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vendredi 27 avril 2007 Imprimer cet article | Cet article au format PDF 1969 : le ministre de l’intérieur Raymond Marcelin, dans le but de réduire les fraudes dans les bureaux de vote en Corse et dans les banlieues parisiennes, se dit que la machine à écrire ayant été inventée depuis fort longtemps, il serait peut être temps de contrôler les votes à l’aide d’un machine à voter. L’objet, presque entièrement mécanique, sous le coup de pannes répétées et de fraudes non diminuées, tombe rapidement en désuétude, mais la modification faite au code électoral reste. Il est utilisé de temps en temps pour tests dans une ville ou une autre, mais les tests étant peu satisfaisant, le principe n’est pas repris. Le lecteur assoiffé de détail sur cette période se rendra sur cette page dont le contenu ne semble pas toujours avoir été vérifié. 2003 : Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur, redécouvre dans le code électoral cette possibilité qui lui est donné d’agréer des machines à voter. Sans que nous puissions déterminer la motivation de son geste, il demande à ses services de rédiger une nouvelle procédure d’agrément permettant d’utiliser les belles machines qu’il a vu en fonction en Floride et qui ont généré tant de publicité dans le monde entier. Enorme avantage de ces nouvelles machines : elles sont informatiques. Adieux les pannes mécaniques, le processeur est roi. Les spécifications sont drastiques : la machine doitpouvoir résister à une chute de plusieurs mètres de haut, survivre à une étuve impitoyable, rebondir sous les doigts les plus lourds ! Et le logiciel vous demandez vous ? C’est pourtant l’élément au centre d’un ordinateursans lequel aucun processeur ne saurait fonctionner, n’est-ce pas ? Et bien non, rien n’est prévu dans cet agrément pour détecter les failles de sécurité et il n’imposemême pas d’examiner les programmes, comme le souligne Chantal Enguehard, chercheuse en informatique de l’université de Nantes, dans ses travaux publiés le 6 avril 2006 2004-2005 : TemPS réels et le VOV (Virtueller Ortsverein), les sections Internet du PS français et du SPD allemand, avaient, en 2004, adressé au PSE une contribution, également signée par deux eurodéputés belges et le directeur de la FIPR (Foundation for information policy research). Cette contribution, européenne dans son contenu mais aussi dans son mode d’élaboration, attire l’attention sur la nécessité pour les socialistes de mettre en place un moratoire sur le vote électronique dans son chapitre 7.
Protection de la vie privée, équilibre entre droit d’auteur et droits du public, liberté d’expression, interopérabilité, utilisation d’Internet par les syndicats, Europe du logiciel : voici les principaux enjeux en matière de technologies de l’information dont la gauche européenne doit se saisir. Souscrivant au diagnostic et aux orientations formulés dans ce document, nous soumettons cette contribution « 100% européenne » à la réflexion des socialistes français. Juin 2005 : élections de l’Assemblée des Français de l’Étranger, deux associations représenatives des Français à l’étranger commandent à deux personnalités réputées, Bernard Lang et Francois Pelegrini, un rapport contradictoire sur l’utilisation du vote électronique. Il s’agit là, non pas de l’utilisation de machines à voter, mais tout bonnement de vote
par internet. Le rapport des deux experts arrive aux mêmes conclusions : ce vote électronique est un danger pour la démocratie.
2005 : Pierre Muller, un Informaticien, découvre le problème et décide de fonder l’association Recul Démocratique, depuis renommé Ordinateurs de Vote. Pourquoi n’est-cequ’en 2005 que l’on commenceà soulever le problème ? Aucune publicité n’est faite de la procédure d’agrément et le sujet n’apparaît enfin que lors dedu vote des Français à l’étranger cité plus haut. Il faut donc attendre 2005 pour que quelques personnes commencent à s’émouvoir des risques que pourraient engendrer ces machines à voter, devenues entre-temps ordinateurs.
Septembre 2006 : Patrick Bloche, Député PS, pose une série de questions au gouvernement en séance :
Le gouvernement répond sans ambages que tout va bien, mais c’est peut-être ce qui commence à ouvrir le débat.
Février 2007 : l’association Ordinateurs de Vote lance une pétition pour le maintient duvote papier qui a dépassé ajourd’hui les 80 000 signataires. C’est la diffusion par internet de cette pétition qui commence à ameuter les foules. Février 2007 : André Santini, député et maire d’Issy-les-Moulineaux, décide de faire voter
l’achat de 60 machines à voter pour sa commune, malgré les protestations de Laurent Pieuchot, conseiller municipal PS, soutenu par l’ensemble des partis d’opposition de lacommune, y compris certains membres de l’UMP et UDF, qui se sont renseignés. La mairie valide tout de même l’achat des machines. Dans un certain nombre d’autres communes, les maires décident de procéder à l’achat de ces machines sans même soumettre la question au conseil municipal, comme c’est le cas à Colombes d’après Michèle Etcheberry, présidente des élus socialistes de Colombes.
Mars 2007 : le bureau national du PS demande un moratoire sur les machines à voter, toutcomme l’ont fait les Verts, le PC de José Bové et l’UDF. Le Conseil Constitutionnel réplique en publiant un communiqué de presse signalant que tout va bien, les machines sontagrées. C’est sur ce communiqué, qui n’a aucune valeur juridique, que s’appuieront ensuite Mairies, Juges et Préfectures pour répéter que tout va bien.
2 avril 2007 : que le site Betapolitique décide de réagir en publiant un article invitant lesélecteurs à faire porter un certain nombre de remarques sur le procès verbal des bureaux de vote utilisant une machine à voter. Cet article est rapidement repéré par Gilles Guglielmi, professeur de droit Constitutionnel et d’autres avocats ou juristes qui proposent,par commentaires interposés, d’utiliser la procédure de référé-liberté auprès des Tribunaux Administratifs pour leur demander de se prononcer sur l’illégalité des machines à voter au regard des remarques proposées sur l’article. 4 au 10 avril 2007 : Publication d’un premier référé type, avec un formulaire de remplissage automatique, puis rapidement après un second, plus spécifique aux machines à voter de type iVotronic, utilisé notamment à Issy-Les-Moulineaux.
De nombreux électeurs de toute la France, indignés, s’emparent des formulaires et dansde nombreuses villes, des plaintes sont déposées. C’est notamment le cas d’Issy-les- Moulineaux ou des électeurs décident d’organiser une journée d’information publique surla place de la mairie où ils collectent de nombreuses signatures pour la pétition d’Ordinateur de Vote et de nombreuses plaintes qui seront déposées collectivement. 17 Avril : Dépot collectif de plaintes au Tribunal de Versailles, accompagnées par de nombreux médias. C’est le début d’une reprise générale du problème par l’ensemble de lapresse, des radios et de la plupart des télévision. Le premier objectif est atteint, le publicest informé. Coïncidence ? C’est ce même jour qu’Issy-les-moulineaux change de machines en catastrophe, le modèle acheté n’ayant pas été agréé, contrairement aux affirmations précédentes du maire.
18 au 20 avril : Les mairies et les préfectures multiplient les communiqués se voulant rassurant. André Santini va même jusqu’à attaquer deux détracteurspour avoir diffusé un tract invitant à faire porter desremarques sur les procès verbaux. La justice lui donne pour l’instant raison... Les tribunaux, rejettent les plaintes, allant jusqu’à condamner les plaignants à payer lesfrais de justices (ce ne fut heureusement le cas qu’une seule fois à Courdimanche). Apparemment, l’illégalité présentée des machines à voter ne constituerait pas une raison suffisante pour constituer une entrave à la liberté de vote. Pourvois en cassation, appels,
nouvelles plaintes, à l’heure ou ces lignes sont rédigées, la bataille juridique continue, etelle risque d’être longue.
22 avril et après : Le premier tour des élections présidentielles a lieu. Dans la plupart desvilles dans lesquelles des machines à voter sont utilisées, des incidents sont à déplorer : décompte de voix incorrects, queues interminables, personnes en difficulté pour voter. Les ordinateurs de votes sont pris en défaut là où ils peuvent l’être, c’est à dire là où ils ontété mal conçu de façon visible. Vendus pour simplifier le processus de vote, ils l’alourdissent en fait, poussant de nombreuses mairies à suspendre leur utilisation en réponse auplainte reçues de leur électorat. Mais leur principal vice de conception réside en fait dansl’absence totale de traçabilité et de transparence qu’ils offrent. Un isoloir, une urne transparente, un bulletin et une enveloppe, voilà qui peut être compris par n’importe qui. Unprocesseur, une mémoire, un logiciel : qui peut vérifier que ce que l’on vote est bien ce quiest retranscrit ?
25 avril : Le Conseil Constitutionnel publie un nouveau communiqué : oui les machines à voter ont posé des problèmes de délais et autres, mais en fait, non ces machines ne sontpas la source des problèmes. Peu de réclamations on été reçues : on dirait que cela nereflète pas les forums. En fait, personne ne sait ce que le Conseil constitutionnel a reçu comme protestations La suite de l’histoire reste à venir, mais espérons que le gouvernement décidera bientôt d’un moratoire. Nicolas Barcet - Avril 2007
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