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Mis à Jour le : 21 mars 2008  16:56
Jours d’émeutes à Lhassa
21 mars 2008

James Miles, seul journaliste occidental présent récemment à Lhassa, décrit la semaine de violence que vient de vivre la capitale. Témoin du pillage du quartier chinois par les émeutiers, puis du bouclage de la ville et de la répression qui a suivi, il estime que la perspective des Jeux Olympiques a conduit les autorités à faire preuve d’une retenue certaine. Miles replace ces évènements dans le contexte du boom économique de la Chine, qui dit-il, a déstabilisé cette société traditionnelle, jalouse de sa culture. La Chine, héritière d’un immense empire continental, est traversée par des forces centrifuges, à l’image de l’Inde et de la Fédération Russe. Les autorités chinoises, comme le Dalai Lama, recherchent un modus vivendi qui ne remette pas en cause l’intégrité territoriale. Il faut espérer que le dialogue entamé par le passé reprenne au plus vite. Dans ce contexte, les Jeux de Beijing sont sans doute la meilleure garantie pour que cette solution pacifique soit couronnée de succès.

Par James Miles, The Economist, 19 mars 2008

Les commerçants chinois situés dans le vieux quartier tibétain savaient mieux que les forces de sécurité que la ville de Lhassa s’était transformée en une poudrière. Le 14 mars, lorsque s’est rapidement répandue à travers les ruelles étroites la nouvelle que la foule jetait des pierres sur les boutiques chinoises, ils ont fermé leurs magasins et se sont enfuis. Les autorités, prises par surprise, sont restées passives alors que la ville était submergée par ses plus grandes manifestations anti-chinoises depuis des décennies.

Ce qui a débuté, (ou peut-être débuté, car Lhassa bruit de rumeurs.), par le passage à tabac de deux moines bouddhistes par la police s’est transformé en un gigantesque défi politique pour le gouvernement chinois. Les évènements du Tibet jettent une ombre sur les préparatifs des Jeux olympiques à Beijing en août. Les manifestations à Lhassa ont déclenché une vague de protestation dans plusieurs monastères sur une large partie du territoire de la « Région autonome du Tibet » de la Chine et dans les provinces environnantes. On n’avait jamais assisté à une telle agitation dans ces montagnes et ces hauts plateaux depuis le soulèvement de 1959, lorsque le Dalaï Lama, le chef spirituel du Tibet, avait fui vers l’Inde.

Les années de croissance économique rapide, dont la Chine avait espéré qu’elles atténuent les revendications séparatistes, ont provoqué le résultat inverse. Les efforts visant à intégrer plus étroitement la région avec le reste de la Chine, en construisant le chemin de fer le plus élevé du monde, qui relie Beijing à Lhassa, n’ont fait qu’alimenter les tensions ethniques dans la capitale tibétaine. La nuit précédent les émeutes, un fonctionnaire du gouvernement tibétain confiait au correspondant de The Economist que Lhassa était avait retrouvé le calme après les protestations de centaines de moines des monastères proches de la ville qui avaient eu lieu au début de la semaine. Il ne pouvait se méprendre plus.

Le fait qu’un correspondant étranger soit autorisé à séjourner dans la ville donne une indication de l’erreur d’interprétation des autorités au sujet de la colère régnant à Lhassa, une ville que les journalistes étrangers sont rarement autorisés à visiter. En janvier 2007, en préparation aux Jeux olympiques, le gouvernement central a publié une nouvelle réglementation destinée à faciliter leurs déplacements à travers le pays. Mais les voyages au Tibet, restaient soumis à la délivrance d’un permis. La visite de The Economist avait été approuvé avant les protestations des moines le 10 et le 11 mars, mais les autorités avaient estimé contrôler suffisamment la situation pour permettre à ce voyage de se poursuivre comme prévu après le 12 mars. De fait, plusieurs lieux de séjours convenus dans l’itinéraire ont été la scène de troubles.

Les émeutes se sont déclenchées à partir de l’artère principale, la Rue de Beijing (un nom qui évoque la domination coloniale pour de nombreux tibétains), au début de l’après-midi du 14 mars. Elles avaient commencé un peu plus tôt aux abords du temple de Ramoche, situé dans une rue proche, après que deux moines aient été battus par des agents de sécurité. (C’est en tout cas la version des tibétains. La version officielle indique que les troubles ont débuté par des moines jetant des pierres sur la police.) Une foule de plusieurs dizaines de personnes s’est alors déchaînée sur l’avenue, dont certains criaient et jetaient des pierres sur les magasins appartenant à des Chinois d’origine Han (le groupe ethnique auquel appartient plus de 90% de la population chinoise) et sur les taxis, dont la plupart à Lhassa sont conduits par des Hans.

L’émeute s’est rapidement propagée à travers les ruelles de la vieille ville tibétaine, située au sud de la Rue de Beijing. Nombre de ces rues sont bordées de petits commerces, pour la plupart appartenant à des Hans ou des Huis, une ethnie musulmane qui contrôle à Lhassa une grande partie du commerce de la viande. Des foules se sont alors rassemblées, apparemment spontanément, en de nombreuses parties du quartier. Elles ont dévasté les magasins n’appartenant pas aux tibétains, et répandu leurs marchandises dans la rue, avant d’y mettre le feu. Tout ce que contenaient ces boutiques, des quartiers de viande de yak jusqu’à la lessive, était apporté sur ces bûchers. Les émeutiers s’amusaient aussi à jeter au feu des bombonnes de gaz avant d’aller se mettre à l’abri en courant avant l’explosion. Quelques uns scandaient « Vive le Dalaï Lama ! » Et « Tibet libre ! »

Pendant des heures, les forces de sécurité sont peu intervenues. Mais les nombreux Hans qui vivent au-dessus de leurs magasins dans le quartier tibétain se sont empressés de fuir. S’ils ne l’avaient pas fait, il aurait pu y avoir davantage de victimes. (Le gouvernement, de façon plausible, déclare que 13 personnes ont été tuées par les émeutiers, la plupart ayant péri dans les flammes.) Ceux qui étaient restés dans leurs appartements au-dessus des magasins, avaient éteint les lumières pour ne pas être repérés et chuchotaient à voix basse de peur que leur dialecte mandarin puisse être entendu depuis la rue par les tibétains. Une adolescente Han a couru se réfugier dans un monastère, et s’est prosternée devant un religieux revêtu de sa robe rouge, qui a accepté de l’abriter.

Les destructions ont été systématiques. Les magasins appartenant à des tibétains étaient signalés comme tels par des foulards blancs traditionnels nouès sur la devanture. Ils ont ainsi échappé à la destruction. Presque tous les autres ont été saccagés. Il est rapidement devenu difficile de parcourir les ruelles en raison des marchandises qui y étaient répandues. Piments, saucisses, jouets (dont se saisissaient de jeunes pillards), farine, huile et même à un endroit des dizaines de petites coupures, répandues à terre et piétinées par des tibétains ravis.

Durant la nuit, les autorités ont envoyé sur place des camions de pompiers pour éteindre les plus gros incendies, appuyés par quelques véhicules blindés transportant des policiers anti-émeute. A l’aube, ils ont également bouclé le quartier tibétain avec un cordon de soldats armés de matraques et stationné des policiers casqués et protégés par des boucliers sur la place faisant face du temple de Jokhang, le sanctuaire le plus sacré du Tibet, situé au coeur du vieux quartier. Mais ils n’ont pas pénétré dans les ruelles, où les émeutes ont continué une deuxième journée consécutive. Les tibétains se trouvant dans le périmètre délimité par ce cordon de sécurité ont attaqué les quelques entreprises Han restées indemnes et ont allumé de nouveaux incendies parmi les monceaux de débris.

Les risques de répression

Les chinois de Lhassa ont été déconcertés et excédés par la lenteur de la réaction des forces de sécurité. Des milliers de personnes ont probablement perdu la plupart, sinon la totalité, de leurs moyens de subsistance (la majorité des petites entreprises de Lhassa n’ont aucune assurance, et encore moins contre les émeutes). Mais les autorités ont été clairement paralysées par les risques politiques qu’impliquait leur réaction. Intervenir par la force - la tactique utilisée pour réprimer les protestations de la place Tiananmen en 1989 et lors de la dernière vague sérieuse d’agitation anti-chinoise à Lhassa au début de l’année - risquerait de provoquer des appels internationaux en faveur du boycott des Jeux Olympiques. Les responsables ont donc choisi de laisser les émeutiers exprimer leur colère, avant de resserrer progressivement le nœud coulant.

Le 15 mars, quelques tirs de gaz lacrymogène ont été effectués sur les manifestants jetant des pierres, avant que ne soit déployé un effort plus concerté pour vider les rues. La police paramilitaire a commencé à patrouiller dans les ruelles et à tirer des coups de feu isolés : non pas des rafales de coups de feu, mais des tirs délibérés, sans doute destinés à mettre en garde plutôt qu’avec l’intention de tuer. Les policiers ont également commencé à se déplacer de toit en toit afin de dissuader les habitants de se rassembler sur des terrasses surplombant les ruelles. Les rumeurs abondent au sujet de tibétains tués par les forces de sécurité dans des incidents isolés au début des émeutes, mais pas au cours de l’ultime effort pour reprendre le contrôle de la ville. En regard des normes chinoises (qui sont peu élevées lorsqu’il s’agit de lutte antiémeute), ces efforts ont semblés relativement mesurés.

Dès la fin de la journée du 15 mars les ruelles étaient redevenues tranquilles. Le lendemain, les patrouilles qui continuaient à effectuer des tirs isolés rendaient la plupart des rues désertes. Une étudiante occidentale a déclaré avoir vu six garçons tibétains tirés hors de leurs maisons par les soldats, puis jetés à terre et battus à coups de pied et de matraque. Ces jeunes ont ensuite été regroupés dans un autobus et emmenés. Les troupes ont recouvert les taches de sang sur la route avec une substance blanche, témoigne-t-elle. Le quartier tibétain est en proie à la peur d’arrestations arbitraires massives maintenant que les autorités tentent de trouver les « meneurs ». L’agence de presse officielle chinoise affirme que 105 émeutiers se sont rendus à la police.

C’est le 17 mars, lorsque les habitants ont recommencé se déplacer plus normalement, que l’étendue des émeutes est apparue. De nombreux commerces appartenant aux chinois Han, bien au-delà du quartier tibétain, ont été attaqués. Plusieurs bâtiments ont été détruits par les flammes. La porte de la principale mosquée de la ville était roussie par le feu, et les fenêtres de l’immeuble abritant le journal Tibet Daily, qui est le relais du Parti communiste dans la région, ont été brisées.

La ville dans son entier a été soumise à une forme de loi martiale sans qu’elle soit déclarée. Le gouvernement a déclaré que seule la police étaient chargée des opérations de sécurité, mais il y avait dans les rues beaucoup de véhicules à l’aspect militaire, dont les plaques d’immatriculation avaient été recouvertes ou retirées. Certains soldats refusaient d’indiquer à quelle force ils appartenaient. Deux véhicules blindés de transport étaient garés en face du Palais du Potala, la plus célèbre attraction touristique de Lhassa, situé sur le flanc de la colline qui domine la ville, et qui est maintenant fermé. Des troupes armées de baïonnettes ont été déployées le long des routes menant aux principaux monastères de la ville, qui ont également été bouclés par la police. Les émeutes le 14 mars et le 15 étaient surtout le fait de citoyens ordinaires, mais les moines sont souvent à l’avant-garde des troubles séparatistes au Tibet.

L’approche de la flamme

La décision du gouvernement de ne pas déclarer la loi martiale, ou d’imposer de toute urgence des restrictions, reflète ses préoccupations au sujet des Jeux olympiques. En mars 1989, les autorités avaient déclaré la loi martiale à Lhassa pour réprimer l’agitation séparatiste. Les mesures prises alors étaient à peine différentes de celles qui sont actuellement en vigueur dans la ville. Le vieux quartier tibétain est bouclé par des soldats en armes, mais les responsables préfèrent s’en tenir à l’euphémisme de « mesures spéciales de contrôle de la circulation ». Cette fois, on a « conseillé » aux touristes étrangers à Lhassa de quitter la ville plutôt que de leur en donner l’ordre. Le 18 mars la police et les soldats ont commencé à déplacer la centaine de touristes restant en ville dans des hôtels situés loin du lieu des émeutes. En 1989, des journalistes étrangers avaient été expulsés de Lhassa. Cette fois, le correspondant de The Economist a été autorisé à rester, mais seulement jusqu’à ce que son permis de séjour arrive à expiration le 19 mars. Aucun autre journaliste n’a reçu d’autorisation.

Bien que le gouvernement tente de paraître conserver sa sérénité, les troubles récents au Tibet dépassent de loin ceux qu’il avait dû affronter en 1989. Depuis le 10 Mars, on a fait état de manifestations non seulement dans les grands monastères de Lhassa (Drepung, Sera et Ganden), mais aussi à celui Samye, situé à environ 60 kilomètres à l’est de Lhassa, ainsi qu’aux monastères de Labrang dans la province du Gansu, de Kirti dans la province du Sichuan et de Rongwo dans la province du Qinghai. Les frontières traditionnelles du Tibet s’étendent jusque dans ces provinces. A proximité du monastère Labrang, les tibétains ont attaqué le 15 mars les boutiques des chinois Han. TibetInfoNet, une agence de presse basée en Grande-Bretagne, a relaté plusieurs manifestations dans différentes régions de Gansu, le 16 mars. A la différence des violences ethniques de Lhassa, selon cette agence, les principales cibles des manifestants étaient les symboles du pouvoir de l’Etat et les bâtiments appartenant au gouvernement.

Le défi posé aux autorités chinoises n’est pas uniquement celui du maintien de l’ordre. La loi martiale imposée à Lhassa en mars 1989 n’avait été levée qu’au mois de mai de l’année suivante. Cette fois, la Chine aura besoin d’aller plus vite pour rétablir un semblant de normalité. Le 20 juin la flamme olympique, après avoir voyagé le mois précédent sur le versant tibétain de l’Everest, doit arriver à Lhassa, où une grande cérémonie est prévue. Interdire la ville aux journalistes et remplir ses rues de soldats serait très embarrassant. Mais annuler cet évènement le serait plus encore.

D’un autre coté, un assouplissement de la répression comporterait des risques. De nombreux tibétains voient les Jeux Olympiques comme une occasion rêvée pour attirer l’attention du monde sur leurs problèmes et la domination chinoise. Les tibétains vivant à l’extérieur de la Chine, et notamment en Inde, ont tiré avantage des Jeux Olympiques pour intensifier leurs efforts de communication. Cette situation est cause de gêne pour l’Inde, qui ne veut pas perturber ses relations avec la Chine, en paraissant tolérer les efforts visant à perturber les jeux. Le 10 mars, la police indienne a bloqué une manifestation réunissant des centaines de tibétains dissidents, qui tentaient d’organiser une marche à travers les montagnes en direction de leur patrie.

La Chine s’inquiète aussi de la possibilité que d’autres minorités ethniques, en particulier les Ouïgours musulmans dans la région de l’extrême ouest du Xinjiang, puissent se voir enhardi par l’activisme tibétain s’il reste incontrôlé. Les autorités chinoises ont utilisé récemment les annonces sur de activités terroristes présumées dans le Xinjiang (comme prétexte pour réprimer la dissidence pacifique, disent les sceptiques). Elles ont affirmé avoir déjoué la tentative d’une femme ouïgour de déclencher un incendie à bord d’un vol à destination de Pékin le 7 Mars.

Plus riches, mais pas plus heureux

Le défi à plus long terme pour la Chine consiste à repenser sa politique au Tibet. L’une des raisons pour laquelle les responsables chinois ont paru aussi surpris par l’agitation tient au fait que le Tibet ne s’est pas comporté comme le reste de la Chine, où la croissance économique rapide semble avoir prévenu la répétition d’évènements comme ceux de la place Tiananmen. Une forte augmentation des dépenses publiques dans les infrastructures au cours des dernières années et la forte croissance de l’industrie touristique du Tibet (facilitée par les nouvelles infrastructures, en particulier pour la liaison ferroviaire, qui a été ouverte en 2006) ont permis que le taux de croissance du PIB de la région reste au dessus de 12% durant les sept dernières années. En 2007, ce taux était de 14%, supérieur de plus de deux points au taux national.

Les revenus ont augmenté trop rapidement. Les responsables prévoient une augmentation de 13% cette année pour les résidents des zones rurales, en une sixième année consécutive de croissance à deux chiffres. Les citadins ont jouit d’une augmentation de 24,5% de leur revenu disponible l’année dernière. Robbie Barnett de l’Université de Columbia estime qu’une nouvelle classe moyenne a émergé à Lhassa au cours de ces dernières années. Mais, constate-il, cela n’a que très peu fait évoluer le sentiment des tibétains sur les questions politiques.

Dans le vieux quartier tibétain, ils sont nombreux à voir les chinois Han comme les plus grands bénéficiaires de la croissance économique. Les Hans possèdent non seulement la plupart des commerces, mais ils s’installent également dans la vielle ville. Certains tibétains estiment que les Chinois Han représentent dorénavant la moitié environ de la population de la ville, et que le chemin de fer en apporte toujours plus. (Un responsable fait toutefois remarquer que la ville est désormais également plus facilement accessible pour les habitants qui vivent dans des régions éloignées du plateau tibétain.)

Les statistiques économiques sont parfois trompeuses. Les revenus peuvent avoir en moyenne augmenté plus rapidement, mais à la campagne ces chiffres ont été faussés par une flambée de la demande en provenance du reste de la Chine pour un type de médecine traditionnelle connue sous le nom de champignon chenille. Les tibétains dans les régions rurales où ce champignon pousse ont vu leurs revenus exploser (et des bagarres ont éclaté parmi eux pour la répartition des terres productrices de ce champignon). Mais dans les villes, beaucoup se plaignent de la hausse rapide des prix des biens importés d’autres régions de la Chine. L’inflation est une autre préoccupation majeure en Chine aussi, mais les tibétains observant les émeutes rappelaient que les autorités chinoises avaient promis que la liaison ferroviaire permettrait de faire baisser les prix. La Zone de Développement Economique et Technologique de Lhassa, restée quasi déserte donne à penser que les responsables rencontrent des difficultés à reproduire au Tibet le boom industriel que l’on observe partout ailleurs en Chine.

Les tibétains éprouvent également un ressentiment à l’égard de la ligne politique dure appliquée par Zhang Qingli, le dirigeant du parti au Tibet. M. Zhang, qui est un Han (La Chine ne semble pas encore faire confiance aux tibétains pour occuper ce poste crucial), a été nommé en 2005, après avoir occupé un poste au Xinjiang où il a écrasé le séparatisme. Lorsqu’il a pris ses fonctions, les règles interdisant aux étudiants et aux familles des fonctionnaires de prendre part à des activités religieuses, jusqu’alors négligées, ont à nouveau commencé à être rigoureusement appliquées. M. Zhang a également multiplié les invectives ouvertes contre le Dalaï-Lama, qui est largement révéré. (De nombreux tibétains à Lhassa accrochent par défi son portrait dans leurs foyers, tout au moins avant que les soldats ne pénètrent chez eux.) M. Zhang a exhorté les monastères à plus « d’éducation patriotique », ce qui implique entre autre de dénoncer le Dalaï Lama. Il a interdit l’affichage de portraits du Karmapa Lama, qui s’est enfui en Inde en 1999 et fait l’objet d’une dévotion au Tibet.

Le rôle du Dalaï Lama

Les responsables chinois sont restés divisés quant à savoir si les contacts avec le Dalaï Lama permettraient de pacifier le Tibet. Entre 2002 et juillet de l’année dernière ils ont tenu six séries de pourparlers avec les représentants du Dalaï Lama. Laurence Brahm, un écrivain américain qui a tenté une médiation, déclare que le débat a atteint un point culminant en 2005, lorsque les Chinois ont semblé reconnaître que le rôle du Dalaï Lama était essentiel pour résoudre les tensions au Tibet. À un moment, les chinois ont même envisagé d’autoriser le Dalaï Lama à visiter la montagne Wutai dans la province de Shanxi, comme une mesure destinée à instaurer la confiance, mais ils ont eu peur de s’engager. Les pourparlers ont finalement échoué sur le refus de la Chine à accepter les déclarations du Dalaï Lama affirmant que son seul but est l’autonomie du Tibet au sein de la Chine.

Désormais, avec la troupe occupant la rue, la reprise du dialogue semble peu probable dans un proche avenir. La Chine a accusé la « Clique du Dalaï Lama » d’avoir organisé les émeutes. Le Dalaï Lama a nié toute implication et a accusé les Chinois de se livrer à un « génocide culturel » dans sa patrie. Mais il doit également se préoccuper de l’avenir des chinois Han au Tibet. De nombreux hommes d’affaires chinois à Lhassa déclarent qu’ils envisagent de partir. Le tourisme des chinois de l’intérieur du pays, qui est crucial pour l’économie de Lhassa, risque lui aussi d’être durement touché. En fin de compte, la Chine pourrait marquer un point grâce à son obsession de l’économie. Si le boom récent n’a pas permis de gagner la loyauté ou l’affection des tibétains, une forte baisse de l’activité les pourrait les rendre encore plus insatisfaits.


Publication originale The Economist, traduction Contre Info

Illustration : scène d’émeute au tibet


Référence
http://contreinfo.info/article.php3?id_article=1846
 
 
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