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ISABELLE GARO

Marx dans le texte

Rouge2256, 12/06/2008

Enseignante en philosophie à Lille, Isabelle Garo coorganise le projet Grande édition Marx et Engels (Geme) en français. Il s’agit d’un vaste projet collectif, qui englobe une nouvelle traduction de l’ensemble des œuvres, articles, manuscrits, correspondance de Karl Marx et Friedrich Engels, ainsi que leur publication sous formes papier et électronique. Il associe les Éditions sociales et l’association Geme, en partenariat avec, notamment, l’université de Paris 1, l’université de Dijon, la Mega (édition allemande), le Centre national du livre et la Fondation Gabriel-Péri.

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Peux-tu rapidement nous présenter le projet ?

Isabelle Garo – C’est un projet déjà ancien, puisqu’il s’agit de prendre la suite de ce que les anciennes Éditions sociales avaient commencé, à savoir la traduction en français des œuvres complètes de Marx et d’Engels. La nouveauté est que, outre l’ampleur inédite des traductions envisagées, nous voulons mettre sur pied une édition scientifique rigoureuse, avec un appareil critique rénové, sans parti pris de lecture. Le projet inclut de nombreux partenaires, dont la liste n’est pas close : nous nous appuyons sur le travail de la Mega, la grande édition allemande, qui établit le texte à partir des manuscrits et qui est actuellement à mi-parcours. Nous envisageons un total de 90 millions de signes… Le projet répond à une carence éditoriale, très nette en librairie. Il y a eu, notamment lors des cinq dernières années, des republications par de petites maisons d’édition de gauche, mais de façon très partielle et peu rigoureuse. Au total, le retard français est évident par rapport à d’autres pays européens, notamment la Grande-Bretagne.

Qu’envisagez-vous de publier pour répondre à cette carence ? Quelles autres préoccupations guident vos choix concernant l’ordre dans lequel les œuvres vont sortir ?

I. Garo – Le premier volume paru est la Critique du programme de Gotha, dont la traduction, la présentation et l’appareil critique ont été réalisés par Jean-Numa Ducange et Sonia Dayan-Herzbrun. Il est disponible en librairie au prix de 5 euros. Nous avons fait ce choix pour plusieurs raisons. Ce texte important, maintes fois cité, n’est aujourd’hui plus disponible en librairie sous forme séparée. D’autre part, cette œuvre aborde des thèmes essentiels aujourd’hui encore, qu’il s’agisse du travail, de l’État, du passage au communisme, de la question de la dictature du prolétariat, ou du droit. On peut dire que la Critique du programme de Gotha révèle l’originalité de l’œuvre de Marx tout entière, dans la mesure où il ne s’agit pas d’un traité, mais d’un texte d’intervention politique : ce sont des notes que Marx rédige en 1875, en marge du « Programme du Parti ouvrier allemand », à la veille du congrès d’unification qui concerne les deux principaux courants du mouvement ouvrier allemand. Ce texte, qui ne sera publié par Engels qu’après la mort de Marx, doit être replacé dans son contexte, en particulier celui du débat avec les idées de Ferdinand Lassalle, dont l’influence était alors considérable. Devenu quelques années plus tard un « classique du marxisme », il importait de le replacer dans son temps pour en permettre l’accès au lecteur contemporain. C’est sur le fond de son actualité d’alors, de ses enjeux de l’époque, que son importance, sa pertinence pour aujourd’hui peut être mesurée, chacun étant libre de l’évaluer comme il l’entend. C’est aussi pourquoi nous avons joint au texte lui-même diverses annexes, des extraits de Lassalle et de Bakounine en particulier, qui éclairent le sens de la démarche de Marx.

Pour la suite, nous avons prévu de développer parallèlement trois rubriques de publication, afin de constituer une collection cohérente. Il y aura d’abord des traductions nouvelles, avec trois volumes supplémentaires déjà en préparation (le « chapitre inédit » du Capital, le cahier 16 des Manuscrits de 1861-1863, des articles d’Engels), mais également des volumes de choix de textes thématiques (notamment un ensemble de textes philosophiques, un autre portant sur l’Inde, un choix de textes « contre Marx » de ses contemporains) et des rééditions de traductions existantes aujourd’hui indisponibles ou dont nous voulons rénover la présentation. Parmi celles-ci, le 18 Brumaire, pour lequel nous souhaitons, en plus du livre, publier un CD-ROM incluant les traductions antérieures et des documents iconographiques. Nous réfléchissons aussi à une réédition de l’unique numéro des Annales franco-allemandes, revue animée par Marx, qui inclut notamment La Question juive, La Critique du droit politique hégélien ainsi que d’autres textes importants, de Heinrich Heine par exemple.

Nous voulons combiner l’édition papier à une publication électronique, soit sous forme de CD-ROM, soit directement sur Internet. L’idée est de proposer une version électronique complémentaire, plus complète du point de vue de l’appareil critique et des index, en donnant accès par des liens à des informations sur les choix de traduction par exemple. Par ailleurs, dès 2010, tout le fonds des anciennes Éditions sociales sera mis en ligne, ainsi que de nombreux documents associés, notamment grâce à l’aide de l’université de Dijon.

• Finalement, pourquoi entreprendre un travail aussi titanesque aujourd’hui ? Quelle est l’actualité de ces textes ?

I. Garo – D’abord, il y a la carence déjà mentionnée : il est impensable que ne soient plus disponibles des textes qui comptent parmi les œuvres majeures du XIXe siècle. D’autre part, on constate un net regain d’intérêt depuis quelques années. Dans le contexte politique du moment, certes contradictoire, mais moins atone que lors des décennies précédentes, on sent que la pensée de Marx intéresse à nouveau, qu’elle sort lentement du purgatoire et qu’elle retrouve sa place dans une lutte d’idées vive, face à une pensée dominante qui reste puissante, mais qui est aussi de plus en plus contestée. Il ne s’agit pas seulement de mémoire, et sûrement pas de muséographie mais, là encore, d’intervention critique et de travail théorique à relancer. Marx et Engels traitent du capitalisme, d’un capitalisme qui, aujourd’hui, loin d’être dépassé ou tempéré, ressemble de plus en plus à son concept, comme le dit Michel Husson. Au-delà de l’aspect documentaire, il y a donc bien une dimension militante constitutive de cette aventure éditoriale, au sens large et non sectaire, une volonté de relancer le débat. L’actualité de ce travail, c’est bien sûr la perspective d’une sortie du capitalisme, plus que jamais vitale.

Propos recueillis par Ingrid Hayes

Rouge2256, 12/06/2008

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