Droit de suite

Affaire Mécili: vingt ans après, un commanditaire algérien arrêté

L’affaire Mécili – du nom de l’opposant algérien abattu à 47 ans en avril 1987 à Paris – sur ordre des services secrets algériens, vient de connaître un rebondissement spectaculaire. Vingt et un ans après cet assassinat, son commanditaire Mohamed Ziane Hassani, aujourd’hui responsable du protocole au ministère algérien des Affaires étrangères, a été arrêté jeudi à l’aéroport de Marseille-Marignane à l'arrivée d'un vol en provenance d'Alger et déféré vendredi soir devant un juge des libertés et de la détention à Paris. Il a été inculpé pour \"complicité d’assassinat\" et placé sous contrôle judiciaire après avoir tenté -en vain- de jouer sur une homonymie avec les policiers puis avec le procureur d’Aix en Provence.

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Ce contrôle judiciaire est assorti d'une interdiction de quitter la région parisienne et de l'obligation de justifier d'une résidence à Paris avant une prochaine convocation fin août chez le juge d'instruction Baudouin Thouvenot en charge de cette affaire.

C’est grâce à un mandat d’arrêt international émis en décembre 2007 par le juge Thouvenot, que Mohamed Ziane Hassani a été arrêté. A l’époque des faits, il était capitaine de la SM, la redoutable Sécurité Militaire algérienne devenue depuis le DRS, le Département du renseignement et de la sécurité. Le juge avait aussi émis un mandat d’arrêt contre le tueur présumé de Ali Mécili, un petit proxénète du nom d’Abdelmalek Amellou.

L'avocat et opposant algérien Ali Mécili (DR)

Il avait fallu vingt ans pour que la rigueur d’un juge et l’activité inlassable d’Antoine Comte, l’avocat d’Annie Mécili, la veuve de l’opposant assassiné, ouvrent une brèche dans l’impunité voulue et organisée par deux raisons d’Etat. Révélé par Rue 89 et le Canard enchaîné, ce double mandat d’arrêt international constituait un évènement dans la mesure où le juge Thouvenot l’avait émis contre l’avis du parquet. Un avis très politique.

Un pacte du silence entre Paris et Alger

Dès le lendemain de l’assassinat du porte parole de l’opposition algérienne, compagnon de toujours de Hocine Aït-Ahmed, le principal opposant au régime algérien, Paris signifiait en effet à Alger que l’omerta serait la règle dans cette affaire. Assurance verbale d’abord : Charles Pasqua, alors ministre de l’Intérieur, avait \"tenu à assurer\" par téléphone les autorités algériennes dans les heures suivant le crime que \"l’Algérie n’avait rien à voir dans cette affaire\". Garantie concrète ensuite : dès la fin de sa garde à vue, le tueur Abdelmalek Amellou, arrêté à Paris deux mois après son forfait, sera expédié à Alger en procédure \"d’urgence absolue\". Tant de mansuétude aura évidemment permis aux autorités algériennes de faire la sourde oreille à la commission rogatoire internationale qui leur sera adressée le 4 septembre 1998.

Seuls les mandats d’arrêts émis par le juge Thouvenot permettront de remettre en cause le pacte du silence passé entre Paris et Alger. Le 2 juillet 2003, ce magistrat avait entendu en qualité de témoin, et sur la demande expresse de Me Antoine Comte, un officier dissident algérien réfugié en Allemagne, Mohammed Samraoui, qui était un responsable des services secrets algériens à l’époque de l’assassinat de Ali Mécili. Samraoui avait déclaré au magistrat avoir assisté fin juin-début juillet 1987 à une réunion au cours de laquelle le tueur Amellou avait reçu des mains de Hassani une forte somme d’argent en liquide, qui n’était visiblement qu’une partie de ce qu’il devait recevoir.

Ces éléments nouveaux décisifs concernant Hassani n’avaient pas suffit à convaincre le parquet de la nécessité d’émettre un mandat d’arrêt contre celui dont la dernière fonction connue était agent consulaire en Allemagne. \"La délivrance d’un mandat d’arrêt ne s’impose pas\", avait indiqué le parquet sans commentaire en novembre 2007… Neuf mois plus tard, le parquet reste fidèle à sa logique : il a requis un non lieu sur le mandat d’arrêt après l’arrestation de Mohamed Ziane Hassani.

Alger multiplie les interventions auprès de Paris

Les suites de l’arrestation de celui qui a été non seulement l’agent traitant du tueur, mais qui a aussi assuré le \"suivi\" du crime, diront jusqu’où le Parquet peut bloquer une enquête au moment où Nicolas Sarkozy clame sa volonté de fonder les rapports franco-algériens sur une base nouvelle. Pour Hocine Aït-Ahmed :

\"L’impunité accordée jusqu’ici aux commanditaires et au tueur de Ali Mécili est édifiante des rapports malsains qui semblent devoir lier, toujours pour le pire, le régime algérien à l’ancienne puissance coloniale.

\"En ces temps où sur la scène internationale, le refus de l’impunité gagne du terrain, on ne comprendrait pas que la France, au nom de la raison d’Etat et d’improbables contrats, s’obstine à considérer que la vie des Algériens ne vaut pas celle des autres peuples.\"

De son côté, Me Comte voit dans l’arrestation de Hassani une \"bonne nouvelle\" :

\"Mais il ne faut pas qu'il se produise ce qu'il s'est déjà produit, à savoir l'expulsion vers l'Algérie de suspects avant qu'ils puissent être jugés en France. La justice française prend un grand risque en le laissant en liberté.\"

Un risque d’autant plus grand que les autorités algériennes feront tout pour récupérer Hassani. Selon nos informations, dès son arrestation, Alger a multiplié les interventions auprès de Paris. Y compris pour faire valoir son immunité diplomatique. Reste que si il était porteur d’un passeport diplomatique, Hassani n’est pas inscrit sur la liste des personnes qui en bénéficient... \"Il faut mobiliser l’opinion pour éviter que Hassani ne s’évapore dans la nature, estime Annie Mécili. Son arrestation justifie le combat que nous avons mené depuis vingt ans. C’est la preuve que la raison des citoyens peut parfois se dresser contre celle des Etats.\"

Photo : l'avocat et opposant algérien Ali Mécili (DR)


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Triquoise | rouge de honte
15H58 16/08/2008

On va enfin pouvoir constater ce que la justice française a dans les tripes quand il ne s’agit pas de régler un problème de vol de scooter.

En attendant, respect à l’avocat Comte et au juge Thouvenot, l’un pour sa pugnacité, l’autre pour oser défier le parquet englué dans sa raison d’etat.

A suivre…

 
pierrejcallard | www.nouvellesociete.org
00H36 17/08/2008

@ Triquoise. Bravo à Comte, à Thouvenot et à vous. Bon de se rappeler que les Américains n’ont pas inventé ce genre de saloperies et qu’ils ne sont pas plus méchants que les autres, juste parfois un peu moins subtils. Avec l’internet, ce genre de « secrets d’État » devient peu à peu impossible.

Pierre JC Allard

http://nouvellesociete.org/5174.html

 
remez
16H18 16/08/2008

mobilisez ! mobilisez ! mais c’est comme s’il était déjà parti !

 
TARPON | chat de gouttiere
16H27 16/08/2008

Qu’est ce qu’il a fait de plus que Petrella ou Battisti?

 
DBL8 | Retraité
17H54 16/08/2008

N’oubliez pas AD (Action Direct), car eux aussi ont commis des faits similaires; de plus, ils sont allés en prison pendant longtemps, contrairement à ceux que vous citez.

Mais comme le dit « Turquoise » :
Nous allons voir ce qu’a la justice Française dans les tripes; tiendra-t-elle la dragée haute à l’Algérie comme le fait celle des Suisses vis à vis de Kadaf. et ses rejetons.

 
picouick
16H23 17/08/2008

salut le retraité:
je ne suis pas trop d’accord sur: Nous allons voir ce qu’a la justice Française dans les tripes

je dirais plutôt nous allons voir ce que l’ETAT Français a dans les tripes, car pour ce genre d’affaire c’est l’état qui laisse faire la justice ou au contraire lui met des batons dans les roues…
wait and see….

 
Dominique THOMAS | réseau alerte libertés
16H49 16/08/2008

Maître Mécili, avocat français et non algérien, se prénommait André et non Ali. Depuis son assassinat il y a 20 ans, pour des raisons politiques, ses amis ont tout fait pour l’arabiser alors qu’il n’en était nul besoin. Combattant du FLN dès la première heure, compagnon de Aït Ahmed, dissident de Ben Bella, André Mécili a œuvré toute sa vie pour la reconnaissance des droits et de l’identité kabyles. C’était un homme d’un courage admirable et qui a payé de sa vie sa fidélité à ses valeurs. Puisqu’enfin la justice s’occupe de son assassinat, pourquoi continuer ce mensonge sur son identité ? Je sais de quoi je parle. Il était de ma famille.

 
Les Chats
18H37 16/08/2008

Dans ce cas, Rue89 devrait donner son vrai nom par respect pour la victime et par respect pour sa famille.

 
D.Benchenouf
18H15 16/08/2008

Pourquoi Mohamed Ziane Hassani a-t-il été laissé en liberté ?

Mohamed Ziane Hassani, le principal artisan de l’assassinat de notre compatriote, Ali MECILI, est celui qui aurait coordonné le meurtre, qui aurait piloté le meurtrier et qui l’aurait même payé en bon argent, après que ce dernier ait ôté la vie à la victime désignée. Un vrai contrat digne de la mafia, et qui montre sous son véritable jour, la nature du régime criminel qui opprime les algériens, qui les tue en gros et au détail. De très lourdes présomptions pèsent sur lui, et sur les services qui l’emploient, d’avoir organisé l’assassinat de A.Mecili et d’avoir rémunéré son meurtrier.
L’annonce de l’arrestation de ce vrai chef de réseau de tueurs, camouflé en faux diplomate, a soulevé une formidable clameur en Algérie, et un espoir immense parmi les Algériens qui vivent en exil. C’est la première fois qu’un geste de cette portée se concrétise. Un acte qui honore la Justice française, et qui est susceptible de détricoter la toile odieuse qui pèse sur la vie des algériens, qui cache les conditions de terreur et de liquidations qui leur sont faites, sur l’usage de l’assassinat politique qui est pratiqué en Algérie, à une échelle inimaginable pour les citoyens des démocraties occidentales, pour réduire tout un peuple et le soumettre à la tyrannie d’une organisation criminelle qui se cache sous les oripeaux en trompe-l’oeil d’un Etat respectable. Il ne faut pas perdre de vue, par ailleurs, que l’assassinat de Ali Mecili s’est commis sur le sol français. Il relevait donc, de l’honneur même de la Justice française, de passer outre les injonctions de sombres raisons d’État, de connivences honteuses avec un régime honteux, pour faire éclater la vérité et rendre justice a la famille de la victime, qui ne cesse de réclamer depuis plus de vingt ans que justice soit faite.
L’arrestation et la mise en examen, voire l’inculpation l’incarcération de M.Hassani annonçait enfin, sans l’ombre de la plus petite hésitation, que l’ère de l’impunité, négociée avec des monstres, était révolue. Et qu’un vulgaire passeport diplomatique ne pouvait plus mettre à l’abri de la justice les criminels qui venaient la narguer sur son propre sol.
Or voilà que nous apprenons que cet homme vient d’être remis en liberté par un juge des libertés et de la détention et placé sous contrôle judiciaire. Ce contrôle judiciaire serait assorti d’une interdiction de quitter, non pas son quartier de résidence, non pas Paris, mais il lui est interdit de quitter la…région parisienne. Et il lui est même recommandé de justifier…d’une résidence à Paris, avant une prochaine convocation “fin août” chez le juge d’instruction. Un canular ?

Autant dire, en clair, même si cela peut passer pour un outrage au magistrat qui fait montre d’une telle désinvolture, que des dispositions, toutes les dispositions, sont donc prises pour permettre à cet assassin de filer à l’algérienne. Comme cela a déjà eu lieu dans des conditions similaires. Les lourdes présomptions qui pèsent sur cet homme, les témoignages accablants qui le désignent comme étant l’homme clé de l’assassinat de Ali Mecili, auraient du inciter le juge des libertés à plus de prudence. Une mesure conservatoire de détention préventive s’imposait, parce qu’il n’y a aucun doute que tout sera fait par les services algériens, et leurs comparses du grand banditisme en France, de soustraire Ziane Hassani des griffes de la justice française. S’ils ne parviendront pas à l’extirper, ils ordonneront son exécution, pour le faire taire à jamais et empêcher qu’on ne puisse remonter aux principaux commanditaires. C’est là, dans la pratique du DRS algerien, une méthode éprouvée et payante. Le magistrat qui vient de prendre cette décision,pour le moins légère, fait le jeu, à son insu, de forces qui le contournent et qui négocient dans son dos les meilleures astuces pour sortir le régime algérien de ce guêpier. J’attire respectueusement l’attention du juge des peine et de la détention et je soutiens clairement et publiquement, sur cet espace, que si Ziane Hassani est laissé en liberté, quel que soit le dispositif de surveillance dont il sera entouré, il sera exfiltré, sinon exécuté par les services algériens, ou par des forces occultes qui leur sont acquises, dans le banditisme parisien ou au sein même de services ”barbouzards” de l’État français. Laisser Mohamed Ziane Hassani en liberté, c’est lui ouvrir, en connaissance de cause, toutes grandes, les portes de son évasion vers l’Algérie, ou, à défaut, participer activement à sa liquidation physique.
D.Benchenouf Journaliste algerien
www.lequotidienalgerie.com

 
elarips
21H48 16/08/2008

@D.Benchenouf

merci pour vos éclaircissements.

« si Ziane Hassani est laissé en liberté, quel que soit le dispositif de surveillance dont il sera entouré, il sera exfiltré, sinon exécuté par les services algériens, ou par des forces occultes qui leur sont acquises, dans le banditisme parisien ou au sein même de services ”barbouzards” de l’État français »

affaire a suivre donc :)

 
aa77 | Bâti
22H31 16/08/2008

http://fr.wikipedia.org/wiki/Ali_André_Mécili

 
Homere | antique poete
02H28 17/08/2008

Plus de crime d’etat, plus de raison d’etat. En democratie, une seule regle: la transparence. Il faut aussi foutre des proces au cul a Pasqua et a ses sbires. Un pays democratique se doit de soutenir les forces democratiques. Vive Ait-Ahmed, vive l’algerie independante et democratique. Hassani doit etre juge en France et Pasqua cite a la barre. Ensuite, pour finir de crever l’abces, demander des comptes a l’algerie.

 
brise marine | portier de nuit
08H25 17/08/2008

A cent contre 1 que tout ceci se terminera,au mieux,en eau de boudin.
Mais, néanmoins respect aux juges en charge de ce dossier,exception faite de celui des « libertés ».

 
Davidlemac | Annaba
18H43 17/08/2008

C’est un double crime d’Etat: de l’Algérie qui a assassiné sur le sol français de la France (eh oui avec un majuscule pour les 2 pays)qui a libéré l’assassin d’un Français pour l’expuser (!)Il sera curieux d’observer comment les 2 Etats vont trouver une parade commune. Quoiqu’on peut penser, la justice de l’un ou de l’autre pays n’est pas assez libre pour traiter sereinement cette affaire sous les feux des projecteurs. Je ne voudrais pas être à la place du juge Thouvenot

 
pomponette | =^..^=
19H01 17/08/2008

Et ça finira au chantage du pétrole comme l’a fait Kadafi et ce brave homme ne sera pas inquiété

 
MicDo | habitant de l'Anjou
19H25 17/08/2008

La « décision » du juge des libertés a sans aucun doute été préparé au Cap Nègre ou au fort de Brégançon. Dans notre démocratie, un seul homme (qui a la science infuse) prend toute les décisions et pensent pour tous les français !!

 
enfant-de-marih
23H52 17/08/2008

J’espere que ce Juge courageux ne subira pas les foudres de Mme la Ministre.
Quelle imprudence de l’avoir laisse en liberte, a l’heure qu’il est il est surement en Algerie avec la colaboration des services francais, vrai faux passeport en main. Pasqua etait ministre de l’Interieur a l’Epoque. Les choses n’ont pas change.

Bravo a Maitre Comte, et au Juge Thouvenot, vous honnorez la Justice de notre Pays!!! Merci
En esperant que le gibier ne se sera pas fait la belle.