La faillite de Lehman Brothers se fait sentir jusqu'à Marseille

Rue de la République, à Marseille (Rémi Leroux/Rue89)

L'onde de choc provoquée par la faillite de Lehman Brothers pourrait bien se propager jusqu'à Marseille. La cinquième banque d'affaires américaine est en effet très impliquée dans la réhabilitation de la rue de la République, via le fonds d'investissement Lehman Brothers Real Estate Partners et sa filiale française Atemi, dont LBREP est actionnaire majoritaire, à hauteur de 80%.

Atemi est propriétaire de la moitié du patrimoine de la rue de la République, artère qui relie le Vieux-Port au quartier d'affaires de la Joliette. En décembre 2007, Atemi/Lehman a racheté « Marseille République », société paravent, au fonds de capital investissements texan Lone Star. Soit environ 600 logements et 50000 m2 de surfaces commerciales de l'artère hausmanienne.

L'opération a été finalisée au mois de mars 2008 et Atemi a déboursé près de 200 millions d'euros, dont 100 millions sous forme de créances bancaires.

« De telles signatures financières redorent l'image de Marseille »

Au moment du rachat du capital de « Marseille République » par Atemi-Lehman, le secrétaire général de la ville de Marseille, Jean-Claude Gondard, avait fait part de son enthousiasme au quotidien La Provence : 

« Ces changements de propriétaires ne nous font pas peur ;  au contraire, ils vont permettre de réaliser de nouveaux développements pour ces ensembles. Ce ne sont pas des opérations de spéculation pure et dure mais des gens qui ont la volonté de valoriser leur patrimoine. De telles signatures financières redorent encore plus l'image de Marseille. »

Moins d'un an plus tard, la conjoncture est nettement moins favorable. Pour ne pas dire plus. Car, l'enjeu pour Marseille est toujours aussi important. En travaux depuis de nombreuses années, la rue de la République a déjà fait beaucoup parlé d'elle, et la réhabilitation a provoqué de nombreuses expulsions d'habitants et de petits commerçants.

Patrick Lacoste, de l'association Un Centre Ville pour Tous, rappelle que, depuis le milieu des années 90, « on assiste à une véritable succession d'opérateurs financiers » : 

« A tour de rôle, ils se sont engagés à réhabiliter cette rue, à respecter les habitants, à installer des commerces haut de gamme, etc. Or, toutes ces sociétés ont finalement très peu investi et s'en sont toujours sorties en faisant une belle culbute financière. »

Expulsions d'habitants et de petits commerçants

En 2004, la société P2C Immobilier revendait à Lone Star son patrimoine pour 100 millions d'euros, après l'avoir acheté 70. Même scénario quatre ans plus tard, Lone Star cédant à Atemi logements et surfaces commerciales pour 200 millions d'euros. « Entre temps, poursuit Patrick Lacoste, il y a eu des travaux et l'éviction d'une bonne partie des habitants de la rue ».

Rue de la République, à Marseille (Rémi Leroux/Rue89)

Il rappelle également qu'en juillet dernier, Atemi avait « essayé de chasser de chez elle une vieille dame centenaire ». L'affaire avait fait beaucoup de bruit : 

« Noémie, c'est son prénom, avait reçu un congé vente pour quitter son logement. Si elle n'est pas née dans cet immeuble, au moins y a-t-elle passé toute sa vie ! Les représentants d'Atemi étaient mal à l'aise, ont fait valoir l'erreur administrative. Une audience devait avoir lieu le 3 septembre mais à leur demande, elle a finalement été reportée ».

En rachetant une partie du patrimoine de Lone Star -la partie haute de l'artère- Atemi/Lehmam avait également mis en place un plan d'investissements sur cinq ans et prévu d'achever la réhabilitation totale de la rue en 2012.

Contactée à plusieurs reprises, la direction d'Atemi n'a pas donné suite.

Atemi va-t-il revendre son patrimoine marseillais ?

Que peut-il se passer maintenant ? La faillite de Lehman Brothers va-t-elle amener Atemi à accélérer la ventes de ses biens rue de la République ? Quitte à brader son patrimoine ?

Si la disparition de Lehman Brothers se confirmait, cette dernière devrait absolument revendre ses actifs valorisables. Ceux de Marseille en feront-ils partie ? L'hypothèse d'une reprise de Lehman banque par le groupe britannique Barklays ne porte actuellement que sur certains actifs et, pour l'instant seulement aux Etats-Unis.

En cas de revente, il n'est cependant pas certain que les repreneurs du patrimoine de la rue de la République soient légion. Surtout dans le contexte actuel de fort ralentissement du marché de l'immobilier.

Dès lors, les banques qui détiennent aujourd'hui les créances d'Atemi/Lehman ne seront-elles pas tentées d'imposer leurs conditions ? « Le programme d'investissement est très probablement arrêté, croit savoir Patrick Lacoste. Par définition » : 

« Il y a pourtant des travaux en cours, des commerçants viennent d'être franchisés. Que va-t-il se passer maintenant ? On est tellement monté en spéculation ces dernières années, que personne ne voudra lâcher 200 millions d'euros. Et qui risque de faire les frais d'une éventuelle grande braderie ? Les habitants, encore une fois... »

Photo :  Rue de la République, Marseille (Rémi Leroux/Rue89)

4 commentaires sélectionnés

Portrait de AMBROISELEFAUCHEUX

De AMBROISELEFAUCHEUX

19H04 | 17/09/2008 | Permalien

Ben voilà, j'achète 20, je revend à découvert 100 (j'ai empoché 80) puis celui qui a acheté 100 revend à super découvert 200, il aura empoché 100 !
Vive le fric , et tous ceux qui se sont goinfrés un max !
Quant aux 700 familles expulsées , qu'elles crèvent !
Quant aux habitants et petits commerces encore là, qu'ils crèvent.
Le gouvernement, ce cher Gaudin vont certainement se porter au secours des financeurs (une fois de plus nationalisons les pertes)...Et puis tout ça fait tâche pour la super capitale culturelle dont les projets pharaoniens en front de mer risqueraient de faire FLOP

Portrait de OncDonald

De OncDonald

tous travaux d'intérieur | 19H59 | 17/09/2008 | Permalien

C'est beau comme du Germinal. Mais il faut que même rappeler que ces expulsions sont en gros des fins de bail. La plupart des locataires connaissent le principe :  c'est pas pareil que propriétaire et on peut être amené à déménager à la fin du bail. C'est pas Cosette à la rue pour autant, non ? Le problème avec les phrases du genre « de nombreuses expulsions d’habitants et de petits commerçants », c'est que le jour où il y aura vraiment des atteintes graves au droit ou aux personnes, plus personne n'y croira.

Portrait de poingsurlatable

De poingsurlatable

(né par hasard) | 20H16 | 17/09/2008 | Permalien

C'est pas Cosette à la rue, ce sont juste des habitants modestes relégués vers les quartiers Nord, juste des vieux qui ne savent pas où aller, juste des locataires qui ont vu leur immeuble saccagé pour les forcer à déguerpir. C'est la rue de la République à Marseille.

Portrait de dommarco

De dommarco

travailleur | 07H56 | 18/09/2008 | Permalien

Pas mal de commentaires pertinents, celui de poingsurlatable est le plus juste, la situation rue de la république est catastrophique, rideaux fermés, expulsions, les nouvelles boutiques de luxe vont avoir beaucoup de mal à rentabiliser. J'aimerai bien connaitre les pronostics sur la réussite d'une telle entreprise ; 
Complêtement profane en matière d'immobilier, j'aimerai savoir quel est l'intérêt des bailleurs et des vendeurs au vu des innombrables logements et locaux vides de la rue.
Combien de temps pour les remplir ? est ce le temps joue en faveur ou en défaveur des investisseurs.les travaux on commencé en 2002, mais il me parait impossible de voir la rue s'animer efficacement avant 5 ans minimum.les rumeurs disent que tout est déjà vendu à des étrangers. Mais on a vu fleurir des enseignes commerciales factices, pourquoi ?
Si vous avez des infos, c'est le moment de nous en faire part, les p'tits gars.
Quant à Marseille, n'oublions pas que ses échevins ont propagé la grande peste de 1720 par négligence et cupidité.
Une ville ou l'on construit un Tramway sans faire de voies pour les deux roues est une ville dont les responsables ne connaissent pas le mot problêmatique,sale,indisciplinée,désertée par l'imagination, il est difficilede s'en remettre à cette dernière pour visualiser la cité en capitale de la culture en sachant qu'au centre ville il n'y a que cinq librairies dignes de ce nom dont la fnac et le mégastore. On n'a pas décroché la lune, on est en plein dedans.

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