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Histoire
de la
M
Ă©decine
et des
S
ciences
(1980) ; enfin, le dernier correspond Ă
lâhistoire moderne du BCG.
De 1900 Ă 1933 : lâĆuvre de Calmette
En 1894, Albert Calmette fut nommé
Directeur du nouvel Institut Pasteur
de Lille, oĂč il se prĂ©occupa de la si-
tuation catastrophique de la popula-
tion trÚs touchée par la tuberculose,
créant en 1901 les premiÚres struc-
tures de prise en charge des patients
sous la forme de dispensaires Ă©duca-
tifs. En 1897, il fut rejoint par Camille
Guérin, vétérinaire qui avait travaillé
sur la tuberculose en Allemagne. A
partir de 1902, ensemble ils Ă©tudiĂš-
rent lâinfection tuberculeuse des bo-
vins produite par voie orale et se pré-
occupĂšrent plus particuliĂšrement des
modalités de pénétration des bacilles
bovins virulents au niveau de la mu-
queuse digestive. Par ailleurs, Ă partir
de 1904, en collaboration avec
H. Vallée et Rossignol, ils étudiÚrent
la protection acquise induite par le
Bovo-vaccin (bacille humain légÚre-
ment atténué) suivant la technique
de Berhing, aprĂšs administration par
voie veineuse Ă des veaux de six mois.
Les conclusions de ces Ă©tudes confir-
mĂšrent quâĂ cĂŽtĂ© dâune certaine pro-
tection, de faible durée, cette métho-
de présentait un risque majeur :
lâexcrĂ©tion par le lait et les selles de
bacilles tuberculeux humains. Malgré
la connaissance de tous les Ă©checs
des différentes tentatives pour atté-
nuer les bacilles humains virulents,
de nouvelles et nombreuses tenta-
tives furent entreprises sans plus de
succĂšs. Mais en 1908, une observa-
tion fortuite allait les mettre sur le
chemin de la dĂ©couverte. Ce fut lâob-
tention dâune Ă©mulsion bacillaire fi-
nement dispersĂ©e grĂące Ă lâajout
dâune goutte stĂ©rile de bile de bĆuf
dans le milieu de culture qui fut le
point de dĂ©part de cultures dâoĂč de-
vait dériver le BCG. AprÚs de trÚs
nombreuses tentatives pour obtenir
un milieu de culture approprié, le
choix définitif se fit sur des morceaux
de pommes de terre cuits dans la bile
de bĆuf pure, contenant 5 % de gly-
cérine et maintenus à 38 °C dans un
excĂšs de bile. Comme le signalait Ca-
mille Guérin [2], aprÚs quelques hé-
sitations les bacilles bovins se mirent
à proliférer et les cultures purent ain-
si ĂȘtre transplantĂ©es de 3 semaines en
3 semaines sur du milieu neuf. Mais
au bout de quelques mois, les colo-
nies types de bacilles bovins, de
sĂšches et granuleuses (rough) devin-
rent visqueuses, lisses, humides et
blanches (smooth) de façon perma-
nente. La virulence de chacune des
subcultures était évaluée sur des
veaux de six Ă douze mois. AprĂšs une
légÚre augmentation initiale, les ba-
cilles issus des subcultures smooth per-
dirent graduellement leur virulence
et aprĂšs le 30
e
passage, ces bacilles
devinrent totalement avirulents, com-
me le montrĂšrent de nombreux es-
sais faits sur les vaches, les rongeurs
de laboratoire et les singes. Ces ca-
Vaccination antituberculeuse
par le BCG :
historique dâune dĂ©couverte
et de ses controverses
S
elon les résultats colligés par
lâOMS relatifs Ă la couverture
vaccinale du programme Ă©largi
des vaccinations (PEV), la vaccina-
tion antituberculeuse par le BCG re-
présente la plus fréquemment effec-
tuĂ©e. Cela, malgrĂ© lâexistence, tout
au long de son histoire, de débats et
de controverses passionnés sur son
innocuitĂ© et son efficacitĂ©. Lâimpor-
tance de la résurgence de la tuber-
culose-maladie ces derniĂšres an-
nées, aussi bien dans les pays
industrialisés que dans les pays sous-
développés, a suscité la réévaluation
de lâefficacitĂ© vaccinale et la renais-
sance de recherches sur la tubercu-
lose et sur sa prévention vaccinale.
Le faible niveau des connaissances
sur la physiopathologie moléculaire
de la maladie, sur les mécanismes
immunitaires associés à la protec-
tion et donc sur les marqueurs utili-
sables comme tĂ©moins de lâacquisi-
tion dâune rĂ©ponse immune a laissĂ©
le champ libre aux interprétations
plus ou moins erronées des variabi-
litĂ©s dâefficacitĂ© vaccinale Ă©valuĂ©es
dans les essais cliniques.
Historique du BCG
Celui-ci se divise en trois parties, arbi-
trairement séparées :
la premiĂšre
concerne les événements contempo-
rains dâAlbert Calmette, la seconde a
trait aux développements survenus
entre sa mort (1933) et les résultats
publiĂ©s de lâessai de Chingleput
HISTOIRE
médecine/sciences 1998 ; 14 : 314-9
DE LA MĂDECINE ET DES SCIENCES
315
m/s n° 3, vol. 14, mars 98
ractéristiques phénotypiques furent
conservĂ©es jusquâau 230
e
passage
aprĂšs treize ans de subcultures suc-
cessives, et caractérisÚrent la souche
définitive appelée alors bacille bilié
de Calmette-GuĂ©rin. Mais avant dâen
arriver lĂ , que de controverses et quel
acharnement dans le travail pour dé-
montrer la stabilité de cette souche,
son absence de réversion vers la viru-
lence, donc son atténuation perma-
nente et surtout sa capacité protectri-
ce. Des passages rĂ©pĂ©tĂ©s de cobaye Ă
cobaye, avec de fortes ou de faibles
doses, par voie intraveineuse, sous-cu-
tanée, intrapéritonéale ne furent ja-
mais associĂ©s Ă lâisolement dâune
souche ayant regagné sa virulence
initiale. Lâinjection intraveineuse de
Une étable expérimentale (figure 1),
oĂč furent implantĂ©es des vaches
contaminantes, contenait des jeunes
génisses vaccinées, intercalées avec
des génisses témoins. Au bout de
18 mois, alors que la majorité des gé-
nisses témoins étaient atteintes de lé-
sions tuberculeuses, aucune génisse
vaccinée par le BCG ne montraient
de lésions tuberculeuses. Par ailleurs,
les différentes expériences montrÚ-
rent que lâinoculation des bacilles at-
tĂ©nuĂ©s pouvait ĂȘtre rĂ©alisĂ©e chez les
jeunes veaux par voie orale, veineuse
ou sous-cutanée. Cette derniÚre voie
semblait la plus efficace. Les diffé-
rentes dĂ©monstrations de lâacquisi-
tion dâune protection aprĂšs vaccina-
tion chez les bovins furent
accompagnĂ©es dâessais de protection
chez les cobayes et chez les lapins
avec le mĂȘme succĂšs. Il fut proposĂ©
aux éleveurs, dÚs 1921, de protéger
leurs troupeaux infectés par la vacci-
nation de tout veau nouveau-né, les
expériences en grandeur nature dans
des fermes expérimentales ayant
montré le bénéfice de cette vaccina-
tion [2].
Par ailleurs, plusieurs essais prélimi-
naires avaient fourni la preuve de
lâinnocuitĂ© du BCG (1 Ă 5 mg) par
voie sous-cutanée ou intrapéritonéale
chez les macaques. Mais, avant
dâĂ©tendre les essais de vaccination
préventive qui avaient été réalisés
chez quelques nourrissons, il parut
indispensable dâĂ©valuer la protection
induite par le BCG de différentes es-
pĂšces de singes maintenus dans des
conditions expérimentales contrÎlées
et sans faille. Câest ce qui fut rĂ©alisĂ©
en collaboration avec le docteur Wi-
bert de lâinstitut Pasteur de lâex-Gui-
nĂ©e française [2]. Comme pour lâex-
périence des génisses en stabulation
contaminante, les jeunes singes
(chimpanzés, pithéciens) vaccinés
par voie orale (3 fois 50 mg) ou par
voie sous cutanée (1 fois 50 mg) co-
habitaient dans la mĂȘme cage, dâune
part, avec un singe de mĂȘme espĂšce
infectĂ© par voie orale et, dâautre part,
avec un ou deux singes témoins. Les
différents singes infectés et les té-
moins dans leur grande majorité dé-
cédÚrent de tuberculose.
Aucun singe vacciné ne mourut de
tuberculose. Il Ă©tait ainsi clairement
3 mg de bacilles bovins virulents
(1,2
x
10
8
bacilles vivants) entraĂźnait
réguliÚrement chez les veaux de six
mois une granulie pulmonaire aiguë
mortelle en 4 Ă 6 semaines. Les ba-
cilles cultivés sur bile, aprÚs le
30
e
passage, inoculĂ©s par la mĂȘme
voie et Ă des doses de 1 Ă 5 mg nâen-
traĂźnaient aucune affection clinique
ni histologique prouvée lors des au-
topsies. Il en Ă©tait de mĂȘme avec des
doses trÚs élevées (200 mg). Par
ailleurs, les veaux ainsi traités deve-
naient résistants aux inoculations in-
fectantes avec les bacilles virulents.
DÚs 1912 furent entreprises des expé-
riences qui montraient, par ailleurs,
la résistance des génisses vaccinées
mises en stabulation contaminante.
HISTOIRE
Figure 1. Dessin reprĂ©sentant une Ă©table pour lâinfection tuberculeuse expĂ©-
rimentale par cohabitation. En rouge, les vaches contaminantes et les veaux
non protégés par la vaccination, intercalés avec les veaux vaccinés (en
blanc). (DâaprĂšs [2].)
316
m/s n° 3, vol. 14, mars 98
dĂ©montrĂ© que lâinoculation ou lâin-
gestion de BCG, mĂȘme de doses
massives (100 mg de bacilles vivants
atténués), était inoffensive pour les
chimpanzés et les pithéciens (ba-
bouins, callitriches, patas, cerco-
cĂšbes). Lâinjection sous-cutanĂ©e
dâune forte dose sâaccompagnait
dâun abcĂšs froid qui guĂ©rissait sans
complication. En outre, ces singes
pouvaient ĂȘtre aisĂ©ment prĂ©munis
par une seule injection sous-cutanée
de BCG, ou par cinq ingestions,
contre lâinfection tuberculeuse Ă la-
quelle ils étaient exposés lors de la
cohabitation continue et Ă©troite avec
des singes artificiellement infectés et
contagieux.
ParallĂšlement, les connaissances Ă©pi-
démiologiques touchant la mortalité
infantile liée à la tuberculose permi-
rent de mesurer ses méfaits, tout par-
ticuliĂšrement chez les nourrissons vi-
vant dans des foyers oĂč lâun des
parents était atteint : sur 100 décÚs
avant 1 an, 25 Ă 50 Ă©taient liĂ©s Ă lâin-
fection tuberculeuse. En 1921, de-
vant les résultats expérimentaux ob-
tenus, le docteur Weill-Hallé
demandait Ă A. Calmette la possibili-
té de faire un essai clinique de pré-
munition par le BCG chez des nour-
rissons fatalement exposés.
En juillet de la mĂȘme annĂ©e, chez un
premier nourrisson, nĂ© dâune mĂšre tu-
berculeuse morte Ă la naissance de
lâenfant, et qui devait ĂȘtre Ă©levĂ© par
une grand-mĂšre elle-mĂȘme tubercu-
leuse, le BCG fut administré aux 3
e
, 5
e
et 7
e
jours aprĂšs la naissance. Bien que
vivant dans un foyer tuberculeux, cet
enfant se développa normalement,
sans présenter de lésion tuberculeuse.
AprĂšs une pĂ©riode dâobservation de
six mois montrant la tolĂ©rance et lâef-
fet bénéfique de la vaccination, celle-ci
fut Ă©tendue Ă dâautres nouveau-nĂ©s de
lâhĂŽpital de la CharitĂ© Ă Paris, exposĂ©s
aux mĂȘmes conditions. Une premiĂšre
sĂ©rie de vaccinations, de juillet 1921 Ă
juin 1922, porta sur 120 nourrissons,
dont 80 furent revus quatre ans plus
tard : ils étaient en bonne santé, vingt-
quatre dâentre eux vivaient en milieu
contaminé. Cette premiÚre expérience
montrait Ă la fois lâinnocuitĂ© du BCG
et sa possible efficacité. De juillet 1922
Ă la fin juin 1924, le docteur Weill-Hal-
lé et le professeur Turpin vaccinÚrent
Câest alors quâĂ©clata en 1929 ce qui
fut appelĂ© le dĂ©sastre de LĂŒbeck. Une
commission dâenquĂȘte, en 1932 [6],
Ă©tablira que sur les 240 enfants qui
avaient été vaccinés par voie orale
par le mĂȘme lot de BCG, 72 (30 %)
Ă©taient morts de tuberculose, 127
(53 %) avaient fait une tuberculose
clinique avec guérison et 41 (17 %)
nâavaient prĂ©sentĂ© aucun signe cli-
nique mais une conversion tuberculi-
nique. De mĂȘme, cette commission
dâenquĂȘte Ă©tablira que la souche de
BCG utilisée avait été contaminée
par une souche virulente de M. tuber-
culosis
(souche Kiel ; facilement iden-
tifiable en culture par son caractĂšre
pigmentaire) et qui avait été manipu-
lée dans le laboratoire produisant le
vaccin.
Malgré les résultats de cette commis-
sion dâenquĂȘte, excluant toute res-
ponsabilité du BCG dans ces événe-
ments, et les conclusions des réunions
dâexperts internationaux (bactĂ©riolo-
gistes, cliniciens, vétérinaires), en
1928 Ă Paris et en 1930 Ă Oslo, il fallut
attendre juin 1948 pour que soit re-
connue de façon dĂ©finitive lâinnocui-
té du BCG[7], et que puissent alors
débuter les vastes campagnes de vac-
cination antituberculeuse, ce que ne
vit pas Albert Calmette qui mourut le
29 octobre 1933.
De 1933 Ă 1980 :
lâhĂ©ritage dâAlbert Calmette
Un premier aspect Ă signaler concer-
ne lâamĂ©lioration technologique de
la réalisation des vaccinations. Alors
quâinitialement la voie dâadministra-
tion recommandée par Calmette, en
particulier pour les nouveau-nés,
Ă©tait la voie orale, les enfants plus
ùgés recevant une injection sous-cuta-
née, Wallgren recommandait, dÚs
1928, la voie intradermique qui per-
mettait de diminuer en trĂšs grande
majorité les incidents locaux ou loco-
régionaux de la voie sous-cutanée [8].
Câest cette technique qui est recom-
mandĂ©e actuellement par lâOMS.
Mise au point par Rosenthal [9] une
variante vit le jour en 1937 qui consis-
tait Ă administrer le vaccin grĂące Ă un
multipuncteur, en particulier chez
les nouveau-nés et le nourrisson. Un
deuxiĂšme apport technologique trĂšs
une autre sĂ©rie dâenfants. Sur les
317 enfants vaccinés, 236 provenaient
de milieux apparemment non conta-
minés et 77 de parents tuberculeux.
Sur les 14 décÚs relevés, 1 seul concer-
nait une atteinte tuberculeuse chez
une enfant vivant en milieu contami-
né. Ces résultats étaient communiqués
le 24 juin 1924 Ă lâAcadĂ©mie de MĂ©de-
cine de Paris. AussitĂŽt, affluĂšrent les
demandes de vaccin, tant de France
que de lâĂ©tranger. Le 1
er
juillet 1924,
Ă©tait alors crĂ©Ă© Ă lâinstitut Pasteur le
premier centre de fabrication et de
distribution gratuite de BCG [2].
En février 1927, apparut le rapport de
M. Moine (statisticien du Comité na-
tional de DĂ©fense contre la Tubercu-
lose) auquel avait Ă©tĂ© confiĂ©e lâanalyse
des différentes fiches individuelles des
enfants vaccinés par le BCG.
Sur 21 200 enfants vaccinés, 970 en-
fants de 0 à 1 an étaient enregistrés
comme ayant vécu dans un foyer tu-
berculeux. Parmi ceux qui avaient
été vaccinés 1 à 2 ans auparavant, la
mortalité globale était de 8,9 % et la
mortalité tuberculeuse de 0,8 % ; au-
cune mortalité par tuberculose
nâĂ©tait enregistrĂ©e chez les enfants
vaccinés depuis plus de 2 ans. Pre-
nant en compte les décÚs par causes
non spĂ©cifiĂ©es comme pouvant ĂȘtre
attribués par défaut à la tuberculose,
M. Moine chiffrait alors la mortalité
tuberculeuse pour lâensemble des
970 enfants vaccinés et vivant dans
un milieu infecté, à 3,9 %, chiffre trÚs
largement inférieur au taux moyen
de mortalitĂ© des enfants de la mĂȘme
catégorie non vaccinés, qui était de
24 % pour lâensemble du territoire
français et de 33 % à Paris. En 1929,
fut connu le rapport fait par Heim-
beck [3] en NorvĂšge qui concluait Ă
lâefficacitĂ© du BCG comme vaccin an-
tituberculeux dans un groupe de
355 infirmiĂšres. MalgrĂ© lâaccumula-
tion des résultats favorables, obtenus
en France et Ă lâĂ©tranger, un scepti-
cisme concernant lâinnocuitĂ© et lâeffi-
cacité du BCG persistait, relancé pé-
riodiquement, soit par des critiques
mĂ©thodologiques (absence dâessais
contrÎlés statistiquement valables
â Greenwood en 1928 [4] â, soit par
la proclamation dâisolement de
souches virulentes Ă partir des cul-
tures de BCG (Petroff en 1929 [5]).
317
m/s n° 3, vol. 14, mars 98
important a été la conservation des
souches de BCG sous forme lyophili-
sée [10]. Ainsi afin de prévenir tou-
te modification ultérieure liée aux
subcultures nécessaires à la prépara-
tion du vaccin, le passage tradition-
nel des souches sur pommes de ter-
re bilié a été abandonné au profit
de lots de semence lyophilisés, ser-
vant alors de lots primaires et de
source aux lots secondaires, pour la
production des vaccins. La méthode
de préparation du vaccin a été stan-
dardisée, et la trÚs grande majorité
des laboratoires producteurs utili-
sent la mĂȘme technologie de pro-
duction et de contrÎle de qualité,
suivant les recommandations de
lâOMS [11]. Mais avant cette stabili-
sation les souches filles de BCG ont
dĂ©rivĂ© dans le temps, aboutissant Ă
des phénotypes et génotypes diffé-
rents suivant la technique utilisée et
la sélection des souches vaccinales.
Un deuxiĂšme aspect Ă signaler est le
développement mondial de la vacci-
nation. A partir de 1948, sous lâĂ©gide
de lâUNICEF et de lâOMS, ont com-
mencé les grandes campagnes de mas-
se de vaccination par le BCG. On note
quâentre 1951 et 1961, sur 800 mil-
lions de personnes concernées, 45 mil-
lions avaient été testées avec la tuber-
culine, dans 41 pays, et 180 millions
avaient reçu le BCG. Depuis cette pé-
riode, la vaccination par le BCG a été
largement utilisée dans beaucoup de
pays pour leur programme de lutte
antituberculeuse, car elle représentait
la seule mesure applicable Ă grande
Ă©chelle. En 1980, cette vaccination
était réalisée dans environ 3/4 de la
totalité des pays et territoires des cinq
continents, parmi lesquels la quasi-to-
talité des pays du tiers-monde [12].
Elle Ă©tait obligatoire dans 68 pays et
officiellement recommandée dans
118 pays et territoires. LâĂ©chantillon
de la population le plus largement
vacciné est constitué par les nouveau-
nés et les enfants, en particulier ceux
dâĂąge scolaire.
Le troisiĂšme aspect concerne lâĂ©va-
luation de lâefficacitĂ© vaccinale du
BCG, Ă la fois sur le plan individuel
(niveau de protection contre la ma-
ladie tuberculeuse) et sur le plan
collectif (diminution de lâincidence
dans la population). De nombreux
rents essais contrÎlés, et malgré les
résultats désastreux de celui relatif au
dernier effectué en Inde (Chingle-
put), lâOMS recommandait en 1980
la poursuite de la vaccination inté-
grée dans la lutte antituberculeuse,
en particulier pour les nourrissons et
les enfants. NĂ©anmoins, il admettait
la nĂ©cessitĂ© dâune politique vaccinale
adaptée aux différentes situations
géographiques rencontrées dans les
différents pays.
Enfin le quatriĂšme aspect concerne
lâĂ©largissement des indications du
BCG. Son rĂŽle comme vaccin poten-
tiel contre la lĂšpre â dont les pre-
miers essais chez lâhomme sont
contemporains de celui réalisé pour
la lutte contre la tuberculose [16] â a
été remis en question du fait des ré-
sultats obtenus aprÚs différents essais
contrĂŽlĂ©s, car la mĂȘme variabilitĂ© des
résultats a été observée. Un deuxiÚ-
me type dâindication a Ă©tĂ© envisagĂ©,
concernant le pouvoir immunostimu-
lant du BCG en tant que traitement
adjuvant de certains processus tumo-
raux. AprĂšs un certain nombre dâes-
poirs légitimes quant à son efficacité,
celle-ci nâa pu ĂȘtre prouvĂ©e que pour
le traitement des cancers de la vessie
qui reprĂ©sentent, dans ce cadre, lâin-
dication majeure du BCG depuis
1976 [15].
essais dâĂ©valuation du BCG ont Ă©tĂ©
rĂ©alisĂ©s dĂšs son application Ă lâhom-
me.
En ce qui concerne les essais statisti-
quement contrÎlés du BCG, au
nombre de neuf et appliqués à des
groupes dâindividus en gĂ©nĂ©ral com-
portant des adultes jeunes et des
adultes, lâensemble des rĂ©sultats
montre que lâefficacitĂ© observĂ©e varie
de 0 % Ă 80 % [13]. NĂ©anmoins, il res-
sort des différents essais que le BCG
est efficace dans la protection contre
les formes disséminées de tuberculo-
se, comme la méningite tuberculeuse
et la miliaire du petit enfant.
Les résultats concernant la protection
contre la tuberculose pulmonaire de
lâadolescent et de lâadulte jeune sont
plus discordants et nâentraĂźneraient
une protection que chez 50 % des
vaccinĂ©s. Dâautres Ă©tudes ont montrĂ©
que par ailleurs la vaccination des en-
fants par le BCG nâentraĂźnait au sein
dâune communautĂ© aucune modifica-
tion dans la transmission des bacilles,
donc pas de diminution de lâinciden-
ce de la tuberculose maladie, au
contraire de la chimiothérapie antitu-
berculeuse prescrite Ă tout malade at-
teint de tuberculose pulmonaire acti-
ve contagieuse.
A la suite de lâanalyse exhaustive des
résultats obtenus au cours des diffé-
HISTOIRE
1977
1991
Pourcentage
de
couverture
100
0
80
60
40
20
1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990
TĂ©tanos
Rougeole
DTC3
Polio 3
BCG
Figure 2. Couverture vaccinale des enfants de moins de douze mois (1977-
1991). DonnĂ©es extraites du systĂšme dâinformation du programme Ă©largi de
vaccination, publiĂ©es dans le RelevĂ© ĂpidĂ©miologique Hebdomadaire de
lâOMS du 8 janvier 1993. DTC : diphtĂ©rie, tĂ©tanos, coqueluche.
318
m/s n° 3, vol. 14, mars 98
De 1980 Ă nos jours
Suivant les résultats publiés récem-
ment par lâOMS, le BCG reprĂ©sente
le vaccin le plus utilisé dans le mon-
de [16]. En 1993 dans 172 pays oĂč la
vaccination est employée, 85 % des
nourrissons ont reçu le BCG (figu-
re 2). La couverture moyenne va de
62 % en Afrique Ă 92 % en Asie du
Sud-Est et dans le Pacifique occiden-
tal. La vaccination par le BCG est sys-
tématique dans les pays en voie de
dĂ©veloppement, alors quâelle a cessĂ©,
ou est devenue moins fréquente dans
de nombreux pays industrialisés
dâEurope occidentale ou dâAmĂ©rique
du Nord. Les politiques varient selon
le pays et les rĂ©gions, de mĂȘme que
les préparations vaccinales. Lorsque
le BCG est utilisé, le vaccin est admi-
nistré le plus souvent à la naissance
ou avant lâĂąge de 1 an. Cette capacitĂ©
dâĂȘtre inoculĂ© trĂšs tĂŽt permet dâobte-
nir la couverture la plus large pos-
sible. Dans certains pays, une revacci-
nation intervient Ă lâentrĂ©e Ă lâĂ©cole,
avec ou sans vérification de la répon-
se cutanée à la tuberculine.
A partir des années 1984-1985 ont
commencĂ© Ă ĂȘtre publiĂ©s des articles
faisant Ă©tat dâune augmentation de
fréquence des tuberculoses chez les
patients co-infectés par le virus de
lâimmunodĂ©ficience humaine (VIH),
nismes de défenses vis-à -vis des myco-
bactéries pathogÚnes. Ces médiateurs
sont Ă©laborĂ©s Ă la suite dâune sĂ©rie de
cascades de signalisation, dâactivation
et de différenciation, impliquant les
cellules macrophagiques, les cellules
dendritiques, les cellules lympho-
cytaires (natural killer : NK ; lympho-
cytes T â inflammatoires et cyto-
toxiques ayant des récepteurs T de
type
αÎČ
ou
ÎŽÎł
). Une publication ré-
cente [20] a mis en Ă©vidence le rĂŽle
majeur jouĂ© par lâIFN
Îł
dans la sus-
ceptibilité des enfants qui présentent
des BCGites disséminées mortelles,
malgrĂ© lâemploi dâune chimiothĂ©ra-
pie efficace. Un des déficits possibles
a Ă©tĂ© caractĂ©risĂ© sous la forme dâun
déficit transmis, autosomique et ré-
cessif, qui entraĂźne lâabsence dâex-
pression de la sous-unité R1 du récep-
teur de lâIFN
Îł
. Ce phénotype peut
ĂȘtre associĂ© Ă un dĂ©faut gĂ©nĂ©tique liĂ©
Ă plusieurs types de mutations dans
un des allĂšles du gĂšne de lâIFN
Îł
R1,
ce qui entraßne une invalidation gé-
nique totale (ou knock-out) chez les
enfants homozygotes.
Parmi les nouvelles voies vaccinales
antituberculeuses qui sâouvrent ac-
tuellement, plusieurs pistes sont envi-
sagées. La premiÚre est relative à la
sĂ©lection dâantigĂšnes impliquĂ©s dans
la protection. Plusieurs antigĂšnes-
candidats solubles ont démontré une
certaine efficacité dans les modÚles
expérimentaux (souris, cobaye).
Lâobligation de les associer Ă un ad-
juvant peut ĂȘtre une limitation chez
lâhomme. La deuxiĂšme piste concer-
ne lâattĂ©nuation de la virulence de
M. tuberculosis ayant conservé une im-
munogénicité protectrice, mais au-
cun résultat probant de protection
nâa Ă©tĂ© obtenu Ă lâheure actuelle. La
troisiĂšme direction sâoriente vers la
possibilitĂ© dâattĂ©nuation de la viru-
lence résiduelle du BCG afin de pou-
voir lâutiliser en cas de dĂ©ficit immu-
nitaire. De mĂȘme lâemploi du BCG
recombinant présentant des épitopes
dâintĂ©rĂȘt, associĂ© Ă la production de
cytokines sélectionnant une réponse
favorable de longue durée, a été en-
visagé aprÚs quelques résultats expéri-
mentaux intéressants. Enfin la derniÚ-
re approche consiste dans lâutilisation
dâinjections intramusculaires dâADN
plasmatique (ADN nu) codant pour
en particulier dans les pays (Ătats-
Unis dâAmĂ©rique) oĂč cette infection
semblait Ă©merger [17]. Cette exten-
sion du nombre de nouveaux cas de
tuberculose-maladie a été parfaite-
ment dĂ©celĂ©e Ă partir de lâannĂ©e
1985, comme cela apparaĂźt dans la fi-
gure 3. Si aucune différence significa-
tive nâa Ă©tĂ© montrĂ©e quant Ă la plus
ou moins grande transmissibilité de
M. tuberculosis entre les populations
VIH
+
et VIH
â
, lâĂ©mergence de vĂ©ri-
tables épidémies de tuberculoses no-
socomiales mettant en jeu la vie des
patients VIH
+
et du personnel soi-
gnant a dramatisé la perception que
lâon avait de la tuberculose. Elle a en-
core été aggravée par la publication
de lâĂ©mergence de bacilles tubercu-
leux multirésistants, en particulier
vis-Ă -vis de lâisoniazide et de la rifam-
picine.
Sont apparues alors deux notions im-
portantes pour la lutte contre la tu-
berculose : la premiĂšre concerne lâap-
plication supervisée des traitements
(appelée DOT : directly observed therapy)
et, la seconde, la possible utilisation
du BCG (ou de tout nouveau vaccin
antituberculeux) comme moyen pro-
phylactique [19].
Du fait de cette nouvelle perception
et dâune apparente faible efficacitĂ©
protectrice du BCG, de nombreuses
approches moléculaires et géné-
tiques des relations hĂŽte-BCG se sont
développées afin de proposer de
nouveaux vaccins.
Ces approches correspondent à la né-
cessité de bien comprendre les inter-
relations qui peuvent permettre,
dâune part, Ă lâhĂŽte de se dĂ©fendre
vis-Ă -vis du BCG et de M. tuberculosis
et, dâautre part, dâoptimaliser la
connaissance des antigĂšnes (Ă©pitopes
protecteurs) produits par le vaccin
actuel. Une approche complémentai-
re vise à déterminer les facteurs de
pathogénicité de M. tuberculosis et,
par manipulation génétique, de pro-
duire des souches avirulentes, non
pathogĂšnes, capables dâinduire une
réponse protectrice.
Les Ă©tudes expĂ©rimentales chez lâani-
mal (en majorité la souris) ont mon-
tré le rÎle essentiel des médiateurs
cellulaires (interféron gamma : IFN
Îł
;
tumor necrosis factor
α
: TNF
α
; et in-
terleukine-12 : IL-12) dans les méca-
Cas
Année
1980
1984 1986 1988 1990 1992 1994
1982
28 000
20 000
27 000
26 000
25 000
24 000
23 000
22 000
21 000
Figure 3. Nombre de nouveaux cas
annuels de tuberculose notifiés entre
1980 et 1995 aux Ătats-Unis. Don-
nées du CDC (Centers for disease
control and prevention) dâAtlanta.
319
m/s n° 3, vol. 14, mars 98
HISTOIRE
une protĂ©ine dâintĂ©rĂȘt. Les rĂ©sultats
expĂ©rimentaux dâune telle approche
ont montré une capacité protectrice
Ă©quivalente Ă celle du BCG.
Néanmoins ces différentes approches,
issues des progrĂšs technologiques et
conceptuels doivent ĂȘtre confrontĂ©es
aux rĂ©alitĂ©s du terrain. Et si lâutilisa-
tion de tels vaccins devait ĂȘtre envisa-
gée, il est évident que le poids finan-
cier et Ă©thique dâune dĂ©marche
dâĂ©valuation pour dĂ©montrer leur ca-
pacité supérieure à celle du BCG ac-
tuel doivent ĂȘtre pris en compte. Il de-
vient alors primordial de développer
nos connaissances sur les mécanismes
de la protection antituberculeuse et
dâen dĂ©gager des marqueurs indivi-
duels permettant dâaffirmer la protec-
tion acquise postvaccinale. Que les dé-
marches acharnées de Calmette et de
GuĂ©rin, pour sâassurer dâune protec-
tion et de lâinnocuitĂ© de leur souche
vaccinale, nous soient un exemple
dans la poursuite de nos investigations
qui doivent aboutir Ă la mise en
Ćuvre dâune immunisation effective
contre toutes les formes de tuberculo-
se
â
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TIRĂS Ă PART
P.H. Lagrange.
Philippe H. Lagrange
Professeur des universités, Praticien hos-
pitalier, Chef de service. Service de micro-
biologie, HĂŽpital Saint-Louis, 1, avenue
Claude-Vellefaux, 75475 Paris Cedex 10,
France.
Jeune société de biotechnologie,
spécialisée dans la mise au point de nouveaux traitements contre le cancer,
Recherche (H/F) :
1 RESPONSABLE DE PRODUCTION
(Medical Device)
De formation scientifique : Ph. D, pharmacien ou ingénieur.
Expérience en biotechnologie souhaitée.
1 TECHNICIEN DE PRODUCTION
Formation BTS ou Ă©cole technique, orientation biotechnologie.
Envoyer C.V. + lettre de motivation (RĂ©f. MC) Ă IDM :
172, rue de Charonne, 75011 Paris, France.
Fax : 01 40 09 04 25
OFFRES DâEMPLOI