I HISTORIQUE
"En France, tout le monde adore la musique, mais personne ne l’aime."
Hector Berlioz
A L’Enseignement musical spécialisé sous l’Ancien Régime
L’enseignement musical spécialisé tel que nous le connaissons,
découle directement de la Révolution Française. Sous
l’Ancien Régime, cet enseignement était confié aux
quelques 450 Maîtrises attachées aux cathédrales et
aux chapitres et réparties sur l’ensemble du territoire français.
La fonction de ces Maîtrises étant exclusivement religieuse,
leur enseignement avait pour but de former les musiciens et les ensembles
instrumentaux qui officieraient lors des divers services religieux. Mais
elles dispensaient aussi un enseignement général à
ces futurs musiciens.
B La révolution française et le plan Sarette
La Révolution, profondément anticléricale n’eut
rien de plus pressé que de fermer toutes ces Maîtrises entre
1790 et 1792.
En 1795, Bernard Sarette propose un ambitieux projet pour équiper
la France d’un vaste système d’enseignement musical spécialisé,
mais qui ne sera que très partiellement appliqué. En fait,
une seule idée de son plan sera conservée: la création
d’un "Conservatoire National de Musique" installé à Paris.
Les raisons sont uniquement économiques. En effet, le budget des
Maîtrises de l’Ancien Régime était de l’ordre de 15
à 20 millions de francs. La création de cet unique Conservatoire
ne coûta, elle, que 500 000 francs.
Ce choix d’une centralisation extrême et aveugle aux nécessités
d’un enseignement musical qui ne peut se contenter d’un seul établissement,
va orienter toute l’organisation de l’enseignement de la musique jusqu’à
aujourd’hui.
C Le développement de l’enseignement musical spécialisé
à partir du XIXème siècle
Ainsi, tout au long du XIXème siècle, des municipalités
et des personnes privées prirent sur elles de créer des établissements
afin de répondre à une demande réelle de la part de
la population et de ce fait, prennent à leur charge l' enseignement
de la musique dont l’Etat refuse de s’occuper et que l'Education Nationale
ne dispense pas. C’est ainsi que Douai (en 1806), Lille (en 1816), Roubaix
(1820) et Toulouse (1821) furent les premières d’une très
longue liste de villes à se doter d’écoles de musique.
De son côté, Niedermeyer ouvre son école en 1854,
Alexandre Guilmant crée la Schola Cantorum en 1894 et c’est en 1919
qu’Alfred Cortot et Auguste Mangeot fondent l’Ecole Normale de Musique
de Paris qui est aussi, comme son nom ne l’indique pas, un établissement
privé.
Quelques unes des écoles créées par des villes
reçurent le titre de "nationales", et l’Etat leur accorda un crédit
de 10'000 francs. C’est à partir de ce moment que l’on peut constater
les effets pervers de ce système qu’aucune réforme n’a modifiés
à ce jour: le contrôle pédagogique était confié
à un inspecteur général, mais la charge de l’établissement
revenait à 80% à la municipalité. Et cette charge
s’alourdissait d’année en année, créant un véritable
fossé entre les aides de l’Etat (140'000F en 1930) et le budget
alloué par les villes à ces écoles (6'000'000 F à
la même époque).
D Le plan Landowski et l’essor des écoles de musique
En 1966, le compositeur Marcel Landowski se voit confier par André
Malraux, alors Ministre de la Culture, la Direction de la Musique et de
la Danse (DMD). Il fut la première personnalité musicale
à avoir la possibilité de réorganiser l’enseignement
musical en le confiant à l’Etat (même si les moyens nécessaires
à une telle réforme auraient été colossaux),
mais il a préféré entériner une situation de
fait qui perdurait depuis plus de 150 ans en plaçant cet enseignement
sous la responsabilité des seules collectivités territoriales.
L’enseignement musical n’ayant jamais fait partie des priorités
des décideurs politiques nationaux (qui ont, il est vrai, une véritable
carence culturelle à cet égard), l’Etat s’est entièrement
déchargé de cet enseignement pour le laisser au bon vouloir
des élus locaux.
Ce choix aura des conséquences néfastes pour l’ensemble
de ce secteur. Le summum de l’hypocrisie sera la conservation par le Ministère
de la Culture du contrôle de la qualité de l’enseignement
prodigué par ces établissements.
Il semble évident que l’Education Nationale fut peu encline
à encourager l’épanouissement d’un enseignement sur lequel
elle n’avait aucune prise et qui risquait de menacer son monopole sur la
délivrance des diplômes puisqu’elle venait justement de mettre
en place les premières universités de musicologie (ce qui
est cocasse lorsque l’on sait que les Universités de Musicologie
font appel à des professeurs de Conservatoire pour enseigner
les disciplines trop techniques pour ses enseignants, comme l’écriture
musicale, le solfège ou la pratique instrumentale, et que l’accès
aux Universités de Musicologie nécessite des connaissances
acquises uniquement dans les écoles de musiques).
Depuis la fin des années 60, nous avons pu assister à
un essor important des écoles de musique. Celui-ci s’est accompagné
de réformes pédagogiques et statutaires décidées
par le Ministère de la Culture à la suite de la décentralisation
de 1982; les réformes pédagogiques n’ont pas apporté
grand chose puisqu’elles étaient à peu près inapplicables;
quant aux réformes statutaires, elles n’ont fait que fragiliser
la profession d’enseignant.
A ce développement des écoles de musique traditionnelles,
s’est ajoutée par ailleurs la création d’associations pour
l’enseignement des musiques actuelles.
C’est donc à une situation extrêmement complexe que ces
quelques faits historiques nous ont menés; une situation dans laquelle
se côtoient plusieurs types d'établissements d'enseignement
musical spécialisé que nous allons découvrir ensemble.
A suivre...
Mathieu Alvado