L
ES
ADDITIFS
DU
TABAC
Lâ
INGĂNIERIE
DE
LA
CIGARETTE
ET
LA
DĂPENDANCE
Ă
LA
NICOTINE
2
Les additifs du tabac
Titre original: «Tobacco additives, cigarette engineering and nicotine addiction», édité par Action on Smo-
king and Health, UK (ash.org.uk). Version originale en anglais: 14 Juillet 1999. Traduit de lâanglais par
Angela Verdier. Juin 2005 pour la traduction française.
Le texte original en anglais a été mis gracieusement à disposition par ASH (Action on Smoking and Health,
UK). La traduction française, le graphisme et lâimpression ont Ă©tĂ© financĂ©s par le DĂ©partement de lâAction
Sociale et de la Santé, canton de GenÚve, Suisse.
Graphisme et impression: Imprimerie Saint-Paul, Fribourg, Suisse.
Coordination de la version française: Jean-François Etter.
Note du traducteur: de larges passages de ce rapport sont composés de citations, dont bon nombre pro-
bablement tirées de transcriptions de verbatim (dépositions devant la justice américaine). Il en découle des
difficultĂ©s Ă dĂ©coder la syntaxe Ă certains moments, et le sens mĂȘme de certaines remarques. Un effort a Ă©tĂ©
fait dans la traduction pour saisir lâesprit de ce qui Ă©tait dit, tout en respectant le sens dans toute la mesure
du possible.
Ne jetez pas cette brochure aprĂšs lâavoir lue, mais donnez-la Ă un-e fumeur-se.
3
Les additifs du tabac
L
ES
ADDITIFS
DU
TABAC
LâingĂ©nierie de la cigarette et la dĂ©pendance Ă la nicotine
Clive BATES â
Action on Smoking and Health â Londres
Dr Martin JARVIS â
Imperial Cancer Research Fund â Londres
Dr Gregory CONNOLLY â
Massachusetts Tobacco Control Program â Boston
T
ABLE
DES
MATIĂRES
1
Introduction: les produits Ă base de tabac et les additifs
.........................
8
2
Rapport du comité scientifique sur les additifs du tabac
.........................
12
2.1
Le premier rapport de lâISCSH (1975) .................................................
12
2.2
Le deuxiĂšme rapport de lâISCSH (1979) ..............................................
13
2.3
Le troisiĂšme (1983) et le quatriĂšme (1988) rapport de lâISCSH ...............
14
2.4
Le SCOTH (1998) ...........................................................................
14
2.5
Le «Voluntary Agreement» de 1997 au Royaume-Uni ..............................
15
3
Rehausser lâimpact: les additifs Ă effet pharmacologique
........................
16
3.1
La nicotine sous forme de base libre ...................................................
16
3.2
Les techniques utilisant lâammoniaque et lâhistoire de la Marlboro ..............
20
3.3
Dissimuler la nicotine en augmentant sa phase gazeuse ..........................
23
3.4
Dâautres additifs susceptibles dâaugmenter les effets de la nicotine ............
25
3.4.1
LâacĂ©taldĂ©hyde
................................................................................
26
3.4.2
Lâacide lĂ©vulinique ...........................................................................
27
3.4.3
Le cacao et la théobromine ...............................................................
29
3.4.4
La glycyrrhizine
...............................................................................
30
3.4.5
La pyridine
.....................................................................................
30
4
Masquer le goût et les effets immédiats du tabac
..................................
32
4.1
Les additifs et les cigarettes «légÚres» (low-tar) .......................................
37
4.2
Lâimpact
des
premiĂšres
bouffées
.........................................................
38
5
La toxicité des additifs
......................................................................
38
6
Changer la perception de la fumĂ©e de tabac dans lâair ambiant
..............
41
7
Références
.....................................................................................
44
4
Les additifs du tabac
R
ĂSUMĂ
Introduction
Dans lâUnion EuropĂ©enne, plus de 600 additifs sont autorisĂ©s dans la fabri-
cation des produits Ă base de tabac, ceci dans un cadre lĂ©gislatif extrĂȘme-
ment flou et fortement décentralisé. Bien que les additifs du tabac soient en
gĂ©nĂ©ral contrĂŽlĂ©s quant Ă leur toxicitĂ© directe, il nây a pour ainsi dire aucun
contrĂŽle ni Ă©valuation de lâimpact de ces additifs sur les comportements
tabagiques, ou sur dâautres consĂ©quences nĂ©fastes Ă©ventuelles. Si lâajout
dâune petite quantitĂ© dâune substance relativement inoffensive rend le tabac
plus addictif, ou rend lâinitiation au tabagisme plus facile, ou facilite la
poursuite de la consommation de tabac, cette substance, parce quâelle
conduit dâune maniĂšre ou dâune autre Ă fumer davantage, est susceptible
de provoquer des dégùts importants. En effet, une augmentation de la
consommation de tabac accroĂźt lâexposition Ă plus des 4000 substances
chimiques contenues dans la fumée, dont certaines sont hautement toxiques
et cancĂ©rigĂšnes. Si lâon considĂšre que, dans lâUnion EuropĂ©enne, plus de
500â000 personnes meurent prĂ©maturĂ©ment chaque annĂ©e de maladies
dues au tabac, une augmentation de seulement 1% dans la consommation
du tabac due Ă lâemploi dâadditifs aurait des consĂ©quences sanitaires trĂšs
importantes, se traduisant par la perte de dizaines de milliers de vies tous
les ans. Câest pour cette raison que la question des additifs du tabac devrait
ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme un enjeu majeur de santĂ© publique.
Sources
Ce rapport utilise les documents internes de lâindustrie du tabac qui sont
entrés dans le domaine public lors de récentes actions en justice aux Etats-
Unis. Ces documents sont accessibles sur lâInternet ou dans les archives de
British American Tobacco Ă Guilford, au Royaume-Uni. Ce rapport Ă©voque
également les avis des différents comités de conseils scientifiques du gou-
5
Les additifs du tabac
vernement britannique depuis 1971, ce qui permet de constater que le
problÚme est reconnu et fait débat depuis plus de 30 ans.
Quelles marques, quels additifs?
Bien que 600 additifs soient autorisés dans les produits à base de
tabac, seuls les fabricants sont en mesure de préciser quels additifs sont
utilisés et dans quelles marques. Ni le gouvernement [britannique] ni la
Commission Européenne, qui portent la responsabilité de la réglemen-
tation en matiĂšre de produits Ă base de tabac, ne possĂšdent ces infor-
mations et ils nâont pas davantage autoritĂ© pour les obtenir.
Constats du rapport
La plupart des additifs ne sont pas nécessaires et peu ont été utilisés
avant 1970. Le but de ce rapport est de sensibiliser sur lâimpact des
additifs sur les comportements tabagiques. Les constats de ce rapport
font penser que les enjeux sont réels et que le législateur doit faire
preuve dâune vigilance accrue. Les questions suivantes semblent appeler
une attention particuliĂšre:
â
Certains additifs sont utilisés pour produire des cigarettes qui délivrent
des niveaux élevés de nicotine «libre», ce qui en augmente le carac-
tÚre addictif. Des composés ammoniaqués peuvent jouer ce rÎle en
augmentant lâalcalinitĂ© de la fumĂ©e.
â
Des additifs sont utilisés pour améliorer le goût de la fumée de tabac,
de maniĂšre Ă rendre le produit plus attractif pour les consommateurs.
Bien quâapparemment inoffensif, lâajout dâarĂŽmes qui rendent la ciga-
rette plus «attractive» ou plus «acceptable» constitue en lui-mĂȘme un
sujet de préoccupation.
â
Des Ă©dulcorants ou du chocolat peuvent rendre les cigarettes plus
acceptables pour des enfants ou pour des personnes qui essaient leur
premiĂšre cigarette. LâeugĂ©nol et le menthol anesthĂ©sient la gorge, de
sorte que celui qui fume ne ressent pas lâirritation de la fumĂ©e.
â
Des additifs tels que le cacao peuvent ĂȘtre utilisĂ©s pour dilater les
voies respiratoires, permettant à la fumée de pénétrer plus facilement
et plus loin vers les poumons, ce qui expose lâorganisme Ă plus de
nicotine et à des niveaux plus élevés de goudrons.
â
Certains additifs sont toxiques ou addictifs, soit par eux-mĂȘmes soit en
association. Lorsque les additifs brûlent, les produits de combustion
qui se forment peuvent ĂȘtre toxiques ou pharmaco-actifs.
6
Les additifs du tabac
â
Des additifs sont utilisĂ©s pour masquer lâodeur et la visibilitĂ© de la
fumĂ©e «ambiante» ou «passive» (celle qui sâĂ©chappe latĂ©ralement), ce
qui rend plus difficile de sâen protĂ©ger et discrĂ©dite lâidĂ©e que fumer
en public est un acte antisocial, sans pour autant que les risques réels
de la fumée passive soient diminués.
RĂ©glementation
Le cadre réglementaire existant est basé sur la notion que des additifs
sont utiles pour faciliter lâacceptation par le consommateur des cigaret-
tes dites «lĂ©gĂšres» («low tar», faible teneur en goudrons). Lâintention Ă©tait,
en facilitant un changement de consommation en faveur des produits
«légers», de réaliser des «gains» en termes de santé. On ne dispose pas
de données qui montrent que des additifs sont utilisés seulement, ou
mĂȘme majoritairement, dans des produits Ă faibles teneurs en goudrons.
Par contre, il existe aujourdâhui de fortes indications qui mettent en
doute la valeur de ces cigarettes «légÚres». Celles-ci sont généralement
associĂ©es Ă des filtres perforĂ©s pour diluer la fumĂ©e avec de lâair, mais
les fumeurs prennent lâhabitude, consciemment ou non, de boucher les
trous et ainsi de contrÎler la dilution de la nicotine dans la fumée. Ou
encore, les fumeurs compensent le manque en fumant plus intensément.
Si la raison dâĂȘtre de cette rĂ©glementation permissive est discrĂ©ditĂ©e, il
faut une nouvelle approche.
NĂ©cessitĂ© dâun nouveau cadre rĂ©glementaire
Il faut un nouveau cadre réglementaire qui oblige le fabricant à démon-
trer que la composition des produits Ă base de tabac, par exemple
lâinclusion dâadditifs, ne conduit pas Ă augmenter les effets dĂ©lĂ©tĂšres du
tabac. Dans ces derniers, il faut inclure lâimpact des additifs sur les com-
portements tabagiques, la fumĂ©e passive et les risques dâincendie. Bien
quâil ne soit pas possible de fabriquer des cigarettes qui ne prĂ©sentent
pas de danger, il est parfaitement raisonnable de chercher Ă empĂȘcher
les fabricants de mettre en Ćuvre des stratĂ©gies qui conduisent Ă aug-
menter les dégùts causés par le tabac. Un cadre réglementaire de ce
type pourrait comporter les éléments suivants:
â
Information et transparence
Les fabricants devraient ĂȘtre dans lâobligation de faire connaĂźtre Ă une
instance de régulation désignée (au Royaume-Uni ce serait le Depart-
7
Les additifs du tabac
ment of Health) tous les additifs utilisés dans leurs produits à base de
tabac, produit par produit. Cette approche est déjà en vigueur dans
le Massachusetts, aux USA et en Colombie Britannique, au Canada.
â
Information au public
Ces informations ne devraient pas rester confidentielles et devraient ĂȘtre
accessibles par le biais de publications, sur lâInternet, ou sur demande
auprĂšs de lâinstance de rĂ©gulation.
â
Emballages
Il peut ĂȘtre nĂ©cessaire de lister certains additifs comme ingrĂ©dients sur
les paquets de tabac. Cette dĂ©cision est distincte de lâobligation dâinfor-
mation par dâautres voies: la bonne approche se dĂ©finira par une Ă©va-
luation du bénéfice direct de ces informations pour le consommateur.
â
Information sur les raisons dâajouter des additifs
Les fabricants de tabac devraient ĂȘtre dans lâobligation de prĂ©ciser la
raison de lâinclusion dâun additif, ainsi que tout effet secondaire, quâil
soit ou non recherché.
â
Travaux de recherche et publications
Les fabricants de tabac devraient ĂȘtre contraints dâentreprendre des
recherches toxicologiques et pharmacologiques approfondies sur tout
additif.
â
Les pouvoirs des instances de régulation
Lâinstance de rĂ©gulation devrait dĂ©tenir lâautoritĂ© pour remettre en cause
tout produit parmi les 600 additifs actuellement autorisés, et pour le
retirer du marché en attendant que le fabricant soit en mesure de dé-
montrer quâaucun effet dĂ©lĂ©tĂšre supplĂ©mentaire ne dĂ©coule de maniĂšre
directe ou indirecte de lâutilisation de cet additif. Si le fabricant nâest pas
en mesure de fournir les preuves nécessaires (par exemple en raison de
restrictions sur lâemploi dâanimaux dans les centres dâexpĂ©rimentation), il
faut appliquer le principe de prĂ©caution et interdire lâadditif.
â
Une attention particuliĂšre aux additifs pharmaco-actifs
Il faut une remise en question automatique de tout additif dont on peut
penser quâil possĂšde une action pharmacologique directe ou indirecte.
8
Les additifs du tabac
Il faut autoriser un nouvel additif Ă la seule condition que le fabricant soit
en mesure de dĂ©montrer que son utilisation nâaggrave pas les effets
toxiques du tabac et ne produit pas de consĂ©quences nĂ©gatives dâune
autre nature.
â
Autorisation dâadditifs essentiels
Le cadre rĂ©glementaire doit avoir pour mission de nâautoriser les additifs
nécessaires à la fabrication et au stockage des produits à base de
tabac quâĂ la condition quâils ne prĂ©sentent aucun risque pour la santĂ©,
et dâinterdire tout additif susceptible dâaugmenter le tabagisme.
1. I
NTRODUCTION
:
LES
PRODUITS
Ă
BASE
DE
TABAC
ET
LES
ADDITIFS
La cigarette vue comme un dispositif dâadministration
de la nicotine
Pour comprendre le rĂŽle des additifs, il faut dâabord savoir comment
fonctionne la cigarette. Le succĂšs durable de lâindustrie du tabac
découle directement de la nature addictive de la nicotine et de la con-
sommation du tabac. Les industriels du tabac ont reconnu les premiers
que la cigarette, qui est commercialisĂ©e comme accessoire dâun certain
style de vie, est en fait un dispositif dâadministration dâune drogue entraĂź-
nant la dĂ©pendance. Il y a plĂ©thore de documents Ă©manant de lâindus-
trie du tabac qui montrent que les produits Ă base de tabac remplissent
essentiellement le rĂŽle de systĂšmes sophistiquĂ©s dâadministration de la
nicotine, mettant en oeuvre une haute technicité. Pour plus de détails sur
ces aspects, se référer au rapport ASH Tobacco explained (chapitre 2)
[1]. En voici deux extraits Ă titre dâexemple:
Philip Morris expliqueâŠ
«La cigarette doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e non comme un produit mais comme
un emballage ou un dispositif. Le produit câest la nicotine. Voyez le pa-
quet de cigarettes comme étant le dispositif qui contient la quantité de
9
Les additifs du tabac
nicotine nécessaire pour la journée. Voyez la cigarette comme un distri-
buteur dâune dose de nicotine⊠La fumĂ©e est sans aucun doute le
meilleur véhicule de la nicotine et la cigarette le meilleur distributeur de
fumée.
[2] (Philip Morris, 1972)
RJR (RJ Reynolds Tobacco) reconnaĂźt appartenir
Ă lâindustrie pharmaceutique
«Dâune certaine façon, il est possible de considĂ©rer que lâindustrie du
tabac constitue un segment trÚs spécialisé, hautement ritualisé et stylisé,
de lâindustrie pharmaceutique».
[3] (RJR 1972)
Lâimpact des additifs sur le comportement tabagique
La technologie des additifs est un outil important utilisĂ© par lâindustrie du
tabac dans la production de ce «doseur» ou dispositif de distribution de
nicotine. Bien que certaines cigarettes aient été mises sur le marché
comme Ă©tant sans additifs, dâaprĂšs la dĂ©position orale de JL Pauly, San-
ta Fe Natural Tobacco Co., la cigarette amĂ©ricaine contient aujourdâhui
environ 10% de son poids en additifs, principalement sous forme de
sucres, dâarĂŽmes et dâhumectants [4]. Mais il existe dâautres additifs, en
plus petites quantitĂ©s, dont on peut penser quâils ont un effet plus fonda-
mental sur le produit. Les données dont on dispose indiquent que des
additifs sont utilisés par les fabricants pour leur influence sur les effets
pharmacologiques de la nicotine, pour rendre tel ou tel produit plus
attractif pour les fumeurs jeunes en pĂ©riode dâinitiation au taba-
gisme, ou pour masquer le goĂ»t et lâinconfort ponctuel de la fumĂ©e.
Les mécanismes de la dépendance et le rÎle subtil des additifs
Au niveau le plus simple, la cigarette permet dâacheminer une dose du
principal produit actif, la nicotine, jusquâaux poumons du fumeur, sous
forme dâun mĂ©lange de particules et de gaz formant la fumĂ©e. La nico-
tine est rapidement absorbée dans le sang en raison de la trÚs grande
surface dâabsorption des poumons (ainsi que de la bouche et de la
gorge) et atteint le cerveau en moins de dix secondes. Les récepteurs du
cerveau réagissent à la stimulation de la nicotine en libérant des subs-
tances â de la dopamine et dâautres neurotransmetteurs â qui procurent
10
Les additifs du tabac
au consommateur une sensation décrite comme un «shoot» ou un «coup
de fouet» et qui correspond Ă lâeffet stimulant de la nicotine. Avec le
temps, les rĂ©cepteurs se conditionnent Ă recevoir de la nicotine (câest la
tolĂ©rance), et lorsquâil en est privĂ©, le fumeur ressent un syndrome de
sevrage qui est, pour beaucoup dâindividus, extrĂȘmement dĂ©sagrĂ©able.
Cet impact pharmacologique et les désagréments du sevrage, en asso-
ciation avec des facteurs psychiques et sociaux, créent la dépendance
vis-Ă -vis des produits Ă base de tabac. La nicotine est la principale
cause de cette dĂ©pendance. Ce rapport dĂ©montrera que lâachemine-
ment de la nicotine vers les rĂ©cepteurs nicotiniques du cerveau peut ĂȘtre
subtilement influencĂ© par lâutilisation dâadditifs.
Les effets délétÚres du tabagisme
Les particules et les gaz de la fumée de tabac dans laquelle est trans-
portée la nicotine comprennent des milliers de substances chimiques
dont beaucoup sont toxiques ou cancĂ©rigĂšnes. Alors que câest la nico-
tine qui amĂšne les gens Ă fumer, ce sont dâautres substances qui sont Ă
lâorigine de la plupart des dĂ©gĂąts sur la santĂ©. Ces autres substances,
souvent regroupĂ©es sous le terme de «goudrons», confĂšrent lâarĂŽme et
dâautres sensations gustatives. Ces goudrons, ainsi que les gaz qui rĂ©-
sultent de la combustion, comme le monoxyde de carbone, provoquent
des cancers, des maladies coronaires et respiratoires et bien dâautres
troubles. La lĂ©gislation a tentĂ© de rĂ©duire lâexposition aux goudrons en
exigeant une diminution des taux de goudrons.
Des cigarettes théoriquement légÚres
La gĂ©nĂ©ralisation de lâutilisation des additifs dans le tabac est intime-
ment liée aux stratégies visant à réduire la teneur en goudrons. Les taux
de goudrons et de nicotine dans la fumée sont mesurés par une machine
à fumer calibrée qui «fume» la cigarette avec un volume et une fréquen-
ce de bouffées fixes, les résidus de goudrons et de nicotine étant collec-
tĂ©s sur un filtre pour ĂȘtre ensuite pesĂ©s. Plusieurs gouvernements ont exigĂ©
une réduction des taux de goudrons mesurés de cette maniÚre, dans
lâespoir de rĂ©duire lâexposition des fumeurs aux goudrons et donc de
réduire les dégùts liés à la consommation de tabac.
11
Les additifs du tabac
Les cigarettes légÚres: réalités pratiques
Pratiquement parlant, les cigarettes «légÚres» ont été produites en les do-
tant de filtres et en prĂ©voyant une ventilation dans les filtres. Câest cette
derniÚre caractéristique qui est importante (Kozlowski et al. 1998) [5].
Des perforations dans le filtre permettent dâaspirer de lâair, qui dilue la fu-
mée, ce qui réduit la quantité de goudrons et de résidus de nicotine collec-
tés par la machine de mesure. Dans les cigarettes affichant le plus faible
taux de goudrons, 80% de la «fumĂ©e» est en fait de lâair aspirĂ© par les
perforations de ventilation. Le fait dâassurer cette ventilation attĂ©nue le goĂ»t
de la fumĂ©e, puisque les agents qui dĂ©terminent lâarĂŽme sont diluĂ©s par
lâair. Toutefois, les fumeurs ne fument pas comme des machines. Si la fu-
mée est diluée, le fumeur aura tendance à «compenser» en fumant les ci-
garettes légÚres de maniÚre plus intensive pour arriver à obtenir une dose
de nicotine satisfaisante. Cette compensation peut se faire sous la forme
de bouffées plus fréquentes et plus profondes, ou en bloquant les perfora-
tions, souvent de maniĂšre inconsciente. Au total, les fumeurs qui consom-
ment les produits «légers» ne consomment pas moins de nicotine (Benowitz
et al, 1983 [6], Bates & Jarvis, 1999 [7]). Une Ă©tude de documents issus
de lâindustrie du tabac conduite par ASH et lâImperial Cancer Research
Fund (UK)
(Low tar: why low tar cigarettes donât work and how the tobacco
industry fools the smoking public
[8]) fournit de plus amples détails sur
lâinefficacitĂ© des cigarettes «lĂ©gĂšres», ainsi que sur ce que savaient, Ă ce
sujet, les fabricants de tabac, et ce quâils en ont dit sur la place publique.
Les cigarettes légÚres et les additifs
Lâune des principales justifications de lâadjonction dâarĂŽmes artificiels est le
remplacement des arÎmes perdus par la dilution de la fumée. En théorie, le
but Ă©tait de faciliter lâadoption de produits Ă faibles teneurs en goudrons.
Cependant, les bĂ©nĂ©fices attendus en matiĂšre de santĂ© de lâarrivĂ©e des ciga-
rettes Ă faibles teneurs en goudrons ou «lĂ©gĂšres» nâont pas Ă©tĂ© au rendez-
vous. Dans le mĂȘme temps, un cadre rĂ©glementaire extrĂȘmement flou concer-
nant les additifs a vu le jour. Bien que les consommateurs de produits «légers»
puissent en fait consommer autant de goudrons et de nicotine quâaupara-
vant, il leur faudra consommer des volumes plus importants de fumée diluée
pour y parvenir. Câest un peu comme couper le vin avec de lâeau, on peut
sâenivrer, mais il faut en consommer davantage et le goĂ»t est attĂ©nuĂ©.
12
Les additifs du tabac
2. R
APPORT
DU
COMITĂ
SCIENTIFIQUE
SUR
LES
ADDITIFS
DU
TABAC
Conseil scientifique au gouvernement britannique
En matiÚre de santé et tabagisme, le gouvernement britannique reçoit
des recommandations dâun comitĂ© scientifique permanent Ă©tabli depuis
de longues années. Les recommandations en matiÚre de contrÎle des
additifs du tabac ont dâabord Ă©tĂ© publiĂ©es dans le
First Report of the
Independent Scientific Committee on Smoking and Health
(ISCSH) en
1975[9]. LâISCSH a Ă©tĂ© crĂ©Ă© en 1973, principalement pour rĂ©diger les
recommandations concernant les essais sur les substituts du tabac, qui
Ă©taient en cours de dĂ©veloppement Ă lâĂ©poque. Ce chapitre passe en
revue les conclusions de ce comité au sujet des additifs du tabac.
Les dispositions en vigueur avant 1970
Avant 1970, lâutilisation dâadditifs dans les produits Ă base de tabac Ă©tait
interdite en lâabsence dâautorisation explicite des autoritĂ©s douaniĂšres
(Commissioners of Customs and Excise, section 176 du Customs and Ex-
cise Act, 1952). Cette autorisation nâĂ©tait accordĂ©e que dans des limites
trĂšs strictes et concernait principalement les arĂŽmes dans des tabacs autres
que les cigarettes. Lâinterdiction sâappliquait Ă lâimportation de produits Ă
base de tabac qui contiendraient des additifs et Ă la production de ciga-
rettes contenant des additifs et destinĂ©es Ă lâexportation.
2.1. L
E
PREMIER
RAPPORT
DE
L
âISCSH (1975)
La loi de finance votée au Royaume-Uni en 1970 a changé la réglementa-
tion, et a prévu la levée de taxes sur les additifs et les substituts du tabac, ce
qui a ouvert la voie Ă la suppression des restrictions sur les additifs. Les con-
trÎles sur les matiÚres premiÚres utilisées dans la fabrication des cigarettes ont
finalement disparu avec la réforme du systÚme fiscal en 1978. Le premier
rapport de lâISCSH fait Ă©tat dâinquiĂ©tudes quant au risque que cette loi nâaug-
mente les dangers pour la santé de la consommation du tabac et conclut:
«Il faut trouver dâautres moyens pour parer aux Ă©ventuels risques pour la
santé».
13
Les additifs du tabac
Ces «autres moyens» ont vu le jour sous la forme dâun accord volontaire
entre les fabricants de tabac et le gouvernement britannique qui pré-
voyait que les fabricants fournissent le dĂ©tail des additifs quâils enten-
daient utiliser. Il Ă©tait prĂ©vu de nâautoriser que les additifs approuvĂ©s par
lâISCSH. En annexe au rapport de 1975, il y avait des recommanda-
tions pour les essais et pour lâutilisation des produits Ă base de tabac qui
contiendraient des additifs. Dans le second rapport, ces recommanda-
tions Ă©taient amendĂ©es pour inclure lâobligation gĂ©nĂ©rale dâune Ă©tude
sur la toxicité aiguë aprÚs inhalation et du recueil de données sur le
transfert de tout nouvel additif dans la fumée.
2.2. L
E
DEUXIĂME
RAPPORT
DE
L
âISCSH (1979)
Le deuxiĂšme rapport publiĂ© par lâISCSH fait Ă©tat des inquiĂ©tudes des
auteurs concernant lâadjonction Ă©ventuelle dans le tabac de composĂ©s
«favorisant la dépendance». Dans le paragraphe 13 on lit:
«Lâinclusion dâagents dâarĂŽme dans les cigarettes pourrait ne rien faire
pour diminuer lâenvie de fumer, et pourrait bien au contraire la renforcer»
[10]
.
Lâindustrie du tabac affirme que lâune des fonctions clĂ©s des additifs est
de faire en sorte que les cigarettes «légÚres» soient plus attractives.
LâISCSH accepte cette notion et fait remarquer:
«Les marques de cigarettes légÚres ou demi-légÚres existantes ne plai-
sent pas Ă certains fumeurs, mais si ceux qui fument des cigarettes fortes
pouvaient ĂȘtre amenĂ©s Ă adopter des produits lĂ©gers suite Ă une amĂ©-
lioration de lâacceptabilitĂ© par lâinclusion dâadditifs, il serait possible de
réduire les risques du tabagisme. Le Comité reconnaßt la valeur poten-
tielle de ce type dâutilisation des additifs aromatiques.»
[11]
.
Le second rapport de lâISCSH exprime sa satisfaction au sujet de lâutili-
sation dâautres additifs qui nâĂ©taient pas couverts par les recommanda-
tions. Ces additifs comprennent ceux utilisés dans les filtres et les papiers
Ă cigarette, dans lâenveloppe et les embouts des filtres. Ces additifs
pouvaient ĂȘtre utilisĂ©s sans en rĂ©fĂ©rer au comitĂ© scientifique. Entre 1979
et 1983, le comité a révisé les recommandations pour inclure une éva-
luation de «toutes les substances ajoutées aux composants des produits
Ă base de tabac qui sont destinĂ©s Ă ĂȘtre brĂ»lĂ©s. Ainsi toute substance
14
Les additifs du tabac
incorporée dans les papiers à cigarette était incluse dans les recomman-
dations rĂ©visĂ©es annexĂ©es au troisiĂšme rapport de lâISCSH.
2.3. L
E
TROISIĂME
(1983)
ET
LE
QUATRIĂME
(1988)
RAPPORT
DE
L
âISCSH
Le troisiĂšme rapport de lâISCSH arrive Ă la conclusion que le systĂšme de
transmission dâinformation concernant les additifs fonctionnait bien et
recommande son maintien [12]. Le quatriÚme rapport, publié en 1988,
arrivait aux mĂȘmes conclusions [13].
2.4. L
E
SCOTH (1998)
Il semble que les autoritĂ©s aient continuĂ© dâavaliser les arguments de
lâindustrie du tabac concernant la nĂ©cessitĂ© des additifs jusquâĂ la publi-
cation dâun rapport du Scientific Committee on Tobacco and Health
(SCOTH) en 1998. Le SCOTH affirme:
«Un des effets (des additifs) a été de maintenir le «goût» alors que les
niveaux de goudrons ont Ă©tĂ© diminuĂ©s, entraĂźnant une perte dâarĂŽme
naturel. Le cĂŽtĂ© nĂ©gatif de cette tendance a Ă©tĂ© le maintien de lâattracti-
vitĂ© du produit, qui autrement aurait pu perdre son attrait par lâaltĂ©ration
de son arÎme intrinsÚque.»
[14]
Le SCOTH, qui a remplacĂ© lâISCSH, a examinĂ© les recommandations
sur les additifs du tabac et a formulĂ© des suggestions pour les rĂ©viser Ă
la lumiĂšre des avancĂ©es scientifiques et techniques. Alors que lâISCSH
exprimait clairement ses réserves en raison de la possibilité que les ad-
ditifs puissent faire perdurer la consommation de cigarettes en les ren-
dant plus attrayantes, la seule recommandation formulée par le SCOTH
concerne la nĂ©cessitĂ© dâun contrĂŽle strict de lâemploi dâadditifs dans le
tabac. En pratique, il recommande que le Technical Advisory Group,
qui rend ses rapports au SCOTH, examine réguliÚrement les évolutions
dans les modalitĂ©s dâutilisation et dans les types dâadditifs utilisĂ©s.
A aucun moment au cours de ces 25 années le Department of Health
britannique ou ses instances de conseil nâont reçu dâinformations indi-
quant quels additifs ont été utilisés dans quels produits à base de tabac.
On ne dispose donc dâaucune preuve permettant dâaffirmer que les
15
Les additifs du tabac
additifs autorisés ont effectivement été employés dans des produits
«lĂ©gers», ou de maniĂšre plus large. Il nây a pas eu non plus de valida-
tion de lâhypothĂšse dâun bĂ©nĂ©fice pour la santĂ©, censĂ© ĂȘtre assurĂ© par
ce cadre législatif libéral accordé aux additifs du tabac.
2.5. L
E
«V
OLUNTARY
A
GREEMENT
»
DE
1997
AU
R
OYAUME
U
NI
Les additifs existants Ă©chappent Ă lâexamen dĂ©taillĂ©
Lâaccord (Voluntary Agreement) de 1997 au Royaume-Uni exige des
fabricants de tabac quâils fournissent des donnĂ©es, toxicologiques et
autres, pour tout nouvel additif que les fabricants souhaitent ajouter Ă la
liste des additifs autorisĂ©s, mais ce type dâinformation nâest pas exigĂ©
pour les 600 additifs déjà autorisés.
Champ dâĂ©valuation limitĂ©
De plus, mĂȘme pour de nouveaux additifs, il nây a aucune exigence vi-
sant Ă contraindre les fabricants Ă expliciter le rĂŽle de lâadditif. Il est
simplement dit quâil est «souhaitable que la raison de lâutilisation [de la
substance] soit prĂ©cisĂ©e». Bien quâil semble que certains additifs soient
anodins ou mĂȘme bĂ©nĂ©fiques, dans le cadre actuel du systĂšme dâac-
cord volontaire, il nây a aucun moyen dâĂ©valuer les avantages et les in-
convĂ©nients relatifs de ces substances. Il nây a aucun critĂšre clair pour
lâautorisation ou lâinterdiction dâune substance dans cet accord. Les cri-
tÚres proposés sont seulement: «les résultats des tests de toxicité ne sont
pas satisfaisants» ou «lâacceptabilitĂ© ne peut pas ĂȘtre Ă©valuĂ©e sur la
base des informations fournies». Lâimpact sur le comportement taba-
gique nâest pas Ă©valuĂ©.
Une faille dans la législation
européenne
Une derniĂšre faiblesse, fatale, du Voluntary Agreement, est quâil est
possible de le contourner purement et simplement. La directive 83/189/
CEE stipule que le Department of Health «ne peut pas formuler dâobjec-
tion» Ă lâutilisation dâun additif autorisĂ© dans tout autre Ă©tat membre,
pourvu que certaines informations spécifiées soient fournies.
16
Les additifs du tabac
Conclusion
Le cadre Ă©tabli par le UK Voluntary Agreement en 1997 nâa pas dâeffet
rĂ©troactif, il est trop Ă©troitement ciblĂ© et peut ĂȘtre entiĂšrement esquivĂ©. Il
nâoffre donc quâune protection minime, et peut en fait cautionner des
pratiques qui ont des effets délétÚres sur la santé humaine.
3. R
EHAUSSER
L
â
IMPACT
:
LES
ADDITIFS
Ă
EFFET
PHARMACOLOGIQUE
«Le principal défi technique a été de diminuer le taux de goudrons dans
la cigarette tout en maintenant un niveau de nicotine acceptable pour le
fumeur.»
[15]
(Farone, W.A. 1996, ancien chercheur scientifique chez
Philip Morris)
3.1. L
A
NICOTINE
SOUS
FORME
DE
BASE
LIBRE
Prendre de la nicotine comme de la cocaĂŻne
Selon les concurrents de Philip Morris, le succĂšs des cigarettes Marlboro
rĂ©sulte dâune quantitĂ© accrue de nicotine «libre» dans la fumĂ©e, en raison
dâun pH plus Ă©levĂ© (alcalin) obtenu par une technique faisant intervenir
lâammoniaque (voir chapitre 3.2.). Lâammoniaque peut accĂ©lĂ©rer le dĂ©ga-
gement de nicotine «libre» (non liée) accessible au fumeur en augmentant
le pH de la fumée de tabac. Le fumeur consomme alors le produit «pur»,
comme quelquâun qui fume de la cocaĂŻne purifiĂ©e («freebase» ou « crack
»). Le Dr Jack E. Henningfield, de la FacultĂ© de MĂ©decine de lâUniversitĂ©
Johns Hopkins, explique lâeffet de lâammoniaque de la maniĂšre suivante:
«La troisiĂšme chose que lâon obtient en utilisant des composĂ©s dâammonia-
que, câest quâen augmentant le pH on augmente la quantitĂ© de nicotine
libre, que le Dr Rickert a appelée de la nicotine non-protonisée⊠Cette forme
libre de nicotine, comme pour la cocaïne, est absorbée plus rapidement, et
a un effet plus explosif sur le systĂšme nerveux. Lâammoniaque peut servir Ă
donner de la cocaïne libre comme de la nicotine libre» (1997)
[16]
.
17
Les additifs du tabac
De la nicotine sous différentes formes
De nombreux documents témoignent que les fabricants de tabacs ad-
mettent lâexistence de la nicotine sous diffĂ©rentes formes.
«La nicotine peut ĂȘtre administrĂ©e au fumeur sous au moins trois for-
mes:
i) sous forme de sels dans la phase particulaire,
ii) libre dans la phase particulaire,
iii) libre dans la phase gazeuse. On pense depuis longtemps que la
nicotine présentée sous les formes ii) et iii) est considérablement plus
«active»
(British American Tobacco (BAT), 1984) [17].
«La nicotine est présente dans la fumée sous deux formes, qui sont la
nicotine libre (pensez ammoniac) et les sels de nicotine (pensez chlorure
dâammonium), et il est Ă peu prĂšs certain que la nicotine libre est absor-
bée plus rapidement dans le sang» (BAT 1964)
[18].
Augmenter la nicotine libre augmente «lâimpact»
Une fois que la relation entre le pH, la nicotine libre et lâimpact de la
nicotine a Ă©tĂ© Ă©tablie, la recherche sây est intĂ©ressĂ©e.
«Le but de ce projet est de dĂ©velopper une mĂ©thode permettant dâaug-
menter le pH de la fumée produite par une cigarette. Une cigarette avec
un faible taux de particules et de nicotine mais avec une fumée à pH
plus élevé produirait relativement plus de nicotine libre dans la fumée,
et par conséquent un impact nicotinique accru.»
(Liggett 1974) [19]
Changer la forme chimique de la nicotine en augmente lâimpact
Dans un document intitulé «Principes de fabrication de la cigarette des-
tinés à assurer à RJR une part plus importante du marché des jeunes
consommateurs » RJR évoque le «kick» (impact, coup de fouet) de la ni-
cotine.
«Tout en maintenant un filtre classique, il est facile dâobtenir «le kick»
(lâimpact) de la nicotine que lâon souhaite par la rĂ©gulation du pH.»
[20].
(RJR, 1973).
18
Les additifs du tabac
«Le pH est Ă©galement liĂ© Ă la rapiditĂ© de lâimpact de la nicotine. Avec
lâaugmentation du pH, la nicotine change de forme chimique et sera
plus rapidement absorbĂ©e par lâorganisme, produisant plus rapidement
son «impact» sur le fumeur.»
[21] (RJR 1976)
«Lorsquâune cigarette est fumĂ©e, la nicotine se dĂ©gage dans sa forme
libre. Sous cette forme, elle est plus facilement absorbée par les tissus
de lâorganisme. Câest donc la nicotine qui est associĂ©e avec lâimpact,
câest-Ă -dire que plus les niveaux de nicotine libre sont Ă©levĂ©s, plus fort est
lâimpact.»
[22] (BAT 1988
Rendre la nicotine plus puissante
«Le fait dâaugmenter le pH dâun milieu dans lequel la nicotine est admi-
nistrĂ©e augmente lâeffet physiologique de la nicotine en augmentant le
rapport entre base libre et sel acide, puisque la forme libre traverse plus
facilement les membranes physiologiques. Nous poursuivons cette
recherche dans le but, à terme, de diminuer la quantité globale de
nicotine dans la fumĂ©e, tout en augmentant lâeffet physiologique de la
nicotine qui subsiste, de maniĂšre Ă ne rien perdre de cet effet physiolo-
gique malgré la réduction de nicotine.»
[23] (Liggett 1971)
La fraction de nicotine libre augmente lâeffet physiologique
«Comme la nicotine libre est beaucoup plus active sur le plan physiolo-
gique et agit beaucoup plus rapidement que la nicotine liée, la fumée
à pH élevé est perçue comme étant forte en nicotine. Par conséquent on
peut mesurer au moins partiellement lâeffet physiologique dâune cigarette
par la quantité de nicotine libre produite.»
[24] (RJR 1973)
Le transfert de nicotine est renforcé à la suite de traitements
Ă lâammoniaque
Selon BAT, lâadjonction dâammoniaque a Ă©tĂ© un choix technique destinĂ©
à améliorer le transfert de la nicotine.
«Les rĂ©sultats montrent que le traitement Ă lâammoniaque assure une
augmentation de la libération des bases en général, dont une augmen-
tation de 29% pour la nicotine. Ce résultat, en dépit de la diminution de
19
Les additifs du tabac
la teneur en nicotine et dâune diminution de 10% du poids de tabac
brĂ»lĂ© au moment des bouffĂ©es, nâest quâen partie dĂ» Ă une petite dimi-
nution de filtration de la nicotine. En dâautres termes, le transfert de la
nicotine est augmentĂ© par le traitement Ă lâammoniaque.»
[25] (BAT
1965)
Lâemploi «judicieux» dâadditifs pour augmenter
la teneur en nicotine basique libre (déprotonisée).
Le fabricant de tabacs américain Lorillard admet que les additifs peuvent
modifier qualitativement la nicotine administrée au fumeur.
«Il faut donc bien comprendre que si lâon doit atteindre les objectifs en
termes dâimpact physiologique Ă©levĂ© qui viennent dâĂȘtre Ă©noncĂ©s, les
profils dâarĂŽme et leur effet sur lâimpact physiologique doivent ĂȘtre con-
nus, mĂȘme si la mesure de ces perceptions reste hautement subjectiveâŠ
Lâemploi judicieux dâadditifs est susceptible dâaugmenter le pH de la fu-
mée produite, ce qui augmente les quantités de nicotine libre.»
[26]
(Lorillard, 1976)
Des additifs pour augmenter lâimpact de la nicotine
Lâammoniaque peut ĂȘtre utilisĂ©e pour augmenter le pH de la fumĂ©e et
augmenter la quantitĂ© de nicotine sous forme «libre», par opposition Ă
la forme «liée» (sels de nicotine). RJR explique:
«La cigarette est un systÚme essentiellement conçu pour administrer de la
nicotine au fumeur sous une forme attractive et fonctionnelle. Dans une
fumĂ©e au pH «normal», câest-Ă -dire autour de 6 ou moins, presque toute
la nicotine contenue dans cette fumée est combinée chimiquement à des
substances acides, elle est donc non-volatile, et elle est absorbée relati-
vement lentement par le fumeur. Lorsque le pH de la fumée dépasse 6,
une part de plus en plus grande de la nicotine totale dans la fumée va
se trouver sous forme «libre», une forme volatile rapidement absorbée
par le fumeur. Il semble que ce phénomÚne soit instantanément perçu
par le sujet.»
[27] (RJR 1973)
20
Les additifs du tabac
3.2. L
ES
TECHNIQUES
UTILISANT
L
â
AMMONIAQUE
ET
L
â
HISTOIRE
DE
LA
M
ARLBORO
.
LâavĂšnement de la Marlboro â
la cigarette qui se vend le mieux au monde
Selon le mythe, câest lâhomme de la Marlboro qui a fait la cigarette â
lâicĂŽne Ă la mĂąchoire carrĂ©e de lâindividualisme Ă lâAmĂ©ricaine a pris le
public trop crĂ©dule dans son lasso et lâa rassemblĂ© dans lâenclos
(«corral») Marlboro. A premiÚre vue, on peut penser que le succÚs de la
Marlboro serait tout Ă lâhonneur des prouesses de la publicitĂ© et de
lâiconographie. Lâhistoire de la chimie de cette cigarette, cependant,
donne un autre Ă©clairage.
Au début des années 1960, Philip Morris était le plus petit des six prin-
cipaux fabricants de cigarettes aux USA et la Winston de RJR comptait
des ventes annuelles presque trois fois plus importantes que la Marl-
boro. DĂšs 1978, il y eut un bouleversement complet de la situation, la
Marlboro devenant la cigarette qui se vendait le mieux au monde: une
cigarette sur cinq vendues de par la planĂšte Ă©tait une Marlboro et plus
de la moitié des fumeurs de 17 ans et moins choisissaient cette marque.
[28]
La quĂȘte de «lâĂąme de la Marlboro» commence
Il nâest guĂšre surprenant que ce dĂ©veloppement spectaculaire de la Marl-
boro ait suscité des recherches tous azimuts chez les autres fabricants de
tabac. Par le biais dâanalyses et dâingĂ©nierie «inverse» sur des cigarettes
Marlboro, les concurrents sont arrivĂ©s Ă la conclusion que câĂ©tait la techno-
logie de lâammoniaque qui formait «lâĂąme» de la Marlboro.
«Philip Morris a commencĂ© Ă utiliser de lâammoniaque Ă partir de 1965,
et cette utilisation a augmenté périodiquement entre 1965 et 1974.
Cette période correspond à celle des augmentations spectaculaires des
ventes réalisées par Philip Morris entre 1965 et 1974.»
[29] (RJR)
21
Les additifs du tabac
Les techniques utilisant lâammoniaque sont la clĂ© de la Marlboro
«Quelle technologie, donc, fait quâune Marlboro est une Marlboro? Si
lâon considĂšre toutes les technologies mises en Ćuvre Ă lâĂ©chelle planĂ©-
taire par Marlboro, câest bien celle Ă base dâammoniaque qui reste le
facteur clé.»
[30] (B&W 1992)
Les marques qui se vendent bien
ont des niveaux élevés de nicotine libre
Le pH plus élevé des cigarettes Marlboro a contribué à maintenir le
mĂȘme niveau de nicotine libre que les cigarettes Ă forte teneur en gou-
drons, en dĂ©pit dâune rĂ©duction des deux tiers de la teneur globale en
goudrons et nicotine â et ceci a contribuĂ© Ă©galement Ă dĂ©velopper le
«goĂ»t standard» de la cigarette amĂ©ricaine, allant de pair avec lâicono-
graphie du «Marlboro man», quintessence de lâhomme amĂ©ricain.
«Si nos données, nos corrélations et nos conclusions sont valides, ce qui
Ă©merge câest une cigarette dâun type assez nouveau, reprĂ©sentĂ©e par Marl-
boro et Kool, avec un fort «impact» nicotinique, un goût «burley» (costaud),
une douceur dans la bouche, et des sensations plus développées dans la
gorge, toutes ces caractéristiques étant obtenues en grande partie par un pH
plus Ă©levĂ© de la fumĂ©e. On peut penser que dâautres marques, qui se ven-
dent Ă©galement bien, possĂšdent certains de ces attributs et en particulier
lâimpact plus important de la nicotine «libre».»
[31] (RJR, 1973)
Lâascension de la Marlboro suit la courbe
de lâintroduction de lâammoniaque
Le graphique
(en page 22)
montre de quelle maniĂšre lâaugmentation rĂ©gu-
liĂšre des ventes suit la courbe de lâaugmentation du pH des cigarettes, qui
Ă son tour a conduit Ă lâaugmentation de la teneur en nicotine libre.
Brown and Williamson cherchent Ă combler le retard
«Il semble que nous disposions du savoir-faire nécessaire pour dévelop-
per une cigarette Ă faible teneur en goudrons mais qui administre autant
de nicotine libre quâune Marlboro, une Winston ou une Kent, sans aug-
22
Les additifs du tabac
menter la quantité totale de nicotine au-delà des niveaux autorisés pour
une cigarette «légÚre». Il y a déjà sur le marché des produits qui assu-
rent un pourcentage élevé de nicotine libre dans la fumée, à savoir
Merit, Now.»
[33] (B&W 1980)
«Il semblerait que la réponse accrue du fumeur soit liée au fait que la
nicotine atteint le cerveau plus rapidement⊠Sur ces bases, il semble
raisonnable de conclure que cette réponse accrue du fumeur à une
fumée contenant un taux plus élevé de nicotine «assimilable» (ce qui
nâest pas synonyme mais proche de la nicotine basique libre) sâexpli-
que soit par le fait que la nicotine arrive au cerveau sous une forme
chimique nouvelle, soit quâelle y arrive plus rapidement.»
[34] (BAT
1966)
23
Les additifs du tabac
Lien entre le pH élevé de la fumée et de fortes ventes
Les concurrents ont bien compris le lien qui pouvait exister entre les ven-
tes de la Marlboro et son alcalinité.
«Le pH des fumées de Kool et Marlboro sont respectivement de 7,12 et
6,98, ce qui confirme le lien entre un pH Ă©levĂ© de la fumĂ©e et lâaugmen-
tation des ventes de cigarettes.»
[35] (Lorillard 1973)
«En raison du pH plus élevé de la fumée, la Marlboro actuelle, malgré
une réduction de deux tiers de la teneur en goudrons et en nicotine au
cours des annĂ©es, est calculĂ©e pour avoir essentiellement la mĂȘme quan-
tité de nicotine «libre» dans la fumée que les Winston autrefois.»
[36]
(RJR 1973)
«Nos données montrent que la fumée de nos marques de cigarette,
ainsi que celle de toutes les marques concurrentes importantes, a depuis
quelques années un pH systématiquement et significativement moins
Ă©levĂ© que celui des Marlboro et Ă un moindre degrĂ© celui des KoolâŠ.
Tout suggÚre que le pH relativement élevé des Marlboro (et les autres
produits Philip Morris) et des Kool est délibéré et contrÎlé. Ceci soulÚve
des questions relatives Ă 1) lâeffet produit par le pH supĂ©rieur sur lâim-
pact de la nicotine et la qualité de la fumée, et donc les performances
de marchĂ©, et 2) la maniĂšre dont une fumĂ©e Ă pH plus Ă©levĂ© sâobtient.»
[37] (RJR 1973)
3.3. D
ISSIMULER
LA
NICOTINE
EN
AUGMENTANT
SA
PHASE
GAZEUSE
Lâammoniaque contribue Ă contourner les tests fĂ©dĂ©raux amĂ©ri-
cains pour les teneurs en goudrons et en nicotine
Lâutilisation de la nicotine «libre» avec ses effets accrus a permis aux
fabricants de cigarettes de «tromper» les outils de mesure des teneurs en
goudrons et en nicotine mis en place par lâUS Federal Trade Commis-
sion (FTC). Par le biais dâadditifs, ils ont pu dĂ©velopper des cigarettes
pour lesquelles la machine donnait de faibles teneurs en goudrons mais
qui administraient des niveaux élevés de nicotine au consommateur.
24
Les additifs du tabac
«Si lâobjectif est dĂ©fini comme Ă©tant une teneur accrue en nicotine dans
la fumĂ©e gĂ©nĂ©rĂ©e par la cigarette, il semble quâil nây ait que deux pos-
sibilités: soit augmenter la teneur en nicotine en valeur absolue, soit
augmenter le pH, ce qui permet dâaugmenter la nicotine assimilable par
le fumeur sans en modifier la quantité en valeur absolue.»
[38] (Lorillard
1976)
Dissimuler la nicotine dans la phase gazeuse
Lâinstrument de la FTC mesure les niveaux globaux de nicotine solide et
liquide, mais ne mesure pas sa concentration dans la phase gazeuse,
lĂ oĂč se trouve la nicotine «libre». Lâemploi dâadditifs a permis de rĂ©-
duire les teneurs en goudrons et en nicotine obtenues par les mesures,
sans compromettre les effets pharmacologiques â la mention obligatoire
des niveaux de goudrons et de nicotine sur les affichages publicitaires
et sur les emballages de cigarettes faisait Ă©tat dâune diminution significa-
tive, alors que les fumeurs continuaient Ă ĂȘtre exposĂ©s Ă des niveaux
Ă©levĂ©s dâune drogue Ă caractĂšre addictif. Le changement dâĂ©tat de la
nicotine, qui passe dâun Ă©tat solide ou liquide Ă un Ă©tat gazeux, a pour
rĂ©sultat de contourner les mĂ©thodes de mesure homologuĂ©es, puisquâel-
les enregistrent les rĂ©sidus sur les filtres de lâinstrument (la «machine Ă
fumer»).
«Lâexemple type câest que si vous ne prenez pas en compte la phase
gazeuse, si jâaugmente le pH et la quantitĂ© de gouttelettes dans la fu-
mée, de maniÚre à transformer une plus grande partie de la nicotine
liquide en gaz, et si par la mĂȘme occasion ce ne sont pas les gaz que
je mesure, alors en fait on ne mesure pas la part de nicotine qui arrive
dans la phase gazeuse. Ce sont des choses que lâon sait depuis la fin
des années 60 et le début des années 70.»
[39] (Farrone W.A.
6/12/97)
On fait mine de réduire la teneur en nicotine,
mais «la vente continue»
Lâaugmentation de la fraction de nicotine libre, qui correspond Ă un
changement qualitatif dans lâĂ©tat chimique de la nicotine, signifie que
lâon peut obtenir le mĂȘme impact avec moins de nicotine. Autrement dit,
25
Les additifs du tabac
il peut y avoir une rĂ©duction apparente de lâimpact pharmacologique
sans que celle-ci soit réelle.
«La quantitĂ© de nicotine en phase gazeuse peut ĂȘtre modifiĂ©e en chan-
geant le pH de la fumĂ©e. Il est donc trĂšs facile dâobtenir deux cigarettes
qui libĂšrent la mĂȘme quantitĂ© de nicotine (selon les mesures du filtre
Cambridge, la norme FTC) mais qui seront faciles à différencier sur le
plan sensoriel de lâimpact, puisque lâaciditĂ© de la fumĂ©e, et donc de la
quantitĂ© de nicotine en phase gazeuse, nâest pas du tout la mĂȘme.»
[40] (B1W 1984)
3.4. Dâ
AUTRES
ADDITIFS
SUSCEPTIBLES
D
â
AUGMENTER
LES
EFFETS
DE
LA
NICOTINE
Les recherches sur dâautres substances possĂ©dant des effets phar-
macologiques
Bien que, dans les documents Ă©tudiĂ©s, lâammoniaque semble bien ĂȘtre
le principal outil chimique utilisé pour augmenter les effets de la nicotine,
dâautres additifs ayant des effets similaires sont actuellement utilisĂ©s, et
dâautres encore font lâobjet de recherches. Il sâagit en particulier de
lâacĂ©taldĂ©hyde, de lâacide lĂ©vulinique, de la thĂ©obromine et de la gly-
cyrrhizine. Bien que ces substances soient décrites par les fabricants
comme des adoucisseurs ou des «rehausseurs dâarĂŽme», il semble quâel-
les soient toutes destinées à assurer un rÎle pharmacologique par le
contrĂŽle des niveaux dâabsorption de la nicotine et/ou de son mode
dâadministration au consommateur.
Des interactions synergiques
Au cours de son témoignage dans les récentes affaires de justice, W.A.
Farone a noté que:
«les interactions [entre les additifs et la nicotine] peuvent expliquer la
différence entre la difficulté à renoncer à la pipe ou aux cigares et la
difficulté à renoncer aux cigarettes.»
[41] Farone W.A. 1997)
26
Les additifs du tabac
3.4.1. Lâ
ACĂTALDĂHYDE
LâacĂ©taldĂ©hyde est produit par la combustion de sucres (lâadditif le plus
courant dans les tabacs)[42]. Les chercheurs de lâindustrie du tabac se
doutaient que lâacĂ©taldĂ©hyde pouvait augmenter les effets addictifs de
la nicotine. Victor J. DeNoble, cadre de recherche chez Philip Morris, a
initié des recherches au début des années 80 pour explorer les effets
comportementaux de la nicotine et de lâacĂ©taldĂ©hyde sur des rats. Il a
constaté que ces deux produits agissent de maniÚre synergique, aug-
mentant le pouvoir addictif de la nicotine. Les rapports de DeNoble
pour Philip Morris rĂ©vĂšlent le potentiel de lâacĂ©taldĂ©hyde dans ce rĂŽle:
«On peut rĂ©sumer les rĂ©sultats de la maniĂšre suivante: 1. LâacĂ©taldĂ©hyde
joue effectivement un rĂŽle de renforcement positif chez les rats. 2. LâacĂ©-
taldéhyde, à doses égales à celles de la nicotine est plus efficace que
celle-ci pour entretenir le comportement dâauto-administration. 3. Le sys-
tĂšme opioĂŻde endogĂšne nâest pas impliquĂ© dans le maintien de lâauto-
administration de lâacĂ©taldĂ©hyde, et 4. Des combinaisons de nicotine et
dâacĂ©taldĂ©hyde produisent des effets cumulatifs en ce qui concerne
lâauto-administration.»
[43] (PM)
«LâacĂ©taldĂ©hyde seul a maintenu le comportement dâauto-administration
chez les rats à une fréquence plus élevée que pour de la nicotine à des
doses en mg/kg Ă©gales. Ceci reste cohĂ©rent avec dâautres observations
faites dans le mĂȘme laboratoire.»
[44] (Philip Morris 1983)
«Dans lâensemble, lâimpact de lâacĂ©taldĂ©hyde sur les EEG (Ă©lec-
troencéphalogrammes) était similaire à celui de la nicotine.»
[45] (PM
1983)
«DeNoble a détecté un effet synergique ou «additif» en utilisant des
combinaisons acétaldéhyde/nicotine. Cette expérience a été étendue,
avec un protocole légÚrement différent mais acceptable, dans lequel
chaque rat consommait des doses en dessous de lâĂ©quivalent dâune
cigarette (8 ”g/kg/dose), et DeNoble a pu de nouveau constater un
effet synergique entre lâacĂ©taldĂ©hyde et la nicotine.»
[46] (PM 1982)
A la suite de cette dĂ©couverte, DeNoble et son Ă©quipe ont reçu lâordre
de trouver le rapport optimal entre les deux composés. Selon le témoi-
27
Les additifs du tabac
gnage de DeNoble, une fois que la société avait trouvé ce rapport
optimal pour déterminer la dépendance, les niveaux de sucres dans les
cigarettes Marlboro ont Ă©tĂ© augmentĂ©s pour obtenir lâaugmentation
nĂ©cessaire des niveaux dâacĂ©taldĂ©hyde.
«Comment ont-ils fait? Câest trĂšs simple, ils ont ajoutĂ© des sucres,
parce que lorsquâon brĂ»le du sucre, on forme de lâacĂ©taldĂ©hyde.
Maintenant on peut se poser la question suivante: si les fabricants de
tabac rĂ©duisent les teneurs en acĂ©taldĂ©hyde comme lâaffirme Philip
Morris, pourquoi est-ce que Marlboro a augmentĂ© les niveaux dâacĂ©-
taldĂ©hyde de 40% dans lâespace de 10 ans, et pourquoi cette aug-
mentation est-elle maintenue aujourdâhui?»
[47] (DeNoble, déposition
verbale 1997)
3.4.2. Lâ
ACIDE
LĂVULINIQUE
Si on ajoute de la nicotine pure au tabac, il sâensuit deux effets indĂ©si-
rables. Dâabord, cela rend la fumĂ©e plus Ăącre et plus difficile Ă fumer, et
ensuite, cela donnera un résultat de mesure FTC plus élevé. RJR a bre-
veté une méthode pour contourner ce problÚme, en utilisant un sel cons-
tituĂ© de nicotine et dâun acide organique (par exemple le lĂ©vulinate de
nicotine), ce qui augmente lâimpact de la nicotine tout en maintenant les
goudrons et la nicotine Ă des taux faibles sur les mesures FTC.
Lâemploi de sels organiques pour masquer lâagressivitĂ© de la nicotine
«Il serait souhaitable de produire une cigarette ultra légÚre en matiÚre
de goudrons, apte Ă fournir un tabac dotĂ© dâun goĂ»t, dâune force et
dâune satisfaction du consommateur Ă©gaux Ă celui des cigarettes Ă plein
arĂŽme et Ă faible taux de goudrons (full flavour low tar), sans pour
autant quâelles soient perçues comme trop Ăącres ou irritantes. Il serait
Ă©galement souhaitable de produire une cigarette Ă plein arĂŽme et Ă
faible taux de goudrons (full flavour low tar) avec les caractéristiques de
goĂ»t, de force, et de satisfaction dâune cigarette «full flavour» (normale),
sans quâelle soit perçue comme agressive ou irritante. Les cigarettes
dans lesquelles on incorpore un sel tel que le lévulinate de nicotine don-
nent des mesures FTC faibles pour le rapport goudrons/nicotine, tout en
assurant les caractéristiques suivantes:
28
Les additifs du tabac
i) un goût doux, acceptable et aromatique,
ii) une satisfaction du consommateur. Ces cigarettes ne sont ni Ăącres ni
irritantes et elles ne présentent pas de goût désagréable ou étranger au
tabac.»
Brevet n°4,830,028. Les sels issus de la nicotine et dâacides organi-
ques comme additifs de la cigarette, RJR, 16 mai 1989.
RJR entreprend des recherches pour favoriser la liaison
Sous le titre «Amélioration des liaisons entre la nicotine et les récepteurs
nicotiniques par lâutilisation de lĂ©vulinate de nicotine et lâacide lĂ©vulini-
que», le document suivant montre comment lâacide lĂ©vulinique augmente
les effets de la nicotine.
«Le lĂ©vulinate de nicotine et lâacide lĂ©vulinique augmentent de maniĂšre
significative les quantités de L-(3H)-nicotine (nicotine marquée radioacti-
vement) liĂ©e aux rĂ©cepteurs nicotiniques dans le cerveau des rats. Lâaug-
mentation observée varie entre 20 et 50%, avec une moyenne autour
de 30%. La quantité totale de nicotine marquée par des isotopes, fixée
sur les rĂ©cepteurs, Ă©tait au-dessus du niveau quâon pourrait sâattendre Ă
trouver en cas de fixation sur les seuls rĂ©cepteurs Ă forte affinitĂ©. Lâeffet
maximal qui a été observé à des concentrations de lévulinate de nico-
tine et dâacide lĂ©vulinique de la gamme nanomolaire basse est inversĂ©
à des concentrations plus élevées. Un modÚle informatique a été déve-
loppĂ© et testĂ© Ă partir de ces rĂ©sultats. Selon ce modĂšle, lâacide lĂ©vuli-
nique se fixe sur un site allostĂ©rique sur une catĂ©gorie de rĂ©cepteurs Ă
faible affinitĂ©, et augmente lâaffinitĂ© de ces rĂ©cepteurs Ă lâĂ©gard de la
nicotine. A des concentrations plus fortes, cet effet est inversé par ce
mĂȘme acide lĂ©vulinique, Ă©tant donnĂ© quâil a Ă©galement une affinitĂ© mo-
dérée pour les sites de fixation de la nicotine.»
[48] (RJR 1989)
«Lâacide lĂ©vulinique (acide 4-oxopentanoĂŻque) est dâabord un produit
rĂ©sultant de la dĂ©gradation de lâamidon, du sucre de canne, ou de
matériaux contenant de la cellulose.» [49] (RJR 1989)
29
Les additifs du tabac
Existe-t-il dâautres composĂ©s qui contribuent
à fixer la nicotine sur les récepteurs?
Le mĂȘme document, sâagissant peut-ĂȘtre dâautres recherches:
«De mĂȘme, il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© quâil existe des composĂ©s qui amĂ©liorent la
fixation de la nicotine sur les récepteurs du cerveau.»
[50] (RJR 1989)
Les citations ci-dessus montrent lâĂ©tendue des possibilitĂ©s de manipula-
tion des propriétés chimiques de la fumée et des paramÚtres de la dé-
pendance Ă la nicotine. Le lĂ©vulinate de nicotine et lâacide lĂ©vulinique
modifient la chimie du cerveau lui-mĂȘme de maniĂšre Ă le rendre plus
réceptif à la nicotine.
3.4.3. L
E
CACAO
ET
LA
THĂOBROMINE
Le cacao est trÚs largement utilisé comme additif: il contient des alcaloïdes
qui peuvent modifier les effets de la nicotine, et qui peuvent Ă leur tour avoir
un effet pharmacologique. Le cacao contient également environ 1% de thé-
obromine, un bronchodilatateur, qui favorise la dilatation des voies respira-
toires et facilite lâinspiration de la fumĂ©e et donc lâabsorption de la nicotine.
Les citations qui suivent sont tirées de documents scientifiques et médi-
caux détenus par Philip Morris:
«La théobromine: principal alcaloïde contenu dans la fÚve de cacao,
qui en contient entre 1,5 et 3%âŠ.. a un effet bronchodilatateur chez les
asthmatiques.»
[51]
«Lâeffet de bronchodilatation dâune dose de 10mg de thĂ©obromine a Ă©tĂ©
comparĂ© Ă celui dâune dose de 5mg de thĂ©ophylline chez de jeunes pa-
tients asthmatiquesâŠ. Dans cette Ă©tude Ă dose unique, lâeffet de broncho-
dilatation produit par la théobromine était cliniquement et statistiquement
significatifâŠune amĂ©lioration a Ă©tĂ© notĂ©e pour tous les tests de la fonction
pulmonaire aprÚs ingestion de théobromine ou de théophylline.»
[52]
Il faut noter que le terme «amélioration» fait référence à une dilatation signi-
ficative des voies respiratoires Ă lâintĂ©rieur des poumons du fumeur.
30
Les additifs du tabac
3.4.4. L
A
GLYCYRRHIZINE
Cette substance est lâun des composants de la rĂ©glisse, qui est un autre
additif couramment utilisé. Elle a également un effet bronchodilatateur.
«Quelle est lâaction dâun bronchodilatateur? Il facilite lâinhalation, et par
conséquent si vous avez du mal à aspirer la fumée dans vos poumons,
un bronchodilatateur sera une bonne chose. On mâa demandĂ© rĂ©cem-
ment si je savais si la glycyrrhizine administrée [dans la fumée] est dé-
gagée à des concentrations suffisantes pour provoquer cet effet. Je ne
connais pas la réponse à cette question. Il serait intéressant de savoir si
lâindustrie du tabac a fait des Ă©tudes Ă ce sujet. Si oui, il semble bien
que ce soit le genre dâinformation Ă partager, en lien avec la question
des ingrĂ©dients. Cependant, on sait que cela peut se produire, car câest
effectivement un bronchodilatateur. Il y a une trÚs forte probabilité dans
ce sens, mais il faudrait des études.»
[53] (Farone WA 1997)
3.4.5. L
A
PYRIDINE
Une déposition de WA Farone, ancien employé de Philip Morris, évo-
que lâimpact possible de lâajout aux cigarettes dâalcaloĂŻdes autres que
la nicotine:
«On a tendance Ă ne penser quâĂ la nicotine, mais il faut se rappeler que
le tabac contient dâautres alcaloĂŻdes. A titre dâexemple, jâai ici un livre trĂšs
ancien sur la pharmacie et la thérapeutique. Il a été écrit en 1894 et pu-
bliĂ© en 1895, et jâaimerais vous lire juste un petit passage. Câest dans le
chapitre sur le tabac, et voici ce quâon y lit: «Il contient un alcaloĂŻde alimen-
taire trÚs puissant et trÚs toxique, la nicotine». Plus loin, il poursuit: «sa
combustion dégage plusieurs produits dont la pyridine et ses composés
qui produisent les mĂȘmes effets que la nicotine mais avec une sĂ©vĂ©ritĂ©
moindre». Nous voilĂ donc en 1894, et lâon sait parfaitement que la pyri-
dine agit comme la nicotine au moins dans une certaine mesure, et si vous
allez voir dans un livre moderne, vous allez vous apercevoir que câest un
dépresseur du systÚme nerveux central, tout comme la nicotine. Donc si
jâajoute de la pyridine, soit Ă lâĂ©tat de pyridine pure, soit contenue dans un
composé chimique qui, une fois brûlé ou pyrolysé, se convertit en pyridine,
jâaugmente la quantitĂ© de pyridine que le fumeur absorbe, et en associant
31
Les additifs du tabac
la pyridine Ă la nicotine, jâaugmente lâeffet total sur le systĂšme nerveux
central. Il devient alors extrĂȘmement important pour nous de comprendre
les interactions entre les additifs et les ingrédients, et ce qui en résulte sur
les phénomÚnes pharmacologiques déterminés par la nicotine.»
[54]
(Farone WA 1997)
Le rapport BAT citĂ© ci-dessous explore lâabsorption de la pyridine et sa
synergie avec la nicotine. Bien que le rapport affirme que les niveaux
de pyridine dans la fumĂ©e de tabac ont «peu de chances» dâĂȘtre suffi-
samment élevés pour provoquer un effet quelconque, on peut difficile-
ment dĂ©terminer, faute dâinformations publiĂ©es, si les niveaux actuels de
pyridine [dans les produits] sont suffisants pour entraĂźner un effet phar-
macologique.
«Dans les zones pĂ©riphĂ©riques, câest-Ă -dire dans les tissus autres que le
cerveau, la pyridine et la nicotine agissent de maniĂšre synergique, soit
par stimulation des rĂ©cepteurs de la nicotine, soit par dâautres mĂ©canis-
mes.»
[55] (BAT)
«Dans le systÚme nerveux central, la pyridine et la nicotine produisent
des effets antagonistes, la nicotine Ă©tant un stimulant et la pyridine un
dépresseur.»
[56] (BAT)
«âŠ.Ceci indique que la pyridine produit cet effet en stimulant un rĂ©cep-
teur de la nicotine à ce niveau.»
[57] (BAT)
«Discussion de lâinteraction de la pyridine avec la nicotine:
Il semblerait quâil y ait, dans la majoritĂ© des cas, un effet additif de la
pyridine et de la nicotine. Il importe peu que les deux agents produisent
leurs effets par des mĂ©canismes diffĂ©rents, comme câest le cas de leurs
effets sur le rythme cardiaque.
Cette conclusion semble sâappliquer aux effets pĂ©riphĂ©riques, mais com-
me on le voit dans le chapitre concernant les effets sur le systĂšme ner-
veux central de la pyridine, ainsi que dans les résultats des tests de
toxicitĂ© sur des souris et des rats dans le chapitre sur lâabsorption, la
pyridine et la nicotine produisent des effets opposés sur le cerveau et
sont donc antagonistes.»
[58] (BAT
32
Les additifs du tabac
4. M
ASQUER
LE
GOĂT
ET
LES
EFFETS
IMMĂDIATS
DU
TABAC
Une cigarette «améliorée» est-elle souhaitable?
Les produits à base de tabac bénéficient de larges dérogations dans la
législation visant la protection du consommateur et la responsabilité pé-
nale, ceci en raison dâun accident de lâhistoire. Le tabac est le seul
produit de consommation qui peut entraĂźner la maladie et la mort lors-
quâil est utilisĂ© comme le prĂ©conisent ses fabricants. En raison de ce
statut unique et anormal, les additifs des produits à base de tabac pré-
sentent un problÚme «philosophique» peu commun. Pour la plupart des
produits, lâemploi dâadditifs Ă des fins «dâamĂ©lioration» du produit nâen-
traĂźne pas de consĂ©quences nocives parce quâil nâentraĂźne quâune aug-
mentation modeste de la consommation du produit. Par contre, si on
améliore le goût de la fumée de cigarette, il se peut que davantage
dâindividus soient amenĂ©s Ă commencer Ă fumer, Ă continuer Ă fumer, ou
Ă ne pas renoncer Ă fumer. Le rapport SCOTH de 1998 Ă©voque ce
souci:
«Lâune des consĂ©quences [des additifs] a Ă©tĂ© le maintien du «goĂ»t» alors
que les teneurs en goudrons baissaient, diminuant par la mĂȘme occa-
sion lâarĂŽme naturel. Le cĂŽtĂ© nĂ©gatif de ce phĂ©nomĂšne a Ă©tĂ© dâentretenir
lâattrait dâun produit qui, autrement, aurait pu devenir inacceptable par-
ce que son arÎme était dénaturé.»
[59]
Il faut des additifs pour modifier le goût de la nicotine
Un ancien employĂ© de Philip Morris explique dans sa dĂ©position lâune
des principales fonctions des additifs dâarĂŽme.
«On sait trĂšs bien que lâĂącretĂ© et lâamertume de la nicotine seule ne sont
pas acceptables dans une cigarette. Il y a des bases scientifiques soli-
des pour affirmer Ă la fois le besoin dâinclure de la nicotine dans les
produits, et la nĂ©cessitĂ© dâen modifier le goĂ»t pour rendre son adminis-
tration plus acceptable pour le fumeur.»
[60] (Farone, WA, ancien em-
ployé Philip Morris, 1996)
33
Les additifs du tabac
Lâadditif le plus important en volume est le sucre â environ trois pour cent
du poids total â et il est utilisĂ© pour masquer le goĂ»t peu acceptable de
la nicotine. Le fait de choisir une marque de cigarettes adoucies ou
aromatisĂ©es permet aux fumeurs dâinhaler davantage de fumĂ©e, ce qui
permet de sâassurer quâils absorbent la quantitĂ© voulue de nicotine. Plus
de 80% des fumeurs commencent Ă fumer avant lâĂąge de 18 ans. Ce
phĂ©nomĂšne est connu de lâindustrie du tabac, et il est ciblĂ© dans la
production et dans les stratĂ©gies de marketing. [61] Lâutilisation de
sucres, de miel, de rĂ©glisse, de cacao, de chocolat et dâautres arĂŽmes
rendent les cigarettes plus acceptables et leur confĂšrent un plus grand
attrait, en particulier pour les enfants et les jeunes.
«Il est certain que les arÎmes affectent
les comportements Ă lâĂ©gard du tabac»
«Nâest-ce pas lâarĂŽme qui distingue la marque, et qui fait que certaines
marques de cigarettes se vendent mieux que dâautres? Le marchĂ© cons-
titue une des plus fortes preuves que les arĂŽmes influencent effectivement
les comportements tabagiques.»
[62] (Farone WA 1996)
Lâemploi dâadditifs pour remplacer les arĂŽmes perdus
La réduction des niveaux de goudrons, comme tentative de désamorçage
des graves inquiétudes au sujet de la santé, a posé de gros problÚmes aux
fabricants. Les goudrons confÚrent un goût fort et une sensation en bouche,
masquant lâĂącretĂ© et lâamertume du goĂ»t de la nicotine, peu acceptable par
les fumeurs novices et peu confortable pour les fumeurs habitués. La réponse
a Ă©tĂ© lâemploi dâadditifs pour jouer le rĂŽle des goudrons manquants.
«Le concept Merit (ndt: marque de cigarettes) dâutilisation de technologies
dâarĂŽme pour contourner le problĂšme des goudrons en utilisant des additifs
aromatiques Ă la place des arĂŽmes des goudrons est peut ĂȘtre le meilleur
compromis entre la demande pour, dâun cĂŽtĂ©, un produit Ă fort arĂŽme et/ou
Ă fort impact physiologique et/ou Ă forte satisfaction nicotinique, et de lâautre
un produit à faibles taux de goudrons et de nicotine.»
[63] (Lorillard 1976)
34
Les additifs du tabac
Les additifs sont multifonctionnels
Un document BAT donne quelques indications sur la fonction des addi-
tifs du tabac. Quatre des sept motifs dâinclusion dâadditifs concernent le
fait de masquer le goût du tabac.
«Le rÎle des additifs aromatiques du tabac.
Des additifs aromatiques de toutes sortes prennent de lâimportance dans
les stratégies de fabrication, ceci pour un certain nombre de raisons. Les
additifs peuvent ĂȘtre nĂ©cessaires:
1. pour conférer à un produit une spécificité permettant de le vendre,
2. pour modifier les caractéristiques sensorielles des marques bas de gam-
me, en particulier si le gouvernement ou les contraintes Ă©conomiques
imposent de se passer de matériaux de qualité dans la fabrication,
3. pour obtenir une qualité de produit satisfaisante dans des situations
oĂč les effets de comparaison commerciale influent sur la conception
technique du produit,
4. pour contrer lâeffet sur la qualitĂ© de la fumĂ©e de lâinclusion de matĂ©-
riaux synthétiques dans certaines marques,
5. pour maintenir le caractĂšre propre de la marque,
6. pour amĂ©liorer la qualitĂ© de consommation dâune marque existante,
7. pour amĂ©liorer les caractĂ©ristiques de la fumĂ©e dans lâair ambiant».
[64] (BAT)
Ajouter de lâammoniaque qui rĂ©agit avec le sucre pour donner
une fumée plus «douce».
Les fabricants concurrents étaient obsédés par le succÚs de la Marlboro,
et ils ont menĂ© dâinnombrables explorations pour en dĂ©couvrir le secret.
Il en a Ă©tĂ© question plus haut. Ce quâils ont mis Ă jour, câĂ©tait une ciga-
rette bourrĂ©e dâadditifs.
«Le procĂ©dĂ© Ă base dâammoniaque de Philip Morris est bien plus quâun
simple ajout dâammoniaque, qui donne dâautres rĂ©sultats. Ils ont trouvĂ© le
moyen dâen amener une grande partie Ă rĂ©agir avec les constituants du
tabac de maniĂšre Ă ce que de la pectine soit produite, et que se forment
simultanĂ©ment des produits dâune rĂ©action sucre-ammoniaque qui contri-
buent Ă produire une fumĂ©e douce Ă lâarĂŽme naturel.»
[65] (BAT 1985)
35
Les additifs du tabac
Les additifs permettent Ă Philip Morris
dâutiliser des tabacs moins chers
«Les gens de PM affirment souvent publiquement que les additifs sont
importants pour maßtriser la composition chimique et le goût de la fu-
mée. On a entendu leurs acheteurs de tabac dire que les additifs sont
un des facteurs qui leur permettent dâacheter des tabacs moins chers. Les
produits dâenrobage («casings») sont un vĂ©hicule de choix pour mettre
en oeuvre de tels additifs.»
[66] (BAT 1985)
«Lâutilisation trĂšs rĂ©pandue de sucres dans les substances dâimprĂ©gnation
[du tabac] (adoptĂ©s Ă lâorigine pour des raisons dâacceptabilitĂ© par le
fumeur) ainsi que le fait que la plupart des marques qui ont été plébisci-
tées par les consommateurs contiennent des quantités non négligeables
de sucres, conduit certainement Ă penser que le taux de sucres est un
facteur de qualité important.»
[67] (BAT 1963)
La réglisse renforce le goût sucré du tabac
Selon BAT:
«Bien que chaque fabricant de tabac garde précieusement les secrets de
ses formulations dâimprĂ©gnation (et dâarĂŽmes), on sait que ces produits
contiennent souvent du sucre, de la réglisse, du cacao ou de la liqueur de
chocolat et parfois des extraits naturels. Parmi ces produits, la réglisse
mérite une mention particuliÚre. Tout comme le sucre est utilisé dans les
produits dâimprĂ©gnation du tabac pour adoucir et rendre la fumĂ©e plus
suave, la rĂ©glisse est utilisĂ©e comme additif pour adoucir les produits Ă
base de tabac. Le goût de la réglisse pour le fumeur est suave et sucré,
rappelle la fumée de bois, ce qui améliore considérablement le produit
final lorsque des dosages appropriés sont utilisés.»
[68] (BAT)
Les additifs peuvent ĂȘtre utilisĂ©s pour rehausser ou effacer lâarĂŽme
«Lâutilisation plus frĂ©quente de tabacs «reconstituĂ©s» prĂ©sente deux pro-
blĂšmes importants pour lâindustrie des arĂŽmes. Les tiges ont un fort taux
de nicotine. Vous avez un autre problĂšme avec ces tabacs que vous
36
Les additifs du tabac
nâavez pas avec les tabacs sĂ©lectionnĂ©s. Les tabacs reconstituĂ©s ont au
départ des caractéristiques défavorables. Donc vous avez un problÚme
double. Il vous faut supprimer un mauvais goĂ»t et neutraliser lâagressivitĂ©,
et il vous faut aussi restituer un bon arĂŽme. Donc, dans certains cas on
fabrique des «suppresseurs» - des arÎmes qui, en fait, neutralisent et di-
minuent un goût indésirable. Et par-dessus il faut ajouter des arÎmes
pour amener le produit Ă un niveau acceptable. Lâun efface, lâautre rĂ©Ă©-
crit.»
[69] (Tobacco Reporter 1979)
Le chocolat produit une meilleure sensation en bouche
«La feuille de tabac en elle-mĂȘme nâest pas suffisante. Donc, ce quâon
fait câest essayer «dâarrondir lâĂąpreté». On essaie par exemple des nuan-
ces de chocolat, cela donne une meilleure sensation lorsque la fumée
arrive en bouche, et câest pour cela quâon inclut ces additifs.»
[70]
(Tobacco Reporter 1979)
«Pour ce qui est de la rĂ©glisse, lâeffet de «lissage» est probablement dĂ»
à la glycyrrhizine, dont on connaßt les propriétés thérapeutiques anti-in-
flammatoires.»
[71] (BAT 1963)
La glycyrrhizine est un anti-inflammatoire efficace; câest aussi un bron-
chodilatateur et un cancérigÚne lors de la combustion. [72]
Le beurre de cacao rĂ©duit lâĂącretĂ© de la fumĂ©e
«Bien quâils ne soient pas concluants, les rĂ©sultats prĂ©sentĂ©s ici semblent
confirmer que le fait de traiter le tabac avec du beurre de cacao réduit
lâĂącretĂ© de la fumĂ©e.»
[73] (BAT 1967)
BAT ajoute environ 1250 tonnes de cacao par an Ă ses cigarettes.
«Jâai consultĂ© toutes les succursales et dâaprĂšs les rĂ©ponses, je considĂšre
que la Société utilise environ 1,25 millions de kilos de cacao par an
dans ses produits à base de tabac.»
[74] (BAT 1978)
37
Les additifs du tabac
4.1. L
ES
ADDITIFS
ET
LES
CIGARETTES
«
LĂGĂRES
» (
LOW
-
TAR
).
Les cigarettes dites «légÚres» (low-tar) sans additifs ont un faible attrait
«Les cigarettes lĂ©gĂšres sont largement perçues comme nâayant pas un
niveau acceptable dâarĂŽme. Lâattention se porte de plus en plus sur de
nouvelles mĂ©thodes dâincorporation dâarĂŽmes dans les cigarettes de
maniĂšre Ă rĂ©tablir un niveau dâarĂŽme acceptable.»
[75] (BAT 1982)
«Au fur et Ă mesure que lâon essaie dâabaisser les niveaux de goudrons
et de nicotine, des agents dâarĂŽme deviennent nĂ©cessaires pour rĂ©tablir
les qualités aromatiques.»
[76] (Tobacco Reporter 1979)
«Les fabricants de tabac cherchent à incorporer dans les cigarettes
«légÚres» (low-delivery) des éléments qui permettraient de compenser la
perte dâarĂŽme, et de rĂ©tablir en partie les niveaux dâarĂŽme dâun produit
fort (high-delivery).»
[77] (Tobacco Reporter 1979)
LâĂ©thique en causeâŠ
Bien que la perte de goût ait été une source de préoccupation, la prio-
ritĂ© a Ă©tĂ© de sâassurer que le fumeur continue de recevoir de la nicotine
en quantité suffisante.
«Les filtres «à compensation» (ou contournables):
Objectif stratĂ©gique: permettre aux fumeurs dâobtenir plus facilement ce
quâils recherchent dans la cigarette. Pratiquement, cela correspond Ă un
filtre qui permette au fumeur de compenser, et cela implique un ratio
goût/goudrons élevé.
Contraintes: est-ce que cette stratégie est éthique?»
[78] (BAT 1985)
Ceci revient à dire que la cigarette est conçue pour permettre au fumeur de
consommer un niveau de goudrons et de nicotine bien supérieur à celui enre-
gistré par les mesures réglementaires, effectuées par des machines à fumer.
38
Les additifs du tabac
4.2. Lâ
IMPACT
DES
PREMIĂRES
BOUFFĂES
La cigarette est conçue en fonction des vulnérabilités du fumeur
BAT utilise les additifs et la conception technique des cigarettes pour
répondre aux désirs, pour une grande part inconscients, du fumeur en
matiĂšre de consommation. La toute premiĂšre bouffĂ©e dâune cigarette
peut ĂȘtre manipulĂ©e techniquement pour avoir le plus gros impact, ce
qui soulage Ă la fois les symptĂŽmes de la privation de nicotine et donne
un goût plus agréable.
«Lâimpact des premiĂšres bouffĂ©es.
Objectif stratĂ©gique: dans une cigarette, amĂ©liorer le goĂ»t et lâarĂŽme
des premiÚres bouffées.
Cela part du principe quâil est probable que les fumeurs forment leur
opinion de la qualité de la cigarette au cours des toutes premiÚres bouf-
fĂ©es. On pense que le «besoin» de fumer est au plus fort lorsquâon allume
la cigarette.»
[79] (BAT 1985)
5. L
A
TOXICITĂ
DES
ADDITIFS
La réglementation assez limitée concernant les additifs du tabac a plutÎt
mis lâaccent sur la toxicitĂ© de lâadditif lui-mĂȘme. Elle sâest inspirĂ©e de la
réglementation en matiÚre alimentaire. Il est cependant tout à fait possi-
ble que la toxicitĂ© dâun additif lorsquâil est ingĂ©rĂ© comme aliment soit
diffĂ©rente de son effet lorsquâil est inhalĂ© dans la fumĂ©e. Il conviendrait
donc dâĂȘtre prudent dans lâĂ©valuation de lâefficacitĂ© de ces mesures de
protection, dont le champ est de toute façon limité.
«Comme le systĂšme respiratoire nâest pas dotĂ© des enzymes puissantes
et des voies métaboliques de détoxification présentes dans le systÚme
digestif, ces composĂ©s pourraient ĂȘtre nettement plus toxiques lorsquâils
sont inhalĂ©s que lorsquâils sont ingĂ©rĂ©s. La pyrolyse des additifs pourrait
aussi produire des composants toxiques nouveaux, conduisant par la
mĂȘme occasion Ă un risque accru pour la santĂ© du fumeur.»
[80] (Con-
nolly, Lymperis, 1998)
39
Les additifs du tabac
La coumarine
Les inquiĂ©tudes sur les effets toxiques dâun des agents dâarĂŽme, la cou-
marine (connue pour provoquer des lésions hépatiques sévÚres) ont
commencé à émerger à la fin des années cinquante. Les fabricants de
cigarettes ont de leur plein gré enlevé la coumarine de la liste des ad-
ditifs autorisés en septembre 1997. Bien que la controverse date de
bientÎt quatre décennies, elle permet de rappeler la tendance dans
lâindustrie du tabac dans son ensemble Ă faire passer les ventes avant
le souci de la santé du consommateur.
«En attendant, nous avons pensĂ© quâil vous intĂ©resserait de savoir quâen
Amérique [USA] les fabricants de tous les produits alimentaires destinés
Ă la consommation humaine ont renoncĂ© Ă lâutilisation de la coumarine
entre 1953 et 1954 jusquâĂ ce que des tests et des recherches adĂ©-
quats permettent dâaffirmer que lâutilisation de la coumarine ne porte pas
atteinte Ă la santĂ©â»
[81] (BAT 1959)
Les fabricants de cigarettes ont été soumis à un cadre législatif relativement
libĂ©ral, justifiĂ© en partie par lâidĂ©e que lâindustrie devrait sâautorĂ©guler. Cepen-
dant, il apparaĂźt clairement quâil y a peu de chance pour quâelle le fasse.
BAT recherche des agents cancérigÚnes dans ses additifs
«LâactivitĂ© mutagĂšne des composĂ©s dâarĂŽme: environ 270 composĂ©s
ont Ă©tĂ© analysĂ©s pour dĂ©celer une activitĂ© mutagĂšne par le test dâAmesâŠ
Dans ces tests un nombre non nĂ©gligeable dâagents dâarĂŽme se sont
avĂ©rĂ©s ĂȘtre mutagĂšnesâŠ
LâacĂ©taldĂ©hyde: câest un mutagĂšne positif, toxique pour lâembryon, tĂ©ra-
togĂšne, et il provoque des tumeurs des voies respiratoires par inhalation
chez le hamster.
Le furfural: cette substance a été clairement confirmée comme mutagÚne
dans des travaux complĂ©mentaires, et, en association avec dâautres
substances cancérigÚnes du systÚme respiratoire, comme par exemple
le benzopyrĂšne, il est possible quâil agisse de maniĂšre conjointe pour
augmenter la fréquence des tumeurs.
40
Les additifs du tabac
LâacĂ©tate de furfural: les travaux de Mortelmans et collĂšgues sont les seuls
à avoir été menés sur le caractÚre mutagÚne de cette substance. Toutefois,
les expĂ©riences menĂ©es sur le furfural et lâalcool de furfural semblent indi-
quer une réactivité mutagÚne pour cette famille de composés.
Le maltol: lâactivitĂ© mutagĂšne de cette substance est confirmĂ©e par
dâautres Ă©tudes in vitro. Toutefois, il ne semble pas que ce composĂ© ait
été étudié in vivo.
LâO-mĂ©thoxycinnamaldĂ©hyde: cette substance a le potentiel dâĂȘtre can-
cérigÚne.
Recommandations:
LâacĂ©taldĂ©hyde, le furfural et lâacĂ©tate de furfuralâŠ. Si ces agents doi-
vent ĂȘtre ajoutĂ©s au tabac, il semblerait prudent dâexaminer les niveaux
Ă respecter Ă la lumiĂšre des donnĂ©es ci-dessus. Pour le maltol et lâO-
méthoxycinnamaldéhyde, il y a des indications tendant à démontrer un
effet cancérigÚne potentiel pour ces agents. Encore une fois, ceci con-
duit Ă rĂ©viser lâutilisation de tels agents pour la consommation humaine.»
[82] (BAT 1986)
Le dilemme: réduire la toxicité ou réduire les ventes?
Il semble bien que les fabricants de tabac ne réalisent pas un contrÎle
interne satisfaisant sur les additifs potentiellement nocifs:
«Nous sommes tout Ă fait conscients que lâEugĂ©nol est un phĂ©nol. Nous
sommes Ă©galement dâaccord avec vous sur le fait que les phĂ©nols ont
mauvaise presse actuellement.»
«En fait cela se résume à nous poser la question suivante: sommes-nous
prĂȘts Ă accepter des moyens peut-ĂȘtre un peu indĂ©sirables pour arriver
à des fins désirables?»
«Voici oĂč nous en sommes: alors quâil nây aurait pas de raison de craindre
des risques sanitaires Ă utiliser de lâEugĂ©nol si la question des phĂ©nols nâavait
jamais été soulevée, le fait que cette question ait effectivement été soulevée
nous oblige Ă en tenir compte, puisque lâEugĂ©nol est un phĂ©nol.»
41
Les additifs du tabac
«Les données chimiques obtenues sont-elles suffisantes pour justifier la
commercialisation immédiate de cette cigarette, sous réserve de la mise
en oeuvre dans un dĂ©lai raisonnable de travaux dâanalyses chimiques
et/ou biologiques?»
[83] (BAT 1982)
6. C
HANGER
LA
PERCEPTION
DE
LA
FUMĂE
DE
TABAC
DANS
L
â
AIR
AMBIANT
Des additifs destinés à réduire les effets perceptibles de la fumée
dans lâair ambiant
Des additifs sont également utilisés pour masquer les effets de la fumée
de tabac «ambiante» ou «passive» (celle qui sâĂ©chappe de la cigarette
sans ĂȘtre inhalĂ©e par le fumeur), avant tout pour amĂ©liorer lâimage nĂ©ga-
tive du tabagisme, de maniĂšre Ă Ă©liminer certaines pressions sociales
qui font que les fumeurs sont davantage poussĂ©s Ă sâarrĂȘter de fumer.
Cette fumée «passive» ou «ambiante» constitue un gros problÚme pour
lâindustrie du tabac. Depuis les annĂ©es 1970, il y a une accumulation
de preuves scientifiques pour affirmer que lâexposition Ă la fumĂ©e de
lâatmosphĂšre ambiante prĂ©sente un risque important pour la santĂ© (pour
ne parler que du Royaume-Uni, on considĂšre que plusieurs centaines de
dĂ©cĂšs par an peuvent lui ĂȘtre attribuĂ©s)[84]. Cette dĂ©couverte a eu un
effet trÚs important sur la «pensée politique» en matiÚre de tabagisme:
lâenjeu nâĂ©tait plus celui dâun choix personnel mais celui dâune responsa-
bilitĂ© sociale. De plus, cela a encouragĂ© de plus en plus de fumeurs Ă
revoir leur position.
La rĂ©ponse de lâindustrie du tabac a Ă©tĂ© double: il y a eu dâabord des
recherches visant Ă trouver des preuves pour invalider les conclusions
sur le risque pour la santĂ© que constitue lâexposition Ă la fumĂ©e «passi-
ve»; ensuite, des additifs chimiques ont été identifiés pour réduire la
mauvaise perception sociale de la tabagie, ainsi que lâirritation provo-
quĂ©e par la fumĂ©e chez les non-fumeurs, de maniĂšre Ă ce quâil leur soit
plus difficile de lâĂ©viter ou de la critiquer. Il y a eu Ă©galement des tenta-
42
Les additifs du tabac
tives pour réduire la quantité globale de fumée «passive» ou «environne-
mentale» produite, mais il reste que la préoccupation principale a bien
été de modifier la perception de la fumée plutÎt que ses propriétés.
Choisir le résultat et ensuite chercher la preuve
«Les objectifs stratégiques [des recherches sur la fumée passive] sont
toujours:
1. développement de cigarettes avec des rendements en fumée «passi-
ve» plus faibles, et/ou avec moins dâodeur et provoquant moins dâir-
ritation,
2. conduite de recherches pour anticiper ou pour réfuter les thÚses por-
tant sur les effets de la fumée passive sur la santé.»
[85] (BAT
1984)
Réduire la visibilité de la fumée «ambiante»
pourrait augmenter sa toxicité
«On a considĂ©rĂ© quâil serait prudent de sâassurer que la SociĂ©tĂ© [le fa-
bricant] puisse dĂ©montrer quâil nây a pas dâeffets indĂ©sirables en matiĂšre
de toxicité de la fumée «ambiante» pour un produit conçu pour que
cette fumée soit moins visible »
[86] (BAT 1984)
Il est possible que les travaux visant à diminuer la visibilité de la fumée
environnementale et passive conduisent en fait Ă en augmenter globale-
ment la toxicité.
Des additifs utilisĂ©s pour Ă©viter que les fumeurs ne sâarrĂȘtent de
fumer suite aux pressions sociales
«âŠpour prĂ©venir une diminution potentielle du volume des ventes en
raison des pressions sociales que subissent les fumeurs dans les lieux
publics et au travail, en leur proposant un produit qui renforce leur assu-
rance à fumer en public, et leur assure du goût et de la satisfaction.»
[87] â(BAT 1984)
«Des recherches sur des additifs de combustion alternatifs qui réduisent
la fumĂ©e ambiante visible: Ă la suite de ces Ă©tudes, lâacĂ©tate de sodium
43
Les additifs du tabac
a été employé à la place du citrate tri-potassique dans des papiers pro-
duisant de la fumée ambiante à visibilité réduite⊠Les sels de potassium
donnent des réductions plus importantes de la visibilité de la fumée am-
biante.»
[88] (BAT 1987)
«On a constatĂ© quâun papier Ă cigarettes additionnĂ© de Ca(OH)2 don-
ne une fumée ambiante à visibilité réduite⊠On a remarqué que les
cigarettes fabriquées avec du papier traité conféraient à la fumée pas-
sive un arÎme plus agréable et la rendait moins irritante que des ciga-
rettes dont le papier nâavait pas Ă©tĂ© traitĂ©. De plus, le goĂ»t de la fumĂ©e
inhalĂ©e par le consommateur lui-mĂȘme Ă©tait changĂ©, paraissant plus
douce que celle produite avec des papiers non traités.»
[89] (BAT
1983)
BAT rĂ©duit la visibilitĂ© mais ne sâintĂ©resse pas Ă la toxicitĂ©
«Maßtrise de la fumée: réduction de la fumée passive ou ambiante: Visi-
bilité: RD&E est intéressé par des travaux concernant la réduction de la
fumĂ©e environnementale, mais ne lâest pas par des essais biologiques
sur les produits obtenus. David sâen expliquera Ă Allen Herd et lui de-
mandera si des protocoles peuvent ĂȘtre menĂ©s en se passant dâessais
ou de tests biologiques.»[90] (BAT 1986)
Il semblerait que si la réduction de la visibilité de la fumée passive est
bien une question perçue comme importante, celle de la toxicité des
Ă©manations rĂ©sultantes ne lâest pas.
44
Les additifs du tabac
7. R
ĂFĂRENCES
0
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Les additifs du tabac
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90. BAT February 17th, 1986, See the Cigarette Papers by Stanton Glantz et al p245.
46
Les additifs du tabac
AprĂšs
Les avantages dâarrĂȘter de fumer
8 heures
LâoxygĂ©nation du sang revient Ă la normale.
Les risques dâinfarctus du myocarde commencent dĂ©jĂ Ă diminuer.
24 heures
Le monoxyde de carbone est éliminé du corps. Vous avez meilleure haleine.
Les poumons commencent Ă Ă©liminer les mucus et les goudrons.
Le risque dâinfections respiratoires, type bronchites et pneumonies, commence
déjà à baisser.
48 heures
La nicotine nâest plus dĂ©tectable dans le sang.
1 semaine
Le sens du goĂ»t et de lâodorat sâamĂ©liorent.
3-9 mois
La respiration sâamĂ©liore (moins de toux, davantage de souffle).
La fonction pulmonaire est augmentée de 5 à 10%
1 année
Le risque de maladies du cĆur (p. ex. infarctus) est rĂ©duit de moitiĂ©.
5 ans
Le risque dâattaque cĂ©rĂ©brale est rĂ©duit de moitiĂ©.
Le risque de cancer de la bouche, de lâĆsophage et de la vessie sont rĂ©duits
de moitié
10 ans
Le risque de cancer du poumon est réduit de moitié.
Le risque dâaccident vasculaire cĂ©rĂ©bral («attaque» cĂ©rĂ©brale) rejoint le niveau
de risque des non-fumeurs.
15 ans
Le risque de maladies du cĆur (p. ex. infarctus) rejoint celui des non-fumeurs.
La mortalité (toutes causes confondues) rejoint quasiment celle des personnes
qui nâont jamais fumĂ©.
L
ES
BĂNĂFICES
Ă
COURT
,
MOYEN
ET
LONG
TERME
D
â
UNE
VIE
SANS
FUMĂE
47
Les additifs du tabac
V
OICI
10
RĂGLES
D
â
OR
POUR
RĂUSSIR
Ă
ARRĂTER
DE
FUMER
Fixez une date dâarrĂȘt
et respectez-la.
1
Utilisez un subsitut nicotinique (patch, gomme Ă mĂą-
cher, tablette, inhalateur de nicotine) ou prenez du
bupropion. Ces produits atténuent les symptÎmes
de manque (besoin impérieux de fumer, déprime,
anxiété, irritabilité, insomnies, difficultés de concen-
tration, prise de poids, appétit augmenté) et multi-
plient par deux vos chances de succĂšs.
Sâhabituer Ă vivre sans
tabac peut prendre
du temps et peut de-
mander plusieurs ten-
tatives. Il est normal
de sây prendre Ă plu-
sieurs fois.
AprĂšs lâarrĂȘt, Ă©vitez absolument de re-
prendre une cigarette, mĂȘme une seule
bouffée de tabac: le risque de rechute est
trop important
2
DĂ©barassez-vous de toutes vos cigarettes,
briquets et cendriers.
3
Ecrivez la liste des incon-
vénients du tabac et des
bĂ©nĂ©fices de lâarrĂȘt, et reli-
sez-la pour vous motiver.
4
5
Demandez aux autres
de ne pas fumer en
votre présence. Les
premiĂšres semaines,
Ă©vitez les endroits oĂč
lâon fume.
6
Obtenez du soutien. Avertis-
sez votre entourage que
vous avez arrĂȘtĂ© de fumer.
Demandez leur dâĂȘtre pa-
tients et de vous soutenir.
Voyez un médecin. Obtenez
de lâaide par tĂ©lĂ©phone au
0848.88.77.88.
Visitez le site Stop-tabac.ch.
7
Changez de routine
pour Ă©viter les en-
droits et les situations
oĂč vous aviez lâhabi-
tude de fumer ainsi
que les personnes
avec qui vous fumiez
8
Utilisez des activités de diversion pour faire
face au besoin urgent de fumer (p. ex. se pro-
mener, boire de l âeau, chewing-gum). Le be-
soin urgent de fumer ne dure que 3 Ă 5 minu-
tes, il suffit dâattendre que ça passe.
9
10
Faculté de Médecine
Institut de Médecine Sociale et Préventive
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fumer. Vous pouvez les commander directement sur www.stop-tabac.ch (sous Documents) ou
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STADE
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TITRE DE LA BROCHURE
1-Indétermination
Vous nâenvisagez pas sĂ©rieusement dâarrĂȘter de fumer
Et si jâarrĂȘtais de fumer?
2-Intention
Vous envisagez sĂ©rieusement dâarrĂȘter de fumer dans les 6 prochains mois
Jâenvisage dâarrĂȘter de fumer
3-Préparation
Vous avez dĂ©cidĂ© dâarrĂȘter de fumer dans les 30 prochains jours
Câest dĂ©cidĂ©, jâarrĂȘte de fumer!
4-Action
Vous avez arrĂȘtĂ© de fumer depuis moins de 6 mois
Je viens dâarrĂȘter de fumer
5-Consolidation
Vous avez arrĂȘtĂ© de fumer depuis plus de 6 mois
Ex-fumeurs: persévérez
Rechute
Vous avez recommencĂ© Ă fumer aprĂšs une tentative dâarrĂȘt
Jâai recommencĂ© Ă fumer
Les femmes et le tabac
Et si câĂ©tait mieux sans
Les additifs chimiques dans les cigarettes et leurs effets sur la dépendance
et sur la santé
Les additifs du tabac
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Une étude américaine a classé Stop-tabac.ch parmi les 5 meilleurs sites internet pour
arrĂȘter de fumer (Nicotine & Tobacco Research 2004;6:207).
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Avec le soutien du DĂ©partement de lâAction Sociale
et de la Santé, GenÚve.
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