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MFI HEBDO: Politique Diplomatie Liste des articles

28/08/2007
Questions internationales (1)
La diplomatie m�dicale de Cuba


(MFI) Plus de 20 000 m�decins cubains exercent � l��tranger dans le cadre de programmes de coop�ration. Install�s dans des bidonvilles ou des villages isol�s, ils sont g�n�ralement tr�s appr�ci�s des habitants. Mais certains questionnent leurs comp�tences et redoutent qu�ils prennent la place des praticiens locaux. D�autres accusent La Havane d�utiliser cette aide humanitaire � des fins politiques.

Combien de m�decins cubains travaillent-ils � l��tranger dans le cadre de la coop�ration ?


� Les nouveaux m�decins aux pieds nus � ; � L�Internationale de la sant� �� Les m�taphores ne manquent pas pour d�crire l�importante coop�ration m�dicale cubaine dans le monde. Actuellement, plus de 20 000 m�decins cubains travaillent dans 64 pays, essentiellement en Am�rique latine, en Afrique et en Asie. Un chiffre qui fait de La Havane le premier � exportateur � de praticiens dans la cadre de programmes d�aide au d�veloppement. Cela signifie aussi que pr�s d�un m�decin cubain sur trois (on en compte 66 000) est engag� dans la coop�ration.
C�est en 1963, dans une Alg�rie tout juste ind�pendante, qu�est intervenue la premi�re Brigade m�dicale internationale cubaine. Ils �taient alors 58 praticiens. Aujourd�hui, plus de 200 g�n�ralistes, chirurgiens et autres ophtalmologistes exercent � Alger. Ils sont �galement pr�sents dans vingt autres pays africains, du Mali � l�Angola en passant par le Burkina Faso ou le Mozambique. En Asie, les � blouses blanches de Fidel Castro � interviennent notamment au Pakistan, au Vietnam et en Indon�sie. Mais c�est sans surprise en Am�rique latine qu�ils sont les plus nombreux. Lorsqu�en 1998, les Cara�bes et l�Am�rique centrale sont d�vast�es par l�ouragan Mitch, Cuba offre son aide � la R�publique dominicaine, au Honduras, au Guatemala, au Nicaragua, � Ha�ti et au Belize. Une fois l�urgence pass�e, les praticiens sont rest�s dans le cadre de programmes de coop�ration.
Mais le premier � importateur � de m�decins cubains reste de loin le Venezuela o� ils sont 14 000. En 1998, le pr�sident Hugo Chavez n�a pas encore l�audace et la popularit� qu�on lui conna�t aujourd�hui. Fidel Castro � qui le consid�re comme son fils spirituel mais qui lorgne aussi sur les r�serves en hydrocarbures du pays � lui conseille de mettre l�accent sur les programmes sociaux dans la sant� et l��ducation. C�est alors qu�est sign� l�accord Barrio Adentro (A l�int�rieur des quartiers) qui permet � des milliers de m�decins cubains d�ouvrir des consultations dans les bidonvilles et les villages. Pour la premi�re fois de leur vie, des millions de pauvres ont acc�s gratuitement aux services d�un g�n�raliste. En 2004, Caracas et La Havane lancent la mission Milagro (Miracle) qui permet � des milliers de patients qui souffrent de cataracte ou de glaucome d��tre op�r�s par des ophtalmologistes cubains - une mission �tendue depuis au Guatemala, � l�Equateur, � la Bolivie et � Ha�ti.
Enfin, Cuba dispose d�un contingent de 3000 m�decins et infirmiers pr�ts � intervenir en cas de catastrophes naturelles. On les a notamment vu � Banda Aceh lors du tsunami du 26 d�cembre 2004 ou au Pakistan apr�s le tremblement de terre qui a ravag� le Cachemire en octobre 2005.

Qu�en est-il de l�accueil de malades �trangers � Cuba ?

Si les normes d�mocratiques et les indices �conomiques sont loin d��tre satisfaisants � Cuba, les indicateurs sociaux y sont en revanche parmi les plus performants d�Am�rique latine : une mortalit� infantile de 6,22 pour mille, une esp�rance de vie de 78 ans, un taux d�alphab�tisme de 97 % et un m�decin pour 166 habitants (contre 1 pour 1385 en 1970). Si La Havane peut se permettre d�exporter ses blouses blanches, c�est aussi parce que ses besoins m�dicaux sont largement couverts.
Le r�gime castriste op�re aussi dans ses h�pitaux de nombreux patients venus de pays o� le syst�me de sant� est insuffisant. C�est � La Havane qu�a �t� soign�e Kim Phuc, cette fillette vietnamienne br�l�e par une bombe au napalm largu�e par l�aviation am�ricaine, et dont la photo o� on la voit courir nue sur une route de campagne a fait le tour du monde. Pr�s de 20 000 victimes de l�accident de la centrale de Tchernobyl ont aussi �t� soign�s � Cuba, de m�me que des personnes gravement bless�es apr�s le tremblement de terre de 2005 au Pakistan. Plus de 100 000 patients de pays en d�veloppement sont ainsi soign�s chaque ann�e dans des �tablissements cubains.
En 1999, le gouvernement a cr�� l�Ecole latino-am�ricaine de m�decine (Elam) qui accueille gratuitement un millier d��tudiants venus de 24 pays.

Comment sont accueillis ces m�decins cubains � l��tranger ?

� En Ha�ti, on dit qu�apr�s Dieu il y a les m�decins cubains �. Ce commentaire des plus �logieux vient de Ren� Pr�val, le pr�sident ha�tien. En effet, pr�s de 500 professionnels de sant� cubains interviennent dans 70 des 133 communes de l��le. En comparaison, on compte 2000 m�decins ha�tiens, presque tous install�s dans la capitale. Depuis 2002, les praticiens cubains ont effectu� cinq millions de consultations, 59 000 op�rations et 45 000 accouchements. L� o� ils sont pr�sents, la mortalit� infantile a chut� de 80 � 23 pour mille. De quoi satisfaire les habitants d�un pays en proie � de multiples difficult�s.
Dans tous les reportages r�alis�s sur ces m�decins cubains de l��tranger, l�enthousiasme des patients est le m�me. � Nous n�avions jamais eu de m�decin ici ; c�est trop �loign� de la ville. Lorsqu�une personne �tait malade, il fallait la porter � dos d�homme ou sur un �ne jusqu�au dispensaire, � dix heures de marche par de mauvais sentiers. Beaucoup d�enfants mourraient en bas �ge. D�sormais, le Dr Alessandro est ici jour et nuit. Il vit avec nous, dans les m�mes conditions de d�nuement. Il a des m�dicaments, soigne les enfants et les vieillards, r�alise les accouchements. Nous sommes rassur�s �, racontait dans le quotidien espagnol El Pais l�habitante d�un village du Guatemala. Ces m�decins cubains interviennent en effet dans les hameaux isol�s et les bidonvilles, l� o� les m�decins locaux ne veulent pas toujours s�installer. � Nos coll�gues cubains comblent un vide. Personne ne souhaite �tre affect� l� o� ils travaillent �, reconna�t le Dr Joao Basto, le pr�sident de l�Ordre des m�decins angolais. Comme le raconte Paula Bastidas, �lue municipale du quartier San Augustin, � Caracas : � Avant, les habitants devaient attendre des heures dans les h�pitaux publics. Le personnel les traitait avec m�pris sous pr�texte qu�ils �taient pauvres. Les m�decins cubains leur ont rendu leur dignit� �. Signe de la satisfaction des populations locales : lorsqu�en septembre dernier les autorit�s du Honduras ont voulu mettre un terme � l�accord de coop�ration qui les liait � La Havane, les protestations des maires du pays ont �t� telles que le gouvernement a d� faire marche arri�re. Les 300 m�decins cubains, qui exercent en majorit� dans des zones rurales sans aucun autre acc�s aux soins, sont donc toujours pr�sents au Honduras. M�me le pr�sident pakistanais Pervez Musharraf , proche de Georges Bush et peu suspect d�amiti� pour Fidel Castro, a reconnu que, de toute l�aide internationale apport�e � son pays lors du tremblement de terre d�octobre 2005, celle des m�decins cubains avait �t� la plus d�cisive.

Cette � importation � de m�decins cubains fait-elle l�unanimit� en sa faveur ?

Certainement pas ; les critiques fusent aussi. Leur comp�tence est parfois mise en cause. � Ce sont souvent des infirmiers ou des agents de sant� publique, pas des m�decins. Ce n�est pas inutile dans les villages, mais ils font parfois des actes qui d�passent leurs comp�tences. Nous recevons � l�h�pital des patients dont l��tat de sant� s�est d�grad� car on leur a administr� un mauvais traitement ou qu�on a tard� � nous les amener �, t�moignait dans El Pais un pneumologue de l�h�pital de Guatemala-City. Ce que confirmait l�habitante d�un bourg recul� du Venezuela, interview�e dans L�Express : � Quelque soit la maladie dont on souffre, c�est le m�me m�dicament. Mal � la t�te ou mal au ventre, c�est pareil. Je crois que ce sont les seules pilules dont dispose le m�decin �. R�ponse des d�fenseurs des praticiens cubains : � Ces critiques sont rarissimes et g�n�ralement d�nu�es de fondements. En outre, dans un village perdu ou un bidonville, il vaut mieux un infirmier qui prend quelques risques que personne �. Impossible d�oublier non plus que la mission Miracle a permis � des milliers de V�n�zu�liens, de P�ruviens, de Boliviens� qui souffraient de cataracte de recouvrer la vue. Cela signe une comp�tence.
Autre critique : � Au lieu d�importer des m�decins �trangers, le gouvernement devrait investir dans les h�pitaux du pays qui sont sous-�quip�s et manquent de m�dicaments. Voire sont inexistants dans les districts isol�s. Cela motiverait en outre nos m�decins � quitter la capitale pour s�installer en province. Mais les Cubains co�tent moins cher �, s�emporte un fonctionnaire du minist�re de la Sant� �quatorien, cit� par Le Monde. Un avis que partage pour parti le Dr Th�ophile Tapsoba, le pr�sident de l�Ordre national des m�decins du Burkina Faso : � Les m�decins cubains sont les bienvenus ; ils comblent un manque. Mais leurs titres devraient �tre mieux v�rifi�s pour que nous soyons certains de leurs comp�tences. De m�me, ils ne doivent pas prendre la place de m�decins burkinab�s. Pour l�instant, le probl�me est minime. Mais qu�en sera-t-il � l�avenir ? �. Le quotidien alg�rien El Watan r�sume le probl�me : � Des m�decins cubains sont pr�sents en Alg�rie depuis 44 ans. Ce n�est plus de la coop�ration, c�est une installation d�finitive qui illustre la mis�re de notre syst�me de sant� �.
Derni�re critique enfin : loin d��tre un souci d�ordre humanitaire, cette coop�ration m�dicale cubaine ob�irait � des objectifs politiques et �conomiques (voir l�article suivant : Une coop�ration parfois tr�s politique). La Havane esp�rerait ainsi sortir de l�isolement diplomatique, notamment � l�Onu, que lui causent l�hostilit� des Etats-Unis et ses graves atteintes aux droits de l�homme. Cela serait aussi un moyen pour le r�gime cubain d�obtenir les devises ou les mati�res premi�res qui lui font cruellement d�faut depuis la chute de l�URSS. Une sorte de troc � blouses blanches contre dollars �. R�ponse des d�fenseurs de Fidel Castro : � pourquoi soup�onner automatiquement l�aide humanitaire cubaine sous pr�texte qu�il s�agit d�un r�gime communiste ? �. Il est certain que pour les patients de bidonvilles ou de hameaux isol�s en Indon�sie, en Bolivie ou au Mozambique, les motivations de La Havane ne sont gu�re importantes ; ce qui compte, c�est la pr�sence d�un m�decin comp�tent.

Jean Piel

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