Initiative mondiale sur la sécurité des vaccins

Myofasciite à macrophages et vaccins contenant de l’aluminium

Considérations générales

L’apparition d’un type nouveau de lésion histopathologique d’origine inconnue appelée myofasciite à macrophages (MMF) et caractérisée par une myopathologie unique en son genre, a été signalée par le Groupe d’études et de recherche sur les maladies musculaires acquises et dysimmunitaires (GERMMAD) de l’Association française contre les myopathies.

La MMF se caractérise par une infiltration centripète de l’épimysium, du périmysium et de l’endomysium périfasciculaire par des cellules négatives à la réaction acide periodique-réactif de Schiff (PAS) appartenant à la lignée macrophagique et porteuses d’inclusions cristallines osmiophiles. Une biopsie du deltoïde permet de la mettre en évidence, surtout chez l’adulte, encore qu’on l’ait également décelée chez 3 jeunes enfants par biopsie du quadriceps.

Ce sont les 2 localisations de la lésion histopathologique. Il y a absence de nécrose (des cellules épithélioïdes et géantes) et de figures de mitose, et des lésions à peine visibles au niveau des fibres.

L’étude de la nature chimique des inclusions présentes dans les macrophages à l’aide d’une microsonde nucléaire, par microanalyse aux rayons X ou par spectrométrie d’absorption atomique a montré qu’elles sont constituées de sels d’aluminium. Etant donné que les sels d’aluminium sont utilisés comme adjuvant dans un certain nombre de vaccins, on a émis l’hypothèse que la MMF serait une réaction inhabituelle à l’injection intramusculaire de vaccins contenant de l’aluminium. Comme on ne pratique de biopsies musculaires que chez les malades présentant des symptômes de myopathie, on ignore pour l’instant si cette histopathologie localisée caractéristique est susceptible de se produire à la suite de vaccinations dans une population en bonne santé. Pour déterminer s’il existe une relation causale entre la MMF et les vaccins contenant de l’aluminium, le Comité consultatif pour la sécurité des vaccins s’est réuni avec des scientifiques du GERMMAD, des spécialistes réputés dans le domaine des maladies neuromusculaires et des adjuvants aluminiques, des représentants de l’industrie, du Secrétariat d’Etat français à la santé et à l’action sociale, et de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.

Examen des faits scientifiques

Les faits qui ont été soumis au Comité prouvent l’existence d’une entité histopathologique distincte appelée myofasciite à macrophages, caractérisée d’une part par la présence, dans le deltoïde, d’amas denses, persistants et localisés, de macrophages positifs au PAS accompagnés d’inclusions cristallines osmiophiles d’aluminium, et d’autre part par une réaction inflammatoire chronique focale.

Il existe, à l’appui de ces observations, des données faisant état de lésions passagères comparables chez des animaux de laboratoire après injection intramusculaire de vaccins contenant de l’aluminium.

On a des raisons de penser que la lésion locale qui caractérise la MMF pourrait être due à l’injection intramusculaire de vaccins contenant de l’aluminium. Reste cependant à répondre à un certain nombre de questions importantes, notamment si:

  • la MMF peut uniquement être attribuée à des vaccins contenant de l’hydroxyde d’aluminium, ou aussi à ceux contenant du phosphate d’aluminium;
  • on peut mettre en évidence l’antigène vaccinal dans le muscle lésé;
  • les biopsies du deltoïde ont été pratiquées au point d’injection (encore qu’il soit probable que tel ait été le cas la plupart du temps étant donné que la pratique recommandée consiste à vacciner et à effectuer les biopsies sur le bras non dominant).

D’un point de vue épidémiologique, la MMF n’a (à quelques exceptions près) été observée qu’en France. Elle a été mise en évidence pour la première fois en 1993 et se retrouve de plus en plus fréquemment depuis lors.

Discussion

On n’a pas élucidé les mécanismes qui seraient à l’origine de la lésion MMF locale et de sa persistance. Une hypothèse plausible serait l’existence d’un groupe de sujets chez lesquels l’élimination de l’aluminium présent dans le deltoïde se ferait difficilement. On ne sait pas encore si ce phénomène correspond à une dysfonction des macrophages qui serait génétique ou acquise, ou s’il s’agit de la queue de la distribution normale qui décrit la cinétique d’élimination de l’aluminium et la réponse tissulaire locale à cet élément dans la population générale.

Une explication plausible de la raison pour laquelle la MMF n’a été observée qu’en France et pas ailleurs serait que les biopsies sont pratiquées d’une façon différente. L’argument est le suivant: en France, on pratique des biopsies du deltoïde alors que dans beaucoup d’autres pays on a plutôt tendance à choisir un autre muscle. Par ailleurs, le mode de préparation des vaccins contenant de l’aluminium rend improbable un problème pharmaceutique d’origine locale.

L’accroissement du nombre de cas observés en France au cours des dernières années peut aussi s’expliquer par le changement de la voie d’administration du vaccin, la voie intramusculaire étant désormais préférée à la voie sous-cutanée, ou par l’introduction du vaccin contre l’hépatite B à l’intérieur d’une population d’adultes neufs chez lesquels la réaction inflammatoire locale est vraisemblablement plus forte qu’après des vaccinations de rappel. Quoi qu’il en soit, le vaccin contre l’hépatite B a également été administré à des adultes dans d’autres pays sans qu’on ait mis en évidence une MMF. De plus, une MMF a également été observée chez des Français adultes après des rappels de vaccination antitétanique et DT mais pas dans d’autres pays où ces vaccins sont pourtant largement utilisés. Enfin, la forte augmentation du nombre de cas observés depuis 1998 pourrait également être due à une augmentation du taux de dépistage.

En ce qui concerne la possibilité d’un lien entre la lésion MMF locale et une maladie générale, on a fait les observations suivantes.

Des lésions de type MMF ont été mises en évidence par biopsie du deltoïde pratiquée dans un but exploratoire sur des malades souffrant de myalgie diffuse, arthralgie ou faiblesse musculaire et qui avaient reçu quelques mois à quelques années auparavant un vaccin contenant de l’aluminium. Chez une certaine proportion d’entre eux, on a également relevé les signes d’une affection autoimmune concomitante. Il est vivement recommandé d’entreprendre des recherches sur une association éventuelle avec une maladie autoimmune.

A l’heure actuelle, et compte tenu des limites des connaissances actuelles, la MMF ne se rattache pas à des pathologies telles que la myopathie inflammatoire, la dermatomyosite, la polymyosite, la myosite à inclusions et la fasciite à éosinophiles. Les données actuelles n’établissent ni n’excluent la possibilité d’une maladie générale affectant d’autres organes.

La petite taille de l’échantillon sur lequel se fondent ces observations, jointe à l’absence de données concernant la prévalence de lésions MMF locales dans la population générale après une vaccination, rend difficile une évaluation des liens potentiels entre ces lésions et une maladie générale. Il faudrait qu’un ensemble plus spécifique de critères et de définitions soit déterminé par des études épidémiologiques ultérieures destinées à établir s’il existe une association entre des lésions MMF locales et tout symptôme ou affection générale. Il existe de nombreux mécanismes immunitaires qui pourraient être à l’origine du passage d’une immunoréaction locale à une affection généralisée et la question doit être étudiée plus à fond.

Recommandations du Comité

  • Compte tenu des données disponibles, des opinions exprimées et des débats qui se sont ensuivis, le Comité estime ne disposer à l’heure actuelle d’aucun élément qui justifierait de recommander la modification des pratiques vaccinatoires (choix du vaccin, calendrier de vaccination, modes d’administration ou information) dans le cas de vaccins contenant de l’aluminium.
  • Pour mieux saisir la nature de la MMF, le Comité recommande vivement d’entreprendre des recherches afin d’évaluer les aspects cliniques, épidémiologiques, immunologiques et biologiques de cette pathologie.

Les observations du Comité seront publiées sans délai dans le Relevé épidémiologique hebdomadaire.