Dantec rejoint Ellroy et les Editions Rivages

Le mercato de l'édition a été en cet été plus calme que d'habitude. Mais voilà un sacrément gros coup : il est quasiment acquis que Maurice G. Dantec quittera Albin Michel après son prochain roman -prévu en janvier 2010. Il passera ensuite chez Rivages, « pour une série de romans », dit ce soir l'agent littéraire de l'écrivain.

Dantec semblait chercher un éditeur de qui il se sentait plus proche. Il « s'engagera officiellement pour Rivages fin août 2009 », signalait ce matin le site de l'auteur, information confirmée depuis par tous les acteurs.

« Après cinq intenses années passées aux éditions Albin Michel, Maurice G. Dantec a fait part de sa décision de changer d'éditeur pour s'engager avec une maison plus proche de ses univers littéraires », signale le site. « En 2002, un accord avait déjà failli aboutir avec l'éditeur de James Ellroy, Rivages, maison d'édition prestigieuse et dominante dans le monde du roman noir/thriller […].Un accord heureux ayant été trouvé entre François Guérif (fondateur de Rivages) et l'agent de l'auteur ».

Révélé en 1994 par « La Sirène rouge » et « Les Racines du mal », tous deux parus à la Série Noire sous la houlette de Patrick Raynal, Dantec avait fait partie, avec des auteurs tel qu'Izzo, Fred Vargas, Oppel, Dessaint, Manotti, Grang, etc, de ceux qui avaient remis le polar à la mode en France.
Puis il y avait eu le conflit en ex-Yougoslavie -Dantec s'est rendu sur place, dans des circonstances encore floues- et la situation politique en France, qui avaient provoqué chez Dantec un rejet de l'Union Européenne, de l'Islam, de la France. En 1999, il partait s'établir à Montréal, où il vit depuis et a épousé la religion catholique. Lui, fils de communistes du Val-de-Marne.

Il y avait eu « Babylone Babies » (1999), adapté au cinéma par Kassowitz l'an dernier. Il y avait eu deux tomes du « Théâtre des Opération », des carnets intimes aux accents colonialistes et « croisés » chez Gallimard, en 2001. Il y avait eu le bon « Villa Vortex ».
Puis une correspondance électronique étrange avec le Bloc Identitaire en 2004. Dantec a toujours plaidé la naïveté, avec maladresse, sur cet événement. Je connais bien l'auteur, aux antipodes de mes propres idées. Mais on doit à la vérité de dire que Dantec n'est ni fasciste, ni réviso, ni ethniciste, trop armé idéologiquement pour céder à la dieudonnite. Même si ses envolées anti-Islam sur les ondes québécoises, si elles font rire sur place, sont très inquiétantes. Pour résumer, comme plusieurs auteurs de sa génération (Dantec fêtait cette année ses cinquante ans), il s'agit d'un homme qui fut plutôt rock, et qui est passé directement des valeurs de la contre-culture à celles de la contre-révolution. Pour autant, pour ma part, je défendrai Dantec aussi longtemps que je défendrai l'idée d'idées et de littérature.

En 2004, Dantec prenait un agent, David Kersan, qui le transfère chez Albin Michel. Il y a publié deux romans à ce jour (« Cosmos Incorporated » en 2005, « Grande Jonction » en 2006), et un recueil de trois novelas (« Artefact », 2007). En janvier dernier il y publiait « Comme le fantôme d'un jazzman sur la station Mir en déroute », buzzé par une bande-annonce que nous publions en septembre dernier, mais qui était en fait la transformation en novela d'une nouvelle écrire pour la Série Noire en 1995, et non publiée (mais beaucoup de journalistes n'y avaient vu que du feu…).
Dantec est aujourd'hui un des rares auteurs de langue française traduits aux USA (« Grande Jonction » paraît en septembre chez Random House)

Depuis longtemps, on entendait que Dantec voulait revenir au pur polar. Ces derniers mois, Dantec et la Série Noire voulaient apparemment se retrouver. En vain.
« Back in black », disait ce soir David Kersan, aux anges de constater qu'il y avait eu « un très fort désir commun entre Dantec et son éditeur futur ». Qui sera donc François Guérif, chez Rivages. Où il rejoindra un auteur énorme et tout aussi droitier que lui : James Ellroy.
Patrick Raynal chez Gallimard, Thierry Pfister lors de son arrivée chez Albin, et à présent François Guérif chez Rivages : Dantec aura quand même eu trois grands hommes comme éditeurs.

Signalons pour conclure ce qui fera la prochaine actu de Dantec : « Métacortex », suite de « Villa Vortex », sortira en janvier 2010. Chez Albin Michel.

A lire aussi sur Rue89 et sur Eco89
Ailleurs sur le Web

6 commentaires sélectionnés

Portrait de Utilisateur désinscrit à sa demande

De Cyp_

nc | 20H29 | 29/07/2009 | Permalien

Belle défense de l'auteur que j'exècre le plus, Hubert. Five points.

Sans même parler des ses idées funestes, je dis qu'il est tout simplement illisible. C'est n'importe quoi, les derniers livres de Dantec : du vrac. Du cacabouilla, comme disent les enfants.

Et Ellroy c'est pareil : de la ragougnasse lourdingue. Il ne survit que par l'ombre son talent mort.

Portrait de Hélène Crié-Wiesner

De Hélène Crié-Wiesner

Binationale | 20H58 | 29/07/2009 | Permalien

Pas tout à fait d'accord avec Cyp : Dantec trimballe certes un paquet « d'idées funestes » (excellente litote ! ), mais il n'est pas TOUT LE TEMPS illisible. C'est vrai qu'après « Babylone Babies » il donnait de plus en plus dans l'écriture cacabouilla, ça oui. Mais jusqu'à « Babylone… », crénom, quelle plume, quelle maîtrise de la langue et du récit, quelle culture !

Là, je suis justement en train de lire « Comme le fantôme… », et franchement, ça se tient. C'est du Dantec des débuts, dirais-je, quoiqu'à mon avis nettement moins inspiré que « La Sirène rouge », du moins au niveau de l'histoire. Mais un bon polar quand même, digne de lui.

Cela dit, c'est aussi vrai qu'après avoir lu l'opus de Daniel Lindenberg, « Le rappel à l'ordre » (enquête sur les nouveaux réactionnaires), on ne peut plus appréhender un bouquin de Dantec avec les yeux vierges d'un lecteur juste amoureux de son écriture. Idem pour Houellebecq, of course. Mais lui, de toute façon, il m'a débectée assez vite, et en plus il n'a pas la flamboyance d'écriture de Dantec. Maurice G. Dantec, c'est un autre gabarit. Bien contente de le voir passer chez Rivages, ça ne m'étonne pas qu'il ne soit pas senti à l'aise chez Albin Michel.

Portrait de Adéménagé le 3 janvier 2011

De déluge

menuisier | 23H36 | 29/07/2009 | Permalien

Les options politiques de Dantec m'indifèrent, ses acointances autant et ses non-dit encore plus.

Restent les livres.

« La sirène rouge » était un roman, est un roman, fulgurant, plein de fureurs rentrées en même temps qu'explosives.
Les autoroutes européennes y sont parcourues, chargé d'amphétamine, à bord d'un bolide surpuissant qui « arrose de ses phares à iodes » les trainards, poursuivi par deux ou trois Hit Team sur fond de Snuff Movies et de fin de contre culture ibbizesque.
Je l'ai lu en Série Noire à l'époque, effectivement au temps de « Total Chourmo » et de l'autre ritalo-bellevillois qui vient de temps en temps ici.

« Les racines du mal » reste un bon livre mais commence à souffrir de ce qui va être le gros problème de la littérature de Dantec, selon moi.

Il commence à vouloir y « faire monde », donner sa vision souvent hallucinée, souvent pertinente, parfois un peu carricaturale dans son expression et dans ses effets.
Et les univers qu'il fait se croiser parfois ont les articulations qui coincent.

Mais « les racines du mal » est une plongée, peut être un peu datée « cyber punk » ( et il n'y a pas de honte à ça, au contraire), mais pour le lecteur que j'étais à l'époque, complètement enthousiasmante.

« Babylon Babies » je n'ai pas pu.
Je l'ai acheté dès qu'il est sorti, en 99 je crois.
Je l'ai lu.

Et à l'inverse des deux premiers, je ne l'ai pas relu depuis.

Alors voilà, depuis, j'apprend qu'il serait avec…, les islamistes …., bien d'accord avec les Rita Mitsouko…., et Soral…

Restent la Sirène rouge et Les racines du mal, deux bombes de polars qui comptent dans une décennie, après tout c'est déja ça.

Portrait de christinexfcd

De christinexfcd

actrice | 00H12 | 30/07/2009 | Permalien

C'est inouie en gros Dantec aurait du talent mais il pense » mal« Oh la la dis donc il n'aimerais pas l'islam ahhhhhhhhhhh monDieu ! ! quelle affaire ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! Alors que tout les pseudos “créateurs ‘conchient le catholicisme mais ça c'est permis ! ! ! .Depuis quand le talent d'un REEL écrivain est jugé a l'aune de ces opinions politiques ? ? ? ? ? Vous etes incapables de lire Dantec c'est normal : vous etes devenus aveugles. Dantec a dit quelques part les nazis ont perdus la guerre mais le nazisme a gagné le monde Il a raison c'est bien de’ CA ‘dont il s'agit .

Portrait de Xa_chan

De Xa_chan

(nippon ni mauvais) | 00H14 | 30/07/2009 | Permalien

Tiens, pour une fois je vais m'opposer violemment à Cyp ! ^_^

J'adore Maurice Dantec. Attention, précision : j'adore ce qu'il écrit, pas ses idées. Oui, j'ai eu du mal à passer « l'écueil » Villa Vortex, qui à l'époque avait marqué une profonde déception de ma part. D'un « cyber“-thriller, Babylon Babies, on passait à une sorte d'OVNI littéraire dont je ne comprenais ni les tenants ni les aboutissants.

Mais bon, je me suis dit que tout auteur avait droit à un raté de temps en temps, même si celui-ci était de taille. Heureusement, Cosmos Inc et Grande Junction sont pour moi bien plus réussis. Oui, certes, son activisme catho transpire dans toute son oeuvre et peut déranger. Mais bon, si ça dérange, il reste Oui-oui au pays des Bisounours, hein !

Je n'ai compris Villa Vortex que dernièrement, en relisant d'une traite toutes les oeuvres de Dantec, dans l'ordre chronologique de leur parution. Et du coup, à confronter ses romans et ses ‘Théâtre des Opérations’, le bonhomme et ses oeuvres deviennent beaucoup plus compréhensibles. Je rappelle que comprendre ne veut pas dire être d'accord, sinon certains riverains zélés vont me tomber dessus en me traitant d'intégriste catho anti-musulman, vu que chez ces gens, l'invective tient lieu d'argumentaire.

Alors Dantec illisible, laissez-moi rire. Dantec nécessite qu'on fasse un effort pour être lu, ça c'est vrai. Mais avec un tout petit peu de bonne volonté de la part du lecteur, Dantec est lisible. Bien plus que du Houellebecq ou du Nothomb, qui ont pourtant les grâces des comités littéraires. Pourtant, Houellebecq, comme ‘littérature du rien’, il se pose là. J'ai lu tous ses bouquins ; j'aurais mieux fait d'étudier la mécanique quantique, j'aurais moins perdu mon temps. Houellebecq c'est le zéro ; non seulement on se branle de ce qu'il dit, mais en plus la manière dont il le dit est affligeante de platitude et de nullité.

Au moins, Dantec, ça fait réagir. En fait, je crois bien que c'est un de mes auteurs préférés principalement parce que je hais ses idées ! Du coup, je suis toujours entraîné à bâtir des contre-argumentaires et finalement, c'est stimulant. Mais il y a quand même deux idées de Dantec avec lesquelles je suis entièrement d'accord : l'ONU c'est de la merde et l'Union Européenne est une idée merveilleuse que ces porcs de politiciens ont transformé en monstruosité difforme.

Après, qu'on aime ou qu'on n'aime pas Dantec, libre à chacun. Dire qu'il ne FAUT PAS lire Dantec, pas d'accord.

Portrait de Jean.Baptiste

De Jean.Baptiste

Agent | 09H05 | 30/07/2009 | Permalien

Oui, Maurice G. Dantec est bien un écrivain illisible, comme tout auteur qui possède un véritable style. Par définition le style ne se donne pas à lire, puisqu'il est pénétrant, il maitrise sa propre force d'impact, il est irradiant, c'est au lecteur de se laisser posséder par la volonté propre du style, c'est à dire par une esthétique vibrante de la puissance d'être au monde, esthétique impliquant discipline, sacrifice et profonde unité déontologique, le style, cette modalité d'existence qui ne se suffit pas à l'arc-réflexe androïde, exige du lecteur qu'il opère le travail de synergie, qu'il se mette en phase avec le rythme, la vibration, la mélodie autonome d'une pesanteur nouvelle pour lui, alors, certes, cela peut demander une certaine mort intérieure, un certain exil de l'égo, une ascèse des sens innés engendrant un mode de perception autre, une expérience de mutation de l'esprit, mais cette configuration d'hybridation des consciences est à la genèse de l'expérience littéraire et elle est réciproque, car si le lecteur doit s'assimiler à la perception de l'auteur, ce dernier doit assimiler dans son acte d'écriture la présence fantomatique d'une infinité de lecteurs potentiels, c'est un processus fondamentalement organique, qui trouve son expression dans la matière cellulaire des neurones, jusqu'aux surfaces atomiques des épidermes et à leurs connexions cosmiques avec les nébuleuses lointaines, je ne fais que rappeler quelques bases. A ce titre, ceux des lecteurs de Rue89 qui reconnaissent ne pas parvenir à décrypter la vision de Dantec ont le mérite d'exhiber leurs limites, car on ne lit pas uniquement avec son cerveau, mais aussi avec le ventre, le cœur, les tripes et avec le dialogue permanent du tout, la tête n'est pas grand chose sans le corps, la chair, la parole de l'incarnation. Il est parfois bon de se souvenir de la douleur, au moment d'entamer la lecture d'une œuvre. En tant que lecteur, j'apprécie qu'un écrivain soit à la hauteur de tout ce à quoi je renonce pour lui, qu'il soit courageux dans l'offrande de son être, qu'il ai l'héroïsme de défier ses propres abimes intérieurs, sur ce point Maurice G. Dantec est charitable dans une rare mesure, et à cela je voudrais ajouter, nouveau rappel, que la littérature ne nous enrichie de rien, elle nous dépouille de tout pour ne laisser que l'essentiel, c'est là la nature même de la charité. La force de frappe de l'écrivain n'est rien sans sa singularité, les idées n'ont, dans un premier temps, aucune importance, tant que l'on ne pénètre pas la littéralité du texte, son essence, dans ce cas encore Dantec offre une irréprimable cohérence. Les sujets récurrents que l'ont évoque à son sujet, comme sa fameuse et prétendue islamophobie, témoignent d'une méconnaissance caverneuse et généralisé de l'œuvre tout autant que de l'homme, simplement, en France, on ne supporte pas qu'un écrivain, un homme de lettres n'est-ce pas, s'exprime sur un mode d'oralité qui ne se soustrait pas à sa plus franche vérité intérieure, ce qui offre la preuve évidente d'une conscience de soi qui n'ignore aucune de ses frontières. Pour conclure ces quelques considérations, l'ambition de l'œuvre de Maurice G. Dantec est immense, proportionnellement à sa générosité d'écriture, contrairement à ceux qui trouvent l'auteur inquiétant dans ses propos, donc, si je comprends bien, contrairement à ceux qui voudrait qu'un artiste soit un être rassurant, qu'il ne soit qu'une forme de distraction bourgeoise ne s'offrant que de conforter le lecteur dans son rôle de consommateur passif d'une littérature qui ne dépasse pas l'ambition publicitaire, et encore, désormais, sans la publicité, le monde actuel s'écroulerait sans doute, contrairement à ceux là donc, je pense que dans les ruines de ce monde où les cendres de la publicité recouvrirait les parcelles d'humanité en déroute, l'œuvre de Maurice G. Dantec révélerait toute sa richesse, toute sa profusion et toute sa miséricorde, pour des hommes motivés par la nécessité primordiale de la subsistance, elle témoignerait d'une volonté de relever l'humanité de la tombe qu'elle se creuse chaque jour désormais. Maurice G. Dantec écrit pour le futur, noir, de notre civilisation, il écrit pour redonner espérance aux hommes sans nom de l'histoire de demain, il serait temps de le comprendre.

Salutations depuis le wasteland.

Un lecteur.

Tous les commentaires

Vous avez aimé cet article ? Achetez votre plaque et soutenez l'indépendance de Rue89

Appelez le 08 99 19 40 70 (1,68 € / appel)

Envoyez « RUE » par SMS au 81027 (1,5 € / SMS)

En savoir plus

Accrochez une plaque Rue89 sur votre page de membre et dans vos commentaires. Votre plaque, qui comportera votre numéro de riverain, apparaîtra pendant un mois.

123456
Rentrez le code que vous recevrez dans le cadre ci-dessous pour activer votre plaque

Connectez-vous pour entrer votre code