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Octobre 2006
Fiche informative du Réseau Action Climat-France sur les certificats
d’économie d’énergie
1) Origine et objectif :
C’est en Angleterre, puis en Italie que le dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE), connus
également sous le nom de « certificats blancs », a vu le jour.
En France, cet instrument est inscrit dans la Loi de Programme fixant les Orientations de la Politique
Energétique du 13 juillet 2005 (« Loi POPE »).
Conformément à l’article 14 de cette loi,
« Les personnes morales qui vendent de l'électricité, du gaz,
de la chaleur ou du froid aux consommateurs finals et dont les ventes annuelles excèdent un seuil ainsi
que les personnes physiques et morales qui vendent du fioul domestique aux consommateurs finals
sont soumises à des obligations d'économies d'énergie. Elles peuvent se libérer de ces obligations soit
en réalisant directement ou indirectement des économies d'énergie, soit en acquérant des certificats
d'économies d'énergie ».
Les CEE doivent participer, à côté d’autres instruments, à la réalisation de l’objectif fixé dans la loi
POPE de réduire de 2% par an d’ici à 2015 et de 2,5% d’ici à 2030 l’intensité énergétique finale.
Ce système a deux principaux objectifs :

Toucher des secteurs diffus : l’objectif de cet instrument est d’identifier et de financer des
économies d'énergie très diffuses, notamment celles réalisées par les particuliers dans leur
habitat.

Réduire la consommation énergétique à moindre coût : les fournisseurs, pour atteindre leur
objectif d’économie d’énergie, vont «
naturellement
» s’orienter vers les actions les plus
rentables.
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2) Modalités de fonctionnement des CEE
Certains vendeurs d’énergie : de gaz, électricité, fioul etc. (également nommées « les obligés ») se
voient attribuer un objectif d’économie d’énergie à atteindre entre le 1er juillet 2006 et le 30 juin 2009.
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L’objectif global est ensuite réparti entre les différents vendeurs et divisé par 3 afin de parvenir à la
définition d’un objectif annuel par obligé
. Cependant, les vendeurs ne sont pas tenus au respect
d’un objectif annuel. Le contrôle du respect des obligations n’interviendra qu’à la fin de la première
période.
Pour respecter leur objectif, les obligés pourront :

Ou mettre en œuvre des actions permettant de réaliser des économies d’énergie de manière
démontrable. Une liste d’actions standardisées a été arrêtée le 19 juin 2006 par le Ministre de
l’Energie.
Ces actions pourront être entreprises sur leur propre site ou bien chez leurs
clients.
Les collectivités locales pourront également participer de manière volontaire à ce
dispositif et obtenir, si elles font des économies d’énergie, des certificats blancs qu’elles
pourront revendre.

Ou acheter des certificats

Ou s’acquitter d’une amende par kWh excédentaire
Les vendeurs pour qui le coût d’économie d’énergie est relativement élevé pourront, afin de s’acquitter
de leur obligation, acheter des certificats à d’autres vendeurs qui ont surpassé leur objectif ou à des
personnes morales détentrices de certificats.
Un registre national de certificats d’économie d’énergie sera mis en place. Les fournisseurs devront
restituer, à la fin de la première période d’application du dispositif, soit le 30 septembre 2009, le nombre
de certificats qui leur ont été attribués, sous peine d’une pénalité de 2 centimes d’euros par kWh
excédentaire à verser au Trésor public. En l’espèce, la
pénalité
est
libératoire
, contrairement Ã
l’amende prévue dans le système d’échange de quotas de dioxyde de carbone (CO2). Cela signifie que
l’obligé ne sera pas tenu de réaliser au cours de la période suivante les économies d'énergie qu'il n'a
pas effectuées entre 2006 et 2009.
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Il est prévu, sans plus de précision, que d’autres périodes suivront.
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3) Objectif pour la première période de fonctionnement des CEE
Un objectif d’économie d’énergie de
54 milliards de kWh cumac
(«
cum
ulés-
ac
tualisés ») a été fixé
sur 3 ans.
Qu’est-ce qu’un kWh « cumac » ? :
En principe, une action d’économie d’énergie produit des effets sur plus d’un an. Pour savoir combien
de certificats attribuer à un opérateur en contrepartie de son action, il faudra prendre en compte
l’ensemble des KWh économisés sur toute la durée de vie de l’opération, et ceci de manière
ex ante
(=
kWh cumulés
).
Ainsi, le décret 2006-603 du 23 mai 2006 dispose :
« La valeur des certificats d’économies d’énergie
attribués à une opération correspond à la somme des économies d’énergie annuelles réalisées durant
la durée de vie du produit ou la durée d’exécution du contrat de service.
» Pour chaque opération
standardisée d’économie d’énergie, une durée de vie conventionnelle est fixée par l’arrêté du 19 juin
2006. Par exemple, la durée de vie conventionnelle retenue pour l’opération « isolation des murs par
l’intérieur » est de 35 ans.
A ce cumul des kWh économisés sur toute la durée de vie de l’opération, s’ajoute un taux annuel
d’actualisation de 4%.
Qu’est-ce que l’actualisation ?
Le taux d’actualisation, fixé par le Commissariat Général au Plan, est l’opération mathématique qui
permet de comparer des valeurs économiques qui s’échelonnent dans le temps : il s’agit de ramener la
valeur future d’un bien, d’une dépense à une valeur actuelle. Il est donc destiné à favoriser la prise de
décision en matière d’investissements publics. Le taux d’actualisation a été institué en 1962. Il a été
modifié la dernière fois en 2005, en passant de 8 à 4%.
Ce nouveau taux d’actualisation a été retenu dans le cadre des CEE. Le décret 2006-603 susvisé
précise ainsi que : «
Les économies d’énergie réalisées au cours de la première année de vie du produit
ou d’exécution du contrat de service sont calculées au moyen de coefficients de pondération
dégressifs »
(kWh actualisés).
Concrètement, l'actualisation revient à accorder moins d'importance au
kWh économisé dans le futur. Un arrêté du Ministre de l’énergie du 30 mai 2006 précise le taux de 4 %
de la manière suivante : «
les économies d’énergie réalisées
au cours de chaque année suivant la
première
sont calculées en divisant par 1,04 les économies de l’année précédente ».
Formule de calcul des kWh cumac : le montant des économies d’énergie annuelles découlant de
l’opération, multipliées par la durée de vie de l’action et pondérées pendant toute cette période de 4%
par an.
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L’objectif global d’économies d’énergie de 54 TWh pour la première période est faible. Si on prend 10
ans comme durée de vie moyenne des appareils et équipements visés par les certificats, chaque
année, les obligés doivent engager des programmes pour une économie moyenne équivalente de 18
(54 :3) / 8,4 (= taux d’actualisation de 4% sur 10 ans) = 2,1 TWh/an. Ce qui correspond à environ 0,1%
de la consommation énergétique française qui atteignait en 2005 1800 TWh.
La faiblesse de l’objectif global a été justifiée par le fait que 2006-2009 doit constituer une période
« test »
pour la mise en place de ce nouveau mécanisme.
A titre de comparaison, au Royaume-Uni, l’objectif fixé était de 62 TWh entre 2002 et 2005 et il a été
dépassé de 25 %. Le Gouvernement a donc décidé de le porter à 130 TWh d’ici 2008.
4) Les acteurs concernés par ce dispositif : les obligés et les non obligés.

Les obligés :
Il s’agit des personnes qui sont juridiquement soumises à des obligations d'économies d'énergie. Le
décret 2006-600 du 23 mai 2006
2
vise :
a)
Les
personnes qui livrent du fioul domestique
au domicile ou au siège des consommateurs
finals résidant sur le territoire national ;
b) Les
personnes morales
dont les ventes d'énergies
autres que le fioul domestique aux
consommateurs finals résidant sur le territoire national
sont supérieures aux seuils suivants
:
> 400 millions de kilowattheures d'énergie finale par an pour l'électricité ;
> 400 millions de kilowattheures de pouvoir calorifique supérieur d'énergie finale par an pour le gaz
naturel ;
> 100 millions de kilowattheures de pouvoir calorifique supérieur d'énergie finale par an pour le gaz
de pétrole liquéfié ;
> 400 millions de kilowattheures d'énergie finale par an pour la chaleur et le froid.
Concrètement, il s’agit principalement d’EDF, de Gaz de France, des réseaux de chaleur et des
fioulistes (entre 3000 et 3500).

Les non obligés :
Cette catégorie regroupe ceux qui peuvent participer, sur une base volontaire, au système afin d‘obtenir
en retour de leurs actions d’économies d’énergie des certificats qu’ils pourront revendre aux obligés.
Sont visées les personnes morales et les collectivités publiques (Communes, Conseils régional,
général, syndicats d’énergie etc.). Un seuil d’éligibilité a cependant été fixé. Pour solliciter l’obtention de
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Décret 2006-600 du 23 mai 2006 relatif aux obligations d’économies d’énergie dans le cadre du dispositif des certificats
d’économies d’énergie, JO du 27 mai 2006.
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certificats blancs, la ou les opération(s) entreprise(s) doivent permettre de générer une économie
d’énergie
dépassant 1 GWh cumac.
NB :
les fournisseurs de carburant ne figurent pas parmi les obligés alors que le livre blanc sur l’énergie,
présenté par Nicole Fontaine en novembre 2003, proposait de les inclure.
5) La méthodologie de répartition de l’objectif global entre les obligés : le
critère de la vente
Pour répartir l’objectif global de 54 milliards de kWh entre fournisseurs, le critère retenu est celui des
ventes des obligés
au cours de l’année précédent l’assignation des économies d’énergie à réaliser. Il
existe deux niveaux de répartition :

une répartition de l'objectif national d'économies d'énergie par type d'énergie.

ensuite, une répartition au niveau de chaque fournisseur, au prorata de ses ventes aux
ménages et aux entreprises du secteur tertiaire.
Un arrêté du 26 septembre 2006 fixe la répartition par énergie de l’objectif national d’économie
d’énergie de 54 TWh cumac.
Cette répartition est reprise dans le tableau ci-dessous.
Obligés
Electricité
Gaz naturel
Fioul
domestique
GPL
Chaleur et
froid
Objectif en
TWh cumac
31
14
6,8
1,5
0,7
6) Les actions couvertes par les CEE :
Il existe deux catégories d’opérations d’économies d’énergie pouvant donner lieu à la délivrance de
certificats blancs :

Les actions standardisées : de façon à simplifier l’application du système et à limiter les
coûts de mise en conformité des fournisseurs, un arrêté du 19 juin 2006 dresse un
catalogue « d’actions types ». Ces dernières concernent aussi bien le secteur
résidentiel/tertiaire, que l’industrie ou les transports. Pour chaque type d’action, un forfait en
kWh économisés a été calculé. La liste n’est pas exhaustive et est amenée à évoluer au
regard de l’expérience acquise.

Toute autre action d’économie d’énergie, sous couvert du respect de certains critères :
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Les CEE doivent permettre d’identifier un champ large d’actions d’économies d’énergie à moindre
coût. C’est pour cette raison que la porte est restée ouverte à des actions non standardisées.
Certains critères doivent toutefois être respectés. Tout d’abord, l’action doit permettre une
économie d’énergie d’au minimum 1 GWh cumac
. Ensuite, l’action réalisée par une personne
morale non obligée ne doit pas entrer dans son champ d’activité principale et lui procurer des
recettes directes (et ce, afin d’éviter une double récompense). Enfin, quand une opération
d’économie d’énergie est engagée par un obligé ou un non obligé sur son propre patrimoine, les
économies réalisées ne doivent compenser le coût de l’investissement qu’après une période de 3
ans au minimum (et ce, afin d’éviter les effets d’aubaine,
se référer au point 8
). Le temps de retour
sur investissement doit donc être supérieur à 3 ans car en deçà , on estime que les investisseurs
auraient de toute façon réalisées ces actions pour des questions de rentabilité.
Les CEE peuvent ainsi intéresser
les collectivités
. Par exemple, une commune décide de
réhabiliter une partie de ses écoles, en finançant une meilleure isolation. En contrepartie, elle
obtient des certificats qu’elle pourra revendre à un obligé afin de financer une partie de son
investissement. Cependant, la participation des collectivités risque d’être limitée au cours de la
première période, en raison de la faiblesse de l’objectif fixé. En effet, pour qu’un non obligé prenne
part au dispositif, il doit avoir une certaine assurance qu’il pourra revendre ses CEE à un obligé. Or,
si l’objectif est trop faible, aucun des obligés n’aura besoin d’acheter des CEE pour se mettre en
conformité.
Certaines
actions
sont expressément
inéligibles à l’obtention de CEE
3
. Il s’agit:

Des actions dans les installations qui sont couvertes par le marché de quotas de CO2 (pour
éviter les doublons). Par contre, une action d’économie d’énergie entreprise par une
installation « PNAQ » chez un de ses clients finals, pourrait donner lieu à l’obtention de
CEE.

De la substitution entre combustibles fossiles (en raison des faibles gains énergétiques qui
en découleraient).

Des actions qui consistent à respecter la réglementation en vigueur (en raison de leur
caractère non additionnel).
Toute demande d’obtention de certificats blancs est adressée au préfet du département du siège du
demandeur. Celui-ci a 3 mois pour donner une réponse dans le cas d’une opération standardisée et 6
mois pour les autres demandes. C’est aux DRIRE (Directions Régionales de l’Industrie de la Recherche
et de l’Environnement) qu’il appartiendra de délivrer les CEE.
3
Article 15 de la loi POPE.
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7) Surveillance du respect des obligations et transparence du système.
A l’instar du marché de quotas d’émissions, un registre national a été mis en place par décret du 23 mai
2006. Sa tenue sera confiée à un délégataire. Ce dernier devra ainsi ouvrir, gérer et clôturer les
comptes des détenteurs de CEE. Tous les échanges de certificats seront enregistrés sur le registre.
La loi POPE précise en son article 16 les conditions d’accès au public des informations contenues dans
le registre :
« Les certificats d'économies d'énergie sont exclusivement matérialisés par leur inscription au registre
national des certificats d'économies d'énergie,
accessible au public
(…) Afin d'assurer la transparence
des transactions liées aux certificats d'économies d'énergie, l'Etat ou, le cas échéant, la personne
morale visée au deuxième alinéa
rend public le prix moyen auquel ces certificats ont été acquis
ou
vendus. »
En outre, le gestionnaire du registre sera tenu de publier un rapport tous les 3 ans afin de rendre
compte du fonctionnement du mécanisme et de l'ensemble des transactions liées aux certificats. Une
pénalité libératoire de 2 centimes d’euros par KWh cumac non économisé sera appliquée.
8) L’additionalité : élément clé permettant d’assurer l’efficacité du dispositif
Une action serait qualifiée en l’espèce d’additionnelle si l’on peut démontrer qu’elle n’aurait pas vu le
jour sans la mise en place des CEE.
L’additionalité permet d’éviter de récompenser des opérations qui auraient eu lieu «
de toutes façons
»,
dans le cadre d’un scénario dit «
au fil de l’eau
» (effets d’aubaine).
Qu’est-ce qu’un effet d’aubaine ?
Une grande surface incite à l’achat par les consommateurs de lampe basse consommation (LBC). Elle
obtient en contrepartie des CEE qu’elle va pouvoir revendre.
Au delà de la « double récompense », puisque en plus du revenu que la grande surface obtiendra de la
vente des CEE, des bénéfices ont été faits sur la vente des LBC, il existe un effet d’aubaine. Une étude
a montré que parmi les ventes annuelles de lampes basse consommation en France, 30% sont
destinées au remplacement d'une autre LBC. Sur cette base, seules 70% des ventes peuvent donc être
considérées comme additionnelles. Obtenir des CEE pour la totalité des LBC vendues induit un effet
d'aubaine puisque les LBC installées en remplacement d'une autre LBC se seraient vendues sans la
mise en place du dispositif des CEE. Pour information, dans la préparation de leur système de
certificats blancs, les britanniques avaient tablé sur un effet d'aubaine d'environ 40 %.
Par ailleurs, dans le cadre du Plan Climat, l
es bénéfices des CEE en terme de réduction des émissions
de gaz à effet de serre pourraient être comptabilisées plusieurs fois, entraînant ainsi un risque
8
d’abaisser de manière artificielle les émissions nationales, ce qui compromettrait l’atteinte par la France
de son objectif de Kyoto.
En effet, le Plan Climat de juillet 2004 affecte aux certificats d’économie d’énergie un potentiel de
réduction des émissions de 2,4 MteCO2 en 2010, dont 1,4 dans le bâtiment. Par ailleurs, un potentiel
de réduction des émissions de 1,4 MteCO2 est attribué à l’étiquette énergie.
Or, le décret relatif aux opérations standardisées prévoit de récompenser, via des CEE, les actions qui
encouragent l’achat d’appareils électroménagers performants de classe A+. Dès lors, à quelle mesure
faudra t’il attribuer les économies d’énergie issues de l’installation d’appareils de catégorie A +, aux
CEE ou à l’étiquette énergie ?
Si les réductions de la consommation énergétique découlant d’une seule
action sont comptabilisées deux fois, l’une dans le cadre des CEE, l’autre au titre de l’étiquette énergie,
alors les réductions d’émissions réellement opérées par ces deux instruments ne correspondent plus Ã
la réalité.
Sources
•
Loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique
(Loi POPE) disponible sur :
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=ECOX0400059L
•
Textes réglementaires encadrant le dispositif des CEE disponibles sur :
http://www.industrie.gouv.fr/energie/developp/econo/f1e_eco.htm
•
CLER infos, n°53 de mai-juin 2006 sur « les certificats d’économies d’énergie ». Pour commander
ce numéro : http://www.cler.org
•
Site internet de l’ADEME : http://www.ademe.fr
•
Site internet de l’ATEE : http://www.atee.fr
•
Energie Plus n° 367 du 1er juin 2006 sur les certificats d’économies d’énergie.
•
Rapport « Le prix du temps et de la décision publique, révision du taux d’actualisation public » de
février 2005, disponible sur :
http://www.plan.gouv.fr/intranet/upload/publications/documents/Lebegue-rapportDF.pdf
•
« Quelles contributions apportent les marchés de certificats au développement durable ? » Jérôme
LEGRIS, mémoire de Master, ENPC, 2005-2006.
Contact :
Morgane Créach, Réseau Action Climat-France, morgane@rac-f.org (01.48.58.00.20).