Initiative mondiale sur la sécurité des vaccins

Comité consultatif mondial sur la Sécurité des Vaccins, 20-21 juin 2002

L’OMS a créé le Comité consultatif mondial sur la Sécurité des Vaccins (GACVS) en 1999 pour répondre rapidement, efficacement, en toute indépendance (vis-à-vis de l’OMS) et avec toute la rigueur scientifique voulue aux problèmes de sécurité vaccinale pouvant concerner l’ensemble du monde. Le Comité se réunit régulièrement deux fois par an.

Compétent dans les domaines scientifique et clinique, le GACVS est un organe consultatif qui a pour mission de procéder de manière fiable et indépendante à l’étude des problèmes de sécurité des vaccins par:

  • L’examen, à la lumière des dernières connaissances dans tous les domaines allant des sciences fondamentales à l’épidémiologie, de n’importe quel aspect de la sécurité vaccinale de portée nationale ou mondiale, en étroite collaboration avec l’ensemble des parties concernées, notamment des spécialistes appartenant aux administrations nationales, aux milieux universitaires et à l’industrie.
  • La détermination des relations de causalité entre les vaccins ou leurs constituants et les effets indésirables qui leur sont imputés.
  • La création, le cas échéant, d’équipes spéciales chargées d’étudier toute hypothèse sérieuse de lien entre des vaccins et des événements indésirables et de faire procéder aux recherches nécessaires sur l’association présumée.

Les membres du GACVS sont des spécialistes du monde entier dont la compétence est reconnue dans les domaines de l’épidémiologie, de la médecine interne, de la pédiatrie, des maladies infectieuses, de la pharmacologie et de la toxicologie, de la santé publique, de l’immunologie et de l’auto-immunité, de la réglementation pharmaceutique et de la sécurité des médicaments.

Les principes sur lesquels se fonde le Comité pour étudier les relations de causalité ont déjà été publiés dans le REH.1

Le GACVS a tenu sa sixième réunion au Siège de l’OMS, à Genève (Suisse) les 20 et 21 juin 2002.

Ses principales conclusions sont les suivantes:

Innocuité des vaccins contenant du thiomersal

C’est en 1999 que certains se sont inquiétés aux Etats-Unis de l’exposition au mercure suite à l’administration de vaccins contenant du thiomersal. Ces craintes se fondaient sur le calcul de l’apport cumulé de mercure dans les schémas de vaccination des nourrissons, qui peut être supérieur au taux maximum recommandé par les autorités américaines pour le méthylmercure. Toutefois, le thiomersal comprend de l’éthylmercure et non du méthylmercure.

D’après les avis d’experts et les données examinés par le GACVS, l’éthylmercure et le méthylmercure ont une pharmacocinétique très différente. La demi-vie de l’éthylmercure est notamment plus courte (moins de 1 semaine) que celle du méthylmercure (1,5 mois). La présence d’éthylmercure dans le sang est donc de courte durée. De plus, l’éthylmercure est activement éliminé par les intestins tandis que le méthylmercure s’accumule dans l’organisme. Deux études épidémiologiques indépendantes ont récemment été conduites au Royaume-Uni. L’une était financée par l’OMS (analyse de la General Practice Research Database – GPRD), et l’autre par le Ministère britannique de la Santé (analyse des données recueillies lors de l’étude longitudinale Avon sur la grossesse et l’enfance – ALSPAC). D’après l’analyse GPRD, il n’y a pas d’association entre les vaccins diphtérie-tétanos-coqueluche (DTC) contenant du thiomersal administrés à l’âge de 2, 3 et 4 mois et le retard de croissance, notamment des troubles du développement neurologique ou des problèmes de comportement. L’étude ALSPAC corrobore ces résultats. Ces deux études confirment une fois de plus l’innocuité des vaccins infantiles contenant du thiomersal aux doses utilisées actuellement.

Au vu de ces résultats, le GACVS a conclu qu’aucun élément n’attestait à l’heure actuelle la toxicité du mercure chez les nourrissons, les enfants ou les adultes exposés au thiomersal présent dans les vaccins. Il a également conclu qu’aucune considération de sécurité ne justifiait de modifier les pratiques vaccinatoires concernant les vaccins contenant du thiomersal.

Vaccin contre l’hépatite B et leucémie

Un résumé de travaux présentés en avril 2002 à la réunion de l’American Association for Cancer Research faisait état d’un lien entre le vaccin contre l’hépatite B et la leucémie aiguë lymphocytaire chez 334 enfants dans le nord de la Californie. Les enquêteurs pensaient que le thiomersal pouvait être en cause car ses effets sont plus probables à doses répétées. Les auteurs soulignaient qu’il fallait interpréter les résultats avec prudence. Les travaux n’indiquent un lien qu’entre le thiomersal contenu dans le vaccin anti-hépatite B et la leucémie. Les autres vaccins de l’enfance avec du thiomersal n’ont pas été impliqués.

L’éthylmercure contenu dans le thiomersal est rapidement éliminé par l’organisme et disparaît généralement en 5 à 6 jours. Il est peu probable qu’une exposition aussi brève à des quantités infimes de mercure soit suffisamment cancérogène pour provoquer la leucémie de l’enfant. Aucune autre étude n’établit une association entre le mercure et un cancer humain, leucémie, lymphome ou autre affection maligne ou précancéreuse. Dans les études faites sur l’animal, le cancer n’a été associé avec les métaux cancérogènes qu’après exposition permanente ou répétée.

Le GACVS a estimé que l’hypothèse d’un lien entre le vaccin contre l’hépatite B et la leucémie aiguë lymphocytaire, fondée sur une seule source et un échantillon restreint, n’était pas convaincante. Le lien supposé pourrait tout aussi bien être dû à la conception de l’étude, qui n’exclut pas le risque de biais statistique; les résultats n’établissent pas de manière concluante un lien de causalité. Mais, étant donné que les éléments dont on dispose à l’heure actuelle ne permettent pas d’exclure l’existence d’un lien, le Comité a décidé de réexaminer la question. A ce stade, le risque, s’il y en a un, doit être considéré pour le moins hypothétique et mis en balance avec les bienfaits prouvés de la vaccination contre l’hépatite B.

Il importe néanmoins d’étudier plus avant le lien avec le vaccin anti-hépatite B selon des méthodes épidémiologiques appropriées et solides. Les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) ont d’ailleurs entrepris des recherches supplémentaires à l’aide du système Vaccine Safety Datalink.

Le GACVS continuera d’analyser les informations et toutes les données épidémiologiques issues des études en cours, et étudiera la possibilité d’analyser d’autres registres.

Vaccin contre l’hépatite B et sclérose en plaques

Le vaccin contre l’hépatite B a été largement utilisé en France ces dernières années et plus de 20 millions de personnes ont été vaccinées. Plusieurs cas signalés ont donné à penser que le vaccin contre l’hépatite B pouvait être associé à des cas nouveaux ou à des rechutes de scléroses en plaques. Face à l’inquiétude des milieux professionnels et du grand public, le Ministère français de la santé a provisoirement suspendu le 1er octobre 1998 le programme de vaccination des adolescents contre l’hépatite B dans les collèges. Il n’est toutefois pas revenu sur la recommandation de vacciner tous les nourrissons d’une part et les adultes à risque d’autre part, et a réaffirmé son soutien à la vaccination des adolescents. Cette décision a été mal comprise et interprétée comme une condamnation de la vaccination anti-hépatite B, alarmant l’opinion dans d’autres pays.

Le lien entre la sclérose en plaques et le vaccin contre l’hépatite B peut s’expliquer de trois façons: 1) une coïncidence due au grand nombre de doses de vaccin anti-hépatite B administrées, la plupart à des individus de la tranche d’âge dans laquelle la sclérose en plaques survient initialement; 2) un risque accru de démyélinisation après administration du vaccin anti-hépatite B qui agirait comme un déclencheur chez les sujets prédisposés à la sclérose en plaques ou à d’autres affections démyélinisantes du système nerveux central; et 3) un lien véritable de causalité entre la vaccination anti-hépatite B et la sclérose en plaques ou d’autres maladies démyélinisantes.

En 2001, plus de 700 cas d’affections démyélinisantes du système nerveux central dont la distribution épidémiologique était proche de la distribution naturelle de la sclérose en plaques ont été signalés aux autorités françaises, la plupart chez des femmes adultes. Le délai entre la dernière dose de vaccin et l’apparition des symptômes neurologiques allait de 1 jour à 5 ans (délai médian: 60 jours). Aucun cas n’a été signalé chez les enfants de moins de 25 mois alors que 1,8 million de bébés ont été vaccinés. Neuf études épidémiologiques ont été menées au total pour estimer le risque (à supposer qu’il y en ait un) d’un lien entre la vaccination anti-hépatite B et une première atteinte ou une rechute de sclérose en plaques. Malgré un odds ratio légèrement élevé, aucune des études initiales ne met en évidence une augmentation statistiquement significative du risque; les toutes dernières études ne révèlent aucun accroissement du risque. L’analyse des données émanant des déclarations spontanées et des études épidémiologiques ne confirme pas l’existence d’un lien de cause à effet entre le vaccin anti-hépatite B et la sclérose en plaques. L’explication la plus plausible est qu’il s’agit d’une coïncidence.

Les conclusions d’un rapport récemment publié par l’Institut de Médecine des Etats-Unis d’Amérique sur une éventuelle association entre le vaccin contre l’hépatite B et les troubles neurologiques démyélinisants ne corroborent pas non plus l’hypothèse d’un lien de causalité entre le vaccin administré aux adultes et la survenue ou une rechute de la sclérose en plaques. Le GACVS a conclu qu’il n’y avait pas lieu de revoir les recommandations concernant la vaccination universelle des nourrissons et des adolescents contre l’hépatite B.

Vaccins contenant de l’aluminium et myofasciites à macrophages

En France, des biopsies du deltoïde pratiquées chez des patients se plaignant de divers symptômes ont révélé dans quelques cas la présence d’un très petit foyer inflammatoire accompagné d’une nécrose, appelé myofasciite à macrophages (MMF). Des sels d’aluminium ont été mis en évidence dans ces lésions localisées. Etant donné que le siège des lésions dans le deltoïde correspond à l’endroit où sont habituellement injectés les vaccins, il semblerait que ces lésions microscopiques soient liées à la vaccination. En outre, les scientifiques du Groupe d’études et de recherche sur les maladies musculaires acquises et dysimmunitaires (GERMMAD) ont émis l’hypothèse que la vaccination et les MMF localisées pourraient être associées à un trouble plurifonctionnel. Il se peut toutefois qu’il s’agisse seulement d’une coïncidence.

Sur le conseil du GACVS, l’OMS s’est concertée sur ce point en septembre 19992 avec des experts, des scientifiques du GERMMAD et les entreprises pharmaceutiques intéressées. Il était important de déterminer pourquoi l’inflammation à macrophages persiste chez un petit nombre de sujets après la vaccination et si cette lésion histologique pouvait être ou non à l’origine de symptômes généralisés chez certains patients. Seules des études épidémiologiques comparant des sujets qui ont une lésion à ceux qui n’en n’ont pas peuvent permettre d’élucider ces points. En 1999, l’OMS a recommandé d’entreprendre une étude pour établir s’il y a ou non une association entre les MMF localisées et une quelconque affection généralisée. L’étude est maintenant en cours.

Les résultats préliminaires d’études faites sur le singe et le rat pour étudier la persistance à long terme de l’aluminium et les modifications histopathologiques au point d’injection du vaccin ainsi que des études comparant la production de macrophages chez les sujets bien portants et chez les patients qui présentent des MMF confirment que les MMF pourraient être un simple marqueur de la vaccination avec persistance prolongée d’aluminium au point d’injection et une très faible réaction inflammatoire locale, sans autres symptômes ou conséquences.

Les tout derniers éléments ne tendent pas à conclure que l’administration de vaccins contenant de l’aluminium est dangereuse pour la santé ou qu’il faut modifier les pratiques vaccinatoires en vigueur. La question sera réexaminée à la lumière des résultats de l’étude épidémiologique en cours.

Paralysie de Bell suite à la vaccination intranasale

D’après les résultats d’une étude cas-témoins et de l’analyse d’une série de cas, la vaccination intranasale avec un nouveau vaccin augmenterait sensiblement le risque de paralysie de Bell. Ce vaccin antigrippal inactivé, vaccin virosome constitué d’antigènes grippaux et d’un adjuvant LT dérivé de E. coli, a été autorisé à la vente en Suisse en octobre 2000. Suite à la déclaration spontanée de cas de paralysie de Bell, la société a décidé de ne pas mettre le vaccin sur le marché lors de la saison suivante.

D’une manière générale, on comprend mal encore l’étiologie et la pathogénèse de la paralysie de Bell. Le risque accru de paralysie de Bell après la vaccination avec ce vaccin peut être dû à certains constituants du vaccin comme la toxine LT, les antigènes grippaux ou les virosomes, ou tout simplement au mode d’administration par voie nasale. Il n’est donc pas impossible que d’autres vaccins en spray nasal entraînent cette complication. Par conséquent, le GACVS recommande que tout nouveau vaccin administré par voie nasale soit testé sur un nombre suffisant de sujets avant d’être homologué et fasse l’objet d’une surveillance postcommercialisation active. Etant donné que le délai moyen d’apparition de la paralysie de Bell suite à la vaccination intranasale avec ce nouveau vaccin peut atteindre 60 à 90 jours, le GACVS recommande de prévoir dans les essais cliniques un suivi systématique de 3 mois après administration d’un nouveau vaccin par voie nasale.

La vaccination systématique pourrait-elle nuire à la survie de l’enfant?

Une étude en Guinée-Bissau publiée dans le British Medical Journal en décembre 2000 indique que la vaccination systématique pourrait avoir sur la survie du nourrisson un effet non spécifique négatif ou positif selon le vaccin. Une augmentation de la mortalité dans les 6 mois qui ont suivi la vaccination a été rapportée chez les enfants vaccinés par le DTC. Il semble que l’effet dépendait du sexe de l’enfant.

Le GACVS a examiné la question et invité instamment l’OMS à faire le nécessaire pour vérifier cette hypothèse sur des séries de données émanant de différents pays où ont été calculées des statistiques sur les décès, sur la vaccination et d’autres facteurs pouvant influer sur la mortalité. Après un appel de propositions de recherche, l’OMS a financé ou cofinancé des études au Bangladesh, au Burkina Faso, en Indonésie et en Papouasie-Nouvelle-Guinée.

L’analyse de ces études est terminée. Toutes indiquent une mortalité moindre chez les enfants vaccinés avec tous les vaccins. Les études ne font ressortir notamment aucun effet négatif de la vaccination DTC et aucune différence entre les deux sexes. Les résultats préliminaires d’une analyse indépendante visant à vérifier l’hypothèse sur six autres séries de données ont été communiqués au GACVS. Ces résultats ne confirment pas les observations faites en Guinée-Bissau concernant le vaccin DTC.

Le GACVS a conclu que les preuves étaient suffisantes pour rejeter l’hypothèse d’une augmentation de la mortalité non spécifique suite à la vaccination.

Le GACVS a invité d’autres spécialistes à participer à l’examen des questions ayant trait au thiomersal, à la paralysie de Bell, à l’hépatite virale B et à la sclérose en plaques, aux MMF et aux vaccins contenant de l’aluminium.


1 Voir N°41, 1999, pp. 337 à 340.
2 Voir N° 12, 2002, pp. 85-89.