maar a photographié sa réalisation donnant de précieuses indications concernant sa genèse.

Son élaboration est une synthèse complexe du cubisme, du surréalisme, des préoccupations picturales propres à  Picasso, mêmes celles hérités des Anciens. La volonté de faire un chef d'œuvre « moderne  fait parti de son projet, tant par les dimensions du format que par l'enjeu esthétique qui le traverse, :
« (...) Malraux et d'autres en ont déduit que Guernica est de toute évidence le dernier tableau de la tradition puisqu'il fut, pris, repris, corrigé, élaboré. Sans apercevoir l'essentiel : c'est-à-dire le démantèlement progressif de la forme, en accord avec la démarche profonde de Picasso dont chaque œuvre est « une somme de déconstruction » de son propre aveu. » 
Juan Marin voit dans cette œuvre, outre toutes les dissemblances liées au sujet et aux préoccupations formelles, un combat dans lequel Picasso s'affronte à Vélasquez et à son célèbre tableau Les Ménines.

De nombreux auteurs ont noté qu'il était possible de diviser la composition du tableau en trois, ce qui offre une analogie avec la tradition du triptyque flamand au 15ème siècle.

Lignes de forces qui sous tendent la composition de Guernica


Le choix du noir et blanc est semble-t-il motivé par la forte émotion ressentie par Picasso devant les Bélinographes «à la trame si contrastée qu'elles blessent l'œil avant même qu'on en ait déchiffré l'image».

Dans ce tableau, l'espace est incertain, les corps sont distendus, cassés par l'éclatement des plans, emboîtés autant que disloqués. Mais ce chaos apparent est contrebalancé par la hiérarchisation apportée par la gradation des gris et les forts contrastes noir/blanc qui apportent à la composition sa cohérence. L'œuvre est tendue entre destruction et construction.


D'un point de vu narratif, l'interprétation «officielle» du tableau, veut que ce tableau soit une allégorie dans laquelle le taureau serait une «incarnation de la brutalité, de l'obscurité» et le cheval éventré «symbole du peuple». Mais Picasso a toujours répugné à enfermer ses tableaux dans une interprétation unique et, pour couper court, il recourait à une lecture littérale de ses œuvres : « Le taureau est un taureau, (...) c'est tout. Il n'y a pas de relation politique pour moi ; obscurité et brutalité oui, mais pas le fascisme. »

 

une amorce de problématique : « je garde l'essentiel »

Une des premières questions que je me suis posée est la suivante : «comment amener les élèves à travailler à partir de cette œuvre, sans faire à la manière de Picasso, mais tout en s'approchant de la structure de l'oeuvre ?». En effet, je gardais à l'esprit que «l'artistique» devait avoir sa place.

Une incitation lue dans un mémoire à l'IUFM m'avait plu et je trouvais qu'elle posait question : «je garde l'essentiel». Cette incitation mise en relation avec une œuvre comme Guernica, déroutant le regard par la profusion et l'éclatement, ne manque pas de poser problème. En effet «garder l'essentiel», c'est faire la synthèse, ce qui sous-entend d'avoir «fait le tour», de s'être approprié, un minimum, l'œuvre, de s'y retrouver. Cela nécessite une certaine capacité d'abstraction de la part des élèves. Mais une approche plus intuitive et plus personnelle est possible, c'est elle qui sera à priori la leur.
Par ailleurs, une proposition comme celle-là peut aussi conduire à des réponses simplistes qui laissent de côté la complexité de l'œuvre.


ce que je veux que les élèves apprennent

Tous les éléments que je me suis donnés demandent maintenant à être réunis, rendus cohérents, tendus vers mes objectifs, qui sont les suivants :

D'un point de vu du comportement «plasticien» lors de l'effectuation : qu'ils prennent en compte, qu'ils investissent la globalité du format.

Qu'il perçoivent mieux ce qu'est une composition : comprendre qu'elle est le fruit d'une construction et qu'elle permet à l'artiste de hiérarchiser les éléments qui constituent son œuvre afin de créer du sens par le «jeu» des formes et des rapports entre les éléments qui la constituent.

Comprendre qu'une œuvre ne se dévoile pas d'un seul coup d'œil, si l'on veut la comprendre, il faut toujours la scruter, se questionner pour y trouver du sens. Le spectateur est actif (constater ensemble ce qui n'a pas été vu par eux dans Guernica).


problématique 

Comment restituer plastiquement, et de façon synthétique, sa perception d'une œuvre ?

Une fois cette problématique posée, l'incitation initiale, aussi séduisante soit-elle, me parait dévoiler de façon trop directe les objectifs.
Un temps d'effectuation court et une demande insistant sur l'aspect «prise de note graphique» m'a semblé plus pertinent. Un temps court me parait nécessaire pour que les élèves ne s'attardent pas sur les détails. J'ai donc opté pour l'incitation suivante : «Vous avez 25 minutes pour garder la trace de cette oeuvre». Une contrainte obligeant à prendre en compte l'ensemble de la composition me parait importante pour compléter le dispositif.


questions de cours

Quels sont les éléments structurant notre regard sur cette œuvre ?
Comment s'y dirige t-il, ou y est il conduit ? Comment restituer cette perception ?


le dispositif

En début de cours, projection de «Guernica», accompagnée de quelques commentaires oraux pour situer le contexte dans lequel ce tableau a vu le jour. Les élèves travaillent à partir de l'œuvre projetée.

Vous avez 25 minutes pour garder la trace de cette oeuvre 

Votre production doit rendre compte de l'ensemble de l'œuvre.

Pinceaux, ciseaux, colle, peinture (noire et blanche), papiers gris noirs et blancs, fusains. Feuilles à dessin blanches 30 x 65 cm (homothétique à l'oeuvre).


Types de réponses possibles

- Travaux de type linéaires, traduction graphique de l'œuvre, sans prendre en compte le fond.
- Collages par masses prenant en compte le clair/obscur et l'éclatement des formes.
- Support peint pour obtenir rapidement un fond peint puis recourt au collage pour obtenir des découpes nettes


Références artistiques envisagées


Un exemple explicite pour montrer la façon dont Picasso transforme et se joue de la représentation, simplifiant jusqu'à signifier en ne conservant que quelques lignes pour « dire » le taureau. De nombreuses variations autours de tableaux célèbres, notamment les Ménines de Vélasquez, seraient intéressantes à montrer également, pour montrer la façon don Picasso se les est approprié.


Une interprétation linéaire, par Matisse, de l'érection de la croix Rubens (comparaison de deux esquisses préparatoires). Il ne s'attarde pas sur les expressions, les émotions figurées pour ne garder que l'élan de la diagonale qui structure la composition et recadre l'œuvre, se focalise sur l'action centrale et évacue les éléments anecdotiques.

«Il suffit d'un signe pour évoquer un visage, il n'est nul besoin d'imposer aux gens des yeux, une bouche... Il faut laisser le champ libre à la rêverie du spectateur »
Henri Matisse.

 

julien guibreteau

information(s) pédagogique(s)

niveau : 4ème

type pédagogique : leçon

public visé :

contexte d'usage : classe

référence aux programmes :

en quatrième on travaillera plus spécialement les notions d'organisation et de composition.

analyse d'une oeuvre de référence

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