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3 questions à

En collaboration avec F. Berthet, J.-P. Bertin-Maghit et F. Garçon, CNRS Éditions, coll. « Cinéma & Audiovisuel », 352 p. – 30 €.

Laurent Creton. Histoire économique du cinéma français. Production et financement 1940-1959

Laurent Creton est professeur à l'université de Paris III – Sorbonne Nouvelle et directeur de l'Institut de recherche sur le cinéma et l'audiovisuel (IRCAV).

« Au moment du Festival de Cannes, il est bon de rappeler que les films ont aussi besoin de financement, sujet que vous connaissez bien. Comment s'inscrit cet ouvrage dans votre travail ?
Laurent Creton : Effectivement, je suis économiste, spécialisé depuis une vingtaine d'années dans le cinéma et l'audiovisuel. Pour penser la question de l'innovation et de l'institutionnalisation dans ce domaine, j'ai été amené à travailler sur le cinéma des premiers temps (Lumière, Méliès et Pathé) et sur une question centrale pour toute l'économie du cinéma français : son système de régulation qui est devenu une référence dans le monde entier en tant qu'alternative viable au système hollywoodien. Je suis donc remonté aux sources, souvent méconnues, du système d'intervention de l'État dans le financement de la production cinématographique française. Il se trouve qu'il a été instauré au début des années quarante. Par ce livre, j'ai voulu contribuer à penser les origines, l'émergence et l'évolution des politiques publiques en faveur du cinéma.

- Comment avez-vous engagé votre démarche de recherche ?
L.C.
: J'ai travaillé avec une trentaine d'étudiants-chercheurs dans le cadre de l'IRCAV entre 1997 et 2003, à partir des archives du Crédit national déposées à la BiFi (Bibliothèque de l'image/Filmothèque), en concentrant mon analyse sur l'histoire institutionnelle de cet établissement. Car il a joué un rôle crucial dans le domaine du financement du cinéma sous l'Occupation et dans les années qui suivent la Libération. En effet, après la Débâcle de 1940, la production cinématographique française s'effondre et le Trésor public est mobilisé pour financer les films français et relancer l'activité du secteur. Celui-ci fera l'objet d'une profonde réorganisation notamment par la création du Comité d'organisation de l'industrie cinématographique qui préfigure le CNC. Par une cruelle ironie de l'Histoire, c'est sous un régime ayant sonné le glas de la République parlementaire que se mettent en place des réformes que celle-ci avait inspirées sans jamais pouvoir être en mesure de les appliquer. Nous avons étudié les processus de décision du Comité d'avances à la production cinématographique – avances sans lesquelles beaucoup de grands classiques français n'auraient certainement pas vu le jour. Plonger ainsi au cœur des documents d'archives nous a permis de saisir les stratégies d'acteurs et les processus complexes par lesquels un film s'échafaude. Nous montrons que les finalités et les logiques de régulation du système d'aide publique à la production cinématographique furent essentiellement d'ordre industriel.

- Les Visiteurs du soir, Quai des Orfèvres… , pour ceux qui aiment le cinéma, cet ouvrage « sérieux » risque-t-il d'être frustrant ?
L.C.
: L'histoire du cinéma est particulièrement poreuse à l'infiltration du légendaire et propice à la cristallisation des mythes. Un ouvrage qui se consacre à l'économie du cinéma peut être déconcertant pour les passionnés qui s'intéressent exclusivement aux œuvres et aux auteurs, vouant aux gémonies tout ce qui viendrait leur rappeler les contingences de la matérialité. Il ne s'agissait pas de faire une étude esthétique, ni de contribuer à une histoire du cinéma qui ferait la part belle à l'anecdotique. Le caractère le plus remarquable du cinéma pris dans sa totalité est sans aucun doute sa mixité art et industrie. »

Propos recueillis par
Léa Monteverdi


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