Les « indignados » lèvent le camp, mission accomplie
Comme ils l'avaient annoncé, les « indignados » ont donc finalement levé le camp de la Puerta del Sol à Madrid le dimanche 12 juin. Soit presque un mois après le début de leur mouvement dit « du 15 mai ». Bilan.
Passons sur les commentaires sans surprise de nos médias du microcosme. Ceux-là s'empressèrent bien sûr de pointer l'essoufflement du mouvement dès le 25 mai et soulignent aujourd'hui, sans s'embarrasser de détails, le « flou » de leurs propositions et les « leaders inexistants ».
Qu'en est-il réellement ?
► Un mouvement structuré, soutenu par l'opinion publique
On notera d'abord que les « indignados », qui se réclament ouvertement des jeunes révolutions arabes, ont amplement réussi un triple pari :
- s'affranchir d'organisations institutionnelles dépassées (partis politiques, syndicats) pour monter un mouvement néanmoins très structuré ;
- rallier l'opinion publique et ébranler le pouvoir politique qui se montra incapable de faire appliquer sa décision d'interdiction, à la veille des élections régionales du 22 mai ;
- essaimer dans toute l'Europe, et en premier lieu en Grèce où les manifestations des Indignés prennent une ampleur à la mesure de la faillite qui frappe leur pays.
► Un manifeste et un catalogue de propositions précises
Le mouvement des Indignés espagnols est ensuite parvenu en moins d'un mois à se doter d'un manifeste beaucoup moins flou que ne veulent le voir l'AFP et ses clients, ainsi que d'un catalogue de propositions (en espagnol) classées en huit volets tout ce qu'il y a de plus clairs :
- suppression des privilèges de la classe politique,
- contre le chômage,
- droit au logement,
- des services publiques de qualité,
- contrôle des banques,
- fiscalité,
- liberté des citoyens et démocratie participative,
- réduction des dépenses militaires.
Bref, on ne saurait trop conseiller à nos médias microcosmiques de comparer point par point les propositions du tout jeune mouvement ibérique avec celles, quand elles existent, du moindre de nos vieux partis séculaires pour 2012.
► Le meilleur allié des Indignés : la Grande Crise
On ne se hasardera pas ici à parier sur la réussite inéluctable du mouvement des Indignés, comme d'autres veulent absolument voir leur échec programmé.
Contentons-nous de constater leur existence. Et leur opiniâtreté. Il suffit d'aller visiter leur site (en espagnol) pour constater le foisonnement des initiatives locales encore d'actualité à ce jour.
Et leurs ultimes déclarations, en levant et en nettoyant scrupuleusement leur camp de la Puerta del Sol, ne prêtent guère à confusion sur leurs intentions. En témoignent leur appel à une vaste manifestation le 19 juin et le ton décidé de leurs dernières pancartes :
« Nous ne partons pas, nous nous développons. »
Forfanterie ? Les Indignés espagnols, comme leurs cousins grecs, mais aussi portugais, français, italiens… disposent d'un allié de choix pour renforcer ou revivifier leur détermination : cette Grande Crise qui n'en finit pas de ravager notre système et nos pays, cette impuissance consommée des puissants à y faire face, cette paralysie des organisations traditionnelles devant la tourmente.
Une lueur d'espoir, ce mouvement des Indignés ? Qui vivra verra, mais avouez qu'on aurait bien tort de la négliger.
Photo : des manifestants s'enlacent pour célébrer le dernier jour du campement de la Puerta del Sol, dans la nuit du 13 juin 2022 (Susana Vera/Reuters).
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De guille_bzh
erasmus telecom | 13H17 | 13/06/2011 |
Salut, depuis Madrid,
Indignés
Je n'ai pas souvent entendu le terme « d'indignados » ici. On parle d'acampad@s, de compagner@s,
Peu de gens se réclamment des Révolutions Arabes, ce sont les medias qui font et qui ont fait cette comparaison. C'est ce que dit le porte parole de Democracia Real Ya (DRY) dans cette video à partir de 01h04 : http://www.rtve.es/alacarta/videos/59-segundos/59-segundos-08-06-11/1124...
et exactement à 01h20.
D'ailleurs, DRY n'est qu'un appui du mouvement, qu'une partie (01h12min). DRY n'est pas la plateforme du mouvement. Regardez plutôt http://madrid.tomalaplaza.net/
0,2% des espagnols?
2 espagnols sur 3 soutiennent le mouvement
80% soutiennent nos propositions.
50% ne se sentent pas représentés par les deux partis majoritaires (PP, PSOE)
(01h07)
Odeur de weed incrustées:
Simplement, rappeler le fait que depuis le début 15M, la distinction a bien été faite entre ce mouvement et un botellón, qu'il n'y a eu aucun soucis majeur dus à l'alcool ou la drogue. Que hier soir, l'objectif était de rendre la puerta del sol plus propre qu'elle n'était en arrivant.
ils cachent leur individualisme derrière des formules bidons : C'est faux.
quand je vois ça un dimanche soir (et c'est pas férié aujourd'hui) jusqu'à 3h du matin et plus, ça n'est pas anodin.
Regardez la suite du mouvement dans les quartiers http://madrid.tomalosbarrios.net/
Et tenez vous informé(e)s de la manif mondiale du 19 juin.
Guillaume
De Neisha
14H57 | 13/06/2011 |
Salut depuis Séville,
Ici aussi on va lever le camp mais les gens se sont rencontrés, organisés, et l'exaspération était inter-générationnelle. Quelque chose est né et c'est un mouvement original ici. Parents, enfants, jeunes et personnes âgées se retrouvaient depuis le 18 mai Plaza de la Encarnación. Même si le terme "indignad@s" est parfois employé tous ne connaissent pas S.Hessel qui devrait arrêter de s'indigner pour se révolter franchement. Le terme est bien "Acampad@s", qui marque la volonté de durer dans l'occupation et du mouvement.
Certains restaient dormir sur place et plusieurs choses m'ont frappées. Tout d'abord le calme et l'organisation des occupations nocturnes. les nuits de Séville sont franchement festives voire orgiaques. Là pas une goutte d'alcool, pas de cris ou de hurlements. Ou encore une "commission propreté" qui passe la serpillère sur le sol quand une fontaine déborde, qui organise les poubelles, les toilettes de fortune, et même un tri des déchets !!
Ensuite, la solidarité des citoyens : beaucoup apportent du mobilier, chaises, tables, tentes, sacs de couchage, cartons, l'accès à l'électricité et à la wifi. Ce qui permet de tenir les assemblées en direct sur Internet avec parfois un live-bloging.
Autre solidarité, celle des bars et restaurants des alentours qui offrent tortillas, "bocadillos" (petits sandwiches), bouteilles d'eau et pains entiers.
L'organisation est minutieuse sans être maniaco-totalitaire. Les gens s'écoutent et partagent un même ras le bol. Le chômage, la détérioration des services publics, la crise et l'inefficacité des idéologies dominantes. D'ailleurs les deux partis de droite et de gauche, le PP et le PSOE sont appelés PPSOE, l'équivalent de notre "UMPS", cher à Marine le Pen.
Heureusement plutôt que de se tourner vers le repli xénophobe de l'extrême-droite les espagnols se solidarisent dans un mouvement d'ampleur pacifique.
Vieux ou jeunes se sont rendus compte qu'ils n'étaient pas seuls dans leur coin à souffrir des effets de la crise. Ce n'est pas la fin, quelque chose a bougé et les mentalités se sont rencontrées.