SOLEIL ROYAL
Navire de 1er Rang français
Construit en 1669 à Brest d'après les plans de L. Hubac
pour un port de 2000tx, long de 55m et large de 15,64m, creux 7,64m
prévu pour recevoir entre 900 et 950 hommes, 104 canons
Lancé en 1670 pour intervenir dans les durs combats qui se livraient en Méditerranée.
Durant de nombreuses années, il reste désarmé à Brest.
|
|||
1er modèle des 3 vaisseaux de ligne du même nom dans la Marine Royale Française. Il s'illustra notamment sous le commandement de Tourville lors de la bataille de Béveziers le 10/07/1690 et la bataille de Barfleur le 29/05/1692.
A cette époque le roi avait fait passer une ordonnance pour que tous les navires soient de construction homogène: "Les navires du 1er rang, qui portent 70 pièces et au dessus jusqu'à six vingt, auront 3 ponts entiers et non coupés, et dans leur château de poupe chambres l'une sur l'autre; savoir, celle des Volontaires et celle du Capitaine, outre la sainte barbe et la dunette, laquelle suivra le coutonnement et tonture dudit navire", "il sera observé que les navires soient régulièrement percés dans les chambres, pour y tenir autant de canons qu'il convient, afin que la hanche et le derrière soient bien armés.", "les sabords seront grands et ouverts, et taillés en embrasures, particulièrement à la hanche et à l'épaule des vaisseaux, et la distance de l'un à l'autre sera de 7 pieds.", "Les seuls vaisseaux le ROYAL LOUIS et le SOLEIL ROYAL, auront un château sur l'avant de leur troisième pont, et à l'égard de tous les autres vaisseaux, Sa Majesté défend d'y en faire aucun. Les corps de garde de tous les vaisseaux pourront être prolongés jusqu'à l'emplacement du cabestan." Textes issus de la traduction par Lars Bruzelius du Règlement
"Que le roi veut et ordonne être observé dans la construction des vaisseaux de Sa Majesté."
En 1688, Jacques II Stuart, Catholique régnant sur l'Angleterre, l'Ecosse et l'Irlande, vient d'être dépossédé de son trône par Guillaume d'Orange, protestant et est proclamé roi d'Angleterre avec son épouse Marie par le parlement. Il se réfugie donc en France accompagné de quelques partisans avides de le voir reconquérir son trône pour en profiter. Son cousin, le roi Louis XIV prend parti pour lui et subvient à ses moyens. Guillaume monte contre la France une coalition plus connue sous le nom de ligue d'Augsbourg réunissant les états d'Allemagne, la Maison d'Autriche, les Provinces-unies, l'Angleterre, la Savoie et l'Espagne.
A cette déclaration de guerre, le SOLEIL ROYAL est alors réarmé, 1 équipage d'environ 1200 hommes et armé de 112 canons en bronze (seuls les navires amiraux en étaient équipés, les autres n'ayant que des canons en fer) de 36, 24, 18, 12, 8, 6 et 4 livres (poids du projectile) pesant entre 1 et 4 tonnes et nécessitant de 5 à 14 personnes pour les manipuler, ces canons sont répartis dans 3 batteries couvertes, sur la dunette et sur le gaillard. Au printemps 1689, le roi s'engage dans une opération maritime contre l'Angleterre ayant pour but de permettre le débarquement de Jacques II en Irlande, ses partisans y étant les plus nombreux et d'où il pourrait reconquérir son trône par le débarquement de ses troupes vers Londres. L'armée navale se compose alors de 75 vaisseaux dont le SOLEIL ROYAL est le plus beau et le plus puissant.
Il quitte la rade de Brest le 22/06/1690 comme navire amiral sous le commandement du Comte de Tourville, à cause de vents contraires, il est contraint de rester 3 jours devant Camaret, où il apprend que 58 vaisseaux de guerre ennemis sont au mouillage de Sainte Hélène (Ile de Wight). Profitant d'un vent favorable, Tourville met le cap sur l'Ile de Wight, le mouillage est vide. Mais le JEAN BART et l'ALCYON envoyés en reconnaissance trouvent 60 vaisseaux ennemis (39 anglais, 21 hollandais) mouillés au cap de Beachy Head (le Béveziers). Le 10 juillet 1690 au matin l'amiral anglais Herbert, surpris par cet assaut donne l'ordre d'appareiller. Tourville et sa flotte sont prêts, avec le SOLEIL ROYAL au centre des 3 divisions d'escadre. La bataille commence et ce fut un très beau succès pour la flotte française: 1 navire capturé, 11 navires démâtés, 2 coulés ainsi que 4 brûlots coulés. 2 des navires hollandais coulèrent durant la nuit, les autres étant harcelés dans leur retraite, l'un d'entre eux dut se jeter à la côte et fut sabordé par son équipage. Au total coté ennemi 17 navires manquent à l'appel. Herbert est traduit en cours martiale le 10/11/1690, pourtant acquitté il ne recevra plus aucun commandement. Jacques II débarque en Irlande, les partisans catholiques y étant plus nombreux, où il provoque un soulèvement, Guillaume III prend le commandement de l'armée qui parviendra à le chasser et à nouveau le roi détrôné se réfugie en France.
Au début 1692, le roi Louis XIV envisage toujours de rétablir Jacques II sur le trône d'Angleterre. On prévoit de faire débarquer à Torbay un corps expéditionnaire de 20000 français et Irlandais qui marcheraient sur Londres. 4000 chevaux et leurs cavaliers (en 12 escadrons) regroupés au Havre de Grâce et 16000 fantassins (12 bataillons irlandais à Quinéville et 9 français à St Vaast la Hougue) rejoints le 8 avril par Jacques II et le Marquis de Bellefonds, que la Flotte de Tourville avait pour mission d'assurer le libre passage des partisans de Jacques II à travers la Manche pour le débarquement en Irlande.
La flotte royale est composée au début de 1692 de: 22 vaisseaux de 1er rang (80 à 100 canons et plus), 27 vaisseaux de 2è rang (60 à 80 canons), 46 vaisseaux de 3è rang (50 à 60 canons), 16 navires de 4è rang (40 à 50 canons) et 21 vaisseaux de 5è rang (20 à 36 canons), s'y ajoutent des frégates, galères, galiotes à mortiers, 192 brûlots etc… L'escadre d'Estrée de 15 bâtiment basée à Toulon reçoit l'ordre de regagner Brest. Il appareille le 21/03/1692, mais se trouve bloqué à Hyères 18 jours à cause de vents défavorable. Le 18/04/1692, il subit les assauts du temps lui causant de nombreux dégâts et la perte de 2 navires. Il doit donc faire escale à Lisbonne pour y effectuer des réparations. Il ne gagnera Brest que le 30
mai, le lendemain de la bataille. L'escadre de Rochefort met à la mer 28 bâtiments mais la pénurie d'équipage ne permet au Marquis de Villette Murçay d'appareiller le 27/04/1692, qu' avec seulement 7 vaisseaux et 3 galères, dont les équipages ont été pris de navires d'une autre escadre contrainte elle, de rester à quai, il lui faut 3 semaines pour arriver à Brest d'où il repart avec seulement 5 vaisseaux et 3 brûlots. Il rejoindra Tourville 3 jours avant la bataille soit le 26 mai. L'escadre de Chateaurenault à Brest de 20 navires sera rendue inutilisable par manque d'équipages. Afin de compléter les équipage de l'escadre de Tourville, le personnel navigant se faisant rare, ils avaient dû être complétés par des mariniers de rivière, des douaniers, et des soldats soit des hommes qui n'ont jamais navigué.
La Bataille de Barfleur
Le départ de la Flotte de Brest est prévu pour le 25 avril, car le rassemblement des navires hollandais n'est prévu que pour le début mai, et ne doivent rejoindre l'escadre anglaise que vers le 23 mai, il faut donc agir par surprise et stopper cette jonction. En fait le créateur du projet n'avait pas été informé que ce rassemblement avait déjà eu lieu le 23 avril. Tourville n'a de cesse de formuler tout une multitudes de raisons suffisantes et justifiées pour annuler cette opération en vue d'un échec certain, ce qui lui vaudra d'être qualifié de manque de courage.
A cause de toutes ces défaillances, c'est seulement le 12/05/1692 que Tourville quitte Brest à bord du SOLEIL ROYAL, navire amiral, avec seulement 39 bateaux. Il doit être rejoint au large de Ouessant par les navires de D'Estrées, de Villette et de Chateaurenault et ainsi obtenir une flotte d'au moins 70 navires puis enfin rejoindre les troupes à St Vaast la Hougue. Seuls les 5 vaisseaux de Villette pourront rejoindre Tourville le 26, totalisant alors une flotte de 44 vaisseaux et 11 brûlots (3114 canons et 20900 hommes dont de nombreux inexpérimentés).
Après avoir louvoyé en Manche contre une brise de NE, la flotte alliée peut enfin progresser dans l'Est grâce à une brise de Suroît. La flotte ennemi sous le commandement de l'Amiral Russel, a elle aussi appareillé de Sainte Hélène, l'ennemi compte 99 navires (63 anglais commandés par Russel, le successeur de Herbert, et 36 hollandais commandés par Van Almonde) avec frégates et brûlots (7154 canons et 53463 hommes). C'est le 29 mai que les 2 antagonistes vont se rencontrer en vue du Cotentin à quelque 20 milles au NE de la pointe de Barfleur. Au petit matin, les éclaireurs respectifs annoncent aux navires amiraux la situation et le nombre d'adversaire qu'ils devront affronter. Face à l'ampleur de la force déployée par l'ennemi, Tourville ordonne de prendre la formation en ligne de bataille. Ce qui prend beaucoup de temps à cause des vitesses différentes de chaque bâtiment. L'avant garde de 14 vaisseaux au Sud, 2è et 3è division, est dirigée par le marquis d'Amfreville sur l'AMBITIEUX qui a sous ses ordres le marquis de Nesmond sur le MONARQUE et le Comte de Relingues sur le FOUDROYANT. Le corps de bataille de 16 vaisseaux au centre est mené par Tourville à bord du SOLEIL ROYAL. Et l'arrière garde de 14 vaisseaux au Nord, 1ere et 4è division, est sous les ordres du vice-amiral Gabaret sur l'ORGUEILLEUX, du marquis de Coëtlogon sur le MAGNIFIQUE et le contre-amiral Pannetié sur le GRAND. La brise est faible mais du SW, permettant au SOLEIL ROYAL et les siens de se laisser porter vers l'ennemi.
Le SOLEIL ROYAL fait face au BRITANNIA (navire amiral de la flotte ennemie, sur lequel se trouve l'amiral Russel), chacun de ses chefs de division en fait de même face à l'ennemi qui lui est opposé. Le vent est tombé et les gros vaisseaux doivent se faire remorquer par leur chaloupes vers l'ennemi. Entre temps le trio organisateur basé à St Vaast ayant pris connaissance de l'ampleur de la flotte anglo-hollandaise envoient un contrordre à Tourville pour se replier et annuler le combat, mais hélas lorsque le navire porteur du message arrive aux environs de 10heures le 29 mai, la bataille est sur le point d'être engagée, il est trop tard pour reculer et Tourville craint le déshonneur. L'adversaire est alors à portée de mousquet, l'ennemi est surpris par ce comportement de Tourville, considéré comme un trait de folie. Chacun attend le coup d'envoi de l'autre, quand un des navires hollandais impatient et inquiet de la tactique des français, s'attaque au SAINT LOUIS. Il est 10h du matin le 29/05/1692 la bataille est engagée d'un bout à l'autre de la ligne de combat. Le but de Tourville est de causer un maximum de dégâts chez l'adversaire.
En tête du corps de bataille le SOLEIL ROYAL se trouve face à 3 navires ennemis le BRITANNIA, le LONDON et le SAINT ANDREW, tous 3 armés de 100 canons et 3 ponts, ils tentent de l'aborder en vain. Le SOLEIL ROYAL résiste assidûment. A ce moment l'avantage se trouve du côté français le gréement du SOLEIL ROYAL a beaucoup souffert mais pas hors d'usage. L'avant garde hollandaise est persécutée de son côté, et le centre ennemi commence à fléchir. Vers 14 heure une brise de NW se lève et favorise la remontée de 25 vaisseaux anglais qui tentent de couper la ligne française afin de la prendre entre 2 feux, et en milieu d'après-midi l'ennemi a presque réussi à encercler la flotte française. Le GRAND, le MAGNIFIQUE et 2 autres navires réalisant la manœuvre viennent à la rescousse et entraînent l'ennemi vers le Sud, lorsque les anglais réalisent la stratégie, il est trop tard, trop éloignés, il n'ont plus d'utilité au sein de l'action. Depuis le début du combat le SOLEIL ROYAL est la cible à abattre par l'ennemi qui s'acharne dessus, afin qu'il ne succombe pas après ces 5 heures de bataille, plusieurs bâtiments de l'arrière garde se portent à son secours. Vers 16h le renversement de marée, oblige Tourville à signaler à sa flotte de mouiller. L'ennemi lui tarde à en faire autant et dérive vers l'Est le mettant alors de portée de canon, il cesse le feu. Seuls la division d'Asby, poursuivants du GRAND mouillent l'ancre à temps. Après une courte trêve Tourville fonce contre le centre de la ligne anglaise, et la lutte reprend autour du SOLEIL ROYAL assisté par l'escadre bleue de l'avant garde du Marquis de Coêtlogon. Vers 8h30, la visibilité étant très atténuée à cause du brouillard, Tourville fait mouiller à nouveau son navire, puis vers 9heure le brouillard s'atténuant la lutte reprend. Plusieurs brûlots sont dépêchés contre lui mais arrêtés par ses chaloupes.
Russel désespéré de ne pouvoir venir à bout du SOLEIL ROYAL, décide de renoncer à la lutte, lève l'ancre, et, poussé par la marée, laisse dériver ses navires.
La flotte hollandaise menée par Van Almonde décide d'en faire autant. Mais lorsqu'ils mouillent enfin ils ont beaucoup dérivé et se trouvent donc très éloignés du centre français et encore plus de leur arrière garde qui, elle, avait suivi Pannetié au SW et y avait largué son ancre.
Les poursuivants isolés du reste de leur flotte craignent le jusant qui les porterait vers l'ouest et risque de les éloigner encore plus de leurs alliés, divisant complètement l'unité de combat. Ils décident donc de couper leurs amarres et de se laisser porter par le flot qui les conduirait vers l'Est et donc les rapprocherait de leurs partenaires. Mais pour ce faire les navires anglais doivent passer entre la ligne française. Se laissant ainsi dériver vers l'Est, ils sont canonnés par tous les vaisseaux et en particulier le MAGNIFIQUE, le ST PHILIPPE et bien sur le SOLEIL ROYAL. L'ennemi perd donc dans cette manœuvre 2 vaisseaux et 2 de ses amiraux. Vers 22 heures, l'ennemi se retire du champ de bataille après 12 heures d'acharnement pour anéantir la flotte française à 99 contre 44. Au soir de cette glorieuse défense, la flotte française n'a perdu aucun navire malgré l'inégalité des forces et a affligé à l'ennemi de grandes pertes dont environ 5000 hommes, 2 vaisseaux (1 coulé, l'autre incendié) et la majeure partie de ses brûlots.
Pas un des vaisseaux de Tourville n'a péri outre les pertes humaines et tous sont encore en état de naviguer mais ils ont subi des dégâts et le SOLEIL ROYAL, l'HENRI et le FORT sont très endommagés et doivent être réparés d'urgence, mais il n'y a pas un port où se réfugier, les fortifications de Vauban à Cherbourg ayant été détruites par Louvois (ministre de Louis XIV) pour de nouvelles fortifications. Vers 1heure du matin le 30 mai Tourville tente de profiter du jusant pour passer le Raz Blanchard, une brise d'Est se lève et favorise son éloignement de l'ennemi toujours en nombre. De son côté, à la tête de 6 vaisseaux peu endommagés Nesmond commandant du MONARQUE, fait route vers la Hougue. Il laisse au mouillage le BOURBON et le SAINT LOUIS trop lents et repart pour le Havre de Grâce où il en laisse 2 autres, et parvient à regagner Brest en longeant les îles britanniques avec ses derniers vaisseaux, l'ORGUEILLEUX, le SOUVERAIN et l' ILLUSTRE. Tourville met donc le cap à l'Ouest, arrivé devant Cherbourg il ne peut songer à séjourner dans cette rade car l'ennemi n'est pas loin derrière, il lui faut donc passer le Raz Blanchard où l'ennemi n'osera pas le suivre, il préférera contourner les Casquets et donc perdra une marée laissant le temps à la flotte française de rejoindre Brest où elle pourra alors être défendue. Le pilote s'est trompé sur l'heure de la marée, et surpris par le flot les renvoyant vers le NE, 13 vaisseaux ne parviennent pas à passer et sont obligés de mouiller. 22 navires parviennent tout de même à rejoindre St Malo. Tourville quitte le SOLEIL ROYAL percé de toute part, monte sur l'AMBITIEUX et amène 10 navires (l'AMBITIEUX, le MERVEILLEUX, le FOUDROYANT, le MAGNIFIQUE, le TONNANT, le ST PHILIPPE, le TERRIBLE, le FORT, le FIER et le GAILLARD) poussés par le courant le long de la côte nord du Cotentin et les conduit au mouillage de St Vaast la Hougue le 31 mai au soir, où il compte sur la protection des troupes de Jacques II et du maréchal de Bellefonds.
© 2005 CERES - Tous droits réservés - All rights reserved