Joey Starr, la mauvaise réputation
C'est l'histoire du garçon à la mauvaise réputation, Didier Morville alias Joey Starr, figure emblématique du rap français. Son visage figure en gros plan, comme recollé, sur la pochette du livre qu'il vient d'écrire avec Philippe Manoeuvre (1). Un regard fier et des pages de misère. Retiré tout jeune à sa mère, voleur à 12 ans, frappé et harcelé par un père aigri de son passé. Qui, un beau dimanche, met deux coups de planche au lapin chéri du petit Didier. Et hop, à la casserole : «Il me l'a fait manger, mon lapin.» A l'école, le gamin jette les chaises par les fenêtres, ça lui fait du bien. Plus tard, il s'imagine «flic et gangster. Drogué dans une chambre de bonne». Ça commence par la colle à Rustine, le shit. «Et puis la danse est arrivée et ma vie a changé», la révélation hip-hop, l'electric boogie. Bruno Lopez, alias Kool Shen, danse, graffe aussi. Ils ont des potes, Assassin, qui rappent déjà . A 19 ans, Joey Starr quitte son père, dort dans le métro. Alcool, héroïne, acide, «je prends tout ce qui traîne». 1989, NTM sort son premier disque. Ils font du rap hardcore, «avec ce qu'on a». Un type de chez Polydor adore : «Par contre, ça vous intéresserait si je vous proposais un parolier?» Les NTM sortent « le Monde de demain ». 1992, le Zénith. Les rivalités Paris/Marseille, NTM/IAM : «Les IAM ont toujours été conceptuels, alors que les NTM arrivaient habillés en profs d'éducation physique.» Après, il y a la vie avec Béatrice Dalle, des pitbulls pour compagnie, et la fin du Suprême. Une claque pour Joey Starr, qui dit à Kool Shen : «J'ai vécu une aventure avec toi. Tu étais ma famille.» Ça n'a rien changé. Les deux amis ne se sont plus revus jusqu'en 1999, à l'enterrement d'une danseuse du groupe, ancienne petite amie de Kool Shen. Didier Morville et Bruno Lopez ne se sont pas embrassés comme avant, ils se sont juste serrés la main. NTM, c'est de l'histoire ancienne.
Elsa Vigoureux
Le Nouvel Observateur
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