Malicorne : les débuts, la gloire, la fin

 

 

Evoquer Malicorne, c'est évoquer le groupe phare du folk néo-traditionnel français à sa plus belle époque. C'est raviver aussi le souvenir toujours vif de mélodies magiques et d'arrangements enchanteurs. C'est enfin, et forcément, suivre le parcours, au moins pour un temps, du fondateur de ce groupe légendaire, Gabriel Yacoub.


Notre histoire commence donc à la toute fin des années 60 au Centre Américain, à Paris, boulevard Raspail. Pourquoi à cette époque et en ce lieu ? A cette époque car c'est le lendemain de mai 68, une ère de libération dans tous les domaines, et notamment celui de la musique. On écoute de tout, on joue de n'importe quoi de la manière la plus spontanée, on ose l'impensable sans même y prendre garde. Une seule règle : abolir les anciennes règles et s'affranchir du pouvoir et de l'argent.

Ce nouveau courant d'idée, qui se développe partout en Europe, est né aux Etats-Unis. Et il a un maître à penser très charismatique en ce qui concerne la chanson : Bob Dylan, le pape incontesté quoique involontaire du folksong. Or en ces années le folksong vient de débarquer en force en France, scandé par Hugues Aufray qui chante avec succès Dylan en français et Graeme Allwright qui distille dans ses paroles toute la force et la noirceur du vrai folksong original et combattant.


Quel rapport, me direz-vous, avec les chansons du moyen-âge et les danses paysannes ? Pour l'instant, aucun. En ces jours-là Gabriel Yacoub, après avoir été fan des Kinks et des Beatles, est un passionné de blues et d'oldtime. Il a même participé à la fondation d'un groupe spécialisé dans ce dernier style, le New Ragged Company.

Et où joue-t-il ? Dans le lieu musical mythique de l'époque, là où sont en train d'éclore le talent de musiciens tels que Bill Deraime, Steve Waring et Roger Mason : au Centre Américain. C'est d'ailleurs après avoir fait la connaissance de Bill Deraime sur les marches du Sacré-Coeur et en bourlinguant avec lui guitare à la main dans les rues de Paris que Gabriel Yacoub apprendra l'existence du Centre Américain et qu'il commencera à le fréquenter ainsi que son fidèle compagnon d'errance (qui créera peu de temps ensuite le fameux Traditional Mountain Sound, TMS en abrégé, qui allait devenir le temple français du folk anglo-saxon, où Gabriel Yacoub se rendra également avec assiduité).


Cependant, le Centre Américain n'est pas fréquenté que des fondus de blues et de folk. Puisque que le seigneur du lieu, Lionel Rocheman, a décidé que tout le monde avait le droit de s'y produire, un autre courant musical va y faire son nid : le folk néo-traditionnel français. Il y a d'ailleurs un étroit rapport entre folk américain, blues et folk néo-traditionnel français, surtout en ce lendemain de mai 68 : tous chantent l'attachement aux racines, la douleur de l'oppression et l'espoir de jours meilleurs. En effet, les folkeux néo-traditionnalistes français qui jouent au Centre Américain sont pour la plupart des purs et durs qui prônent le réveil des régions qui selon eux ploient depuis trop longtemps sous le joug de plomb d'un Etat jugé sclérosé et jacobin.


C'est dans ce climat à la fois foutraque et militant que va se produire au Centre Américain un musicien déjà aguerri à la scène mais pétri de timidité, un certain Alain Cochevelou qui préfère qu'on le nomme Alan Stivell. « Attention, prévient-il, moi je ne joue pas de la guitare, je joue de la harpe celtique ».

Normal qu'il joue de cet instrument, c'est son propre père qui l'a sorti quelques années plus tôt de l'oubli.

Dès la première écoute, l'audience est sidérée. Et comme il chante en breton la fierté et les malheurs de sa Bretagne, il devient vite l'un des chanteurs parmi les plus en vue du lieu. Lionel Rocheman lui demande même de faire partie d'un petit groupe de musiciens habitués du Centre Américain avec lesquels il s'apprête à sillonner les routes.


Revenu de cette tournée, notre Alan Stivell monte son propre groupe. Suite à un premier album couronné du Grand Prix de l'Académie Charles Cros avec celui-ci, il persuade Gabriel Yacoub, qui ne s'intéresse jusque là à la musique traditionnelle que si elle se chante en anglais, d'être guitariste à ses côtés. Nous sommes en 1971 et à 18 ans à peine le très prochain fondateur de Malicorne devient un musicien professionnel déjà tout à fait respectable.

Pour Gabriel Yacoub l'aventure avec Alan Stivell dure 2 ans pendant lesquels il participera à l'enregistrement de l'album "Chemin de Terre" et surtout au fabuleux concert du 28 février 1972 à l'Olympia. Si tout marche aussi bien pour lui, pourquoi quitte-t-il alors Alan Stivell ?


D'abord parce qu'il n'est pas à sa place près de ce musicien chaque jour plus célébré en Bretagne. « Je me suis retrouvé pro à 18 ans sur les scènes nationales et internationales à faire le zazou en breton, en gallois, en gaélique, irlandais et écossais, que je répétais phonétiquement selon les indications du barde. » expliquera plus tard Gabriel Yacoub.

Une lettre ouverte de Pete Seeger parue dans Rock & Folk l'a aussi profondément marqué. Il y met en garde la jeunesse européenne contre les méfaits de l’impérialisme culturel américain. Le texte se termine par ces mots : « Dans votre pays, vous devriez pouvoir construire votre musique nouvelle sur ce que l’ancienne a de meilleur. Certaines des plus belles chansons de Bob Dylan utilisaient de vieilles mélodies irlandaises. Votre pays devrait engendrer ses propres Bob Dylan. »

Pour Gabriel Yacoub, c'est une révélation. Lui qui n'avait jamais jusque là chanté en français est maintenant taraudé par l'idée d'un album folk profondément enraciné dans sa langue maternelle et dans le terroir national. Mais, dans son esprit, ce sera un album folk forcément différent de ce qui s'est fait jusque là. En électrifiant le folklore breton, Alan Stivell avait dynamité les traditions bien établies. Il suivait en cela Bob Dylan qui avait fait hurler les puristes très coincés du folksong américain en électrifiant celui-ci. Gabriel Yacoub, ayant été à bonne école, se prépare tout simplement à faire subir le même sort au folklore traditionnel français.

 


C'est en rencontrant par hasard Hugues de Courson, un musicien bouillonnant d'ardeur venu du rock, que Gabriel concrétise son projet. Car le Hugues en question va pour l'occasion s'improviser producteur. Notre Gabriel s'entoure également de musiciens talentueux. Mais son intention n'est pas de monter un groupe. Il veut juste faire "son" disque. D'ailleurs, pour l'heure, il fait toujours partie du groupe d'Alan Stivell.

Il y a en premier lieu Dan Ar Braz à la guitare électrique, avec lequel il avait déjà joué dans la formation du barde, et Alan Kloatr, un autre compagnon de scène de Stivell, à la bombarde, au cromorne et au tampura. Il y a aussi Christian Gour'han à la vielle à roue, qui lui vient du Grand Mère Funibus Folk, un groupe fondé par Jacques Ben Haïm (plus connu sous son surnom de Ben) qui fut énormément influent. S'ajoute à eux Marc Rapillard au violon et au banjo, Dominique Paris au biniou coz et à la cornemuse écossaise, Gérard Lavigne à la basse et Gérard Lhomme à l'harmonium, au bohdran et aux percussions. Et à cette liste déjà impressionnante vient encore s'ajouter son épouse, Marie, au chant, au dulcimer, à la guitare et au tampura. Lui-même y jouera de la guitare, du bouzouki, du banjo et du psaltérion.


Et quand l'album "Pierre de Grenoble" sort en octobre 1973, après avoir été enregistré en mars de la même année, c'est une révolution. D'abord dans le milieu parfois un peu étroit d'esprit des folkeux de l'époque, mais aussi dans le public tout court. Il n'avait encore jamais entendu des chants traditionnels de toutes régions entonnés de manière aussi fraîche et vivante.

C'est un coup de maître et un joli succès. Aussitôt, ce folklore qu'on jugeait jusque là désuet passe à l'antenne. « Un jour, nous nous sommes entendus au Pop Club de José Arthur ! Tous groupés autour de l’autoradio du camion, nous écoutions, émus, le "Prince d’Orange" sur les ondes ! Ça nous a fait de l’effet ! » s'est souvenue Marie.

Les deux morceaux majeurs de l'album sont d'ailleurs ce "Prince d'Orange" qui vient d'être cité ainsi, bien sûr, que le "Pierre de Grenoble" qui lui donne son titre. Or il n'est pas inutile de souligner, comme le fait lui-même Gabriel Yacoub dans le livret accompagnant la réédition de l'album en cd, qu'il tient ces deux chansons de Ben, ce qui en dit long sur les étroites relations d'amitié qu'entretenait à l'époque notre Gabriel avec ce "clochard céleste" (dixit Marc Robine qui se lancera dans le folk après l'avoir rencontré) qui fut le véritable maître à penser du folk dans ces années-là.


Fort de cette première et heureuse expérience dans le domaine du folk traditionnel français, Gabriel Yacoub songe dès lors à fonder un vrai groupe. Ce sera Malicorne, dont Gabriel fixera clairement les orientations dès le départ : « L'idée de Malicorne, c’était de créer une musique nouvelle, moderne, ancrée à quelque chose de solide, de vrai et de différent des Anglo-Saxons. S’ils avaient fait leur rock & roll avec le blues, la country et les ballades irlandaises des Appalaches, on ferait la même chose avec nos musiques traditionnelles ».

Dès la nouvelle de sa création, Malicorne éveille les plus grandes espérances. Ainsi Jacques Vassal écrit-il dans Rock & Folk : « Malicorne a des chances d'être le premier groupe à faire sortir le folk français des circuits spécialisés pour l'amener à une diffusion de plus grande envergure. ». Cela dit, tout le monde n'est pas d'accord avec cette vision des choses, et en première ligne les membres du Bourdon qui se font les champions d'un folk strictement acoustique et abominent les tenants d'un folk électrifié, et notamment Malicorne.


C'est donc dans un climat parfois un tantinet polémique que Gabriel a formé son groupe. Dont on peut a priori s'étonner qu'il ne ressemble quasiment en rien à la formation si brillante de "Pierre de Grenoble".

En effet, à part Gabriel et son épouse, Marie, tous les autres membres du groupe sont différents. Et il n'y en a plus cinq mais seulement deux ! Et l'étonnement grandit encore lorsqu'on apprend que les deux musiciens en question ne sont même pas des connaisseurs aguerris du folk français ! Cependant la différence étant grande pour un musicien entre participer à un disque et participer à un groupe, ce changement de personnel ne doit pas surprendre.

Nous avons déjà parlé de Hugues de Courson, venu du rock et déjà producteur du premier album de Gabriel. Quant à Laurent Vercambre, après un solide apprentissage du piano classique où il s'y révèle surdoué, il s'échappera de ce carcan musical par trop rigide en découvrant en autodidacte une quantité d'instruments dont le violon tendance danses irlandaises endiablées.

Tout ceci amènera donc à un groupe constitué ainsi : Gabriel Yacoub: guitare électrique et acoustique, mandoloncelle, dulcimer, chant / Marie Yacoub: vielle à roue, dulcimer électrique et acoustique, épinette des Vosges, psaltérion à archet, chant / Laurent Vercambre: violon, violoncelle, claviers, dulcimer électrique, mandoline, chant / Hughes de Courson: Basse, cromornes, flûte à bec, percussions, claviers, chant.

 


Malicorne naît en septembre 1973. Gabriel Yacoub s'en expliquera ainsi : « En parcourant les recueils de chansons traditionnelles, j’ai été séduit, comme envoûté par la dimension mystique des textes. A la fin de l’été 73, j’ai donc quitté le groupe de Stivell, juste après la manifestation du Larzac, pour voler de mes propres ailes et me lancer dans ma nouvelle passion. » Et il n'est pas anodin de remarquer que septembre 1973 correspond à un bon mois avant la sortie de "Pierre de Grenoble". Autant dire que ce groupe a été fondé dans la passion et l'euphorie et non en fonction des ventes d'un précédent album qui n'était pas encore sorti !

D'ailleurs le groupe se met immédiatement à la tâche en explorant de nombreux recueils de chansons anciennes, dont le célèbre "Davenson". Puis, le choix fait parmi les airs venus d'un lointain passé, commencera l'élaboration des arrangements. Et comme Malicorne est un groupe sérieux et bosseur, le résultat ne traîne pas.

Dès le printemps 1974, la formation investit les studios Acousti pour y enregistrer son premier album. Et c'est un nouveau coup de maître. C'est beau, ou mieux encore, c'est un ravissement. Est-ce dû au choix très réussi des chansons, avec entre autres le très allant "Dame Lombarde", le très triste "Landry" ou le très attendrissant "Réveillez-vous belle endormie" ? Est-ce dû aux intonations si particulières de la voix de Gabriel ou à la joliesse de celle de Marie ? Ou sont-ce les arrangements qui nous enchantent tant ? On ne le sait plus très bien.

En tout cas le public ne s'y trompe pas et il fait un accueil très chaleureux à Malicorne lors de la première tournée du groupe en France cette même année 1974. On y découvre alors que le groupe, malgré son peu encore de temps d'existence, est déjà en pleine possession de son répertoire, de sa technique et de sa magie. Les passages énergiques y alternent avec des a cappella magnifiques, les moments électriques avec les solis évanescents de dulcimer. Malicorne ne ressemble déjà à aucun autre groupe de folk. Les uns crient au génie, leurs contradicteurs à la trahison du vrai folk. Drôle d'époque que ces années où le folk était encore un sujet d'engueulades...

 


Leur première tournée terminée, le groupe se remet au travail. Ce qui est d'autant plus facile que pendant ses périgrinations, il a acquis confiance et cohésion tout en glanant ici et là mélodies oubliées et chansons d'autrefois.

Et au printemps 1975 Malicorne investit de nouveau des studios Acousti pour y enregistrer son deuxième album. Là encore celui-ci n'a pas de nom de baptême. Juste un "Malicorne" sur une couverture qui nous plonge en pleine féerie.

Féerique aussi le menu des chansons que contient l'album, avec entres autres "Le mariage anglais", "Le garçon jardinier" et "La fille aux chansons", sans compter "Marions les roses", l'un des "tubes" parmi les plus acclamés de Malicorne (qui parmi les fans de Malicorne n'a pas repris en choeur : "Les roses font un beau bouquet/Quand elles sont jolies !" ?). L'album se termine par "Le bouvier", dont la fin offre un arrangement de voix en échos particulièrement bouleversant.

Et ce n'est plus de succès dont il faut parler pour celui-ci, mais de phénomène. En effet, "Malicorne II" se vend à plus de 100 000 exemplaires, soit assez pour qu'on le consacre Disque d'Or ! La prophétie de Jacques Vassal s'est réalisée. Malicorne est bien le premier groupe à sortir le folk français des circuits spécialisés.

Mieux, cette année 1975, le groupe commence même à jouer à l'étranger et se fait notamment spécialement remarquer lors du Cambridge Folk Festival, le rassemblement-phare d'alors pour tous des folkeux d'Europe occidentale.

 


Toujours aussi fonceur et enthousiaste, Malicorne investit une nouvelle fois les studios Acousti au printemps 1976 pour y enregistrer son troisième album et n'en ressortira que 250 heures plus tard. Celui-ci aura enfin un nom : "Almanach". Il faut dire que le groupe s'est particulièrement échiné à rendre cet album aussi parfait que parfaitement populaire.

Dès juin 75, Gabriel Yacoub avait déjà exposé clairement sa conception du folk à Nicolas Cayla, rédacteur en chef de l'Escargot Folk : « Le rêve de beaucoup de musiciens, le nôtre entre autres, est de faire redevenir cette musique populaire parce que tout le monde peut en jouer, peut la chanter et peut l'écouter facilement. De plus cette musique appartient à ces gens-là, alors que la variété, la grande variété, n'est pas du tout spontanée. Elle est imposée aux gens. En Bretagne, la musique folk est une musique populaire. En France, elle ne l'est pas encore, mais j'espère qu'elle le sera un jour. ».

Tout en entier dans cette optique, "Almanach", tout en poussant la qualité des arrangements jusqu'aux limites du possible, s'enracine dans ce que les chansons traditionnelles ont de plus profond. Gabriel s'en expliquera ainsi sur la pochette de l'album : « J'ai essayé de dégager principalement les pratiques magiques qui sont en rapport direct avec les douze mois de l'année... Je pense que la connaissance de ces coutumes aide à mieux comprendre le fond spirituel des chants traditionnels, et c'est à mes yeux ce qui compte le plus. ».

Autant dire qu' "Almanach", plus encore que les précédents albums, a requis un véritable travail de recherche dans le domaine des traditions populaires. D'ailleurs le livret intérieur d' "Almanach" regorge d'annotations et de textes destinés à faciliter l'entrée dans l'univers à la fois chargé de labeurs, de fêtes et de croyances des chants traditionnels.

Et tous ces efforts portent leurs fruits puisque les ventes de l'album dépassent à nouveau les 100 000 exemplaires, ce qui honore Malicorne d'un second Disque d'Or. Ce n'est plus un simple et nouveau succès, c'est une consécration, puisque l'album est couronné d'un grand Prix de l'Académie Charles Cros.

Et à l'oreille, c'est une splendeur, avec des moments de grâce absolue tels que "Le luneux" ("Je suis aveugle, on me plaint/Et moi je plains tout le monde..."), qui confine à l'apesanteur tout en inversant curieusement le handicap de la cécité, ou "L'écolier assassin" ("D'où reviens-tu mon fils Jacques/D'où reviens-tu cette nuit ?..."), qui transcende l'horreur par une mélodie d'exception.

Evidemment, Malicorne profitera de l'été 1976 pour jouer son merveilleux "Almanach" d'un festival à l'autre, et tout spécifiquement à Cambridge, à Liverpool, à Vlaardingen et à Concarneau.

 


Le groupe surfe alors sur des sommets inaccessibles aux autres formations folk françaises. Pourtant, Gabriel Yacoub sent que l'instant est venu d'aller encore plus loin dans le domaine du folk, de pousser Malicorne vers de nouvelles frontières.

Cela se traduit tout d'abord en 1977 par l'arrivée d'Olivier Zdrzalik Kowalski au sein de la formation, ce qui permet de muscler encore le son de Malicorne sur scène en libérant Hugues de Courson du maniement de la basse, puisque c'est l'instrument de prédilection d'Olivier, afin qu'il se charge plus spécialement des percussions.

Cela se traduit également dans un changement de nature quant à la philosophie du groupe à l'égard des chansons traditionnelles. Il ne s'agit plus de seulement les arranger. Elles deviennent une véritable matière sonore et verbale susceptible de découpages, de collages et d'assemblages. Et quand Malicorne s'enferme dans le studio Normandie pendant l'été 1977, c'est moins pour enregistrer simplement un quatrième que pour pratiquer une superbe séance d'alchimie musicale. 

Même s'il contient son lot de tristesse et d'atrocités, comme tous les opus antérieurs du groupe, "Malicorne IV" n'est pas pour autant un album empesé ou grave. Il s'agit plutôt un album solidement charpenté, passionnant, varié et servi par un Malicorne plus motivé que jamais à défendre sa conception très électrique du folk néo-traditionnel.

Qu'on en juge par l'ahurissante quantité d'instruments employés : Hughes de Courson : chant, flûte à bec, orgue positif, piano, elka, synthétiseur, cromorne, percussions, glockenspiel / Olivier Zdrzalik Kowalski : chant, basse électrique, elka, percussions / Laurent Vercambre : chant, violon, violoncelle, alto, viole d'amour, guitare acoustique, mandoline, mandoloncelle, claviers, mélodéon / Marie Yacoub : chant, vielle à roue, épinette des Vosges / Gabriel Yacoub : chant, guitare acoustique et électrique, epinette des Vosges.

"Malicorne IV" débute par un "Nous sommes chanteurs de sornettes" très évocateur de l'idée que Malicorne se fait de son rôle : "Nous sommes chanteurs de sornettes/Faits pour divertir les passants/Et les fainéants. A tout venant/Nous chantons nos chansonnettes/Laquais, cochers et ouvriers/Tous viennent nous écouter...". Et l'album se termine par un hilarant "Ma chanson est dite" qui renvoie aux sornettes du début de l'opus : "Ma chanson est dite/ma langue en est quitte/Mes sabots sont d'bois/Ma langue n'y est pas/Au bout du village /ll n'y a pas d'maison/Ceux qu'en savent plus large/Qu'ils en disent plus long".

Entre ces deux extrémités, que du lourd et du solide, avec entre autres "Couché tard, levé matin", "Le déserteur", "Le jardinier du couvent" et "La fiancé du timbalier". Mais la palme de la chanson la plus surprenante revient sans conteste à "La blanche biche" du fait de l'utilisation d'un "orgue à voix" à l'effet hypnotique et envoûtant.

En novembre 1977, le groupe organisera une "Grande Féerie Malicorne" à l'Hippodrome de Paris, où une troupe de saltimbanques déambulera entre des stands variés sur un fond sonore constitué de chansons de Malicorne ou entre deux concerts de groupes folks.

 

 

Alors, après ce nouvel album encensé par la critique, tout va-t-il pour le mieux au sein de Malicorne ? Non, plus vraiment. Laurent Vercambre ne veut plus participer au groupe. Et il en va de même pour Hugues de Courson.

Pourtant à la fin de l'année 1978 est enregistré le cinquième opus de Malicorne et qui a pour nom "L'extraordinaire Tour de France d'Adélard Rousseau, dit Nivernais la Clef des Coeurs, compagnon charpentier du devoir". Et franchement on a du mal a croire que Malicorne est un groupe en crise.

Car ce nouvel album est... extraordinaire. Dans tous les sens du terme d'ailleurs, car non seulement l'opus est époustouflant mais il traite en plus d'une catégorie de personnes dont on entend quasiment jamais parler, les compagnons du devoir. Il faut dire que ces derniers sont d'un naturel plutôt discret.

Or après une période d'apprentissage s'achevant par l'élaboration d'un chef-d'oeuvre prouvant qu'il a bien assimilé toutes les bases d'un métier, tout compagnon du devoir doit accomplir son Tour de France afin de commencer à mettre en pratique ses connaissances et de les parfaire. Et c'est justement l'un de ces Tour de France que nous conte cet album, celui d'Adélard Rousseau, dit Nivernais la Clef des Coeurs.

Dans cet opus, Tour de France rime avec tour de force tant les mélodies (souvent composées par Gabriel Yacoub ou Hugues de Courson) et les arrangements sont à couper le souffle. Cela commence de manière poignante par "La conduite", chanson traditionnelle qu'on chante au départ des apprentis pour le Tour de France : "Partons chers compagnons/Le devoir nous l'ordonne/Voici le vrai moment/Qu'il nous faut battre aux champs...". Cela se continue par "La danse des damnés", une chanson parlant une danse "affreuse" se terminant immanquablement par la mort. Plus loin viennent encore "Si l'amour prenait racine", "Une fille dans le désespoir", "A Paris, la grande ville", "Compagnons qui roulez en Provence" ou encore "La complainte du coureur de bois", que de fort belles chansons. Et cela se termine (enfin, presque) par le sommet de l'album, "L'auberge sanglante" ("Un compagnon si brave son Tour de France allait/S’en va chez une hôtesse pour y loger..."), dont l'horreur et la beauté ne sont pas sans rappeler celles de "L'écolier assassin", mais avec une mélodie peut-être encore plus somptueuse. Le tout est accompagné d'un livret intérieur très fourni tel qu'on pouvait déjà en trouver un à l'intérieur d' "Almanach". "L'extraordinaire Tour de France..." donnera l'occasion à Malicorne de repartir en tournée, et ce jusqu'au Québec (où sera enregistré le seul album live du groupe, mais j'en reparlerai plus loin et plus en détail).

 

 

Parallèlement à l'élaboration de "L'extraordinaire Tour de France...", Gabriel Yacoub prépare son premier album solo. Qui de par son contenu ressemblerait à s'y méprendre à un album de Malicorne si, effectivement, il ne s'agit du premier opus personnel du leader du groupe.

Est-ce parce qu'à travers Malicorne il n'arrive pas à exprimer toute sa passion pour les chansons traditionnelles qu'il conçoit "Trad. Arr." ? Ou est-ce parce qu'il ressent le besoin de redevenir un peu lui-même alors que son groupe bat de l'aile ? Sûrement ces deux raisons s'allient-elles. A tel point, d'ailleurs, qu'en parcourant des oreilles "Trad. Arr." on a l'impression d'écouter une version "intimiste" de Malicorne. A moins, du fait que les musiciens jouant sur cet album sont en bonne partie différents de ceux jouant dans Malicorne, que "Trad. Arr." soit une sorte de continuation de "Pierre de Grenoble".

Quoi qu'il en soit, Trad. Arr." fut enregistré pendant l'hiver 1978 avec la formation suivante : Gabriel Yacoub : guitare, mandoloncelle, chant / Marie Yacoub : chant / Michel Hindenoch : chant / Bernard Blanc : cornemuses, vielle à roue / Barry Dransfield : violon / Jean Blanchard : cornemuses, accordéon diatonique / Hughes De Courson : harmonium.

"Trad. Arr." contient de magnifiques chansons comme "Dans la ville où je suis/La fille du boucher", "La chasse", ou "Mon ami, mon bel ami". Mais le sommet de l'album est sans nul doute le très sanglant mais sublime "Les trois p'tits frères de Pontoise" ("Trois écoliers de Pontoise vont faire un tour dedans Paris/Dans leur chemin ils rencontrent trois demoiselles fort jolies..."). En fait, la plupart des chansons de "Trad. Arr." sont si belles qu'on peut légitimement s'étonner qu'elles aient été si peu reprises en concert.

 

 

Lors de ce même hiver 1978, Malicorne est en tournée au Québec. Et c'est à Montréal, le 2 et le 3 décembre, qu'est enregistré au El Casino qui restera (très malheureusement) comme le seul album live du groupe. Celui-ci se nomme très sobrement "En public" et tente de synthétiser au mieux ce que furent les concerts donnés ces deux soirs-là.

Le programme était certainement bien plus conséquent, mais ce qui a été mis sur ce live est déjà bien intéressant. Ne citons que "Le mariage anglais", "Le Prince d'Orange", "Pierre de Grenoble" et "L'écolier assassin".

Il est juste dommage que l'option d'un double-album n'est pas été retenue, ce qui aurait permis de livrer à la postérité un souvenir plus étendu de ce que fut Malicorne sur scène à cette époque. Surtout, que le personnel de la formation originelle du groupe y était encore au complet. Pour la dernière fois.

 

 

En effet, lorsque sort en 1979 le sixième album studio de Malicorne, et qui a pour nom "Le bestiaire", le groupe a singulièrement changé de membres. Certes Gabriel et Marie Yacoub sont toujours là, ainsi qu'Olivier Zdrzalik Kowalski. Mais cette fois Hugues de Courson et Laurent Vercambre sont bel et bien partis.

Ce qui donne à Malicorne la composition suivante  : Gabriel Yacoub : chant, guitare acoustique & électrique, banjo 5 cordes, mandoloncelle / Marie Yacoub : chant, vielle à roue, épinette des Vosges, dulcimer / Olivier Zdrzalik Kowalski : chant, basse, clavinet, elka, sanza / Patrick Lemercier : chant, violon, guitare électrique, gaîta / Brian Gulland (du groupe anglais Gryphon) : chant, basson, cromorne, hautbois, flûte à bec, saxophone, clavecin, orgue, harmonium, synthétiseur / Dominique Regef : vielle à roue, violoncelle, rebec / Jean Pierre Arnoux : batterie, percussions, cymbale à archet, gong. Eh oui, vous avez bien lu ! Malicorne possède maintenant un batteur ! 

Dans le n° 155 de décembre 1979 de Rock & Folk, Gabriel Yacoub s'était expliqué auprès de Jacques Vassal sur le choix du bestiaire comme thème du nouvel album de Malicorne : « C'est une idée qu'on avait en tête depuis longtemps. Ça se mélange avec le thème du fantastique. J'avais fait, à la suite d'une démarche personnelle, la connaissance de Claude Seignolle, un auteur de contes et nouvelles populaires de ce style. Il avait aimé notre précédent travail, estimant que nous faisions en musique l'équivalent de ce qu'il fait en livre. Il avait suggéré qu'on fasse quelque chose sur la mythologie, et des personnages comme le diable se retrouvent surtout à travers les animaux. »

"Le bestiaire" est assez à l'image des instruments qui y sont utilisés, soit pas moins de deux vielles à roue, deux guitares électriques, une basse, un batterie, une multitude d'instruments à vent (notamment dans "Le ballet des coqs") et à cordes et un monceau de claviers. Autant dire que le son de ce nouvel opus fut très différent de celui des précédents albums de Malicorne, sinon nettement plus rock. On y entend même un harmonica (joué par Alain Roux) ! Bien sûr, et malgré cette débauche d'instruments, Malicorne n'en reste pas moins super-expert en a cappella polyphonique, et "La mule" en est une preuve étourdissante.

Cependant, ce qui frappe le plus dans "Le bestiaire" est la complexité des arrangements, véritablement phénoménale tout au long de l'album. On est ici à ses années-lumière du bon vieux folk traditionnel de nos campagnes. De plus, et pour accentuer encore cette impression d'éloignement de Malicorne de son simple rôle de modernisateur d'airs anciens, "Jean des Loups" a été entièrement écrit et composé par Gabriel Yacoub. Acte prémonitoire...

 

 

Car si après deux années de silence Malicorne sort en 1981 "Balançoire en feu", son septième album studio, ce Malicorne-là n'a plus aucun rapport dans sa philosophie avec le Malicorne de l'album précédent, qui lui-même n'avait plus qu'un lointain rapport avec le Malicorne des débuts. C'est une révolution ontologique que vient d'accomplir le groupe, une rupture même, puisque que toute référence au folk, traditionnel ou non, est désormais gommée.

Qu'on se rende compte, c'est le parolier Etienne Roda-Gil, célèbre pour avoir longtemps été celui de Julien Clerc, qui est l'unique auteur de l'intégralité des textes de ce septième album ! Alors, Malicorne/Julien Clerc même combat ?

Pas si vite, car Malicorne reste en dépit de tout un groupe, un groupe solide avec des membres solides et un patrimoine discographique des plus enviables. C'est juste que les années ont passé et que les temps ont changé. La belle époque du renouveau du folk est déjà loin derrière et l'insouciance de l'ère post-68 s'est envolée. Les punks ont secoué les bases du rock à grands coups de "No future !" et le chômage mine de plus en plus notre société fondée sur le travail.

Et en conséquence, comme tous les groupes, Malicorne doit s'adapter. Alors on range les vielles à roue et les airs traditionnels et on dégaine un parolier renommé et les synthétiseurs. Brian Gulland et Dominique Regef, si étincelants dans le précédent "Bestiaire", n'ayant plus de rôle à jouer (dans tous les sens du terme) dans ce Malicorne revu et corrigé, ne sont évidemment plus là, faisant passer le "noyau dur" du groupe de sept membres à cinq.

Ceci est d'ailleurs compensé par la présence de Hugues de Courson, qui renforce la section claviers, et de cinq autres invités de marque parmi lesquels Ivan Lantos (du groupe hongrois Kolinda et accessoirement futur co-maître d'oeuvre d' "Elementary level of faith", premier "vrai" album officiellement solo de Gabriel Yacoub) à la cornemuse bulgare et aux flûtes Kaval, Jim Cuomo aux saxophones et Richard Galliano à l'accordéon et au bandonéon.

Cependant avec un parolier aussi connu, voire reconnu, qu'Etienne Roda-Gil et un nombre de musiciens de talent aussi important, Malicorne a-t-il réussi à faire de "Balançoire en feu" un bon album ?

Disons d'entrée que cette question n'a pas effleuré ceux et celles qui considéraient d'ores et déjà que Malicorne n'était plus que le fantôme de lui-même et qui n'ont donc pas acheté l'album. Il m'intéresserait de savoir si Hervé Muller fut du lot, lui qui écrivait dès janvier 1975 dans le n° 96 de Rock & Folk à propos de l'orientation encore très néo-traditionnaliste de Malicorne : « La question est aussi posée de savoir si la stricte utilisation de matériel traditionnel n'est pas une limitation superflue. ». Nicolas Cayla déclara également en 1979 dans l'Escargot Folk : « A quand les paroles d'aujourd'hui, les amis ? ».

Pour ceux et celles, donc, qui voulurent bien suivre Malicorne dans sa nouvelle voie (avec théoriquement en première ligne notre très prescient Hervé Muller accompagné de Nicolas Cayla ), ils ne furent pas déçus.

Car, toutes autres considérations mises à part, "Balançoire en feu" est un excellent album. Parmi ses incontestables réussites figurent "Beau charpentier" ("Beau charpentier reprends courage/Pose ton marteau sur un nuage...") et "Quand le cyprès" ("Quand le cyprès nous voit passer/Entre la nuit et la journée/La tête pleine de misère/Sortant de la cimenterie..."), sans parler du très glacialement beau "Chantier d'été" ("La fille qui dort/Nue sur la plage/Sous le soleil de l'univers/Brille comme un revolver..."). On peut également citer "Dans la rivière" ou "Petite oasis" (qui est sur le tout nouvel album "Marie de Malicorne"). On y trouve même une chanson chantée totalement a cappella, "Paysans sans peur". 

 

 

Suite à cet opus, certes superbe, mais par trop en hiatus avec son concept d'origine, Malicorne ne pouvait que tirer sa révérence. C'est d'ailleurs ce que le groupe a fait.

Pourquoi donc, alors, y a-t-il eu en 1986 un huitième album studio de Malicorne, intitulé "Les cathédrales de l'industrie" ? Parce que, s'agissant en réalité d'un nouvel album solo de Gabriel Yacoub, sa maison de disques de l'époque ne voulut pas sortir celui-ci sous son nom, préférant le nom plus vendeur, mais totalement mensonger en l'occurrence, de Malicorne. Mais oublions très charitablement la tromperie et considérons donc ce "huitième" album de "Malicorne".

Difficile quand même de ne pas se rendre compte de la supercherie... tous les chansons étant signées par Gabriel Yacoub ! Et quelles chansons ! Il y a déjà celle qui donne son titre à l'album ("Un visage sans honte, un visage étonné/Les idées courent après la chaîne/Sans colère et sans haine/Seulement un peu plus fatigué..."), ainsi que les deux qui font incontournablement partie depuis de tout concert de Gabriel Yacoub, à savoir "Il me reste un voyage à faire" ("Une prière en passant pour tous les voyageurs/Pour tous les pélerins et les marins-pêcheurs...") et "Je resterai ici" ("Je resterai ici, je ne partirai pas/Même si je sais par coeur/Qu'il fait toujours meilleur ailleurs/Mais je resterai là...").

Il y a aussi "Big Science" ("Homme debout, pierre levée/Il faut bien ça pour commencer/Un jour et une nuit/Deux moitiés de la vie...") ou "Dormeur" ("Il y a les dormeurs, ceux qui dorment tout le temps/Ou bien qui se réveillent de temps en temps/S’ils n'ont pas le temps de vivre, pas le temps/Ils s'entraînent à mourir en rêvant...") qui firent tous les deux l'objet d'un 45 tours. Il y a encore "Le temps", "La nuit des sorcières", "Sorcier" ou "Robe blanche, robe noire", qui sont toutes des chansons remarquables. Ah, je m'aperçois que je viens de passer en revue toutes les chansons de cet album. Aucun déchet dedans.

Point de vue musiques, cela s'explique. Gabriel Yacoub était déjà connu pour être un fantastique mélodiste. Mais pour les textes ? Décidément, comment est-il passé d'un album à un autre du stade de demandeur de paroles à celui de parolier émérite ? Aucun secret en fait : avec du travail et du temps. Chaque chanson est longuement ouvragée, mûrie, améliorée. Et quand on lui demande à quoi il reconnaît qu'une de ses chansons est terminée, sa réponse est toujours la même : "Quand je ne peux plus changer un mot."

Bien sûr, pour bâtir "Les cathédrales de l'industrie", et quoiqu'il s'agisse d'un album "solo", c'est un véritable groupe qui a été monté. Qu'on en juge : Gabriel Yacoub : guitares, mandoloncelle, harmonica (oui, Gabriel sait aussi jouer de l'harmonica) / Marie Yacoub : chant, vieille à roue / Olivier Zdrzalik Kowalski : chant, basse, guitares, claviers / Jean-Pierre Arnoux : batterie, percussions / Michel Le Cam (du groupe Maluzerne) : chant, violons, mandoline, cromorne / Alan Kloatr : uillean pipe, tin, whistle / Olivier Daviau : chabrette / Jean-Michel Kadjan (possiblement le meilleur guitariste français, c'est tout dire...) : guitare électrique, programmation emulator / Patrick Robin : programmation séquenceur.

Bien sûr aussi, "Les cathédrales de l'industrie" possède un son d'ensemble plutôt marqué "années 80" (batterie bien mammouthesque, compression et reverb à tous les étages...), mais pour une fois ce n'est pas un reproche. Cela donne une agréable vivacité à chacun des morceaux, surtout que tous les effets sont bien dosés et intelligemment utilisés.

Bref, on ne pouvait rêver meilleur album de transition entre un Malicorne anciennement très glorieux mais maintenu en état de survie artificielle et un Gabriel Yacoub en solo déployant en fixant l'avenir l'éventail impressionnant de ses capacités personnelles avec une modestie presque surnaturelle.

 

La suite est connue. Gabriel Yacoub tracera jusqu'à aujourd'hui un chemin semé d'albums tissés de textes sublimes rédigés au cordeau et de mélodies inoubliables, balançant tour à tour entre les arrangements les plus avant-gardistes (notamment dans "Elementary level of faith") et l'épure hautement raffinée (notamment dans " :Yacoub: "). Finalement, et à bien considérer le parcours de l'homme, c'est un retour à la source. Un chanteur et sa guitare, de beaux textes mêlés d'harmonies à six cordes, cela n'était-il pas le berceau musical de Gabriel ? Sauf qu'en voyageant à travers la tradition chantée de nos campagnes, l'homme a ajouté à ses bases originelles de blues des influences qui donnent désormais à son style personnel une éblouissante singularité. Il s'apprête d'ailleurs à sortir un nouvel album. Quand ? Comme tout avec Gabriel Yacoub, cela viendra en son temps. Mais une chose est déjà sûre : l'opus sera forcément aussi précisément ouvragé qu'enchanteur. 

 

 

Frédéric Gerchambeau

 

 

© Frédéric Gerchambeau
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