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La pharmacologie d’Aphrodite

exposĂ© de M. Jacques Diezi, vice-recteur

Mesdames et Messieurs, 

Voici assez exactement sept ans que je me trouvais dans cette mĂȘme situation, chargĂ© de vous 

entretenir durant un bref instant de quelque sujet qui, en principe, devrait constituer l’une des 

prĂ©occupations scientifiques de l’orateur. Sept ans donc pour passer du sujet Poisons et toxiques, 

que j’avais traitĂ© alors, Ă  celui des aphrodisiaques, qui est le mien aujourd’hui. Ce qui tend Ă  

montrer que l’exercice prolongĂ© du rectorat, contrairement Ă  ce que d’aucuns prĂ©tendent, per-

met bien de dĂ©finir progressivement des prioritĂ©s. Quant au sujet lui mĂȘme, je prĂ©ciserai qu’il 

ne  constitue  nullement  mon  domaine  scientifique  de  prĂ©dilection,  ni  le  champ  de  mes  expĂ©-

riences. D’ailleurs, faut-il souligner que le terme aphrodisiaque, introduit dans les moteurs de 

recherche d’Internet, ramĂšne quelque 70’000 citations, alors que ce mĂȘme mot ne figure dans 

aucun manuel de pharmacologie digne de ce nom? Non, ce que je souhaite simplement, et sans 

autre prĂ©tention,  c’est de vous faire traverser certes rapidement mais, j’espĂšre, agrĂ©ablement, 

l’histoire et la nature de quelques unes de ces Ă©tranges potions vitalisantes consommĂ©es avec 

grand entrain par une partie considĂ©rable de l’humanitĂ©, surtout masculine faut-il le souligner, 

sans qu’elles aient jamais fourni la moindre preuve Â«scientifique» d’un effet propre et spĂ©cifique. 

C’est lĂ  un bien grand mystĂšre.

La pharmacologie d’Aphrodite est bien sĂ»r constituĂ©e de ces substances que l’on appelle aph-

rodisiaques, et que l’on peut dĂ©finir, suivant le Robert,  comme Â«propre (ou supposĂ© propre) Ă  

exciter le dĂ©sir sexuel, Ă  faciliter l’acte sexuel». Le terme Â«aphrodisiaque» semble avoir Ă©tĂ© crĂ©Ă© 

au 18Ăšme siĂšcle, 1719 pour le dictionnaire Merriam Webster, ou 1742 pour le Dictionnaire his-

torique de la langue française de Robert. C’est l’époque, bien sĂ»r oĂč se publient en France des 

romans libertins dont, cette annĂ©e lĂ  prĂ©cisĂ©ment, le Sopha de CrĂ©billon le fils.  Mais j’ignore 

dans quelle Ć“uvre apparut le terme aphrodisiaque pour la premiĂšre fois. 

Il vaut la peine de passer une minute sur l’histoire de la naissance d’Aphrodite, elle nous donne 

quelques clĂ©s. J’emprunte, pour cette brĂšve description, quelques lignes adaptĂ©es d’un ouvrage 

de Jean-Pierre Vernant: 

Voici donc Ouranos, enfantĂ© par  GaĂŻa et de mĂȘme taille qu’elle. Il est couchĂ©, vautrĂ© sur celle 

qui l’a engendrĂ©.  Le Ciel recouvre complĂštement la Terre. Comme Ciel ne se dĂ©tache jamais de 

Terre, il n’y a pas d’espace entre eux qui permettrait Ă  leurs enfants, les Titans notamment, de 

sortir Ă  la lumiĂšre et d’avoir une existence autonome. Terre donne alors libre cours Ă  sa colĂšre. 

Elle s’adresse Ă  ses enfants: Â«Vous devez vous rĂ©volter contre votre pĂšre Ciel». C’est finalement 

Cronos, le dernier-nĂ©, qui se saisit de la serpe mĂ©tallique que vient de fabriquer GaĂŻa, et d’un 

coup tranche les parties sexuelles de son pĂšre Ouranos, jetant le sexe dans les flots marins. Celui-

ci se mĂȘle Ă  l’écume de la mer, et de cette combinaison d’écume et de sexe qui se dĂ©place au 

grĂ© des flots, naĂźt Aphrodite.  Elle prend pied sur son Ăźle, Ă  Chypre. Elle marche sur le sable et, 

au fur et Ă  mesure qu’elle avance, les fleurs les plus odorantes et les plus belles naissent sous 

ses pas. Dans le sillage d’Aphrodite, s’avançant Ă  sa suite, Eros et HimĂ©ros, Amour et DĂ©sir. Eros 

qui exige dĂ©sormais qu’il y ait du masculin et du fĂ©minin.

VoilĂ  donc pour Aphrodite, qui deviendra VĂ©nus chez les Romains. (A ce propos, un collĂšgue me 

faisait remarquer, sans y apporter d’explication, que l’on parlait des substances aphrodisiaques, 

mais  des  maladies  vĂ©nĂ©riennes,  et  qu’il  n’y  avait  pas  de  permutation  possible  dans  les  adjec-

tifs
).

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Voyons donc maintenant quelques caractĂ©ristiques, tenant Ă  l’histoire et Ă  la nature des aphro-

disiaques. Il est habituel de dire, on ne risque guĂšre de se tromper, que les aphrodisiaques ont 

dĂ» accompagner toute l’histoire de l’homme. On sait ainsi, comme l’ont rĂ©vĂ©lĂ© les tombes des 

grottes de Shanidar en Irak,  que voici quelque 60’000 ans nos ancĂȘtres utilisaient des plantes 

qui eurent plus tard la rĂ©putation d’ĂȘtre aphrodisiaques. L’une en particulier Ă©tait l’éphĂ©dra, qui 

fournit l’éphĂ©drine, un stimulant central et cardiaque tout Ă  fait efficace. La premiĂšre prescrip-

tion historique  d’un probable aphrodisiaque est sans doute celle qui remonte Ă  quelque 1500 

ans av. JC, inscrite sur un papyrus Ă©gyptien, et qui se lit:  

Refroidir les vaisseaux, durcir ce qui est mou; Feuilles de paliure 1; Feuille de mimosa 1; Miel 1; 

broyer dans ce miel, faire macĂ©rer quatre jours durant. 

Beaucoup plus tard, Ă©coutons Ovide, dans l’Art d’aimer (Livre 2): 

Mais n’épargne pas tes reins, c’est la seule maniĂšre de gagner la paix: une bonne attitude au 

lit doit montrer que tu ne sors pas des bras d’une autre VĂ©nus.  Certains conseillent de prendre 

de la sarriette, une herbe dangereuse  et qui, Ă  mon sens, est un poison; d’autres mĂ©langent 

du poivre avec la graine de la piquante ortie, et pilent de la camomille jaune dans du vin vieux. 

Mais on ne saurait forcer dans ses plaisirs la dĂ©esse qui hante les pentes ombreuses du mont 

Eryx. Mange plutĂŽt des oignons blancs importĂ©s de la ville grecque d’AlcathoĂŒs, de la roquette 

qui pousse dans nos jardins, des Ć“ufs, du miel de l’Hymette ou des pignons que donne le pin 

aux aiguilles pointues.

Plus tard encore, MaĂŻmonide, le mĂ©decin et thĂ©ologien juif de Cordoue, dĂ©crit un moyen aph-

rodisiaque miracle, dont je rapporte quelques caractĂ©ristiques: 

Ce secret merveilleux, jamais encore ne fut dĂ©crit: un litre d’huile de carottes, un d’huile de 

radis et un quart d’huile de moutarde tu mĂȘleras; un demi-litre de fourmis jaune safran vivantes 

tu ajouteras; l’huile au soleil quatre jours tu exposeras; alors, quatre Ă  deux heures avant coĂŻt, 

avec l’huile prĂȘte Ă  l’emploi, le pĂ©nis tu oindras,


Et la conclusion: Jamais moyen comparable ne fut conçu Ă  cette fin.

Le christianisme ne fit pas bon mĂ©nage avec les aphrodisiaques, qu’il combattit, au contraire 

du monde musulman, ou d’autres rĂ©gions de l’Orient. LĂ , le chanvre, associĂ© souvent Ă  une 

solanacĂ©e comme la Datura stramonium (stramoine, la plante des sorciĂšres) constituait l’aph-

rodisiaque le plus rĂ©pandu. On retrouve la Datura au Mexique et en AmĂ©rique du Sud, avec la 

coca, ou encore l’écorce de yohimbe, ou le peyotl, cactus fournissant la mescaline, hallucino-

gĂšne bien connu et aphrodisiaque Ă  ses heures.

La course aux Ă©pices, Â«les voies du paradis», constitua une vĂ©ritable chasse aux trĂ©sors pour les 

navires europĂ©ens des 17Ăšme et 18Ăšme siĂšcles. Des vertus aphrodisiaques ont Ă©tĂ© attribuĂ©es 

Ă  un grand nombre d’entre elles, ce qui ne manquait pas de contribuer Ă  leur popularitĂ©, et Ă  

leur coĂ»t. La muscade, la coriandre, la cardamome, la vanille, le gingembre, les clous de giro-

fle,  l’anis en sont quelques exemples, et de nombreuses recettes de breuvages aphrodisiaques 

associant ces Ă©pices ont Ă©tĂ© Ă©laborĂ©es. Et Ă  cette liste, il faut ajouter le chocolat, la moutarde, 

la truffe, et bien d’autres encore.

La mandragore, la racine magique anthropomorphe,  joua un rĂŽle majeur dans tous les herbiers 

et jardins mĂ©dicinaux de toute l’histoire. SolanacĂ©e comme la belladone, investie de propriĂ©tĂ©s 

magiques, elle passait aussi pour aphrodisiaque, comme le rappelle d’ailleurs la GenĂšse, lors-

que Rachel veut obtenir les pommes d’amour du fils de Lea, les pommes d’amour sont les fruits 

de la mandragore. Et l’on dit qu’aujourd’hui encore, la rĂ©colte de la mandragore s’accompagne 

toujours en Roumanie de rites magiques, oĂč les jeunes filles chantent: 

Mandragore, bonne mĂšre, marie-moi ce mois-ci, si ce n’est maintenant, alors le mois prochain, 

mais fais en sorte que  je ne demeure plus longtemps jeune fille. (cf. RĂ€tsch,  rĂ©f.cit.).

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Les plantes sont donc en trĂšs grand nombre Ă  fournir des substances supposĂ©es aphrodisia-

ques. Il en existe cependant aussi d’origine animale. La plus connue sans doute est la mouche 

espagnole,  appelĂ©e  aussi  cantharide.  Ambroise  ParĂ©  en  donne  la  description  suivante,  vers 

1580: 

Les mousches Cantharides sont resplendissantes comme or, & sont fort belles Ă  voir, Ă  raison 

de leur couleur azurĂ©e parmy le jaulne, toutesfois de tresmauvaise odeur. Elles sont chaudes 

et seiches jusques au quatriesme degrĂ©, & partant corrosives, bruslantes et venimeuses, non 

seulement Ă  cause de leur chaleur & seicheresse excessive, mais aussi Ă  cause d’une particuliĂšre 

inimitiĂ© que nature leur a donnĂ©e, principalement contre les parties dĂ©diĂ©es Ă  l’urine, non seu-

lement prises par la bouche, mais aussi appliquĂ©es par dehors, quand il est besoin de vessier 

ou ulcĂ©rer quelque partie.

La cantharide est longue d’un peu plus d’un centimĂštre, on la trouve dans les pays du sud de 

l’Europe. SĂ©chĂ©e et rĂ©duite en poudre, elle a la rĂ©putation d’ĂȘtre un aphrodisiaque  particu-

liĂšrement puissant. En fait, cette prĂ©paration contient de la cantharidine, une substance trĂšs 

irritante pour la peau et les muqueuses; ingĂ©rĂ©e, elle provoque notamment des irritations des 

voies  urinaires,  qui  sont  Ă   la  base  de  sa  rĂ©putation  d’aphrodisiaque.  Cette  prĂ©paration  peut 

ĂȘtre  fortement  toxique,  comme  le  dĂ©crit  le  texte  suivant  d’Ambroise  ParĂ©,  un  vrai  morceau 

d’anthologie que je vous lis non censurĂ©: 

...Un abbĂ© de moyen age, estant en ceste ville pour solliciter un procez, solicita pareillement 

une femme honneste de son mĂ©tier, pour deviser une nuict avec elle, si bien que marchĂ© fait 

il arriva en sa maison. Elle recueillit Monsieur l’AbbĂ© amiablement, & le voulant gratifier, luy 

donna pour sa collation quelque confiture, en laquelle y entroit des cantharides, pour mieux 

l’inciter au dĂ©duit vĂ©nĂ©rique. Or quelque temps aprĂšs, a sçavoir  le lendemain, les accidents 

que j’ay par cy devant declarez advinrent Ă  Monsieur l’AbbĂ©, & encores plus grand, parce qu’il 

pissoit    &  jettoit  du  sang  tout  pur  par  le  siĂšge,  et  par  la  verge.  Les  MĂ©decins  estants  appe-

lez, voyants l’AbbĂ© avoir tels accidents,  avec Ă©rection de la verge, cogneurent qu’il avoit pris 

des cantharides. Ils luy ordonnĂšrent des vomitoires & clystĂšres, faicts d’orge-mondĂ©, de ris, & 

dĂ©coction de maulves, semence de lin, de fenugrec, d’huile de lis, suif de bouc ou de cerf, & 

puis aprĂšs un peu de thĂ©riaque mixtionnĂ©e avec conserve de roses pour faire sortir le poison 

dehors.  Pareillement  on  lui  donna  Ă   boire  du  laict,  &  on  lui  en  fit  aussi  des  injections  en  la 

verge,  &  aux  intestins,  avec  autres  choses  rĂ©frigĂ©rantes,  glaireuses  et  gluantes,  pour  cuider 

obtundre et amortir la virulence et malignitĂ© du venin. Or telles choses Ă  bon droit ont estĂ© 

ordonnĂ©es des anciens MĂ©decins, par-ce qu’elles demeurent longtemps attachĂ©es aux parties 

intĂ©rieures offensĂ©es et ulcĂ©rĂ©es : joinct aussi qu’elles gardent que le virus n’y peut pĂ©nĂ©trer : 

& partant le laict est fort bon. Aussi le beurre frais jettĂ© en la vessie, & l’huile d’amandes dou-

ces rĂ©centement tirĂ©e : semblablement les mucilages du psyllium, de maulves, de coings ; & le 

syrop de nĂ©nuphar, de pavot, de violes, de jus de laictues, pourpier, concombres, de courges 

et de melons. Or son boire estoit eau d’orge & ptisane : son manger estoit poulailles, veau, 

chevreau, cochons gras boullus avec laictues, pourpiĂ©, maulves, violiers de Mars, orge, lesquels 

aliments luy estoient aussi mĂ©dicaments, tant pour lĂącher le ventre, que pour adoucir et seder 

les douleurs de l’acrimonie du venin ; & sur la region des reins, lombes et sur le penil on mit 

plusieurs  choses  refrigĂ©rantes  et  humectantes.  D’avantage  il  fut  baignĂ©  pour  cuider  donner 

issue au venin par les pores du cuir : mais pour tous ces remĂšdes faits selon l’art, monsieur 

l’AbbĂ© ne dĂ©laissa Ă  mourir avec gangrĂšne de la verge. Et partant je conseille Ă  telles dames 

ne prendre de telles confitures, & moins encore en donner Ă  homme vivant, pour les accidents 

qui en adviennent. (A. ParĂ©, Ć’uvres complĂštes, 21Ăšme Livre, Ch.XXXV)

VoilĂ  donc la triste histoire de l’abbĂ© de province. Mais Rabelais, vers 1550, nous rappelle qu’il 

existe aussi des anti-aphrodisiaques:

Je  trouve  en  notre  facultĂ©  de  mĂ©decine,  et  nous  l’avons  pris  de  la  rĂ©solution  des    anciens 

platoniques,  que  la  concupiscence  charnelle  est  rĂ©frĂ©nĂ©e  par  cinq  moyens.  [le  vin  d’abord]. 

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Secondement, par certaines drogues et plantes, lesquelles rendent l’homme refroidi, malĂ©ficiĂ© 

et  impotent  Ă   gĂ©nĂ©ration.  L’expĂ©rience  y  est  en  nymphea  heraclia,  amerine,  saule,  chenevĂ©, 

periclymenos, tamarix, vitex, mandragore, ciguĂ«, orchis le petit, la peau d’un hippopotame et 

autres, lesquelles dedans les corps humains, tant par leurs vertus Ă©lĂ©mentaires que par leurs 

propriĂ©tĂ©s  spĂ©cifiques,  glassent  et  mortifient  le  germe  prolifique,  ou  dissipent  les  esprits  qui 

devaient  les  conduire  aux  lieux  destinĂ©s  par  nature,  ou  obstruent  les  voies  ou  conduits  par 

lesquels pouvait ĂȘtre expulsĂ©. Comme au contraire nous en avons qui Ă©chauffent, excitent et 

habilitent l’homme Ă  l’acte vĂ©nĂ©rien.       (F. Rabelais, Tiers Livre, chapitre XXXI)

Pour ce qui concerne les effets de l’alcool, je remets dans vos mĂ©moires Shakespeare:

McDuff: et quelles sont ces trois choses que le boire provoque spĂ©cialement?

Le portier: Dame Monseigneur, le nez rouge, le sommeil et l’urine. Quant Ă  la paillardise, mon-

seigneur, il la provoque et la rĂ©voque: il provoque le dĂ©sir mais empĂȘche l’exĂ©cution, on peut 

donc dire que le trop boire est le jĂ©suite de la paillardise, il la crĂ©e et la dĂ©truit, il l’excite et la 

dissipe, il la persuade et la dĂ©courage, il la dresse et la fait retomber. Pour conclure, il la mĂšne 

Ă  un sommeil suspect et lui donnant le dĂ©menti la laisse en plan.  

 

(Macbeth, Acte II, scĂšne III)

Si  les  quelques  plantes  et  autres  sources  d’aphrodisiaques  que  j’ai  briĂšvement  mentionnĂ©es 

sont bien anciennes, on les trouve toujours dans des prĂ©parations facilement disponibles via  

Internet,  ou  dans  les  sex-shops.  Des  prĂ©parations  de  cantharides,  ou  des  extraits  de  plantes 

contenant de la cafĂ©ine comme le guarana, ou, surtout, le ginseng, des prĂ©parations plus exoti-

ques comme les pĂ©nis sĂ©chĂ©s de phoque (qui n’en sont gĂ©nĂ©ralement pas, comme une analyse 

gĂ©nĂ©tique l’a montrĂ© rĂ©cemment) ou de cornes de rhinocĂ©ros sont encore trĂšs prĂ©sentes.

La science biologique et mĂ©dicale, bien sĂ»r, s’est intĂ©ressĂ©e au traitement des troubles sexuels, 

dĂšs le 19Ăšme siĂšcle. L’un des spĂ©cialistes les plus connus de ce point de vue est sans doute 

Charles Edouard Brown-SĂ©quard, physiologiste, neurologue et praticien, successeur de Claude 

Bernard au CollĂšge de France en 1878. Inquiet de certaines manifestations de vieillissement, il 

eut l’idĂ©e de s’administrer des extraits de testicules de singe, voire mĂȘme d’en greffer directe-

ment. Si ces essais ne furent pas spĂ©cialement concluants, ils ouvrirent nĂ©anmoins la voie aux 

traitements hormonaux qui allaient se dĂ©velopper quelques dĂ©cennies plus tard. 

L’évĂ©nement rĂ©cent le plus spectaculaire, dans le domaine du traitement de l’impuissance mas-

culine, est bien entendu la mise sur le marchĂ© en 1998 du sildĂ©nafil, connu sous le nom de 

Viagra, qui n’est d’ailleurs pas Ă  proprement parler un aphrodisiaque. L’histoire de son dĂ©ve-

loppement est amusante, et montre que de nos jours encore les dĂ©couvertes tiennent Ă  une 

bonne dose de hasard. Le sildĂ©nafil, qui est un vasodilatateur, avait Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© dans le but 

de traiter symptomatiquement des maladies des artĂšres coronaires, lors l’angine de poitrine. 

Lors des essais cliniques, plusieurs patients rapportĂšrent que leurs difficultĂ©s Ă©rectiles s’amĂ©-

lioraient sous traitement. Le fabricant re-cibla donc ses recherches, le succĂšs commercial fut 

considĂ©rable, et les actions de Pfizer se redressĂšrent avec vigueur. 

VoilĂ , Mesdames et Messieurs, il me faut conclure. L’histoire des aphrodisiaques se confond, 

de fait, avec celle des mĂ©dicaments, nĂ©s pour la plupart des sources naturelles, essentiellement 

vĂ©gĂ©tales. Les mythes et la magie y jouent sans doute un rĂŽle  plus grand encore, mais quelle 

que soit l’irrationalitĂ© apparente de ces usages, et l’importance de l’effet placebo, il est peu 

contestable  que  ces  substances,  comme  l’indique  leur  immense  popularitĂ©,  jouent  un  rĂŽle 

social (et Ă©conomique) important, au mĂȘme titre d’ailleurs que l’automĂ©dication pour d’autres 

objectifs. On peut donc rejoindre l’avis du Dr. Ruth, oui le Dr. Ruth Westheimer, la spĂ©cialiste 

des difficultĂ©s sexuelles qu’on a tant lue et entendue, lorsqu’elle dit que: Â«le plus important de 

vos organes sexuels se trouve entre vos deux oreilles». 

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Et pour terminer, j’aimerais encore donner la parole Ă  une femme, qui a Ă©crit sur la cuisine aph-

rodisiaque:  Il suffit  de jeter un coup d’Ɠil au-dessous du nombril d’un homme  pour mesurer 

combien il a besoin d’aide pour garder le moral. De lĂ  vient l’intĂ©rĂȘt portĂ© aux aphrodisiaques. 

(I. Allende: Aphrodite, p. 27)

Références:

Allende, I. Aphrodite. Grasset, Paris, 2001.

RĂ€tsch, Ch. Les plantes de l’amour. Ed. du LĂ©zard, Paris, 2000.

Vernant, J.-P. L’Univers, les Dieux, les Hommes. Seuil, Paris, 1999

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