NATIONS
NATIONS
S
UNIES
UNIES
Distr.
Conseil de sécurité
GĂNĂRALE
S/1999/1257
16 décembre 1999
FRANĂAIS
ORIGINAL : ANGLAIS
LETTRE DATĂE DU 15 DĂCEMBRE 1999, ADRESSĂE AU PRĂSIDENT
DU CONSEIL DE SĂCURITĂ PAR LE SECRĂTAIRE GĂNĂRAL
Dans ma lettre du 18 mars dernier (S/1999/339), je vous ai informé de mon
intention dâĂ©tablir une procĂ©dure dâenquĂȘte indĂ©pendante sur les actions de
lâOrganisation des Nations Unies lors du gĂ©nocide au Rwanda en 1994, et vous ai
priĂ© dâen faire part aux membres du Conseil.
Je vous ai demandé de bien vouloir
me confirmer que le Conseil de sécurité appuyait cette importante entreprise.
Dans votre rĂ©ponse du 26 mars (S/1999/340), vous mâavez fait savoir que le
Conseil souscrivait à la ligne de conduite proposée.
Comme suite Ă cet Ă©change, jâai constituĂ© une commission prĂ©sidĂ©e par
Ingvar Carlsson, ancien Premier Ministre suĂ©dois, quâĂ©taient chargĂ©s dâassister
Han Sung-Joo, ancien Ministre des affaires étrangÚres de la République de Corée,
et le général Rufus M. Kupolati du Nigéria.
La Commission sâest acquittĂ©e avec
la diligence et lâefficacitĂ© les plus grandes de la tĂąche qui lui Ă©tait confiĂ©e.
Vous trouverez ci-aprĂšs un exemplaire du rapport de la Commission, que je
vous serais trĂšs obligĂ© de bien vouloir porter Ă lâattention des membres du
Conseil.
(Signé) Kofi A. ANNAN
99-39548
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ANNEXE
Lettre datée du 15 décembre 1999, adressée au Secrétaire général
par les membres de la Commission indĂ©pendante dâenquĂȘte sur les
actions de lâOrganisation des Nations Unies lors du gĂ©nocide
de 1994 au Rwanda
La Commission indĂ©pendante dâenquĂȘte sur les actions de lâOrganisation des
Nations Unies lors du gĂ©nocide de 1994 au Rwanda a lâhonneur de vous faire tenir
le rapport ci-aprÚs, conformément au mandat que vous lui avez assigné par votre
lettre au Conseil de sécurité datée du 18 mars 1999.
Les membres de la
Commission tiennent à remercier tous ceux qui ont coopéré avec eux et facilité
leurs travaux.
Ils savent gré, en particulier, aux deux conseillers spéciaux de
la Commission, Elinor Hammarskjöld et Lee Shin-wha, dâavoir bien voulu leur
apporter leur trÚs précieux concours.
(Signé) Ingvar CARLSSON
(Signé) Rufus M. KUPOLATI
(Signé) HAN Sung-Joo
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PiĂšce jointe
RAPPORT DE LA COMMISSION INDĂPENDANTE DâENQUĂTE SUR LES
ACTIONS DE LâORGANISATION DES NATIONS UNIES LORS DU
GĂNOCIDE DE 1994 AU RWANDA
15 DĂCEMBRE 1999
I.
INTRODUCTION
Quelque 800 000 personnes ont été massacrées lors du génocide de 1994 au
Rwanda.
Le carnage dont hommes, femmes et enfants ont été victimes au cours
dâune centaine de jours entre avril et juillet 1994 constitue lâun des
événements les plus abominables qui entacheront à tout jamais le XXe siÚcle dans
la mémoire des hommes.
Les Rwandais ont tué des Rwandais, décimant avec
fĂ©rocitĂ© la population tutsie du pays, mais sâattaquant aussi aux Hutus modĂ©rĂ©s.
Dâinqualifiables atrocitĂ©s ont Ă©tĂ© commises, par les milices et les forces
armĂ©es, mais aussi par les civils contre dâautres civils.
Outre quâelle nâa pas empĂȘchĂ© le gĂ©nocide, la communautĂ© internationale nâa
pas fait cesser la tuerie une fois quâil a commencĂ©.
Cette défaillance a laissé
de profondes blessures dans la sociĂ©tĂ© rwandaise et pĂšse encore aujourdâhui sur
les rapports assombris entre le Rwanda et la communauté internationale, en
particulier lâOrganisation des Nations Unies.
Les plaies ouvertes alors doivent
ĂȘtre pansĂ©es, pour le bien du peuple rwandais et pour celui de lâONU.
Câest
pour le Rwanda, pour lâONU et pour tous ceux, oĂč quâils se trouvent, qui
risqueraient dâĂȘtre victimes dâactes de gĂ©nocide Ă lâavenir, quâil importe
dâĂ©tablir la vĂ©ritĂ©.
En sâefforçant dâĂ©lucider ce quâa Ă©tĂ© le rĂŽle de lâONU au cours du
gĂ©nocide, la Commission dâenquĂȘte espĂšre contribuer Ă la restauration de la
confiance entre le Rwanda et lâOrganisation, faciliter la rĂ©conciliation entre
les Rwandais et aider Ă Ă©viter que pareil drame ait jamais lieu Ă lâavenir.
La
Commission a analysé le rÎle des différents acteurs et organes du systÚme des
Nations Unies.
Chacun de ceux-ci, en particulier le Secrétaire général, le
SecrĂ©tariat, le Conseil de sĂ©curitĂ© et les Ătats Membres de lâOrganisation, doit
reconnaĂźtre sa part dans lâĂ©chec de la communautĂ© internationale au Rwanda et en
assumer la responsabilité.
Il importe aussi que cette admission sâaccompagne
dâune aspiration vers le changement : de la volontĂ© rĂ©solue de faire en sorte
que des catastrophes telles que le génocide au Rwanda ne se produisent jamais
plus, oĂč que ce soit.
Câest sur le systĂšme des Nations Unies tout entier que retombe la
responsabilitĂ© de nâavoir su ni prĂ©venir ni mettre fin au gĂ©nocide au Rwanda.
La carence premiĂšre a consistĂ© Ă ne pas mobiliser les ressources et lâengagement
politique quâappelaient les Ă©vĂ©nements du Rwanda et la prĂ©sence des
Nations Unies dans le pays.
Les Ătats Membres ont persistĂ© Ă ne pas tĂ©moigner
de la volontĂ© politique voulue et Ă se refuser dâagir de façon suffisamment
résolue.
Ces pesanteurs, qui ont influĂ© sur lâaction du SecrĂ©tariat et la prise
de décisions au Conseil de sécurité, ont également transparu dans les
difficultĂ©s quâil a maintes fois fallu surmonter afin dâobtenir les troupes
nĂ©cessaires Ă la Mission des Nations Unies pour lâassistance au Rwanda (MINUAR).
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Enfin, bien que la MINUAR se soit ressentie dâune pĂ©nurie chronique de
ressources et du faible rang de priorité politique auquel elle a été maintenue,
il convient aussi de faire observer que de graves erreurs ont été commises dans
lâaffectation des moyens mis Ă la disposition de lâONU.
Dans une lettre datée du 18 mars 1999 (S/1999/339), le Secrétaire général a
informĂ© le Conseil de sĂ©curitĂ© de son intention dâĂ©tablir une procĂ©dure
dâenquĂȘte indĂ©pendante sur les actions de lâOrganisation des Nations Unies au
cours du génocide de 1994 au Rwanda.
Dans leur réponse (S/1999/340), les
membres du Conseil ont dĂ©clarĂ© souscrire en lâespĂšce Ă lâinitiative envisagĂ©e.
En mai 1999, le Secrétaire général a chargé M. Ingvar Carlsson (ancien Premier
Ministre suédois), M. Han Sung-Joo (ancien Ministre des affaires étrangÚres de
la République de Corée), et le général Rufus M. Kupolati (à la retraite)
(NigĂ©ria) de mener lâenquĂȘte.
La Commission indĂ©pendante dâenquĂȘte a reçu pour mandat dâĂ©tablir les faits
relatifs Ă la maniĂšre dont lâOrganisation des Nations Unies avait fait face au
gĂ©nocide au Rwanda dâoctobre 1993 Ă juillet 1994, et de faire au SecrĂ©taire
général des recommandations à ce sujet.
Le présent rapport est soumis en
application de ce mandat.
Il Ă©tait demandĂ© Ă la Commission dâenquĂȘte dâĂ©tablir une chronologie des
Ă©vĂ©nements clefs ayant marquĂ© lâintervention des Nations Unies au Rwanda
dâoctobre 1993 Ă juillet 1994.
Il Ă©tait attendu dâelle quâelle Ă©value le mandat
et les ressources de la MINUAR et la maniÚre dont ceux-ci avaient influé sur
lâaction des Nations Unies face aux Ă©vĂ©nements auxquels Ă©taient liĂ©s les
massacres.
Il lui était également demandé de tirer les conclusions voulues et
les enseignements du drame et de présenter son rapport au Secrétaire général
dans les six mois qui suivraient le dĂ©but de lâenquĂȘte.
Il Ă©tait entendu que la
Commission aurait librement accĂšs Ă tous les documents de lâONU et aux personnes
concernées.
La Commission a commencé ses travaux le 27 juin 1999.
La Commission avait pour mandat dâenquĂȘter sur les actions de
lâOrganisation des Nations Unies dans son ensemble.
Le soin lui incombait ainsi
dâĂ©tudier les actions de la MINUAR, du SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral et du SecrĂ©tariat, de
mĂȘme que celles des Ătats Membres de lâOrganisation et des organes politiques
dans lesquels ils sont représentés.
En ce qui concerne les actions des Ătats
Membres, la Commission sâest principalement intĂ©ressĂ©e Ă celles des positions
prises qui ont influĂ© sur la maniĂšre dont lâONU a rĂ©agi face au drame qui se
déroulait au Rwanda.
Il appartiendra Ă dâautres dâanalyser les questions plus
vastes soulevées par les positions de tel ou tel pays sur le problÚme du Rwanda.
LâOrganisation de lâunitĂ© africaine (OUA) et dâautres acteurs rĂ©gionaux ont
joué un rÎle important tout au long du processus de paix et durant la crise au
Rwanda.
Ayant pour mandat dâenquĂȘter sur le rĂŽle de lâONU, la Commission a mis
lâaccent sur lâinfluence que les acteurs rĂ©gionaux avaient exercĂ©e Ă cet Ă©gard.
Le Groupe international de personnalitĂ©s Ă©minentes de lâOUA, dont le rapport est
attendu pour lâan prochain, pourra sans nul doute rendre pleinement compte des
divers aspects de la perspective régionale sur le génocide au Rwanda.
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La Commission a pu sâentretenir avec un grand nombre de personnes (dont la
liste figure Ă lâannexe II) ayant eu connaissance de faits lâintĂ©ressant.
La Commission a Ă©tudiĂ© les archives de lâONU.
Outre les archives centrales
de lâOrganisation, elle a Ă©tudiĂ© les dossiers tenus par un certain nombre de ses
services, dont le Cabinet du Secrétaire général, le Département des opérations
de maintien de la paix et le DĂ©partement des affaires politiques, ainsi que les
archives de la MINUAR.
Elle a Ă©galement eu accĂšs Ă des documents Ă©manant de
sources gouvernementales et non gouvernementales.
Dans une lettre datée du
8 septembre, elle a invité tous les pays qui avaient fourni des contingents à la
MINUAR au cours de la période sur laquelle portait son mandat à lui faire part
de leurs observations ou Ă lui communiquer des Ă©lĂ©ments dâinformation.
La Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de
gĂ©nocide Ă©tablit les critĂšres dĂ©finissant ce quâil faut entendre par gĂ©nocide,
soit lâun des crimes les plus ignominieux pouvant ĂȘtre perpĂ©trĂ©s Ă lâencontre
dâune population.
Pour lâessentiel, la Convention Ă©tablit Ă la fois que
certains actes doivent avoir Ă©tĂ© commis et lâavoir Ă©tĂ© dans une intention bien
précise : celle de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique,
racial ou religieux, comme tel.
Le Conseil de sĂ©curitĂ© sâest fondĂ© sur les
mĂȘmes critĂšres pour Ă©tablir le mandat du Tribunal pĂ©nal international pour le
Rwanda que contient la résolution 955 (1994).
Le Tribunal a Ă©tabli que le
massacre de Tutsis au Rwanda en 1994 constituait un gĂ©nocide, en lâespĂšce un
gĂ©nocide planifiĂ© et mis Ă exĂ©cution par les extrĂ©mistes hutus Ă lâencontre des
Tutsis.
II.
LES PRINCIPAUX ĂVĂNEMENTS
LâAccord de paix dâArusha
Le 4 août 1993, aprÚs plusieurs années de négociations, le Gouvernement de
la RĂ©publique rwandaise et le Front patriotique rwandais (FPR) signaient
lâAccord de paix dâArusha.
Cet accord prévoyait que les Nations Unies
joueraient un rĂŽle trĂšs large, par le biais dâune "Force internationale neutre
(FIN)", dans la surveillance de la mise en oeuvre de ces dispositions pendant
une pĂ©riode de transition censĂ©e sâĂ©tendre sur 22 mois.
Quelques semaines plus
tÎt, dans une réponse conjointe adressée au Secrétaire général en date du
14 juin 1993 (S/25951), le Gouvernement et le FPR avaient demandé que soit créée
une force de ce genre et priĂ© le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral dâenvoyer une mission de
reconnaissance au Rwanda pour en dresser les plans.
Les parties sâĂ©taient
Ă©galement entendues sur le fait que le Groupe dâobservateurs militaires neutres
(GOMN II) de lâOUA pourrait ĂȘtre intĂ©grĂ© Ă la FIN.
Selon lâAccord de paix dâArusha, la FIN Ă©tait censĂ©e contribuer Ă la mise
en oeuvre de lâAccord, plus particuliĂšrement en supervisant la mise en oeuvre du
Protocole sur lâintĂ©gration des forces armĂ©es des deux parties.
Elle Ă©tait
également censée mener une large gamme de missions de sécurité : garantir la
sĂ©curitĂ© gĂ©nĂ©rale du pays et vĂ©rifier le maintien de lâordre public, assurer la
sĂ©curitĂ© de la distribution dâaides humanitaires et contribuer Ă assurer la
sécurité de la population civile.
Il était également demandé à la Force de
contribuer Ă la recherche des caches dâarmes et Ă la neutralisation des bandes
armĂ©es Ă travers tout le pays, dâeffectuer des opĂ©rations de dĂ©minage, de
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contribuer à la récupération de toutes les armes distribuées à la population
civile ou acquises illégalement par celle-ci et à contrÎler le respect de la
cessation des hostilités.
En outre, la FIN était censée assumer la
responsabilitĂ© de lâĂ©tablissement et de lâamĂ©nagement de points de rassemblement
et de cantonnement et déterminer des paramÚtres de sécurité pour Kigali en vue
dâen faire une zone neutre.
Parmi les autres tùches qui lui étaient assignées
figurait le contrÎle du processus de démobilisation de ceux des militaires et
des gendarmes qui nâĂ©taient pas destinĂ©s Ă intĂ©grer les nouvelles forces armĂ©es.
La FIN, enfin, devait ĂȘtre informĂ©e de toute violation du cessez-le-feu et en
poursuivre les auteurs.
Le calendrier dâapplication de lâAccord reposait sur lâhypothĂšse que la FIN
serait dĂ©ployĂ©e dans un dĂ©lai dâenviron un mois.
Bien avant la signature de
lâAccord, les reprĂ©sentants des Nations Unies avaient informĂ© les parties que
cette hypothĂšse nâĂ©tait pas rĂ©aliste.
Dans les mois prĂ©cĂ©dant lâadoption de
lâAccord, le Gouvernement, qui avait jusque-lĂ retardĂ© sa signature, pressa
lâONU dâentamer les prĂ©paratifs du dĂ©ploiement avant mĂȘme que lâAccord ne soit
signé.
LâONU fait valoir que la planification dâune opĂ©ration de maintien de la
paix ne pouvait pas ĂȘtre engagĂ©e si les parties ne manifestaient pas dâabord
leur attachement au processus de paix en signant lâAccord.
Une semaine Ă peine aprĂšs la signature de lâAccord, lâONU publiait un
rapport qui peignait un tableau trÚs sombre et inquiétant de la situation des
droits de lâhomme au Rwanda.
Ce rapport faisait suite à la mission effectuée au
Rwanda, du 8 au 17 avril 1993, par le Rapporteur spécial sur les exécutions
extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires de la Commission des Nations Unies
sur les droits de lâhomme, M. Waly Bacre Ndiaye.
Ndiaye avait Ă©tabli que le
Rwanda était le théùtre de massacres et de nombreuses autres graves violations
des droits de lâhomme.
Le fait que la population tutsie Ă©tait prise pour cible
avait conduit Ndiaye Ă se demander si la qualification de gĂ©nocide pouvait ĂȘtre
envisagée.
AprĂšs avoir dit quâil ne pouvait porter Ă ce stade un tel jugement,
il se référait à la Convention sur le génocide et disait que les cas de violence
intercommunautaire portés à son attention montraient "trÚs clairement que les
victimes des attaques, des Tutsis dans lâĂ©crasante majoritĂ© des cas, avaient Ă©tĂ©
désignés comme cibles uniquement à cause de leur appartenance ethnique, et pour
aucune autre raison objective".
En plus de signaler la gravité du risque de
gĂ©nocide au Rwanda, Ndiaye recommandait une sĂ©rie de mesures destinĂ©es Ă
prévenir de nouveaux massacres et autres violations, mais son rapport semble
avoir été largement ignoré par les principaux acteurs du systÚme des
Nations Unies.
Pour faire suite Ă lâAccord dâArusha, le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral a dĂ©pĂȘchĂ© une
mission de reconnaissance dans la région du 19 au 31 août 1993 en la chargeant
dâĂ©tudier les fonctions qui pourraient ĂȘtre confiĂ©es Ă la FIN et dâĂ©valuer les
ressources nécessaires à une opération de maintien de la paix de ce genre.
La
mission Ă©tait conduite par le gĂ©nĂ©ral Romeo A. Dallaire (Canada), qui Ă©tait Ă
lâĂ©poque chef du Groupe dâobservateurs militaires de la Mission dâobservation
des Nations Unies Ouganda-Rwanda (MONUOR).
Elle comprenait Ă©galement des
reprĂ©sentants dâautres organismes du systĂšme des Nations Unies.
Par une déclaration de son président en date du 10 septembre (S/26425), le
Conseil de sĂ©curitĂ© se fĂ©licitait de la signature de lâAccord dâArusha et
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faisait savoir quâil avait conscience des espoirs quâavaient les parties
rwandaises que la communautĂ© internationale prĂȘterait assistance Ă la mise en
oeuvre de lâAccord.
Les recommandations de la mission de reconnaissance
nâavaient pas encore, Ă cette date, Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©es au Conseil de sĂ©curitĂ©.
Le 15 septembre, une délégation commune du Gouvernement rwandais et du FPR
était reçue par le Secrétaire général à New York.
Ses membres firent valoir
lâimportance de dĂ©ployer rapidement une force internationale et de mettre en
place sans tarder les institutions de la transition.
Prévenant que tout retard
risquait de provoquer lâeffondrement du processus de paix, ils exprimĂšrent le
souhait de voir lâeffectif de la Force sâĂ©lever Ă 4 260 personnes.
Le
SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral fit entendre la voix du rĂ©alisme : mĂȘme si le Conseil devait
approuver une force de cette envergure, il faudrait au moins deux ou trois mois
pour la déployer.
LâONU rĂ©ussirait peut-ĂȘtre Ă envoyer quelques observateurs
supplĂ©mentaires en plus des 72 dĂ©jĂ sur place, mais mĂȘme cela prendrait
plusieurs semaines.
Il fallait donc prévenir le peuple rwandais que, dans
lâintervalle, il ne pouvait compter que sur lui-mĂȘme.
Le Gouvernement et le FPR
devaient faire un effort pour respecter le cessez-le-feu, poursuivit le
Secrétaire général, parce que si les combats devaient reprendre, il serait
encore plus difficile de trouver des contingents.
Le Secrétaire général
mentionna aussi les demandes de troupes considérables qui étaient faites aux
Nations Unies, en particulier pour la Somalie et la Bosnie, et Ă©voqua la crise
financiĂšre que traversait lâOrganisation.
Création de la MINUAR
Le 24 septembre 1993, alors que la pĂ©riode de transition envisagĂ©e Ă
lâorigine Ă©tait dĂ©jĂ passĂ©e de deux semaines, le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral soumit au
Conseil de sĂ©curitĂ© un rapport portant sur la crĂ©ation dâune opĂ©ration de
maintien de la paix au Rwanda (S/26488).
Ce rapport Ă©tait lui-mĂȘme basĂ© sur le
rapport de la mission de reconnaissance.
Le Secrétaire général proposait le
dĂ©ploiement en quatre phases dâune force de maintien de la paix comprenant
2 548 militaires, avec pour commencer le dĂ©ploiement immĂ©diat dâun Ă©lĂ©ment
avancé comptant environ 25 militaires, 18 civils et 3 policiers.
Cette premiĂšre
phase devait durer trois mois, jusquâĂ ce que soit mis en place le Gouvernement
de transition Ă base Ă©largie (GTBE).
Au cours de ces trois mois, lâopĂ©ration
prĂ©parerait la mise en place dâune zone de sĂ©curitĂ© Ă Kigali et surveillerait le
respect du cessez-le-feu.
Le rapport du SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral prĂ©cisait quâĂ la
fin de la phase 1, lâeffectif de lâopĂ©ration comprendrait 1 428 militaires.
La mission devait ĂȘtre rĂ©partie sur cinq secteurs couvrant respectivement
Kigali, la zone démilitarisée, les forces gouvernementales et le FPR, tandis que
la MONUOR constituerait le cinquiĂšme secteur.
Les trois derniers secteurs se
composeraient entiĂšrement dâobservateurs militaires responsables du contrĂŽle de
lâapplication du Protocole dâaccord sur lâintĂ©gration des forces armĂ©es.
Cela
impliquait, entre autres, de surveiller le respect de la cessation des
hostilitĂ©s, vĂ©rifier le dĂ©sengagement des forces, les mouvements de troupes Ă
destination des points de rassemblement et lâacheminement des armes lourdes
jusquâaux points de cantonnement, et contrĂŽler les opĂ©rations de dĂ©mobilisation
des militaires et des gendarmes.
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Les secteurs de Kigali et de la zone démilitarisée comprendraient chacun un
bataillon dâinfanterie et des observateurs militaires.
Il Ă©tait proposĂ© quâen
sus de tĂąches analogues Ă celles prĂ©vues pour les autres secteurs, la MINUAR Ă
Kigali et dans la zone démilitarisée aiderait à récupérer et à vérifier les
armes en installant des postes de contrĂŽle et en effectuant des patrouilles, et
quâelle contribuerait aussi Ă assurer la sĂ©curitĂ© des points de rassemblement et
de cantonnement.
Une petite unité de police civile se verrait confier la tùche
de surveiller le maintien de lâordre.
Le 5 octobre, le Conseil adoptait Ă lâunanimitĂ© la rĂ©solution 872 (1993)
par laquelle était créée la MINUAR.
Le Conseil, qui nâavait pas approuvĂ© tous
les Ă©lĂ©ments du mandat recommandĂ© par le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral, sâest prononcĂ© pour
un mandat plus restreint.
Il y manquait notamment lâidĂ©e que la MINUAR devrait
contribuer à la récupération des armes.
Au lieu de cela, la résolution
prévoyait que la MINUAR devrait contribuer à assurer la sécurité de la ville de
Kigali, notamment Ă lâintĂ©rieur dâune zone libre dâarmes Ă©tablie par les parties
sâĂ©tendant dans la ville et dans ses alentours (soulignĂ© par les auteurs).
Le mandat de la MINUAR comprenait également les éléments suivants :
â
Superviser lâaccord de cessez-le-feu, qui appelait Ă la mise en place
de points de cantonnement et de rassemblement et à la délimitation
dâune nouvelle zone dĂ©militarisĂ©e ainsi quâĂ la dĂ©finition dâautres
procédures de démilitarisation;
â
Superviser les conditions de sécurité générales pendant la période
finale du mandat du Gouvernement de transition, jusquâaux Ă©lections;
â
Contribuer au déminage, essentiellement au moyen de programmes de
formation;
â
Examiner, Ă la demande des parties ou de sa propre initiative, les cas
de non-application du Protocole dâaccord sur lâintĂ©gration des forces
armées, en déterminer les responsables et faire rapport sur cette
question, en tant que de besoin, au Secrétaire général;
â
ContrÎler le processus de rapatriement des réfugiés rwandais et de
rĂ©installation des personnes dĂ©placĂ©es, en vue de sâassurer que ces
opĂ©rations Ă©taient exĂ©cutĂ©es dans lâordre et la sĂ©curitĂ©;
â
Aider Ă la coordination des activitĂ©s dâassistance humanitaire liĂ©es
aux opérations de secours; et
â
EnquĂȘter et faire rapport sur les incidents relatifs aux activitĂ©s de
la gendarmerie et de la police.
Dallaire fut nommé commandant de la force de la nouvelle mission.
ArrivĂ© Ă
Kigali le 22 octobre, il y fut rejoint le 27 octobre par un élément avancé
composé de 21 militaires.
Le Secrétaire général nomma ensuite un ancien
Ministre des affaires Ă©trangĂšres du Cameroun, M. Jacques-Roger Booh Booh, son
Représentant spécial pour le Rwanda.
M. Booh Booh est arrivé à Kigali le
23 novembre 1993.
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Le mĂȘme jour, le gĂ©nĂ©ral Dallaire envoyait Ă New York, pour approbation par
le SecrĂ©tariat, un projet de rĂšgles dâengagement Ă lâintention de la MINUAR.
Ce
projet comprenait, en son paragraphe 17, une disposition qui autorisait
expressément la Mission à intervenir, y compris en utilisant la force, en
rĂ©ponse Ă des crimes contre lâhumanitĂ© et autres violations ("Du risque aussi de
voir commettre, pendant le mandat de la MINUAR, des actes criminels rĂ©pondant Ă
des motifs ethniques ou politiques qui imposeraient Ă la MINUAR une obligation
morale et juridique dâutiliser tous les moyens disponibles pour y mettre un
terme, par exemple, des exécutions ou des attaques contre des personnes
déplacées ou des réfugiés").
Le SiĂšge nâa jamais rĂ©pondu de façon formelle Ă la
demande dâapprobation envoyĂ©e par le commandant de la Force.
LâĂ©volution de la situation au Rwanda en novembre et dĂ©cembre 1993 Ă©tait
une source de préoccupation pour la nouvelle opération de maintien de la paix.
Le processus politique était bloqué.
Il Ă©tait de plus en plus Ă©vident que les
difficultés politiques avaient pour toile de fond une violence chaque jour plus
visible.
Selon lâONU, une soixantaine de personnes avaient Ă©tĂ© tuĂ©es au cours
dâincidents violents pendant ces deux mois.
Les rapports Ă©tablis par la MINUAR
durant cette période décrivent crûment la brutalité avec laquelle ces meurtres
avaient été commis.
Ă ce moment dĂ©jĂ , lâoptimisme quâavait suscitĂ© la signature
de lâAccord dâArusha commençait Ă ĂȘtre mĂȘlĂ© de fortes inquiĂ©tudes concernant les
activitĂ©s armĂ©es au Rwanda et lâexistence de milices.
Qui plus est,
lâassassinat du PrĂ©sident burundais Melchior Ndadaye Ă la fin dâoctobre 1993,
les violences qui sâen Ă©taient suivies et les mouvements de rĂ©fugiĂ©s qui en
étaient résultés ajoutaient au cadre dans lequel se déroulait la Mission un
nouveau motif dâinquiĂ©tude qui nâavait pas Ă©tĂ© prĂ©vu au moment de sa crĂ©ation.
Au début décembre, le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques,
James O. C. Jonah, se rendit briÚvement au Rwanda aprÚs avoir assisté aux
obsÚques du Président burundais.
Jonah fut reçu par le Président rwandais, le
général Juvénal Habyarimana.
Selon Jonah, le Secrétaire général lui avait
demandĂ© oralement de prĂ©venir le PrĂ©sident Habyarimana quâil avait Ă©tĂ© informĂ©
que des meurtres dâopposants Ă©taient en cours de prĂ©paration et que lâONU ne le
tolérerait pas.
Le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral nâavait pas rĂ©vĂ©lĂ© Ă Jonah la source de
cette information.
Le PrĂ©sident Habyarimana a dĂ©menti, et Jonah a dĂ©clarĂ© quâil
avait communiqué ce démenti au Secrétaire général.
Dans un effort concerté pour débloquer le processus politique, M. Booh Booh
a convoqué le 10 décembre une réunion des partis politiques à Kinihara, au
Rwanda.
Il est résulté de cette réunion une déclaration commune par laquelle
les partis politiques ont rĂ©affirmĂ© leur attachement aux objectifs de lâAccord
dâArusha.
Il nâen reste pas moins que le calendrier convenu par les parties au
conflit nâĂ©tait toujours pas exĂ©cutĂ©.
à la fin du mois de décembre, un
bataillon du FPR fut caserné dans le complexe du Conseil national du
dĂ©veloppement Ă Kigali, conformĂ©ment aux dispositions de lâAccord de paix
dâArusha.
Le 5 janvier, toujours conformĂ©ment Ă lâAccord, le PrĂ©sident
Habyarimana était inauguré.
Cependant, des désaccords entre les partis
continuaient dâempĂȘcher la formation du Gouvernement de transition Ă base
Ă©largie et la mise en place de lâAssemblĂ©e nationale.
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Le cĂąble du 11 janvier 1994
Le 11 janvier 1994, Dallaire envoya au Conseiller militaire du Secrétaire
général, le général Maurice Baril, un télégramme chiffré ou cùble intitulé
"Demande de mise sous protection dâun informateur".
Ce cĂąble occupe une place
importante dans le dĂ©bat sur la notion des informations dont disposait lâONU
concernant le risque de génocide.
Il y Ă©tait Ă©crit que Dallaire avait pris
contact avec un informateur qui Ă©tait un instructeur de trĂšs haut niveau dans
les milices Interahamwe.
Ce contact avait été arrangé par "un homme politique
trĂšs important" (que des cĂąbles ultĂ©rieurs ont rĂ©vĂ©lĂ© ĂȘtre le Premier Ministre
désigné, M. Faustin Twagiramungu).
Le cùble communiquait des éléments
dâinformation de la plus haute importance.
Le premier Ă©lĂ©ment dâinformation concernait une stratĂ©gie dont le but Ă©tait
de provoquer le meurtre de soldats belges de la MINUAR et le retrait de leur
bataillon.
Lâinformateur avait Ă©tĂ© chargĂ© dâorganiser les manifestations qui
avaient eu lieu quelques jours plus tĂŽt contre les dĂ©putĂ©s de lâopposition et
les soldats belges.
Les milices Interahamwe espéraient que le bataillon du FPR
répondrait à leurs provocations en ouvrant le feu sur les manifestants.
Les
dĂ©putĂ©s devaient ĂȘtre assassinĂ©s et les troupes belges devaient elles aussi
faire lâobjet de provocations.
Si les Belges répondaient par la force, un
certain nombre dâentre eux seraient alors assassinĂ©s, ce qui garantissait que la
Belgique retirerait son contingent du Rwanda.
DeuxiĂšmement, lâinformateur disait que les Interahamwe avaient entraĂźnĂ©
dans les camps des forces gouvernementales 1 700 hommes qui Ă©taient maintenant
rĂ©partis par groupes de 40 dans tout Kigali. Il avait reçu lâordre de dresser la
liste de tous les Tutsis de Kigali, et il soupçonnait que câĂ©tait pour les
exterminer.
Il disait encore que ses hommes pouvaient tuer jusquâĂ 1 000 Tutsis
en 20 minutes.
TroisiĂšmement, lâinformateur avait rĂ©vĂ©lĂ© lâexistence dâune forte cache
dâarmes contenant au moins 135 fusils dâassaut G3 et AK 47.
Il Ă©tait prĂȘt Ă en
indiquer lâemplacement Ă la MINUAR si sa famille Ă©tait mise sous protection.
AprĂšs avoir ainsi rapportĂ© les informations communiquĂ©es par lâinformateur,
Dallaire faisait savoir au SecrĂ©tariat que la MINUAR avait lâintention de passer
Ă lâaction dans les prochaines 36 heures.
Il recommandait que lâinformateur
soit mis sous protection et Ă©vacuĂ© et â sur ce point particulier, mais non pas
sur le prĂ©cĂ©dent â il sollicitait lâavis du SecrĂ©tariat sur la façon de
procéder.
Enfin, Dallaire reconnaissait éprouver certaines réserves concernant
la fiabilitĂ© de lâinformateur et disait que la possibilitĂ© dâun piĂšge ne pouvait
pas ĂȘtre complĂštement exclue.
NĂ©anmoins, le cĂąble se terminait par un appel Ă
lâaction â en français dans le texte â qui a Ă©tĂ© souvent citĂ© : "Peux ce que
veux.
Allons-y."
Le cĂąble, qui Ă©tait adressĂ© Ă Baril, a Ă©tĂ© communiquĂ© Ă©galement Ă dâautres
hauts fonctionnaires du Département des opérations de maintien de la paix, y
compris M. Kofi Annan, qui était alors Secrétaire général adjoint, M. Iqbal
Riza, Sous-Secrétaire général, et M. Hedi Annabi, chef de la Section Afrique du
DĂ©partement.
Les deux Secrétaires généraux adjoints aux affaires politiques de
lâĂ©poque, MM. Marrack Goulding et James Jonah, ont dĂ©clarĂ© aux auteurs de ce
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rapport que le cĂąble ne leur avait pas Ă©tĂ© montrĂ© lorsquâil est arrivĂ©.
Le
Cabinet du SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral recevait alors dâoffice copie de tous les cĂąbles.
Les archives du Cabinet contiennent un exemplaire de celui du 11 janvier, mais
le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral a dĂ©clarĂ© quâil ne lui en avait Ă©tĂ© montrĂ© une copie que
plus tard.
La premiÚre réponse du SiÚge à la MINUAR fut envoyée le soir du 10 janvier
(heure de New York).
CâĂ©tait un cĂąble dâAnnan Ă Booh Booh, portant les mentions
"Immédiat" et "Seulement" et signé par Riza.
Il y Ă©tait dit que les
informations rapportées dans le cùble de Dallaire étaient inquiétantes, mais
quâelles contenaient certaines contradictions.
"Nous devons traiter cette
information avec prudence", poursuivait Annan.
Le paragraphe final sollicitait
lâavis mĂ»rement rĂ©flĂ©chi de Booh Booh et ses recommandations.
Il concluait que
"la MINUAR ne devra entreprendre aucune action de reconnaissance ou autre, y
compris en rĂ©ponse Ă la demande de protection, avant dâavoir reçu des directives
claires du SiĂšge".
Booh Booh répondit à Annan par cùble également daté du 11 janvier.
Le
ReprĂ©sentant spĂ©cial y rendait compte dâun entretien que Dallaire et le
conseiller politique de Booh Booh, M. Abdul Kabia, avait eu avec le Premier
Ministre désigné, qui avait exprimé son "entiÚre confiance dans la véracité et
la sincĂ©ritĂ© de lâinformateur".
Booh Booh soulignait quâil ne restait que 24 Ă
48 heures avant que lâinformateur ne soit obligĂ© de procĂ©der Ă la distribution
des armes, et il sollicitait les instructions du SiÚge sur la façon de gérer la
situation, y compris en ce qui concernait la demande de protection de
lâinformateur.
Le paragraphe 7 et dernier du cĂąble faisait savoir que Dallaire
Ă©tait "prĂȘt Ă mener lâopĂ©ration en conformitĂ© avec la doctrine militaire, avec
reconnaissance, rĂ©pĂ©tition de mission et par application dâune force Ă©crasante.
Si les signes dâune rĂ©sistance Ă©ventuelle ou la possibilitĂ© dâun scĂ©nario
inutilement risqué apparaissaient à quelque moment que ce soit du processus de
reconnaissance, de planification ou de prĂ©paration, lâopĂ©ration serait
rapportée".
Le SiĂšge rĂ©pondit le mĂȘme jour.
Le cĂąble Ă©tait toujours Ă©tabli sous le nom
dâAnnan et signĂ© par Riza mais il Ă©tait adressĂ© cette fois Ă Booh Booh et
Dallaire simultanément.
Le SiĂšge communiquait quâil ne pouvait donner son
accord Ă lâopĂ©ration envisagĂ©e au paragraphe 7 du cĂąble de Booh Booh, car Ă son
avis elle dépassait clairement le mandat confié à la MINUAR par la résolution
872 (1993).
Ă la place, et seulement si la MINUAR estimait que lâinformateur
Ă©tait absolument fiable, Booh Booh et Dallaire avaient pour instructions de
solliciter dâurgence une audience du PrĂ©sident Habyarimana et de lui faire
savoir quâils avaient reçu des informations apparemment fiables concernant des
activités des Interahamwe constituant une menace patente contre le processus de
paix.
Ils devaient préciser à Habyarimana que les activités en question
comprenaient la formation et le déploiement de groupes subversifs à Kigali ainsi
que le stockage et la distribution dâarmes Ă ces groupes.
Ces activités
constituaient une violation manifeste de lâAccord dâArusha et de la zone libre
dâarmes de Kigali.
Le cĂąble invitait Booh Booh et Dallaire Ă faire comme si le
PrĂ©sident nâĂ©tait pas au courant de ces activitĂ©s; mais ils devaient aussi
insister pour que le PrĂ©sident procĂšde immĂ©diatement Ă une enquĂȘte, prenne les
mesures nĂ©cessaires et fasse en sorte quâil soit mis fin aux activitĂ©s
subversives.
Ils devaient demander au Président de faire savoir à la MINUAR,
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dans les 48 heures, quelles mesures il avait prises, y compris pour récupérer
les armes en question.
Si des incidents violents Ă©clataient Ă Kigali, les
informations reçues sur les milices seraient portĂ©es Ă lâattention du Conseil de
sĂ©curitĂ©; il serait procĂ©dĂ© Ă une enquĂȘte sur la responsabilitĂ© des incidents
et des recommandations seraient faites au Conseil.
Avant leur audience avec le Président, Booh Booh et Dallaire devaient
communiquer ces informations aux Ambassadeurs de Belgique, de France et des
Ătats-unis et leur demander dâeffectuer des dĂ©marches similaires.
En conclusion, le cĂąble du SiĂšge soulignait que "le souci primordial Ă©tait
la nĂ©cessitĂ© dâĂ©viter de se lancer dans un type dâaction qui risquait de
dĂ©clencher lâusage de la force et des consĂ©quences imprĂ©visibles".
Le 13 janvier, Booh Booh envoya à Annan une réponse dans laquelle il
décrivait les actions entreprises en exécution des instructions du SiÚge.
Ce
cùble chiffré était intitulé : "Initiatives prises en rapport avec les récentes
informations concernant la sécurité".
Booh Booh faisait savoir au SiĂšge que
Dallaire et lui avaient rencontré les chefs de mission belge, français et
amĂ©ricain, qui avaient exprimĂ© leur grave prĂ©occupation et dit quâils
consulteraient leurs capitales respectives.
Booh Booh et Dallaire avaient
ensuite été reçus par le Président et lui avaient transmis le message comme ils
en avaient reçu lâordre.
Booh Booh prĂ©cisait Ă lâintention du SecrĂ©tariat que
le Président avait semblé alarmé par le ton de la démarche.
Il avait niĂ© ĂȘtre
au courant des activitĂ©s des milices et promis de faire enquĂȘte.
Au cours de lâincidence, Booh Booh et Dallaire avaient Ă©galement soulevĂ© la
question du harcĂšlement du personnel civil de la MINUAR et les violences
exercĂ©es contre des Rwandais "appartenant tous au mĂȘme groupe ethnique" pendant
les manifestations du 8 janvier.
Tout en rĂ©pondant quâil nâĂ©tait pas au courant
des manifestations, le Président Habyarimana avait présenté ses excuses pour les
Ă©ventuels Ă©carts de conduite Ă lâĂ©gard du personnel de la MINUAR.
Il avait
suggéré que les deux questions soient évoquées avec le Bureau de son parti, le
Mouvement révolutionnaire national pour le développement (MRND).
Câest ce que firent Booh Booh et Dallaire le mĂȘme jour, lors dâun entretien
avec le PrĂ©sident et le SecrĂ©taire national du MRND, qui niĂšrent lâun et lâautre
que le MRND ou sa milice fussent impliqués dans les activités incriminées.
Booh Booh et Dallaire leur demandĂšrent instamment de faire enquĂȘte et de rendre
compte à la MINUAR dans les meilleurs délais.
Dans une ultime observation, Booh Booh faisait savoir quâune analyse
préliminaire de ces entretiens indiquait que tant le Président Habyarimana que
les dirigeants du MRND avaient été stupéfaits par la précision des informations
en la possession de la MINUAR.
"Le Président du MRND semblait déconcerté et
aurait par la suite ordonnĂ© dâaccĂ©lĂ©rer la distribution des armes.
Mon [câest
Booh Booh qui parle] évaluation de la situation est que la décision de
confronter les parties incriminĂ©es avec lâinformation en question Ă©tait la bonne
et pourrait les forcer Ă dĂ©cider dâadopter dâautres façons de dĂ©stabiliser le
processus de paix, notamment dans la région de Kigali."
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Il ressort clairement dâun cĂąble adressĂ© Ă Annan et Jonah par Booh Booh le
2 février, date à laquelle les conditions de sécurité avaient connu une
dĂ©gradation sensible, que le PrĂ©sident nâavait transmis Ă la MINUAR aucune
information sur les mesures quâil Ă©tait censĂ© prendre comme suite aux
informations face auxquelles il avait été placé le 12 janvier.
Impasse politique et détérioration des conditions de sécurité
Les notes versées aux dossiers conservés par le Secrétaire général
indiquent quâil sâest entretenu le 14 janvier avec Booh Booh et Habyarimana.
Selon les archives, Booh Booh a indiqué au Secrétaire général que les deux
parties en prĂ©sence au Rwanda nâavaient pas respectĂ© jusquâalors lâaccord
prĂ©voyant la constitution dâun gouvernement et quâil faisait de son mieux pour
trouver une solution en coopération avec les Ambassadeurs de la France, de la
Belgique, des Ătats-Unis et de la Tanzanie.
Le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral a demandĂ© Ă
Booh Booh de rencontrer le Président et de lui faire part de son inquiétude en
raison du retard dans le rĂšglement de la situation.
Booh Booh a été prié
dâexpliquer que chaque jour de retard risquait de coĂ»ter des milliers de dollars
Ă lâONU puisquâil faudrait que les troupes restent disponibles plus longtemps.
De plus, les retards créaient aussi des difficultés avec le Conseil de sécurité.
à 19 h 30, le 14 janvier, le Président Habyarimana a téléphoné au
Secrétaire général.
Habyarimana a dĂ©clarĂ© quâil avait reçu les quatre
Ambassadeurs (probablement ceux qui avaient été mentionnés par Booh Booh comme
indiquĂ© ci-dessus) et quâil avait besoin de leur appui et de celui de Booh Booh
pour pouvoir imposer une solution aux parties.
La note versée au dossier
poursuit : "Le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral a donnĂ© au PrĂ©sident lâassurance que lâONU
avait confiance dans son autoritĂ© et lâa priĂ© de faire de son mieux pour rĂ©gler
le problĂšme.
Le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral a expliquĂ© que si aucun progrĂšs nâavait
lieu, lâONU serait obligĂ©e de mettre fin Ă sa prĂ©sence.
Le Président a dit que
ce serait une catastrophe pour son pays.
Il sâest engagĂ© Ă faire de son mieux
et Ă rencontrer de nouveau les Ambassadeurs la semaine suivante."
LâinquiĂ©tude sâest maintenue au sujet de la distribution dâarmes, des
activités des milices, des assassinats et de la montée des tensions ethniques
durant tout le début de 1994.
Dans un télégramme adressé à Annan et Jonah le
2 février, Booh Booh écrivait que les conditions de sécurité se détérioraient un
peu plus chaque jour.
Il faisait Ă©tat "de manifestations de plus en plus
violentes, dâattaques Ă la grenade commises chaque nuit, de tentatives
dâassassinat, de meurtres politiques et ethniques", ajoutant "et nous recevons
de plus en plus dâinformations sĂ©rieuses et confirmĂ©es indiquant que les milices
armées des parties constituent des stocks et pourraient se préparer à distribuer
des armes Ă leurs partisans".
Il poursuivait ensuite : "Si cette distribution a
lieu, elle aggravera plus encore les conditions de sécurité et créera un danger
considérable pour la sûreté et la sécurité du personnel militaire et civil des
Nations Unies et de la population toute entiĂšre."
Booh Booh décrivait en outre
des signes qui laissaient penser que les FGR se préparaient à un conflit,
stockant les munitions et cherchant Ă renforcer leurs positions Ă Kigali.
La
MINUAR dĂ©crivait un scĂ©nario sinistre : "Si lâattitude de concentration
défensive adoptée actuellement par la MINUAR à Kigali se maintient, les
conditions de sécurité se dégraderont davantage encore.
Nous pouvons nous
attendre à des manifestations plus fréquentes et plus violentes, à des attentats
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à la grenade et des attaques armées plus nombreuses contre les groupes ethniques
et politiques, Ă la multiplication des assassinats et, selon toute
vraisemblance, Ă des attaques directes contre les installations et le personnel
de la MINUAR, comme on lâa vu dans le cas de la rĂ©sidence du ReprĂ©sentant
spécial du Secrétaire général."
La MINUAR concluait quâil fallait mener des
opĂ©rations de dissuasion, dĂ©terminĂ©es et sĂ©lectives, visant des caches dâarmes
confirmĂ©es et des individus dont on savait quâils dĂ©tenaient illĂ©galement des
armes.
Booh Booh écrivait que ces opérations seraient effectuées non seulement
pour accomplir la mission de récupérer les armes illégales mais aussi pour
assurer la sĂ©curitĂ© et lâactivitĂ© ininterrompues du personnel et des
installations des Nations Unies au Rwanda.
La MINUAR sollicitait les directives
et lâapprobation du SiĂšge pour entreprendre des opĂ©rations de dissuasion.
Durant le mois de février, Booh Booh a continué à tenter principalement
dâamener les parties Ă conclure un accord sur lâĂ©tablissement des institutions
de transition.
Simultanément, la mission a continué à faire part de
lâinquiĂ©tude que lui causait lâaggravation des conditions de sĂ©curitĂ©, notamment
au cours dâune rĂ©union avec la Belgique, la France, lâAllemagne et les
Ătats-Unis, tenue le 15 fĂ©vrier.
Le 14 février (le Livre bleu des Nations Unies sur le Rwanda indique le
14 mars), le Ministre des affaires Ă©trangĂšres de la Belgique, M. Willy Claes, a
adressé une lettre au Secrétaire général dans laquelle il préconisait un mandat
plus ferme pour la MINUAR.
Malheureusement, cette proposition ne semble pas
avoir retenu sĂ©rieusement lâattention du SecrĂ©tariat ni celle des autres pays
intéressés.
De son cĂŽtĂ©, Dallaire insistait constamment pour obtenir lâautorisation de
prendre une part plus active aux opérations de dissuasion contre les caches
dâarmes dans la zone de contrĂŽle des armes de Kigali.
Cependant, le Secrétariat
sâen tenait Ă lâinterprĂ©tation du mandat rendue Ă©vidente par ses rĂ©ponses au
tĂ©lĂ©gramme de Dallaire, considĂ©rant que la MINUAR ne pouvait faire quâappuyer
les efforts de la gendarmerie.
Le 15 février, Dallaire mentionnait une
recommandation antérieure tendant à ce que soient engagées des actions
dissuasives "soutenues par" la gendarmerie et par lâarmĂ©e; il soulignait
quâaucune de ces deux institutions rwandaises ne disposait des ressources
nĂ©cessaires pour mener elle-mĂȘme des opĂ©rations de bouclage et de fouille.
Il
sâengageait Ă informer le SiĂšge des dĂ©tails des opĂ©rations pour lui permettre de
confirmer quâelles Ă©taient conformes aux directives donnĂ©es par le SecrĂ©tariat
et au mandat lui-mĂȘme.
En réponse, le SiÚge a fait part de ses doutes au sujet
de lâidĂ©e proposĂ©e par Dallaire et a demandĂ© des prĂ©cisions.
Annan a souligné
que la sécurité publique relevait de la responsabilité des autorités et que rien
ne devait changer Ă cet Ă©gard.
"Comme vous le savez, la résolution 792 [sic]
(1993) a seulement autorisĂ© la MINUAR Ă âcontribuer Ă la sĂ©curitĂ© de la ville de
Kigali, Ă lâintĂ©rieur dâune zone de sĂ©curitĂ© Ă©tablie par (je rĂ©pĂšte par) les
partiesâ."
Dans une déclaration du Président datée du 17 février (S/PRST/1994/8), le
Conseil de sĂ©curitĂ© sâest dĂ©clarĂ© gravement prĂ©occupĂ© par la dĂ©tĂ©rioration des
conditions de sécurité, particuliÚrement à Kigali, et a rappelé aux parties leur
obligation de respecter la zone de contrĂŽle des armes.
La déclaration a été
remise au Président Habyarimana le 19 février.
Les 21 et 22 février,
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M. Félicien Gatabazi, Ministre des travaux publics et Secrétaire général du
Parti social démocrate (PSD), et M. Martin Buchnyana, Président de la Coalition
pour la défense de la République (CDR), ont été assassinés.
Les tensions se
sont aggravées à Kigali et dans le reste du Rwanda.
Dans un rapport du
23 fĂ©vrier, Dallaire Ă©crivait que dâabondants renseignements lui parvenaient au
sujet de la distribution dâarmes, de listes de cibles dĂ©signĂ©es aux escadrons de
la mort et de préparatifs de troubles civils et de manifestations.
"Le temps
pour les discussions politiques semble compté car la moindre étincelle du cÎté
de la sécurité pourrait avoir des conséquences catastrophiques."
Le lendemain, Booh Booh Ă©crivait que, selon certaines indications, les
violences de la veille pouvaient avoir eu des motivations ethniques et ĂȘtre
dirigées contre la minorité tutsie.
Il ajoutait quâen raison du long passĂ©
tragique dâaffrontements ethniques du Rwanda, le risque dâincidents
dâinspiration ethnique existait en permanence, spĂ©cialement dans les pĂ©riodes de
tension, de peur et de confusion.
"Cependant, la MINUAR ne disposait dâaucune
preuve définitive ou suffisamment forte que les événements des jours précédents
aient été inspirés par des considérations ethniques ou aient provoqué des
conséquences ou des réactions ethniques."
De mĂȘme, dâaprĂšs les minutes dâune
réunion tenue le 2 mars avec les Ambassadeurs de la Belgique, de la France et
des Ătats-Unis, Dallaire a Ă©cartĂ© lâidĂ©e que les meurtres commis peu auparavant
Ă Kigali aient pu ĂȘtre provoquĂ©s par des considĂ©rations ethniques.
Le 27 février, Dallaire informait le Secrétariat de son intention de
redéployer à Kigali deux compagnies, un petit groupe de commandement et une
unité logistique du contingent ghanéen se trouvant dans la zone démilitarisée,
pour remplir des fonctions de garde Ă titre temporaire jusquâĂ ce que la
situation dans la capitale se stabilise.
Dallaire soulignait le caractĂšre
urgent de lâopĂ©ration, dĂ©clarant que "le sĂ©rieux renforcement en cours des
actions terroristes au moment mĂȘme oĂč la capacitĂ© de rĂ©action de la gendarmerie
et de la MINUAR est sérieusement réduite pourrait signifier la fin du processus
de paix".
Le 1er mars, le Secrétaire général recevait un envoyé spécial du Président
du Rwanda, le Ministre des transports et des communications, M. André Ntagerura.
Le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral sâest concentrĂ© entiĂšrement sur le blocage du processus
politique, menaçant de retirer la MINUAR si aucun progrĂšs nâĂ©tait rĂ©alisĂ©.
Le
SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral a soulignĂ© que lâONU devait rĂ©pondre Ă de nombreuses
prioritĂ©s concurrentes et dĂ©clarĂ© que la MINUAR pourrait ĂȘtre retirĂ©e dans les
15 jours si aucun progrĂšs nâintervenait.
Le Secrétaire général a présenté au Conseil de sécurité, le 30 mars, un
rapport sur la MINUAR (S/1994/360) qui dĂ©crivait lâimpasse politique, la
détérioration des conditions de sécurité et la situation humanitaire au Rwanda.
Le Secrétaire général recommandait la prolongation du mandat de la MINUAR pour
une durée de six mois.
En pratique, les principaux membres du Conseil de
sĂ©curitĂ© nâĂ©taient pas disposĂ©s Ă accepter une prolongation aussi longue du
mandat.
La dĂ©cision prise le 5 avril dans la rĂ©solution 909 (1994), adoptĂ©e Ă
lâunanimitĂ©, a finalement prolongĂ© le mandat dâun peu moins de quatre mois et
prĂ©vu la possibilitĂ© dâun rĂ©examen au bout de six semaines si aucun progrĂšs
nâĂ©tait accompli.
Le Conseil a reconduit son appui Ă la Mission, acceptant
notamment une proposition du Secrétaire général tendant à augmenter le nombre
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des agents de police civile, sous rĂ©serve de lâapplication de lâAccord de paix
dâArusha.
Lâavion prĂ©sidentiel est abattu; le gĂ©nocide commence
Le 6 avril 1994, le Président Habyarimana et le Président du Burundi,
Cyprien Ntaryamira, sont revenus en avion dâun sommet sous-rĂ©gional sous les
auspices du facilitateur du processus dâArusha, le PrĂ©sident tanzanien Ali
Hassan Mwinyi.
Selon des responsables tanzaniens, les pourparlers de Dar
es-Salaam avaient Ă©tĂ© couronnĂ©s de succĂšs et le PrĂ©sident Habyarimana sâĂ©tait
engagĂ© Ă appliquer lâAccord dâArusha.
Les interlocuteurs de la Commission
dâenquĂȘte en Tanzanie ont dĂ©clarĂ© quâils avaient encouragĂ© Habyarimana Ă
remettre son retour au Rwanda jusquâau lendemain mais quâil avait insistĂ© pour
repartir le soir mĂȘme.
Il avait Ă©galement invitĂ© le PrĂ©sident du Burundi Ă
lâaccompagner dans son avion.
Selon un rapport de la MINUAR au SiĂšge, lâavion a Ă©tĂ© abattu Ă environ
20 h 30 alors quâil sâapprĂȘtait Ă atterrir Ă Kigali.
Il a explosé et tous les
passagers ont été tués.
à 21 h 18, la Garde présidentielle avait mis en place
le premier de nombreux barrages routiers.
Dans les heures qui ont suivi, la
Garde prĂ©sidentielle, les Interahamwe, parfois des membres de lâarmĂ©e rwandaise,
et la gendarmerie ont dressé de nouveaux barrages routiers.
La MINUAR a été
placée sous alerte rouge à environ 21 h 30.
Selon les archives de la MINUAR, à 22 h 10, Dallaire a téléphoné à Riza
pour lâinformer.
Au cours de la nuit, Dallaire a assisté à une réunion au
quartier général des forces gouvernementales avec le colonel Luc Marchal,
commandant de la MINUAR pour le secteur de Kigali.
Le chef dâĂ©tat-major de la
gendarmerie, le général de division Augustin Ndindilyamana, présidait la réunion
à laquelle assistait notamment le colonel Théoneste Bagosora, que Dallaire
dĂ©crit comme "en position dâautoritĂ©".
Selon Dallaire, Bagosora a déclaré lors
de la rĂ©union que ce qui sâĂ©tait passĂ© nâĂ©tait pas un coup dâĂtat, que les
officiers prĂ©sents Ă©taient en train dâĂ©tablir une administration intĂ©rimaire.
Un élément inquiétant de la position adoptée par Bagosora et les autres était
quâils Ă©cartaient lâautoritĂ© du Premier Ministre, Mme Agathe Uwilingiyimana,
refusant de la laisser sâadresser au pays Ă la radio malgrĂ© lâinsistance de
Dallaire et de Booh Booh.
La réunion au siÚge des forces gouvernementales a été
suivie dâune rĂ©union Ă la rĂ©sidence de Booh Booh, Ă laquelle Bagosora et
lâofficier de liaison des forces gouvernementales Ă©taient prĂ©sents.
Dallaire a par la suite dĂ©clarĂ© quâil avait donnĂ© les instructions
suivantes à Marchal : "aider à maintenir la sécurité à Kigali avec la
gendarmerie afin dâessayer de maintenir le calme et dâĂ©viter dâautres violations
de la zone libre dâarmes de Kigali".
Dallaire a Ă©crit quâil avait confirmĂ©
"quâil fallait une patrouille pour sâassurer du site oĂč lâavion prĂ©sidentiel
sâĂ©tait abattu, pour renforcer la sĂ©curitĂ© autour de la rĂ©sidence du Premier
Ministre Agathe [Uwilingiyimana] et pour escorter celle-ci Ă la station de
radio, si le commandant de la Force pouvait contribuer Ă obtenir des stations
quâelles lui permettent de sâadresser Ă la nation".
Les efforts dĂ©ployĂ©s par la MINUAR pour se rendre sur le site de lâaccident
nâont pas abouti, la patrouille qui avait Ă©tĂ© envoyĂ©e pour enquĂȘter ayant Ă©tĂ©
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arrĂȘtĂ©e, dĂ©sarmĂ©e et retenue Ă lâaĂ©roport durant les premiĂšres heures du
7 avril.
à 2 h 45, Dallaire a indiqué que le chef de la mission militaire
française et un autre officier Ă©taient arrivĂ©s et avaient dĂ©clarĂ© quâils avaient
des instructions de Paris leur enjoignant de veiller Ă ce que lâaccident dâavion
fasse lâobjet dâune enquĂȘte probante, dont Dallaire leur assura quâelle aurait
lieu.
Les officiers français ont offert les services dâune Ă©quipe technique
militaire présente à Bangui (République centrafricaine).
AprĂšs lâaccident, la MINUAR a reçu un certain nombre dâappels tĂ©lĂ©phoniques
de ministres et dâautres politiciens lui demandant sa protection.
Ă lâaube du
7 avril, le nombre de soldats gardant la résidence du Premier Ministre a été
accru.
Un groupe de soldats belges commandés par le lieutenant Lotin a été
dĂ©pĂȘchĂ© de lâaĂ©roport aprĂšs 2 heures (3 heures selon la Commission dâenquĂȘte
constituée par la MINUAR) et est arrivé à la résidence du Premier Ministre
environ trois heures plus tard.
Selon les sources belges, Ă 6 h 55 (7 h 15
selon la Commission dâenquĂȘte), le lieutenant Lotin a informĂ© ses supĂ©rieurs que
ses hommes et lui étaient encerclés par environ 20 soldats rwandais armés de
fusils et de grenades, et que des membres de la Garde présidentielle demandaient
aux Belges de déposer leurs armes.
Son supĂ©rieur lui a dit de nâen rien faire.
Au cours de la matinĂ©e, le Premier Ministre sâest enfui de sa rĂ©sidence en
escaladant un mur et a cherchĂ© refuge dans lâenceinte des Volontaires des
Nations Unies (VNU) Ă Kigali.
Selon un Volontaire des Nations Unies qui Ă©tait
présent et assistait à la scÚne, le Premier Ministre, son mari et cinq enfants
sont arrivés dans le complexe entre 7 h 30 et 8 heures (un peu plus tard selon
le rapport adressé au SiÚge par la MINUAR).
Le Premier Ministre sâest rĂ©fugiĂ©
dans une autre maison que sa famille.
Les VNU en ont informé M. Le Moal,
responsable de la sécurité par intérim, à environ 8 h 30.
Selon le rapport de
Dallaire au SiĂšge, il a appelĂ© Riza Ă 9 h 20 pour lâinformer que la MINUAR
devrait peut-ĂȘtre utiliser la force pour sauver le Premier Ministre.
Riza a
confirmĂ© les rĂšgles dâengagement : la MINUAR ne devait pas ouvrir le feu tant
quâon ne lui tirait pas dessus.
Une escorte armĂ©e dĂ©pĂȘchĂ©e pour secourir le
Premier Ministre a été bloquée sur la route.
De nouveau selon un témoin oculaire, à environ 10 heures, des soldats
rwandais ont pénétré dans le complexe des VNU alors que ces derniers parlaient
au téléphone avec le responsable de la sécurité, ont proféré des menaces et
dĂ©clarĂ© quâils recherchaient une seule personne.
AprÚs avoir fouillé le
complexe, les soldats ont fini par dĂ©couvrir le Premier Ministre, et lâont
abattu aprĂšs lâavoir emmenĂ© Ă lâĂ©cart.
Selon le rapport des VNU, Dallaire est arrivĂ© dans lâenceinte Ă environ
12 h 30 et a promis de revenir avec des véhicules armés pour évacuer les
Volontaires des Nations Unies.
En fait, câest seulement aprĂšs 17 h 15 que ces
derniers ont finalement Ă©tĂ© Ă©vacuĂ©s Ă lâhĂŽtel des Mille collines par un convoi
organisé par le responsable du Programme des Nations Unies pour le développement
(PNUD).
Le massacre des Casques bleus belges a Ă©tĂ© lâaboutissement dâune escalade
de la tension entre ces derniers et les soldats rwandais qui se trouvaient Ă
lâextĂ©rieur de la rĂ©sidence du Premier Ministre.
Plusieurs fois ce matin-lĂ ,
les soldats assurant la protection du Premier Ministre se sont vu demander de
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déposer leurs armes par les soldats rwandais qui les encerclaient.
Selon les
archives belges, Ă 8 h 49, le lieutenant Lotin sâest vu dĂ©clarer par son
supérieur, le lieutenant-colonel Dewez, que son groupe ne devait pas se laisser
dĂ©sarmer, et devait nĂ©gocier; Lotin a rĂ©pondu quâil Ă©tait trop tard parce que
quatre hommes étaient déjà désarmés.
Dewez a alors déclaré que Lotin était
autorisĂ© Ă dĂ©poser les armes sâil le jugeait nĂ©cessaire.
Les troupes de la
MINUAR ont ultérieurement été emmenées au camp de Kigali par minibus.
Lotin a
empruntĂ© le Motorola de lâobservateur militaire togolais qui Ă©tait au camp pour
informer Dewez de la situation, déclarant également que ses hommes risquaient
dâĂȘtre lynchĂ©s.
Dewez, aprĂšs avoir dâabord demandĂ© si Lotin nâexagĂ©rait pas, a
informĂ© son commandement de secteur et a demandĂ© que lâarmĂ©e rwandaise ou Rutbat
(le bataillon bangladais) intervienne.
Mais pendant ce temps-lĂ , au camp de
Kigali, les Casques bleus des Nations Unies ont été passés à tabac et,
ultérieurement, aprÚs que les soldats de la paix ghanéens et les Togolais eurent
été écartés, les soldats belges ont été sauvagement assassinés.
Dallaire a dĂ©clarĂ© devant la commission dâenquĂȘte du SĂ©nat belge quâalors
quâil passait en voiture devant le camp de Kigali conduit par un major rwandais,
il a "briĂšvement aperçu ce que je pensais ĂȘtre deux soldats en uniforme belge
sur le sol Ă lâintĂ©rieur du camp, Ă environ 60 mĂštres.
Je ne savais pas sâils
Ă©taient morts ou blessĂ©s, mais je me souviens que jâai tout dâun coup rĂ©alisĂ©
que nous avions maintenant subi des pertes".
Dallaire a dĂ©clarĂ© quâil avait
ordonnĂ© au gendarme qui le conduisait dâarrĂȘter la voiture, mais que ce dernier
avait refusé.
ArrivĂ© Ă lâĂcole militaire, Dallaire a parlĂ© Ă lâobservateur
togolais, qui lui aurait dit que des soldats belges étaient détenus au camp de
Kigali et étaient maltraités ou passés à tabac.
Dallaire a dĂ©clarĂ© devant la mĂȘme commission dâenquĂȘte quâil ne pensait pas
quâil eĂ»t Ă©tĂ© possible dâintervenir militairement, et que lui-mĂȘme avait Ă©tĂ©
empĂȘchĂ© de se rendre au camp de Kigali, dâabord par son chauffeur puis par
Bagosora, avec lequel la situation des Casques bleus belges a Ă©tĂ© Ă©voquĂ©e Ă
14 heures environ, lorsquâils se sont rencontrĂ©s au MinistĂšre de la dĂ©fense.
Dallaire a dĂ©clarĂ© quâĂ environ 21 heures, on lui a dit que les Belges avaient
été tués.
Dallaire sâest alors rendu Ă la morgue de lâhĂŽpital de Kigali, oĂč on
avait déposé les corps des soldats belges.
Dallaire a informĂ© la commission du SĂ©nat belge quâil nâavait pas Ă©tĂ©
possible de monter une opération armée pour sauver les Belges en raison des
risques Ă©levĂ©s de pertes quâauraient connues ceux qui seraient intervenus et
parce que lâopĂ©ration aurait trĂšs probablement Ă©chouĂ©.
DĂ©crivant les carences
et le manque de ressources de la MINUAR, Dallaire ne pensait pas quâil disposait
de forces capables de mener une intervention en faveur des Belges : "La MINUAR
était une opération de maintien de la paix.
Elle nâĂ©tait pas Ă©quipĂ©e, formĂ©e ni
dotĂ©e des effectifs nĂ©cessaires pour mener des opĂ©rations dâintervention."
Au matin du 7 avril, des membres de la Garde présidentielle ont aussi
attaqué la résidence du Vice-Président du Parti libéral (PL) et Ministre du
travail et des affaires sociales, M. Landoald Ndasingwa.
Ndasingwa Ă©tait un des
politiciens de lâopposition dont la MINUAR assurait la sĂ©curitĂ© depuis des mois,
et il avait fait lâobjet de campagnes de propagande et de menaces Ă la
Radio-Télévision libre des Mille collines (RTLM).
Selon les déclarations de la
famille Ndasingwa et dâun employĂ© de celle-ci, Ă environ 6 h 30, les policiers
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gardant la maison voisine du Président de la Cour constitutionnelle, M. Joseph
Kavaruganda, ont dĂ©clarĂ© Ă lâun des policiers rwandais gardant la maison de
M. Ndasingwa que des membres de la Garde présidentielle étaient en route pour
venir tuer ce dernier.
Entendant cela, Ndasingwa aurait demandé aux membres des
forces gouvernementales protégeant sa maison de demander des renforts.
La
famille a néanmoins déclaré avoir découvert peu aprÚs que les soldats ghanéens
de la MINUAR qui gardaient la maison de Ndasingwa sâĂ©taient enfuis dans une
propriété voisine sans prévenir aucunement Ndasingwa.
Environ 30 Ă 40 minutes
plus tard, selon un témoin, environ 20 membres de la Garde présidentielle sont
arrivĂ©s Ă la maison, munis dâarmes lĂ©gĂšres.
AprÚs avoir fouillé la maison, ils
ont abattu M. Ndasingwa, sa femme, sa mĂšre et ses deux enfants.
Durant la mĂȘme matinĂ©e, le juge Kavaruganda a Ă©tĂ© enlevĂ© de son domicile.
Kavaruganda était aussi gardé par la MINUAR.
Lorsque des soldats rwandais sont
venus à son domicile et lui ont demandé de les accompagner, le juge Kavaruganda,
craignant pour sa vie, a refusĂ© de les suivre et sâest enfermĂ© dans la maison
avec sa femme et deux de ses enfants.
Selon Mme Kavaruganda, les soldats des
Nations Unies qui se trouvaient Ă lâextĂ©rieur se tenaient debout et parlaient
aux Rwandais, leurs armes posĂ©es sur une table Ă cĂŽtĂ© dâeux.
Pendant ce
temps-lĂ , Ă lâintĂ©rieur de la maison, le juge Kavaruganda a tĂ©lĂ©phonĂ©
successivement aux contingents belge, bangladais et ghanéen de la MINUAR pour
demander du secours.
Bien quâon lui ait assurĂ© que des renforts allaient
arriver, il nâen a rien Ă©tĂ©.
Finalement, les soldats rwandais qui Ă©taient Ă
lâextĂ©rieur ont forcĂ© la porte principale.
Le juge Kavaruganda a été emmené, sa
famille frappée et maltraitée.
Selon Mme Kavaruganda, les gardes des
Nations Unies nâont rien fait pour empĂȘcher lâenlĂšvement ni les mauvais
traitements.
Durant le cours de son mandat, la MINUAR a reçu des informations faisant
Ă©tat de menaces contre un certain nombre de politiciens et de hauts
fonctionnaires.
Sâagissant de Ndasingwa et de Kavaruganda, un mĂ©morandum
interne datĂ© du 17 fĂ©vrier 1994 et adressĂ© Ă Dallaire par lâofficier de
renseignement militaire de la Mission contenait des détails sur un complot
visant Ă les tuer organisĂ© par des membres nommĂ©ment dĂ©signĂ©s de lâ"Escadron de
la mort".
Selon Dallaire, aprÚs le 17 février, outre les gardes du corps armés
personnels des politiciens et les vĂ©hicules dâescorte armĂ©s de la MINUAR, un
groupe dâau moins cinq soldats armĂ©s de la MINUAR a Ă©tĂ© affectĂ© Ă la rĂ©sidence
de chacun de ces politiciens.
Un autre homme politique dont la résidence était protégée par la MINUAR
Ă©tait M. Boniface Ngulinzira, Ministre des affaires Ă©trangĂšres Ă lâĂ©poque des
nĂ©gociations dâArusha.
Selon son Ă©pouse, Mme Florida Ngulinzira, Ă environ
7 h 30, les gardes des Nations Unies postĂ©s Ă lâextĂ©rieur de sa maison ont
informĂ© Ngulinzira que Ndasingwa avait Ă©tĂ© tuĂ©, et quâils pensaient que les
massacres politiques avaient commencé.
Un appel téléphonique du Premier
Ministre désigné, M. Faustin Twagiramungu, a confirmé que des éléments de la
Garde présidentielle recherchaient des hommes politiques.
Selon Mme Ngulinzira,
les soldats des Nations Unies ont à ce moment-là demandé aux membres de la
famille de monter dans un camion, les ont recouverts dâune bĂąche et les ont
emmenés.
Ă lâarrivĂ©e, les membres de la famille ont dĂ©couvert quâils avaient
Ă©tĂ© emmenĂ©s Ă lâĂcole technique officielle (ETO) Ă Kicukiro, un faubourg de
Kigali.
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Beaucoup de civils se rendaient Ă lâETO pour se mettre sous la protection
des soldats belges de la MINUAR qui y étaient stationnés.
La Commission
dâenquĂȘte a rencontrĂ© des survivants des Ă©vĂ©nements tragiques qui se sont
produits Ă lâETO, Ă©vĂ©nements qui au Rwanda revĂȘtent une importance symbolique en
tant quâexemple des carences de la Mission des Nations Unies.
Environ
2 000 personnes sâĂ©taient rĂ©fugiĂ©es Ă lâETO, pensant que les soldats de la
MINUAR pourraient les protéger.
Il y avait des membres des Interahamwe et des
soldats rwandais hors de lâenceinte de lâĂ©cole.
Le 11 avril, aprĂšs que les
expatriĂ©s se trouvant Ă lâETO ont Ă©tĂ© Ă©vacuĂ©s par des troupes françaises, le
contingent belge a quittĂ© lâĂ©cole, laissant derriĂšre lui des hommes, des femmes
et des enfants dont bon nombre ont ensuite été massacrés par les soldats et les
membres des milices qui attendaient.
M. Ngulinzira a demandĂ© aux troupes françaises de lâĂ©vacuer de lâETO mais
celles-ci ont refusé.
Il a été tué lors des massacres qui ont eu lieu aprÚs le
départ des soldats de la MINUAR.
Quelques jours aprĂšs que lâavion prĂ©sidentiel a Ă©tĂ© abattu, la Belgique,
les Ătats-Unis, la France et lâItalie ont montĂ© des opĂ©rations pour Ă©vacuer
leurs nationaux; il sâagissait dâĂ©vacuer les expatriĂ©s.
Le commandant de la
Force a informĂ© le SiĂšge de lâarrivĂ©e des trois premiers avions français durant
les premiĂšres heures du 8 avril.
Dans un cùble de Annan (Riza) daté du 9 avril,
Dallaire était prié de "coopérer avec les commandants français et belge pour
faciliter lâĂ©vacuation de leurs nationaux et des autres ressortissants Ă©trangers
demandant Ă ĂȘtre Ă©vacuĂ©s.
Vous pouvez Ă©changer des officiers de liaison Ă cette
fin.
Vous ne devez ménager aucun effort pour ne pas compromettre votre
impartialité ni outrepasser votre mandat mais vous pouvez à votre discrétion le
faire si cela Ă©tait essentiel pour lâĂ©vacuation des ressortissants Ă©trangers.
Ceci ne devrait pas, je rĂ©pĂšte ne devrait pas, englober la participation Ă
dâĂ©ventuels combats, exceptĂ© en Ă©tat de lĂ©gitime dĂ©fense".
Retrait du contingent belge
Le Secrétaire général a rencontré le Ministre belge des affaires
Ă©trangĂšres, M. Willy Claes, Ă Bonn, le 12 avril.
Selon les minutes de
lâentrevue conservĂ©es par lâOrganisation des Nations Unies, le message adressĂ©
par Claes Ă lâOrganisation Ă©tait le suivant : "Les conditions nĂ©cessaires Ă la
poursuite dâune opĂ©ration de maintien de la paix au Rwanda nâĂ©taient plus
rĂ©unies, le plan de paix dâArusha Ă©tait mort, il nây avait pas de possibilitĂ© de
dialogue entre les parties; en consĂ©quence, lâONU devait suspendre la MINUAR."
Claes a dĂ©clarĂ© quâil disposait dâinformations selon lesquelles le contingent
ghanĂ©en sâĂ©tait enfui, laissant la MINUAR avec seulement 1 500 soldats (ce qui
nâĂ©tait pas exact).
Il a poursuivi en disant quâ"un retrait de la MINUAR
pourrait ĂȘtre vu comme aggravant le risque dâune vĂ©ritable guerre civile.
Toutefois, la MINUAR a Ă©tĂ© incapable jusquâici dâarrĂȘter les massacres et
20 000 personnes sont mortes malgré sa présence".
En rĂ©ponse Ă lâobservation du
SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral indiquant quâil avait adressĂ© une lettre au Conseil de
sécurité pour demander davantage de troupes et une modification du mandat de la
MINUAR et quâil ne pensait pas que le Conseil accepterait un retrait de la
Mission, Claes a déclaré que la Belgique devait faire un choix et avait décidé
de retirer ses unités du Rwanda.
Elle prĂ©fĂ©rait que le retrait sâeffectue dans
le cadre collectif de la MINUAR, et elle ne souhaitait pas se retirer seule.
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Selon les minutes de la réunion conservées dans les archives de
lâOrganisation des Nations Unies, Claes a aussi dĂ©clarĂ© que la Belgique Ă©tait
prĂȘte Ă laisser ses armes et son matĂ©riel au Rwanda si la MINUAR devait
y rester.
Le Secrétaire général a informé le Conseil de sécurité de la position belge
dans une lettre datée du 13 avril.
La lettre indiquait quâil serait extrĂȘmement
difficile pour la MINUAR de mener ses tĂąches Ă bien de maniĂšre efficace.
La
MINUAR ne pourrait plus continuer de sâacquitter de son mandat si le contingent
belge nâĂ©tait pas remplacĂ© par un contingent aussi bien Ă©quipĂ© ou si la Belgique
ne revoyait pas sa décision.
Le mĂȘme jour, le ReprĂ©sentant permanent de la
Belgique auprĂšs de lâOrganisation des Nations Unies a Ă©crit directement au
Conseil.
AprÚs avoir décrit en détail la gravité de la situation, parlant de
"massacres généralisés" et de "chaos", le Représentant permanent a déclaré que
puisque la mise en oeuvre de lâAccord de paix dâArusha Ă©tait gravement
compromise, toute lâopĂ©ration MINUAR devrait ĂȘtre suspendue.
La Commission
dâenquĂȘte croit comprendre quâoutre cette lettre et dâautres adressĂ©es
ultérieurement au Conseil de sécurité, le Gouvernement belge a effectué des
démarches de haut niveau auprÚs de membres du Conseil pour obtenir que ce
dernier retire la MINUAR.
Le rÎle que la MINUAR a continué de jouer
Le Département des opérations de maintien de la paix a proposé deux
options, qui ont été communiquées à la MINUAR pour observations et au Secrétaire
général, à Madrid, pour approbation le 13 avril :
1)
Maintenir la MINUAR en place, moins le contingent belge, pendant trois
semaines.
Cette option était subordonnée à plusieurs conditions, notamment
lâexistence dâun cessez-le-feu effectif, chaque partie acceptant dâĂȘtre
responsable du maintien de lâordre et de la sĂ©curitĂ© des civils dans les zones
placĂ©es sous son contrĂŽle, lâaĂ©roport de Kigali Ă©tant dĂ©clarĂ© territoire neutre
et les effectifs de la MINUAR Ă©tant regroupĂ©s Ă lâaĂ©roport.
Les parties
seraient averties que faute de parvenir Ă un accord le 6 mai au plus tard, la
MINUAR serait retirée;
2)
Réduire immédiatement les effectifs de la MINUAR et maintenir
uniquement une présence politique réduite, à savoir le Représentant spécial, des
conseillers, des observateurs militaires et une compagnie.
Dallaire a rĂ©pondu quâil Ă©tait favorable Ă lâoption 1.
Le Conseiller
politique (hors classe) du Secrétaire général et son Représentant spécial au
Conseil, lâAmbassadeur Chinmaya Gharekhan, a informĂ© Annan dans un cĂąble
manuscrit codé du 14 avril que la premiÚre option avait la préférence du
SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral et quâau cas oĂč aucun progrĂšs ne serait rĂ©alisĂ©, il convenait
de passer Ă la seconde option.
Gharekhan soulignait, se référant aux lettres
adressĂ©es au Conseil les 8 et 13 avril, que le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral nâavait "Ă
aucun moment" recommandé ni préféré le retrait.
Le cĂąble poursuivait : "Un
retrait brutal et total nâest ni possible, ni souhaitable, ni judicieux."
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Dans un cùble également daté du 14 avril, Dallaire expliquait les
conséquences dramatiques du retrait belge, selon lui un "coup terrible pour la
mission".
Le 13 avril, le Nigéria a présenté au Conseil de sécurité, au nom du Groupe
des pays non alignés, un projet de résolution préconisant un renforcement de la
MINUAR.
Le lendemain, les options du Secrétaire général ont été présentées
oralement au Conseil par Riza.
Toutes les deux options Ă©taient subordonnĂ©es Ă
un cessez-le-feu.
On a aussi évoqué la possibilité de combiner ces deux
options, vu la solution qui avait la préférence du Secrétaire général.
Le lendemain, les positions au sein du Conseil sâĂ©taient quelque peu
modifiées.
Le NigĂ©ria soutenait maintenant lâoption 1.
Selon le compte rendu
du SecrĂ©tariat, les Ătats-Unis ont initialement dĂ©clarĂ© que si une dĂ©cision
devait ĂȘtre prise Ă ce moment-lĂ , ils nâaccepteraient quâun retrait de la
MINUAR, estimant quâĂ©tant donnĂ© les circonstances une opĂ©ration de maintien de
la paix au Rwanda Ă©tait inutile.
Le Royaume-Uni et la Russie Ă©taient favorables
Ă la seconde option, et Ă lâissue de nouvelles consultations les Ătats-Unis ont
indiquĂ© quâils pouvaient sây rallier.
La déclaration faite à la presse le 15 avril par le Président du Conseil
est rĂ©vĂ©latrice de lâatmosphĂšre qui rĂ©gnait au sein de celui-ci Ă lâĂ©poque.
Cette déclaration ne fait aucune mention des massacres qui étaient en cours.
Elle indique que "la prioritĂ© immĂ©diate au Rwanda est lâĂ©tablissement dâun
cessez-le-feu entre les forces gouvernementales et le FPR".
Le Conseil exigeait
que les parties acceptent un cessez-le-feu immédiat et retournent à la table de
nĂ©gociations et il rĂ©affirmait que lâAccord de paix dâArusha Ă©tait le seul cadre
viable pour un rĂšglement du conflit rwandais.
Le maintien de la MINUAR a continuĂ© dâĂȘtre liĂ© aux efforts visant Ă
parvenir Ă un cessez-le-feu.
Le 18 avril, Annan (Riza) a envoyé un cùble dans
lequel il insistait sur ce point.
Le Département des opérations de maintien de
la paix arguait quâĂ©tant donnĂ© quâil ne semblait pas y avoir de perspective
rĂ©elle quâun cessez-le-feu intervienne dans les jours Ă venir, il avait
lâintention de dĂ©clarer au Conseil quâil fallait envisager un retrait total de
la MINUAR au lieu des deux options qui avaient été présentées.
Il fut demandĂ© Ă
Booh Booh et Dallaire dâĂ©valuer une derniĂšre fois quelles Ă©taient les chances de
parvenir Ă un cessez-le-feu.
Dallaire rĂ©pondit le 19 avril : il Ă©tait favorable au maintien dâune
présence minimale (une force de 250 hommes) et était contre un retrait total :
"Un retrait complet de la MINUAR serait trÚs certainement interprété comme un
abandon, voire une désertion."
Il insistait aussi sur le risque de réactions
dangereuses contre la MINUAR en cas de retrait.
Dallaire peignait comme suit le dilemme auquel lâONU devait faire face dans
le cadre des scénarios envisagés : "Un retrait de la MINUAR affectera à coup sûr
le moral de la population civile, en particulier des réfugiés, qui auront le
sentiment que nous les abandonnons.
Pourtant, en réalité, actuellement nous ne
faisons pas grand-chose si ce nâest assurer la sĂ©curitĂ©, fournir un peu de
nourriture et des mĂ©dicaments ainsi quâune prĂ©sence.
Lâassistance humanitaire
nâa pas rĂ©ellement commencĂ©.
[...]
Les réfugiés se trouvant en des lieux comme
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lâhĂŽtel Mille collines, la Croix-Rouge, la cathĂ©drale Saint-Michel, etc., en
territoire contrÎlé par les forces gouvernementales rwandaises risquent de se
faire massacrer, mais elles courent ce risque depuis dĂ©jĂ une semaine alors mĂȘme
que la MINUAR est sur le terrain."
Le 19 avril, la position du SecrĂ©tariat sâĂ©tait sensiblement modifiĂ©e : le
projet de rapport du Secrétaire général au Conseil de sécurité comprenait
maintenant trois options : renforcer la MINUAR, réduire ses effectifs ou retirer
complĂštement la Mission.
Le cĂąble sous couvert duquel le projet a Ă©tĂ© envoyĂ© Ă
Kigali indique que "lâoption renforcement de la MINUAR a Ă©tĂ© retenue ici le soir
venu, ce qui nous a amenés à vous demander tardivement de retenir le personnel
dont le départ était prévu pour demain".
Le 20 avril, Booh Booh indiquait quâil appuyait complĂštement ce qui Ă©tait
devenu lâoption 1, le renforcement du mandat et des effectifs de la MINUAR, mais
dĂ©clarait aussi quâil "nâavait aucun problĂšme avec lâoption 2 telle que
modifiée".
Concernant cette derniÚre option, néanmoins, Booh Booh était réservé
sur le fait que les éléments restants seraient sous la direction du commandant
de la Force â aussi bien lui-mĂȘme que le commandant devaient rester Ă Kigali.
Le mĂȘme jour, alors que le Conseil se prĂ©parait Ă prendre une dĂ©cision,
lâAmbassadeur du NigĂ©ria, M. Ibrahim A. Gambari, a rencontrĂ© le SecrĂ©taire
général.
Gambari a demandé à Boutros-Ghali de contrecarrer les initiatives en
cours au Conseil de sécurité pour obtenir le retrait de la MINUAR.
Le
SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral, qui a dĂ©clarĂ© quâil avait lâimpression de "se battre seul",
a pressĂ© lâAmbassadeur dâencourager les chefs dâĂtats africains Ă se rallier Ă
cette position et Ă Ă©crire au Conseil pour sâopposer Ă un retrait.
Le 21 avril, le Conseil a dĂ©cidĂ© Ă lâunanimitĂ© de ramener les effectifs de
la MINUAR Ă environ 270 hommes et de modifier le mandat de la Mission.
Dans sa
rĂ©solution, le Conseil dĂ©clarait quâil Ă©tait "atterrĂ© par les violences
généralisées qui ont suivi au Rwanda et qui ont causé la mort de milliers de
civils innocents, dont des femmes et des enfants...".
Durant les consultations officieuses qui ont prĂ©cĂ©dĂ© lâadoption de la
résolution 912 (1994), quelques membres du Conseil se seraient déclarés déçus de
ce que le rapport ne contenait pas de recommandation du Secrétaire général (qui
a cependant dĂ©clarĂ© que son porte-parole avait oralement indiquĂ© quâil Ă©tait
favorable Ă un renforcement du mandat).
Le Nigéria a déclaré que le groupe des
pays non alignĂ©s prĂ©fĂ©rait lâoption 1, mais quâil ne pouvait lâappuyer en
lâabsence de volontĂ© politique Ă cet effet.
Selon le Secrétariat, le
Royaume-Uni a rĂ©pondu que lâoption 1 nâĂ©tait pas viable parce que lâopĂ©ration en
Somalie avait enseigné que les conditions sur le terrain pouvaient évoluer
rapidement et dangereusement.
Nouvelles propositions concernant le mandat de la MINUAR
Ă la fin dâavril cependant, la situation dĂ©sastreuse au Rwanda a incitĂ© le
Secrétaire général à recommander au Conseil de sécurité de revenir sur sa
décision tendant à réduire les effectifs de la Force.
La lettre adressée par
Boutros-Ghali au Conseil de sécurité le 29 avril (S/1994/518) prévoyait un
changement dâorientation important â au lieu dâenvisager le rĂŽle de lâONU comme
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celui dâun mĂ©diateur neutre dans une guerre civile, reconnaĂźtre la nĂ©cessitĂ© de
mettre fin aux massacres de civils, qui duraient alors depuis trois semaines et
avaient provoquĂ© la mort dâenviron 200 000 personnes.
Le Secrétaire général
dĂ©clarait que le mandat Ă©noncĂ© dans la rĂ©solution 912 (1994) ne permettait pas Ă
la MINUAR de prendre des mesures efficaces pour mettre fin aux massacres.
Il
demandait au Conseil de reconsidĂ©rer ses dĂ©cisions antĂ©rieures et dâenvisager
les mesures, y compris des mesures Ă©nergiques, quâil pourrait prendre ou quâil
pourrait autoriser les Ătats Membres Ă prendre afin de rĂ©tablir lâordre public.
Le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral terminait de façon acerbe en dĂ©clarant quâil Ă©tait
conscient que de telles mesures nĂ©cessiteraient des Ătats Membres quâils y
consacrent des ressources en hommes et en matĂ©riel dâune ampleur telle quâils
sâĂ©taient montrĂ©s jusque-lĂ peu disposĂ©s Ă envisager.
Le lendemain, le Conseil de sécurité a publié une déclaration du Président
sur la question (S/PRST/1994/21).
Le Conseil ne répondait pas sur le fond, à ce
stade, à la lettre du Secrétaire général, mais promettait de le faire
ultérieurement.
On peut noter dâun autre cĂŽtĂ© que la dĂ©claration reprĂ©sentait
un premier pas dans la direction dâune prise de position plus claire par le
Conseil contre le génocide en cours.
Le Conseil soulignait que les massacres de
civils avaient eu lieu "en particulier" dans des zones contrÎlées par des
membres ou des partisans du Gouvernement intérimaire du Rwanda (dont le
représentant participait encore aux délibérations du Conseil).
Les membres du
Conseil ne pouvaient encore sâaccorder Ă utiliser le terme de gĂ©nocide, mais
tournaient la question en citant presque mot à mot la Convention sur le génocide
dans le texte de la déclaration du Président.
Finalement, cette déclaration
mentionnait Ă©galement la possibilitĂ© dâimposer un embargo sur les armes.
Des notes sur les discussions qui ont eu lieu au Conseil de sécurité
pendant les jours qui ont suivi la lettre du Secrétaire général montrent un
organe divisé sur un certain nombre de questions : celle de savoir si une
intervention devrait avoir lieu, et dans lâaffirmative, comment qualifier
lâimportance des moyens Ă mettre en oeuvre (des pays tels que le BrĂ©sil, la
Chine et le Royaume-Uni Ă©taient semble-t-il dâavis que le rĂŽle de lâOrganisation
ne devrait pas ĂȘtre Ă©noncĂ© en termes trop fortement "interventionnistes"), le
rĂŽle Ă©ventuel dâacteurs rĂ©gionaux, la question de lâembargo sur les armes.
Le
3 mai, les Ătats-Unis ont obtenu un certain appui en faveur dâune initiative
consistant à envoyer dans la région une équipe du Conseil de sécurité chargée de
recueillir des informations sur la situation, mais le Royaume-Uni a élevé des
objections et cette initiative nâa pas Ă©tĂ© poursuivie.
Selon les notes du Secrétaire général, le Président nigérian du Conseil a
fait pression deux jours plus tard sur ses collĂšgues pour quâils agissent (il
aurait dit que le Conseil risquait de devenir la risĂ©e du monde entier sâil ne
le faisait pas).
Il sâest inquiĂ©tĂ© de la situation â lâhistoire de "lâoeuf et
de la poule" â qui existait Ă son avis entre le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral et les pays
africains, le Secrétaire général souhaitant que ces pays prennent des mesures
contre les massacres, alors que les pays dâAfrique voulaient, avant de
sâengager, obtenir davantage de renseignements sur les effectifs et le coĂ»t de
la force envisagĂ©e, ainsi que sur lâappui logistique qui serait disponible.
Le
représentant de la France a estimé que le Conseil devrait se concentrer sur
lâaide humanitaire, une des possibilitĂ©s Ă©tant la crĂ©ation de couloirs
humanitaires.
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Le Président du Conseil a suggéré que le Conseil écrive au Secrétaire
gĂ©nĂ©ral pour lui demander de prĂ©senter des Ă©bauches de plans dâurgence et une
recommandation sur une présence accrue des Nations Unies.
Ă la suggestion du
Royaume-Uni, la demande nâa pas Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e de façon formelle mais lâa Ă©tĂ©
sous forme dâune demande de document officieux.
Le lendemain, un accord est
intervenu, prĂ©voyant quâune lettre serait adressĂ©e au SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral pour
lui demander de commencer par prĂ©senter des plans dâurgence; bizarrement, cette
lettre prĂ©cisait aussi que les membres du Conseil de sĂ©curitĂ© nâattendaient pas
du Secrétaire général des recommandations fermes ou définitives.
Le projet de conception des opérations pour un mandat futur de la MINUAR,
qui était esquissé dans un télégramme de Booh Booh daté du 6 mai, exposait
clairement la situation de la population civile : "La guerre civile sâest
intensifiée dans tout le pays et il semble que les massacres de civils innocents
se poursuivent, en particulier dans les campagnes [...]
Cette situation qui ne
cesse de sâaggraver pose de sĂ©rieuses questions quant Ă lâefficacitĂ© et la
viabilitĂ© du mandat rĂ©visĂ© de la MINUAR, celle-ci nâayant ni les pouvoirs ni les
ressources pour prendre des mesures efficaces afin de mettre fin Ă la tuerie
systĂ©matique de civils et de contribuer Ă la crĂ©ation dâun environnement Ă peu
prÚs satisfaisant sur le plan de la sécurité, conditions essentielles pour la
reprise dâun dialogue qui faciliterait les efforts en vue de la conclusion dâun
accord de cessez-le-feu et de lâapplication de ce cessez-le-feu."
Dans ce
télégramme de la MINUAR, les priorités étaient claires : la MINUAR devait avant
toute chose ĂȘtre en mesure dâarrĂȘter les massacres, et en deuxiĂšme lieu,
poursuivre les efforts pour obtenir un cessez-le-feu.
CâĂ©tait lĂ un changement
important par rapport aux priorités indiquées dans les premiers échanges de
correspondance entre Kigali et le SiĂšge de lâONU, changement qui est intervenu
un mois aprÚs le début des massacres.
Le document officieux qui a été présenté au Conseil le 9 mai était moins
clair au sujet des massacres qui se poursuivaient et certainement plus vague en
ce qui concerne le rĂŽle que devrait jouer la MINUAR pour arrĂȘter les tueries.
Alors que selon le projet de conception susmentionné des opérations de la
MINUAR, la Mission devrait ĂȘtre habilitĂ©e "Ă prendre d'urgence des mesures
efficaces pour arrĂȘter les massacres de civils innocents", la version finale du
document officieux disait que la MINUAR devait "assurer des conditions de
sécurité pour les personnes déplacées et autres personnes en difficulté, y
compris les réfugiés ...".
Le document officieux déclarait aussi expressément
que le mandat révisé n'envisagerait pas de mesures de coercition, que la Mission
aurait essentiellement recours Ă la dissuasion pour s'acquitter de ses tĂąches et
nâutiliserait la force qu'en cas de lĂ©gitime dĂ©fense.
Il déclarait qu'une force
de 5 500 hommes, y compris cinq bataillons d'infanterie, reprĂ©sentait lâeffectif
minimum viable pour une MINUAR renforcée.
Les tĂąches de la Mission Ă©taient
résumées comme suit : "apporter un soutien aux personnes déplacées et autres
personnes touchées et assurer leur sécurité et contribuer à l'acheminement de
l'aide humanitaire".
Dans un communiqué de presse daté du 12 mai concernant le document
officieux, le Front patriotique rwandais a dĂ©clarĂ© que lâeffectif minimum de la
force était trop élevé : une mission de la dimension originale (2 500) était
préférée.
Le Front patriotique rwandais a déclaré que les seules zones du
Rwanda oĂč la population pouvait avoir besoin d'une protection des Nations Unies
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étaient situées dans le sud-ouest du pays sous contrÎle des forces
gouvernementales rwandaises.
Lorsque le Conseil a commencé l'examen du document officieux le 11 mai, le
Secrétariat a informé le Secrétaire général que plusieurs membres avaient
exprimé leur appui à la conception énoncée dans ce document.
Sans s'opposer Ă
proprement parler Ă cette conception, les Ătats-Unis souhaitaient que l'on
étudie la possibilité de créer une zone protégée le long de la frontiÚre
rwandaise, avec une force internationale qui assurerait la sécurité des
populations.
Le reprĂ©sentant des Ătats-Unis a dĂ©clarĂ© qu'une telle mission
nécessiterait sans doute des effectifs moins nombreux et serait moins complexe
que certaines des autres solutions envisagées.
Mais la solution de zones
protégées aux frontiÚres a été critiquée par Dallaire dans un télégramme daté du
12 mai.
Le 13 mai, le Secrétaire général a présenté officiellement ses
recommandations dans un rapport au Conseil de sécurité, qui prévoyait le
dĂ©ploiement progressif de la MINUAR II, avec des effectifs pouvant aller jusqu'Ă
5 500 hommes, en soulignant la nécessité d'amener le plus rapidement possible
les troupes sur le terrain.
Les divergences susmentionnées ont continué.
Durant le dernier jour des consultations, les membres du Conseil se sont
intéressés essentiellement aux amendements au projet de résolution présentés par
les Ătats-Unis.
Les propositions des Ătats-Unis consistaient Ă mentionner
expressément la nécessité d'obtenir le consentement des parties, à attendre pour
effectuer les derniÚres phases du déploiement que de nouvelles décisions aient
été prises par le Conseil et que le Secrétaire général ait présenté au Conseil
une conception plus détaillée des opérations, y compris entre autres éléments le
consentement des parties et les ressources disponibles.
Selon les notes du Secrétaire général, un certain nombre de délégations ont
pensé qu'il n'était pas judicieux de chercher à obtenir le consentement exprÚs
des parties.
La France et la Nouvelle-ZĂ©lande pouvaient difficilement accepter
que l'on déploie seulement un petit nombre d'observateurs militaires et un
bataillon d'infanterie et que l'on attende pour déployer le reste des effectifs,
comme le proposaient les Ătats-Unis.
AprĂšs plusieurs heures de consultations,
le Conseil a élaboré le projet qui a été adopté par la suite.
Création de la MINUAR II
Le Conseil a adopté la résolution 918 (1994) le 17 mai 1994.
La résolution
décidait d'augmenter les effectifs de la MINUAR et imposait un embargo sur les
armes au Rwanda.
Le Rwanda a voté contre cette derniÚre décision, ce qui met
bien en lumiÚre la difficile question de principe posée par le fait que le
Rwanda était membre du Conseil de sécurité.
AprÚs l'adoption de la résolution, les efforts ont porté sur le
rassemblement des effectifs qui constitueraient les cinq bataillons autorisés
par le Conseil.
Le Secrétariat a tenu un certain nombre de réunions avec des
contributeurs potentiels.
Booh Booh s'est rendu dans des pays d'Afrique
importants pour les persuader de contribuer aux effectifs de la MINUAR et le
Secrétaire général a pris personnellement contact avec un certain nombre de
chefs d'Ătat africains et a obtenu que le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l'OUA l'aide Ă
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susciter des offres de troupes.
Les résultats obtenus ont été médiocres.
Quelques pays d'Afrique ont déclaré qu'ils envisageaient de fournir des troupes
Ă condition de recevoir Ă cette fin une aide financiĂšre et logistique.
Le
25 juillet, plus de deux mois aprÚs l'adoption de la résolution 918 (1994), la
MINUAR n'avait encore que 550 hommes, un dixiÚme des effectifs autorisés.
C'est
ainsi qu'au manque de volonté politique de réagir fermement contre le génocide
lorsqu'il a commencĂ©, est venu s'ajouter le fait que l'ensemble des Ătats
Membres de l'Organisation n'ont pas voulu s'engager Ă fournir les troupes
nĂ©cessaires qui auraient permis aux Nations Unies d'arrĂȘter les massacres.
M. José Ayala Lasso, le Haut Commissaire aux droits de l'homme qui venait
de prendre ses fonctions, s'est rendu au Rwanda les 11 et 12 mai 1994.
Il est
allĂ© Ă Kigali et Byumba et sâest entretenu avec les reprĂ©sentants du prĂ©tendu
Gouvernement intérimaire et du Front patriotique rwandais.
Son rapport Ă la
Commission des droits de l'homme est paru le 19 mai 1994 (E/CN.4/S-3/3).
Ayala
Lasso déclarait que plus de 200 000 civils avaient été tués et demandait que ces
massacres soient énergiquement condamnés, mais il s'est contenté de déclarer que
la situation était caractérisée par des violations des droits de l'homme
extrĂȘmement graves qui se poursuivaient.
Ses recommandations s'adressaient aux
deux parties.
Ayala Lasso n'a mentionné le terme génocide que dans une
référence à la Convention qui était un des instruments internationaux relatifs
aux droits de l'homme auxquels le Rwanda Ă©tait partie.
Il a proposé de nommer
un rapporteur spécial pour les droits de l'homme au Rwanda, qui serait assisté
par des observateurs des droits de l'homme.
Dans un nouveau rapport faisant suite Ă la mĂȘme visite, qui a Ă©tĂ© envoyĂ© au
Conseil de sécurité le 21 juillet 1994 (S/1994/867), Ayala Lasso a souligné que
plusieurs centaines de milliers de personnes avaient été tuées.
Il a mentionné
des éléments de preuve qui donnaient à entendre que les massacres commis par les
forces gouvernementales avaient été accomplis de maniÚre planifiée et concertée
et il a mentionné les incitations à la violence et au meurtre de Radio Rwanda et
de la Radio-Télévision libre des Mille collines.
Il a mentionné également des
informations faisant Ă©tat de massacres de civils par des forces des deux camps
et dâexĂ©cutions sommaires par les forces du FPR, apparemment commises Ă titre de
représailles.
Le 16 mai, le Secrétaire général a rencontré Booh Booh et de hauts
fonctionnaires du SecrĂ©tariat, y compris Annan et Goulding, pour sâentretenir
des événements du Rwanda.
Il a publiĂ© ensuite un communiquĂ© de presse, oĂč il
réaffirmait son soutien à Booh Booh, contre qui le FPR lançait depuis un certain
temps des accusations de partialité.
Le 18 mai, le Secrétaire général a écrit à un certain nombre de chefs
d'Ătat et de gouvernement africains, en leur demandant de fournir des troupes
pour la MINUAR II.
Il a informé le Secrétaire général de l'OUA de cette
dĂ©marche dans une lettre datĂ©e du mĂȘme jour, qui fait partie de la
correspondance échangée par les deux Secrétaires généraux au sujet du rÎle des
Nations Unies depuis le début du génocide.
Le 20 mai, Annan a transmis à Booh Booh une demande du Secrétaire général
tendant Ă ce qu'il s'installe Ă Nairobi pendant les semaines suivantes et
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consulte les gouvernements de la région pour obtenir qu'ils apportent leur appui
à l'application de la résolution 918 (1994).
Comme suite à la résolution 918 (1994), le Secrétaire général a également
envoyĂ© Riza et Baril au Rwanda, notamment pour essayer d'amener les parties Ă
conclure un cessez-le-feu et étudier l'application de la résolution du Conseil
de sécurité.
La mission spéciale a séjourné dans la région du 22 au 27 mai.
Dans un rapport au Conseil de sécurité daté du 31 mai, le Secrétaire général a
présenté des conclusions fondées sur cette mission.
Le rapport contient des
descriptions précises des atrocités commises au cours des semaines qui s'étaient
écoulées depuis le début du génocide, parlant de "folie meurtriÚre" et estimant
qu'entre 250 000 et 500 000 personnes avaient été tuées.
Il est Ă noter que le
rapport déclarait que les massacres et les tueries avaient été systématiques et
qu'il ne faisait guÚre de doute que les événements en question constituent un
génocide.
Le rapport inclut une référence rétrospective aux renseignements dont
disposait le Secrétariat au sujet de la situation au Rwanda avant le génocide et
sur lesquels se fondait son analyse.
Il est dit au paragraphe 11 : "Dans ce
contexte, le Conseil de sĂ©curitĂ© devrait ĂȘtre informĂ© de certains Ă©vĂ©nements
qui, rétrospectivement, pourraient avoir eu de l'importance à l'égard des
massacres.
Entre décembre 1993 et mars 1994, la MINUAR a noté à plusieurs
reprises la diffusion d'Ă©missions incendiaires par âRadio Mille collinesâ, ainsi
que des mouvements suspects de groupes armés, y compris apparemment [sic]
l'Interahamwe, et a averti le Gouvernement intérimaire dans les deux cas.
La
MINUAR a Ă©galement obtenu la preuve que des armes rentraient dans le pays; elle
a protesté auprÚs du Gouvernement intérimaire et a également communiqué cette
information à la communauté diplomatique."
Se référant apparemment au
télégramme de Dallaire du 11 janvier 1994, le rapport poursuivait : "Le
commandant de la Force a demandé une fois au SiÚge l'autorisation d'employer la
force pour récupérer une cache d'armes et a reçu pour instruction d'insister
pour que la gendarmerie se charge de cette opération sous la supervision de la
MINUAR."
Le rapport du Secrétaire général proposait un plan de déploiement en trois
phases de la MINUAR II, dans le cadre duquel les phases 1 et 2 seraient
déclenchées immédiatement, de maniÚre synchronisée.
Le plan prévoyait deux
scĂ©narios de dĂ©ploiement diffĂ©rents, y compris le cas oĂč le cessez-le-feu
n'aurait pas été mis en place.
Les deux tĂąches principales de la MINUAR II
consistaient à : a) tenter d'assurer la sécurité de groupes aussi nombreux que
possible de civils menacés; et b) assurer la sécurité des opérations de secours
humanitaires selon les besoins.
Les observations finales du rapport étaient amÚres : "La réaction tardive
de la communauté internationale à la situation tragique que connaßt le Rwanda
démontre de maniÚre éloquente qu'elle est totalement incapable de prendre
d'urgence des mesures décisives pour faire face aux crises humanitaires
étroitement liées à un conflit armé.
AprÚs avoir rapidement ramené la présence
sur le terrain de la MINUAR Ă son niveau minimum, puisque le mandat initial de
celle-ci ne lui permettait pas d'intervenir lorsque les massacres ont commencé,
la communauté internationale, prÚs de deux mois plus tard, semble paralysée,
mĂȘme s'agissant du mandat rĂ©visĂ© Ă©tabli par le Conseil de sĂ©curitĂ©.
Nous devons
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tous reconnaĂźtre, Ă cet Ă©gard, que nous n'avons pas su agir pour que cesse
l'agonie du Rwanda et que, sans mot dire, nous avons ainsi acceptĂ© que des ĂȘtres
humains continuent de mourir."
Le FPR a adressé au Secrétaire général, le 3 juin, une lettre qui
réagissait de façon positive à la mention du génocide dans le rapport le plus
récent du Secrétaire général et demandait au Conseil de sécurité de déclarer que
les atrocités commises étaient un génocide.
Il demandait aussi au Conseil de
sĂ©curitĂ© dâadopter une rĂ©solution donnant son accord au brouillage ou Ă la
destruction de Radio Mille collines.
Le FPR demandait en outre au Secrétaire
général et au Conseil de prendre des mesures pour suspendre la participation du
Rwanda au Conseil.
Le 8 juin, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 925 (1994), qui
souscrivait aux propositions du Secrétaire général touchant le déploiement de la
MINUAR Ă©largie et prorogeait le mandat de la Mission jusquâau 9 dĂ©cembre 1994.
En outre, la rĂ©solution priait instamment les Ătats Membres de rĂ©pondre
promptement à la demande du Secrétaire général concernant les ressources
nĂ©cessaires, y compris une capacitĂ© de soutien logistique qui permette dâassurer
le déploiement rapide de contingents supplémentaires de la Mission.
Le projet
avait initialement Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© par les Ătats-Unis.
Selon les notes relatives
aux consultations, le terme génocide qui figurait dans la version initiale avait
été remplacé par les termes "actes de génocide" à titre de compromis, la Chine
ayant fait objection Ă lâutilisation du seul terme de gĂ©nocide.
Opération Turquoise
Dans une lettre datée du 19 juin, adressée au Conseil de sécurité
(S/1994/728), le Secrétaire général a exposé les résultats des efforts faits
pour mettre en place la MINUAR II, dont les effectifs Ă ce moment-lĂ ne
comptaient encore que 503 hommes.
Le Secrétaire général déclarait que le
déploiement de la premiÚre phase de la MINUAR II ne pourrait avoir lieu, dans le
meilleur des cas, quâau cours de la premiĂšre semaine de juillet.
Mentionnant
les massacres qui se poursuivaient, le Secrétaire général a suggéré ensuite au
Conseil dâexaminer lâoffre quâavait faite la France dâentreprendre une opĂ©ration
multinationale au titre du Chapitre VII de la Charte "pour assurer la sécurité
et la protection des personnes déplacées et des civils en danger au Rwanda".
Cette offre de la France, Ă laquelle sâĂ©tait joint le SĂ©nĂ©gal, a Ă©tĂ©
officiellement énoncée dans une lettre, datée du 20 juin 1994, adressée au
Président du Conseil de sécurité par le Représentant permanent de la France.
LâopĂ©ration y est dĂ©crite comme visant Ă maintenir une prĂ©sence en attendant
lâarrivĂ©e de la MINUAR Ă©largie.
Les objectifs assignés à cette force seraient
les mĂȘmes que ceux assignĂ©s Ă la MINUAR par le Conseil de sĂ©curitĂ©, Ă savoir
contribuer à la sécurité et à la protection des personnes déplacées, des
réfugiés et des civils en danger au Rwanda, y compris par la création et le
maintien, lĂ oĂč il serait possible, de zones humanitaires sĂ»res.
La France
souhaitait une résolution au titre du Chapitre VII en tant que cadre juridique
pour son intervention.
Ce mĂȘme jour, le Conseil de sĂ©curitĂ© a adoptĂ© la rĂ©solution 928 (1994)
prorogeant le mandat de la Mission dâobservation des Nations Unies
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Ouganda-Rwanda pour une période de trois mois et décidant également que le
nombre des observateurs militaires de la Mission serait réduit au cours de cette
période.
Le 20 juin, Dallaire a envoyé au SiÚge un long télégramme exposant un
certain nombre de sujets dâinquiĂ©tude potentiels concernant lâopĂ©ration
Turquoise proposée, y compris les conséquences pour les troupes faisant partie
de la MINUAR qui Ă©taient de la mĂȘme nationalitĂ© que les contingents de la force
conduite par la France.
Le Conseil de sĂ©curitĂ© a tenu des consultations au sujet de lâinitiative de
la France du 20 au 22 juin.
La France a présenté un projet de résolution le
20 juin.
Le Secrétaire général a participé à des consultations officieuses le
22 juin.
Selon les notes des Nations Unies sur ces consultations, le Secrétaire
gĂ©nĂ©ral a militĂ© en faveur de lâadoption dâune dĂ©cision urgente pour autoriser
lâopĂ©ration conduite par la France.
Plus tard ce mĂȘme jour, le Conseil a adoptĂ©
la résolution 929 (1994) par 10 voix pour, avec 5 abstentions (Brésil, Chine,
Nigéria, Nouvelle-Zélande, Pakistan).
Le 1er juillet 1994, le Conseil a adopté la résolution 934 (1994) priant le
SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de constituer une commission impartiale dâexperts, qui devait
présenter au Secrétaire général ses conclusions "quant aux éléments de preuve
dont elle disposerait concernant les violations graves du droit international
humanitaire commises sur le territoire du Rwanda, y compris dâĂ©ventuels actes de
génocide".
Le 1er juillet également, le Représentant permanent de la France a informé
le Secrétaire général, dans une lettre qui a été communiquée au Conseil de
sécurité sous la cote S/1994/798, que les combats s'étaient intensifiés et que
la situation dans le sud-ouest du Rwanda "serait à trÚs brÚve échéance
complĂštement incontrĂŽlable".
Selon l'Ambassadeur de France, la situation
exigeait un cessez-le-feu immédiat.
L'arrĂȘt des combats Ă©tait le seul moyen
véritablement efficace pour stabiliser la situation humanitaire et parvenir à un
rĂšglement politique Ă partir des Accords d'Arusha "dont, bien entendu, devaient
ĂȘtre exclus les responsables des massacres et notamment des actes de gĂ©nocide".
En l'absence d'un cessez-le-feu, la France se trouverait confrontée au choix
suivant : soit se retirer en dehors du territoire rwandais, soit organiser une
zone humanitaire sûre.
Il ressortait clairement de la lettre que la France
estimait que la crĂ©ation d'une telle zone entrait dans le cadre du mandat dĂ©jĂ
donné par le Conseil, mais qu'elle souhaitait néanmoins que l'Organisation des
Nations Unies exprime son appui Ă cette initiative.
Le Conseil a examiné
l'intention de la France de créer la zone en question au cours de consultations
officieuses tenues le 6 juillet; plusieurs délégations ont posé à cette occasion
des questions sur la nature de la proposition.
Le Conseil n'a eu aucune
réaction officielle à la lettre de la France.
Le 14 juillet, le Conseil de sécurité a publié une déclaration du Président
(S/PRST/1994/34) oĂč il se disait alarmĂ© par la poursuite des combats, exigeait
un cessez-le-feu immédiat, lançait un appel pressant à la relance du processus
politique dans le cadre de l'Accord de paix d'Arusha, réaffirmait le caractÚre
humanitaire de la zone sûre au sud-ouest du Rwanda et exigeait que tous ceux que
cela concernait respectent son caractĂšre.
Les Ătats Membres Ă©taient appelĂ©s Ă
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fournir les contributions nécessaires afin d'assurer le déploiement de la MINUAR
renforcée dans les plus brefs délais.
Goma, au Zaïre a été bombardé le 17 juillet.
Ce jour-là , le général
Lafourcade, commandant de l'opération Turquoise, a demandé à la MINUAR de faire
savoir au général Kagame que si les bombardements ne cessaient pas, la France
envisagerait d'intervenir par la force.
Dans un contact préalable avec le
Représentant spécial, M. Shaharyar Khan, le général Paul Kagame aurait déclaré
que le FPR n'était pas responsable et que des instructions claires avaient été
données aux forces qui se trouvaient dans la région de ne pas bombarder Goma ni
le territoire zaĂŻrois adjacent.
Le 17 juillet, le bureau de liaison Ă Goma du Bureau des Nations Unies pour
les secours d'urgence au Rwanda a fait savoir que plus d'un million de Rwandais
avaient franchi la frontiÚre et pénétré au Zaïre.
On craignait qu'un nouvel
afflux de réfugiés ne se produise en provenance de la zone de protection
humanitaire contrĂŽlĂ©e par lâopĂ©ration Turquoise.
C'est ainsi qu'a commencé
l'une des situations humanitaires dâurgence les plus complexes et dĂ©licates qui
se soient produites au cours des derniÚres années, à savoir la fuite au Zaïre
d'un nombre considĂ©rable de rĂ©fugiĂ©s rwandais, dont les camps allaient ĂȘtre
infiltrĂ©s par les forces de lâInterahamwe et d'autres forces responsables du
génocide.
Les efforts massifs mis en place pour apporter des secours Ă ces
camps continuent Ă ĂȘtre jugĂ©s inadmissibles par ceux qui ont survĂ©cu au gĂ©nocide
au Rwanda.
Le 18 juillet, le FPR contrĂŽlait la totalitĂ© du territoire rwandais, Ă
l'exception de la zone humanitaire dĂ©pendant de lâopĂ©ration Turquoise.
Le FPR
déclara un cessez-le-feu unilatéral.
Le 19 juillet, un gouvernement d'unité
nationale a été mis en place à Kigali pour une période de transition de cinq
ans.
Le pasteur Bizimungu a été nommé Président, le général Paul Kagame,
Vice-Président et M. Faustin Twagiramungu Premier Ministre.
Cent jours environ
aprÚs qu'il eut débuté l'horrible génocide a pris fin, laissant derriÚre lui de
graves blessures et une profonde amertume.
III.
CONCLUSIONS
La Commission indĂ©pendante dâenquĂȘte conclut que lâintervention de
lâOrganisation des Nations Unies avant et pendant le gĂ©nocide qui sâest produit
en 1994 au Rwanda a échoué sous plusieurs aspects fondamentaux.
Si
lâOrganisation des Nations Unies nâa pas pu empĂȘcher et arrĂȘter le gĂ©nocide au
Rwanda, la responsabilité en incombe à plusieurs acteurs, en particulier le
Secrétaire général, le Secrétariat, le Conseil de sécurité, la MINUAR et les
Ătats Membres de lâOrganisation.
Cette responsabilité internationale justifie
que lâOrganisation et les Ătats Membres concernĂ©s prĂ©sentent des excuses sans
Ă©quivoque au peuple rwandais.
En ce qui concerne la responsabilité des Rwandais
qui ont planifié, encouragé et exécuté les actes de génocide contre leurs
compatriotes, les efforts doivent se poursuivre pour les traduire en justice
â devant le Tribunal criminel international pour le Rwanda et devant les
instances nationales au Rwanda.
Dans le chapitre suivant, la Commission dâenquĂȘte sâefforce dâabord
dâidentifier les causes de lâĂ©chec absolu de lâintervention de lâONU :
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lâincapacitĂ© de la mission de maintien de la paix des Nations Unies de faire
face aux réalités du défi qui était posé.
La Commission dâenquĂȘte dĂ©crira
ensuite un certain nombre dâautres erreurs et Ă©checs de lâintervention de
lâOrganisation des Nations Unies pendant la pĂ©riode considĂ©rĂ©e.
1.
LâĂ©chec absolu
La cause de lâĂ©chec absolu de lâintervention de lâOrganisation des
Nations Unies avant et pendant le gĂ©nocide au Rwanda peut ĂȘtre rĂ©sumĂ©e comme un
manque de ressources et un manque de volontĂ© dâaccepter lâengagement qui aurait
Ă©tĂ© nĂ©cessaire pour empĂȘcher ou arrĂȘter le gĂ©nocide.
La MINUAR, principale
composante de la prĂ©sence des Nations Unies au Rwanda, nâavait ni la
planification, ni les dimensions, ni le déploiement, ni les instructions
nécessaires pour lui permettre de jouer un rÎle dynamique et déterminé dans un
processus de paix en grave difficulté.
La mission Ă©tait plus petite que ce qui
avait Ă©tĂ© recommandĂ© Ă lâorigine par ceux qui Ă©taient sur le terrain.
Son
dĂ©ploiement sâeffectuait avec lenteur et rencontrait des difficultĂ©s
administratives démoralisantes.
Elle manquait de troupes bien entraßnées et de
matériel en bon état de fonctionnement.
Le mandat de la mission était fondé sur
une analyse du processus de paix qui sâest rĂ©vĂ©lĂ©e erronĂ©e, et qui nâa jamais
Ă©tĂ© rectifiĂ©e malgrĂ© les nombreux signes dâavertissement indiquant que le mandat
initial nâĂ©tait plus adĂ©quat.
Au moment oĂč le gĂ©nocide a commencĂ©, la mission
ne fonctionnait pas comme un ensemble cohérent : au cours des heures et des
jours réels de la crise la plus grave, des témoignages concordants indiquent
quâil y avait un manque de direction politique, un manque de capacitĂ© militaire,
de graves problĂšmes de commandement et de contrĂŽle, et un manque de coordination
et de discipline.
Une force de 2 500 militaires aurait dĂ» ĂȘtre capable dâarrĂȘter ou au moins
de limiter des massacres comme ceux qui ont commencĂ© au Rwanda aprĂšs lâaccident
dâavion qui a coĂ»tĂ© la vie aux PrĂ©sidents du Rwanda et du Burundi.
Or la
Commission dâenquĂȘte a constatĂ© que les problĂšmes fondamentaux de capacitĂ© de la
MINUAR ont entraßné une situation terrible et humiliante, dans laquelle une
force de maintien de la paix des Nations Unies sâest trouvĂ©e pratiquement
paralysĂ©e face Ă lâune des pires vagues de brutalitĂ© que lâhumanitĂ© ait connue
au cours de ce siĂšcle.
Malgré les échecs de la MINUAR, il convient de mentionner que les membres
du personnel de la MINUAR et des programmes et organismes des Nations Unies ont
Ă©galement Ă©tĂ© les auteurs dâactes de courage au milieu du chaos qui rĂ©gnait au
Rwanda et ont effectivement sauvé la vie de nombreux civils, dirigeants
politiques et fonctionnaires des Nations Unies, parfois en risquant leur propre
vie.
En particulier, les soldats de la paix qui sont restés sur place pendant
tout le génocide, notamment le commandant des forces et les contingents ghanéen
et tunisien, mĂ©ritent dâĂȘtre fĂ©licitĂ©s pour les efforts quâils ont dĂ©ployĂ©s pour
combattre dans des conditions extrĂȘmement difficiles des actes de la pire
brutalitĂ© que lâhumanitĂ© ait connue.
Les archives des Nations Unies témoignent
de la multitude de demandes dâassistance, provenant de lâintĂ©rieur du Rwanda,
des Ătats Membres et des ONG, afin de sauver des personnes en danger pendant le
génocide.
Il est difficile dâobtenir des statistiques, mais on peut citer une
liste interne faisant partie des archives de la MINUAR qui indique que
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3 904 personnes déplacées avaient été transportées par la MINUAR au cours des
combats Ă Kigali entre le 27 mai et le 20 juin 1994.
2.
Les insuffisances du mandat de la MINUAR
Les décisions prises en ce qui concerne la portée du mandat initial de la
MINUAR ont Ă©tĂ© un facteur sous-jacent de lâĂ©chec de la mission, qui nâa pas pu
empĂȘcher ou arrĂȘter le gĂ©nocide au Rwanda.
Le processus de planification nâa
pas tenu compte des graves tensions persistantes qui nâavaient pas Ă©tĂ© Ă©liminĂ©es
par les accords entre les parties.
La mission des Nations Unies présupposait le
succĂšs du processus de paix.
Il nây avait ni position de repli, ni plan
dâurgence au cas oĂč le processus de paix Ă©chouerait.
LâincapacitĂ© absolue de crĂ©er une force ayant la capacitĂ©, les ressources
et le mandat nécessaires pour faire face à la violence croissante et au génocide
qui a suivi au Rwanda avait des causes remontant aux premiers stades de la
planification de la mission.
La signature de lâAccord dâArusha en aoĂ»t 1993
avait été généralement accueillie avec optimisme et soulagement aprÚs des années
de difficiles négociations entre les parties rwandaises.
Bien quâil fĂ»t Ă©vident
que des tensions persistaient sous la surface, mĂȘme au sein de la dĂ©lĂ©gation du
Gouvernement, la communautĂ© internationale a accueilli lâAccord comme le point
de départ sur la voie de la paix et du partage du pouvoir au Rwanda.
Ă cause de lâhypothĂšse trop optimiste Ă©noncĂ©e par les parties Ă lâAccord
dâArusha selon laquelle une force internationale pouvait ĂȘtre dĂ©ployĂ©e en un
mois environ, lâOrganisation des Nations Unies sâest engagĂ©e dans une course
contre la montre dÚs les premiers jours des préparatifs de la mission.
Le
processus initial de planification a souffert dâune analyse politique
insuffisante.
Dallaire a admis que la mission de reconnaissance, quâil
dirigeait, nâavait pas les compĂ©tences politiques nĂ©cessaires pour effectuer une
analyse approfondie et correcte de la situation politique et des réalités sous-
jacentes concernant les ex-belligĂ©rants signataires de lâAccord de paix
dâArusha.
Il semble que les membres de la mission ne connaissaient mĂȘme pas le
rapport inquiétant qui avait été publié à peine quelques semaines auparavant par
le Rapporteur spĂ©cial de la Commission des droits de lâhomme sur les exĂ©cutions
extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires au sujet de la situation au Rwanda.
Dans ce rapport, le Rapporteur appuyait les constatations faites par un certain
nombre dâONG sâoccupant des droits de lâhomme au cours de lâannĂ©e.
Il
mentionnait une situation extrĂȘmement grave en matiĂšre de droits de lâhomme, et
examinait en dĂ©tail la possibilitĂ© quâun gĂ©nocide Ă©tait en train dâĂȘtre perpĂ©trĂ©
au Rwanda.
Le fait quâun rapport de cette nature nâa pas Ă©tĂ© pris en
considĂ©ration lors de la planification dâune vaste opĂ©ration de maintien de la
paix des Nations Unies au Rwanda montre quâil y a eu un manque de coordination
grave de la part des organes des Nations Unies concernés.
En fait, Dallaire a
dĂ©clarĂ© Ă la Commission dâenquĂȘte que, si lâĂ©valuation politique avait Ă©tĂ© plus
approfondie et sâil avait eu connaissance du rapport, il aurait rĂ©examinĂ© les
recommandations concernant le niveau des forces faites par la mission de
reconnaissance.
La responsabilité de cette erreur dans la planification de la
MINUAR incombe aux services concernĂ©s du SecrĂ©tariat de lâONU, en particulier le
Centre des droits de lâhomme et le DĂ©partement des opĂ©rations de maintien de la
paix.
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La mission de reconnaissance avait estimĂ© quâune force de 4 500 hommes
Ă©tait requise pour remplir le mandat au Rwanda.
Toutefois, le Secrétariat a
estimĂ© quâil ne serait pas possible dâobtenir lâappui du Conseil pour un tel
nombre de soldats.
Cette Ă©valuation de lâengagement politique Ă©tait
probablement correcte Ă lâĂ©poque : la dĂ©lĂ©gation des Ătats-Unis avait suggĂ©rĂ©
que lâOrganisation des Nations Unies envoie au Rwanda une prĂ©sence symbolique de
100 militaires.
MĂȘme la France, qui avait insistĂ© pour quâil y ait une prĂ©sence
des Nations Unies au Rwanda, estimait que 1 000 hommes suffiraient.
Les
chiffres proposĂ©s par Dallaire ont Ă©tĂ© rĂ©duits avant mĂȘme dâĂȘtre prĂ©sentĂ©s au
Conseil.
Le 24 septembre, soit deux semaines aprÚs la fin de la période
initiale de transition, le Secrétaire général a recommandé une force de maintien
de la paix comprenant 2 548 militaires.
Si le mandat que le Conseil de sécurité a confié à la MINUAR dans sa
résolution 872 (1993) était déjà plus limité que la proposition faite au Conseil
par le Secrétaire général, il était encore plus éloigné du concept général
initial convenu par les parties dans lâAccord dâArusha.
La diffĂ©rence nâĂ©tait
pas sans importance.
LâinterprĂ©tation de la portĂ©e rĂ©elle du mandat donnĂ© par
le Conseil est devenue lâobjet dâun dĂ©bat plusieurs mois avant le dĂ©but du
génocide, comme on le verra ci-aprÚs.
La limitation du mandat en ce qui
concerne la zone libre dâarmes de Kigali Ă©tait lâune des premiĂšres indications
publiques des limites des responsabilitĂ©s que le Conseil de sĂ©curitĂ© Ă©tait prĂȘt
Ă assumer au Rwanda.
Les Ătats-Unis ont soumis un certain nombre dâamendements
au projet de résolution qui affaiblissaient le mandat, notamment en ce qui
concerne le désarmement de la population civile.
Le libellé initial concernant
la zone libre dâarmes de Kigali a Ă©galement Ă©tĂ© affaibli en spĂ©cifiant que cette
zone devait ĂȘtre Ă©tablie par les parties.
La responsabilité des limitations imposées au mandat initial confié à la
MINUAR incombe en premier lieu au SecrĂ©tariat de lâONU, au SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral et
aux fonctionnaires responsables du Département des opérations de maintien de la
paix pour avoir effectuĂ© lâanalyse erronĂ©e qui Ă©tait Ă la base des
recommandations faites au Conseil et pour avoir recommandé que la mission
comprenne un nombre de soldats inférieur à celui que la mission envoyée sur le
terrain avait considéré comme nécessaire.
Les Ătats Membres qui ont exercĂ© des
pressions sur le SecrĂ©tariat pour quâil rĂ©duise le nombre de militaires proposĂ©
ont également une part de responsabilité.
En outre, le Conseil de sécurité
lui-mĂȘme est responsable dâavoir hĂ©sitĂ© Ă appuyer de nouvelles missions de
maintien de la paix Ă la suite de lâopĂ©ration en Somalie et, dans ce cas prĂ©cis,
dâavoir dĂ©cidĂ© de limiter le mandat de la mission en ce qui concerne la zone
libre dâarmes.
3.
Lâapplication du mandat
Dâautres difficultĂ©s sĂ©rieuses sont apparues lors de lâapplication du
mandat de la MINUAR, qui avait Ă©tĂ© conçu dâune maniĂšre mesurĂ©e et qui allait
Ă©galement ĂȘtre appliquĂ© dâune maniĂšre mesurĂ©e sur le terrain.
Le SiĂšge a
constamment dĂ©cidĂ© dâappliquer le mandat dâune maniĂšre qui prĂ©serverait un rĂŽle
neutre pour la MINUAR dans le cadre dâun mandat classique de maintien de la
paix.
On estimait que câĂ©tait le type dâaction qui aurait lâappui du Conseil de
sécurité.
Malgré une détérioration de la situation en matiÚre de sécurité qui
aurait justifiĂ© un rĂŽle plus dĂ©terminĂ© et plus prĂ©ventif pour lâOrganisation des
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Nations Unies, aucune mesure nâa Ă©tĂ© prise pour adapter le mandat Ă la rĂ©alitĂ©
des besoins au Rwanda.
Le télégramme envoyé à Baril par Dallaire le 11 janvier au sujet de ses
contacts avec un informateur révÚle certains aspects clefs de la maniÚre dont la
MINUAR appliquait son mandat.
La Commission dâenquĂȘte estime que des erreurs
graves ont été commises dans la suite donnée à ce télégramme.
PremiÚrement, les informations contenues dans ce télégramme, et en
particulier celles qui indiquaient lâexistence dâun plan visant Ă exterminer les
Tutsis, Ă©taient dâune importance telle quâon aurait dĂ» leur accorder la plus
haute priorité et la plus grande attention et les communiquer au niveau le plus
élevé.
Des erreurs ont été commises à la fois par la MINUAR et par le
Secrétariat à cet égard.
Dallaire nâaurait pas dĂ» adresser le tĂ©lĂ©gramme uniquement Ă Baril : il est
clair quâil devait ĂȘtre au moins portĂ© immĂ©diatement Ă lâattention des
Secrétaires généraux adjoints aux opérations de maintien de la paix et aux
affaires politiques.
En fait, bien quâil ait Ă©tĂ© envoyĂ© uniquement Ă Baril,
celui-ci lâa ensuite montrĂ© aux autres responsables du DĂ©partement des
opérations de maintien de la paix.
Les instructions envoyées par Annan et Riza
Ă la MINUAR â et leur caractĂšre trĂšs prudent â montrent quâils se rendaient bien
compte que le télégramme contenait des informations trÚs importantes.
Toutefois, ils nâen ont pas informĂ© le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral.
En outre, le Conseil
de sĂ©curitĂ© â qui, une semaine auparavant, avait fait dĂ©pendre son appui continu
Ă la MINUAR des progrĂšs qui seraient rĂ©alisĂ©s dans le processus de paix â nâa
pas été informé.
Le fait dâinformer trois ambassades Ă Kigali nâĂ©tait pas
suffisant à cet égard : la gravité des menaces mentionnées dans le télégramme
justifiait que lâensemble du Conseil soit informĂ©.
Tout au moins, le Conseil de
sĂ©curitĂ© aurait dĂ» ĂȘtre informĂ© lorsque la MINUAR a indiquĂ© au dĂ©but de fĂ©vrier
que le PrĂ©sident nâavait rien fait pour agir sur la base de ces informations et
que la situation sur le terrain se détériorait.
La référence voilée au
télégramme de Dallaire, qui est faite rétroactivement dans le rapport du
Secrétaire général au Conseil daté du 31 mai 1994, est un cas flagrant de trop
peu, et certainement de beaucoup trop tard.
DeuxiĂšmement, il est incomprĂ©hensible pour la Commission dâenquĂȘte que des
mesures supplĂ©mentaires nâaient pas Ă©tĂ© prises pour donner suite aux
renseignements fournis par lâinformateur.
Lorsque la décision a été prise de
communiquer ces informations au PrĂ©sident Habyarimana afin quâil prenne des
mesures Ă ce sujet, des pressions constantes auraient dĂ» ĂȘtre exercĂ©es sur le
PrĂ©sident pour faire en sorte quâil prenne les mesures promises.
Cela sâapplique aux trois aspects principaux du tĂ©lĂ©gramme.
Lorsquâune
mission des Nations Unies reçoit des informations selon lesquelles il existe des
plans visant à exterminer un groupe de personnes, cela exige une réaction
immédiate et déterminée et certainement, dans le cas présent, des mesures plus
Ă©nergiques que les rĂ©unions quâont eues Booh Booh et Dallaire avec le PrĂ©sident
Habyarimana et avec la direction du MRND.
Les informations concernant lâexistence de caches dâarmes Ă©taient Ă©galement
sérieuses.
Bien que la quantitĂ© dâarmes dans la cache en question qui, selon
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Dallaire, contenait au moins 135 armes, nâait pas Ă©tĂ© dâune ampleur ou dâune
nature pouvant dĂ©terminer lâissue du gĂ©nocide plus tard dans lâannĂ©e, les
instructions de New York ont certainement donné comme signal aux Interahamwe et
autres extrémistes que la MINUAR ne prendrait pas des mesures déterminées en ce
qui concerne ces caches.
La question de savoir si la dĂ©cision dâeffectuer un raid sur la cache
dâarmes faisait ou non partie du mandat de la mission revĂȘt une importance
cruciale.
Il y a des opinions divergentes.
Alors que Dallaire affirmait que
câĂ©tait le cas, Baril, Annan, Riza et Annabi croyaient fermement que le raid ne
faisait pas partie du mandat.
La clef est lâinterprĂ©tation des termes "la zone
libre dâarmes Ă©tablie par les parties" dans le mandat.
Il convient de rappeler
dans ce contexte que le Conseil de sécurité avait délibérément affaibli le rÎle
de la MINUAR en ce qui concerne la zone libre dâarmes de Kigali par rapport au
rĂŽle prĂ©vu dans lâAccord dâArusha.
Dans ce cas, le SiÚge a préconisé une
interprétation prudente du mandat que le Conseil de sécurité avait adopté sur la
question de la zone libre dâarmes.
Les télégrammes contenant les instructions
du SecrĂ©tariat montrent quâil y avait des prĂ©occupations au sujet de la
possibilité que les informations soient un piÚge et des préoccupations pour la
sĂ©curitĂ© de la mission : "la considĂ©ration primordiale est quâil faut Ă©viter
dâentreprendre des actions qui pourraient aboutir Ă lâutilisation de la force et
à des répercussions imprévues".
Ătant donnĂ© ce contexte, la Commission
dâenquĂȘte estime quâil nây a pas de raison de critiquer la dĂ©cision prise par le
Secrétariat sur la question du mandat.
Toutefois, comme on le verra ci-aprĂšs,
la Commission dâenquĂȘte estime que des erreurs graves ont Ă©tĂ© commises dans la
suite donnée aux télégrammes.
Les préoccupations exprimées par la direction de la MINUAR en janvier et
fĂ©vrier au sujet des consĂ©quences de la distribution dâarmes sont trĂšs claires.
Ătant donnĂ© que le SiĂšge avait dĂ©terminĂ© que lâexĂ©cution de raids sur les caches
dâarmes et dâopĂ©rations de dissuasion ne faisait pas partie du mandat, la
Commission dâenquĂȘte estime que cette question aurait dĂ» ĂȘtre soumise au Conseil
de sécurité en tant que lacune fondamentale dans le mandat de la mission, que le
Conseil devrait envisager de combler Ă cause des graves risques que cela
impliquait.
La Commission dâenquĂȘte nâa aucune indication que la question ait
été soulevée de cette maniÚre au Conseil.
La dĂ©marche effectuĂ©e auprĂšs du PrĂ©sident Ă©tait fondĂ©e sur lâhypothĂšse
quâil nâĂ©tait pas au courant des activitĂ©s mentionnĂ©es par lâinformateur.
Toutefois, il ressort clairement des archives que Dallaire avait soulevé à peine
une semaine auparavant la question de la distribution dâarmes devant les
partisans du PrĂ©sident lors dâune rĂ©union oĂč celui-ci Ă©tait prĂ©sent et avait
dĂ©clarĂ© que cette distribution Ă©tait inacceptable car elle Ă©tait contraire Ă
lâAccord dâArusha.
Le PrĂ©sident avait ensuite dit quâil nâĂ©tait pas au courant
de cela, mais quâil donnerait des instructions Ă ses partisans pour quâils
cessent de le faire si les informations Ă©taient correctes.
En dernier lieu, les menaces lancées contre le contingent belge auraient dû
ĂȘtre suivies dâune maniĂšre plus Ă©troite, non seulement en ce qui concerne la
sécurité de ce contingent particulier, mais également dans le cadre des
discussions stratégiques au sein du Secrétariat et avec le Conseil de sécurité
sur le rĂŽle de la MINUAR au Rwanda.
LâOrganisation des Nations Unies savait que
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les extrĂ©mistes dâun cĂŽtĂ© espĂ©raient obtenir le retrait de la mission.
Par
consĂ©quent, la stratĂ©gie de lâONU qui consistait Ă utiliser la menace du retrait
de la MINUAR comme moyen de pression sur le Président pour obtenir des progrÚs
dans le processus de paix pouvait, en fait, inciter les extrémistes à faire
obstruction plutĂŽt que les en dissuader.
Des questions ont Ă©tĂ© soulevĂ©es quant Ă lâopportunitĂ© dâinviter la
Belgique, lâancienne puissance coloniale, Ă participer Ă la MINUAR.
Les menaces
lancées contre le contingent belge, qui ont été décrites dans le télégramme de
Dallaire et qui ont Ă©tĂ© exprimĂ©es Ă la radio et sous dâautres formes de
propagande, montrent les difficultés inhérentes à une telle participation.
Toutefois, dans le cas de la MINUAR, il faut rappeler que la Belgique avait
offert des troupes bien Ă©quipĂ©es qui nâĂ©taient pas offertes par dâautres pays,
et que les deux parties avaient acceptĂ© quâelle participe Ă la mission.
4.
Confusion au sujet des rĂšgles dâengagement
Le commandant de la Force a soumis au SiĂšge, le 23 novembre 1993, un projet
de rĂšgles dâengagement pour la MINUAR et demandĂ© lâapprobation du SiĂšge.
Le
SiĂšge nâa jamais rĂ©pondu Ă sa demande.
Le général Baril a dit à la Commission
dâenquĂȘte que les rĂšgles ont servi de lignes directrices.
Le général Baril a
dĂ©clarĂ© quâĂ son avis, le projet Ă©tait un bon texte, mais il a dit aussi quâĂ
lâĂ©poque, le SiĂšge nâavait pas de procĂ©dures Ă©tablies pour lâapprobation
formelle dâun tel projet de rĂšgles dâengagement.
Pour le commandant de la
Force, en lâabsence dâune rĂ©ponse formelle, les rĂšgles dâengagement devaient
ĂȘtre rĂ©putĂ©es approuvĂ©es et la Commission juge en effet quâil Ă©tait raisonnable
de le penser.
Cependant, un autre membre du Commandement de la MINUAR,
Ă©galement de grade Ă©levĂ©, a indiquĂ© Ă la Commission que les rĂšgles dâengagement
nâĂ©taient pas adaptĂ©es Ă la rĂ©alitĂ© et quâil nâen avait pas tenu compte.
Le mĂȘme projet a Ă©tĂ© envoyĂ© de nouveau au SiĂšge aprĂšs le commencement du
génocide, décrit alors comme "les différentes permutations des rÚgles
dâengagement".
Le SiĂšge nâa pas fait objection au paragraphe 17 concernant les
crimes contre lâhumanitĂ©.
Pourtant, ce paragraphe a été éliminé dans les
versions ultĂ©rieures des rĂšgles dâengagement applicables Ă la MINUAR II.
En
pratique, cependant, la MINUAR I nâa pas donnĂ© effet Ă cette clause particuliĂšre
des rĂšgles dâengagement quand la situation sur le terrain a rĂ©pondu Ă la
description donnée au paragraphe 17.
Dâautres difficultĂ©s, dont le manque de
ressources et les problÚmes de commandement et de contrÎle, ont été invoquées
par le commandant de la Force et par dâautres acteurs pour expliquer que la
MINUAR nâait pas arrĂȘtĂ© les massacres.
Il est cependant troublant de constater
un tel manque de clarté dans les communications entre la MINUAR et le SiÚge
quant Ă savoir quelles rĂšgles Ă©taient en vigueur.
5.
Absence de réaction devant le génocide
a)
AprĂšs la destruction en vol de lâavion du PrĂ©sident, la situation Ă
Kigali a vite tourné au chaos.
Des barrages ont été installés sur les routes et
les massacres de Tutsis et dâhommes politiques de lâopposition et de tendances
modérées ont commencé.
Peu aprĂšs, le FPR est sorti de ses installations et a
reçu le renfort de forces venues de lâextĂ©rieur de la capitale.
Outre les
massacres de civils, des affrontements ont éclaté entre la Garde présidentielle
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et le FPR.
La MINUAR a reçu des centaines dâappels Ă lâaide venant dâhommes
politiques, de fonctionnaires de la Mission et dâautres.
Des milliers de
personnes ont cherchĂ© refuge lĂ oĂč la MINUAR Ă©tait prĂ©sente, notamment prĂšs de
5 000 personnes qui sâĂ©taient dĂ©jĂ rassemblĂ©es Ă lâhĂŽpital de campagne dĂšs le
8 avril.
Quand le génocide a commencé, les insuffisances du mandat de la MINUAR sont
devenues catastrophiquement Ă©videntes.
Il vient spontanĂ©ment Ă lâesprit de se
demander pourquoi une force de 2 500 hommes nâa pas pu arrĂȘter les actions des
milices et des soldats des FGR qui se sont mis Ă dresser des barrages routiers
et Ă assassiner hommes politiques et Tutsis dans les heures qui ont suivi
lâattentat.
La MINUAR nâaurait-elle pas pu, par sa prĂ©sence et en manifestant
sa dĂ©termination, Ă©viter le terrible enchaĂźnement de violences qui sâest
ensuivi?
La correspondance échangée entre la MINUAR et le SiÚge dans les heures et
les jours qui ont suivi la destruction de lâavion donne lâimage dâune force en
plein désarroi, ne comprenant pas vraiment la nature des événements ni quelles
forces politiques et militaires Ă©taient en jeu, sans instructions claires et
rencontrant mĂȘme des problĂšmes de communication entre ses propres contingents.
En vertu des rĂšgles dâengagement applicables, la Mission ne devait employer la
force quâen cas de lĂ©gitime dĂ©fense.
Elle avait pris dâelle-mĂȘme lâinitiative
de protĂ©ger les hommes politiques mais, dans certains cas, sâĂ©tait abstenue Ă la
suite de menaces venant des milices.
La population civile cherchait Ă se
rĂ©fugier dans les postes de la MINUAR mais la Mission sâest avĂ©rĂ©e incapable
dâassurer durablement leur protection.
Le commandant de la Force a constaté
trĂšs vite quâil nâexerçait pas le commandement effectif de toutes ses troupes :
Ă toutes fins utiles, les agents de maintien de la paix belges relevaient du
commandement de leurs troupes nationales dâĂ©vacuation et, au bout de quelques
jours, le contingent bangladais a cessé de répondre aux ordres venus du quartier
général de la MINUAR.
En bref, la correspondance entre Kigali et le SiĂšge, et
les renseignements communiqués au Conseil de sécurité dÚs les premiers jours du
gĂ©nocide, dĂ©peignent une opĂ©ration incapable dâaccomplir son mandat politique en
rapport avec lâAccord dâArusha, incapable de protĂ©ger la population civile ou le
personnel civil des Nations Unies et courant elle-mĂȘme des risques.
De plus, la
MINUAR nâa pas Ă©tĂ© associĂ©e aux opĂ©rations dâĂ©vacuation de leurs ressortissants
menĂ©es par la France, la Belgique, les Ătats-Unis et lâItalie.
La
responsabilité de cette situation est à partager entre les responsables de la
MINUAR, le Secrétariat et les pays fournisseurs de contingents.
Les archives de lâOrganisation des Nations Unies indiquent que le
DĂ©partement des opĂ©rations de maintien de la paix a commencĂ© trĂšs vite Ă
examiner la possibilitĂ© dâun retrait de la MINUAR parmi les options qui
pouvaient sâimposer.
DÚs le 9 avril, Annan (Riza) déclarait dans un télégramme
Ă Booh Booh et Dallaire quâil Ă©tait impossible que la MINUAR exerce son mandat
dans les conditions du moment.
Il déclarait aussi que, si les événements
Ă©voluaient dans un sens nĂ©gatif, il pourrait ĂȘtre nĂ©cessaire de conclure que la
MINUAR devait se retirer.
La réaction instinctive parmi le Secrétariat semble
avoir Ă©tĂ© de mettre en doute la faisabilitĂ© dâune rĂ©action efficace des
Nations Unies, plutĂŽt que dâĂ©tudier activement la possibilitĂ© de renforcer
lâopĂ©ration pour faire face aux difficultĂ©s nouvelles sur le terrain.
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Rapidement, cependant, la décision unilatérale prise par la Belgique de
retirer ses troupes, Ă la suite de lâassassinat tragique de 10 agents de
maintien de la paix belges, a placé la Mission des Nations Unies au bord de la
désintégration.
Peu aprÚs la décision de retrait prise par le Gouvernement
belge, le Bangladesh a laissĂ© entendre quâil pourrait faire de mĂȘme.
Dans une
lettre datée du 21 avril, adressée au Président du Conseil de sécurité, le
Représentant permanent du Bangladesh soulevait plusieurs problÚmes de sécurité
en demandant des garanties de la part de lâOrganisation des Nations Unies.
Il y
avait donc un risque considérable que la Force de maintien de la paix se
désintÚgre.
Les problÚmes de commandement et de contrÎle rencontrés par la MINUAR dans
les premiers jours du gĂ©nocide ont Ă©tĂ© causĂ©s notamment par lâĂ©vacuation non
autorisée opérée par des membres de la composante de police civile qui
relevaient du commandement de la MINUAR et par lâincident embarrassant au cours
duquel des troupes de maintien de la paix bangladaises ont refusé de laisser
entrer Ă lâintĂ©rieur de lâensemble sportif dâAmahoro leurs collĂšgues du
contingent belge qui cherchaient refuge.
La Commission considĂšre quâil est essentiel de prĂ©server lâunitĂ© de
commandement et de contrĂŽle des Nations Unies et que les pays fournisseurs de
contingents doivent, malgré les pressions politiques internes en sens contraire,
sâabstenir de tout retrait unilatĂ©ral au dĂ©triment des opĂ©rations de maintien de
la paix en cours et Ă leurs risques.
La perte de 10 agents de maintien de la paix est un coup terrible pour tout
pays fournisseur de contingents.
Cependant, mĂȘme si le Gouvernement belge
estimait que le meurtre brutal des membres de ses commandos parachutistes et la
propagande antibelge au Rwanda Ă ce moment rendaient impossible le maintien de
la présence de son contingent, la Commission trouve difficile à comprendre la
campagne entreprise pour obtenir le retrait total de la MINUAR.
Lâanalyse de la
situation au Rwanda, qui a servi dâargument en faveur du retrait, dĂ©crivait des
massacres continus et des affrontements entre les parties.
Or, lâattention
semble sâĂȘtre concentrĂ©e uniquement sur le retrait en nĂ©gligeant les
possibilitĂ©s dâaction de lâOrganisation des Nations Unies avec ou sans la
Belgique.
Les discussions au Conseil de sécurité durant les premiÚres semaines du
gĂ©nocide font apparaĂźtre un organe divisĂ© entre ceux qui, comme les Ătats-Unis,
étaient réceptifs à la campagne belge en faveur du retrait de la Mission, et les
autres, au premier rang desquels le Groupe des membres du Mouvement des pays non
alignés, qui souhaitaient un renforcement de la MINUAR.
Lorsquâil a prĂ©sentĂ©
ses trois options au Conseil de sécurité dans un rapport daté du 20 avril
(S/1994/470), le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral a dĂ©clarĂ© quâil nâĂ©tait pas favorable Ă la
solution du retrait.
Bien que le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral ait soutenu quâil avait
exprimĂ© clairement sa prĂ©fĂ©rence en faveur dâun renforcement de la MINUAR, par
lâintermĂ©diaire dâune dĂ©claration faite Ă la presse par son porte-parole, la
Commission estime que le Secrétaire général aurait pu faire davantage pour
plaider la cause dâun renforcement devant le Conseil.
La décision prise par le Conseil de sécurité le 21 avril de réduire la
MINUAR à une force minimale malgré les massacres qui étaient alors connus de
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tous, plutĂŽt que de tout faire pour rallier la volontĂ© politique de chercher Ă
arrĂȘter ces massacres, est Ă lâorigine dâune amertume largement ressentie au
Rwanda.
Câest une dĂ©cision que la Commission estime difficile Ă justifier.
Le
Conseil de sécurité supporte la responsabilité de son manque de volonté
politique de faire davantage pour arrĂȘter les massacres.
La lettre du Secrétaire général, en date du 29 avril, priant le Conseil de
sécurité de réexaminer sa décision de réduire le mandat et de chercher au
contraire Ă renforcer la Mission, marque un revirement heureux en direction
dâune intervention de lâONU pour tenter dâarrĂȘter les massacres.
La nécessité
dâagir dans ce sens nâĂ©tait plus prĂ©sentĂ©e comme subordonnĂ©e aux nĂ©gociations
des deux parties au sujet dâun cessez-le-feu.
Cependant, le Conseil de sécurité
a pris plusieurs semaines pour parvenir à un accord et le retard a coûté cher
alors quâun gĂ©nocide Ă©tait en cours.
Les comptes rendus des consultations du
Conseil tenues au début de mai indiquent clairement une attitude réservée au
sujet dâune Ă©ventuelle opĂ©ration en vertu du Chapitre VII.
Le rapport fait au
Secrétaire général par Gharekhan au sujet des consultations du 3 mai déclarait :
"Aucune dĂ©lĂ©gation nâest favorable Ă une intervention par la force ou la
contrainte.
Toutes soulignent que, quelle que soit lâaction envisagĂ©e, elle ne
pourrait avoir lieu quâavec lâaccord des deux parties rwandaises et leur
engagement de coopérer."
Le 12 mai, le Conseil Ă©tait divisĂ© sur lâessentiel.
Les membres ont
examiné plusieurs questions, notamment si une mission élargie devait recevoir un
mandat en vertu du Chapitre VII, sujet sur lequel il nây avait pas dâaccord, et
la question des ressources nĂ©cessaires, les Ătats-Unis et le Royaume-Uni
réclamant au Secrétariat des renseignements plus précis sur la conception des
opérations.
Comme on lâa dĂ©jĂ dit plus haut, les membres non permanents du
Conseil ont essayĂ© de peser en faveur dâune action plus musclĂ©e.
LâhostilitĂ© Ă
ces efforts sâest cependant rĂ©vĂ©lĂ©e trop forte.
Le retard dans la prise de
dĂ©cisions par le Conseil de sĂ©curitĂ© montre un manque dâunitĂ© particuliĂšrement
inquiĂ©tant dans une situation oĂč des mesures rapides sâimposaient.
Le 17 mai,
prÚs de trois semaines aprÚs la lettre du Secrétaire général, le Conseil
autorisait finalement la MINUAR II.
b)
Le manque de volontĂ© dâagir face Ă la crise au Rwanda se rĂ©vĂšle plus
dĂ©plorable encore si lâon tient compte du refus, par dâimportants membres de la
communautĂ© internationale, dâadmettre que les meurtres massifs commis sous le
regard des médias du monde entier constituaient un génocide.
Le fait que les
événements en cours au Rwanda constituaient un génocide imposait une obligation
internationale essentielle dâintervenir pour mettre fin aux massacres.
Les
parties à la Convention de 1948 ont contracté la responsabilité de prévenir et
de punir le crime de génocide.
Une telle responsabilitĂ© ne peut pas ĂȘtre prise
à la légÚre.
Bien que la Convention oblige principalement les parties Ă adopter
une législation nationale soumettant le crime de génocide à la compétence des
tribunaux, la Convention leur donne aussi expressément la faculté de soumettre
une situation au Conseil de sécurité.
Il semble donc que, dans ce contexte, les
membres du Conseil de sécurité supportent une responsabilité particuliÚre,
dâordre moral sinon expressĂ©ment prĂ©vue par la Convention, de rĂ©agir Ă une
situation de génocide.
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Néanmoins, alors que les assassinats massifs se déroulaient au Rwanda en
avril et en mai 1994, et alors que les télévisions diffusaient des images de
corps gonflĂ©s flottant sur la riviĂšre en aval du Rwanda, des Ătats influents
refusaient dâemployer le terme de gĂ©nocide pour dĂ©crire les Ă©vĂ©nements.
Le
SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral, lui, a prononcĂ© ce mot au cours dâune interview donnĂ©e Ă la
tĂ©lĂ©vision amĂ©ricaine le 4 mai 1994, et il a Ă©tĂ© lâun des premiers Ă le faire
parmi la communauté internationale.
Le rapport du Secrétaire général soumis au
Conseil de sécurité le 30 mai 1994 à propos de la mission spéciale de Riza et
Baril employait officiellement le mot génocide.
Cependant, lorsque certains
membres du Conseil de sécurité ont proposé que ce terme figure dans la
résolution sur la MINUAR II, les autres membres ont refusé.
Le retard mis à qualifier de génocide les événements du Rwanda constitue
une erreur du Conseil de sécurité.
Le refus de certains Ătats dâemployer le
terme "gĂ©nocide" a Ă©tĂ© causĂ© par lâabsence de la volontĂ© dâintervenir, ce qui
est déplorable.
Pour quâune action internationale efficace combatte le
gĂ©nocide, il faut que les Ătats soient prĂȘts Ă qualifier telles les situations
et Ă assumer la responsabilitĂ© dâagir qui sâattache Ă la reconnaissance dâune
situation de génocide.
La Commission espĂšre que lâimportance plus grande
accordĂ©e aujourdâhui Ă la nĂ©cessitĂ© dâassurer la sĂ©curitĂ© des personnes et de
garantir la protection des ĂȘtres humains contre les violations des droits de
lâhomme aura aussi pour consĂ©quence que les Ătats ne craindront pas de qualifier
des événements de génocide et réagiront concrÚtement aux situations de cette
nature.
Il est important dâajouter ce qui suit : une action internationale nâest
pas impérative seulement en cas de génocide.
LâONU et ses Ătats Membres doivent
ĂȘtre prĂȘts aussi Ă rĂ©unir la volontĂ© politique dâintervenir en prĂ©sence de
violations lourdes des droits de lâhomme avant mĂȘme quâelles aient atteint le
degré ultime du génocide.
Il convient de donner une importance particuliĂšre Ă
la nĂ©cessitĂ© dâune action prĂ©ventive : la volontĂ© dâagir doit ĂȘtre mobilisĂ©e
avant quâune situation atteigne le stade du gĂ©nocide.
JusquâĂ un certain point, lâanalyse des aspects ethniques des actes de
violence a pu ĂȘtre influencĂ©e par le fait quâĂ lâorigine, avant lâaccident
dâavion, le FPR a prĂ©fĂ©rĂ© prĂ©senter le conflit avec le Gouvernement comme un
affrontement politique, et voulu Ă©viter dâĂȘtre considĂ©rĂ© comme un parti
"ethnique".
Cependant, cette circonstance nâenlĂšve rien Ă la gravitĂ© des
renseignements cités plus haut.
Compte tenu des conclusions des rapports
de 1993 sur les droits de lâhomme, le risque dâun gĂ©nocide ne pouvait pas ĂȘtre
écarté alors que les conditions de sécurité se dégradaient en 1994.
Il faut
aussi signaler que, peu aprĂšs le commencement des massacres, le FPR a, dans une
déclaration datée du 13 avril, qualifié ouvertement les événements de génocide.
Les membres du Gouvernement intérimaire ont été, depuis lors, mis en
accusation devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda en raison de
leur rÎle dans le génocide rwandais.
LâĂ©tude des archives de lâONU conduit la
Commission à se demander si la responsabilité de ces personnes dans les
massacres qui se déroulaient leur a été expliquée de maniÚre suffisamment claire
Ă lâĂ©poque.
Dans une certaine mesure, cette question met en avant un dilemme
constant dans la gestion des crises : faut-il négocier avec les tenants du
pouvoir quels que soient les actes quâils peuvent avoir commis?
Selon la
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Commission, lâONU avait lâobligation dâavertir de maniĂšre absolument claire les
membres du prétendu Gouvernement intérimaire de la responsabilité individuelle
qui accompagne la perpétration des crimes de génocide et de guerre.
6.
Le maintien de la paix surchargĂ© : lâinsuffisance des
ressources et des moyens logistiques
Le Rwanda devait finalement marquer une étape décisive pour le maintien de
la paix des Nations Unies et symboliser le manque de volontĂ© de sâengager en
faveur du maintien de la paix et, par-dessus tout, de prendre des risques sur le
terrain.
La MINUAR a vu le jour aprÚs une période marquée par une augmentation
spectaculaire de lâeffectif des troupes de maintien de la paix dĂ©ployĂ©es sur le
terrain postérieurement à la guerre froide.
Cependant, dĂšs le deuxiĂšme semestre
de 1993, lâenthousiasme des annĂ©es antĂ©rieures pour le maintien de la paix des
Nations Unies sâĂ©moussait parmi les Ătats Membres les plus influents, la
capacité du Secrétariat, particuliÚrement du Département des opérations de
maintien de la paix, dâadministrer les quelque 70 000 agents de maintien de la
paix servant sous lâinsigne du bĂ©ret bleu Ă©tait surmenĂ©e et plusieurs opĂ©rations
en cours rencontraient de graves difficultés.
Dans un rapport du 14 mars 1994 au Conseil de sécurité, intitulé "Améliorer
la capacité de maintien de la paix des Nations Unies", le Secrétaire général
décrivait la croissance sans précédent des activités de maintien de la paix des
Nations Unies durant les cinq années précédentes.
Il indiquait aussi,
cependant, que lâenthousiasme international pour le maintien de la paix allait
en diminuant.
Il soulignait la situation financiÚre difficile traversée par
lâONU, porteuse dâune crĂ©ance de plus dâun milliard de dollars de quotes-parts
impayées pour les opérations de maintien de la paix.
La qualité insuffisante et le manque de capacité de la MINUAR ont eu un
effet majeur sur la maniĂšre dont la Mission a gĂ©rĂ© la crise qui sâest ouverte le
6 avril.
Cependant, le manque de ressources et de moyens logistiques avait été
un problĂšme grave pour la MINUAR dĂšs son origine et la situation ne sâĂ©tait pas
améliorée aux stades ultérieurs de la Mission.
Il est remarquable que mĂȘme la
résolution par laquelle la MINUAR a été établie ait déjà comporté une invitation
adressĂ©e au SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral pour quâil examine les moyens de rĂ©duire
lâeffectif maximum total de la MINUAR.
Le Secrétaire général a été prié de
chercher les moyens de réaliser des économies dans la planification et
lâexĂ©cution du dĂ©ploiement progressif, et de rendre compte rĂ©guliĂšrement des
progrĂšs accomplis Ă cet Ă©gard.
MĂȘme le contingent belge, qui Ă©tait le plus fort
dans la MINUAR, a rencontré des difficultés causées par le matériel recyclé et
le manque dâarmes.
Le contingent bangladais est arrivĂ© sans mĂȘme les
fournitures les plus élémentaires.
Les troupes ne possédaient pas la formation
nĂ©cessaire Ă plus dâun Ă©gard.
Dans son rapport du 30 décembre 1993 au Conseil de sécurité, le Secrétaire
gĂ©nĂ©ral sâest prononcĂ© contre une rĂ©duction des niveaux des ressources, Ă©crivant
quâelle nuirait au fonctionnement et Ă la crĂ©dibilitĂ© de la MINUAR dans
lâaccomplissement de son mandat.
Le Conseil a approuvé le déploiement du
deuxiÚme bataillon dans la zone démilitarisée par sa résolution 893 (1994) du
6 janvier 1994 mais il a aussi prié à nouveau le Secrétaire général de
surveiller la taille et le coût de la Mission afin de chercher à réaliser des
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Ă©conomies.
La mĂȘme demande a Ă©tĂ© rĂ©pĂ©tĂ©e dans la derniĂšre rĂ©solution du Conseil
sur le Rwanda avant le génocide, la résolution 909 (1994) du 5 avril 1994.
Les difficultés logistiques éprouvées par la MINUAR sont présentes à tout
moment dans la correspondance échangée entre le commandant de la Force et le
SiĂšge.
Les contingents sont arrivĂ©s sans le matĂ©riel normal qui a dĂ» alors ĂȘtre
amenĂ© en provenance des opĂ©rations de lâONU en Somalie et au Cambodge.
La
MINUAR nâa reçu que huit vĂ©hicules blindĂ©s de transport de troupes sur les
22 demandés, et cinq seulement étaient en état de fonctionnement.
La Mission
avait une unitĂ© mĂ©dicale mais la qualitĂ© des soins faisait lâobjet de plaintes.
Dans les semaines qui ont précédé le génocide, la MINUAR rencontrait
toujours de graves problĂšmes logistiques.
Au moment oĂč le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral
devait soumettre son rapport au Conseil, à la fin de mars, le projet adressé au
SiĂšge par Booh Booh insistait sur les problĂšmes logistiques et sur le besoin de
disposer dâun plus grand nombre dâobservateurs militaires.
La Commission
relĂšve, Ă ce sujet, que la version dĂ©finitive du rapport nâa pas fait Ă©tat de la
demande, en provenance du terrain, tendant Ă porter le nombre des observateurs
militaires à 48, comme indiqué dans le projet initial émanant de Kigali.
Les insuffisances de la MINUAR ont été décrites plus haut à propos du
mandat de la Mission.
La situation logistique catastrophique dans laquelle la
Mission sâest trouvĂ©e une fois que le gĂ©nocide a commencĂ© a Ă©tĂ© rĂ©sumĂ©e dans un
télégramme de Booh Booh et Dallaire adressé à Annan et Goulding, en date du
8 avril.
DÚs cette date, le télégramme qualifiait les événements de "campagne
de terreur trÚs bien préparée, organisée, délibérée et exécutée, principalement
Ă lâinitiative de la Garde prĂ©sidentielle".
Le télégramme décrivait ensuite
"les actes dâagression" dirigĂ©s contre les chefs de lâopposition, contre le FPR,
le massacre des Tutsis, les attaques contre la population civile en général et
les tirs visant directement et indirectement la MINUAR.
Le FPR Ă©tait alors
sorti de son enceinte et la MINUAR fait Ă©tat dâaffrontements ouverts entre la
Garde présidentielle et le FPR.
Le télégramme demande : "Le mandat de la MINUAR
est-il toujours valide?"
Il explique que lâinfanterie dĂ©ployĂ©e Ă Kigali et Ă©parpillĂ©e dans des camps
isolés par les combats et coupée de son appui logistique.
"La Mission manque
dĂ©sespĂ©rĂ©ment de moyens dâappui pour sa survie et ses opĂ©rations.
Les réserves
demandĂ©es par lâONU pour cette mission nâont pas Ă©tĂ© procurĂ©es par les pays
fournisseurs de contingents ou nâont pas Ă©tĂ© fournies Ă la Mission."
Le
tĂ©lĂ©gramme prĂ©cise que la plupart des unitĂ©s disposent dâun Ă deux jours dâeau
potable, de zĂ©ro Ă deux jours de rations alimentaires et dâenviron deux Ă trois
jours de réserves de carburant.
De plus, le manque de munitions et dâarmes
légÚres est décrit comme le problÚme le plus grave.
RĂ©sumant la situation, la
MINUAR écrivait : "La MINUAR a été conçue, établie et mise en place
logistiquement comme une force de maintien de la paix.
Elle ne dispose donc pas
des réserves de moyens essentiels dans une situation de conflit de longue
durée."
Enfin, il aurait fallu faire preuve dâune plus grande volontĂ© pour fournir
Ă lâONU ses propres installations de radio au Rwanda.
Il aurait fallu aussi
mobiliser la volonté politique et réunir les moyens financiers de brouiller les
Ă©missions de Radio Mille collines qui jouait un rĂŽle dâincitation notoire.
Ă
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lâavenir, cependant, il ne suffira pas nĂ©cessairement de neutraliser les radios
qui répandent la haine.
Il faudra se préoccuper aussi de la diffusion de
messages haineux en faveur du gĂ©nocide par le moyen de lâInternet.
La responsabilité des problÚmes logistiques rencontrés par la MINUAR
incombe à la fois au Département des opérations de maintien de la paix, en
particulier Ă sa Division de lâadministration et de la logistique des missions,
et aux différents pays fournisseurs de contingents.
La Division de
lâadministration et de la logistique des missions nâaurait pas dĂ» permettre que
la MINUAR manque radicalement de ressources comme on lâa indiquĂ© plus haut.
DĂšs
le mois dâavril, soit six mois aprĂšs lâĂ©tablissement de la Mission, ces
problĂšmes logistiques fondamentaux auraient dĂ» ĂȘtre rĂ©glĂ©s.
NĂ©anmoins, la
Commission constate aussi que les fournisseurs de contingents Ă la MINUAR nâont
pas fourni leurs contingents avec lâĂ©quipement essentiel en armes et autres
matériels dont ils étaient responsables.
De plus, la pression constante que le
Conseil de sécurité a imposée à la MINUAR afin de faire des économies et de
rĂ©duire les ressources a crĂ©Ă© elle aussi des difficultĂ©s, dâautant plus que la
Mission Ă©tait insuffisamment robuste dĂšs lâorigine.
7.
Lâombre de la Somalie
Il a souvent été dit que la création de la MINUAR avait été marquée par les
Ă©vĂ©nements qui sâĂ©taient produits en Somalie.
Plus particuliĂšrement, la mort de
Casques bleus pakistanais et américains, en Somalie en 1993, avait profondément
influencé la conception des opérations de maintien de la paix.
Câest ainsi que
la Commission de lâONU chargĂ©e dâenquĂȘter sur la mort tragique des soldats de la
paix en Somalie, dont le rapport venait de paraĂźtre au moment oĂč lâon
sâapprĂȘtait Ă renforcer la MINUAR au lendemain du gĂ©nocide, avait conclu que
"lâONU devrait sâabstenir de toute nouvelle action dâimposition de la paix lors
dâun conflit interne dans un Ătat" (S/1994/653).
Les événements de Mogadishu ont constitué un tournant dans la politique du
Gouvernement des Ătats-Unis vis-Ă -vis des opĂ©rations de maintien de la paix des
Nations Unies.
En mai 1994, alors que commençait le génocide au Rwanda, le
Président Clinton promulguait la directive PDD25 qui imposait des conditions
strictes Ă la participation des Ătats-Unis auxdites opĂ©rations de maintien de la
paix.
La mort des soldats de la paix en Somalie a aussi conduit le Secrétariat
de lâONU Ă se montrer plus circonspect, particuliĂšrement en ce qui concerne les
risques à assumer durant les opérations de maintien de la paix et
lâinterprĂ©tation des mandats.
Les séquelles de la Somalie ont pesé
particuliĂšrement sur le fonctionnement de la MINUAR.
8.
PrioritĂ© Ă lâinstauration dâun cessez-le-feu
AprĂšs la mort du PrĂ©sident et lâĂ©clatement de la violence, MM. Booh Booh et
Dallaire ont rapidement concentrĂ© leur attention sur lâinstauration dâun
cessez-le-feu.
Les rapports transmis au Secrétariat par la MINUAR mettaient
lâaccent sur cette prĂ©occupation, comme le montrent les nĂ©gociations avec ce
quâon appelait le comitĂ© de crise et le Front patriotique rwandais (FPR) et la
crainte de voir celui-ci quitter le Conseil national de développement et la zone
démilitarisée.
Or, la dynamique du génocide qui avait commencé à Kigali pour se
rĂ©pandre ensuite dans les campagnes nâĂ©tait pas celle dâune simple reprise des
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hostilitĂ©s entre deux parties signataires de lâAccord de paix dâArusha.
Les
signes avant-coureurs, qui ne pouvaient laisser planer aucun doute sur la nature
des Ă©vĂ©nements, auraient dĂ» ĂȘtre rapportĂ©s plus clairement et plus tĂŽt.
Câest
prĂ©cisĂ©ment ce quâa fait valoir lâAmbassadeur du NigĂ©ria au Conseil de sĂ©curitĂ©,
le 28 avril, lorsquâil a dĂ©clarĂ© quâon se prĂ©occupait trop des nĂ©gociations sur
le cessez-le-feu et pas assez des massacres.
La Commission est troublée de
constater que les comptes rendus des réunions tenues entre des membres du
SecrĂ©tariat, y compris le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral, et des responsables de ce quâon
appelait le Gouvernement intĂ©rimaire, montrent que la volontĂ© dâinstaurer un
cessez-le-feu a toujours pris le pas sur lâindignation morale de plus en plus
profonde que les massacres suscitaient au sein de la communauté internationale.
LâentĂȘtement Ă ne voir dans la situation Ă Kigali aprĂšs la mort du
PrĂ©sident que la rupture dâun cessez-le-feu quâil fallait donc rĂ©tablir par la
nĂ©gociation, plutĂŽt quâun gĂ©nocide perpĂ©trĂ© en marge des combats entre les
forces gouvernementales rwandaises et le FPR, a été une coûteuse erreur de
jugement.
Cette erreur a été commise par le Secrétariat, les responsables de la
MINUAR et les membres du Conseil de sécurité.
Plusieurs de ces derniers ont
critiqué la qualité des analyses que le Secrétariat leur avait communiquées en
lâoccurrence.
Pour plusieurs membres non permanents de lâĂ©poque, ce sont les
renseignements communiqués par la communauté des organisations non
gouvernementales qui leur ont ouvert les yeux sur le caractÚre génocidaire des
massacres perpétrés au Rwanda.
9.
Une capacitĂ© dâanalyse insuffisante
Un des problĂšmes qui ont gĂȘnĂ© lâONU dans son comportement face Ă la
situation au Rwanda a Ă©tĂ© lâinsuffisance de ses capacitĂ©s dâanalyse politique,
notamment Ă lâĂ©chelon de la MINUAR mais aussi au SiĂšge.
Sâagissant de la
MINUAR, le commandant de la Force a relevé dans un entretien avec la Commission,
un problĂšme fondamental : il nây avait pas assez de spĂ©cialistes des affaires
politiques dans la mission de reconnaissance envoyée au Rwanda en août 1993,
et
lâĂ©quipe connaissait mal les rĂ©alitĂ©s politiques sous-jacentes au processus de
paix rwandais.
Une fois mise en place, la MINUAR a révélé son incapacité
dâanalyser le renseignement.
Au SiĂšge, on nâa pas consacrĂ© une attention ou des
ressources institutionnelles suffisantes Ă lâalerte prĂ©coce et Ă lâanalyse des
risques.
Il y aurait eu beaucoup à gagner si on avait engagé une politique
préventive plus active visant à déceler les risques de conflit ou de tension,
notamment grùce à une coopération institutionnalisée avec les intellectuels et
les ONG et à une meilleure coordination entre les différentes entités du systÚme
des Nations Unies sâoccupant de la situation au Rwanda.
Sâagissant de lâanalyse des informations, une des grandes questions est de
savoir sâil Ă©tait possible de prĂ©dire un gĂ©nocide au Rwanda.
La Commission a
reçu des réponses trÚs différentes à cette interrogation, que ce soit des
protagonistes rwandais ou des intervenants internationaux quâelle a rencontrĂ©s.
Comme indiqué plus haut, les rapports établis en 1993 par les organisations non
gouvernementales et lâONU sur la situation des droits de lâhomme rĂ©vĂ©laient les
signes avant-coureurs dâun risque de gĂ©nocide.
La Commission estime quâon nâa
pas suffisamment tenu compte de ces rapports lors de la mise sur pied de la
MINUAR, qui a été conçue comme une opération classique de maintien de la paix,
régie par les dispositions du Chapitre VI de la Charte des Nations Unies et
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créée à la demande de deux parties en conflit pour les aider à mettre en oeuvre
un accord de paix.
Malgré les signes avant-coureurs déjà perceptibles lors du
processus dâArusha â notamment le manque dâenthousiasme des extrĂ©mistes du parti
présidentiel pour le processus de paix et pour le principe du partage du
pouvoir, on ne semble guĂšre sâĂȘtre prĂ©occupĂ© de prĂ©voir ce quâon ferait au cas
oĂč lâAccord de paix serait menacĂ© ou remis en question.
On a mis en place la
MINUAR sans prévoir un dispositif de repli ou un plan permettant de savoir que
faire si tout tournait mal.
Il existait des signes avant-coureurs dâun risque
de génocide au Rwanda, et aussi des indications trÚs nettes selon lesquelles on
préparait des massacres qui pourraient se produire dans le pays au début de
1994.
Lâabsence dâune rĂ©action rĂ©solue tient en partie au fait que ni la
MINUAR, ni le SecrĂ©tariat, ni non plus certains Ătats Membres pouvant jouer un
rĂŽle dĂ©terminant nâavaient correctement analysĂ© la situation.
Lâune des principales tĂąches de la MINUAR consistait Ă surveiller
lâapplication de lâAccord de paix dâArusha.
Perceptible dĂšs les premiĂšres
semaines de présence de la MINUAR au Rwanda, le retard pris par le processus de
paix sâest accompagnĂ© dâune dĂ©tĂ©rioration continue des conditions de sĂ©curitĂ©.
Les rapports provenant du terrain faisaient bien Ă©tat de la multiplication des
massacres, de graves tensions ethniques, des activités des milices et de
lâimportation et de la distribution dâarmes.
Bien que parfois présentés comme
sâils nâavaient aucun rapport avec les difficultĂ©s du processus politique, qui
faisaient gĂ©nĂ©ralement lâobjet dâune analyse distincte, ces faits prĂ©occupants
ont été signalés par cùble au SiÚge, sur un ton qui se faisait de plus en plus
alarmant.
Dans son rapport au Conseil de sécurité en date du 30 décembre 1993
(S/26927), le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral a parlĂ© dâun groupe dâindividus bien armĂ©s et
implacables qui menaient dans la zone dĂ©militarisĂ©e des activitĂ©s visant Ă
perturber le processus de paix ou mĂȘme Ă le faire capoter.
Les Ătats-Unis ayant
demandĂ© dâĂȘtre plus amplement informĂ©s sur ce groupe, lors des consultations
pléniÚres du Conseil tenues le 5 janvier 1994, le Représentant spécial et le
commandant de la Force ont été priés de transmettre au SiÚge des informations
complémentaires sur la question.
Dans une réponse datée du 6 janvier,
M. Dallaire a décrit les massacres des 17, 18 et 30 novembre au cours desquels
55 hommes, femmes et enfants avaient été tués.
Il a déclaré ne pas détenir de
preuves formelles permettant dâidentifier les auteurs des massacres, mais a
prĂ©cisĂ© : "le mode dâexĂ©cution, la coordination, la dissimulation et les
motivations politiques de ces méfaits nous conduisent à croire fermement que
leurs auteurs sont bien organisés, informés, motivés et disposés à commettre des
assassinats prémédités.
Nous nâavons aucune raison de penser que de tels faits
ne se reproduiront pas dans lâune ou lâautre rĂ©gion de ce pays oĂč les armes
abondent et oĂč rĂšgnent les tensions politiques et ethniques".
Ces exemples, ainsi que dâautres faits citĂ©s dans le prĂ©sent rapport, tels
que la suite donnĂ©e au cĂąble de M. Dallaire et lâanalyse des Ă©vĂ©nements qui ont
suivi le début du génocide, témoignent des insuffisances institutionnelles dont
souffre lâONU sur le plan des capacitĂ©s dâanalyse.
La responsabilité en incombe
principalement au Secrétariat, qui agit sous la direction du Secrétaire général.
10.
Le manque de volontĂ© politique des Ătats Membres
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Une autre raison qui explique le grave échec de la communauté
internationale au Rwanda est le manque de volonté politique qui aurait permis de
doter la MINUAR du personnel et des ressources matérielles dont elle avait
besoin.
MĂȘme aprĂšs que le Conseil de sĂ©curitĂ© eut dĂ©cidĂ© d'intervenir pour
essayer d'arrĂȘter les massacres et qu'il fut revenu sur sa dĂ©cision de diminuer
les effectifs de la MINUAR, les problÚmes que le Secrétariat avait rencontrés
depuis le dĂ©but de la Mission pour obtenir des contingents des Ătats Membres ont
persisté.
Tel a Ă©tĂ© le cas en mai et en juin oĂč l'on s'efforçait dans l'urgence
de mettre sur pied la MINUAR II.
La réticence à envoyer des troupes au Rwanda
sâest poursuivie de façon dĂ©plorable pendant les semaines qui ont suivi la
dĂ©cision du Conseil de sĂ©curitĂ© de porter Ă 5 500 hommes lâeffectif de la
MINUAR.
Le Secrétariat s'est efforcé des semaines durant d'obtenir des
contingents, mais sans succĂšs.
Quelques pays africains se sont déclarés
disposés à envoyer des troupes, mais à la condition qu'on leur fournirait du
matériel et des moyens financiers.
Au moment oĂč l'opĂ©ration Turquoise a quittĂ©
le Rwanda, la MINUAR disposait Ă peine des effectifs minimums pour occuper les
zones qui avaient été contrÎlées par l'opération dirigée par la France.
Le
plein des effectifs n'a Ă©tĂ© dĂ©ployĂ© que quelques mois plus tard, Ă un moment oĂč
la situation sur le terrain avait changé de façon appréciable.
Il faut rendre
ici hommage aux pays contributeurs, en particulier le Ghana et la Tunisie, qui
ont dĂ©cidĂ© que leurs troupes resteraient pendant les terribles semaines oĂč se
produisait le génocide, malgré le retrait d'autres contingents.
En bref, si
l'on peut critiquer les fautes et les limitations des troupes de la MINUAR, on
ne doit pas oublier la responsabilitĂ© de la grande majoritĂ© des Ătats Membres de
l'Organisation des Nations Unies, qui n'étaient pas disposés à envoyer des
troupes ou du matériel au Rwanda.
La volontĂ© politique des Ătats Membres de fournir des contingents aux
opĂ©rations de maintien de la paix est Ă©videmment essentielle pour permettre Ă
l'Organisation de réagir en cas de conflit.
Il faut se féliciter de
l'initiative concernant les arrangements relatifs aux forces et moyens en
attente qui vise à régler le problÚme du manque de troupes disponibles lorsque
des missions doivent ĂȘtre mises sur pied.
Mais ce systÚme dépend également de
la volontĂ© des Ătats Membres de s'engager Ă fournir des troupes et d'autre
personnel dans un cas donné.
Une observation générale concernant la nécessité d'une volonté politique
est qu'elle doit se manifester de maniĂšre Ă©gale pour les divers conflits qui se
produisent dans le monde.
La Commission a entendu maintes déclarations, au
cours des enquĂȘtes qu'elle a menĂ©es, selon lesquelles le Rwanda ne prĂ©sentait
pas d'intĂ©rĂȘt stratĂ©gique pour les pays tiers et les mesures prises par la
communauté internationale pour faire face à la catastrophe qui menaçait le
Rwanda, comparées à celles qu'elle avait prises dans d'autres cas, montraient
qu'elle pratiquait une politique de deux poids et deux mesures.
11.
Non-protection des dirigeants politiques
La MINUAR a été chargée de protéger un certain nombre de personnalités
politiques dont la contribution Ă©tait essentielle pour appliquer l'Accord
d'Arusha.
Des hommes politiques modérés et de l'opposition ont rapidement été
menacés lorsque les violences ont commencé aprÚs le crash de l'avion
présidentiel.
Certains ont pu ĂȘtre sauvĂ©s, notamment le Premier Ministre
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désigné, M. Twagiramungu.
Un certain nombre d'autres, par contre, ont été tués
par des membres de la Garde présidentielle et des éléments de l'armée rwandaise.
Au nombre de ceux qui ont été assassinés se trouvaient le Premier Ministre,
Mme Agathe Uwilingiyimana, le dirigeant du Parti libéral, M. Landoald Ndasingwa,
et l'ancien Ministre des affaires Ă©trangĂšres, M. Boniface Ngulinzira.
Le
Président de la Cour constitutionnelle, M. Joseph Kavaruganda, a été emmené par
des éléments armés de l'armée rwandaise et on ne l'a plus revu.
Dans ces cas,
la MINUAR n'a pas réussi à assurer à ces personnes la protection nécessaire.
Dans le cas du Premier Ministre, les troupes qui la protégeaient ne l'ont pas
accompagnée lorsqu'elle s'est enfuie de chez elle et s'est réfugiée dans le
complexe des Volontaires des Nations Unies.
Comme cela a été décrit ci-dessus,
les troupes ont rendu les armes et ont été conduites par les forces
gouvernementales rwandaises au camp Kigali, oĂč elles ont Ă©tĂ© ensuite sauvagement
assassinées.
Selon la famille de M. Ndasingwa, les gardes postés devant sa
maison se sont enfuis lorsque des membres de la Garde présidentielle sont
arrivés.
M. Ndasingwa, sa femme, ses enfants et sa mÚre ont tous été abattus.
Quant à la famille de M. Kavaruganda, elle a déclaré que les gardes postés
devant sa maison n'ont rien fait pour empĂȘcher les soldats rwandais de l'emmener
ou de rouer de coups des membres de sa famille, qui ont ensuite pris la fuite.
Finalement dans le cas de Ngulinzira, sa famille reproche Ă la MINUAR que les
gardes des Nations Unies qui le protĂ©geaient l'ont emmenĂ© avec sa famille Ă
l'Ăcole technique officielle.
Il a été tué au cours des massacres qui ont eu
lieu lorsque le contingent belge a quitté l'école.
Les événements qui se sont produits présentent une caractéristique commune
qui montre que les troupes de la MINUAR nâont pas assurĂ© Ă ces personnes la
protection qui leur avait été promise et sur laquelle elles comptaient.
Il est
regrettable quâon nâait pas pu faire davantage pour rĂ©sister aux attaques menĂ©es
contre ces personnalitĂ©s politiques par la Garde prĂ©sidentielle et dâautres
éléments extrémistes.
Comme on lâa signalĂ© ci-dessus, les rĂšgles dâengagement
de la Mission lui permettaient de recourir à la force en cas de légitime
dĂ©fense, et dâintervenir pour empĂȘcher les crimes contre lâhumanitĂ©.
Cela
étant, il faut reconnaßtre que les forces extrémistes avaient eu tout le temps
dâobserver le nombre et lâarmement des gardes postĂ©s par la MINUAR et de
neutraliser ces gardes en leur opposant une force supérieure.
Le meurtre tragique des soldats belges montre aussi quâun certain nombre de
problÚmes se posaient quant à la capacité de la MINUAR de faire face à une
situation de crise.
Lorsquâelle a appris que les soldats gardant le Premier
Ministre Ă©taient en difficultĂ©, la MINUAR nâa pas pris de mesures suffisamment
Ă©nergiques pour sâinformer de ce qui Ă©tait arrivĂ© et empĂȘcher les meurtres.
Le
commandant de la Force a dĂ©clarĂ© que lorsquâil Ă©tait passĂ© Ă cĂŽtĂ© du camp Kigali
et avait vu les soldats belges couchĂ©s au sol, il nâavait pu obtenir que le
chauffeur de sa voiture, qui Ă©tait un membre des forces gouvernementales
rwandaises, sâarrĂȘte.
Le commandant du secteur de Kigali a dit quâil nâavait
appris quâĂ 22 heures la mort des parachutistes belges.
Bien que le commandant
de la Force nâait pu sâapprocher du groupe de soldats belges, il est inquiĂ©tant
de constater que les communications entre les différents éléments de la MINUAR
nâaient pas permis Ă lâinformation concernant la situation dangereuse dans
laquelle se trouvaient les Belges dâĂȘtre dĂ»ment transmise, si bien quâil nâa Ă©tĂ©
possible de sâinformer du sort des parachutistes quâaprĂšs leur mort.
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LâĂ©chec dans ces cas semble attribuable Ă certains Ă©gards au fait que le
quartier gĂ©nĂ©ral de la MINUAR nâa pas donnĂ© les ordres nĂ©cessaires, mais il est
dĂ» aussi aux soldats de la Mission eux-mĂȘmes qui, en nâopposant pas de
rĂ©sistance aux menaces dirigĂ©es contre les personnes quâils protĂ©geaient dans
certains des cas décrits ci-dessus, comme ils auraient pu le faire selon leurs
rĂšgles dâengagement, nâont pas fait preuve de suffisamment de dĂ©termination pour
sâacquitter de leur mission.
12.
Non-protection des civils
Le rÎle de la MINUAR dans la protection des civils durant le génocide est
lâune des questions les plus dĂ©battues et les plus douloureuses de cette
période.
Des membres de la MINUAR ont fait des efforts considérables,
quelquefois au risque de leur vie, pour protéger des civils qui se trouvaient en
danger durant les massacres.
Il ne semble cependant pas que les ordres donnés
aux différents niveaux de la hiérarchie sur ce point aient été clairs et
cohérents.
Pendant les premiers jours du génocide, des milliers de civils se
sont rassemblĂ©s sur les lieux oĂč des troupes des Nations Unies Ă©taient
stationnĂ©es, comme le stade Amahoro et lâĂcole technique Ă Kicukiro.
Lorsque la
MINUAR sâest retirĂ©e des zones placĂ©es sous sa protection, les civils se sont
trouvés en danger.
Il semble malheureusement prouvé que dans certains cas, en
plaçant leur confiance dans la MINUAR, certains dâentre eux ont Ă©tĂ© exposĂ©s Ă un
danger accru lorsque les troupes des Nations Unies se sont retirées.
Selon le commandant et le commandant adjoint de la Force, lâordre dâĂ©vacuer
nâest pas venu du quartier gĂ©nĂ©ral de la MINUAR.
Il semblerait avoir été donné
par le commandement du contingent belge Ă la MINUAR.
Il ne fait aucun doute que
la dĂ©cision dâĂ©vacuer lâĂcole, en laissant des milliers de rĂ©fugiĂ©s Ă la merci
des forces de lâInterahamwe qui nâattendaient que le dĂ©part des troupes, a Ă©tĂ©
ressentie de façon trÚs douloureuse par le peuple rwandais, en particulier par
les survivants du génocide.
Lâimpression que lâon a abandonnĂ© dĂ©libĂ©rĂ©ment un
groupe de civils a jetĂ© un grave discrĂ©dit sur lâOrganisation.
Lorsque le contingent de la MINUAR a quittĂ© lâĂcole technique officielle,
il ne pouvait y avoir le moindre doute quant au danger mortel qui menaçait les
citoyens qui avaient cherché refuge auprÚs de ce contingent.
Les forces de
lâInterahamwe et du Gouvernement rwandais Ă©taient postĂ©es depuis des jours Ă
lâextĂ©rieur de lâĂcole.
La maniĂšre dont les troupes de la MINUAR sont parties,
en essayant de faire croire aux rĂ©fugiĂ©s quâen fait elles ne partaient pas,
Ă©tait ignominieuse.
Si une dĂ©cision dâune importance aussi capitale que celle
dâĂ©vacuer lâĂcole technique officielle a Ă©tĂ© prise sans ordre du commandant de
la Force, cela dĂ©note de graves problĂšmes de commandement et de contrĂŽle Ă
lâintĂ©rieur de la MINUAR.
La Commission dâenquĂȘte note que le Tribunal pĂ©nal international pour le
Rwanda a récemment déclaré
M. Georges Rutaganda coupable de gĂ©nocide et lâa
condamnĂ© Ă lâemprisonnement Ă vie, pour le rĂŽle quâil a jouĂ© dans lâattaque
contre lâĂcole technique officielle.
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13.
Non-protection du personnel national
Les violences dont les fonctionnaires des Nations Unies et le personnel
associĂ©, ainsi que dâautres agents humanitaires font lâobjet de plus en plus
souvent au cours des conflits armés constituent un aspect tragique de ces
conflits.
Le génocide au Rwanda a fait de nombreuses victimes parmi le
personnel des Nations Unies : 12 soldats de la paix et un certain nombre
dâagents civils locaux ont Ă©tĂ© sauvagement assassinĂ©s.
Les efforts qui ont été
faits depuis 1994 pour renforcer la protection du personnel des Nations Unies et
du personnel associé ont été des plus encourageants, mais on pourrait faire
encore davantage, en particulier élargir la portée de la protection accordée par
la convention des Nations Unies sur ce sujet.
La Commission dâenquĂȘte sâest entretenue avec plusieurs personnes qui
faisaient partie du personnel national des Nations Unies au Rwanda au moment du
génocide.
Lorsque le personnel civil international des Nations Unies a été
évacué, le personnel national est resté sur place.
Certaines de ces personnes
sont trĂšs amĂšres en raison de ce quâelles considĂšrent comme un traitement
discriminatoire de la part des Nations Unies sâagissant de la sĂ©curitĂ© de
différents groupes de personnel.
On a mĂȘme allĂ©guĂ© que les agents des
Nations Unies auraient couru des risques plus grands du fait quâils
travaillaient pour lâOrganisation.
Les rĂšgles des Nations Unies en vigueur Ă
lâĂ©poque ne permettaient pas dâĂ©vacuer le personnel national.
Les décisions qui
ont été prises alors étaient sans doute conformes à ces rÚgles, mais il ne fait
aucun doute que celles-ci ont porté gravement atteinte à la confiance entre les
membres du personnel.
La Commission considĂšre comme une mesure positive les
modifications apportées depuis au RÚglement du personnel, qui permet maintenant
la rĂ©installation du personnel Ă lâintĂ©rieur du pays, mais elle estime aussi
quâil faut Ă©tudier sĂ©rieusement la possibilitĂ© dâassurer lâĂ©vacuation dans les
cas oĂč la rĂ©installation serait une option moins souhaitable.
Il va sans dire
que chaque fonctionnaire, international ou national, doit savoir précisément sur
quelle protection il peut compter en période de crise.
Le fait que les Rwandais
travaillant pour les Nations Unies croyaient Ă tort que lâOrganisation pouvait
et voudrait les protĂ©ger montre que ceux qui Ă©taient chargĂ©s dâassurer la
sĂ©curitĂ© â en particulier le ReprĂ©sentant spĂ©cial et le fonctionnaire chargĂ© des
questions de sĂ©curitĂ© â ont gravement failli Ă leur tĂąche sâagissant dâinformer
correctement le personnel.
14.
Circulation de lâinformation
La circulation de lâinformation entre le Rwanda et le SecrĂ©tariat sâest
effectuée à plusieurs niveaux.
Des télégrammes codés étaient envoyés soit par
le Représentant spécial, soit par le commandant de la Force, et adressés au
Secrétaire général, aux chefs des départements concernés, principalement Annan
en sa qualité de chef du Département des opérations de maintien de la paix,
ainsi que Jonah et Goulding, chefs du DĂ©partement des affaires politiques, ou Ă
Baril.
Les télégrammes émanant du SiÚge étaient normalement signés soit par le
chef du département concerné, soit dans certains cas par le Conseiller
militaire, chef dâĂ©tat-major du SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral, ou par son ReprĂ©sentant
spécial au Conseil de sécurité.
Les tĂ©lĂ©grammes dâAnnan Ă©taient en fait souvent
signĂ©s par son adjoint, Riza, qui sâoccupait au jour le jour au DĂ©partement des
opérations de maintien de la paix des questions intéressant la MINUAR.
La
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distribution des tĂ©lĂ©grammes codĂ©s Ă©tait parfois assortie dâune restriction, ces
tĂ©lĂ©grammes sâadressant Ă certains destinataires "seulement".
Outre les
tĂ©lĂ©grammes codĂ©s, il y avait dâautres Ă©changes de correspondance qui
sâeffectuaient ouvertement par tĂ©lĂ©copie.
Les communications Ă©crites Ă©taient
réguliÚrement complétées par des conversations téléphoniques, dont il reste peu
de traces Ă©crites dans les archives.
Ă lâĂ©poque de la crise du Rwanda, le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral avait dĂ©jĂ dĂ©cidĂ©
quâil serait reprĂ©sentĂ© au Conseil de sĂ©curitĂ© par un ReprĂ©sentant spĂ©cial.
Lui-mĂȘme assistait rarement aux consultations du Conseil de sĂ©curitĂ©.
LâAmbassadeur Gharekhan a Ă©tĂ© nommĂ© ReprĂ©sentant spĂ©cial de M. Boutros-Ghali au
Conseil.
Gharekhan Ă©tait chargĂ© dâinformer le Conseil, au nom du SecrĂ©taire
gĂ©nĂ©ral, au sujet des diffĂ©rentes questions figurant Ă lâordre du jour, souvent
sur la base de notes préparées à son intention par les départements organiques
concernés.
Ces dĂ©partements nâĂ©taient normalement pas reprĂ©sentĂ©s aux
consultations pléniÚres.
Gharekhan a dĂ©clarĂ© Ă la Commission dâenquĂȘte quâoutre
la documentation fournie par les départements, il disposait des renseignements
communiqués directement par téléphone par le Représentant spécial ou par le
commandant de la Force de la mission dont il allait parler devant le Conseil de
sécurité.
Cette procĂ©dure permettait Ă Gharekhan dâavoir des Ă©changes de vues
directs avec les responsables sur le terrain, mais dâun point de vue
institutionnel, elle excluait ceux qui étaient chargés au jour le jour du
travail de fond sur les questions examinées par le Conseil.
Lâabsence de
contact direct entre les départements organiques concernés et le Conseil de
sĂ©curitĂ© crĂ©ait une coupure qui nuisait Ă la qualitĂ© de lâinformation fournie au
Conseil de sécurité; en outre, il était certainement plus difficile pour les
fonctionnaires des départements organiques du Secrétariat de suivre dans ces
conditions les délibérations du Conseil.
Les reprĂ©sentants de plusieurs Ătats
membres du Conseil de sĂ©curitĂ© que la Commission dâenquĂȘte a interviewĂ©s se sont
plaints de la qualitĂ© insuffisante de lâinformation fournie par le SecrĂ©tariat.
Il convient dâajouter Ă©galement que les Ătats Membres qui connaissaient de façon
approfondie la situation au Rwanda auraient pu faire davantage pour partager
avec le Secrétariat les informations dont ils disposaient.
Des problĂšmes existaient en ce qui concerne la transmission de
lâinformation entre le Rwanda et le SiĂšge de lâONU.
La MINUAR a présenté une
sĂ©rie de rapports trĂšs inquiĂ©tants dâoĂč il ressortait que la situation au Rwanda
risquait de dégénérer en violence ethnique.
Il existait donc des informations
connues de la MINUAR, du SiĂšge des Nations Unies et de gouvernements
clefs â faisant Ă©tat dâune stratĂ©gie et dâune menace dâextermination des Tutsis,
dâassassinats ethniques et politiques rĂ©pĂ©tĂ©s ou systĂ©matiques, de listes de
condamnĂ©s Ă mort, ainsi que des informations signalant pĂ©riodiquement lâentrĂ©e
dâarmes au Rwanda et la distribution de ces armes Ă la population et de
propagande incitant Ă la haine.
Quâon nâait pas fait davantage pour donner
suite Ă ces informations et pour agir rapidement montre que le SiĂšge de
lâOrganisation et la MINUAR, mais aussi les gouvernements qui Ă©taient tenus au
courant de la situation par celle-ci, en particulier ceux de la Belgique, de la
France et des Ătats-Unis, ont manquĂ© Ă leurs obligations, avec les lourdes
conséquences qui en ont découlé.
Le fait que des mesures Ă©nergiques nâont pas
Ă©tĂ© prises comme suite aux tĂ©lĂ©grammes de Dallaire sâinscrit dans le tableau
plus vaste de lâabsence de rĂ©ponse aux avertissements ainsi donnĂ©s.
De plus, le
fait que lâOrganisation avait des contacts Ă©troits avec des gouvernements clefs
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au sujet de cette information ne change rien au fait que cette mĂȘme information
aurait dĂ» ĂȘtre portĂ©e constamment et de façon aussi dĂ©taillĂ©e Ă lâattention de
tous les membres du Conseil.
15.
ProblĂšmes dâorganisation
Les problĂšmes dâorganisation qui se sont posĂ©s tant Ă la MINUAR quâau SiĂšge
ont eu une incidence prĂ©judiciable sur la maniĂšre dont lâONU a fait face aux
événements au Rwanda.
Ă la MINUAR, il est clair que les rapports entre Booh Booh et Dallaire
Ă©taient difficiles.
Les chefs de département à New York étaient au fait de la
situation et ne sont pas intervenus.
Ces difficultés relationnelles tenaient en
partie au fait que le commandant de la Force était arrivé le premier dans la
zone de déploiement et y avait mis la MINUAR en place.
Beaucoup plus tard,
lorsque le gĂ©nocide a commencĂ©, les rĂŽles respectifs sembleraient nâavoir pas
été clairement définis.
La MINUAR se serait ressentie du manque dâascendant
politique du Représentant spécial, mais aussi de problÚmes de direction
militaire imputables à la multiplicité des tùches dont le commandant de la Force
avait Ă sâacquitter au cours de ces premiers jours chaotiques.
Il ressort
également des archives de la Mission que la coopération interne était
problématique dans certains domaines clefs, comme le montrent par exemple les
rapports difficiles entre Booh Booh et son bureau, dâune part, et le chef de
lâadministration, M. Hallqvist, qui a dĂ©missionnĂ© aprĂšs quelques mois de
service.
Les rapports entre le Secrétaire général et le Conseil de sécurité
constituent un trait unique de la Charte des Nations Unies.
Le Secrétaire
gĂ©nĂ©ral a la possibilitĂ©, mais aussi la responsabilitĂ©, de porter Ă lâattention
du Conseil les questions sur lesquelles il y a lieu dâagir.
Il peut exercer une
influence décisive sur la prise de décisions au Conseil et mobiliser la volonté
politique des membres pour ce qui a trait aux questions clefs inscrites Ă
lâordre du jour.
Boutros-Ghali Ă©tait absent de New York pendant une bonne
partie de la période du génocide.
La Commission dâenquĂȘte se rend compte que
les secrĂ©taires gĂ©nĂ©raux ne peuvent ĂȘtre prĂ©sents Ă toutes les sĂ©ances du
Conseil.
Les archives contiennent des cĂąbles quasi quotidiens informant le
Secrétaire général du déroulement des événements à Kigali et au quartier général
de la Mission, ainsi que certaines des réponses au quartier général, parfois
assorties dâobservations du SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral.
La Commission en conclut que le
Secrétaire général a été tenu au fait des faits nouveaux les plus importants
intervenus au Rwanda.
Cela étant, le rÎle incombant au Secrétaire général
vis-à -vis du Conseil dans des situations de crise réelle telles que celle du
gĂ©nocide rwandais, ne peut que dans une certaine mesure ĂȘtre jouĂ© par personnes
interposées.
Si la possibilité de contacts directs entre le Secrétaire général
et le Conseil de sĂ©curitĂ© dans son ensemble, dâune part, et ses membres, de
lâautre, ne sâoffre pas, le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral ne peut influer sur la prise de
dĂ©cisions au Conseil de façon aussi efficace ou dĂ©cisive que sâil Ă©tait prĂ©sent.
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16.
Ăvacuation de nationaux : diffĂ©rents rĂŽles
des troupes internationales
Le dĂ©ploiement rapide de contingents nationaux chargĂ©s dâĂ©vacuer les
expatriés de Kigali a valu la vie sauve à bon nombre des intéressés.
Il nâen
reste pas moins que le manque de coordination avec lâONU sur le terrain avant
que les opĂ©rations ne dĂ©butent doit ĂȘtre dĂ©plorĂ©.
Les responsables de la MINUAR
et ceux du SecrĂ©tariat auraient dĂ» ĂȘtre mieux informĂ©s des opĂ©rations
dâĂ©vacuation envisagĂ©es.
La rapiditĂ© avec laquelle lâopĂ©ration française a Ă©tĂ© menĂ©e dans les heures
qui ont suivi la destruction en vol de lâavion prĂ©sidentiel montre Ă©galement que
certains des principaux Ătats Membres intĂ©ressĂ©s et la MINUAR nâanalysaient pas
la situation de la mĂȘme maniĂšre.
DĂšs quâil a Ă©tĂ© su que lâappareil avait Ă©tĂ©
abattu, la France, la Belgique, les Ătats-Unis et lâItalie ont manifestement
jugĂ© la situation suffisamment explosive pour quâil soit procĂ©dĂ© Ă lâĂ©vacuation
immédiate de leurs nationaux.
Au cours de ces premiÚres heures décisives, la
MINUAR sâefforçait encore de dĂ©terminer ce qui sâĂ©tait passĂ© et dâĂ©tablir la
communication entre ses propres unités.
Les rÎles différents joués par les troupes belges dans les heures qui ont
suivi lâattentat figurent au nombre des sujets de prĂ©occupation recensĂ©s par la
Commission.
Le contingent belge était encore le mieux équipé et le plus
nombreux de la MINUAR.
LâarrivĂ©e dâautres troupes belges a brouillĂ© la
perception du contingent Kibat.
Dallaire a également déclaré à la Commission
que les troupes belges de la MINUAR avaient commencé de recevoir leurs ordres de
la force dâĂ©vacuation et de partager leur matĂ©riel avec elle, ce qui avait
amoindri la capacitĂ© dâaction de la MINUAR dans les premiers jours du gĂ©nocide.
17.
Opération Turquoise
DirigĂ©e par la France et menĂ©e avec lâautorisation du Conseil de sĂ©curitĂ©,
lâopĂ©ration Turquoise nâavait pas Ă©tĂ© placĂ©e sous le commandement de lâONU.
La
Commission ne lâanalysera que pour ce qui lâintĂ©resse en vertu de son mandat, Ă
savoir le rĂŽle de lâONU jusquâen juillet 1994.
Les opinions divergent quant Ă lâefficacitĂ© avec laquelle lâopĂ©ration a
permis de secourir ceux dont la vie Ă©tait en danger dans la zone humanitaire.
Bien des interlocuteurs de la Commission tiennent quâelle a permis de sauver bon
nombre de vies dans une situation oĂč peu dâautres initiatives avaient Ă©tĂ© prises
Ă cette fin.
Certains se sont néanmoins interrogés sur diverses questions de
principe difficiles touchant notamment les rapports avec lâONU.
La décision
dâautoriser lâopĂ©ration nâavait pas Ă©tĂ© prise Ă lâunanimitĂ© et les cinq membres
du Conseil qui sâĂ©taient abstenus avaient exprimĂ© leur vive prĂ©occupation Ă ce
sujet.
De mĂȘme que le dĂ©ploiement rapide de forces nationales dâĂ©vacuation, la
mobilisation soudaine de milliers dâhommes pour lâopĂ©ration Turquoise, alors que
le DĂ©partement des opĂ©rations de maintien de la paix sâefforçait depuis plus
dâun mois dâobtenir les troupes nĂ©cessaires pour renforcer la MINUAR II, a
montrĂ© Ă quel point la volontĂ© politique dâengager du personnel au Rwanda Ă©tait
inégale.
La Commission juge regrettable que les ressources affectĂ©es Ă
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lâopĂ©ration Turquoise par la France et dâautres pays nâaient pas plutĂŽt Ă©tĂ©
mises Ă la disposition de la MINUAR II.
Le Secrétaire général est personnellement intervenu en faveur de
lâautorisation de lâopĂ©ration Turquoise.
La Commission note que le commandant
de la Force avait soigneusement analysĂ© les problĂšmes que lâopĂ©ration pourrait
causer Ă la MINUAR et avait fait connaĂźtre sa position.
Lâune des difficultĂ©s
quâil signalait rĂ©sidait dans le dĂ©sĂ©quilibre entre le mandat de la MINUAR,
opĂ©ration menĂ©e du dĂ©but Ă la fin en vertu du Chapitre VI, et lâautorisation de
Turquoise donnée en vertu du Chapitre VII.
La coexistence dans la mĂȘme zone de
conflit de deux opĂ©rations, lâune et lâautre autorisĂ©es par le Conseil de
sécurité, mais investies de pouvoirs si différents, était problématique.
Le chevauchement des pays fournisseurs de contingents a également causé des
problĂšmes Ă la MINUAR.
Le 21 juin, Dallaire a en effet dĂ©cidĂ© dâĂ©vacuer
42 Casques bleus originaires du Congo, du Sénégal et du Togo, pays francophones,
et de les faire remplacer par du personnel de lâONU en provenance de Nairobi
(Kenya) en raison des réactions négatives du FPR suscitées par leur
participation Ă lâopĂ©ration Turquoise.
Des affrontements directs entre la force et le FPR se sont produits ou ont
menacĂ© de se produire au cours de lâopĂ©ration Turquoise.
Comme on lâa indiquĂ©
plus haut, il a Ă©tĂ© demandĂ© Ă la MINUAR de faire passer des messages entre lâun
et lâautre, tĂąche pour le moins malaisĂ©e.
18.
Le Rwanda en tant que membre du Conseil de sécurité
Le fait que le Rwanda, représenté par le gouvernement Habyarimana, était
membre du Conseil de sécurité depuis janvier 1994 a compliqué la tùche du
Conseil.
En effet, lâune des parties Ă lâAccord de paix dâArusha avait ainsi
pleinement accĂšs aux discussions du Conseil et pouvait essayer dây influer sur
la prise de décisions.
Que lâune des parties Ă un conflit inscrit Ă lâordre du
jour du Conseil ait Ă©tĂ© le pays hĂŽte dâune opĂ©ration de maintien de la paix, Ă
lâencontre duquel un embargo sur les armes a par la suite Ă©tĂ© imposĂ© par cet
organe dont il Ă©tait membre, voilĂ qui ne pouvait avoir que des effets
malencontreux.
Les dommages causés ressortent clairement du comportement des représentants
du Rwanda au Conseil de sécurité pendant la période considérée.
Fonctionnaires
du SecrĂ©tariat et reprĂ©sentants des Ătats membres du Conseil Ă lâĂ©poque ont les
uns et les autres informé la Commission que la présence du Rwanda avait influé
de façon prĂ©judiciable sur la qualitĂ© de lâinformation que le SecrĂ©tariat
estimait pouvoir apporter au Conseil, aussi bien que sur la nature des débats de
cet organe.
19.
Observations finales
Le 15 novembre 1999, quelques semaines avant la soumission du présent
rapport, le Secrétaire général a publié un rapport sur la chute de Srebrenica
(A/54/549).
Il est clair que certaines des critiques formulées au sujet des
actions de lâONU dans ce rapport et les leçons tirĂ©es de lâaffaire valent aussi
pour ce qui a trait au rĂŽle jouĂ© par lâOrganisation au Rwanda.
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Lâune des leçons de Srebrenica est quâ"une tentative dĂ©libĂ©rĂ©e et
systĂ©matique de terrifier, dâexpulser ou dâassassiner un peuple tout entier doit
susciter non seulement une réponse décisive mettant en oeuvre tous les moyens
nĂ©cessaires, mais aussi la volontĂ© politique de mener cette rĂ©ponse jusquâĂ sa
conclusion logique" (par. 502).
Face au risque de génocide qui pesait sur le
Rwanda et au passage Ă lâacte systĂ©matique qui a suivi, lâobligation dâagir
quâavait lâONU transcendait les principes auxquels a jusquâĂ prĂ©sent rĂ©pondu le
maintien de la paix.
Il ne peut en effet y avoir de neutralité face au
gĂ©nocide, dâimpartialitĂ© face Ă une campagne dâextermination dirigĂ©e contre un
groupe de population.
Bien que la prĂ©sence des soldats de la paix de lâONU au
Rwanda ait dâabord pris la forme dâune opĂ©ration de maintien de la paix
classique visant Ă assurer lâapplication dâun accord de paix existant, les
dĂ©buts du gĂ©nocide auraient dĂ» amener les dĂ©cideurs de lâONU, SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral
et Conseil de sĂ©curitĂ©, dâune part, fonctionnaires du SecrĂ©tariat et
responsables de la MINUAR, de lâautre, Ă se rendre compte que le mandat initial
de la Mission, de mĂȘme que le rĂŽle de mĂ©diateur neutre dĂ©volu Ă lâONU, ne
rĂ©pondaient plus aux impĂ©ratifs de la situation et quâune intervention plus
Ă©nergique dâun autre ordre sâimposait, de mĂȘme que la mobilisation des moyens
nécessaires à cet effet.
La Commission partage lâavis du SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral suivant lequel "Lorsque
la communautĂ© internationale sâengage solennellement Ă protĂ©ger et dĂ©fendre des
civils innocents contre des massacres, elle doit avoir la volonté de mettre les
moyens nécessaires au service de cet engagement" (par. 504).
Le génocide
rwandais montre aussi que lâONU doit avoir conscience du fait que sa prĂ©sence
dans une zone de conflit suscite chez les civils une attente de protection dont
il doit ĂȘtre tenu compte lorsque sont analysĂ©s les moyens nĂ©cessaires Ă la
conduite dâune opĂ©ration.
Que lâobligation de protĂ©ger les civils soit
explicitement Ă©noncĂ©e ou non dans le mandat dâune opĂ©ration de maintien de la
paix, lâONU doit ĂȘtre prĂ©parĂ©e Ă rĂ©pondre Ă lâattente de protection suscitĂ©e par
sa prĂ©sence mĂȘme.
Dans son rapport, le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral encourage les Ătats Membres Ă
engager un processus de réflexion dont le but serait de faire le point sur la
capacitĂ© de lâONU Ă rĂ©pondre aux diffĂ©rentes formes de conflit, et dâamĂ©liorer
cette capacité.
Au nombre des problĂšmes quâil mentionne Ă cet Ă©gard figurent
lâinadĂ©quation entre les ressources et les mandats et une idĂ©ologie
dâimpartialitĂ©, y compris face aux tentatives de gĂ©nocide.
Comme le montre
clairement ce qui précÚde, chacun de ces deux éléments a joué dans les
dĂ©faillances de lâONU au Rwanda.
La Commission estime que le processus
dâanalyse et de discussion suggĂ©rĂ© dans le rapport sur Srebrenica devrait ĂȘtre
mis en train rapidement afin de remédier aux erreurs dans lesquelles est tombé
le maintien de la paix à la fin de ce siÚcle et de faire face aux défis du
prochain.
Elle veut espérer que le présent rapport contribuera à dynamiser ce
processus.
Dâordre gĂ©nĂ©ral, certaines des leçons Ă tirer de la crise du Rwanda se
rapportent Ă la mesure dans laquelle lâONU est capable de mener des opĂ©rations
de maintien de la paix et disposée à le faire.
Dâautres, plus spĂ©cifiques, ont
expressĂ©ment trait aux rapports entre lâOrganisation et le Rwanda.
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LâONU a failli Ă ses obligations envers le peuple rwandais lors du gĂ©nocide
de 1994.
LâOrganisation elle-mĂȘme, mais aussi ses Ătats Membres, auraient dĂ»
reconnaĂźtre plus clairement, plus franchement et beaucoup plus rapidement leurs
torts et faire amende honorable.
Le présent rapport vise à déterminer la
dimension et les raisons de ce manquement.
Se fondant sur ses propres
conclusions au sujet des échecs passés, la Commission a également formulé des
recommandations pour lâavenir.
Ce faisant, elle espÚre avoir défini le cadre
dans lequel pourraient ĂȘtre amĂ©liorĂ©s les rapports entre le Gouvernement et le
peuple rwandais, dâune part, et lâOrganisation des Nations Unies, de lâautre.
Les premiers et la deuxiĂšme devront tĂ©moigner dâune authentique volontĂ©
dâapaisement pour ce faire.
Les entretiens que la Commission a eus avec les
dirigeants rwandais et les responsables de lâONU ont montrĂ© que cette volontĂ©
existe.
Seul un partenariat revivifié permettra de relever les défis de demain.
Les séquelles du génocide demeurent, dans la douleur de ceux qui ont perdu des
ĂȘtres aimĂ©s, dans les efforts de rĂ©conciliation entre les Rwandais, dans
lâaction menĂ©e en vue de traduire les responsables en justice, dans les
problĂšmes que continue de poser le dĂ©placement, aussi bien que dans la quĂȘte
dâun Ă©quilibre entre les besoins et les intĂ©rĂȘts de ceux qui ont survĂ©cu au
gĂ©nocide sans quitter le Rwanda et des rĂ©fugiĂ©s qui reviennent de lâĂ©tranger.
Elles demeurent aussi dans la force armĂ©e de lâInterahamwe qui subsiste dans la
rĂ©gion des Grands Lacs, ainsi que dans lâinstabilitĂ© dont celle-ci continue de
se ressentir.
Lâun des dĂ©fis que lâONU pourra relever Ă lâavenir consistera Ă
aider à la reconstruction du Rwanda et à la réconciliation nationale.
IV.
RECOMMANDATIONS
1.
Le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral devrait lancer, Ă lâĂ©chelle du systĂšme des
Nations Unies, un plan dâaction pour prĂ©venir le crime de gĂ©nocide qui aurait
aussi pour objectif de fournir une contribution à la Conférence mondiale de 2001
contre le racisme, la discrimination raciale, la xĂ©nophobie et lâintolĂ©rance qui
y est associée.
2.
Des efforts renouvelĂ©s devraient ĂȘtre fournis pour amĂ©liorer la capacitĂ© de
lâONU en matiĂšre de maintien de la paix, y compris en mettant les ressources
nĂ©cessaires Ă sa disposition : la volontĂ© politique dâagir dans ce sens devrait
ĂȘtre mobilisĂ©e dans le cadre du Sommet et de lâAssemblĂ©e du millĂ©naire.
Pour
chaque opĂ©ration de maintien de la paix, les rĂšgles dâengagement applicables
devraient ĂȘtre clairement indiquĂ©es.
3.
LâONU â et notamment le Conseil de sĂ©curitĂ© et les pays fournisseurs de
troupes â doivent ĂȘtre disposĂ©s Ă passer Ă lâaction pour prĂ©venir des actes de
gĂ©nocide ou des violations massives des droits de lâhomme en quelque endroit
quâils puissent avoir lieu.
La volontĂ© politique dâagir ne doit pas ĂȘtre
assujettie Ă deux poids deux mesures.
4.
La capacitĂ© dâalerte prĂ©coce de lâONU doit ĂȘtre amĂ©liorĂ©e grĂące Ă une
meilleure coopération avec les acteurs extérieurs, y compris les organisations
non gouvernementales et la communauté universitaire, et au sein du Secrétariat.
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5.
Des efforts doivent ĂȘtre faits pour amĂ©liorer la protection des populations
civiles dans les situations de conflit.
6.
La sĂ©curitĂ© des personnels de lâONU et associĂ©s doit faire lâobjet
dâamĂ©liorations supplĂ©mentaires.
Il conviendrait dâexaminer lâopportunitĂ© de
modifier les rĂšgles en vigueur afin de permettre lâĂ©vacuation hors des zones de
crise du personnel recruté localement.
7.
Il conviendrait dâassurer une coopĂ©ration effective entre les
fonctionnaires responsables de la sécurité des différentes catégories de
personnel sur le terrain.
8.
Il conviendrait dâorganiser une circulation efficace de lâinformation au
sein du systĂšme des Nations Unies.
9.
De nouvelles amĂ©liorations devraient ĂȘtre apportĂ©es Ă lâalimentation du
Conseil de sécurité en informations.
10.
Il conviendrait dâamĂ©liorer la circulation de lâinformation en matiĂšre de
droits de lâhomme.
11.
Les opĂ©rations dâĂ©vacuation nationales doivent ĂȘtre coordonnĂ©es avec les
missions de lâONU sur le terrain.
12.
Il conviendrait dâĂ©tudier plus Ă fond lâopportunitĂ© de suspendre la
participation du reprĂ©sentant dâun Ătat membre du Conseil de sĂ©curitĂ© lorsque
prévalent des circonstances aussi exceptionnelles que la crise du Rwanda.
13.
La communauté internationale devrait appuyer les efforts fournis par le
Rwanda pour reconstruire la sociĂ©tĂ© aprĂšs le gĂ©nocide, en prĂȘtant plus
particuliĂšrement attention aux besoins en matiĂšre de reconstruction,
rĂ©conciliation et respect des droits de lâhomme, et en gardant Ă lâesprit les
besoins respectifs des rescapés, des réfugiés revenus au pays et des autres
groupes affectés par le génocide.
14.
LâONU devrait reconnaĂźtre sa part de responsabilitĂ© pour nâavoir pas fait
assez pour prévenir ou interrompre le génocide au Rwanda.
Le Secrétaire général
devrait chercher activement un nouveau dĂ©part dans les relations entre lâONU et
le Rwanda.
La Commission sait quâun certain nombre de mesures ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© prises au
cours des derniĂšres annĂ©es pour amĂ©liorer la capacitĂ© de lâONU Ă intervenir dans
les conflits, et ceci plus particuliÚrement en réponse à certaines des erreurs
commises au Rwanda.
Par exemple, des améliorations ont été apportées à la façon
dont le Secrétariat informe le Conseil de sécurité.
Des mécanismes internes ont
également été mis sur pied afin de renforcer la capacité du Secrétariat en
matiĂšre dâalerte prĂ©coce et de rĂ©action rapide.
Ceci dit, un certain nombre de
mesures supplĂ©mentaires doivent ĂȘtre prises avec dĂ©termination si lâon veut que
lâONU soit mieux prĂ©parĂ©e Ă prĂ©venir de futurs dĂ©sastres quâelle ne lâĂ©tait Ă
prévenir et gérer la tragédie rwandaise.
La Commission recommande les actions
suivantes.
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1.
Un plan dâaction pour prĂ©venir le gĂ©nocide.
La Commission recommande que
le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral lance un plan dâaction des Nations Unies pour prĂ©venir le
génocide.
Alors que cinq années se sont déjà écoulées depuis le génocide
rwandais, il est plus que temps de transposer dans la réalité concrÚte du
travail quotidien des Nations Unies lâobligation de "prĂ©venir et rĂ©primer" le
crime de génocide prévue par la Convention sur le génocide.
Ce plan devrait
viser Ă sensibiliser encore plus lâensemble des organismes des Nations Unies Ă
la nécessité de prévenir et combattre le génocide et les autres violations
massives des droits de lâhomme et Ă accroĂźtre leur capacitĂ© dans ce domaine; il
devrait aussi avoir pour résultat de transposer dans la pratique les
enseignements des tragĂ©dies survenues au Rwanda et dans lâex-Yougoslavie.
Toutes les composantes de lâOrganisation des Nations Unies, y compris les Ătats
Membres, devraient examiner quelles actions ils devraient entreprendre pour
lutter contre des crimes aussi horribles.
Le plan devrait inclure un mécanisme
de suivi qui veillerait Ă ce que ces actions soient effectivement entreprises.
Un plan dâaction pour prĂ©venir le gĂ©nocide pourrait aussi apporter une
contribution concrÚte à la Conférence mondiale contre le racisme, la
discrimination raciale, la xĂ©nophobie et lâintolĂ©rance qui y est associĂ©e prĂ©vue
pour lâannĂ©e 2001.
Dans le cadre de ce plan, la prĂ©vention du crime de gĂ©nocide devrait ĂȘtre
incluse comme composante spécifique des efforts tendant à améliorer la capacité
de lâONU en matiĂšre dâalerte prĂ©coce et de prĂ©vention des conflits.
Les
personnels du SiÚge, des institutions spécialisées et des programmes et, bien
sûr, des missions sur le terrain, devraient recevoir une formation spécifique
leur permettant de repérer les signes avant-coureurs de génocide, de les
analyser et de mettre en place des réponses appropriées.
Il conviendrait
dâexploiter les compĂ©tences acquises au cours des derniĂšres annĂ©es par les
Tribunaux internationaux pour lâex-Yougoslavie et le Rwanda.
Sur le plan
technique, les Ătats Membres et lâONU devraient travailler ensemble Ă amĂ©liorer
leur capacitĂ© Ă bloquer les mĂ©dias coupables dâincitation Ă la haine.
Le plan
devrait prévoir des réseaux de coopération avec les organisations humanitaires,
les Ă©tablissements universitaires et les organisations non gouvernementales,
dans le but dâamĂ©liorer la capacitĂ© dâalerte prĂ©coce et de rĂ©action rapide.
Un
dialogue plus intense devrait ĂȘtre instaurĂ© entre le SecrĂ©tariat et le Conseil
de sĂ©curitĂ© sur la nĂ©cessitĂ© dâagir de façon prĂ©ventive et, chaque fois que
nécessaire, de prendre des mesures contraignantes pour faire cesser les actes de
gĂ©nocide et autres violations massives des droits de lâhomme qui pourraient se
produire Ă lâavenir.
Dans tous les cas oĂč cela se justifie, la planification des opĂ©rations de
maintien de la paix devrait comporter un volet spécifique sur la prévention du
crime de génocide.
Dans les situations oĂč une opĂ©ration de maintien de la paix
risque de se voir confrontée à des massacres ou à un génocide, son mandat et ses
rĂšgles dâengagement doivent Ă©noncer clairement que lâobligation traditionnelle
de neutralitĂ© ne saurait sâappliquer Ă ces situations, et lâopĂ©ration doit ĂȘtre
dotée dÚs le départ des moyens nécessaires.
Désigner le génocide par son nom chaque fois que cela se justifie et
assumer la responsabilitĂ© dâintervenir qui en dĂ©coule.
Les Ătats doivent ĂȘtre
prĂȘts Ă appeler un gĂ©nocide un gĂ©nocide chaque fois que les critĂšres de
qualification de ce crime sont remplis, et Ă assumer lâobligation dâintervenir
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qui découle de cette qualification.
La nĂ©cessitĂ© dâempĂȘcher les crises de
sâaggraver et de dĂ©boucher sur un gĂ©nocide doit faire lâobjet dâune attention
plus soutenue.
2.
La Commission recommande que des mesures soient prises pour améliorer la
capacitĂ© de lâONU Ă mener des opĂ©rations de maintien de la paix, et en
particulier à effectuer le déploiement de ses missions sur le terrain dans des
délais suffisamment rapides.
La question nâest pas nouvelle, et des
recommandations similaires ont Ă©tĂ© faites par dâautres organes, mais si son
importance a Ă©tĂ© soulignĂ©e Ă de nombreuses reprises, le problĂšme nâen reste pas
moins entier.
LâONU demeure la seule organisation en mesure de confĂ©rer une
légitimité universelle aux efforts de maintien de la paix.
MĂȘme si des
initiatives importantes peuvent ĂȘtre prises au niveau rĂ©gional, lâONU doit avoir
les moyens et la volontĂ© dâexercer la responsabilitĂ© du maintien de la paix et
de la sécurité internationales que lui confÚre sa Charte, quel que soit
lâendroit oĂč se dĂ©roule un conflit.
La Commission espÚre que le Secrétaire
gĂ©nĂ©ral et les Ătats Membres profiteront de lâoccasion fournie par le Sommet et
lâAssemblĂ©e du millĂ©naire lâannĂ©e prochaine pour mobiliser la volontĂ© politique
nécessaire pour résoudre les problÚmes auxquels est actuellement confrontée
lâONU dans le domaine du maintien de la paix, pour tirer les enseignements des
échecs passés, y compris au Rwanda, et pour prendre les mesures qui permettront
dâaffronter les dĂ©fis de lâavenir.
Pour ceci, il faudrait notamment :
â
Mobiliser les ressources nécessaires au maintien de la paix.
Les Ătats
Membres doivent ĂȘtre disposĂ©s Ă fournir dans les meilleurs dĂ©lais les
troupes nécessaires aux Nations Unies.
La participation Ă des initiatives
comme celle des arrangements relatifs aux forces en attente doit certes
ĂȘtre encouragĂ©e, mais il est Ă©galement important qu'elle s'accompagne de la
volonté politique d'autoriser le déploiement de ces forces dites en attente
lorsquâun conflit particulier lâexige.
La crĂ©dibilitĂ© de lâONU en matiĂšre de maintien de la paix exige que
ses opérations soient dotées des moyens nécessaires à l'accomplissement de
leur mandat.
Elle exige aussi que les pays fournisseurs de troupes sâabstiennent de
retirer leurs contingents d'une opération de maintien de la paix lorsque ce
retrait risque de compromettre l'opération en question ou de la mettre en
danger.
Toute dĂ©cision de retirer ou de rĂ©duire un contingent doit ĂȘtre
prise en étroite coordination avec le Secrétariat.
â
Renforcer les moyens du Secrétariat en matiÚre de planification d'urgence,
tant pour les opérations de maintien de la paix encore à venir que pour les
opĂ©rations en cours dont le mandat demande Ă ĂȘtre modifiĂ©.
â
Prendre des mesures pour mettre rapidement des moyens logistiques Ă la
disposition des contingents qui en sont dépourvus, soit en faisant une
meilleure utilisation de la Base logistique de Brindisi, soit en
sollicitant des contributions de pays donateurs.
Le Secrétariat devrait se
voir donner les ressources qui lui permettraient de fonctionner comme une
bourse des matĂ©riels et moyens de formation oĂč les besoins des uns et les
disponibilités des autres seraient rapprochés.
LâONU et les organisations
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régionales et sous-régionales concernées devraient mener des discussions
pratiques sur les mesures à prendre pour améliorer la fourniture de
matériels aux opérations de maintien de la paix.
La Commission recommande
avec insistance que soient relancés les efforts tendant à résoudre le
problÚme récurrent de l'appui logistique à fournir aux contingents des pays
en développement.
â
Faire en sorte que les mandats correspondent pleinement aux besoins sur le
terrain.
LâĂ©laboration du mandat dâune mission doit ĂȘtre guidĂ©e par le
type de déploiement requis sur le terrain bien plus que par des
considérations financiÚres à court terme.
Les projets de mandat soumis au
Conseil de sécurité doivent refléter les besoins réels de la mission plutÎt
que sur un supposĂ© consensus qui se serait dĂ©gagĂ© Ă lâavance entre les
membres.
Le mandat dâune mission doit ĂȘtre suffisamment musclĂ© dĂšs le
dĂ©but de lâopĂ©ration. Il doit aussi ĂȘtre suffisamment souple pour donner au
commandant de la Force la marge de manoeuvre nécessaire pour suivre au plus
prĂšs l'Ă©volution de la situation sur le terrain.
â
Faire en sorte que les principaux responsables d'une opération prennent
leurs fonctions suivant un scénario bien organisé.
Le Représentant spécial
du SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral devrait ĂȘtre nommĂ© rapidement, avoir de prĂ©fĂ©rence
l'expérience de négociation de paix ayant précédé le lancement d'une
mission de maintien de la paix, et ĂȘtre parmi les premiers Ă prendre son
poste sur le terrain.
Il est essentiel d'établir une bonne coopération
entre les responsables civils et militaires de la mission.
â
Assurer une étroite coordination entre le Secrétariat et les organismes
concernés de l'ONU dans la planification et le déploiement des opérations
de maintien de la paix.
Il importe également de continuer d'améliorer la
coordination et la coopération entre les opérations de maintien de la paix
et les ONG actives sur le théùtre de l'opération.
â
Faire en sorte que la planification des nouvelles opérations de maintien de
la paix prenne pleinement en compte les enseignements tirés des missions
antérieures.
â
Améliorer la coopération entre l'ONU d'une part et les organisations
régionales et sous-régionales d'autre part.
Les contacts existants
pourraient ĂȘtre intensifiĂ©s, notamment pour amĂ©liorer la coopĂ©ration
pratique dans le domaine du maintien de la paix.
Les contacts entre le
Conseil de sécurité et les représentants des organisations régionales et
sous-rĂ©gionales actives en matiĂšre de paix et de sĂ©curitĂ© devraient ĂȘtre
encore plus réguliers et directs.
â
Il ne devrait jamais y avoir aucun doute sur la nature des rĂšgles
d'engagement applicables pendant le déroulement d'une opération de maintien
de la paix.
Ces rĂšgles doivent faire lâobjet dâune approbation formelle du
SiĂšge, qui est tenu de la donner.
3.
L'ONU â et notamment le Conseil de sĂ©curitĂ© et les pays fournisseurs de
troupes â doivent ĂȘtre disposĂ©s Ă passer Ă l'action pour prĂ©venir des actes de
génocide ou des violations massives des droits de l'homme en quelque endroit
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qu'ils puissent avoir lieu.
La volontĂ© politique d'agir ne doit pas ĂȘtre
assujettie Ă deux poids et deux mesures.
4.
Améliorer la capacité d'alerte précoce de l'ONU, et notamment sa capacité
d'analyser lâinformation et d'y rĂ©agir.
Des mesures de sensibilisation Ă
l'importance de l'alerte précoce et de la réaction rapide ont déjà été prises
dans différents secteurs du Secrétariat.
La Commission estime néanmoins qu'il
est essentiel de continuer à améliorer la capacité de l'Organisation à analyser
les informations disponibles sur les conflits potentiels, à réagir à ces
informations, et à engager des actions préventives.
Il est Ă©galement essentiel
d'améliorer la coopération entre les départements du Secrétariat, le
Coordonnateur des Nations Unies pour la sécurité, les programmes et institutions
spécialisées et les acteurs extérieurs, y compris les organisations régionales
et sous-régionales, les ONG et le milieu universitaire.
Comme il est dit au
paragraphe 1 ci-dessus, la Commission estime que les activités d'alerte précoce
devraient accorder une attention particuliÚre à la prévention du génocide.
5.
Mieux assurer la protection des civils dans les situations de conflit
ouvert ou larvé.
Il faudrait que les mandats des opérations de maintien de la
paix contiennent lorsquâil y a lieu des dispositions visant expressĂ©ment Ă
assurer la protection des populations civiles et que soient mobilisées les
ressources nécessaires à cet effet.
Dans ce contexte, la Commission recommande
que le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral et le Conseil de sĂ©curitĂ© sâattachent Ă donner suite
aux recommandations formulées dans le rapport récent du Secrétaire général sur
la protection des civils en période de conflit armé (S/1999/957).
Le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral doit pouvoir sâaffirmer et jouer son rĂŽle en toute
indĂ©pendance si lâon veut que lâOrganisation des Nations Unies prĂ©vienne les
conflits avec efficacité.
Il mĂ©rite que les Membres de lâOrganisation
lâappuient sans dĂ©faillance dans ses tentatives visant Ă rĂ©gler les conflits de
bonne heure.
6.
Il faudrait que la sécurité du personnel des Nations Unies et de celui qui
lui est associé, y compris les agents recrutés localement, soit mieux assurée
encore.
Le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral devrait activement envisager dâĂ©tendre la
possibilitĂ© dâĂ©vacuation au personnel national de lâONU.
Les membres du
personnel national devraient ĂȘtre pleinement informĂ©s des rĂšgles qui leur sont
applicables.
Il ne devrait pas pouvoir y avoir de méprise concernant leur
statut en cas dâĂ©vacuation.
7.
Assurer une coopération étroite entre les responsables de la sécurité des
diffĂ©rentes catĂ©gories de personnel de lâONU sur le terrain.
Veiller Ă ce que
les moyens de communication voulus soient Ă©tablis Ă cet effet.
8.
AmĂ©liorer la circulation de lâinformation entre les organismes des
Nations Unies.
Mieux coordonner la prévention et le rÚglement des conflits
exige que lâinformation soit partagĂ©e avec toutes les composantes du systĂšme
prenant part aux opérations.
Il importe en particulier que lâinformation
circule bien entre le Cabinet du Secrétaire général et les départements
organiques du SecrĂ©tariat ainsi quâentre le SiĂšge et les opĂ©rations sur le
terrain.
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9.
AmĂ©liorer encore lâinformation du Conseil de sĂ©curitĂ©.
Lorsque le
SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral ne se charge pas lui-mĂȘme dâinformer le Conseil de sĂ©curitĂ©,
cette tĂąche devrait ĂȘtre confiĂ©e au fonctionnaire le plus qualifiĂ© pour ce
faire, comme elle lâest en rĂšgle gĂ©nĂ©rale dĂšs Ă prĂ©sent.
La Commission
recommande que la pratique consistant Ă faire informer le Conseil par des
représentants des départements organiques soit maintenue, mais préconise
également une participation directe du Haut Commissaire pour les réfugiés et du
Haut Commissaire aux droits de lâhomme, des reprĂ©sentants spĂ©ciaux du SecrĂ©taire
général et, le cas échéant, des fonds et programmes des Nations Unies aux
consultations pléniÚres.
Plus lâapport dâinformation est direct, plus il vaut.
10.
AmĂ©liorer la circulation de lâinformation en matiĂšre des droits de lâhomme.
Lâinformation relative aux droits de lâhomme doit faire partie intĂ©grante des
éléments sur lesquels le Secrétariat et le Conseil de sécurité se fondent pour
décider des opérations de maintien de la paix.
Les rapports du Secrétaire
général au Conseil de sécurité devraient inclure une analyse de la situation sur
le plan des droits de lâhomme dans le conflit considĂ©rĂ©.
Lâinformation relative
aux droits de lâhomme doit avoir sa place dans les dĂ©libĂ©rations du SecrĂ©tariat
sur lâalerte rapide, lâaction prĂ©ventive et le maintien de la paix.
Il importe
que lâon sâattache davantage Ă faire en sorte que les compĂ©tences nĂ©cessaires en
matiĂšre de droits de lâhomme soient assurĂ©es aux missions des Nations Unies sur
le terrain.
11.
Les opĂ©rations dâĂ©vacuation nationales devraient ĂȘtre coordonnĂ©es avec les
missions de lâONU sur le terrain.
12.
Membres du Conseil de sécurité.
Le fait que le Rwanda ait été membre du
Conseil de sécurité avant et pendant le génocide a posé un problÚme.
Tout en
reconnaissant la complexitĂ© de la question, la Commission est dâavis quâil
conviendrait dâenvisager, dans le cadre des discussions dont la rĂ©forme du
Conseil fait lâobjet, de mieux assurer la possibilitĂ© que dâautres membres du
Conseil ou lâAssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale suspendent la participation du reprĂ©sentant dâun
Ătat membre du Conseil dans des circonstances exceptionnelles telles que celles
qui ont prévalu au Rwanda.
Le paragraphe 3 de lâArticle 27 de la Charte des
Nations Unies, qui dispose que, dans les décisions prises aux termes du
Chapitre VI, une partie Ă un diffĂ©rend sâabstient de voter, devrait ĂȘtre
systématiquement appliqué.
Les difficultĂ©s que suscite la prĂ©sence de lâune des
parties Ă un conflit devraient Ă©galement ĂȘtre gardĂ©es Ă lâesprit lors de
lâĂ©lection de nouveaux membres non permanents au Conseil.
13.
La communauté internationale devrait appuyer les efforts de reconstruction
de la sociĂ©tĂ© rwandaise aprĂšs le gĂ©nocide, en prĂȘtant plus particuliĂšrement
attention aux besoins en matiÚre de reconstruction, de réconciliation et de
respect des droits de lâhomme.
Les donateurs devraient garder Ă lâesprit quâil
importe de subvenir de façon équilibrée aux besoins des rescapés, des réfugiés
revenus au pays et des autres groupes touchés par le génocide.
14.
LâONU devrait reconnaĂźtre la part de responsabilitĂ© qui lui revient pour
nâavoir pas fait davantage afin de prĂ©venir ou de mettre un terme au gĂ©nocide au
Rwanda.
Le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral devrait sâemployer Ă asseoir les relations entre
lâONU et le Rwanda sur de nouvelles bases, en reconnaissant les manquements du
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passé, mais en veillant aussi à établir un engagement de coopération pour
lâavenir.
New York, le 15 décembre 1999
(Signé) Ingvar CARLSSON
(Signé) Rufus M. KUPOLATI
(Signé) HAN Sung-Joo
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Annexe I
CHRONOLOGIE DES ĂVĂNEMENTS (OCTOBRE 1993-JUILLET 1994)
1993
5 octobre :
Le Conseil de sĂ©curitĂ© adopte Ă lâunanimitĂ© la rĂ©solution
872 (1993) portant création de la Mission des Nations Unies pour
lâassistance au Rwanda (MINUAR) pour une pĂ©riode de six mois.
Cette résolution donne suite à la proposition faite par le
Secrétaire général le 24 septembre 1993 (S/26488) de créer la
MINUAR en la dotant dâune force de maintien de la paix de
2 548 hommes (dont deux bataillons dâinfanterie).
Toutefois, le
Conseil de sĂ©curitĂ© nâautorise le dĂ©ploiement que dâun bataillon
dâinfanterie.
Dans sa résolution 872, le Conseil approuve aussi la proposition
du SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral dâintĂ©grer la Mission dâobservation des
Nations Unies Ouganda-Rwanda, telle que créée par la résolution
846 (1993) du 22 juin 1993, au sein de la MINUAR.
La MINUAR reçoit le mandat ci-aprÚs : a) contribuer à assurer la
sĂ©curitĂ© de la ville de Kigali, notamment Ă lâintĂ©rieur de la
zone libre dâarmes Ă©tablie par les parties dans la ville et dans
ses alentours; b) superviser lâaccord de cessez-le-feu qui
appelle Ă la mise en place de points de cantonnement et de
rassemblement et Ă la dĂ©limitation dâune nouvelle zone
dĂ©militarisĂ©e de sĂ©curitĂ© ainsi quâĂ la dĂ©finition dâautres
procédures de démobilisation; c) superviser les conditions de la
sécurité générale dans le pays pendant la période terminale du
mandat du Gouvernement de transition jusquâaux Ă©lections;
d) contribuer au déminage, essentiellement au moyen de
programmes de formation; e) examiner, Ă la demande des parties
ou de sa propre initiative, les cas présumés de non-application
du Protocole dâaccord sur lâintĂ©gration des forces armĂ©es des
deux parties, en déterminer les responsables et faire rapport
sur cette question au Secrétaire général en tant que de besoin;
f) contrÎler le processus de rapatriement des réfugiés rwandais
et de rĂ©installation des personnes dĂ©placĂ©es en vue de sâassurer
que ces opĂ©rations sont exĂ©cutĂ©es dans lâordre et la sĂ©curitĂ©;
g) aider Ă la coordination des activitĂ©s dâaide humanitaire
liĂ©es aux opĂ©rations de secours; h) enquĂȘter et faire rapport
sur les incidents relatifs aux activités de la gendarmerie et de
la police.
21 octobre :
Le Président hutu Melchior Ndadaye, élu le 1er juin 1993, est
assassinĂ© lors dâun coup dâĂtat militaire au Burundi.
Des
dizaines de milliers de personnes sont tuées et quelque
600 000 réfugiés fuient dans les pays voisins (dont
375 000 au Rwanda).
Les extrĂ©mistes hutus du Rwanda affirment que le coup dâĂtat
survenu au Burundi prouve que les Tutsis répugnent à partager le
pouvoir avec les Hutus.
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22 octobre :
Le commandant de la Force de la MINUAR, le général de brigade
Romeo A. Dallaire du Canada, arrive Ă Kigali, capitale du
Rwanda.
27 octobre :
Une mission de reconnaissance de 21 militaires de la MINUAR
arrive Ă Kigali.
1er novembre :
Le Groupe dâobservateurs militaires neutres (GOMN II) de
lâOrganisation de lâunitĂ© africaine est intĂ©grĂ© dans la MINUAR.
7 novembre :
Le Groupe dâobservateurs militaires, constituĂ© au moyen
dâĂ©lĂ©ments de la mission de reconnaissance de la MINUAR et du
GOMN II, devient opérationnel.
Il surveille la situation Ă la
frontiĂšre sud du Rwanda Ă la suite du coup dâĂtat militaire au
Burundi.
23 novembre :
Le Représentant spécial du Secrétaire général, Jacques-Roger
Booh Booh du Cameroun, arrive Ă Kigali.
Dallaire envoie au SiĂšge un projet de rĂšgles dâengagement pour
la MINUAR quâil soumet Ă lâapprobation du SecrĂ©tariat.
Novembre :
Dans son rapport du 30 décembre 1993 (S/26927), le Secrétaire
général note que prÚs de 60 civils ont été massacrés lors de
deux incidents distincts survenus non loin de Ruhengeri durant
le mois de novembre.
7 décembre :
Lâafflux de rĂ©fugiĂ©s burundais au Rwanda et des allĂ©gations de
mouvements militaires transfrontiĂšres le long de la frontiĂšre
entre le Rwanda et le Burundi restreignent les activités du
Groupe dâobservateurs militaires.
Le Secrétaire général demande
au Secrétaire général adjoint aux affaires politiques,
James O. C. Jonah, qui se trouve au Burundi pour assister aux
obsÚques du Président Ndadaye, de se rendre dans la zone
frontaliĂšre sud du Rwanda afin dâĂ©valuer la situation.
M. Jonah se rend Ă©galement Ă Kigali et examine la situation de
crise au Burundi avec le Président rwandais, Juvénal
Habyarimana.
Lors de ces entretiens, M. Jonah avertit le
Président que, selon les informations dont il dispose, une vague
dâassassinats se prĂ©pare contre lâopposition, et que lâONU ne
tolérera pas ces agissements.
10 décembre :
Booh Booh convoque une réunion entre le Gouvernement rwandais et
le Front patriotique rwandais (FPR) Ă Kinihira, Ă 80 kilomĂštres
de Kigali, lors de laquelle les deux parties conviennent de
former un gouvernement de transition Ă base Ă©largie avant le
31 dĂ©cembre 1993 (la date fixĂ©e Ă lâorigine pour la crĂ©ation
dâun gouvernement de transition Ă©tait le 10 septembre 1993, en
application de lâAccord de paix dâArusha, signĂ© le 4 aoĂ»t 1993
par le Président Habyarimana et Alexis Kanyarengwe, chef du
FPR).
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15 décembre :
Le déploiement de la MINUAR est achevé à Kigali.
Les troupes françaises se retirent du Rwanda oĂč elles Ă©taient
stationnées depuis le 5 octobre 1990 aprÚs que le Front
patriotique rwandais, à majorité tutsie, eut envahi le pays
depuis le sud de lâOuganda le 1er octobre 1990.
20 décembre :
Dans sa résolution 891 (1993), le Conseil de sécurité décide de
proroger le mandat de la Mission dâobservation des Nations Unies
Ouganda-Rwanda (MONUOR) pour une période de six mois, du
22 décembre 1993 au 21 juin 1994.
22 décembre :
Lâaccord relatif Ă la zone libre dâarmes de Kigali est entĂ©rinĂ©
par toutes les parties.
24 décembre :
La zone libre dâarmes de Kigali est Ă©tablie Ă Kigali et dans ses
environs.
27 décembre :
La phase 1 du déploiement de la MINUAR se déroule comme prévu,
avec des effectifs totaux de 1 260 militaires originaires de
19 pays, selon la composition suivante: Autriche (5), Bangladesh
(564), Belgique (424), Botswana (9), Brésil (13), Canada (2),
Congo (25), Fidji (1), Ghana (37), Hongrie (4), Mali (10), Pays-
Bas (10), Pologne (5), Sénégal (39),
Slovaquie (5), Togo (15),
Tunisie (61), Uruguay (21) et Zimbabwe (10).
Ces effectifs
comprennent les 81 observateurs militaires relevant de la
MONUOR.
Ă lâissue de la phase 1, lâopĂ©ration devait compter
1 428 hommes.
28 décembre :
La MINUAR accompagne 600 soldats du FPR jusquâĂ Kigali
("Opération couloir de sécurité").
Un bataillon du FPR
sâinstalle dans lâimmeuble du Conseil national de dĂ©veloppement
(CND) Ă Kigali conformĂ©ment Ă lâAccord dâArusha.
Le FPR doit en
principe prendre part Ă la formation du Gouvernement de
transition Ă base Ă©largie.
30 décembre :
Dans son rapport sur la MINUAR (S/26927), le Secrétaire général
souligne que la situation reste instable au Rwanda et prie le
Conseil de sĂ©curitĂ© dâautoriser le dĂ©ploiement rapide du second
bataillon dâinfanterie.
31 décembre :
Le Gouvernement rwandais et le FPR ne parviennent pas Ă
constituer le Gouvernement de transition Ă base Ă©largie.
La
situation en matiÚre de sécurité continue de se détériorer au
Rwanda.
DĂ©cembre 1993-
La MINUAR est témoin à plusieurs reprises des émissions
mars 1994
incendiaires diffusées par la Radio-Télévision libre des Mille
collines (RTLM) qui a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e avec lâappui de
M. FĂ©licien Kabuga, le beau-pĂšre dâun des fils du PrĂ©sident
Habyarimana, et de lâAkazu, le premier cercle prĂ©sidentiel.
La
RTLM a annoncĂ© que le FPR est venu rĂ©tablir lâhĂ©gĂ©monie tutsie,
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qualifiant tous les Tutsis de partisans du FPR et exhortant les
paysans hutus à décapiter les Tutsis.
1994
1er janvier :
Le Rwanda devient membre non permanent du Conseil de sécurité.
6 janvier :
Le Conseil de sécurité adopte la résolution 893 (1994), dans
laquelle il approuve le déploiement rapide du deuxiÚme bataillon
dans la zone dĂ©militarisĂ©e et demande Ă la MINUAR de continuer Ă
faciliter le processus de paix au Rwanda.
Le Conseil de
sĂ©curitĂ© souligne que la Mission ne sera assurĂ©e dâun appui
suivi que si les parties appliquent intégralement et rapidement
lâAccord de paix dâArusha.
Le Conseil demande au Secrétaire
gĂ©nĂ©ral de contrĂŽler lâampleur et le coĂ»t de la Mission dans le
but de faire des Ă©conomies.
Ă Kigali, Booh Booh et Dallaire rencontrent Habyarimana pour
lâinciter Ă faire preuve de souplesse afin de trouver une
solution Ă lâimpasse dans laquelle se trouve la formation du
Gouvernement de transition Ă base Ă©largie.
Lors de ces
entretiens, Dallaire informe Habyarimana que, selon ses sources,
les partisans du Président sont en train de distribuer des
armes.
7 janvier :
Booh Booh rencontre les responsables du FPR et les engage Ă
oeuvrer activement en faveur de la constitution du Gouvernement
de transition Ă base Ă©largie.
11 janvier :
La MINUAR et le Département des opérations de maintien de la
paix échangent des télégrammes.
Dallaire envoie un télégramme au Conseiller militaire du
Secrétaire général au SiÚge, le général de division J. Maurice
Baril, pour lâinformer quâun indicateur hutu, formateur haut
placé faisant partie des cadres Interahamwe [les milices hutues
les plus importantes et les plus meurtriÚres recrutées parmi
les jeunes éléments du parti présidentiel, le Mouvement
révolutionnaire national pour le développement (MRND)], lui a
dit que les Interahamwe Ă©taient en train de recenser tous les
Tutsis de Kigali et prévoyaient de les exterminer.
Lâindicateur
a Ă©galement dĂ©clarĂ© que plusieurs soldats belges devaient ĂȘtre
tuĂ©s afin dâassurer le retrait des Belges du Rwanda.
Dans ce
tĂ©lĂ©gramme, Dallaire dit quâil se propose dâeffectuer un raid
sur la cache dâarmes des extrĂ©mistes.
La premiÚre réponse du SiÚge à la MINUAR est envoyée dans la
soirée du 10 janvier (heure de New York).
Câest un tĂ©lĂ©gramme
codé adressé à Booh Booh par le Secrétaire général adjoint aux
opérations de maintien de la paix, Kofi Annan (et signé par le
Sous-Secrétaire général aux opérations de maintien de la paix,
Iqbal Riza).
Dans ce télégramme, Annan demande à Booh Booh
dâĂ©valuer la situation avec soin et de faire des
recommandations, mais déclare que "la MINUAR ne doit
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entreprendre aucune opĂ©ration de reconnaissance ou autre, mĂȘme
en réponse à une demande de protection, tant que le SiÚge ne lui
donne pas de directives précises".
Booh Booh répond à Annan par un télégramme daté du 11 janvier,
dans lequel il évoque une réunion que Dallaire et le conseiller
politique de Booh Booh, Abdula Kabia, ont eue avec le Premier
Ministre dĂ©signĂ©, M. Faustin Twagiramungu, qui a dĂ©clarĂ© prĂȘter
entiĂšrement foi aux affirmations de lâindicateur.
Plus tard dans la mĂȘme journĂ©e, Annan rĂ©pond Ă Booh Booh et
Dallaire par un télégramme (signé par Riza) leur donnant pour
instructions dâinformer immĂ©diatement Habyarimana des activitĂ©s
des milices Interahamwe et de faire une démarche auprÚs de lui.
Il leur demande aussi de rencontrer les ambassadeurs de
Belgique, de France et des Ătats-Unis Ă Kigali avant la rĂ©union
avec le PrĂ©sident afin de les prier dâentreprendre la mĂȘme
démarche.
12 janvier :
Sur instruction du SiĂšge, Booh Booh et Dallaire rencontrent les
reprĂ©sentants des trois pays, qui se dĂ©clarent extrĂȘmement
prĂ©occupĂ©s et indiquent quâils consulteront leurs capitales
respectives.
Booh Booh et Dallaire sâentretiennent ensuite avec le PrĂ©sident
et lui transmettent le message selon les instructions.
Dans un
télégramme adressé à Kofi Annan le 13 janvier, Booh Booh dit que
le Président a paru alarmé par le ton de la démarche.
Il a
affirmé ne rien savoir des activités de la milice et a promis de
faire une enquĂȘte.
Booh Booh et Dallaire rencontrent aussi le Président et le
Secrétaire national du MRND, qui nient tous deux que la milice
de leur parti est mĂȘlĂ©e Ă ces activitĂ©s prĂ©sumĂ©es.
Booh Booh et
Dallaire les prient instamment de mener une enquĂȘte et de rendre
compte des résultats à la MINUAR dÚs que possible.
14 janvier :
Le Secrétaire général téléphone à Booh Booh depuis GenÚve, lui
demandant de rencontrer Habyarimana et de faire part Ă ce
dernier de son inquiétude concernant la détérioration de la
situation au Rwanda et les retards prolongés dans la mise en
place du Gouvernement de transition Ă base Ă©largie.
Booh Booh
informe le Secrétaire général des efforts menés pour trouver une
solution en collaboration avec les quatre Ambassadeurs des
Ătats-Unis, de la France, de la Belgique et de la Tanzanie.
Habyarimana téléphone au Secrétaire général.
Le Président dit
quâil a reçu les quatre ambassadeurs et Booh Booh et a besoin du
soutien de ces derniers pour imposer une solution aux parties.
Lors de la conversation téléphonique, le Secrétaire général
demande au Président de faire tout son possible pour résoudre le
problĂšme.
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27 janvier :
Le Secrétaire général envoie à Habyarimana une lettre dans
laquelle il manifeste son inquiétude quant aux retards dans
lâĂ©tablissement du Gouvernement de transition et de lâAssemblĂ©e
nationale au Rwanda.
2 février :
Dans un télégramme adressé à Annan et Jonah, Booh Booh note que
la situation en matiĂšre de sĂ©curitĂ© sâest nettement dĂ©tĂ©riorĂ©e
et prĂ©cise bien que le PrĂ©sident nâa jamais informĂ© la MINUAR
des suites quâil a pu donner aux informations portĂ©es Ă son
attention le 12 janvier.
Booh Booh demande aussi au SiĂšge de
lancer rapidement lâopĂ©ration de rĂ©cupĂ©ration des armes,
lâavertissant que si la distribution dâarmes se poursuit, la
MINUAR ne pourra pas remplir son mandat.
7, 10 et
Booh Booh convoque une série de réunions de tous les partis au
13 février :
siĂšge de la MINUAR, au cours desquelles la nouvelle date limite
du 14 février est fixée pour la formation du Gouvernement de
transition Ă base Ă©largie.
10 février :
Le Conseiller politique principal et Représentant spécial du
Secrétaire général au Conseil de sécurité, M. Chinmaya
Gharekhan, informe le Conseil que lâimpossibilitĂ© de mettre en
place le Gouvernement de transition Ă base Ă©largie avait
entraßné une détérioration de la sécurité et de la situation
Ă©conomique au Rwanda.
14 février :
Le Ministre belge des affaires Ă©trangĂšres, M. Willy Claes,
adresse au Secrétaire général une lettre dans laquelle il note
avec inquiétude que la détérioration de la situation au Rwanda
pourrait empĂȘcher la MINUAR dâexĂ©cuter son mandat.
Dans cette
lettre, Claes préconise le renforcement du mandat de la MINUAR.
15 février :
Lors dâune rĂ©union avec les reprĂ©sentants de la France, des
Ătats-Unis, de la Belgique et de lâAllemagne, Booh Booh et
Dallaire rĂ©itĂšrent leur inquiĂ©tude devant lâaggravation de la
situation en matiÚre de sécurité.
17 février :
Dans une déclaration (S/PRST/1994/8), le Président du Conseil de
sécurité exprime sa vive préoccupation devant la détérioration
de la sĂ©curitĂ© au Rwanda, rappelle aux parties lâobligation qui
leur incombe de respecter la zone libre dâarmes Ă©tablie Ă Kigali
et demande la mise en place rapide du Gouvernement de transition
Ă base Ă©largie.
18 février :
Lâinstallation des institutions de transition, fixĂ©e au
14 février, est reportée au 22 février au plus tard.
19 février :
La déclaration du Président du Conseil de sécurité du 17 février
est transmise Ă Habyarimana.
21 et
La tension monte partout dans le pays Ă la suite de lâassassinat
22 février :
du Ministre des travaux publics et Secrétaire du Parti social
démocrate (PSD), M. Félicien Gatabazi, et du Président de la
Coalition pour la défense de la République (CDR), M. Martin
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Bucyana.
Le PSD Ă©tait le deuxiĂšme parti dâopposition.
La CDR
était un parti extrémiste qui a initialement soutenu Habyarimana
mais a rejoint lâopposition jugeant que celui-ci Ă©tait trop
modéré.
23 février :
Dans un message télégraphique adressé au SiÚge, Dallaire signale
que de trĂšs nombreuses informations font Ă©tat de distributions
dâarmes, de lâexistence de listes de personnes visĂ©es par des
escadrons de la mort et de la planification de troubles sociaux
et de manifestations.
Le Représentant spécial du Haut Commissaire des Nations Unies
pour les rĂ©fugiĂ©s (HCR), M. Michel Moussali demande que lâon
agisse pour rétablir la stabilité au Rwanda, mettant en garde
contre lâĂ©ventualitĂ© dâun "bain de sang sans prĂ©cĂ©dent".
24 février :
Le Secrétaire général téléphone à Habyarimana pour lui dire
quâil importe de prendre dâurgence des mesures visant Ă sortir
de lâimpasse politique et Ă mettre en place des institutions de
transition.
28 février :
Face à la détérioration croissante de la sécurité à Kigali, la
MINUAR y redéploie 200 soldats du bataillon ghanéen stationné
dans la zone démilitarisée du nord.
1er mars :
Le Secrétaire général reçoit un envoyé spécial de Habyarimana,
le Ministre des transports et des communications, M. André
Ntagerura, quâil avertit que lâOrganisation des Nations Unies
retirera la MINUAR si aucun progrĂšs nâest rĂ©alisĂ© au Rwanda.
22 mars :
Les effectifs de la MINUAR atteignent 2 539 soldats originaires
de 24 pays, dont 440 Belges, 883 Ghanéens et 942 Bangladais.
30 mars :
Dans son rapport au Conseil de sécurité (S/1994/360), le
Secrétaire général se dit gravement préoccupé par la
dĂ©tĂ©rioration de la sĂ©curitĂ© au Rwanda et en particulier Ă
Kigali.
Il demande la prorogation du mandat de la MINUAR pour
une période de six mois.
5 avril :
Le Conseil de sĂ©curitĂ© adopte Ă lâunanimitĂ© la rĂ©solution
909 (1994), dans laquelle il décide de prolonger le mandat de la
MINUAR jusquâau 29 juillet, Ă©tant entendu quâil procĂ©dera dans
les six semaines à venir à un réexamen de la situation et que
des progrĂšs devront ĂȘtre rĂ©alisĂ©s dans la mise en place du
Gouvernement de transition Ă base Ă©largie.
Le Conseil de
sĂ©curitĂ© rappelle que la MINUAR ne sera assurĂ©e dâun appui suivi
que si les parties appliquent intégralement et rapidement
lâAccord de paix dâArusha.
Le Conseil demande de nouveau au
Secrétaire général de continuer à contrÎler les effectifs et le
coût de la MINUAR dans le but de faire des économies.
6 avril :
à 20 h 30 environ, Habyarimana et le Président Cyprien
Ntariyamira du Burundi, qui revenaient dâun sommet rĂ©gional tenu
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Ă Dar es-Salaam (Tanzanie), sont tuĂ©s dans un accident dâavion
aux abords de lâaĂ©roport de Kigali.
En lâespace dâune heure, des barrages sont Ă©rigĂ©s dans plusieurs
rues de Kigali et les massacres commencent, Ă lâinstigation de
la milice Interahamwe et des Impuzamugbmi (milice hutue dont les
éléments proviennent de la jeunesse de la CDR) et des unités de
la Garde présidentielle.
Les premiÚres personnes éliminées ont
été les dirigeants politiques.
Une patrouille de la MINUAR est envoyĂ©e pour enquĂȘter sur
lâaccident mais est arrĂȘtĂ©e en cours de route par la Garde
présidentielle.
à 22 h 10, Dallaire téléphone à Riza pour
lâinformer de la situation.
7 avril :
Au petit matin, le nombre de gardes de la résidence du Premier
Ministre, Mme Agathe Uwilingiyimana, augmente avec lâarrivĂ©e
dâun groupe de soldats venant de lâaĂ©roport.
La Radio-Télévision libre des Mille collines (RTLM) annonce que
le FPR et un contingent des Nations Unies sont responsables de
lâaccident de lâavion prĂ©sidentiel.
Dans la matinée, le Premier Ministre se réfugie dans les locaux
des Volontaires des Nations Unies Ă Kigali mais les membres de
la Garde prĂ©sidentielle y font irruption et lâabattent.
Dix soldats de la paix belges de la MINUAR, chargés de la
protéger, sont torturés et assassinés.
Gharekhan fait un rapport oral au Conseil de sécurité sur la
situation grave et les répercussions pour la population civile.
Dans une déclaration (S/PRST/1994/16), le Président du Conseil
de sécurité condamne tous les actes de violence au Rwanda et
exhorte les forces de sécurité rwandaises et les unités
militaires et paramilitaires Ă mettre fin Ă la violence et Ă
coopĂ©rer pleinement avec la MINUAR dans lâexĂ©cution de son
mandat.
8 avril :
Le "Gouvernement intérimaire" est mis en place.
Le FPR rejette
son autoritĂ©, dĂ©clarant quâil sâagit de lâancien gouvernement
sous une autre forme.
Les unitĂ©s du FPR basĂ©es dans la zone dĂ©militarisĂ©e entrent Ă
Kigali.
La MINUAR sâefforce dâobtenir un cessez-le-feu et de
protéger la population civile et le personnel des Nations Unies.
De GenÚve, le Secrétaire général envoie une lettre au Président
du Conseil de sĂ©curitĂ© pour lâinformer que la MINUAR sâest
efforcĂ©e sans relĂąche dâobtenir un accord de cessez-le-feu Ă
Kigali et dâencourager la mise en place dâune autoritĂ© politique
intérimaire pour combler le vide.
Il se préoccupe également de
la sécurité de la population civile, des étrangers vivant au
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Rwanda ainsi que du personnel de la MINUAR et dâautres
fonctionnaires des Nations Unies.
8 et 9 avril :
Six cents soldats français arrivent à Kigali pour évacuer les
expatriĂ©s et les ressortissants dâautres pays.
9 avril :
Dans un message télégraphique adressé à Booh Booh et Dallaire,
Annan leur donne pour instruction de coopérer avec les
commandements français et belge en vue de faciliter lâĂ©vacuation
des Ă©trangers.
Riza informe le Conseil de sécurité de la généralisation des
combats et des troubles au Rwanda.
10 avril :
Des parachutistes belges arrivent Ă Kigali dans le cadre de
lâopĂ©ration Silver Back en vue de porter secours Ă leurs
compatriotes et Ă dâautres expatriĂ©s.
11 avril :
AprĂšs lâĂ©vacuation des expatriĂ©s, les forces belges de la
MINUAR, stationnĂ©es Ă lâĂcole technique officielle (ETO) Ă
Kicukiro, quittent le pays.
Ă ce moment-lĂ , jusquâĂ
2 000 civils se trouvent Ă lâETO, oĂč ils se sont rĂ©fugiĂ©s.
Riza informe de nouveau le Conseil de sécurité que la situation
ne cesse de se détériorer et que les combats se poursuivent.
Riza fait également savoir au Conseil que le FPR exige le départ
immédiat de toutes les troupes étrangÚres du Rwanda.
12 avril :
Alors que les combats entre les forces gouvernementales et le
FPR sâintensifient, le prĂ©tendu Gouvernement intĂ©rimaire est
transféré de Kigali à Gitarama, à 40 kilomÚtres au sud-ouest de
Kigali.
Le Secrétaire général rencontre le Ministre belge des affaires
Ă©trangĂšres, Claes, Ă Bonn.
Lors de cette entrevue, Claes
recommande le retrait de la MINUAR du Rwanda et informe le
Secrétaire général de la décision de la Belgique de retirer ses
troupes du Rwanda.
13 avril :
Le Secrétaire général adresse une lettre au Président du Conseil
de sĂ©curitĂ© pour lâinformer de la position belge.
Dans cette
lettre, le Secrétaire général estime que le retrait des troupes
belges rendrait extrĂȘmement difficiles les opĂ©rations effectives
de la MINUAR et que cette situation pourrait nécessiter le
retrait de la MINUAR.
Le Nigéria présente, au nom du Groupe de travail des pays non
alignés, un projet de résolution demandant un renforcement des
effectifs et du mandat de la MINUAR.
Le Nigéria souligne que le
Conseil de sécurité ne devrait pas seulement se préoccuper de la
sécurité du personnel des Nations Unies et des étrangers mais
aussi de celle des civils rwandais innocents.
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Dans la lettre quâil adresse au PrĂ©sident du Conseil de
sĂ©curitĂ©, le reprĂ©sentant du FPR auprĂšs de lâONU, M. Claude
Dusaidi, dĂ©clare quâ"un crime de gĂ©nocide" a Ă©tĂ© commis contre
le peuple rwandais en présence de la force internationale des
Nations Unies.
Il demande au Conseil de mettre en place
immédiatement un tribunal des Nations Unies chargé de juger les
crimes de guerre et dâarrĂȘter les responsables des massacres.
Le Département des opérations de maintien de la paix présente
deux options sur la base du retrait du contingent belge de la
MINUAR et les communique Ă la MINUAR pour observations et au
Secrétaire général, en visite à Madrid, pour approbation.
La
premiÚre option consiste à réduire les effectifs de la MINUAR
aprÚs le départ du bataillon belge et la seconde à transformer
immédiatement la MINUAR, parallÚlement au retrait belge, en un
noyau politique fonctionnel dotĂ© dâune force de protection (soit
un effectif de 200 Ă 250 personnes comprenant des militaires de
tous grades et du personnel civil).
Dans sa réponse, Dallaire appuie la premiÚre option.
Dans un
message télégraphique séparé, Dallaire fait clairement état des
conséquences catastrophiques du retrait belge.
Gharekhan informe Annan que le Secrétaire général préfÚre la
premiĂšre option.
14 avril :
Le Sous-Secrétaire général aux affaires politiques, M. Alvaro
de Soto, informe le Conseil de sécurité que la lettre du
Secrétaire général datée du 13 avril, adressée au Président du
Conseil de sécurité, ne visait pas à demander le retrait de la
MINUAR.
Riza fait au Conseil un exposé oral sur les options du
Secrétaire général.
Une combinaison des deux options proposées
par le Département des opérations de maintien de la paix le
13 avril est présentée comme ayant la préférence du Secrétaire
général.
Le contingent belge commence Ă se retirer de la MINUAR.
AprĂšs avoir secouru jusquâĂ 1 361 personnes, dont quelque
450 Français et 178 responsables rwandais et leurs familles,
notamment la veuve et les proches collaborateurs de Habyarimana,
les derniers soldats français quittent le Rwanda.
15 avril :
Claes recommande de nouveau, dans une lettre adressée au Conseil
de sécurité, la suspension de la MINUAR.
19 avril :
Lorsque sâenvolent les derniers soldats belges des forces des
Nations Unies, les effectifs de la MINUAR passent de 2 165 Ă
1 515 hommes et le nombre des observateurs militaires de 321
Ă 190.
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20 avril :
Le Secrétaire général présente au Conseil de sécurité un rapport
(S/1994/470) contenant trois options :
i)
Renforcement immédiat et massif de la MINUAR en vue
dâarrĂȘter les combats et les massacres, ce qui exigerait
quâelle soit dotĂ©e de plusieurs milliers de soldats
supplémentaires et de pouvoirs de coercition en vertu du
Chapitre VII de la Charte;
ii)
RĂ©duction des effectifs de la MINUAR (Ă 270 hommes tous
grades confondus), qui servirait dâintermĂ©diaire entre les
parties afin dâessayer de les amener Ă un accord de
cessez-le-feu;
iii)
Retrait total de la MINUAR.
Le porte-parole du Secrétaire général annonce que le Secrétaire
gĂ©nĂ©ral prĂ©fĂšre la premiĂšre option et nâest pas favorable Ă la
troisiĂšme.
21 avril :
Le Conseil de sĂ©curitĂ© adopte Ă lâunanimitĂ© la rĂ©solution
912 (1994) dans laquelle il décide de modifier le mandat de la
MINUAR et de réduire ses effectifs à 270 hommes.
23 avril :
Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires,
M. Peter Hansen, conduit une Ă©quipe Ă Kigali pour Ă©valuer les
besoins dâensemble et dĂ©finir les prioritĂ©s.
Une partie de
lâĂ©quipe reste Ă Kigali pour mettre en place un bureau chargĂ© de
prĂ©parer lâassistance humanitaire.
28 avril :
Au Conseil de sĂ©curitĂ©, lâAmbassadeur du NigĂ©ria, Ibrahim A.
Gambari déclare que le débat qui a eu lieu sur le Rwanda au
Conseil de sĂ©curitĂ© en avril 1994 nâa guĂšre portĂ© sur les
massacres de civils mais était axé sur le cessez-le-feu.
29 avril :
Dans une lettre adressée au Président du Conseil de sécurité
(S/1994/518), le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral invite le Conseil Ă
réexaminer la résolution du 21 avril en insistant sur le fait
que le mandat révisé de la MINUAR ne permet pas à cette derniÚre
de prendre des mesures efficaces pour mettre fin aux massacres.
30 avril :
Le Conseil de sécurité publie une déclaration du Président
(S/PRST/1994/21) condamnant le massacre de civils au Rwanda,
mais le terme "gĂ©nocide" nâest pas employĂ© dans le texte.
Le Secrétaire général demande par lettre à plusieurs chefs
dâĂtat africains de fournir des contingents et prie le
SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâOUA dâappuyer sa demande.
2 mai :
Le ReprĂ©sentant permanent du Rwanda auprĂšs de lâOrganisation des
Nations Unies, Jean-Damascene Bimizina, adresse une lettre au
PrĂ©sident du Conseil de sĂ©curitĂ© (S/1994/531) lâexhortant Ă
renforcer la MINUAR pour que celle-ci puisse faire respecter le
cessez-le-feu et rétablir le calme au Rwanda.
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3 mai :
Bill Clinton signe une directive présidentielle (PDD 25) qui
subordonne lâappui des Ătats-Unis Ă toute future opĂ©ration de
maintien de la paix des Nations Unies Ă des conditions strictes.
4 mai :
Selon le Livre bleu publiĂ© par lâOrganisation des Nations Unies,
le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral aurait dĂ©clarĂ© Ă lâoccasion dâun entretien
diffusĂ© dans lâĂ©mission amĂ©ricaine Nightline que Kigali Ă©tait le
thĂ©Ăątre dâun vĂ©ritable gĂ©nocide.
6 mai :
Le Président du Conseil de sécurité adresse une lettre au
Secrétaire général (S/1994/546) le priant de lui présenter des
plans dâurgence en vue de lâacheminement dâune assistance
humanitaire et de secours aux personnes déplacées au Rwanda.
9 mai :
En réponse à la lettre que le Président du Conseil de sécurité
lui a adressée le 6 mai 1994, le Secrétaire général remet un
document officieux au Conseil qui propose de porter les
effectifs de la MINUAR Ă 5 500 hommes au minimum.
11 mai :
Le Conseil de sécurité tient des consultations au sujet du
document officieux du Secrétaire général au cours desquelles
Gharekhan informe les membres du Conseil de lâĂ©volution de la
situation au Rwanda.
Il indique que Booh Booh et Dallaire ont
été chargés de présenter les propositions du document officieux
au Gouvernement rwandais et au FPR et dâessayer dâobtenir leur
accord.
11 et 12 mai :
Le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de lâhomme,
JosĂ© Ayala Lasso, se rend au Rwanda pour y enquĂȘter sur les
graves violations du droit international humanitaire commises
durant le conflit et rencontrer des représentants du
"Gouvernement intérimaire" et du FPR.
13 mai :
Le Secrétaire général soumet un rapport (S/1994/565) au Conseil
de sécurité dans lequel il réitÚre les propositions présentées
dans le document officieux du 11 mai.
16 mai :
Le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral sâentretient de lâĂ©volution de la
situation au Rwanda avec Gharekhan et des hauts fonctionnaires
du Secrétariat, parmi lesquels Annan et M. Marrack Goulding,
Secrétaire général adjoint aux affaires politiques.
Le Secrétaire général publie un communiqué de presse dans lequel
il rĂ©affirme son soutien Ă Booh Booh, dont lâimpartialitĂ© a Ă©tĂ©
mise en doute par le FPR.
17 mai :
Le Conseil de sécurité adopte la résolution 918 (1994) qui
autorise un accroissement des effectifs de la MINUAR Ă
concurrence de 5 500 hommes et lâĂ©tablissement de la MINUAR II
chargée au titre du Chapitre VI de la Charte des Nations Unies
de conduire une mission de maintien de la paix pour des motifs
humanitaires (protection des personnes déplacées, des réfugiés
et des civils en danger et appui aux activitĂ©s dâassistance au
Rwanda).
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La rĂ©solution 918 exhorte aussi vivement toutes les parties Ă
mettre fin Ă toute incitation Ă la violence et Ă la haine
ethnique, en particulier par le biais des moyens dâinformation,
et impose un embargo sur les ventes et livraisons dâarmes au
Rwanda.
Mi-mai :
Le HCR ouvre une antenne à Kigali chargée de surveiller le
retour des réfugiés et de leur fournir une assistance directe.
18 mai :
Le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral Ă©crit Ă plusieurs chefs dâĂtat et de
gouvernement africains pour leur demander de fournir des
contingents dans le cadre de la MINUAR II.
19 mai :
Le rapport dans lequel M. Ayala Lasso propose Ă la Commission
des droits de lâhomme que lâon nomme un Rapporteur spĂ©cial
chargĂ© dâexaminer la situation des droits de lâhomme au Rwanda,
secondĂ© par des observateurs des droits de lâhomme, est rendu
public.
20 mai :
Annan transmet à Booh Booh une demande du Secrétaire général
invitant ce dernier Ă se rendre Ă Nairobi pour quelques semaines
et Ă solliciter lâappui des gouvernements de la rĂ©gion.
21 mai :
Le FPR investit lâaĂ©roport de Kigali et refuse dâen cĂ©der le
contrÎle à la MINUAR II comme le demande la résolution 918.
22 au 27 mai :
Le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral dĂ©pĂȘche Riza et Baril au Rwanda en mission
spéciale.
Ils doivent essayer dâamener les parties
belligĂ©rantes Ă conclure un cessez-le-feu, sâinformer de leurs
vues et intentions quant Ă lâapplication de la rĂ©solution 918 et
examiner avec la MINUAR les modalités des opérations prévues
dans le rapport du Secrétaire général du 13 mai 1994.
Dans lâintervalle, Booh Booh, dĂ©sormais basĂ© Ă Nairobi, se rend
dans les pays de la rĂ©gion en vue dâobtenir des gouvernements
quâils fournissent des contingents Ă la MINUAR eu Ă©gard Ă
lâĂ©largissement du mandat de celle-ci dĂ©cidĂ© dans la
résolution 918.
25 mai :
Lors dâune confĂ©rence de presse au SiĂšge, le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral
qualifie les massacres au Rwanda de génocide (SG/SM/5297/Rev.1).
La Commission des droits de lâhomme nomme M. RenĂ© Degni-Segui
Rapporteur spĂ©cial chargĂ© dâexaminer la situation des droits de
lâhomme au Rwanda et appelle toutes les parties belligĂ©rantes Ă
mettre immédiatement fin à toutes violations des droits de
lâhomme.
31 mai :
Le Secrétaire général rend compte au Conseil de sécurité de la
mission spéciale de Riza et Baril et recommande au Conseil
dâautoriser la reconduction du mandat de la MINUAR pour une
période de six mois dans un premier temps (S/1994/640).
Le
rapport contient expressément le terme "génocide".
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3 juin :
Le FPR adresse au Secrétaire général une lettre dans laquelle il
rĂ©agit positivement Ă lâemploi du mot "gĂ©nocide" dans le rapport
du Secrétaire général en date du 31 mai et invite le Conseil de
sécurité à reconnaßtre que les atrocités commises constituent un
génocide.
Le FPR prie Ă©galement le Conseil dâadopter une
résolution autorisant le brouillage des émissions ou la
destruction des Ă©metteurs de RTLM et de prendre des mesures
visant Ă empĂȘcher le Rwanda de siĂ©ger au Conseil de sĂ©curitĂ©.
8 juin :
Le Conseil de sécurité adopte la résolution 925 (1994) qui
proroge le mandat de la MINUAR prenant fin le 29 juillet 1994
jusquâau 9 dĂ©cembre 1994 et autorise le dĂ©ploiement immĂ©diat des
deux bataillons supplémentaires.
La résolution 925 prie également le Secrétaire général de
sâassurer que la MINUAR coopĂšre Ă©troitement avec le DĂ©partement
des affaires humanitaires et le Bureau des Nations Unies pour
les secours dâurgence au Rwanda ainsi quâavec le Rapporteur
spécial pour le Rwanda désigné par la Commission des droits de
lâhomme.
9 au 20 juin :
Le Rapporteur spécial pour le Rwanda désigné par la Commission
des droits de lâhomme, Degni-Segui, effectue sa premiĂšre mission
sur le terrain au Rwanda et dans les pays voisins en vue
dâenquĂȘter sur les violations des droits de lâhomme, notamment
les crimes contre lâhumanitĂ© et les actes de gĂ©nocide.
16 juin :
Le Secrétaire général rend compte des activités de la MONUOR
pour la période allant du 22 décembre 1993 au 21 juin 1994 et
recommande que le mandat de la Mission soit prorogé pour une
période de trois mois prenant fin le 21 septembre 1994
(S/1994/715).
18 juin :
La MINUAR se compose de 503 hommes tous grades confondus
(354 soldats, 25 officiers dâĂ©tat-major et 124 observateurs
militaires) placés sous le commandement du général Dallaire.
19 juin :
Dans une lettre adressée au Président du Conseil de sécurité
(S/1994/728), le Secrétaire général souligne la nécessité de
mettre un terme au gĂ©nocide, dâobtenir un cessez-le-feu et de
reprendre le processus de paix dâArusha.
Il propose Ă©galement
au Conseil de sĂ©curitĂ© dâexaminer lâoffre faite par le
Gouvernement français de lancer une opération multinationale
sous commandement français visant à assurer la sécurité et la
protection des personnes déplacées et des civils en danger au
Rwanda jusquâĂ ce que les effectifs de la MINUAR soient au
complet.
20 juin :
Dallaire envoie Ă Annan un tĂ©lĂ©gramme intitulĂ© "Ăvaluation de la
proposition française concernant la crise au Rwanda".
Dans ce
télégramme, Dallaire fait état de plusieurs problÚmes que
pourrait poser lâopĂ©ration Turquoise proposĂ©e par la France.
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Le Conseil de sécurité adopte la résolution 928 (1994) qui
proroge le mandat de la MONUOR jusquâau 21 septembre 1994, date
Ă laquelle elle doit ĂȘtre dissoute.
21 juin :
Le ReprĂ©sentant permanent de la France auprĂšs de lâOrganisation
des Nations Unies, M. Jean-Bernard Mérimée, adresse au
Secrétaire général une lettre (S/1994/734) dans laquelle il
demande lâadoption, en application du Chapitre VII de la Charte
des Nations Unies, dâune rĂ©solution qui servirait de cadre
juridique au dĂ©ploiement dâune force multinationale chargĂ©e de
maintenir une prĂ©sence au Rwanda en attendant lâarrivĂ©e de la
MINUAR renforcée.
Le FPR ayant rĂ©agi nĂ©gativement Ă leur participation Ă
lâopĂ©ration Turquoise, Dallaire dĂ©cide dâĂ©vacuer 42 Casques
bleus congolais, sénégalais et togolais et de les remplacer par
du personnel de lâONU en poste Ă Nairobi.
22 juin :
Le Secrétaire général prend part à des consultations officieuses
et demande que lâon dĂ©cide dâurgence dâautoriser une opĂ©ration
multinationale sous commandement français.
Plus tard dans la journée, le Conseil de sécurité adopte la
rĂ©solution 929 (1994) qui autorise les Ătats Membres Ă lancer
une opération multinationale au Rwanda à des fins humanitaires
en attendant le déploiement de la MINUAR renforcée.
Dix Ătats
Membres votent en faveur de la rĂ©solution et cinq sâabstiennent
(Brésil, Chine, Nigéria, Nouvelle Zélande et Pakistan).
Le mĂȘme jour, les forces françaises et sĂ©nĂ©galaises lancent
lâopĂ©ration Turquoise.
30 juin :
Le rapport présenté par le Rapporteur spécial désigné par la
Commission des droits de lâhomme prĂ©conise la crĂ©ation dâun
tribunal international chargé de juger les responsables des
massacres au Rwanda ou un Ă©largissement du mandat du Tribunal
pĂ©nal international pour lâex-Yougoslavie.
Fin juin :
Les forces gouvernementales rwandaises reculent devant
lâintensification de lâoffensive menĂ©e par le FPR pour sâemparer
de Kigali et investir les zones contrÎlées par le Gouvernement
entre Kigali et la frontiĂšre avec le ZaĂŻre.
1er juillet :
Par la résolution 935 (1994), le Conseil de sécurité prie le
SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de constituer dâurgence une commission
impartiale dâexperts chargĂ©e dâexaminer et dâanalyser les
informations concernant les violations graves du droit
international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda,
y compris dâĂ©ventuels actes de gĂ©nocide.
Le ReprĂ©sentant permanent de la France auprĂšs de lâOrganisation
des Nations Unies adresse une lettre au Secrétaire général pour
lâinformer de lâintention de son gouvernement dâorganiser une
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zone humanitaire sûre dans le triangle Cyangugu-Kibuye-
Gikongoro, dans le sud-ouest du Rwanda.
2 juillet :
Le Secrétaire général transmet au Président du Conseil de
sécurité la lettre du Représentant permanent de la France auprÚs
de lâOrganisation des Nations Unies (S/1994/798).
3 juillet :
Des affrontements se produisent entre des membres du FPR et les
forces françaises de lâopĂ©ration Turquoise.
4 juillet :
Le nouveau Représentant spécial, M. Mohamed Shahryar Khan
(Pakistan), qui succĂšde Ă Booh Booh, arrive Ă Kigali.
Kigali tombe aux mains des forces du FPR.
6 juillet :
Au cours de consultations tenues par le Conseil de sécurité,
plusieurs délégations émettent des réserves quant à la nature de
la proposition faite par la France dans sa lettre du 1er juillet
portant sur la crĂ©ation dâune zone humanitaire.
Le Conseil de
sécurité ne donne aucune réponse officielle à cette lettre.
9 juillet :
Les troupes de lâopĂ©ration Turquoise commencent Ă se dĂ©ployer
dans la zone humanitaire sûre, au sud-ouest du Rwanda.
DĂ©but juillet, les effectifs de lâopĂ©ration Turquoise se
composent de 2 330 soldats français et 32 soldats sénégalais.
14 juillet :
Le FPR sâempare de Ruhengeri, principale ville du nord du Rwanda
et bastion de ce quâil est convenu dâappeler le Gouvernement
intérimaire, provoquant un exode massif de la population hutu.
Le Conseil de sécurité publie une déclaration du Président
(S/PRST/1994/34) par laquelle il se dĂ©clare alarmĂ© par lâexode
massif des populations et exige un cessez-le-feu immédiat et la
relance du processus politique dans le cadre de lâAccord de paix
dâArusha.
17 juillet :
Le FPR se rend maĂźtre de Gisenyi, dernier bastion des forces
gouvernementales.
Le représentant à Goma (Zaïre) du Bureau des
Nations Unies pour les secours dâurgence au Rwanda estime Ă un
million le nombre de Rwandais réfugiés au Zaïre.
On redoute un
nouvel afflux de réfugiés fuyant de la zone humanitaire protégée
par les forces de lâopĂ©ration Turquoise.
18 juillet :
Le FPR, qui contrĂŽle la totalitĂ© du territoire rwandais Ă
lâexception de la zone humanitaire Ă©tablie dans le cadre de
lâopĂ©ration Turquoise, dĂ©clare un cessez-le-feu unilatĂ©ral.
19 juillet :
Le gouvernement dâunitĂ© nationale prend ses fonctions Ă Kigali
pour une période de transition fixée à cinq ans.
M. Pasteur
Bizimungu assume les fonctions de Président, le général Paul
Kagame celles de Vice-Président et M. Faustin Twagiramungu
celles de Premier Ministre.
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22 juillet :
Le Secrétaire général lance un appel global interinstitutions en
faveur des victimes de la crise rwandaise.
26 juillet :
Le rapport du SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral sur la constitution dâune
commission dâexperts chargĂ©e dâenquĂȘter sur la situation au
Rwanda (S/1994/879) est soumis au Conseil de sécurité,
conformément à la résolution 935 (1994).
29 au
M. Degni-Segui se rend pour la deuxiĂšme fois au Rwanda afin
31 juillet :
de prendre la mesure de la situation depuis sa premiĂšre visite
en juin.
Il recommande instamment lâenvoi dâexperts chargĂ©s de
faciliter la reconstruction au Rwanda et le retour des réfugiés
dans leurs foyers.
31 juillet :
La France entame le retrait des troupes participant Ă
lâopĂ©ration Turquoise.
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Annexe II
LISTE DE PERSONNES INTERROGĂES
I.
FONCTIONNAIRES DES NATIONS UNIES
(Le poste occupé pendant la crise du Rwanda en 1994 est indiqué entre
parenthĂšses.)
Boutros Boutros-Ghali, SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâOrganisation internationale
de la francophonie
(SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâOrganisation des Nations Unies)
Kofi Annan, SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâOrganisation des Nations Unies
(Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix)
Hedi Annabi, Sous-Secrétaire général aux opérations de maintien de la paix
(Directeur de la Division Afrique, Département des opérations de maintien
de la paix)
Henry K. Anyidoho
(Commandant adjoint de la Force de la MINUAR)
Maurice Baril, gĂ©nĂ©ral, chef dâĂ©tat-major, Canada
(Conseiller militaire du Secrétaire général)
Jacques-Roger Booh Booh
(Représentant spécial du Secrétaire général pour le Rwanda)
Hans Corell, Secrétaire général adjoint aux affaires juridiques
Romeo A. Dallaire, gĂ©nĂ©ral de corps dâarmĂ©e, Conseiller spĂ©cial du chef
dâĂ©tat-major du Canada
(Commandant de la Force de la MINUAR)
Jan Eliasson, SecrĂ©taire dâĂtat aux affaires Ă©trangĂšres de SuĂšde
(Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires)
Ibrahima Fall, Sous-Secrétaire général aux affaires politiques
(Directeur du Centre des droits de lâhomme)
Jean-François Gascon, représentant par intérim de la FAO à Kigali
Ghenet Guebre-Christos, représentant du HCR, coordonnateur résident par
intérim, Kigali
Chinmaya Gharekhan
(Conseiller politique principal et Représentant spécial du Secrétaire
général au Conseil de sécurité)
Marrack Goulding, Directeur, St Anthonyâs College Oxford
(Secrétaire général adjoint aux affaires politiques)
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Peter Hansen, Commissaire gĂ©nĂ©ral de lâUNRWA
(Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires)
James O. C. Jonah, Ministre des finances de la Sierra Leone
(Secrétaire général adjoint aux affaires politiques)
Leonard Kapungu, Chef du Groupe des enseignements tirés des missions,
Département des opérations de maintien de la paix
Mohamed Shaharyar Khan, Ambassadeur du Pakistan en France
(Représentant spécial du Secrétaire général pour le Rwanda)
Luc Marchal, colonel
(Commandant du secteur de Kigali, MINUAR)
Bernard Muna, Procureur adjoint du TPR
Waly Bacre Ndiaye, Directeur du Bureau du Haut Commissariat des
Nations Unies aux droits de lâhomme Ă New York
(Rapporteur spĂ©cial de la Commission des droits de lâhomme)
Sadako Ogata, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés
Kieran Prendergast, Secrétaire général adjoint aux affaires politiques
Isel Rivero, Directeur du Centre dâinformation des Nations Unies Ă Madrid
(Responsable de la MINUAR au Département des opérations de maintien de la
paix)
Iqbal Riza, chef du Cabinet du Secrétaire général
(Sous-Secrétaire général aux opérations de maintien de la paix)
R. Gordian Rugarabamu, représentant résident assistant du PNUD à Dar
es-Salaam
(Membre de lâĂ©quipe des Nations Unies aux pourparlers dâArusha)
Diana Russler, Coordonnatrice adjointe des Nations Unies pour les mesures
de sécurité
Daphna Shraga, juriste hors classe, Bureau des affaires juridiques
Sergio Vieira de Mello, Secrétaire général adjoint aux affaires
humanitaires
Ralph Zacklin, Sous-Secrétaire général aux affaires juridiques
Représentants du personnel local des Nations Unies à Kigali
Chefs des organismes des Nations Unies Ă Kigali
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II.
ĂTATS MEMBRES
Rwanda
Pasteur Bizimungu, Président
Vincent Biruta, Premier Ministre par intérim et Ministre des travaux
publics, des transports et des communications
François Ngarambe, Ministre de la jeunesse, de la culture et des sports
Bonaventure Niyibizi, Ministre de lâĂ©nergie, de lâeau et des ressources
naturelles
Joseph Nsengimana, Ministre des terres, de la réinstallation et de la
protection de lâenvironnement
Charles Ntakirutinka, Ministre des affaires sociales
Constance Rwaka, Secrétaire générale du MinistÚre des affaires étrangÚres
Protais Musoni, Secrétaire général du MinistÚre des collectivités locales
Joseph W. Mutaboba, ReprĂ©sentant permanent auprĂšs de lâOrganisation des
Nations Unies
M. Kamanzi, lieutenant-colonel
Ndoba Gasana, Commission nationale des droits de lâhomme
Aloysie Inyumba, Commission nationale pour lâunitĂ© et la rĂ©conciliation
Denis Polisi, Député
Belgique
Pierre Chevalier, SecrĂ©taire dâĂtat au commerce extĂ©rieur, MinistĂšre des
affaires Ă©trangĂšres
Alain Destexhe, SĂ©nateur, Commission dâenquĂȘte parlementaire concernant
les événements du Rwanda
RĂ©publique tchĂšque
Karel Kovanda, ancien ReprĂ©sentant permanent auprĂšs de lâOrganisation des
Nations Unies
France
Hubert VĂ©drine, Ministre des affaires Ă©trangĂšres
Paul QuilĂšs, PrĂ©sident de la Commission parlementaire dâenquĂȘte sur la
tragédie rwandaise 1990-1994
Bernard Cazeneuve, Rapporteur de la Commission parlementaire dâenquĂȘte sur
la tragédie rwandaise
Kenya
Bonaya A. Godana, Ministre des affaires Ă©trangĂšres
BK Mbaya, Directeur des affaires politiques
Nouvelle-ZĂ©lande
Colin Keating, Secrétaire à la justice, ancien Représentant permanent
auprĂšs de lâOrganisation des Nations Unies
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Nigéria
Ibrahim A. Gambari, ancien ReprĂ©sentant permanent auprĂšs de lâOrganisation
des Nations Unies
Afrique du Sud
Nelson Mandela, ancien Président
Ouganda
Yoweri Museveni, Président
Tanzanie
Benjamin Mkapa, Président
John Malecela, ancien Premier Ministre
Emmanuel Mwalumbulukutu, Vice-Ministre des affaires Ă©trangĂšres
Ătats-Unis d'AmĂ©rique
William Wood, Sous-SecrĂ©taire d'Ătat adjoint principal aux organisations
internationales
Richard Bogosian, Ambassadeur
David Rawson, ancien Ambassadeur au Rwanda
Cynthia McKinney, Membre du CongrÚs, Chambre des représentants
III.
SURVIVANTS
La Commission a rencontré un certain nombre de survivants du génocide et
leurs reprĂ©sentants au Rwanda, en Belgique et aux Ătats-Unis.
Parmi ceux dont
les récits ont été explicitement mentionnés dans le rapport, on peut citer :
Les reprĂ©sentants des survivants de l'Ăcole technique officielle
Mme Louise Mushikiwabo
Mme Annonciata Kavaruganda
Mme Florida Mukeshimana Ngulinzira
IV.
LES FAMILLES DES 10 SOLDATS DE LA PAIX BELGES TUĂS LE 7 AVRIL
V.
LA COMMUNAUTĂ DES EXPATRIĂS DE KIGALI
Pierre Antonio Costa, Consul, Coopération italienne
Dr De Porter et Dr Vincke
VI.
ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES (RWANDA)
Représentants des organisations suivantes :
Concern (Président du Forum des organisations non gouvernementales)
IBUKA (Association des survivants du génocide)
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ASOFERWA (Association de solidarité des femmes rwandaises)
CLADHO (Collectif des ligues et associations de défense des droits
de l'homme)
LIPRODHOR (Ligue rwandaise pour la promotion et la défense des droits
de l'homme)
CARE International
CRS
Rakiya Omaar, Africa Rights
VII.
UNIVERSITAIRES ET EXPERTS
Howard Adelman, professeur, York University
Alison DesForges, Human Rights Watch
Adama Dieng, Commission internationale de juristes
Michael Doyle, professeur, Princeton University
Barbara Harff, professeur, US Naval Academy
Arthur Klinghoffer, professeur, Rutgers University
Machivenyika Tobias Mapuranga, Ambassadeur, Secrétaire aux affaires
Ă©trangĂšres, Harare (Zimbabwe)
GĂ©rard Prunier, professeur au CNRS, Paris
Filip Reyntjens, professeur, Université d'Anvers
VIII. COMITĂ INTERNATIONAL DE LA CROIX-ROUGE
Cornelio Sommaruga, Président
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Annexe III
ABRĂVIATIONS
CICR
Comité international de la Croix-Rouge
CDR
Coalition pour la défense de la République
CND
Conseil national du développement
ETO
Ăcole technique officielle
FGR
Forces gouvernementales rwandaises
FIN
Force internationale neutre
FPR
Front patriotique rwandais
GOMN II
Groupe d'observateurs militaires neutres de l'OUA
HCR
Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés
MINUAR
Mission des Nations Unies pour l'assistance au Rwanda
MONUOR
Mission d'observation des Nations Unies Ouganda-Rwanda
MRND
Mouvement révolutionnaire national pour le développement
ONG
Organisations non gouvernementales
OUA
Organisation de l'unité africaine
PDD25
Directive présidentielle américaine 25
PSD
Parti social démocrate
RTLM
Radio-Télévision libre des Mille collines
TPIR
Tribunal pénal international pour le Rwanda
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