Selon les informations de Rue89, deux mandats d’arrêt ont été émis en France contre les tueurs de l’opposant algérien.
Vingt ans. Il aura fallu vingt ans pour que l’affaire Mécili -du nom d’un opposant algérien assassiné à Paris sur ordre des services secrets algériens- sorte du trou noir dans lequel Paris et Alger la maintiennent en dépit de l’activité inlassable d’Antoine Comte, l’avocat d’Annie Mécili, sa veuve, pour remettre en cause l’impunité des tueurs.
Ce rebondissement d’une affaire étouffée par deux raisons d’Etat est d’autant plus spectaculaire qu’il a lieu contre l’avis du parquet. Ainsi, et selon nos informations, le juge français Baudoin Thouvenot a lancé le 7 décembre un double mandat d’arrêt contre deux responsables directs de l’assassinat de Ali Mécili, cet avocat français, porte-parole de l’opposition algérienne abattu à l’âge de 47 ans dans le hall de son immeuble parisien du boulevard Saint Michel, le 7 avril 1987.
Le proxénète et le consul
Le premier mandat concerne le tueur lui même, Abdelmalek Amellou. Ce petit proxénète qui coule des jours heureux en Algérie avait été arrêté à Paris deux mois après son forfait et expédié à Alger par les autorités françaises de l’époque en procédure d’"urgence absolue", dès la fin de sa garde à vue. Pourtant, les faits retenus contre lui sont accablants. Selon le juge Thouvenot :
"L’enquête a montré qu’il était en relation avec des membres de la sécurité militaire ou des officiers de l’armée algérienne et qu’il possédait un ordre de mission du capitaine Hassani."
Le magistrat remarque également que "la concubine d’Amellou avait confié à sa soeur que c’était ‘eux qui avaient fait ça’", tandis que le frère du même Amellou était, selon l’une de ses ex-compagnes, "persuadé de la culpabilité de ce dernier dans l’assassinat de Ali Mécili".
Le second mandat d’arrêt vise Mohamed Ziane Hassani -qui se fait aussi appeler Rachid Hassani-, un capitaine de la Sécurité militaire algérienne (devenue entre temps le DRS : Département du renseignement et de la sécurité), dont la dernière fonction connue était consul d’Algérie à Bonn. Le rôle de Hassani, qui fut l’agent traitant du tueur dans la préparation du meurtre, était très vite apparu aux enquêteurs français. Mais en 2003, un témoignage édifiant permettait d’établir que cet agent consulaire diplomatique en Allemagne avait aussi assuré le suivi de l’exécution d’Ali Mécili…
Le témoignage d’un ancien colonel des services algériens
Le 2 juillet 2003 en effet, le juge Thouvenot entendait en qualité de témoin, et sur la demande expresse de Me Antoine Comte, un officier dissident algérien réfugié en Allemagne, Mohammed Samraoui -sur lequel l’Etat algérien rêve d’ailleurs de remettre la main- et qui était, à l’époque des faits, responsable d’une "section de prévention économique de l’armée pour la région Est".
"Mohammed Samraoui, note le juge Thouvenot dans son mandat d’arrêt, nous a déclaré avoir assisté à une réunion fin juin-début juillet 1987, au cours de laquelle Amellou a reçu des mains de Hassani une forte somme d’argent en liquide, qui n’était visiblement qu’une partie de ce qu’il devait recevoir [800000 francs]."
Auditionné par le juge français, Hicham Aboud, un autre ex-officier de la Sécurité militaire, fera également état de cette information.
Pourtant décisifs, ces éléments nouveaux concernant Hassani n’ont pas suffit à convaincre le parquet de la nécessité d’émettre des mandats d’arrêt contre l’agent consulaire algérien. Pas plus d’ailleurs que contre Amellou. "La délivrance d’un mandat d’arrêt ne s’impose pas", indiquait en effet, et sans plus de commentaires, le parquet le 13 novembre 2007… La chape de plomb qui assure l’impunité à l’auteur et à l’un des commanditaires de l’assassinat d’un avocat français sur le sol français semblait ainsi devoir définitivement retomber sur cette affaire.
Comme si le message adressé par Charles Pasqua, le ministre de l’Intérieur de l’époque, aux autorités algériennes dans les heures suivant le crime était toujours d’actualité : "Je tenais à vous assurer que l’Algérie n’a rien à voir dans cette affaire", avait affirmé par téléphone Charles Pasqua à l’ambassadeur de ce pays en France, lui signifiant clairement qu’Alger pouvait, en la matière, compter sur la couverture sans faille de Paris. Une assurance qui a notamment permis aux autorités algériennes de faire la sourde oreille à la commission rogatoire internationale qui leur a été adressée le 4 septembre 1998.
La fin de l’omerta entre Paris et Alger ?
Deux décennies après qu’un obscur sous-traitant de la police politique algérienne a abattu à bout portant un responsable de l’opposition démocratique algérienne en plein Paris, le mandat d’arrêt du 7 décembre vient pourtant d’ouvrir une brèche dans l’omerta qui régit les relations entre la France et l’Algérie. Il demande notamment aux policiers algériens de le "notifier à Amellou à son dernier domicile connu", Hassani devant quant à lui être localisé.
La suite donnée à ce double mandat d’arrêt dira jusqu’où le Parquet peut bloquer une enquête, au moment même où Nicolas Sarkozy clame haut et fort sa volonté de fonder les rapports franco-algériens sur une base nouvelle.
José Garçon
Me Antoine Comte à Rue89 : "Le droit doit l’emporter sur la raison d’Etat"
Dans une interview à Rue89, Me Comte, l’avocat de la famille Mecili, explique l’enjeu de cette initiative du juge français :
La suite de l’affaire sera-t-elle juridique ou diplomatique et politique ? Me Comte espère que le droit l’emportera sur la raison d’Etat :
Pour Me Comte, la leçon de cette affaire reste néanmoins qu’il ne faut jamais abandonner, même vingt ans après les faits :
Interview réalisée par Pierre Haski (Rue89)
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Ô liberté, que de crimes ont commet en ton nom !!!
Replier les commentaires qui demandent de ne pas replier devient ubuesque. Je me demande d’ou vient cette idée saugrenue qu’on peut cracher dans la soupe quand on n’aime pas… j’espère qu’on aura un peu d’aide…
Pierre JC Allard
http://nouvellesociete.org/5174.html
@José,
On abat un animal, on assassine un être humain ! (hélas)
confraternellement,
Fabien
http://menilmontant.noosblog.fr/
Des infos complémentaires (mais antérieures, juste pour mieux comprendre l’histoire) sont sur afriquedunord.com
http://www.afrique-du-nord.com/article.php3?id_article=274
et, dans un sujet de l’Huma de… 1990, on évoquait la piste du Préfet de Police et de Charles Pasqua :
http://www.humanite.fr/1990-10-12_Articles_-PAOLINI-POURRAIT-ETRE-INCULP…
ces pistes sont donc écartées ?
La raison d’état l’emportera sans doute, comme dans l’Affaire Kieffer. Il n’y a pas de réserves de gaz en Algérie ?
Fabien
http://menilmontant.noosblog.fr/
Le crime politique a toujours balisé la voie aux personnages qui se croient nantis d’une ”mission” à la tête d’un pays ou d’un Etat.
Il est heureux que depuis quelques années,des hommes et femmes assoiffés de justice tentent par des moyens légaux d’empêcher le crime politique de demeurer impuni.
Nous devons être de plus en plus nombreux à soutenir leur combat .
Ma sympathie va naturellement aux parents de Mecili, ses proches ,leurs avocats et tous ceux qui exigent du pouvoir politique algérien de faite le toilettage de ses services.
Merci Joàsé pour cette info, enfin peut être l’epilogue de cette affaire et justice pour la famille Mecili, Aammi Ali ne va plus se retourner dans sa tombe. A quand la même chose avec l’affaire Lounès Matoub.
Il y a tellement de crimes impunis.
Osons espérer qu’avec cela d’autres affaires suivront: et que le voile soit retiré sur d’autres crimes :MATOUB LOUNES, MOHAMED BOUDHIAF….
LEMILITANTSANFRONTIERE réitère sa condamnation pour tout crime ou acte terroriste.
Enfin une lueur d’espoir après des années de lutte pour la vérité et la justice dans l’affaire de l’assassinat politique de Maitre ALI MECILI. j’espère que ces mandats d’arrêt vont faire éclater enfin la vérité sur la complicité des services secrets français avec la sécurité militaire algérienne et que la réalpolitik ne va l’emporter sur les Droits de l’Homme. vérité et justice dans tous les assassinats politiques de par le monde.
Ce premier sursaut de la justice française est à saluer. Esperons que rien ni personne ne viendra détourner son cours et que les assassins, leurs commanditaires, et même les responsables français qui ont couvert ce crime odieux au nom d’une bien commode raison d’état, auront à lui rendre compte. Maitre Mecili est tombé sous les balles assassines d’un tueur de bas étage, et sur ordre de criminels mafieux qui ont fait main basse sur notre jeune nation. La famille de maitre Mecili a été admirable de persévérance tout le long de ces vingt années. Esperons que les familles de toutes les victimes de la sécurité militaire qui se mua en DRS ainsi que tous les Algériens qui ont la justice chevillée à la conscience, agiront avec la même détermination pour faire juger ceux qui ont causé la mort des innombrables innocents. Au nom de la république! D.Benchenouf
Encore une abominable histoire, une de plus, et ce qui me dérange, c’ est que presque toutes ces sales histoires, sont révélèes, trop souvent, avec 20 ans de retard…
et oui 20 ans apres . . en ce moment il doit y avoir des mecs a Alger qui se demandent si on doit faire executer les assassins de Meccili ou attendre . . serais pas etonné qu »on les retrouve dans l’eau avec des pantoufles en ciment ! je ne crois pas que la verité eclatera , d’autant plus que cette operation n’a pas pu se faire sans l »accord des services français , faut pas rever quand meme !