Article | Dossier pédagogique
l'enseignement musical spécialisé en france (1ère partie)
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Où apprendre la musique en France? Cette question qui paraît simple est en fait d'une redoutable difficulté puisqu'elle peut varier du tout au tout en fonction des raisons qui nous poussent à étudier la musique, ou plutôt, devrait-on dire, les musiques. Et, pour répondre à cette demande, il existe une multitude d'établissements proposant de nombreuses pratiques musicales. Le but de ce dossier est donc de vous faire découvrir cet univers complexe et mal connu de l'enseignement musical spécialisé, un univers dont les origines remontent à la Révolution française.
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I HISTORIQUE

"En France, tout le monde adore la musique, mais personne ne l’aime."  Hector Berlioz

A L’Enseignement musical spécialisé sous l’Ancien Régime

L’enseignement musical spécialisé tel que nous le connaissons, découle directement de la Révolution Française. Sous l’Ancien Régime, cet enseignement était confié aux quelques 450 Maîtrises attachées aux cathédrales et aux chapitres et réparties sur l’ensemble du territoire français.
La fonction de ces Maîtrises étant exclusivement religieuse, leur enseignement avait pour but de former les musiciens et les ensembles instrumentaux qui officieraient lors des divers services religieux. Mais elles dispensaient aussi un enseignement général à ces futurs musiciens.
 

B La révolution française et le plan Sarette

La Révolution, profondément anticléricale n’eut rien de plus pressé que de fermer toutes ces Maîtrises entre 1790 et 1792.
En 1795, Bernard Sarette propose un ambitieux projet pour équiper la France d’un vaste système d’enseignement musical spécialisé, mais qui ne sera que très partiellement appliqué. En fait, une seule idée de son plan sera conservée: la création d’un "Conservatoire National de Musique" installé à Paris. Les raisons sont uniquement économiques. En effet, le budget des Maîtrises de l’Ancien Régime était de l’ordre de 15 à 20 millions de francs. La création de cet unique Conservatoire ne coûta, elle, que 500 000 francs.
Ce choix d’une centralisation extrême et aveugle aux nécessités d’un enseignement musical qui ne peut se contenter d’un seul établissement, va orienter toute l’organisation de l’enseignement de la musique jusqu’à aujourd’hui.
 

C Le développement de l’enseignement musical spécialisé à partir du XIXème siècle

Ainsi, tout au long du XIXème siècle, des municipalités et des personnes privées prirent sur elles de créer des établissements afin de répondre à une demande réelle de la part de la population et de ce fait, prennent à leur charge l' enseignement de la musique dont l’Etat refuse de s’occuper et que l'Education Nationale ne dispense pas. C’est ainsi que Douai (en 1806), Lille (en 1816), Roubaix (1820) et Toulouse (1821) furent les premières d’une très longue liste de villes à se doter d’écoles de musique.
De son côté, Niedermeyer ouvre son école en 1854, Alexandre Guilmant crée la Schola Cantorum en 1894 et c’est en 1919 qu’Alfred Cortot et Auguste Mangeot fondent l’Ecole Normale de Musique de Paris qui est aussi, comme son nom ne l’indique pas, un établissement privé.
Quelques unes des écoles créées par des villes reçurent le titre de "nationales", et l’Etat leur accorda un crédit de 10'000 francs. C’est à partir de ce moment que l’on peut constater les effets pervers de ce système qu’aucune réforme n’a modifiés à ce jour: le contrôle pédagogique était confié à un inspecteur général, mais la charge de l’établissement revenait à 80% à la municipalité. Et cette charge s’alourdissait d’année en année, créant un véritable fossé entre les aides de l’Etat (140'000F en 1930) et le budget alloué par les villes à ces écoles (6'000'000 F à la même époque).
 

D Le plan Landowski et l’essor des écoles de musique

En 1966, le compositeur Marcel Landowski se voit confier par André Malraux, alors Ministre de la Culture, la Direction de la Musique et de la Danse (DMD). Il fut la première personnalité musicale à avoir la possibilité de réorganiser l’enseignement musical en le confiant à l’Etat (même si les moyens nécessaires à une telle réforme auraient été colossaux), mais il a préféré entériner une situation de fait qui perdurait depuis plus de 150 ans en plaçant cet enseignement sous la  responsabilité des seules collectivités territoriales. L’enseignement musical n’ayant jamais fait partie des priorités des décideurs politiques nationaux (qui ont, il est vrai, une véritable carence culturelle à cet égard), l’Etat s’est entièrement déchargé de cet enseignement pour le laisser au bon vouloir des élus locaux.
Ce choix aura des conséquences néfastes pour l’ensemble de ce secteur. Le summum de l’hypocrisie sera la conservation par le Ministère de la Culture du contrôle de la qualité de l’enseignement prodigué par ces établissements.
Il semble évident que l’Education Nationale fut peu encline à encourager l’épanouissement d’un enseignement sur lequel elle n’avait aucune prise et qui risquait de menacer son monopole sur la délivrance des diplômes puisqu’elle venait justement de mettre en place les premières universités de musicologie (ce qui est cocasse lorsque l’on sait que les Universités de Musicologie font appel à des professeurs de Conservatoire  pour enseigner les disciplines trop techniques pour ses enseignants, comme l’écriture musicale, le solfège ou la pratique instrumentale, et que l’accès aux Universités de Musicologie nécessite des connaissances acquises uniquement dans les écoles de musiques).

Depuis la fin des années 60, nous avons pu assister à un essor  important des écoles de musique. Celui-ci s’est accompagné de réformes pédagogiques et statutaires décidées par le Ministère de la Culture à la suite de la décentralisation de 1982; les réformes pédagogiques n’ont pas apporté grand chose puisqu’elles étaient à peu près inapplicables; quant aux réformes statutaires, elles n’ont fait que fragiliser la profession d’enseignant.
A ce développement des écoles de musique traditionnelles, s’est ajoutée par ailleurs la création d’associations pour l’enseignement des musiques actuelles.
 

C’est donc à une situation extrêmement complexe que ces quelques faits historiques nous ont menés; une situation dans laquelle se côtoient plusieurs types d'établissements d'enseignement musical spécialisé que nous allons découvrir ensemble.

A suivre...

Mathieu Alvado

Ce texte a été mis en ligne le 25 avril 2005 à 01:44:56 et a été consulté la dernière fois le 23 novembre 2005 à 07:25:48 (584)
auteur:
Mathieu Alvado
publié le:
25 avr. 2005 - 01h44
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