A Présentation des Universités de musicologie
De création très récente (1969), des départements
de musicologie ou de "musique et musicologie" ont été incorporés
aux Universités de lettres, d’art ou de sciences humaines. Ces rattachements
maladroits montrent la difficulté pour la musique à trouver
sa place au sein de l’enseignement supérieur français. Les
quinze départements actuels répartis sur tout le territoire
(Grenoble, Paris, Nice, Toulouse, Metz...) dispensent un enseignement essentiellement
théorique (histoire de la musique, organologie, histoire de l’art,
ethnomusicologie, informatique musicale...).
La pratique musicale n’est pas prise en charge par l’Université;
s’il le désire, l’étudiant peut s’inscrire au conservatoire
ou dans l’école de musique de la ville dans laquelle se trouve l’Université.
Il est à noter que ces deux institutions travaillent rarement "main
dans la main" (au mieux, elles s’ignorent) et que l’entrée dans
l’une n’entraîne pas l’entrée dans l’autre. Bien que leurs
enseignements semblent complémentaires, l’étudiant doit généralement
faire un choix car suivre les deux cursus devient de plus en plus lourd
au fur et à mesure qu’il avance dans ses études (surtout
s’il est confronté à des étudiants qui ne suivent
qu’un cursus). De plus, les années scolaires ne coïncident
pas (les conservatoires sont organisés suivant le calendrier scolaire
comme les collèges et lycées, alors que les universités
pratiquent la semestrialisation) ce qui occasionne quelques problèmes
d'organisation pour le futur musicien.
B Conditions d’accès
L’accès à l’Université ne nécessite, en
théorie, que le baccalauréat, mais les départements
de musicologie imposent, depuis longtemps, un concours d’entrée
qui peut prendre la forme de tests musicaux ou d’une étude de dossier
du candidat. Rappelons que seul le baccalauréat est exigible pour
entrer à l’Université et que ces concours ne peuvent légalement
empêcher le candidat qui le désire, de s’inscrire.
Il est cependant clair qu’un étudiant n’ayant jamais pratiqué
de musique sera désavantagé, voire perdu, face aux connaissances
musicales qu’impliquent ces études (lecture de partitions, maîtrise
du clavier, culture musicale, oreille formée aux dictées
musicales...). Soulignons le paradoxe de cette branche universitaire dont
l’entrée nécessite des connaissances qui ne sont pas dispensées
par l’enseignement secondaire mais par des structures extra-scolaires.
C Organisation des études
Modifiées récemment par la réforme LMD de 2002,
les études de musicologie sont organisées en 3 cycles :
1er cycle : Licence (en 3 ans)
Les Universités étant autonomes, chaque département
de musicologie propose des enseignements spécifiques, mais quelques
disciplines sont présentes dans tous les cursus : analyse musicale,
formation musicale, écriture, histoire de la musique, langue vivante,
informatique musicale, organologie.
2ème cycle: Master (en 2 ans)
La première année de Master remplace la maîtrise,
et la seconde année, le DEA ou le DESS suivant le type de Master
choisi (Master de recherche ou Master professionnel).
Différentes filières existent : discothèques et
bibliothèques musicales, sciences humaines, métier de l’enseignement,
musicologie, ethnomusicologie, didactique de la musique, gestion de la
musique, direction de chœur... Chaque filière propose des enseignements
qui lui sont spécifiques. Il est donc très important de se
renseigner sur l’Université que l’on va intégrer pour savoir
si elle propose le Master que l’on souhaite suivre.
L’étudiant en Master doit rendre un mémoire à
la fin de chacune des deux années d’étude sur des sujets
appartenant à des domaines variés (musiques savantes occidentales,
jazz, ethnomusicologie, administration et gestion de la musique; notons
qu’il reste très difficile pour un étudiant de choisir un
sujet en rapport avec la musique de film).
3ème cycle : Doctorat (en 3 ans)
Le Doctorat est destiné aux étudiants qui souhaitent
devenir chercheurs en musicologie. Il consiste en une thèse sur
un sujet librement choisi par le candidat (dans les mêmes domaines
que ceux du Master).
D Diplômes et débouchés
Il est à noter qu’en plus des 3 diplômes de la réforme
LMD, Licence, Master et Doctorat, les universités continuent à
délivrer le DEUG et la Maîtrise (cette dernière étant
toujours l’une des conditions d’accès au concours de l’agrégation).
Malgré les efforts de l’Université pour créer des
filières variées ayant des débouchés tels que
l’animation culturelle, la production de disques, l’édition ou les
métiers du son, le principal débouché reste l’enseignement
de la musique au collège et au lycée. En effet, c’est vers
le CAPES et l’agrégation de musique que se dirige la grande majorité
des étudiants.
On reste dubitatif devant les possibilités de carrière
présentées par certaines Universités comme celle de
Tours qui annonce fièrement qu’avec un Master, les futurs diplômés
auront la possibilité d’enseigner dans les Écoles Nationales
de Musique, les Conservatoires Nationaux de Région et même
dans les Conservatoires Nationaux Supérieurs de musique et de Danse
de Paris et de Lyon, ce qui est bien éloigné de la réalité
pour ne pas dire plus.
E Points forts et points faibles
Le plus grand mérite de l’Université de musicologie est
d’avoir mis au point des diplômes reconnus, des cursus diversifiés,
d’appartenir à l’enseignement supérieur (ce qui n’est pas
le cas des conservatoires et des écoles de musique en dehors des
deux CNSM) et de donner le statut d’étudiant à ses élèves
(avec bourses du ministère de l’éducation nationale, sécurité
sociale étudiante...) pour un coût d’inscription peu élevé.
Le point faible de ces universités est qu’on n’y apprend pas
la musique, mais la musicologie, ce qui est tout à fait différent.
La pratique musicale étant laissée de côté,
cet enseignement décourage beaucoup d’étudiants qui croient
aller vers une "fac de musique". De plus, le seul véritable débouché
est l’enseignement musical au collège ou au lycée pour les
plus doués, ce qui reste très limité par rapport aux
autres universités (Droit, Médecine, science humaines...).
Enfin, la situation actuelle risque d’avoir de graves conséquences
pour ces universités. En effet, la diminution drastique des places
aux concours du CAPES et de l’agrégation de musique ces dernières
années entraîne actuellement un engorgement des étudiants
à la fin de la Licence et de la Maîtrise. N’oublions pas que
des récents projets de réforme de l’éducation proposaient
de transformer la musique en matière optionnelle pour la classe
de 3ème, ce qui diminuerait encore les besoins en enseignants pour
cette discipline. Et si l’enseignement musical n’est plus réservé
qu’à quelques-uns des meilleurs étudiants on peut se demander
quelle sera la durée de vie de ce département universitaire.
A suivre...
Mathieu Alvado