ARCHIVES
DE
ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE
ET GÉNÉRALE
ARCHIVES
DE
ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE
EjT GENERALE
HISTOIRE NATURELLE ~ MORPHOLOGIE - HISTOLOGIE
ÉVOLUTION DES ANIMAUX
FONDEES FAK
HENRI de LAGAZE-DUTHIERS
PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE
G. PRUVOT ET E.-G. RACOVITZA
CHARGÉ DE COURS A LA SORBONNE DOCTEUR ÉS-SCIENCES
DIRECTEUR DU LABORATOIRE ARAGO SOUS-DIRECTEUR DU LABORATOIRE ARAGO
QUATRIÈME SÉRIE
TOME SIXIÈME
PARIS
LIBRAIRIE G. REINWALD
SGHLEIGHER FRÈRES, ÉDITEURS
61, RUE DES SAINTS-PÈRES, 61
Tous droits réservés
1907
TABLE DES MATIERES
du tome sixième de la quatrième série
(655 pages, IV planches. 109 flgures)
Notes et Revue
(4 numéros, en pages, 29 figures)
Voir la Table spéciale des matières à la page ci
Vusnicule 1
(Paru le 3o Janvier 1907)
P. DE Beauchamp. — Morphologie et variations de l'appareil
rotateur dans la série des Rotifères (avec 14 fig. d. 1.
texte)
Fascicule 2
(Paru le 25 Février 1907)
R. Anthony. — Etudes et recherches sur les Edentés tardigrades
et gravigrades. — I. Les coupures génériques de
la famille des Bvadipodidœ. — II. Les attitudes et la
locomotion des Paresseux (avec 13 fig. d. 1. texte et
PI. letll) ;
Fascicule 3
(Paru le 25 Février 1907)
L. CuÉNOT. — L'origine des nématocystes des Eolidiens (avec
1 flg. d. 1. texte et Pi. III)
Fascicule 4
(Paru le i5 Mars 1907)
L. Germain. — Essai sur la malacographie de l'Afrique équa-
toriale
31
73
103
\ h'^'^7
TABLE DES MATIERES
Fascicule b
(Paru le 2 Mai 1907)
F. HoussAY. — V^ariations expérimentales. Etudes sur six
générations de Poules carnivores (avec 47 fig. d. 1.
texte) 137
Fascicule 6
(Paru le lo Mai 1907)
L. P'aurot. — Nouvelles recherches sur le développement du
pharynx et des cloisons chez les Hexactinies (avec
2 tig. d. 1. texte et Pl. IV) 333
Fascicule 7
(Paru le i5 Mai 1907)
E.-G. Racovitza. — Essai sur les problèmes biospéolog"iques.
Biospéolog-ica 1 371
Fascicule 8
(Paru le i5 Mai 1907)
R. Jeannel et E.-G. Racovitza. — Enumération des grottes
visitées, 1904-1906 (l'^ série). Biospéologica II 489
Fascicule 9
(Paru le 20 Mai 1907)
E. Simon. — Ai^aneae, Chernetes et Opiliones [i''''- série).
Biospéologica III (avec 3 tig. d. I. texte) 537
Index alphabéti^ie des matières 555
Versailles. Société Anonyme des Imprimeries Gérardin.
ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE
IV^ Série, Tome VI, p. 1 à 29.
30 Jancier 1907.
MORPHOLOGIE ET VARIATIONS
DE L'APPAREIL ROTATEUR
DANS LA SÉRIE
DES
ROTIFÈRES
PAR
1». DE BEAUCHAMP
Docteur en Médecine.
SOMMAIRE
Pag-es
I. — Introduction l
II. — Etude de quelques appareils rotateurs.
i L'appareil rotateur de Notommata (Copeus) cerberus Gosse 4
2 L'appareil rotateur de Diglena fordpata (Muller) 7
3 L'appareil rotateur de Furcularia forficula Ehebg 8
4 L'appareil rotateur de Proaies petromyzon (Ehrbg) 9
5 L'appareil rotateur de Pedalion mirum HUDSON 9
6 L'appareil rotateur de Cyrtonia tuba (Bbœibg) 12
7 L'appareil, rotateur d'Eicchlanis dilatata Ehrbg 1 i
8 L'appareil rotateur iVHydatina senia (Muller) 1(5
III. — La conception générale de l'appareil rotateur et ses variations anté-
rieurement DÉCRITES 18
IV. — Conclusions ^ 20
Ouvrages cités 27
INTEODUCTION
Dans tous les ouvrages où il est question de Eotifères, traités
généraux de zoologie ou mémoires spéciaux, on rencontre
d'abord l'affirmation que leur appareil ciliaire est composé de
Arch. de zool. exp. et sén. — iv" série. — t. vi. — (i) i
2 P. DE BEAUCHAMP
deux couronnes, l'une préorale ou trocJms, l'autre postorale
ou cingulum (1), lesquelles sont respectivement homologues
des deux couronnes semblables existant chez beaucoup de
larves trochophores d'Annélides ou de Mollusques, et sont un
des meilleurs arguments en faveur du rapprochement de ces
deux sortes d'organismes. On pourrait donc croire que cette
structure de l'appareil rotateur est quelque chose de tout à fait
général, ou du moins de primitif et d'établi comme tel par une
étude approfondie de ses variations dans l'ensemble du groupe.
Or si l'on prend la peine de regarder les Rotifères eux-mêmes,
en sortant de la demi-douzaine de formes qui ont fixé surtout
l'attention des monographes, l'on s'aperçoit que le type clas-
sique n'est pas réalisé dans la vingtième partie des espèces ; il
s'applique avec peu de variations à presque tous les Bdelloïdes,
parmi les Rhizotes aux Mélicertiens (2) qui ont surtout contribué
à sa constitution, aux Scirtopodes, à deux ou trois genres de
Ploïmes et c'est tout. La très grande majorité de ces derniers
qui forment la grande niasse des Eotifères et le groupe, sinon le
plus primitif, du moins le moins évolué dans des sens spéciaux,
y échappent en entier, et nous verrons tout à l'heure que
certains d'entr'eux qu'on avait cru pouvoir y rattacher n'y
rentrent nullement.
Si d'autre part on cherche dans la vaste bibliographie de l'ap-
pareil rotateur une tentative de synthèse de ces formes variées,
ou tout au moins de bonnes descriptions des plus caractéristiques
d'entre elles, on ne les y trouve pas. Chose étrange à dire, jamais
personne n'a pris la peine de figurer les principaux types de
l'organe rotateur en dehors des quelques espèces, presque toutes
Rhizotes ou Bdelloïdes ([ui ont fait l'objet de monographies
(1) Les dénominations de troclius et de cingulum ont été créées par CuniTT en 1872 ; quant
aux termes préorale et postorale, ils s'appliquent à un animal orienté horizontalement, la
tête en avant, et il est singulier qu'on ne les ait pas modifiés dans les ouvrages, comme la
Zoologie concrHe de MM. Delaoe et HéROVAKD (1897). où l'orientation verticale, la tête
en haut, est adoptée, comme noua le ferons ici. Les termes de supra-orale et d'infra-orale
sQ-ivent seuls s'appliciuer en ce cas.
(2) J'adopte ici la subdivision des Rliizotes en Mélicertiens et Flosculariens proposée par
HàRToo (1901) et qui est beaucoup plus justifiée que celle des l'ioïmes en Loriqués et lUo
riqués.
L'APPAHRfl. ROTATI-rn DKS l{OT[FKRES 3
étendues. On a généralisé la disposition de ces dernières au lieu
de tirer une notion synthétique d'une étude comparative com-
])Iète, on a fait ce qu'aurait fait Gosse si au lieu d'écrire son
mémorable travail sur les mastax il s'était borné à décrire le
type malléo-ramé par exemple et à af&rmer que tout s'y rap-
porte. Il faut néanmoins citer le très intéressant travail de
WESENBERCT-Limo (1899), le seul auteur qui ait eu l'idée
d'étudier l'appareil rotateur dans la série des Ploïmes sans
conception a priori et soupçonné son importance systématique
ainsi que ses corrélations avec le reste de l'organisme (le mastax
notamment) et le genre de vie de l'animal. Mais son étude
anatomique, restée toute superficielle, ne lui a pas montré les
véritables homologies et son mémoire, entièrement écrit en
danois, n'a pas eu les lecteurs qu'il méritait. Cette étude ne
demandait pourtant pas de moyens d'investigation bien per-
fectionnés ; il n'y faut qu'un peu de patience, car elle doit
être faite en majeure partie sur l'animal vivant et il n'est pas
toujours commode d'obtenir de bonnes vues d'une extrémité
céphalique bien étalée et bien orientée, même avec l'aide des
anesthésiques.
Le présent travail n'a pas pour objet l'étude détaillée de l'ap-
pareil rotateur dans toutes les familles ; il consistera en descrip-
tions aussi exactes que possible de quelques formes peu connues,
en rappelant pour la comparaison seulement celles déjà bien
décrites. L'on pourra, je crois, par la suite rapporter à ces exemples
presque toutes les variations existantes. C'est dans les mono-
graphies systématiques qu'il y aura lieu plus tard de poursuivre
celles-ci dans chaque genre ou famille. Je chercherai ensuite
à les relier dans une notion générale de l'appareil rotateur qui
me conduira à élargLr le schéma classique, mais je m'abstiendrai
pour le moment d'entrer dans les conséquences importantes
qu'on en peut tirer au point de vue des rapports des Rotifères
avec les autres groupes voisins, et surtout de la conception et
de la relation réciproque de leurs diverses coupes systém'atiques ;
elles seront développées dans un travail ultérieur oii pourront
4 P. DE BEAUCHAMP
intervenir les arguments tirés du reste de l'organisation. Je ne
citerai donc pas ici les interminables discussions interprétatives
et phylogéniques auxquelles l'appareil rotateur a donné lieu et
ne donnerai comme bibliographie que les descriptions anté-
rieures de chaque espèce considérée. Seront également laissés
de côté pour le moment les détails histologiques de la couronne,
les dessins ci-joints, légèrement schématisés, ne donnant que
la disposition des cils ; les contours du mastax, du cerveau et de
l'organe rétro -cérébral ont seuls été figurés pour servir à fixer
les rapports ; la considération de ce dernier (voir mes deux notes,
1905 c et 1906) est extrêmement importante et permet de
retrouver les homologies dans beaucoup de cas où on les a
méconnues jusqu'ici. De chaque extrémité céphalique sont figu-
rées en général deux vues. Tune ventrale, l'autre latérale ou
dorsale qui donnent une idée complète de l'appareil rotateur
mieux que la vue frontale ou supérieure, qui fournit de très belles
figures, mais présente la région buccale en un raccourci parfois
inadmissible, et de plus est fort difScile à obtenir malgré les
artifices préconisés par Masius (1890) et Eousselet (1902).
IL ÉTUDE DE QUELQUES APPAREILS ROTATEURS
10 L'appareil rotateur de Notommata (Copeus) cerberus Gosse
Cette espèce, intéressante en raison de sa grande taille qui la
rend d'une étude facile et que j'ai pu me procurer en grande
abondance, n'est point aisée à déterminer ; c'est M. Ch. F. Rous-
SELET, de Londres, qui, non sans hésitations, a fini par identifier
avec certitude mes spécimens à l'espèce de Gosse bien qu'elle
semble à première vue fort diiïérente de la description et de la
figure assez médiocres de cet auteur (1886) ; je lui exprime ici
tous mes remerciements pour son obligeance. Ce rapprocliement
méritera d'être confirmé par une étude détaillée que je ferai en
une autre occasion. Cela d'ailleurs n'a rien à voir avec l'étude
de son appareil rotateur, choisi ici en raison de sa facilité d'étude,
mais qui ne s'écarte en rien de celui des Notommata les plus
L'APPAREIL ROTATEUR DES ROTIFERES 5
typiqiies, notamment de Tespèce commune N. aurita (le genre
Copeus doit former à mon sens un simple sous-genre de Notom-
mata, dont il ne diffère que par des caractères tout relatifs et
non réunis dans toutes ses espèces, et la forme en question est
celle qui s'écarte le moins des Notommata proprement dites).
//Z/
Figure l. — Notommata (Copeus) cerberus Gosse; t^te x 320 environ; I, vue ventrale;
II, vue latérale ; c, ceinture clrcumapicale ; p, plaque buccale ; o, oreillettes ; g, cerveau ;
s, sac rétro-cérébral; r, glande sub-cérébrale ; b, bouche ; m, mastax.
Cet appareil rotateur (fig. 1) consiste en un vaste champ
cilié couvrant les faces supérieures et ventrales de la région
céphalique dont il occupe toute la longueur en haut tandis qu'il
se rétrécit en bas pour se terminer en pointe obtuse, légèrement
saillante à la surface du corps. La bouche étant au milieu du
champ, cette dernière portion peut, bien que non individualisée
comme dans d'autres cas dont il sera question tout à l'heure,
être qualifiée dès à présent de lèvre inférieure. Elle est tapissée
de cils très fins et très courts, à peine plus longs sur les bords,
qui paraissent très régulièrement disposés en quinconces. Cette
ciliation homogène se continue latéralement à la dépression
buccale et plonge à son intérieur jusqu'au mastax.
Au-dessus de la bouche les cils deviennent graduellement plus
longs et l'on s'aperçoit qu'ils laissent à nu sur la ligne médiane
une petite dépression que surplombe un pli cuticulaire nette ^
6 P. DE BEAI CHAMP
ment marqué. Cette dépression est tout à fait terminale sur
l'animal étendu (dans la fig. 1, I, il ne l'est pas complète-
ment) et c'est à son intérieur, à la base du pli cuticu-
laire, que viennent déboucher les deux conduits du sac
rétro -cérébral (le cerveau est enfoncé beaucoup plus bas
dans les tissus, comme on le
voit sur la coupe fig. 2, re-
production fidèle d'une pré-
paration) ; elle est, comme
nous Talions voir , d'une
importance capitale pour
rapprocher des autres appa-
reils rotateurs celui de No-
tommata considéré jusqu'ici
comme très aberrant, et elle
n'a jusqu'ici été aperçue que
par Bergendal (1892), le
seul auteur d'ailleurs qui ait
figuré avec précision la cilia-
tion des Notammatidés ; il
l'a décrite très nettement
chez N. gronlandica. Dorsa-
lement à elle, nous trouvons
donc encore une large bande
couverte de cils plus longs
que ceux de la région ven-
trale, limitée en arrière par
un bourrelet cuticulaire
transversal et se continuant
latéralement avec celle-ci.
A leur point de jonction existe une autre différenciation ; ce
sont les oreillettes si fréquentes chez les IS^otommatidés. Elles
sont représentées invaginées sur la vue de profil, semi-étalée à
droite, étalée à gauche, sur la vue de face ; un coup d'œil sur
ces figures suffit à montrer que ce sont simplement des
Fig. 2. — Notommata (Copeus) cerbenis UOSSE ;
coupe sagittale paramédiane x 350. Mêmes
lettres que la précédente, et : cr. crochet cuti-
culaire ;. oe, œsophage ; i, intestin ; r, vitello-
g^ne ; 7. glande pédieuse.
L'APPAREIL ROTATELR DES ROTIFÉRES 7
régions du champ cilié général oii les cils sont beaucoup plus
longs, mais rattachés au reste par des intermédiaires. Elles sont
invaginables, sous l'action d'un muscle spécial, en une poche
qui abrite ceux-ci quand l'animal rampe, mais peuvent au
contraire quand il nage s'évaginer en une sorte de corne trans-
versale. Il existe deux touffes contiguës de ces longs cils, l'ex-
terne plus longue, qui se traduisent à l'état de rétraction par un
aspect bilobé .de la poche ; leur continuité avec le reste de la
ciliation est évidente. Mentionnons encore que le champ ciliaire
est longitudinalement. au moins au-dessus de la bouche, déprimé
sur la ligne médiane, ébauche d'une division en deux champs
latéraux qui existe chez d'autres formes.
Ce type d'organe rotateur se rencontre chez la plupart des
Notommata proprement dites (du type de N. aurita car le genre,
malgré les expurgations qu'il a subies, est encore assez hétéro-
gène) et chez quelques genres voisins, avec des modification,^
de détail portant uniquement sur les proportions des différentes
parties, oreillettes et lèvi'e inférieure principalement. En parti-
culier dans les formes extrêmes des Copeus. tels que C. copeus
(Ehrbg), ces parties s'allongent beaucoup; la seconde se détache
complètement du corps jusqu'à la bouche, et dans les premières
la touffe distale de cils subsiste seule, sa continuité avec le
reste de la ciliation n'étant plus apparente.
2" L'appareil rotateur de Diyleint for rijKila (0. F. Millier)
Chez D. foreipata, l'appareil rotateur (fig. 3) rappelle beaucoui)
à première vue celui des Notommata ; c'est un champ cilié encore
plus allongé s'étendant en arrière et en avant de la bouche
qu'atïleure directement le mastax- forcipé, avec ébauche de
sillon médian de même. On voit en haut des cils plus longs s'in-
sérer latéralement dans deux légères dépressions, et l'on y
reconnaît de petites oreillettes invaginées, qui n'ont pas été
mentionnées jusqu'ici dans les descriptions de l'espèce car elles
sont fort rarement évaginées chez cet animal qui nage peu. Le
repli cuticulaù'e supérieur existe, très accentué, et prend vu
p. DE BEAUCHAMP
de profil l'aspect d'un véritable crochet depuis longtemps décrit
par les auteurs. 3Iais il se continue en arrière directement avec
la cuticule du corps.
Son homologie avec
celui des Notommata
n'est pourtant pas dou-
teuse, car à sa base,
où sont placés les deux
yeux , s'ouvrent les
deux conduits de l'ap-
pareil rétro - cérébral
(que j'ai pu le premier
déceler dans cette es-
pèce par la coloration
vitale). Il faut donc
T. „ r>. , . .. ,T.T V ^-^ on„ admettre que toute la
FiG. 3. — Diglena forcipata (Muller) ; tête x 360 env. ^
I, vue ventrale ; II, vue latérale. Mêmes lettres que partie pOStéricure à lui
précédemment.
de 1 appareil rotateur a
disparu chez Diglena.
Cette disposition se rencontre chez un certain nombre d'es-
pèces du genre Diglena et des genres voisins {Pleurotrocha, etc.)
et chez les Bdelloïdes du genre Adineta.
3° L'appareil rotateur de Furcnlaria forficula Ehrenberg
Dans F. forficula (fig. 4), l'appareil ciliaire est beaucoup moins
développé ; les cils recouvrent
l'extrémité céphalique conique
sans dilïérenciation bien mar-
quée, en ne laissant que deux
espaces nus ; l'un, presque ter-
minal, entoure la bouche, pour-
vue de lèvres protractiles, l'autre,
un peu plus dorsal, présente un
petit repli cuticulaire à la base
duquel est l'œil et qui est certainement homologue de celui des
o r__
y-i--/
-.J7V
FiG. 4. — Furcularia forficula Ehrbg ; tête,
vue latérale x 570 environ. Mêmes lettres
L'APPAREIL ROTATEUR DES ROTIFERES ^
deux formes précédentes. Somme tonte, la différence de propor-
tions qui empêche de distinguer une partie buccale d'une partie
circumapicale est, en outre de l'absence d'oreillettes, tout ce
qui distingue cette disposition de celle de Notonwiata. Ce type
est assez général chez les Furcularia, et surtout chez les Dias-
chiza.
4" L'appareil rotateur de Proaies pelromyzon (Ehrenberg)
Chez cette forme comme chez la précédente, l'appareil rota-
teur est réduit à une ciliation à peu près circulaire de la région
céphalique, mais les rapports en diffèrent assez profondément
(fig. 5). Elle est tout entière supérieure
à la bouche et comprend un champ
frontal tapissé de cils régulièrement
disposés qui plongent à la partie infé- /^ —
rieure dans celle-ci et croissent à me-
sure qu'ils s'en éloignent, deux touffes
latérales assez développées pour simu-
1er presque des oreillettes, et un autre
arc dorsal qui les raccorde. Entre
1 . . , , 1 p i 1 „j '4. 1 FiG. 5. — Proaies petromy^on (Ehkbg) ;
celui-ci et le champ frontal s étend un ^.^^ ^^ ,^^.^^j^ ^7oo environ.
petit espace nu oii s'élèvent deux Mêmes lettres.
tentacules sétigères et que, vu l'absence de sac rétro -cérébral
développé aussi bien que de repli cuticulaire, on ne peut qu'avec
doute homologuer à la place oii se trouvent ces formations
chez Notommata et Diglena. En somme on arrive à cette dispo-
sition par : 1° la suppression de toute la partie infraorale du
champ ciliaire de ceux-ci ; 2° la raréfaction des cils accompa-
gnée comme toujours de leur différenciation. Un intermédiaire
est réalisé par Pr. decipiens (Ehrbg) où l'appareil ciliaire est
disposé exactement comme celui de D. forcipata, mais ne se
prolonge pas en arrière de la bouche.
5" L'appareil rotateur de Pedalion niirum Hudson
Cette forme a été bien décrite par Hudson (1886), puis par
Levander (1894) ; il n'en existait néanmoins pas de figure
10
p. DR BEATT.ITAMP
montrant bien les caractères sur lesquels nous devons insister.
Elle paraît s'écarter beaucoup des précédentes, tout en réali-
sant entièrement le type conventionnel de Fappareil rotateur ;
mais décrivons-la d'abord (lig. 6). La surface supérieure tronquée
de la tête est occupée par un vaste champ nu à la partie ventrale
duquel le cerveau est immédiatement accolé. Ce champ est divisé
eu deux lobes, droit et gauche ; une bande finement ciliée en fait
le tour, interrompue par
une lacune dorsale entre
ceux-ci, tandis que ven-
tralement elle s'élargit un
peu, porte la bouche en
son milieu, se continue
avec l'œsophage cilié et
se prolonge vers le bas
en une lèvre inférieure
courte, mais saillante pres-
que horizontalement. Elle
est bordée en haut i^ar
une rangée de cils longs
et forts qui passe au-
dessus de la bouche (c'est
elle qui donne lieu, par
une illusion bien analysée
FiG. fi. — Pedalion nUrum Uiw^o-x : extrémité supé- par ZeLINKA, 1886, chcZ
rieure x 250 environ. T. vue ventrale ; II, vue laté- ^ ,,.-,. ; t i,.,. ,„^v.r.rv
, „. , ..^ , - X.1 4. 4. 1 (lalhdina, a J apparence
raie. Mêmes lettres que les précédentes, et : rt, champ ' w"'^""" " » ii
apical ; if, trochus ; Z, lèvre inférieure. d'unC doublc rOUC tour-
nante qui a tant frappé les anciens observateurs et d'où ])ro-
vient le nom d'organe rotateur) ; elle l'est en bas par une autre
rangée de cils beaucoup plus courts, guère plus longs que les
siens, qui borde également la lèvi'e inférieure. Tous les cils qui
tapissent celle-ci sont beaucoup plus longs (jue ceux du reste.
Au fond, cette disposition n'est pas si éloignée qu'elle le parait
de celle de Notommata : le large champ nu de Fedalion correspond
au petit espace frontal de celui-ci ; il s'est chez le premier
IVAPPAREIL HOTATETll DES UOTIFERES 44
considérablement rétréci en même temps que le cerveau s'enfon-
çait dans la profondeur, mais ses rapports primitifs avec lui sont
encore attestés par la présence des orifices de l'appareil rétro -
cérébral (celui-ci n'a pu être décelé chez Pedalion mirum, mais
chez Pterodina clypeata où l'organe rotateur est tout à fait
analogue sauf l'absence de lèvre inférieure, il en existe un rudi-
ment avec deux conduits débouchant à droite et à gauche sur
l'espace apical). La bande ciliaire qui entoure ce champ est
naturellement beaucoup ])lus développée, tandis que la ciliation
ventrale a subi une régression, l'animal étant pélagique au lieu
de ramper parmi les végétaux, et pourtant la lèvre inférieure
est encore bien marquée. Enfin la présence de cils plus longs
sur les deux bords du sillon cilié, surtout le supérieur, est
commandée chez un animal nageur par des raisons purement
mécaniques. Quani à l'interruption dorsale elle est tout à fait
secondaire et on en rencontre de semblables à chaque instant
dans l'étude des appareils rotateurs, même chez des types très
voisins.
La disposition réalisée chez Pedalion est, nous n'avons pas
besoin de le rappeler, celle qui se rencontre, en outre de Pterodina,
chez les Ploïmes, dans les Philodinidés parmi les Bdelloïdes
et les Mélicertiens chez les Rhizotes, avec des complications
secondaires (présence d'une trompe, lobes plus nombreux). C'est
à elle qu'on a emprunté le type prétendu fondamental de l'organe
rotateur où l'on décrit les deux couronnes supra- et infra-orale
sans insister d'habitude sur le sillon cilié qui les sépare ; mais on
a trouvé celui-ci dans la plupart de ces formes dès qu'on a
voulu y regarder de près. Levander l'avait déjà vu dans Peda-
lion (1894), Plate l'a signalé dans Pterodina (1889), Zelinka
dans CalUdina (1886), Hlava dans Conochiloides (1905), et
bien qu'il ne figure pas dans les descriptions nombreuses de
Melicerta ringens, j'ai pu m'assurer de sa présence chez cette
forme où les cils sont, il est vrai, fort ténus.
12
P. DE BEAUCHAMP
6" L'appareil rotateur de (Ji/z-lo/tia fiibn (Ehrenberg)
La couronne ciliairc de C. tuba a été bien décrite et figurée
par EousSELET (1894) auquel nous devons tout ce que nous
savons sur cette espèce dont il a fait à juste titre un genre spé-
cial. Mais ses figures ne se prêtent pas à la comparaison avec
les nôtres, et son interprétation a été viciée par la préoccupa-
tion des « deux couronnes » classiques bien qu'il ait reconnu
qu'elle forme passage entre Notommata et Hydatina. J'ai eu
la bonne fortune de pouvoir me procurer de cette espèce rare
quelques exemplaires que j'ai étudiés au point de vue de l'ap-
pareil rotateur et qui m'ont fourni des conséquences impor-
tantes quant à l'interprétation de celles qui vont suivre.
FlG. 7. — CyHonia tuba (Ehrbg). Extrémité supérieure x 380 environ. Mcpies lettres que les
précédente*, et : t, touffes ciliaires supérieures ; d, arcs ciliaires adoraux.
Chez CyHonia (fig. 7) il existe encore un vaste champ apical
nu qui se relève dorsalement en pointe très obtuse ; il est limité
par une rangée de cils assez forts dont la longueur est minima,
sans pourtant qu'ils s'interrompent, au sommet de cette pointe,
sur la ligne médiane dorsale. Deux soies un peu plus fortes,
sans doute sensorielles, se trouvent de part et d'autre de celle-ci.
Latéralement la ceinture ciliaire, en décrivant une sinuosité
dont les cils sont plus longs, vient se jeter dans les angles d'une
aire circumbuccale ciliée qui occupe toute une large troncature
antéro -supérieure se raccordant au champ frontal et à la surface
du corps. Vue de face, elle a la forme d'un quadrilatère allongé
. L'APPAREIL ROTATEUR DES ROTIFERES 13
transversalement ; dans sa moitié inférieure se trouve la bouche,
fendue dans la hauteur. Elle est bordée de deux rangées de longs
cils, incurvés vers son intérieur, qui à son extrémité supérieure
se portent transversalement en dehors, divisant l'aire buccale
en deux champs superposés. L'inférieur, séparé lui-même en
deux moitiés symétriques par la bouche, est nu ou ne porte
que quelques cils clairsemés ; il est séparé de la surface du corps
par deux arcs ciliaires rejoignant l'extrémité inférieure de la
fente buccale. Le supérieur, beaucoup plus vaste, est tout entier
tapissé de cils relativement longs (plus que chez Notommata),
et sa limite supérieure est formée par une rangée de cils très
longs, séparés en une touffe médiane plus haute et deux laté-
rales s'abaissant graduellement ; elles bordent immédiatement
le champ cilié, au contraire de ce que figure Eousselet. A l'angle
externe de ce champ, les trois rangées de cils que nous venons
de décrire se confondent entr'elles et avec la ceinture circum-
apicale, ou plutôt toutes se confondent avec les cils du champ
lui-même beaucoup plus longs à cet endroit, ce qui donne lieu
à l'apparence d'oreillettes bien vue par Rousselet.
Si nous comparons maintenant cette organisation à celle de
notre premier type, nous constatons d'abord la dilatation du
champ apical comme chez Pedalion (le cerveau n'y est pas immé-
diatement sous-jacent, mais ses nerfs rayonnent vers lui ; le
petit nombre d'exemplaires à ma disposition ne m'a pas permis
de rechercher l'appareil rétro-cérébral, mais je ne serais pas
étonné qu'il en existât un rudiment comme celui que j'ai décrit
dans Hydatina, [1906]). Mais à l'inverse de Pedalion, la bande
ciliaire qui contourne ce champ s'est réduite à une simple rangée
de cils forts (chose déjà réalisée dans quelques IS'otommatidés :
voyez ci-dessus Proaies et la description de Notommata distincta
par Bergendal, 1892), tandis que l'aire buccale gardait un
grand dévelox)pement. Toutefois sa partie supérieure reste seule
complètement ciliée et se borde de cils plus longs, l'inférieure
régressée se réduit à deux arcs ciliaires séparés de celle-ci et se
rejoignant à l'extrémité inférieure de la bouche, que nous allons
H 1', l)F, HEATTHAMP
maintenant rotrouver chez toutes les formes qu'il nous reste
à examiner.
7" L'appareil rotateur dH lùiclihuii^ dilntulti Ehrenberg
Cette forme très commune a été souvent décrite ; les anciennes
descriptions de Leydig (1854) et Cohn (1858) sont incomplètes,
celle d'HuDSON (1872) in-
exacte, celles ])lus récentes
d'EcKSTEiN (1883), de Plate
(1886), de Weber (1898),
sont correctes et sensible-
ment concordantes. Mais il
n'eu avait pas encore été
donné de ligure détaillée et
permettant la comparaison
avec les précédentes. I^ous
reconnaissons à première vue
(fig. 8) le champ cUié de
f'yrtonia où s'ouvre inférieu-
rement la bouche ; mais il
est beaucoup plus réduit,
triangulaire de forme, et les
cils qui le tapissent sont très
courts, à rinverse de ceux
qui le bordent : les latéraux,
peu nombreux, se portent
en dehors, les supérieurs for-
ment trois rangs différenciés
de taille croissante à partir
du bas et dont le dernier est
divisé comme dans la forme précédente en une touffe médiane
et deux latérales, un peu plus élevées. Celles-ci en dehors
s'incurvent légèrement vers le bas sans rejoindre tout à fait les
deux autres côtés du triangle. Les deux arcs ciliaires inférieurs
de Cyrtonia sont ici bien développés et complètement indépen-
P'k;. 8. — Euchanix (Hlalula Khkhg. Tête x 27^
environ. T. vue ventrale : II, vue dorsalf
Mêmes lettres Que précédenimeut.
l/APPAHEIl. HOTATETTR DES UOTTFÈRES
15
■È>
(f
—P
fn
dants du champ ; ils se réunissent en bas sous la bouche, s'in-
curvent en dehors et se terminent sur les côtés sans se continuer
avec ceux dont nous allons parler.
La ceinture circumapicale enclôt un espace beaucoup plus
petit, mais qui renferme les deux ,^;
papilles par où s'ouvre le sac
rétro-cérébral, flanquée chacune
en dehors d'une petite éminence
qui porte des soies sensorielles
(elle a été bien vue par Plate ;
cf. les tentacules que nous avons
vus chez ProaJes 'petromyzon). La
coupe de la iig. 9 montre les rap-
ports des organes céphaliques
identiques à ce qui existe chez
Notommata. Quant à la ceinture
elle-même elle comprend deux
parties bien distinctes : une ran-
gée dorsale juste derrière les pa-
]iilles, dont les cils assez longs
s'abaissent et s'interrompent
presque sur la ligne médiane ;
deux rangées latérales placées
notablement plus bas et séparées
d'elle par une forte lacune ver-
ticale, qui sont formées de cils Fig. O. — Emhlanis dUatata Ehkhg. Coupe
, ^ , ^ ^ t, j_ X ' sagittale paramédiane x 350. Mêmes lettres.
très longs, très forts, recourbes
en dehors, qui rappellent presque des oreillettes (la présence de
cils plus longs aux extrémités latérales de la couronne est, nous
l'avons vu, un fait fréquent, surtout chez les formes dont le
corps est autant ou plus large que celle-ci ; elle s'explique
évidemment par des raisons mécaniques fort simples). Ces deux
arcs latéraux de la ceinture postérieure restent séparés par un
certain espace de ceux qui passent sous la bouche; les rangées
limitant le champ ciliaii'e ventral arrivent entre les deux et
16
P. DE BEAUGHAMP
ne les touchent pas davantage. Toutes les espèces d'Euchlanis
sont conformes à ce type.
8^ L'appareil rotateur à!Hi/datinn senta (0. F. Millier)
Cette forme, si favorable à Fétude et dont pourtant nous ne
possédons pas une monographie détaillée, a eu sa couronne
figurée et décrite autre-
fois par OOHN (1856) et
Leydig (1857), plus ré-
cemment par Plate
(1886), qui Ta fait cor-
rectement. L'importance
de son interprétation
étant grande, j'en re-
donne néanmoins une
figure (fig. 10). Elle dif-
fère somme toute fortpeu
des deux précédentes :
le champ ciliaire supra -
buccal est encore plus
réduit que chez Euchla-
nis, tapissé de cils très
fins qui plongent dans
la bouche. Ils ne mon-
tent pas tout à fait
jusqu'aux deux rangées
de cils forts, les supé-
rieurs plus grands et
plus espacés, qui le limi-
tent et sont eux-mêmes surmontés, toujours comme chez elle,
par trois touffes de cils, qui, simple bordure du champ chez
Cyrtonia, sont ici extrêmement diiïérenciées. Tout d'abord
elles sont formées de lamelles triangulaires très larges, que
leur dissociation aisée sous l'influence des réactifs montre,
aussi bien que l'étude histologique, être de véritables cils
Fig 10. — Eydatina senta (Muller). Tête x 260 environ.
I, vue ventrale ; II, vue dorsale. Mêmes lettres.
L'APPAUKIL HOTATEliH DES ilOTIFÈRKS 17
composés. Comme elles n'ont pas encore en français de
nom qui s'applique bien à elles, je propose de les appeler
membranelles ainsi que celles des Tnfusoires Hétérotriches aux-
quelles elles sont absolument comparables au point de vue
histologique comme cils composés, au point de vue morpholo-
gique général comme différenciation d'un champ ciliaire d'abord
homogène.
La touffe médiane se décompose en deux rangées de mem-
branelles superposées : une ventrale presque sessile en a sept,
une dorsale, portée sur une éminence très saillante, en a quatre.
Les deux latérales, également portées par des surélévations du
champ, se décomposent elles-mêmes, cette fois dans le sens
transversal, en deux : la partie interne a deux membranelles,
rarement trois, l'externe en a cinq d'après Plate, plus souvent
d'après mes observations six ou sept ; les dernières s'inflé-
chissent vers le bas et restent séparées par une lacune de
deux rangées, de membranelles également, qui limitent le champ
ciliaire sur les côtés et plongent avec lui dans la bouche.
L'ensemble constitue ce que les auteurs ont appelé la « cou-
ronne préorale » de l'Hydatine. Mentionnons un détail non vu
par Plate : ces deux rangées latérales sont doublées chacune
d'une rangée de cils ordinaires très régulièrement intercalés
entr'elles. A la partie inférieure, ils se continuent par deux
touffes linéaires dans l'intérieur de la bouche au-dessous des
dernières membranelles ; à la partie supérieure, par deux petits
arcs ciliaires doublant les touffes latérales et se continuant
avec la plus inférieure des deux rangées transversales décrites
tout à l'heure (qui sont formées également de membranelles,
mais plus petites).
Une ceinture postérieure de cils fins et serrés court parallèle-
ment aux trois touffes supérieures et un peu plus bas. Elle enclôt
un champ apical bien étroit comparé à ceux de Cyrtonia ou de
Pedalion, mais oii aboutissent les deux tractus qui terminent
l'appareil rétro-cérébral rudimentaire décrit par moi chez cette
forme (un peu en arrière de la touffe médiane, par conséquent,
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET UE.N. IV^ SERIE. T. VI. (il 2
18 l\ DE BEAUCHAMP
et non de part et d'autre d'elle comme je l'ai dit par erreur dans
ma note 1906). Elle se continue avec les arcs ciliaires adoraux
se réunissant sous la bouche et formés de cils semblables, sans
autre démarcation qu'une inflexion oii s'insère une forte soie
sensorielle (deux autres soies semblables existent plus dorsale-
raent, sans doute homologues de celles que j'ai signalées dans
Cyrtonia). L'ensemble forme la couronne postorale des auteurs.
A côté de l'appareil rotateur de l'Hydatine, il faut placer celui
des Brachions qui lui sont rattachés par l'intermédiaire du genre
Notops. Il a été bien figuré par Eckstein (1883) chez Brachionus
urceolaris Mùller, ce qui me dispense de le dessiner à nou-
veau. Là est encore plus accentuée la disposition en double cou-
ronne (profondément différente comme on le voit de celle de
Pedalion et des Mélicertiens), compliquée par la présence de
lobes qui s'intercalent entre les épines de la carapace. La « cou-
ronne pré-orale » forme trois lobes (voir le schéma K, fig. 13),
les deux latéraux larges, bordés de cils forts et longs mais sans
autre différenciation, le dorsal très long et ovi l'on reconnaît
à première vue la touffe médiane postérieure de l'Hydatine.
Toute la surface de ces lobes est tapissée de cils très fins, bien
figurés par Eckstein et dont j'ai moi-même constaté la pré-
sence sur plusieurs espèces de Brachions. Ils se continuent avec
la ciliation de l'entonnoir buccal. Quant à la « couronne post-
orale », elle comprend deux lobes dorsaux bordés par la ceinture
circumapicale, deux ventraux — non raccordés aux ])récé-
dents — par les arcs adoraux. Je n'insiste pas sur la disposition
des soies sensorielles.
m. LA CONCEPTION GÉNÉRALE DE L'APPAREIL ROTATEUR
ET SES VARIATIONS
Il nous est maintenant facile de nous fah'e une idée générale
de l'appareil rotateur et de concevoir une forme simple, appa-
remment primitive, dont il nous sera aisé de faire dériver
toutes les autres par des modifications étroitement liées au genre
-,y
L'APPAREIL ROTATEUR DES ROTIFERES 19
de vie. J'espère pouvoir prouver ailleurs, en sortant du groupe
des Eotifères, que c'est en effet une voie qu'a dû suivre la diffé-
renciation pbylogénique et qui explique seule les ressemblances
et les rapports entre un certain nombre de formes animales.
Nous ferons ce type morphologique intermédiaire à Notommata
et à Pedalion (flg. 11).
Un large champ apical
nu, qui représente le
point de l'ectoderme
oii s'est différencié le
cerveau (celui-ci n'est
plus en contact direct
avec lui chez les Eoti-
fères) Il n'a iamais ^^^' ^^' ~ ^^^^^^ '^" *yP'' générai de rappareil rotateur.
*' ^ Mêmes lettres.
de cils moteurs, mais
porte fréquemment des soies et organes sensoriels. C'est, en
un mot, pour lui donner son véritable nom qui indique du
coup ses homologies, une plaque syncipitale. L'on y trouve
encore les orifices du sac rétro -cérébral, différenciation glandu-
laire de l'ectoderme apical qui s'applique à la face postérieure
du cerveau. Ce champ est entouré d'une bande finement ciliée
que nous appellerons bande circumapicale. En avant elle s'élargit
pour se jeter, sans démarcation nette, dans un vaste champ
ventral également cilié où s'ouvi'e la bouche et que nous appel-
lerons la plaque buccale; nous y distinguerons dès à présent, en
vue de l'étude des modifications qui vont suivre et bien qu'elles
ne soient pas séparées chez ce type primitif, une portion supra-
orale, une adorale et une infra-orale. Si nous admettons que
des cils un peu plus forts, surtout "au bord supérieur, suivent
les contours de cet appareil ciliaire (qui présente comme on le
voit la forme d'une bague avec son chaton), on pourra dire
que ce schéma diffère peu du schéma classique dans lequel
Delage et HÉROUARD (1897) et Hartog (1901) ont compris
correctement la ciliation de l'espace compris entre les deux
couronnes. Il en diffère pourtant : 1° par l'importance majeure
20 P. DE BEAUCIIAMP
attribuée à cette ciliation, dont les couronnes ne sont qu'une
différenciation non constante ; 2° par la distinction essentielle
entre la portion buccale et la portion circumapicale.
Chez Notommata, forme rampante (fig. 12 A) la tête s'allonge
et le cerveau s'enfonce dans la profondeur ; l'aire syncipitale se
réduit par suite à une petite dépression nue que permettent
seuls d'homologuer les conduits de l'appareil rétro -cérébral.
Une bande circumapicale plus ou moins développée le contourne,
peu distincte de la plaque buccale qui au contraire est très éten-
due et se prolonge loin en arrière de la bouche, souvent diffé-
renciée en lèvre inférieure. Sa ciliation uniforme constitue,
comme chez une Planaire, le seul moyen de locomotion de l'ani-
mal quand il rampe ou nage lentement. Quand il nage avec vi-
gueur, apparaissent deux oreillettes qui ne sont qu'une différen-
ciation latérale de l'appareil ciliaire, invaginable et à cils allongés.
Chez Diglena (fig, 12 B) le type est identique, sauf la disparition
totale de la ceinture circumapicale inutile à la reptation (ce
type est aussi réalisé fort loin de là dans Adineta, correspondant
au second type bdelloïdique d'HuDSON [1886]). Chez des formes
moins exclusivement rampantes, on observe une série de régres-
sions à partir des deux précédents, avec développement varié
des diverses parties, mais le plus souvent disparition de la
portion infra-orale comme nous l'avons décrit chez Proaies et
Furcularia. On remarquera que ces deux formes tendent par
simplification à la constitution d'un cercle ciliaire unique,
supra-oral chez l'une, infra-oral chez l'autre (Cf. ma description
de Drilo'pliaga Delagei de Beauchamp et Pleurotrocha parasitica,
Jennings 1905 h) et que ceux-ci ne préjugent ainsi nullement
l'existence d'un type normal à deux couronnes. Ces exemples
suffisent à indiquer les très nombreuses variations qu'offrent
les Notommatidés dans leur appareil ciliaire, suivant le genre de
vie, et dans la revision si nécessaire de cette famille il sera aisé
de les y rattacher presque toutes (voir les figures de Bergendal,
1892).
Dans un second groupe de formes, la disposition est précisément
L'APPAREIL ROTATEUR DES ROTIFERES
21
inverse : élargissement de la bande circumapicale, réduction
de la plaque buccale qui ne sert plus à la reptation ; chez Feda-
lion mirum (fig. 12 D) et quelques Mélicertiens elle forme encore
une lèvre inférieure, jouant sans doute un rôle dans la préhen-
sion des aliments et qui manque dans l'autre espèce du genre
Pedalion (voir Levander, 1894). Les deux bords de l'appareil
ciliaire se garnissent de cils beaucoup plus longs, surtout au
bord sui)érieur, qui prennent le rôle XJrincipal dans la propul-
FiG. 12. — Schéma de queltiues appareils rotateurs : A, Notommata ; B, Diglena ; C, Eos-
phora ; P, Pedalion ; E, Melicerta ; F, Callidina.
sion chez les formes nageantes, dans l'adduction des particules
alimentaires chez les fixées, tandis que la ciliation qui les sépare
devient très fine. Il y a d'ailleurs une division du travail
connue depuis longtemps entre ces parties : le trochus, mettant
l'eau en mouvement dans le sens vertical, produit la progres-
sion ou amène les paroicules flottantes à portée du cingulum
et de la bande ciliée qui les acheminent vers la bouche, dans
le plan horizontal. Ce type correspond à l'un des deux types
rhizotiques d'HuDSON et l'un de ses deux types bdelloïdiques :
il est en effet réalisé, chez les Ploïmes, dans la famille des
-2^2 P. DE BEAUCHAMP
Pterodinidés (1), chez les Scirtopodes, chez les Ehizotes Méli-
certiens où il se complique peu à peu en se lobant pour
augmenter l'étendue de la ligne ciliaire utile (fig. 12 e), enfin
chez les Bdelloïdes dans leur principale famille, les Philodinidés,
où apparaît un nouvel organe, la trompe, en rapport avec le
mode particulier de reptation (fig. 12 F). Je n'insiste pas sur
celle-ci, Zelinka (1891) ayant magistralement démontré par
l'embryologie qu'elle correspond à une partie médiane du champ
apical lui-même, qui a donné naissance à la partie postérieure
du cerveau et se déplace ensuite vers le dos : si ces animaux
avaient un sac rétro -cérébral, c'est au sommet de la trompe
qu'il s'ouvrirait.
Parlons ici du cas d'Eosphora digitata Ehrbg dont j'ai publié
une figure l'année dernière (1905 a). Elle possède dorsalement
(fig. 12 C) deux couronnes, dont la supérieure est interrompue
par deux protubérances oculaires ; un peu en avant d'elle,
deux tentacules sétigères et les orifices du sac rétro-cérébral.
Latéralement, les deux couronnes se réunissent en une seule qui
vient se fermer sous la bouche. Nous avons là un cas analogue
au précédent par la duplicité postérieure des couronnes dérivées
de la bande circumapicale, mais avec disparition complète de
la plaque buccale. La raison en est simple : en dehors des formes
rampantes, celle-ci sert à amener à la bouche les débris ou les
petits êtres vivants dont se nourrit l'animal. Quand son régime
se compose de proies vivantes de grande taille, qu'il saisit direc-
tement avec un mastax forcipé plus ou moins préhensile, ce
qui est le cas ici, elle n'a plus de raison d'être et disparaît.
Eosphora digitata nous mène par l'intermédiaire de Triphylus
lacustris (Ehrbg) qui a le même type aux Asplanchna dont les
mœurs sont les mêmes et où n'existe plus qu'un cercle ciliaire
simple (voyez Masius, 1890, et les autres descriptions des auteurs
(1) On compte souvent parmi les Ploïmes à couronne double les Microcodonidés ; je n'ai
pu encore les étudier à ce point de vue, mais un coup d'œil sur les figures des auteurs suffit
à montrer que les deux couronnes sont réalisées par un processus tout différent et rappelant
plutôt ce que nous allons voir tout à l'heure. Au contraire le genre Triarthra parait se rapporter
au type Pedalion avec simplification.
I/APl'AREIL ROTATEUR DES IIOTIEERES
23
Leydig, 1854, Plate, 1886, etc.), la couronne supérieure à'Eos-
phora ayant disparu tandis que les protubérances oculaires et
les tentacules qui l'accompagnaient persistent sur le champ
frontal relevé en deux bosses de V AsplancJina.
Cyrtonia nous mène à un quatrième grand type (fig. 13 H) :
champ apical bien développé, la bande qui l'entoure réduite
à une simple rangée de cils, plaque buccale très large, mais sa
partie infra-orale ayant complètement disparu et sa partie
adorale réduite aux deux arcs ciliaires qui la limitent en bas.
Fig. 13. — Schéma de quelques appareils rotateurs : G, Synchœta ; H, Ci/rtonia ; I, Euchlanis ;
J, Hydatina : K, Brachionm.
Cette plaque est bordée de cils longs (1) qui forment au bord
supérieur une touffe médiane et deux latérales.
Ces caractères se modifient peu en passant aux EucManis
et Hydatina (fig. 13, I et S), par la diminution simultanée de
l'espace apical et de la ciliation de la plaque buccale (en rapport
toujours avec le mastax : ces deux genres ont un mastax malléé
ou sub-malléé, légèrement préhenseur, tandis que celui de
Cyrtonia, malléo-ramé, ne l'est pas du tout). En même temps,
(1) Chez les formes rampantes, nous avons trouvé une ciliation uniforme; chez les nageuses
les cils marginaux de toute aire ciliée sont beaucoup plus longs que les autres ; ce n'est pas
une simple coïncidence : quand les cils doivent agir sur une surface soUde, s'ils n'étaient pas
tous de même taille, une partie d'entre eux ne toucheraient pas le substratum et n'agiraient
pas. Quand ils doivent au contraire battre l'eau, les marginaux ont un champ d'action et
une résistance a vaincre beaucoup plus grands, et ils grandissent par excitation fonctionnelle.
24 P. DE BEAUCIIAAIP
hi différenciation histologique des cils bordant cette plaque
atteint un haut degré et les arcs ciliaires adoraux arrivent à
se raccorder directement à la ceinture circumapicale en une
couronne infra-orale unique, plus ou moins comparable, quoique
formée par des intermédiaires tout différents, à celle du type
Pedalion.
Mais on ne peut nullement homologuer, comme l'ont fait jus-
qu'ici les auteurs, la ceinture préorale du Brachion ou de l'Hy-
datine à celle du Pedalion ou de la Mélicerte, la première entou-
rant une partie du champ buccal, à ciliation prolongée dans
la bouche (qui par une régularisation secondaire arrive chez
BracMonus (fig. 13 K) à tapisser le sommet apparent de la tête
et rejette dorsalement le véritable espace apical), la seconde
ce champ apical lui-même, toujours nu on ne portant que des
soies sensorielles. Le « pseudotrochus » plonge à la partie infé-
rieure dans la bouche, le trochus se ferme au-dessus d'elle ;
il est vrai que dans le cas, qui peut exister, d'interruption ven-
trale, ce caractère n'est pas appréciable. Les deux dispositions
à double couronne, si semblables que tous les auteurs jusqu'ici
les ont identifiées, sont différentes à un tel point qu'on ne peut
les concevoir reliées que par l'intermédiaire du schéma que
nous avons construit et qui se trouve ainsi justifié.
Nous savons qu'au type des Hydatinidés se rattache celui
des Brachionidés, et celui des Auurœidés qui en sont proches.
A celui moins différencié des Euchlanidés (1) il faudra sans
doute rapporter, avec des variations analogues à celles qui se
présentent chez les Notommatidés, et souvent plus voisines de
celles-ci, les dispositions de l'appareil rotateur dans les quatre
familles des Dinocharidés, Coluridés, Cathy;[3nidés et Salpi-
nidés, que je n'ai pas eu le temps d'étudier en détail. Il nous
faut encore rattacher à nos descriptions deux autres cas oii
l'appareil rotateur a été bien décrit : celui des Synchaetidés,
(1) Le cas particulier de la division de chaque demi-ceinture circumapicale en deux arcs
superposés chez Euchlanis semble, quand on le rapproche de ce que nous avons vu chez Eos-
phora, devoir faire admettre (jue ces deux ares dérivent des deux lèvres de la bande ciliée
primitive, correspondant ainsi à deux portions de trochus et de cingulum.
L'APPAREIL ROTATEUR DES ROTIFÈRES â5
qu'on trouvera figuré dans l'excellente monographie de Eous-
SELET (1902) et dont je donne le diagramme fig. 13 A, com-
prend une ceinture apicale simple, très étendue vu la forme
de la tête, mais dissociée en deux arcs ciliaires dorsaux et deux
oreillettes latérales, plus deux arcs ciliaires flanquant la bouche.
En un mot c'est celui de Cyrtonia, moins la plaque supra-
buccale ciliée. Sa disparition est due toujours à la même cause :
animal carnassier à mastax préhenseur (1). On peut en dire exac-
tement autant des Rattulidés si bien étudiés par Jennings
(1904), où la disposition est la même, sauf que la petitesse de
la tête entraine le faible développement de la ceinture posté-
rieure (dans les deux groupes, le sac rétro-cérébral que j'y ai
décrit le premier s'ouvre à son intérieur) ; elle rejoint deux arcs
ciliés flanquant le mastax protactile et suceur.
Je n'énumère pas les quelques familles non encore mentionnées
dont l'étude détaillée n'a été faite ni par moi, ni par les auteurs ;
j'ai pu d'ores et déjà m'assurer qu'elles ne présentent rien de
fondamentalement différent des précédentes, et j'ai jugé inu-
tile d'attendre pour publier ce travail d'avoir eu le temps et
l'occasion de rassembler des données qui n'en auraient pas
modifié les grandes lignes. Un seul cas, fort aberrant, ne rentre
pas dans les descriptions précédentes : c'est celui de la ciliation
des Flosculariens. Elle a donné lieu à plusieurs interpréta-
tions, dont les principales sont celles d'HuDSON (1886) et de
Hlava (1905), également erronées. Une observation récente sur
Stephanoceros fimhriatus (Goldfuss) dont les cinq bras ne sont
que les lobes de l'entonnok des Floscularia prolongés, m'en
a procuré la clef, avec une confirmation éclatante de la géné-
ralité de mon schéma. Chez Stephanoceros au moment de l'éclo-
sion existe une bande circumapicale bien nette, semblable en
tous points à celle des jeunes Mélicertiens, avec un trochus
développé, entourant un champ nu où se trouvent les yeux.
Elle aboutit à une plaque buccale sur laquelle s'élèvent radiai-
{ I ) Ces corrélations de l'appareil rotateur avec le mastax, liées au mode de progression
et d'alimentation, ont été déjà mises en évidence par Wesenberg-Lund (1899).
26
P. DE BEAUCHAMP
rement autour de la bouche cinq bourrelets garnis de très longs
cils, ébauches des cinq bras,
d'abord invaginées, puis sail-
lantes (flg. 14). Donc l'en-
tonnoir des Flosculariens,
placé secondairement dans
l'axe du corps et diâ'érencié
en une véritable nasse pour
la capture des proies, repré-
sente la seule plaque buc-
cale, dont il a conservé en
partie la ciliation à son
intérieur, et lu. ceinture cir-
cumapicale a totalement disparu chez l'adulte.
FiG. 14. — Stephanoceros fimbriatus Goldfuss) jeune;
tête, vue latérale, x 360 environ. Mêmes lettres
que précédemment.
IV. CONCLUSIONS
En résumé : l'appareil rotateur se compose fondamentale-
ment d'une plaque ciliée buccale et d'une bande ciliée circum-
apicale. Toutes ses formes si variées n'en sont que des diffé-
renciations étroitement conditionnées par le mode de vie de
l'animal : la reptation entraîne un grand développement de
la plaque ventrale qui régresse chez les formes nageuses ou
fixées où elle ne sert plus qu'à l'adduction des aliments et
disparaît totalement chez les formes carnassières à mastax
préhenseur ou suceur. Une ceinture terminale de cils forts se
différencie chez les premières pour la nage ou l'adduction de
la nourriture, aux dépens soit de la bordure du champ apical
soit de la plaque buccale elle-même. Ces diverses différenciations
se faisant dans des sens et par des voies multiples, il est le
plus souvent parfaitement vain de vouloir homologuer un cercle
ciliaire d'une espèce donnée à l'un des cercles d'une autre prise
arbitrairement comme type. Il ne le serait pas moins (bien que
l'appareil rotateur soit appelé à rendre de grands services en
systématique pour l'étude des rapports entre des formes voi-
L'APPAREIL ROTATEUR DES ROTIFERES 27
sines) de baser une classification sur des caractères aussi nette-
ment adaptatifs et de conclure de ses ressemblances, comme
Ta fait Wesenberg-Lund, à des parentés réelles : il est certain
que Diglena et Adineta, Pedalion et Melicerta, voire Euchlanis
et Hydatina, ne dérivent pas d'un ancêtre unique présentant
les caractères qui leur sont communs et s'opposant par eux à
l'ensemble des Eotifères, mais ont acquis, aux dépens d'une
disposition primitive analogue à notre schéma qui permet seul
de les relier, des caractères identiques sous l'influence de
conditions identiques.
Sans entrer pour le moment dans la comparaison de l'organe
rotateur avec les appareils analogues qui se rencontrent, surtout
à l'état larvaire, dans des groupes voisins, je voudrais dès à
présent généraliser ces conclusions : au lieu de chercher entre
toutes ces formations des homologies qui ne sont pas réelles,
car elles ne dérivent certainement pas toutes d'un type commun
différencié comme la fameuse « double couronne », on ferait
beaucoup mieux de mettre en évidence les procédés morpho-
logiques et les conditions mécaniques et biologiques semblables
qui sont arrivées à les produire analogues aux dépens d'une
ciliation originairement indifférenciée.
OUVRAGES CITES
1905a. Beauchamp (P. Marais de). Remarques sur Eosphora digi-
tata Ehrbg. et description de son mâle. (Arch. Zoologie
Expérimentale (4), vol. III, Notes et revue, p. ccxxv-ccxxxiii.)
19056. Beauchamp (P. Marais de). Remarques sur deux Rotifères
parasites (Bull. Soc. Zoologique de France, vol. XXX,
p. 117-124.)
1905c. Beauchamp (P. Marais de). Sur l'organe rétrocérébral de cer-
tains Rotifères. (C. E. Acad. des Sciences, Paris, t. CXLI,
pp. 361-363.)
1906. Beauchamp (P. Marais de). NouveUes observations sur l'ap-
pareil rétrocérébral des Rotifères. (C. B. Acad. des Sciences,
Paris, t. CXLIII, pp. 249-251.)
ÏÎ8
P. DE liEAUCllAMP
1856. CoHN (F.). Uebcr Fortplanzung der Râdertiere. {Zeitschr. wis-
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(Travail dit Laboratoire d' Anatomie comparée de la Sorbonne et de
la station biologique de Roscoff.)
ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE
IVe Série, Tome VI, p. 31-72, pi. I et II
25 F écrier 1907
ÉTUDES ET RECHERCHES
SUR
LES ÉDENTÉS
TARDIGRADES ET GRAVIGRADES
I, — Les coupures génériques de la famille des
Bradypodidae 34
II. — Les attitudes et la locomotion des Paresseux. 55
PAR
R. ANTHONY
Directeur-adjoint du laboratoire maritime du Muséum d'Histoire naturelle
Chef des travaux de l'Ecole des Hautes Etudes à la Station physiolog'ique
du Collèg'e de France.
INTRODUCTION
Dans les traités de Zoologie les plus récents aussi bien que
dans les mémoires originaux les plus modernes et les mieux
conçus, les auteurs séparent avec trop de soin encore les Tardi-
grades ou Paresseux actuels (famille des Bradypodidae) des
Gravigrades disparus {Mylodon, Megalonyx, Scelidotherium,
Megatherium, etc). Les premiers de taille relativement réduite
sont des animaux aux formes grêles présentant les caractères
de l'adaptation extrême à la vie arboricole. Les seconds, de
taille souvent gigantesque, aux formes toujours lourdes et
massives devaient, si l'on en juge par l'ensemble de leur mor-
phologie, mener une existence terrestre et peut-être semi-
fouisseuse. Si l'on y regarde de près, on ne tarde pas à s'aper-
cevoir que ces différences générales de forme et d'aspect
tiennent surtout à des différences de mode de vie et que les
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 4° SERIE. T. VI. (il). 3
32 R. ANTHONY
Gravigrades et les Tardigrades ont en somme un ensemble de
caractères communs portant plus spécialement sur les parties
anatomiques les moins exposées aux modifications que peut
entraîner une existence arboricole dans le cas des Tardigrades,
terrestre et semi-fouisseuse dans celui des Gravigrades.
Sans vouloir nous engager ici plus à fond dans l'examen de la
question des rapports morphologiques des deux groupes, rappe-
lons seulement les caractères communs de leur bassin, de leur
omoplate, de leur arc jugal et enfin de leur dentition caracté-
ristique d'un régime essentiellement végétal.
Ces similitudes morphologiques suffiraient déjà à elles seules
à légitimer la réunion des Tardigrades et des Gravigrades.
si la Paléontologie ne venait encore fournir à cette manière de
voir un appoint important. En étudiant les fossiles des couches
tertiaires les plus inférieures de la Patagonie, on est arrivé
à découvrir des formes animales présentant un ensemble de
caractères qui permettent de voir en eux les ancêtres communs
possibles des Tardigrades actuels et des Gravigrades disparus.
Je ne veux point remonter ici jusqu'au Protobradys Jiarmonicus
Amegh., animal encore trop mal connu, qu'Ameghino considère
comme cet ancêtre ; je veux simplement parler des nombreuses
espèces du genre Hapalops. L'examen des planches dont
Scott (1903) a illustré sa description des Edentés du Santa-
cruzien de Patagonie est à ce point de vue éminemment
suggestif.
Les deux groupes des Gravigrades et des Tardigrades sont
en somme si voisins qu'on ne peut entreprendre l'étude de
l'un sans être immédiatement obligé d'aborder celle de l'autre,
et, tout bien pesé et examiné, il semble impossible qu'en
Systématique on ne les réunisse pas en un seul et même groupe
auquel on pourra donner soit le nom de Phytophages qu'on
leur a d'ailleurs déjà attribué en raison de la nature essen-
tiellement végétale de leur régime, soit plus heureusement
peut-être celui de Bradymorphes par exemple, qui rend compte
de leurs caractères morphologiques généraux.
LES EDENTES TARDIGRADES ET GRAVIGRADES 33
C'est ce groupe des Phytophages, ou si l'on veut des Brady-
morphes, dont j'ai entrepris depuis phisieurs années déjà
l'étude à la fois physiologique, morphologique et systématique.
Mais comme la tâche que je me suis imposée est véritablement
longue et, en raison de la difficulté que l'on a à se procurer des
matériaux, assez peu aisée, j'ai résolu de procéder pour ainsi
dire par étapes.
Mon intention est donc de publier sur ce sujet, et dans un
ordre quelconque, une suite de mémoires isolés et dont
l'ensemble réalisera, j'espère, dans quelque mesure, le pro-
gramme que je me suis imposé.
Je présente aujourd'hui les deux premiers de ces mémoires.
Le premier a pour titre : Les coupures génériques de la
FAMILLE des Bradypodidae. Le second s'intitule : Les atti-
tutdes et la locomotion des Paresseux.
Bien que j'aie voulu, ainsi que je viens de le dire, ne m'imposer
dans la publication de ces mémoires aucun ordre particulier,
j'ai cru bien faire en publiant ces deux-ci tout d'abord. Le
premier eût logiquement dû être un des derniers de la série,
puisque la Systématique, telle que je la comprends du moins,
doit être la résultante et l'aboutissant en quelque sorte des
études de Morphologie et de Physiologie. Mis en tête des
autres, il offre à mes yeux l'avantage de faire connaître de
prime abord le terrain sur lequel je vais évoluer et de permettre
peut-être au lecteur de mieux saisir les détails anatomiques
dont il sera question au cours des autres mémoires. Quant au
second, il était bien naturel de le produire au début de la
série : pour bien comprendre la mprphologie des Paresseux,
ne faut-ii pas d'abord bien connaître leur mode de vie, puisque
c'est en somme ce mode de vie qui véritablement les a fait.
Le troisième mémoire qui paraîtra sous peu traitera des
caractères d'adaptation des extrémités des Paresseux.
K. A.
34 R. ANTHONY
LES COUPURES GÉNÉRIQUES
DE U FAMILLE
DES
BRADYPODIDAE
TABLE DES MATIERES
I. — Du nombre de genres que doit en réalité contenir la famille des Bradypodidae
(Etude critique des coupures génériques de Gray.) ^5
II. — Correspondance des genres établis avec ceux des auteurs et plus particulièrement
de Gray 41
III. — Dénominations qu'il convient d'attribuer aux genres des Bradypodidae 44
IV. — Rapporta des différents genres de Bradypodidae entre eux et avec les formes
fossiles du Santacruzien 47
v. — résumé et conclusions 51
Index bibliographique ,52
Légende de la planche I 54
On s'accorde en général aujourd'hui pour diviser les Brady-
podidae actuels ou Paresseux en deux genres, le genre Choloepus
Illig. ou Unau et le genre Bradypus Linn, ou Aï, habitant tous
deux exclusivement l'Amérique du Sud et l'Amérique centrale.
Les genres Acheus de F. Cuvier (1825) et Prochilus d'iLLiGER
(1811) doivent être définitivement éliminés, le premier étant
tombé en synonymie et le deuxième ayant été créé, on l'a
reconnu depuis, pour un Ursidé.
A ces deux genres toutefois, Gray en a adjoint en 1849 un
troisième, le genre Arctopithecus provenant de la division du
genre Bradypus de Linné (1766) ; mais l'unanimité des auteurs
pour ainsi dire se refuse actuellement à reconnaître le bien
fondé de cette coupure générique (Zittel. Traité de Paléon-
LES ÉDENTÉS TARDIGRADES ET GRAVIGRADES 35
tologie, 1894 : Flower et Lydekker (1) : Mammals living
and extinct. London 1891. — Trouessart. Catalogus Mamma-
lium, 1898-1899. — Beddard : Mammalia. London 1902, etc.,
etc.), et s'accordent à faire rentrer les Arctopithecus de Gray
dans le genre Bradypus.
Dans la première partie de ce travail, nous examinerons la
question de savoir comment doit être subdivisée en fait la
famille des Bradypodidae : doit-elle comprendre simplement
deux genres, comme le pensent les auteurs, ou trois, comme
l'a voulu Gray %
Cette première question tranchée, une deuxième sera posée,
celle de la correspondance des genres que nous aurons cru
devoir établir avec ceux des différents auteurs et plus parti-
culièrement de Gray. La deuxième partie de ce travail sera
consacrée à sa résolution.
La troisième partie traitera des dénominations qu'il convient
de donner aux genres de Bradypodidae que nous admettrons
finalement.
La quatrième enfin traitera très Driévement des rapports
des différents genres de Bradypodidae entre eux et avec les
formes fossiles du Santacruzien.
I
Du nombre des genres que doit en réalité contenir la famille
des Bradypodidae (Etude critique des coupures génériques de Gray).
Les caractères des trois genres de Bradypodidae tels que les
conçoit Gray sont donnés par lui (Proceed. Zool. Soc. 1849,
page 65) de la façon résumée suivante :
1. Choloepus : Extrémités antérieures munies de deux griffes ; extrémités postérieurca
munies de trois griffes. — Molaires antérieures de grande taiUe, ayant la forme de canines.—
Ptérygoïdes renflés, subvésiculaires.
2. Bradypus: Extrémités antérieures et postérieures munies de trois griffes.— Pytérygoldw
renflés, creux, vésiculaires.
(1) FLOWER et LYDDEKKER disent même à la page 182 : « More recently D' Gray described
as many as eleven species ranged in two gênera Bradypus and ArctopUhecus ; but tlie dis-
tinctions which he assigned both to species and gênera do not bear close examination. »
36 R. ANTHONY
Il fait dans ce genre rentrer seulement deux espèces qui ne
sont vraisemblablement et jusqu'à plus ample informé que des
variétés du Bradypus torquatus Illig.
3. ArctopithecitK ■ Extrémités antérieures et postérieures munies de trois griffes. — Dents
antérieures petites. — Ptérygoïdes comprimés en forme de crêtes et compacts.
Ce genre comprend la totalité, à part les deux espèces pré-
citées, des Paresseux à trois doigts.
Eéglons d'abord rapidement la question du CJioloepus. Pour
ce qui est de ce genre, il n'y a pas de controverse possible ;
sa validité ne fait de doute pour personne, d'autant plus
que pour achever de le caractériser on peut aux caractères
ci-dessus énoncés ajouter les très importantes particularités
anatomiques suivantes qui achèvent de le séparer nettement
des Paresseux à trois doigts.
Tête plus allongée que chez le Bradypus Linn. — Extrémité antérieure de la mâchoire infé-
rieure développée en avant en forme de pointe. — Présence d'un'diastème en arrière des
molaires antérieures qui sont en forme de canines. — Intermaxillaires très développés. —
Os malaire court, triangulaire, dilaté à son extrémité, rappelant par sa forme un peu celui
du Miilodon robuntus Owen. — Sinus crâniens très développés notamment dans la région de
la voûte. — Foramen sus-épitrochléen à l'humérus. — Premières phalanges non soudées aux
métacarpiens [ou aux métatarsiens chez ll'adulte, contrairement à ce qui se passe 'chez le
Bradypus Linn. — Fourrure longue, épaisse et généralement brune, dépourvue de tache
dorsale à poils courts et couleur de feu (1).
La question délicate est uniquement celle de l'opportunité
de la subdivision du genre Bradypus de Linné (1766) en deux
genres. Exception faite de Gray (1849), ainsi qu'il a été dit,
l'ensemble des auteurs l'ont résolue par la négative. Je dois
avouer qu'au moment oii je débutais dans l'étude des Brady-
podidae, je n'étais pas éloigné de me ranger avec l'unanimité,
non pas qu'il m'ait jamais paru qu'il fût déshonorant à un
titre quelconque de faire partie d'une minorité, mais bien
parce qu'en tout état de causes, il me semblait que la subdi-
vision du genre Bradypus était inopportune et que les raisons
que Gray (1849) avait invoquées n'étaient pas suffisantes.
(1) Me reprochera-t-on d'avoir mêlé ici des caractères purement anatomiques à des caractères
zoologiques, c'est-à-dire portant uniquement sur l'extérieur et sur le crâne ? J'espère que
non, d'autant qu'il ne me paraît pas que cette distinction des caractères en anatomiques et
zoologigues soit autre chose qu'artificielle ; et, si l'on veut que les classifications ne soient
pas simplement des muyens de se retrouver, ne doit-on pas tenir compte de tous les carac-
tères sans exception ?
LES ÉDENTÉS TARDIGRADES ET GRAVÎGRADES 37
Voyons en effet quels sont dans leur ensemble, outre les
caractères ci-dessus énoncés, ceux sur lesquels a pu s'appuyer
cet auteur pour établir le genre Arctopithecus et le différencier
du genre Bradypus. Pour s'en rendre compte, le mieux est de
reproduire la diagnose plus complète de ces deux genres qu'il
donne dans le second travail qu'il fit paraître en 1871 sur ce
sujet. Nous la transcrivons ici intégralement et en anglais.
Bradypus : « Pterygoïds swollen, hoUow, vesicular. Maies and females similar. Lower jaw
with a short truncated anterior lobe varying in width at the anterior end. Intermarillary
bones rhombic, as broad as long. The angle of the lower jaw is broad, triangular, with a
rounded lower edge and produced for behind the condyle. The lower ramus of the malâr
bone is simple, elongate, triangular, and the upper ramus much produced and dilated at
the end. »
Arctopithecus : « Pterygoïds compressed, crest-like. Maies with a patch of soft hair between
the shoulders not founden in the females. Intermaxillary bones rhombic vith an attenuated
process behind. The front of the lower jaw broad and truncated, sometimes with a slight
keel in the centre near the upper margin. The front grinders are short and blunt. The upper
process of the malar bone attenuated. »
Ces différents caractères sont à vrai dire de valeur très diffé-
rente : ceux tirés de la forme de l'extrémité postérieure de la
mandibule, et auxquels Gray semble avoir attaché beaucoup
d'importance ne me paraissent pas en avoir une très grande.
Les recherches expérimentales que j'ai faites sur le rôle des
muscles masticateurs dans l'établissement de la morphologie
du crâne et de la face m'incitaient déjà à la défiance sur ce
point (1) ; mais j'ai constaté en outre sur des Paresseux à trois
doigts des variations individuelles considérables concernant
l'extrémité postérieure de la mandibule.
Quoique déjà plus importante la forme de l'os malaire est
aussi sujette à caution. Là, encore, des variations individuelles
peuvent entrer en jeu. Et d'ailleurs la forme de cet os n'est-
elle pas elle aussi en rapport intime avec le plus ou moins grand
développement des muscles masticateurs.
(1) Voyez : R. Anthony. Etudes de Morphogénîe expérimentale ; ablation d'un crotaphyte
chez le Chien (C. R. Soc. Biol., 1902). — Introduction à YEtude expérimentale de la Morpho-
génie. Modifications crâniennes consécutives à l'ablation du crotaphyte chez le Chien et consi-
dérations siu' le rôle morphogénique de ce muscle. (Bull. Soc. Anthrop., 1903 ; J. de Physiol
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la morphogénie du crâne chez les Primates {Bull. Soc. Anthrop., 1904), — De l'action mor-
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C. R., Acad. Se, 1904. Bull. Inst. PsychoL, 1904). ^ Les conditions mécaniques du dévelop-
pement de l'encéphale chez les Carnassiers et les Primates. (Revue des Idées, 15 sept. 1906.)
38
R. ANTHONY
Les caractères différentiels qui me semblent devoir plus spé-
cialement être retenus parmi ceux signalés par Gray (1871)
sont les suivants :
Bradypus Arctopithecus
Forme différente des intermaxillaires dans l'un et l'autre genr(\
Ptérygoïdes arrondis, creux et
vésiculaires.
Les mâles et les femelles se-
raient semblables.
Ptérygoïdes comprimés, en
forme de crête.
La tache de poils courts et
soyeux et souvent de cou-
leur de feu située entre les
deux épaules serait d'après
certains auteurs l'apanage
du mâle.
Ajoutons à cela que la fourrure du Bradypus est le plus
souvent, contrairement à celle de V Arctopithecus, de couleur
brune à peu près uniforme à l'exception du collier noir qui a
fait donner à sa principale, et vraisemblablement sa seule
espèce, le nom de Bradypus torquatus Illig. Elle est en outre
plus longue que celle de Y Arctopithecus. Les oreilles externes
paraissent également plus longues chez le Bradypus de Gray
que chez son Arctopithecus. (Signalons en passant que le savant
mammalogiste du British Muséum ne nous paraît pas avoir
remarqué cet important caractère.)
H est évident que parmi ces caractères, la forme des ptéry-
goïdes, celle des oreilles externes et le dimorphisme sexuel
(la forme des oreilles externes et le dimorphisme sexuel
demanderaient à être étudiés avec plus de détails sur des ani-
maux frais) sont d'une réelle valeur taxinomique. La plupart
des auteurs cependant ne les ont pas trouvés sufiûsants pour
justifier une division du genre et tout au plus ont-ils voulu
les considérer comme valant simplement pour délimiter les
espèces, s'en tenant ainsi strictement à l'opinion de CuviER
(1817) qui dit dans son « Eègne animal » (Volume des Mammi-
LES EDENTES TARDIGRADES ET GRAVIGRADES 39
fères, page 264) : « L'Aï à collier {Bradypus torquatus Illig.)
est une espèce fort distincte, même par la structure osseuse
de sa tête. « Cette mention spéciale pour le Bradypus torquatus
Illig. me laisse à penser, maintenant que j'ai en main la plupart
des éléments de la question, que Cuvier avait entrevu la vérité
mais n'avait pas, faute de documents suffisants, osé l'énoncer
d'une façon plus précise.
Malgré l'importance qui ne m'avait pas échappé des deux
caractères précités (ptérygoïdes et dimorphisme sexuel) et de
celui que j'avais ajouté aux précédents (oreilles externes), j'étais
encore, ainsi que je l'ai déjà dit, très perplexe sur la valeur de
la coupure générique de Gray (1849). Une heureuse trouvaille
que je fis au cours de l'hiver de 1902 vint lever mes derniers
doutes.
Je disséquais à cette époque un jeune Paresseux à trois doigts
qui faisait partie de la petite réserve de matériaux destinés
à l'anatomie que possède la Station physiologique du Collège
de France. Cet animal, conservé depuis très longtemps dans
l'alcool, et, dont je n'ai pu arriver à découvrir la provenance
exacte, ne devait pas avoir vécu plus de quelques jours. En
extension maxima il mesurait du trou auditif à la terminaison
de la queue 175 millimètres ; il était de sexe mâle, et son corps
était couvert de poils très longs, d'une couleur uniforme jaune
assez clair ; sa fourrure présentait deux tourbillons situés sur
la ligne dorsale médiane, l'un au niveau de la base de la région
cervicale, l'autre au niveau du sacrum. Les poils étaient surtout
longs dans la région dorsale ; sur le ventre ils étaient beaucoup
plus courts et plus rares. Ses oreilles étaient relativement assez
longues et légèrement pointues. Par ces caractères il paraissait
donc devoir être rapporté au genre Bradypus tel que l'enten-
dait Gray. Ses ptérygoïdes d'ailleurs étaient arrondis, gonflés
et vésiculaires.
Mais outre ces caractères, il en présentait deux autres extrê-
mement particuliers :
1° Une perforation sus-épitrochléenne ;
40 R. ANTHONY
2° Une réduction marquée du doigt IV (1) aux extrémités anté-
rieures.
C'est la première fois, je crois, que de semblables caractères
ai?iit été signalés chez les Paresseux à trois doigts.
Pour ce qui est de la perforation sus-épitrocliléenne, son
absence est d'ailleurs considérée comme normale et caractéris-
tique pour ainsi dire du Paresseux tridactyle. Tous les anato-
mistes qui se sont occupés de la question sont formels sur ce
point [Eapp : Anat. Untersuchungen ûber die Edentaten. Tu-
bingen 1843. — Owen : On the Anatomy of Vertebrates. London
1866. — P. Gervais : Remarques ostéol. au sujet du pied des
Edentés. Journ. de Zool., T. VI, 1877. — Bronn's Thierreicli
1874-1900 (le volume des Mammifères) ] pour n'en citer que
quelques-uns.
Comme chez tous les Mammifères où elle existe, cette perfo-
ration livrait passage chez mon sujet à un nerf et à une artère.
Pour ce qui est de la réduction du doigt IV les chiffres sui-
vants rendent compte des différences de ^dimensions existant
entre la deuxième phalange du doigt IV et celles du doigt II et
du doigt III : 1^ chez un jeune Paresseux à trois doigts à peu
près de même taille et d'une espèce que Gray aurait attribuée
à son genre Arctopithecus (Collections d'Anatomie comparée du
Muséum d'Histoire naturelle); 2° chez mon sujet.
Largeur au milieu de la 2^ phalange (minimum)
Doigt II
Doigt III
Doigt IV
1°
2 m. 8
3 m. 1
2 m. 8
20
2 m.
3 m.
Im.
Les figures 2 et 3 de la Planche faites d'après des photogra-
phies, permettent d'apprécier ces particularités.
Recherchant dans les Collections d'Anatomie comparée du
Muséum un terme de comparaison avec mon animal, j'y trouvais
(1) Les doigt» du Paresseux tridactyle doivent être numérotés II, III, IV. Le doigt IV, qui
correspond au bord cubital de la main, est celui qui est absent chez le Paresseux didactyle.
Chez lei Bradypodidae, d'une façon générale, le doigt 1 et le doigt V ont disparu, en grande
partie du moins.
LES ÉDENTÉS TARDIGRADES ET dRAVIGRADES 4i
un squelette monté de jeune Bradypus étiqueté Bradypus
tridactylus Linn. et catalogué sous le numéro A. 3117 (Voy.
fig. 1 de la Planche) lequel est en tout semblable à l'individu
de la Station physiologique ci-dessus décrit. Comme lui, il
présente des ptérygoïdes vésiculaires, une perforation sus-
épitrochléenne et le quatrième doigt de la main réduit.
Disons immédiatement que les différents caractères, ptéry-
goïdes renflés et vésiculaires, perforation sus-épitrochléenne,
réduction du doigt IV, ne peuvent être considérés comme des
caractères de jeune âge puisque d'autres squelettes de Paresseux
à trois doigts appartenant au Muséum, de même âge et même
plus jeunes, possèdent des ptérygoïdes parfaitement aplatis et
compacts, un humérus sans perforation et les doigts de la
main égaux.
En résumé, donc, et étant donnée Texistence des deux spé-
cimens dont il vient d'être question, il semble que Ton puisse
admettre deux sortes de Paresseux à trois doigts. La première
sera brièvement caractérisée de la façon suivante :
Ptérygoïdes renflés, vésiculaires. — Perforation sus-épitrociiléenne. — Doigt IV des extré-
mités antérieures très réduit dans le sens transversa'.
La deuxième :
Ptérygoïdes compacts et en forme de crêtes. — Pas de perforation sus-épitrochléenne. —
Les trois doigts de la main sensiblement égaux.
Ces seules différences (abstraction faite des autres) nous sem-
blent largement suffisantes pour légitimer la subdivision du
genre Bradypus en deux genres.
La famille des Bradypodidae doit donc comprendre en réalité
trois genres.
II .
Correspondance des genres établis avec ceux des auteurs
et plus particulièrement de Gray.
Cette premi^e question résolue, il convient d'examiner com-
ment et dans quelle mesure ces deux genres de Paresseux à trois
doigts répondent aux genres Bradypus et Arctopithecus de
Geat (1849).
42 R. ANTHONY
Si nous comparons les caractères du Paresseux de la Station
physiologique et de celui désigné aux galeries d'Anatomie com-
parée du Muséum sous le numéro A. 3117 à ceux donnés par
Gray (1871) à son genre Bradypus, nous nous apercevons que
nos animaux s'en rapprochent par les ptérygoïdes renflés et
vésiculaires, la fourrure longue, de ton à peu près uniforme et
d'une nuance assez foncée à tout prendre, surtout si Ton consi-
dère le jeune âge de Tanimal, et aussi, par la forme des oreilles
externes, très semblables à celles que possède le Bradypus tor-
quatus Illig, ainsi que nous l'avons vu.
En ne tenant compte que des caractères fournis par le crâne
et la peau, il y a donc incontestablement lieu d'identifier le
Paresseux tridactyle de la Station physiologique et le numéro
A. 3117 des galeries d'Anatomie comparée du Muséum au genre
Bradypiis de Gray (1849). Mais l'on s'étonnera alors que Gray
(1871) n'ait pas parlé, dans sa diagnose, de ces caractères si
importants, qui n'auraient certainement pu lui échapper, la
perforation sus-épitrochléenne et la réduction du doigt IV.
Gray, suivant en cela une tendance malheureuse, aurait-il
considéré le caractère de l'humérus comme un caractère ana-
tomique dont un pur systématicien ne doit pas tenir compte f
Mais alors comment concevoir qu'il ne parle pas de la réduction
du doigt IV, qui intéressant la griffe elle-même, ainsi que nous
le verrons plus loin, est bien un caractère zoologique au sens le
plus étroit que l'on peut attribuer à ce mot.
La chose s'explique plus aisément, je crois, en admettant
que Gray n'a eu à sa disposition du Bradypus torquatus Illig.
(la seule espèce, en somme, de son genre Bradypus) que des
peaux et des crânes. Il ne pouvait donc constater la perforation
sus-épitrochléenne, dont il n'aurait pas manqué de parler, et
l'on conçoit que la réduction du doigt IV ait pu échapper à sori
esprit non prévenu.
De mon côté, d'ailleurs, je ne connais aucun squelette de
Bradypus torquatus Illig. Le Muséum d'Histoire naturelle de
Paris n'en possède pas, et il parait en être de même du British
LES ÉDENTÉS TARDIGRADES ET GRAVIGRADES 43
Muséum de Londres (1). Il n'y en existe pas non plus, à mon
su, de représentation par les auteurs. L'identification certaine
de nos animaux de la Station physiologique et des galeries
d'Anatomie comparée du Muséum (n» A. 3117) avec le Bradypus
de Gray est donc bien difficile à établir.
Toutefois, sur les peaux préparées de Bradypus torquatus lUig.
ou constate aisément, pourvu que Tattention ait été attirée sur
ce point, une réduction certaine du doigt IV de la main; elle se
manifeste d'une façon très évidente par la moindre dimension
de la griffe correspondant à ce doigt. (Voy. fig. 7 de la
Planche L)
Dans ces conditions il semble, eu somme, que l'on puisse
attribuer, en raison des caractères des oreilles externes, des
ptérygoïdes, de la griffe IV et de la fourrure (l'absence chez notre
animal du collier noir caractéristique de l'espèce Bradypus tor
quatus lUig. peut être mise sur le compte soit du jeune âge,
soit de ce fait que notre spécimen, au lieu d'appartenir à
l'espèce en question, appartenait à une espèce voisine) sans
trop craindre d'être démenti par l'avenir, notre type de la
Station physiologique et le numéro A. 3117 des collections
d'Anatomie comparée du Muséum au genre Bradypus de Gray,
et, cela avec d'autant plus de probabilité que Peters (1865)
qui, lui, paraît avoir vu un squelette de Bradypus torquatus
Illig., signale, dans son mémoire sur le Choloepus d'HoFFMANN,
sans la préciser, la forme particulière du bras de cet
animal.
Les autres Paresseux à trois doigts rentrent dans le genre
Arctopithecus de Gray. Il est bien évident toutefois que la ques-
tion de l'identification de notre animal avec le Bradypus tor-
quatus Illig. ne pourra être tranchée d'une façon définitive que
lorsque l'on connaîtra avec certitude l'humérus et la main
complète de ce dernier animal.
(1) Ayant demandé au British Muséum la communication d'un croquis d'humérus de
Bradypus torquatus Illig, j'ai reçu de M. Ray Lankester la réponse suivante • « The Director
présents his compliments and regrets that a skeleton of Bradypus torquatus is not available ».
Ai R. ANTHONY
TU
Dénominations qu'il convient d'attribuer aux genres de Bradypodidae.
La troisième question à résoudre est celle des noms qu'il con-
vient de donner aux genres qui devront, dès lors, constituer
la famille de Bradypodidae.
Le nom de Choloepus Illig. attribué au Paresseux à deux
doigts n'est naturellement pas en cause.
La seule question à trancher est de savoir si l'on doit admettre
ou non pour les deux autres genres les noms proposés par Gray
(1849), c'est-à-dire appeler le premier Bradypus et le deuxième
Arctopithecus. Il semble qu'il y ait de nombreuses raisons pour
ne pas le faire.
En effet, Gray n'aurait pas dû donner le nom de Bradypus
à son premier genre à ptérygoïdes vésiculaires et celui d' Arcto-
pithecus à son second à ptérygoïdes plats et compacts, car l'ani-
mal que Linné (1766) a eu en vue lorsqu'il a établi sa diagnose
du Bradypus tridactylus, semble avoir été bien nettement un
de ceux que Gray (1849) a désignés sous le nom à' Arctopithecus.
Voici, d'ailleurs, la diagnose complète de Linné (1766), extraite
du Systema Naturae, 12® édit., pages 50-51.
Bradypus tridactylus. — Pedibus tridactylis. Caudae brevi. Corpus pilosissimum, griseum-
Fades nuda. Gula flava. Auriculae nullae. Cauda subovata. Dentés priorea nuUi, niai laniarii
aed occursentes, antice remotissimi, longiores, trimcati. Molares laniarii, 'approximati, bre-
viores. Pedes anteriores longiores posterioribns divarioatissimi ; digiti combinat! in flngibus
pedis. Ungues compressi valdissime lotidem. Mammae pectorales.
Les caractères mis en italiques sont ceux qui permettent à
nos yeux d'établir incontestablement que le Bradypus tridac-
tylus de Linné (1766) était ce que Gray (1849) a appelé plus
tard un Arctopithecus.
Les animaux de ce genre sont, en effet, caractérisés par une
fourrure de teinte souvent gris clair et non brun sombre, comme
chez le Bradypus torquatus Illig. Certains d'entre eux {Bradypus
euculliger Wagler) ont la face recouverte de poils courts, ce
qui a pu leur faire donner par Linné (1766) ce qualificatif de
fades nuda. Auriculae nullae est aussi bien en rapport avec
LES EDENTES TARDIGRADES ET GRAVIGRADES 45
V Arctopithecus , dont les oreilles sont extrêmement courtes, et
ne peut se rapporter au Bradypus torguatus Illig, qui, ainsi
qu'il a été dit, paraît les avoir sensiblement plus longues.
Enfin, le fait d'avoir les ongles égaux est aussi un caractère
d' Arctopithecus puisque, ainsi qu'il a été dit et montré, le
Bradypus torquatus Illig. a l'ongle IV de la main plus réduit.
Dans ces conditions et pour se conformer aux règles de la
nomenclature zoologique, il convient d'attribuer à l'Arctopi-
thecus de Gray le nom de Bradypus L., rendant ainsi à ce
genre sa véritable dénomination linéenne.
Il y a donc lieu, par conséquent, de donner au genre carac-
térisé par des ptérygoïdes vésiculeux, des oreilles plus longues,
une perforation sus-épitrochléenne et un doigt IV réduit,
un autre nom. Quel nom choisirons-nous f Prendrons-nous
celui d' Arctopithecus, nous bornant ainsi à une simple inter-
version f Ce choix ne me paraîtrait pas heureux. En effet, ce
nom a été emprunté par Gray (1849) à Gesner, qui l'employa
pour la première fois en 1560 en décrivant, d'une façon bien
vague d'ailleurs, un Paresseux à trois doigts qu'il prenait,
au surplus, pour un Singe. Ce terme d' Arctopithecus indique
en effet nettement la pensée de l'auteur. De plus, en appelant
le Bradypus de Gray Arctopithecus, et son Arctopithecus,
Bradypus, on risquerait d'amener une confusion. Enfin, on peut
admettre que les genres de Gray (1871) sont insuffisamment
caractérisés, puisqu'il n'a pas tenu compte, dans sa diagnose,
ni des caractères de l'humérus, ni de ceux de la main, ni de
ceux des oreilles externes qui sont cependant si importants.
Il semble donc, pour toutes ces raisons, qu'il y ait lieu de
rejeter le terme Arctopithecus.
Il nous a semblé en outre qu'il n'y avait pas Heu de tenir
compte davantage du terme Scaeopus, créé par Peters (1865),
pour le Bradypus torquatus Illig. Ce genre Scaeopus est insuffisam-
ment caractérisé. Voici ce qu'en dit l'auteur dans une note en bas
^ Kirk et F. A. Simons.
Mais ces explorateurs ne s'étant guère attachés qu'à l'étude
géographique des contrées traversées, les documents zoologiques
concernant la faunti équatoriale de l'Afrique restaient peii nom-
breux. Il en est tout autrement à partir de 1878, date de la
création des stations scientifiques établies dans la région des
grands lacs sous les auspices des Etats européens. Tandis
que les Belges Oambier, Dutrieux et Wauthier (1) fondent
une station à Karéma, (2) les Anglais Thomson, Hore, Hutley
et Mullens, envoyés par la « London Missionary Society », se
fixent à Oudjiji le 23 août 1878. Ils sont bientôt suivis par les
Allemands : en 1880, une mission, sous les ordres de la société
africaine d'Allemagne, et composée du capitaine von Schôler,
de Bôhm, Kayser et Reichard, s'établit à l'extrémité sud du lac
Tanganika au moment même où Flegel explorait le cours de la
Bénoué et les régions inconnues de l'Adamaoua.
La France ne reste pas étrangère à ce grand mouvement
d'exploration. Un séminaire des Missions d'Afrique s'était fondé
à Alger, en 1876, dans le but de préparer rationnellement des
(1) Plus tard, une troisième exp^^dition belge, composée de Beudo, Roger, Blandain et
Cadenhead se dirige également sur Karéma oïl elle arrive en avril 1880.
(2) Les belges, sous la direction du D'' Van der Heuvel et du capitaine Popelin fondent une
seconde station à Kouihara dans l'Ounyanyembé.
LA MALACOGRAPHTÉ DE L'AFRTOUE EOUAK^RIALE 10^)
missionnaires-explorateurs. Il en part bientôt deux missions :
l'une, composée de cinq personnes, parvient à Kadjei, sur les
rives du lac Nyassa, en janvier 1879 ; l'autre, qui gagne le lac
Tanganika, est rejointe, en 1881, par une troisième expédition
comprenant, cette fois, quinze personnes. La plupart des récoltes
malacologiques de ces voyageurs furent étudiées par J. E. BouR-
GUIGNAT (1883). Il en fut de même des matériaux rapportés par
le capitaine Bloyet qui, parti de Zanzibar le 11 juin 1880, comme
chef de la station française d'Afrique orientale, parvient à Koudoa
dans l'Ousagara, et fonde définitivement la station à Kwa-
Mgoungou. Enfin Victor Giraud rapporte, de sa longue explo-
ration à la région des grands lacs, la majeure partie des docu-
ments qui serviront à Botjrguignat pour écrire son Histoire
malacologique du lac Tanganika. (Bourguignat, 1885, 1888,
1890.)
Désormais l'élan est donné. Chaque exi)édition revient en
Europe avec un matériel zoologique plus ou moins considérable,
mais toujours intéressant. La région des grands lacs semble
surtout le i3oint de mire des explorateurs. Les Anglais Thom-
son (1883) ; O'Neiir (1885) ; Weiss. Jûhlke et le D^ Hannigton
(1883) ; le célèbre Stanley (1887-1888) ; J. T. Last (1885-1886) ;
Sharpe (1890) ; H.-H. Johnston (1890, puis 1896-1897) ; etc. ;
les Allemands Boehm, Reichard et Kaiser (1883-1884) ; Wiss-
mann (1885) ; Tf^ Junker (1875-1886) ; le D^ Oscar Lenz (1884-
1886) ; le comte Teleki et von Hôhnel (1887-1888) ; Baumann
(1890) ; le D^ Stuhlmann (1890-1892), etc. ; les Français F. de
Meuse, Ed. Foa (Germain, 1907), parcourut en tous sens les
vastes territoires de l'Afrique orientale compris entre le Congo
et l'Océan Indien. Tandis qu'en Angleterre le D^ E. A. Smith
fait connaître, dans une série de publications (1), les découvertes
de ses compatriotes, le D^" E. von Martens (1898) résume, dans
(1) Les travaux de Smith se trouvent disséminés dans les Proceedings of the zoological society
of London (1880. pp. 344-352, pi. XXXI ; 1881, pp'. 276-300, pi. XXXII-XXXIV ; 1888,
pp. 52-56; 1890, pp. 478-485, pi. XLVIII ; 1890, pp. 146-168, pi. V-VI, etc..) et dans les
Annals and magaz. of natural history (5^ série, VI, 1880, pp. 425-430 ; 6^' série, IV, 1889, pp. 173-
175 ; VI, 1890, pp. 93-96 ; VIII, 1891, pp. 317-324 ; X, 1892, pp. 121-128, pi. XII, etc.).
106 LOUIS GERMAIN
Tin excellent omTage, la faune malacologique de cette partie
de TAfrique.
A mesure qu'elle semblait mieux connue, la faune des grands
lacs intéressait de plus en plus les zoologistes. C'elle du Tanganika
surtout, par son étrangeté, son faciès marin ])lus apparent que
réel, fixait l'attention des naturalistes. Aussi le professeur Ray,
Lancaster organise-t-il, avec le concours de la « Boyal Society )>,
une première expédition au lac Tanganika (1895-1896), bientôt
suivie d'une seconde (1899-1900) placée sous le commandement
de J. E. S. Moore et composée de sir John Kirck, sir William
Thomson -Dyer, D^" Slater et M. Boulenger. Les résultats en
furent considérables : au point de vue malacologique, Moore
put fixer les affinités d'un certain nombre de Mollusques {Ti-
phohia, Limnotrochus, Bathanalia, SpeMa, etc.), dont il fit l'ana-
tomie (1903).
Il restait à compléter ces données par l'étude de la faune du
lac Rodolphe et des nombreuses masses d'eau voisines. L'ex-
pédition du comte Teleki et de von Hôhnel (1892) au Kilima
N'djaro, au Kenia, aux lacs Baringo et Rodolphe ne nous fournit
que de trop rares documents zoologiques. Il en est de même des
voyages entrepris par le Français J. Borelli et par les Italiens
Vannutelli et Citerni (1899) qui complètent seulement au
point de vue géographique les découvertes allemandes. L'explo-
ration, toute récente (1904) de M.Maurice de Rothschild est,
pour nous, autrement importante. J'aurai à revenir plus loin
sur les intéressantes publications malacologiques que MM. Neu-
ville et R. Anthony y ont consacrées (1906).
Pendant que se multipliaient les voyages dans l'Afrique orien-
tale, les régions du Tchad et du Chari étaient parcourues par
des explorateurs qui, là du moins, sont presque tous Français.
Les premiers Mollusques de ces régions sont recueillis par la
mission Foureau-Lamy (Foiireau, 1904, 1905) qui quitte Se-
drata le 23 octobre 1898. Après avoir, au prix de mille fatigues,
traversé le Sahara, elle débouche, le 10 janvier 1900, sur les
bords de la rivière Komadougou-Yobé et campe, un peu au delà
LA MAI.ACOGRAPHIE DE L'AFRIQUE EQUATORL\LE 107
d'Arégué, sur les rives mêmes du Tchad. J'ai étudié ailleurs les
iutéressantes récoltes malacologiques de M, F. Foureau (Ger-
main, 1905, 1905a) et celles, j^lus récentes, de M. Lenfant, dans
le lac Tchad (Geeml^in, 1906). Mais les documents fauniques les
plus importants que nous possédions jusqulci nous ont été fournis
par la belle expédition conduite par MM. A. Chevalier, Decorse,
Courtet et Martret, qui explorent, non seulement le lac Tchad,
mais encore les bassins du Ohari et de l'Oubangui (Germain,
1904a, 1906). Je n'aurai garde d'oublier ici les officiers français,
MM. Lacoin, Hardelet, Duperthuis et Moll qui, au cours de
leurs travaux de reconnaissance, ont pris soin de recueillir des
coquilles. (Germain, 1906.)
Enfin, en 1902, le lieutenant allemand Glauning. récoltait à
Kouka quelques Mollusques qui furent décrits par le regretté
Dr E. von Martens (1903), alors directeur du Muséum de Berlin.
II
Dans les pages suivantes, je distinguerai, au point de vue
faunique, trois régions peut-être un peu artificielles géograj)hi-
quement. La première, que je désigne sous le nom de Bassin
du Congo, correspond sensiblement à toute la partie de l'Etat
indépendant située au sud du grand fleuve et de son affluent,
l'Arouhimi. La deuxième comprend les pays explorés par M. A.
Chevalier au cours de sa dernière mission, c'est-à-dire les régions
entourant le lac Tchad et les territoires arrosés par le Chari,
l'Oubangui, le Gribuigui et leurs tributaires. Enfin la troisième
s'étend des grands lacs à la côte : elle rejoint, au nord, le pays
des Gallas et celui des Somalis ; elle s'arrête, au sud, au cours
du Zambèze. Elle comprend toute l'Afrique orientale allemande
et anglaise et une partie de l'Afrique portugaise.
Je n'ai rien de particulier à dire de la première région, si ce
n'est qu'une notable partie de son étendue est couverte par la
grande forêt équatoriale, généralement pauvre au point de vue
faunique. La deuxième est maintenant connue, grâce aux explo-
108 LOUrS GERMATN
rations françaises de F. Fourean-Lamy, A. Chevalier, Courtet,
Decorse et Martret. A son extrême ouest se trouve le Tchad. Ce
lac, situé à 260 mètres au-dessus du niveau de la mer, occupe le
fond d'une vaste cuvette. Il affecte sensiblement la forme d'un
triangle rectangle dont les côtés droits seraient formés par ses
rives méridionale et occidentale. D'une surface d'environ 20.000
kilomètres carrés, sa longueur atteint près de 200 kilomètres et
sa largeur maximum 180. La parti(^ la plus profonde dn Tchad
est la poche du Bornou, le N'Ki Boni des indigènes (eaux blanches
et libres). La partie orientale est, par contre, fort peu profonde,
parsemée d'iles dont le nombre dépasse trois cents et qui s'éten-
dent, le long des rives du Kanem, à une distance de la côte va-
riant entre trois et cinq kilomètres. Beaucoup de ces îles sont
boisées et servent d'asile à une faune as^ez riche (1). Les eaux
du lac, généralement douces, prennent en mai et juin une saveur
légèrement salée. Enfin le Tchad qui, au dire des voyageurs, est
en voie rapide de dessèchement, n'a que des rives basses et
marécageuses. Son principal tributaire est le Chari, grosse
rivière fort large et d'environ deux mètres|de profondeur moyenne.
Le Chari traverser u d'immenses savanes plates, couvertes de
brousses par places et en bouquets épars ». (Foureau, 1905,
I, p. 210.)
La troisième région, beaucoup plus élevée, généralement mon-
tagneuse, est surtout intéressante par la présence de nombreux
lacs, souvent très étendus, qui occupent, du sud au nord et à
des altitudes différentes, le fond d'une immense faille. Le pre-
mier de ces lacs est le Nyassa, qui communique avec le Zambèze
par la rivière Shiré. Long de plus de 600 kilomètres, large de
24 à 100 kilomètres, sa surface atteint 30.000 kilomètres carrés
et sa profondeur, en certains points, dépasse 200 mètres. Il est
situé à 480 mètres au-dessus du niveau de la mer et sa côte
orientale est bordée par les monts Livingstone. Ses eaux sont
très pures, d'une limpidité parfaite, puisqu'elles ne laissent aucune
trace de sédiments dans les chaudières. A environ 350 kilo-
(1) Les grands Limicolaires y sont, nolaninient, fort abondants.
LA MALACOGRAPHIE DE I/AFRIOUE EQUATORIAL 109
mètres au nord-ouest s'étend le lac Tanganika situé, entre les
30 et 9° de latitude sud, à une altitude de 830 mètres au-dessus
du niveau de la mer. D'une superficie de 39.000 kilomètres carrés,
sa longueur maximum est de 600 kilomètres et sa largeur varie
entre 50 et 90 kilomètres. La profondeur du Tanganika est
considérable ; ses rives sont fort accidentées et, sur toute la
moitié sud notamment, les montagnes tombent à pic dans Teau,
ne laissant que, de loin en loin, quelques petits intervalles occupés
par des plages. Son principal affluent est le Loukouga, qui le
met en communication avec le Loualaba, c'est-à-dire avec le
bassin du Congo. vSes eaux sont fort agitées et, dit le voyageur
français Victor Giraud (1885, p. 27), comparables, à ce point
de vue, à celles de l'Océan. Bien que potabh^s au dire des habi-
tants, elles sont souvent « troublées et dénaturées par de forts
dégagements gazeux chargés de matières minérales, dégagements
provenant du fond de l'immense faille à laquelle est due cette
mer intérieure ». (Bourguignat, 1888, ]). 79.) Encore plus au
nord, et souvent réunis entre eux par des rivières plus ou moins
importantes, se rencontrent les lacs Kivu, Albert-Edouard-
Nyanza et Albert-Nyanza, à l'est desquels s'étend le vaste lac
Oukerewé ou Victoria -Nyanza, qui n'a pas moins de 66.500 kilo-
mètres carrés. Ses côtes possèdent, d'après Stanley, un dévelop-
pement total de plus de 1.800 kilomètres. Placé sous l'équateur,
à une altitude de 1.100 mètres, il communique, au nord, avec
le lac Albert-Xyanza. directement rattaché au bassin du Nil.
Enfin, beaucoup plus au nord, (vers le 5° de latitude nord)
existe toute une série de lacs sans écoulements constituant
autant de bassins fermés. Les uns, comme le Basso-Narok (lac
Noir) ou Rodolphe, le Baringo et lé Naïwacha, renferment de
l'eau douce ; les autres, tels que le Basso-Ebor (lac Blanc), le
Nakoura-Sekelaï, le Maou et le Mangara, ont des eaux salées.
Le territoire de ces lacs est bordé d'une chaîne de montagnes qui
l'isole du bassin du Nil ; une autre chaîne, dominée par le Kenia
et le Kilima-N'djaro sépare, de l'Océan Indien, le bassin des
lacs fermés de l'Afrique orientale.
110 LOUIS GERMAIN
III
I
Nous pouvons essayer maintenant de caractériser la faune
malacologique des régions équatoriales de l'Afrique. Les maté-
riaux jusqu'ici recueillis dans les territoires du ( 'hari-Tcliad
sont beaucoup moins importants que ceux de l'Afrique orien-
tale ou du bassin du Congo. Ils sont cependant suffisants pour
établir, entre ces diverses contrées, d'intéressantes comparai-
sons.
Les espèces de la famille des Urocyclidœ se rencontrent dans
toute l'Afrique équatoriale. Il en est de même des Helicarion
et des Vitrines, mais leur rareté semble d'autant plus grande
que l'on s'éloigne davantage des côtes. C'est ainsi que M. A Che-
valier n'a rapporté, de sa dernière mission, qu'un seul échan-
tillon de Vitrine d'ailleurs en trop mauvais état de conservation
pour être déterminé spécifiquement.
Les Thapsia habitent depuis les côtes du Sénégal et de la
Guinée, jusqu'au Mozambique, au Choa et en Abyssinie. Sur-
tout répandues dans les régions côtières, elles se trouvent aussi
dans les pays de l'intérieur oii elles vivent au voisinage des
rivières, sous les amas de feuilles mortes, au pied des arbres et,
de préférence, dans les endroits montagneux (1). On en connaît
actuellement un grand nombre d'espèces toutes très voisines
les unes des autres (2),
Le genre Sitala H. Adams n'a, jusqu'ici, aucun représentant
dans les territoires qui nous occupent. Par contre, on a signalé,
dans les régions boisées et humides du N 'gourou, (au nord de
rOusaghara) (Bourguignat, 1889, p. 14), et dans la grande
(1) C'est ainsi rjuc le D'' E.-A. Smith (1899, p. 583) a signalé un assez grand nombre d'espèces
de Thapsia {Thapsia mixta Smith, Th. masukuensU Smith, Th. simulata Smith, Th. npikana
Smith. Th. decepta Smith) vivant sur les plateaux de Nyika> de Zomba. de Chiradzulu et de
Malosa, situés au Nord du lac Nyassa, et qui atteignent une altitude variant entre 5.000 et
7.000 pieds (1 520 et 2.l3u mètres).
(2) M. le U' Decorse a recueilli, aux environs de Krebedjc, une très belle espèce de Thapsia,
remarquable par sa spire planorbique et sa grande taille. Je la décrirai prochainement sous le
nom de Thapsia Lamyi.
LA MALACOGRAPllIE DE L'AFRIQUE ÉQUATORL\LE IH
forêt équatoriale (Dupuis et Putzeys, 1901, \)\. 111), quelques
rares espèces appartenant au genre Moaria, créé par Ohaper
(1885) pour des coquilles du Gabon.
Les TrocJionanina, dont l'étude descriptive est entièrement
à reprendre peuvent, au point de vue géographique, se répartir
en deux séries. La première, de beaucoup plus nombreuse, com-
prend les espèces à test mince et fragile qui, comme les Trocho-
nanina mozambicensis Mousson, Troch. ïbuensis Martens, Troch.
percarinata Martens, etc., vivent dans les régions côtières. La
seconde est constituée par des espèces {TrocJionanina mesogae
Martens, Troch. permanens Smith, etc.) au test épais, beaucoup
plus solide, ne se rencontrant qu'à l'intérieur du continent. J'ai
également signalé (Germain, 1907), dans le bassin du Chari,
la présence du Trochonanina Adansoniœ Morelet, espèce qui
n'était connue que du Gabon, où elle vit sur les troncs de Baobab
(Morelet, 1858, p. 13). Une forme très voisine, le Trochonanina
percostulata Dupuis et Putzeys, habite également la grande
forêt équatoriale, dans le bassin du Congo (Dupuis et Putzeys,
1901, p. LIV).
Les Ledoulxia Bourguignat sont des coquilles à test solide et
opaque qui pénètrent beaucoup moins avant dans les terres
que les Trochonanines. Il en est de même des Bloyetia Bourgui-
gnat, grosses espèces globuleuses aux habitudes nocturnes (1)
qui paraissent cantonnées dans les contrées arides du Somal,
où elles représentent les Leticochroa des régions méditerranéennes.
Ou n'en connaît pas de l'intérieur.
Les Enneidœ se rencontrent partout : les genres Streptaxis
Gray, 3Iarconia Bourguignat, Ptycotrema Môrch, Edentulina
Pfeiffer, etc., et surtout Ennea Pfeiiïer, fournissent de riches
suites d'espèces, aussi bien dans l'Afrique orientale que dans
le bassin du Congo et la région des lacs. La pauvreté du ter-
ritoire du Chari — où je n'ai signalé que le seul Ennea Gravieri
(1) Par ses caractères anatomiciues, le genre Bloyetia se rapproche des Hyalinia d'Europe ;
la mâchoire et le ruban lingual ont sensiblement les mêmes dispositions; l'appareil génital
dilfère surtout par la présence d'un long flagellum filiforme.
112 LOUIS GERMAIN
Germain — me semble plus apparente que réelle et due à la
difficulté de se procurer ces animaux, tous de très petite taille,
(jui doivent vivre en colonies plus ou moins populeuses le long
des rives boisées de l'Oubangui et du Gribingui. Les genres
Stenogyra Shuttleworth, Subuîina Beck, Opeas, etc., n'offrent
rien de particulier quant à leurs distributions, les mêmes espèces
habitant partout et certaines, comme le Subuîina octona Chem-
nitz, ayant tendance à devenir complètement cosmopolites (1).
Les Cyclostomidœ sont, en Afrique, des coquilles surtout lit-
torales. Le bassin du Congo et le î^yassaland en nourrissent
quelques rares représentants {Cyclophorus rugosus Putzeys,
Cycloj)horus intermedius Martens. Pomatias nyassanufi Smith,
etc.). On n'en connaît pas des régions du Tchad et du Ohari.
Mais c'est avant tout la famille des Avhatimdœ qui imprime,
aussi bien par la taille que par le nombre et, fort souvent, par
l'abondance des espèces, le caractère particulier à la faune des
contrées que nous étudions. Les Achatines décrites par les
auteurs sont fort nombreuses et, ainsi que l'a déjà remarqué
Smith (1899, p. 579), chaque district semble produire une race
spéciale, modification plus ou moins importante de quelque
type voisin bien connu. Communes au Gabon, au Sénégal, dans
la région des grands lacs, le Nyassaland, etc., les Achatines sont
encore répandues en certains points du bassin du Congo oii
pullulent les petites espèces comme VAchatina sylvatica Dup.
et Putzeys. Elles sont beaucoup plus rares dans les territoires
du Tchad et du Chari, où elles sont partiellement remplacées
par les Limicolaires.
Les Serpœa Bourguignat ( =Ganomidos d'Ailly) sont des Acha-
tines à test mince qui se cantonnent principalement autour des
grands lacs et, notamment, du Tanganika. On en connaît aussi
dans le Cameroon (d'Ailly) et la grande forêt équatoriale
(I)upuis et Putzeys) où ils vivent, en compagnie des Peridie-
(1) J'ai reçu dernièrement une grande espèce du genre Homorus recueillie, par M. le D'' De-
corse, aux environs de Krébedjè (territoire du Chari). Je la décrirai prochainement, dans le
Bulletin du Muséum, sous le nom d'Huniorun Courteti.
LA MALACOGRAPRIE DE L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 113
ropsis, sur les végétaux croissant au bord des rivières. Les
Burtoa Bourguignat ( =Livinhacia Grosse) pénètrent moins à
l'intérieur du continent. Cependant, le Burtoa Dupuisi Putzeys
liabite le bassin du Congo, et le capitaine Duperïhuis a recueilli
dans le Kanem, près du lac Tchad, le Burtoa nilotica Pfeiffer
d'Abyssinie.
Enfin les Limicolaires sont partout très abondantes, sauf
dans le bassin du Congo où elles sont, en grande partie, rem-
placées par les Peridieropsis. Les espèces actuellement connues
sont tellement nombreuses et si voisines les unes des autres qu'il
est à peu près impossible de s'y reconnaître. Aussi est-il à sou-
haiter que l'on revise sérieusement le groupe entier, en excluant
les formes insuffisamment définies. Les espèces du Haut-Nil se
retrouvent d'ailleurs aussi bien dans le Kanem, les îles du Tchad
et le territoire du Chari que dans la région des grands lacs. Elles
sont partout remarquables par leur très grand polymorphisme.
En résumé, la faune terrestre des trois contrées que nous
étudions est remarquablement homogène. Elle peut se carac-
tériser rapidement par les particularités suivantes :
a) Abondance des espèces appartenant à la fa,mille des En-
neidce.
h) Les Thapsia et les Troclonanina, signalées partout, ne
sont nulle part très communes ; elles sont plus répandues dans
les régions côtières du Mozambique que partout ailleurs. Quant
aux Ledoulxia et surtout aux Bloyetia, ils semblent spéciaux
aux contrées soraaliennes.
c) Les Cyclostomidœ sont très rares dans les régions équa-
toriales intérieures.
d) On n'a, jusqu'ici, signalé aucun représentant de la famille
des Bulimidœ dans les territoires du Chari-Tchad. Tl existe
cependant des espèces du genre RacMs dans le Nyassaland et
le pays des Masaï.
e) Abondance des Achatinidœ. Les Achatines, très communes
dans les régions des grands lacs et du Congo, sont rares dans
les contrées du Chari-Tchad. Les Limicolaires, très abondantes
114 LOUIS GERMAIN
autour des grands lacs et dans les territoires du Ohari-Tchad,
sont en majeure partie remplacées, dans le bassin du Congo,
par les Peridieropsis.
f) Enfin les Mollusques nus de la famille des Limacidœ sont très
rares (genre Phaneroporus Simroth). Par contre, les Urocyelidœ
fournissent des séries assez nombreuses (genres Urocyclus Gray,
Atoxon Simroth, Trichotoxon Simroth, BukoUa Simroth, Lep-
tichinus Simroth), ainsi que les Veronicellidœ { =V aginnlidœ
auct.).
La faune fluviatile des régions équatoriales de l'Afrique est,
surtout au point de vue de l'abondance des espèces, plus riche
que la faune terrestre. Elle est aussi plus homogène : la plupart
des genres se rencontrent dans les trois régions définies précé-
demment.
Les Pliyses, les Limnées, les Planorbes sont partout communs
ou très communs. Dans le dernier de ces genres, on remarque
une très curieuse analogie entre les Planorbes africains de la
série du PI. sudanicus Mart. (1) et les Planorbes américains de
la série du PI. guadalupensîs Sow. Il existe également une grande
similitude de caractères entre le Planorbis choanompJialus Mart.
du lac Oukerewé et le PI. andecolus d'Orb. de l'Amérique du Sud.
Le nom seul de l'espèce africaine souligne, en outre, les rap])orts
de forme qu'elle possède avec les Choanomphalus du lac Baïkal.
Les Byihinia, les Gleopatra, les Ampuïlana et les Lanistes
n'offrent rien de particulier, les mêmes espèces vivant partout
en plus ou moins grande abondance. Il en est de même des
(1) Les Planorbes du groupe sudanicus jusqu'ici connus sont les suivants : Planorbis suda-
nicus Martens, PL Boissyi Potiez et Micliaud ; PI. tetragonnstoma Germain, PL tanganikanus
Bourguignat, PL Bozasi de Rochebrune et Germain, PL Ruppelli Dunker et PL Herhini
Bourguignat. Ils sont tous très voisins les uns des autres et il est probable qu'il faudra, lors-
qu'on sera en possession de matériaux suffisants, réduire considérablement leur nombre. Il
convient également de faire rentrer daas la même série les PL Larigeriei Bourguignat, PL
adoiuensis Bourguignat et PL Bridouxi. ainsi que je l'ai montré dans une note antérieure
(Germain (Loris). — Sur quelques Mollusques terrestres et fluviatiles rapportés pas M. Ch-
Gravier du désert Somali ; in : Bulletin Muséum hist. nat. Paris ; 1904, n" 6, pp. 347 et suiv.).
LA MALACOGRAPHIE DE L'AERIQUE EQUATORIALE H5
Vivipares qui, aussi bien dans le Tchad, le Chari, le Congo ou
les grands lacs, dérivent toutes du type Vivipara unicolor Oliv.
si comnuin dans le bassin du Nil,
Les Mélaniens sont plus cantonn«% : dans le (^ongo et ses tri-
butaires habitent d'assez nombreuses espèces qui lui sont jus-
qu'ici spéciales. Les lacs Tanganika et Oukéréwé ont chacun
une faune mélanienne particulière ; enfin, dans le Haut-Nil, les
bassins du Chari et le lac Tchad, ne vit que le très polymorphe
et si cosmopolite Melania tuberculata Mûll.
Les Lamellibranches sont particulièrement répandus : les
Spatha surtout, très nombreux en espèces, doivent vivre en
colonies fort populeuses dans presque tous les cours d'eau. Ils
présentent d'ailleurs une aire de dispersion considérable et c'est
avec raison que les anciens auteurs indiquaient à la fois l'Egypte
et le Sénégal comme patrie au Spatha rubens. Les 3Iutela et les
MuteUna sont également communs, mais le nombre de leurs
espèces est fort restreint. Par contre, les Pliodous du sous-genre
Cameronia sont principalement répandus dans les lacs (1) et
le bassin du Nil, tandis que les Pliodons vrais préfèrent le Congo
et le Sénégal. Le curieux genre Chelidonopsis Ancey ( =CheU-
âonura de Rochebrune) est, jusqu'ici, spécial au Congo ; il est
probable qu'il se retrouvera ailleurs et, notamment, dans le
Chari. Les Sphœrium, les Eupera et les Corbicula, peu variés
en espèces, vivent partout en abondance. Enfin les ^theries,
dont il n'existe qu'une seule espèce, sont très rares dans les lacs,
mais fort communs en certains points du Sénégal et du Chari,
où elles constituent des bancs épais, largement exploités par
les indigènes pour la fabrication de la chaux.
§2 ^
Un examen comparatif détaillé, que je résumerai dans le
tableau suivant, permettra de saisir les analogies qui existent
entre les faunes fluviatiles des bassins du Haut-Nil, du Chari et
du Congo.
(1) Surtout dans le lac Tanganika et le lac Tchad.
41'
LOUIS GERMAIN
BASSIN DP CHARI
liASSIN DU CONGO
Limnea undusKtimoe Mart.
— hnmerosa Mart-
Physa Forskahli Khr.
— Dunkeri Germ.
Planorbis sudanicus Mart.
— adowensis Bourgt.
— Bridouzi Bourgt.
Vivipara unicolor Oliv.
Cleopatra bulimoldes Oliv.
— cyclostomoîdes K dater .
— Mweruensis Sniitli.
Bythinia Neumanni Martens.
Ampullaria speciosa Phil.
— Chevalieri Germ.
— Wernei Phil.
— ovata Oliv.
— gradata Smith.
— Rucheti Billotte.
— chariensis Germ.
Lanistes pronerus Mart.
— ovum Peters.
— ellipticus Mart.
— gribinguiensis Germ.
Melania tuberculata Miill.
Unio œquatoria Morelet.
— Chivoti Germain.
— bangoranensis Germain.
— Lacolni (Jermain.
— - œgyptiaca de Férusa.
/Etherîa elliptica de Lam.
Spatha rubens Caill.
— rub. var. rotundata Mart.
— rnb.va.T.CailliaudiMa,Tt.
— Chaiziana Rang.
— cryptoradiata Putzeys.
— Bourguignati Ancey.
— divaricata Martens.
Mittela angustata Sow.
— Chevalieri Germ.
MiUelina rostrata Rang.
— eomplanata Jouss.
— Joubini Germain.
Eupera parasitica Parr.
Limnea undussumœ Mart
— humerosa Mart.
— af ricana Rupi)-
Physa Forskahli Ehr.
— Dunkeri Germ.
Planorbis sudanicus Mart.
Vivipara unicolor Oliv.
Cleopatra Mweruensis Smith.
— Broecki Putzeys.
Bythinia Neumanni Martens.
Ampullaria speciosa Phil.
— Wernei Phil.
— leopoldvillensis Putzeys.
— ovata Oliv.
Lanistes procerus Mart.
— ovum Peters.
— ellipticus Mart.
Melania tuberculata MûU.
Unio œquatoria Morelet.
— œgyptiaca de Féruss.
/Etheria elliptica de Lam.
Spatha rubens Caill.
— rub. var. rotundata Mart.
— cryptoradiata Putzeys.
— - Bourguignati Ancey.
— divaricata Mart.
Modela angustata Sow.
Mutelina rostrata Rang.
Chelidonopsis arietina Roch
Eupera parasitica Parr.
BASSIN DU HAUT-NIL
Limnea africana Ruppell .
Physa Forskahli Ehr.
— Dunkeri Germ.
Planorbis sudanicus Mart.
— adowensis Bourgt.
— Bridouxi Bourgt.
Vivipara unicolor Oliv.
Cleopatra bulimoldes Oliv.
— cyclostomoîdes K iister
Ampullaria speciosa Ph.
— Kordojana Parr.
— lu£idu Parr.
— ovata Oliv.
Lanistes BoUenianus Chemnitz.
Melania tuberculata MOU.
Unio œgyptiaca de Férusa.
.Etheria elliptica de Lam.
Spatha rultens Caill.
— rub. var. Cailliaxidi M.
— Bourguignati Ancey.
Mutela nilotica.
— angustata Sow.
Eupera parasitica Parr.
La malacographié de L'AFRIQUE equatoriale \\1 ,
On voit, par le simple examen de ce tableau, que les analogies
ne s'arrêtent pas aux genres, mais se poursuivent jusqu'aux
espèces. Les Mollusques qui, jusqu'ici, paraissent spéciaux à
l'une des trois régions doivent être, en général, considérés comme
les espèces représentatives des formes correspondantes du l)assin
du mi
Enfin, un certain nombre d'espèces du bassin du Chari se
retrouvent, soit au Gabon, soit surtout au Sénégal. Telles sont :
Physa {Pyrgophysa) DunTceri Germain ( =rhysa scalaris Dunker).
Vivipara unicolor Oliv. ; Melania tuherculata Mull. ; Miheria
elliptica de Lamarck ; Spatha mhens Cailliaud, et ses nombreuses
variétés, ^Sp. GMiziana Eang, ^2^. Tawai Eang, 8p. Pjeifferi
Bernardi ; Mutelina rostrata Rang, MuteUna coynplanata Jous-
seaume, etc.
§3
La faune fluviatile des grands lacs (Nyassa. Tanganika, Vic-
toria-Nyanza, Albert-Nyanza, Rodolphe, Tchad) présente la
même homogénéité. Il faut pourtant faire une exception pour
le Tanganika, dont une partie de la population malacologique
est spéciale. I^es premiers auteurs qui se sont occupés de la ques-
tion (1) ont en effet remarqué, à côté de Mollusques fluviatiles
normaux par leurs caractères, toute une série d'espèces présen-
tant un aspect marin parfois remarquablement accentué. Ces
espèces, dites thalassoïdes par Bourguignat (1885a. p. 9), ont
été réunies par Moore (1898a, p, 166), sous le nom d' « halo-
limnic group ». On possède maintenant des données assez éten-
dues sur leur anatomie et leurs affinités. Aussi leur classification
peut-elle être résumée de la manière suivante :
Le genre SpeMa Bourguignat, appartient à la famille des
Naticidœ ;
Le genre TanganiMa Crosse, à celle des Planaxidœ ;
(1) WOODWARD (1859, p. 349) avait déjà remar.iué l'aspect marin des Paramelania nassa
et Spekia zonata.
H8 LOUIS GERMAIN
Les genres Paramelania Smith, Lavigeria Bourguignat ( =Nas-
sopsis Smith) et Bythoceras Moore, rentrent dans la famille des
Pu/rpurinidœ ;
Le genre Cliytra Moore est le seul représentant d'ean douce,
actuellement connu, de la famille des Xenophoridœ ;
Enfin les genres TipJiobia Smith ( =nylacantîia Ancey), Batha-
nalia Moore et Lirmiotrochus Smith, constituant la nouvelle
famille des TiphoUidœ de Moore (1898, p. 307).
C'est cette classification (1) que j'ai suivie dans mon étude
sur les Mollusques du lac Tanganika recueillis par le regretté
voyageur français Ed. Foa (Germain, 1907).
Le faciès marin des Mollusques, ou mieux des Prosobranches
fluviatiles, du lac Tanganika, fit naître, surtout en Angleterre
et en Allemagne, des hypothèses assez nombreuses. On pouvait
tout d'abord considérer le groupe halolimnique comme prove-
nant d'une modification, due au milieu de la faune lacustre ordi-
naire. Il était également possible de voir, dans les Mollusques
thalassoïdes, les représentants d'une ancienne faune lacustre en
voie de disparition. Cette opinion, soutenue par Taush (1884)
en Europe et par White (1882) en Amérique, repose principa-
lement sur la ressemblance des Paramelania du Tanganika et
des PyrguUfera des couches lacustres du supra crétacé. Elle
ne saurait soutenir l'examen puisqu'il existe, sur les bords des
lacs Nyassa et Tanganika, d'anciens dépôts lacustres fossilifères
dans lesquels on trouve abondamment les espèces fluviatiles
actuelles à l'exclusion de toute forme du groupe halolimnique
(Moore, 1898a, p. 174).
On a enfin supposé que le lac Tanganika, autrefois réuni à
l'Océan Indien, s'en était séparé à une époque relativement
récente. Il se peupla peu à peu d'animaux d'eau douce, à mesure
que la salure de ses eaux diminuait, mais garda une partie de
(1) Je n'ai pas tenu compte ici des genres Syrnolopsis Smith et Oiraudia Bourguignat pour
lesquols BouROUiQNAT (1890, p. 139 et p. 147) a créé les familles des Syrnolopsidœ et des
Oiraudidœ. On ne saurait rien préjuger de la position systématique de ces genres puisqu'on
ne possède aucune notion sur leur anatomie.
LA MALAGOGRAPlItÉ DE L'AFRIQUE K01IAT()RL\LE H9
son ancienne faune marine aujourd'hui représentée par le groupe
lialolininique. Cette théorie fut surtout soutenue par Moore
(1899). Cet auteur, se fondant à la fois sur les documents géo-
logiques qu'il recueillit au cours de son expédition de 1899
et sur l'analogie des Prosobranches du Tanganika avec certains
fossiles nuirins, fit remonter l'origine de la faune halolimnique
à la période jurassique. Cette liypothèse prend une nouveHe
force par suite de la coexistence, avec les Gastéropodes thalas-
soïdes, d'une Méduse d'eau douce {Limnocnida tanganicœ Bôhm.
et d'un Bryozoaire gymnolème auquel Moore (1903, p. 295) a
donné le nom de Araehnoidia Rey Lcunhesteri pour rappeler ses
affinités avec le genre marin Arachnidium. Il est, en effet, impos-
sible de faire dériver de tels aninuiux d'une faune purement
lacustre. Mais, contrairement à l'opinion de Moore, le Tanganika
n'est pas le seul hic qui ait donné lieu à des découvertes de ce
genre. Ch, Gravier (1903, p. 347) a fait connaître l'existence
du Limnocnida tanganicœ dans le lac Victoria-Nyanza, où il a
été recueilli, sur la côte orientale, par le voyageur français
AUuaud. J. Kennel (1890, p. 282) a décrit une autre Méduse
d'eau douce, VHahnonises lacustris, qui habite les rivières de la
Trinité. Le lac Baïkal est habité par quelques animaux marins.
On observe enfin, chez certains PolychèteS, une adaptation
complète à la vie fluviatile. C'est ainsi que A. Giard (1893, p. 473)
a décrit un Sabellide {Gaohangia Billeti) vivant sur la coquille
d'une Mélanie commune dans les rivières du Tonkin. Tels sont
encore les Polychètes d'eau douce découverts à la Guyane
française par Geay et si bien étudiés par Ch. Gravier (1901,
1905).
Si la Méduse des grands lacs et le Bryozoaire du Tanganika
sont incontestablement des animaux d'origine marine, les Mol-
lusques semblent, à ce point de vue, bien différents. Moore
(1898, p. 306-307) rapproche, de la manière suivante, les Pro-
sobranches du Tanganika d'un certîiin nombre de fossiles du
Jurassique marin :
AaCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 4* SÉRIE. — T. VI. (IV). 9
i20 LOUIS GERMAIN
LAO TANGANIKA
JURASSIQUE MAKIN
Paratnelania Damoni
Purpurina bellona
Nassopsis nassa (1)
Purpurina inftata
Bathanalia Howesi
Amberleya sp
Limnotrochus Thom soni
Littorina sulcata
Chytra Kirki
Onustus 8p
Spekia zonatw
Neridomus sp
Melania admirabihs
Cerithium subscalariform e
Tiphobia sp'
Purpuroidea sp
Eemarquons tout d'abord, avec Smith (1904, p. 79), que
ces analogies sont beaucoup plus apparentes que réelles. Ces
coquilles ont bien, si l'on veut, un « air de famille », mais elles
diffèrent toutes par des caractères faciles à apprécier. C'est
ainsi, par exemple, que le Bathanalia Howesi est ombiliqué,
tandis que les Attiherleya sont imperforés ; que les Chytra et
les Onustus diffèrent non seulement par leur sculpture, mais
encore par les caractères de leur opercule, etc. Il est donc fort
exagéré de dire, avec Moore (1903, p. 349), que les Prosobranches
thalassoïdes du Tanganika sont « pratically indistinguishable »
des fossiles jurassiques correspondants.
On connaît d'autre part, en dehors du Tanganika, de très
nombreux Mollusques à faciès marin. Tous les Mélaniens sont
très voisins des Cérithidées non seulement par leur coquille,
mais encore, ainsi que l'a montré Bouvier (1887, p. 362, p. 386,
p. 487, etc.) jiar leur organisation. Le Tiphohia Horei Smith
du lac Tanganika n'a ])as un aspect marin plus accentué que le
Pleurocera {lo) spinosa Lea de l'Amérique du Nord. Les Lacu-
nopsis du Cambodge ont un faciès qui se rapproche beaucoup
de celui des SpeMa. La famille des Littorinidées elle-même ren-
ferme actuellement deux représentants d'eau douce : les Cremno-
conchus Blanford ( =Cremnobates Blanford) qui vivent sur les
rochers mouillés par les eaux douces de la chaîne des Gathes
(Inde) et les Pseudogibbula décrits par Dautzenberg (1890,
(1) (Jette eoiiuille n'eM. pas le Pariimelania nassa île WooDW.uiD (1859, p. 349, pi. XLVII
flg. 4) {Melania nassa) mais bien le f.ariaena coronata de Bourguignat (1890, p. 180, pi. XIIl[
ttg. 13.14).
LA MALACOGRAPHIP: de L'AFRIOUE EOUATORIALE 121
p. 570, pi. I. fig. 2-6). Ces derniers Mollusques qui, par leur forme
générale, ressemblent d'une manière surprenante au Gibhula
tumida Montagu des mers d'Euro])e, vivent en grand nombre
sur les rochers de gneiss ampliibolique qui encombrent le cours
du Congo aux environs de Vivi.
Comme Moore le fait lui-même remarquer, si une espèce
unique de Mollusque du Tanganika présentait des caractères
thalassoïques, le fait n'aurait que la valeur d'une coïncidence
curieuse. Ce qui est réellement intéressant, c'est la réunion, en
un seul point, d'un aussi grand nombre de Gastéropodes à
faciès marin. Cependant, ce cas lui-même n'est pas aussi isolé
qu'on a bien voulu le croire. Certaines contrées de l'Amérique
du Nord, où les Pleurocera sont si nombreux qu'ils recouvrent
presque complètement le lit des rivières, présentent également
ce caractère. Le lac Nyassa nourrit toute une faune mélanienne
dont l'aspect tlialassoïque a été mis en relief par Bourgitignat
(1889a). Une grande partie du sud de l'Asie orientale (Inde,
mais surtout Annam et Cocliinchine), possède, avec ses Lacu-
nopsis, ses Jullienia, ses Pachydrohia et ses Paludines ornées
toute une faune malacologique dont le faciès marin est indé-
niable. Mais tous ces faits s'expliquent d'eux-mêmes lorsqu'on
examine avec attention les milieux oii vivent ces Mollusques
spéciaux. Il ne saurait en être autrement en Afrique. Le Tan-
ganika est un des plus grands lacs de la terre, en tout compa-
rable à la mer : ses rivages présentent de hautes falaises alter-
nant avec des plages plus ou moins étendues ; ses eaux, fort
agitées, rendent la navigation parfois dangereuse surtout à
répoque où (( les brises du sud, qui soufflent pendant six mois
de Tannée, prennent le lac d'enfilade et y soulèvent des lames
que je comparerai volontiers à celles de l'Océan ». (Giraud,
1885, p. 27.) Il est, dès lors, tout naturel que les Mollusques se
soient adaptés et que, par un phénomèiu^ de convergence remar-
quable, ils aient pris les cara(;tères des Mollusques marins qui
vivent dans un milieu analogue. J'ajouterai, pour rendre l'ana-
logie plus frappante, que tous les Gastéropodes du groupe halo-
122 LOUIS GERMAIN
limnique vivent à une profondeur considérable, certains même,
comme les Tiphohia et les Bathanalia ne se rencontrent qu'entre
250 et 400 mètres (1), et qu'ils sont surtout localisés, d'après le
témoignage des voyageurs (Pelseneer, 1886, ]). 115) dans les
endroits où les eaux sont le plus agitées.
En ce qui concerne les Mollusques, je crois donc (|u'il faut
abandonner la tliéorie de Moore. Bien entendu, comme tous
les animaux, les Prosobranches thalassoïdes du Tangaiiikti déri-
vent de faunes primitives marines, mais seulement au même
titre que les autres Gastéropodes fluviatiles, c'est-à-dire que leurs
ancêtres se sont détachés d'une souclie marine bien avant la
formation des espèces vivant maintenant dans le lac. Quant à
leur aspect marin actuel, il provient uniquement d'une adap-
tation que les conditions de milieu expliquent suffisamment.
Les Mollusques des grands lacs africains ne diffèrent pas sen-
siblement de ceux qui habitent soit le Congo, le Chari et le Haut-
Nil, soit les tributaires de ces fleuves. On ne peut que signaler
quelques particularités intéressantes.
Certains groupes d'Unionidœ, surtout répandus dans les lacs
Victoria-Nyanza et Tanganika, présentent un faciès particu-
lier dii à la sculpture très développée de leur test. C'est pour l'un
de ces groupes que Bottrguignat (1885, p. 1) a créé le genre
Grandidieria que l'on ne saurait considérer comme distinct du
genre Unio. Plus abondants dans le Tanganika que partout
ailleurs, ces Grandidieries se retrouvent aussi bien dans le
Tchad (2) que dans le Rodolphe (3).
(1) .Fo lionne ces indications' d'après Mooiif; (1898 a, p. 170). Il e.st également intéressant de
reniarciuer ((ue, parmi les .Mollus(|Ufs non tlialassoïdes, ce sont les MHaniens qui vivent aux
plus grandes profondeurs. < )u les rencontre jumiu'à 100 mètres, toujours d'après Moore (1898 a,
p. 170, arapliifiue).
(2) M.\KTKNS (1908, p. 5) a décrit VUnio (Grandidieria) tsadianuf^ qui est la seule espèce dg
ce i;roupe actuellement connue dans le lac Tchad.
(3) Neuville (H.) et Anthony (R.) (1906, p. 408), ont signalé deu.x esjièces de ce groupe
dans le lac Rodolphe, les : Vnio (Qrandidieria) Ruthschildi Xeuv. et Antli. et U. (Grand.) Chef-
neuxi Neuv. et Anth,
LA MALACOGRAPHTE DE L'AERIQUE EQT-ATORIAI.R 123
Le Victoria-Nyanza est remarquable, eu dehors de sa faune
mélanieune, par la petite taille des Mollusques qui y vivent.
Presque toutes les espèces y constituent des variétés minor et
les Acéphales eux-mêmes n'y atteignent que de faibles dimen-
sions. Ce fait tient uniquement à la grande crudité des eaux du
lac, presque dépourvues de calcaire.
Le lac Tchad est habité par des colonies extrêmement popu-
leuses de Physes, de Planorbes de Plauorbules et de Vivipares.
Les Acéphales y atteignent parfois de très grandes dimensions
et si les Unionidœ sont peu nombreux, si les Spatha semblent
absents, on y trouve, comme dans le lac Tanganika, des Pliodons
appartenant au sous-geurc Gameronia. {Pliodon {Cameronia)
Hardeleti Germain ; PL {Cam.) tchadiensis Germain). Bien qu'on
ne connaisse encore que très peu d'exemplaires de ces derniers
Lamellibranches, ils doivent être communs dans le Tchad,
puisque les indigènes les ont baptisés du nom de Gofoui
(Destenave, 1903, p. 726).
Les tableaux ci-après résument, en les précisant, les analo-
gies et les diiîérences qui existent entre les faunes des six prin-
cipaux lacs. En outre, par comparaison avec ceux donnés pré-
cédemment, ils montrent que toute l'Afrique équatoriale appar-
tient, en ce qui concerne la population fluviatile, à la même
province malacologique.
124
LOUIS GERMAIN
LAC NYASSA (1)
LAC TANQANIKA (2)
LAC ALBERT-NYANZA (3)
Limnea natalcnais Krauss.
Limnea natalensù Krauss.
— uf ricana Kuppell.
— Alexandrina Bourgt.
— Debaizei Bourgt.
— Jouberti Bourgt.
— Laurenti Boiu-gt.
Planorbis sp- indel.
Planorbis sudanicus Alarteus.
Plnnorbix adowensis Bourgt.
— admrensis Bourgt.
— apertus Martens.
— Bridouxi Bourgt.
— Foai Germain.
— choanomphalus Mart.
Planurbida tanganikana Bourgt.
Seqmentina Chevalieri (termain.
Phym nyassavn Sniitli.
Physa Coulboisi Bourgt.
— gucciiwkles Smith.
— Randabeli Bourgt.
Phygopsis afrkana Krauss.
Physopsis tanganikana Mart.
Ancylus sp. ind.
Vivipara unicolor Olivier.
Vivipara unicolor Olivier.
Vivipara rnbicundu Martens.
— capillata Frauenfeld.
— costii/ata Mart.
— Robertsoni Frauenfeld.
— Fuai Germain.
— Bridovxi Bourgt.
— Brincatiana Bourgt.
Bythinia Stanlfyi Smith.
Bythinia multisulcata Bourgt.
Buthinia A/berfi Smith.
— Nyasmna Bourgt.
— Walleri Smith.
— humerosa Mart.
C'ieopatra Guillemeti Bourgt.
Cleopatra Pirothi .Jickeli.
— trisulcata Germain.
Anipullmrin fjradata Smith.
AnipuUuria qradatn Smith.
— ovata Ohv.
— Bridouxi Bourgt.
AmpuUaria Stuhlmanni Mart.
Latmteii purpuieus Jouas.
Lanisti's sinixtrorsux Lea.
— affînis Smith.
— cllipticm Pfeitf.
— solidus Smitii.
— Jouberti Bourgt.
— nyassanus Dolirn.
— ovum Peters.
(1) Smith (E.-A.) (1877) : — Bouuorir.xAT (J.-B.) (1889 a).
(2) Smith (E.-A.) (1880. 1881 et 1904) ; — Bovkuukjn -t i.J.-!i.) il885 a. 1885 /'. 1888 et 1890 ;
— MooRE (.J.-K.-S.) (1903) ; — Germain (Louis) |1907";. On trouvera, dans oe dernier mémoire.
une bibliographie eomplète du sujet.
(3) Smith (E. A.) (1888).
LA MALACOGRAPHÏE DE LAFRIOTE EOTIATORIALE 125
LAC VrCTORIA-NYANZA (1)
Limnea nyanzœ Marteus.
Uebaizei Bourst.
Planorhis sudanicus Martens.
— choanomphalus Mart.
— oictoriœ Smith.
Physa triijona Mart.
— strigosa Mart.
— transversatis Mart.
— Forsk-afili Ehrenb.
Physopgis af ricana Krauss.
— ovoidea Bours-
Ancyhix stuhlmnnni Martens.
Vivipara unicolor Olivier.
— abyssinien Martens.
— nibicunda Martens.
— meta Martens.
— repoîdes Smith.
— constricta Martens.
— phthinotroins Martens.
— trorhhnris Martens.
— fiagodella, Martenu.
Bythinia Immerosa Martens.
CletiiHitra (iiiilleinrli liourgt.
AinpiiUaria f/radnta Smith.
— ovata Olivier.
— nyanzœ Smith.
— Gordoni Smith.
— Emini Martens.
Lanistes Schweirifurthi Ancey.
LAC RODOLPHE (2)
Planorhis abyssiniens Jickeli.
Physa tcliadiensis Germain.
LAC TCHAD (3)
Bythinia Setimanni Martens.
CleoiHitm hnliiwûili's Olivier.
AmpuUaria Bridouxi Bourgt.
Limnea africana Ruppell.
— exserta Martens.
— tchadiensis Germain.
— Chudeaui Germain.
Plannrbis sudanicus Martens.
— tetragonostonia Germ.
— adowensis Bourgt.
— Bridouxi Bourgt.
— Chudeaui Germain.
Planorhula tchadiensis Gerra.
Segmentinc Chevalieri Germain.
Physa trigona Mart.
— truncata de Féruss.
— strigosa Mart.
— tchadiensis Germain.
— Rohlfsi Clessin.
— Randabeli Bourgt.
— Physa Joubini Germain»
— Dautzenbergi Germain.
Physopsis Martcnsi Germain.
Vivipara uniro/or Olivier.
et var. Lenfanti G
— gracilior Martens.
Bythinia Seumanni Martens.
— np<Âhaumœformis G.
Cleopatra cyclastomoides Kûstcr.
et var. tchadiensis (iermain.
AMpullaria gradata Smith.
— liucheti Billotte.
— Chariensis Germ.
— speciosa Philippi.
Lanistes Vignoni Bourgt.
(1) DoHUN (H.) (1864); — MARTENS (i:. von) 11879, 1892 et 18981;— BouuGViGN.vr (.1.-1!.) !l883,
- Smith (E -A.) |1892] ; — Germain (Louis) [1906].
(2) Anthony et Neuville (1906) ; — Neuville et Anthony (1906).
(3) GERMAIN (LOUIS) [1905, 1905 a, 1905 b. 1906 et 1907] ; — Martens (E. von) (1903)
126
LOriS GERMAIN
LAC NYASSA (1)
LAC TANGANIKA (2)
L.VC ALUEltT-XYANZA (3)
Mtlania Simonsi Sjnith.
Mflania tangamcana Smith.
Me'ania liricineta Smith.
— nodicincta Dolirii.
— admirabilis Sniith.
— perqracilis Mart.
— pvlymorpha >Sniitli.
— turritispira Smith (4),
etc.
1
— tuberctilata Mull.
— tiéerculata Miill.
^Etheria elliptica de Lamari'l«.
— tiibermlata MiMler. |
Unio nyassanus Lea.
Vnio calathus Bourgt.
Unio actiminatu.1 H. Adams
— Liederi Martciis
— Charhonnieri Bomgt.
— Bakeri H. Adanis
— Lechaptoisi Anoey.
— Dromauxi Bourgt.
— Kirki Lea.
— Bohmi Martens, etc. . .
— aferulus Lea.
— hypsiprymmts Martens.
— Borelli Ancey.
Unio (Grandid.) liurtoni Wood.
— — ThojHSoni Smith.
— — tanganicensis Sniitli.
— — rosira lis Martens.
MvUltt alnta Bou)gt.
Mutela Jouberti Bourgt.
— VysseH Bourgt.
— soleniformis Bourgt.
Pseudopatha tanganikana Smitli.
— Livingstonin Smith.
Brazzœa Aticeyi Bourgt.
Moncetia Anceyi Bourgt
MuteUt nilotirn 'le Féruss.
Spatha nyaasaensis Lea.
— Kirki Ancey.
Pliodon {Cameronia) Spekei
Woodward (5).
Pliodon ( Cameronia ) (Hraudi
Bourgt.
PHodon {Cameronia) Vynckei
Bourgt.
Spkmrivm gp.
Corhirula rndiatn l'arr.
Corhinihi rndiatu l'arr.
Corbicnla radiata Parr.
— asfartina Martens.
— Foai Mabillc.
(1, 2, 3). Pour les notes, voir pageB précédentes.
(4) Je passe ici sous silence la longue suite des Mélanidécs du iar Nyassa, qui, d'ailleurs sont
des espèces spéciales à ce lac.
(5) Je n'admets, comme j'espère le montrer bientôt, qu'une seule espèce de Brazznea et uns
seule espèce de Moncetia. Quant aux Cameronia. leur nombre, comme celui des Grandidieria. doit
être considérablement réduit, ainsi que je le montre dans mon mémoire, déjà cité, sur les Mollusques
recueilUs par M. Foa.
LA MAI.ACOGRXPFIIE DE L'AFRIQUE ÉQUATORLVLE 127
LAC VIOTOUIA-NYANZA (1)
LAO
RODOLPHE (2)
LAC TCHAD (3)
Melanin tuhercninta Mnllor.
Melaiiia t.i
bernilat.a MiiUor.
Melanin l.uherrulata Millier.
Mtheria elliptica Laniarck.
jEtheria elliptira Lainarrk.
Unio acuminatus Adaïus.
Viiio LacoUii (ierniain.
— Hauttecœuri Bourgt.
— muldcelnrmis (ierniain.
— Lourdeli Bourgt.
— mnlticolor Martens.
— Ruellani Bourgt.
— Monceti Bourgt.
Unio (Gmndidieria) Roth-schildi
Viiio {(irandidieria) tchadienm
Neuv
et Anthony.
Martens.
Unio {Gmndidieria) Chefneuxi
Xeuv
et Anthony.
Mxtela sulHliapJiana Bourtit.
MiUeln angmtata Sowerby.
— Bourgiiignati Ancey.
et var. ponderosa (Germain.
Mutelinu rostrata Itang.
Spniha. trnpfzia Martens.
Spathu JSotiri.iidgnati Ancey.
— Boiirguignati Ancfy.
Pliodon iCameronia) tchadiemis
Germain.
Pliodon (Camcronia) Hardeleti
Germain, et var. Molli
Germ.
Sphœrmm ^tuhlmanni Martens.
— nywnzma Smith.
Eiipera paragitica Parreyss.
Eupera parasiiica Parreyss.
Cfirbirula radiatu Parreyss.
CorbinUa
flinniiJfilî^ Mûller.
Corhicula Lacoini Germain.
pufilla Phil.
— tchadiensis Martens.
(1, 2. 3). Pour les notes, voir pages précédentes
128
LOUIS GERMAIN
^ 5
Il en est (le iiiomc en ce qui ('onceriir la l'aune tencstre. Mais
ici, nous ne pouvons établir de comparaisons précises que pour
les Acliatinida\ Les représentants de cette famille sont, en effet,
les seuls qui aient été recueillis en nombre à la fois dans h;
bassin du Cliari (MM. Chevalier, Decorse, Courtet et Martret)
et dans la région du Tchad (MM. Dujjertliuis, Lacoin) (1).
BASSIN DU ClIAKI
IlÉCUON DU TCHAD
RÉGION DES GRANDS LACS
ET AFRIQUE ORIENTALE
Limicolaria rectistrigatn Sinitli.
Limicolaria rectistrigatu Smith.
Limicolaria rectistrigata Smith.
— connectens Martens.
— connectais Martens .
— Oharbonnieri Bgt.
— Charbonnieri Bgt.
— turris Vt.
— turris Pf.
— turris var.
Duperthuisi (Jcnn.
— turris Pf.
— furrifonnift Miirt.
— turriformis M art.
— turriformis var.
obesa (îoriiiaiii.
— turriformis Mart.
Achatina maryinula Sw.
AchtiHua Weynsi Daiit/,. var.
Duperthuisi (icnnaiii.
Achatina nmrijinata 8w.
— Schweinfurlhi Mnrtrns
— Schweinfurthi Martens
var. Foiireaui Geriiiaiii.
— Scliircinfiirthi Martens
Jiiirtoa nilotica Pt'eitt.
Burton nilotica Pfeiff.
(l) .l'ai iiitroiluit dans les iirôcédeuts tableaux, i(* espéees réeemnKMit rapportées par
M. R. Chudeau. de son voyage au lae Tehad. Cet exi)loratpur est, .ju8(|u'iri. le seul qui ait
recueilli des Suecinées dans ces régions. Comme toutes ces espèces sont encore inédites, j'en
donne ici une très courte description :
Succinea tchadiensis Germain, nov. sp. — CoijuiHe ovalaire allongée; spire couiposéo de
3 tours, les deux premiers très petits, le troisième formant presiiue toute la coquille; sutures
bien maniuées ; ouverture très grande, égalant les 5, C de la hauteur totiile. Test fragile, sub-
pellucide. Haut. : 11 mill. ; diam. : 4 3 1 mill. ; haut. ouv. : 8 mill. ; diam. : 4 mill. Bords du
lac Tchad, à N'Guigmi.
Succinea C'hudeaui (iermain, nov. sp. — Spire tordue, composée de 3 'i tours très convexes
séparés par des sutures profondes ; dernier tour un peu globuleux ; ouverture ovale atteignant
les 2, 3 de la hauteur totale. Test mince, fragile, finement strié. Haut. : 8 li mill. ; larg. : 4 'z mill-;
haut. ouv. ; 5 % mill.; larg. ; 3 \:, mill. ; Bords du lac Tchad, à N'Guigmi.
Limnœa Chudeaui (Jermain, 7iov. sp. — Coquille allongée ; spire composée de 4 tours à crois-
sance très rapide séparés par des sutures bien marciuées ; dernier tour énorme, ovalaire allongé,
très peu ventru ; ouverture égale aux 3/4 de la hauteur, avec un bord externe suberctiligne.
Test assez épais, irrégulièrement strié. Haut. : 12 mill. ; larg. : 6 '/2 mill. ; haut. ouv. : 8 Yz i»ill. ;
diam. : 4 mill. Bords du lac Tchad, à Kouloua.
Phi/sa (Isodora) Joubini Germain, nov. sp. — Coquille senestre, très ventrue ; sommet com-
primé ; spire composée de 4-4 U tours, les premiers très petits et assez étages ; sutures pro-
fondes ; dernier tour très grand, très développé en largeiu: ; ouverture subarrondie. Test un peu
solide, irrégulièrement strié. Haut. : 14 mill. ; larg. : 13 mill. : haut. ouv. : 9 mill. ; larg. : 7 mill.
Bords du lac Tchad, à Kouloua.
Planorbis Chudeaui Germain, uov. sp. — Coquille très comprimée, presque plaue eu dessus,
LA MALACOGRAPHIE DE L'AFRIQUE É0UATORL\LE 129
L(»s (lovclop])«'nieuts ]H'éeéd('iits mv pcriiK'itroiit de coiiclun'
hrièvcnu-nt eu disant que toute la partie de l'Afrique située
entre le Sahara d'une part et le bassin du Zanibèze d'autre part,
appartient à la même province malacologique. Au point de vue
de la faune terrestre, on peut bien noter quelques genres spéciaux
à des régions déterminées ; mais le fait n'a rien d'extraordinaire,
les Mollusques terrestres étant, beaucoup plus que ceux qui
habitent la mer ou les eaux douces, soumis à des influences
variant avec la nature du sol, la végétation, le climat, etc.
Malgré ces différences, inhérentes à une aussi vaste contrée
que celle envisagée dans, cette étude, on ne saurait nier que les
grandes lignes de la faune terrestre ne soient partout identiques.
Quant à la faune fluviatile, elle présente une homogénéité
])lus grande encore : partout, aussi bien dans le Tchad, les grands
lacs, le Congo ou le Chari vivent les mêmes espèces, en plus ou
Huuns grande abondance suivant les localités. Le Nil lui-même
n'a pas de faune spéciale : il est habité par les Mollusques du
centre africain qui remontent jusqu'à son embouchure. L'Egypte
présente ainsi ce remarquable caractère, de posséder \uw faun<'.
malacologique fluviatile purement africaine et une faune terrestre
appartenant au systènu' euro])éen (1).
Ce fait, tout il'abord mis en lumière par Boiirguignat (1864,
IT, p. 304 ; 1866), a été étudié par Jickeli (1875. p. 334-353)
dans un intéressant mémoire, aujourd'liui trop oublié.
subcoucave eu dessous ; spire coiuposée de 4 tours à croissance lente et régulière ; sutures assez
profondes ; ouverture oltlique, ovalaire arrondie, garnie d'un fort bourrelet blanc ; test peu
épais, finement strié. Diam. max. : 4 K mill ; épaiss. : 1 mill. Bords du lac Tchad, à N'Ouignii.
(1) Je n'insiste pas ici siu- la faune malacologi(|i«- du Nord de l'Afrique (Maroc, Algérie,
Tunisie, Tripolitaine, Egypte). On sait parfaitement aujourd'hui que ces contrées ne sont
peuplées <|ue d'espèces européennes. C'est en Abyssiiiio que se fait la transition, par le mélange
d'espèces européennes et d'espèces africaines. On peut donc, au point de vue malacologique,
diviser l'Afrique en trois provinces distinctes :
a) La faune du Nord | Maroc, Algérie, Tunisie, Tripolitaine, Egypte (Molluscjucs terrestres
seulement) | qui se rattaclie au système européen ;
p) La faune équatoriale étudiée dans ce mémoire ;'
y) Enfin la faune de l'Afrique australe s'étendant depuis le Zambèze, et suttisamment dis-
tincte des précédentes.
130 LOTUS GERMAIN
Cette homogénéité de la faune tluviatile n'est pas spéciale
aux Mollusques. Les Poissons présentent, à ce point de vue, le
même intérêt. Les travaux de M. Pellegrtn (1904, p. 221 ;
1907), sur les Poissons du Tchad et du Chari, ceux de M, Bou-
LENGER (1898, 1898a, 1899) sur les Poissons des grands lacs,
ont montré l'analogie des faunes ichthyologiques des dilïérents
bassins fluviaux de l'Afrique équatoriale, où abondent surtout
les représentants de la famille des Cichlidœ.
De telles conclusions montrent le danger de créer des espèces
purement géographiques qui, le plus souvent, finissent par
tomber en synonymie, encombrant ainsi inutilement la litté-
rature. Le nombre des espèces à grande distribution géogra-
phique est, en effet, de plus en plus grand à mesure que se mul-
tiplient les expéditions zoologiques. M. Ed. Lamy (1904, p. 269),
a montré qu'il en est ainsi pour beaucoup d'espèces du genre
Arca. M. Ch. Gravier (1906, p. 295) a, d'autre part, signalé
l'énorme extension géographique d'animaux généralement aussi
sédentaires que les Annélides Polychètes dont certaines espèces,
comme VOwenia fusiformis Délie C-hiaje, se retrouvent à la. fois
dans le nord de l'Europe, sur les côtes de France et sur celles
de Madagascar, du Chili, des Philippines et du Japon. En pré-
sence de tels faits, il convient d'étudier avec circonspection la
distribution des espèces connues avant de se hasarder à eu
décrire de nouvelles.
INDEX BIBLIO(}RAPHIQUE
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logique des lacs Rodolphe, Stoplianie et Marguerite. (Gomplcs
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pp. 1-12, pi. I.).
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terrestres et fluviatiles recueillis par M. Victor Giraud dans
la région méridionale du lac Tanganika. Paris, in-S", 110 pp.
1885/'. BOURGUIGNAT (J. R.). Espèces nouvelles et genres nouveaux
découverts par les R. P. missionnaires dans les grands lacs
africains Oukérewé et Tanganika. Paris, in-8 , 39 pp.
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Tanganika. Paris, in-8o, 229 pp. et 8 pi.
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celle du grand lac Tanganika. [Bullet. soc. malacologique
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classification des Gastéropodes prosobranches. {Annales se.
natur. Paris, 7^ série, III, p. 1-510, pi. I-XIX.'
1885. Chaper (M.). Description de quelques espèces nouvelles de
coquilles vivantes provenant de l'Afrique australe et d'As-
sinie. {Bullet. soc. zoologique France, X, pp. 479-486, pi. XI).
1899. CiTERNi (C). Voir Vannutelli (L.).
tSî
uins (âasMAix
T*l Î-ÎIÎ
jT^ i.«M_i.MSBk ilft immfL. la Hmmc. 'iJBÉnw jpnwr. J wi fBw fi»^
'«f wi^gjiwrwi. ZOT. fçi. TlZ-iar: - 19 fis. «rxÉ^.!^
Sffi »c».'.>a^^ ^.i.IZSS^ 3àB>raS^ 4KB.Z:_. ^ " i»- lvA«Mlll£. 3mAi
«MâM Jiwiiw. f(L UiS-UfLi)
lOÊÊ.- I^B'^'SB «K ^csBES?- PnMiiimwii. làt <
f«m i *»i.M mm Ar FEaK JMlëfgitoitt ^aa OigM!»t- • Jb— flw M
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19B- <^EEEXAi3K '^I^^CEIU 3iûi6r ^idnBBB
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haskcB &une Ainka s;. {Jfmlm^, érr étmgfnAim w wJ UIaa iwiiiy»
Mhrr. j|««. J l wrfWBt. IX. fifL â§(î^i;iL|
19M. LjiMT (£iik.)|. Làst» «kSi JLKèMS; iwaMsKiis jor M. Clu «bl^:i;Mr à
ISCr Maktex? (IL TwaV M«ilfai^»B w - C^ - Kciam as Ost~
AMka ; T«»L 111, Nk 53^*6. ïfc 1^> , .i, 1-UI.
1ST4. Makiexs, r- Ui!iiac? j(E,T»«V X«i*sâasîiia>P^5iTïrie*sM^KQTK^
A:iluy«â j«ràxM? iMatiM sût wiY9i%«âtnM^ <ànr AîaMèNunièn
iViaiMk;a *au?MSkrw« K— - -iafcfÈh» laiwi ««nI sUbs»-
187SL IMaktrxs (K, v*«V Rwy^n* v\-œvi:.xiK-vïi *»* ^*aft \i»- "
2e Carnivore no^ }oxu 90 joiu-
3<' Carnivore lOS*' — 79 —
4^ Carnivore lOO" — 69 —
5e Carnivore 95« — 64^ —
(1) Voir les graphiques de C. Henry et L. Bastien {Assoc. franc, pour l'avancement de»
Sciences. Congrès de Grenoble 1904, p. 798).
(-2) MUHLMANN. — Das Wachstum und das Alter {Biolog. Centralhlatt, 1901, p. 814).
174 F. HOUSSAY
Je n'ai pu utiliser pour cet objet mes deux premières courbes
(fig. 4 et 6) dont la courbure initiale est tracée après coup, sans
prétendre à aucune précision et seulement pour inspirer le sen-
timent de la forme générale. J'ai donc pris pour la génération
granivore le point d'inflexion sur la courbe construite avec les
pesées de Féré ; tous les autres nombres viennent des courbes
faites sur mes données.
Ces résultats sont hautement démonstratifs et ne laissent pas
la moindre place au doute.
Cependant, avant de retirer une conclusion de cette importance
il faut être bien certain qu'il ne saurait y avoir aucune hésita-
tion sur la place du point d'inflexion.
Il est d'abord tout à fait remarquable que ce point trouve
place rigoureusement au même jour pour tous les mâles d'une
même génération et, pour les femelles, à un autre jour qui est
aussi le même pour elles toutes.
Pour les mâles, on peut voir (fig, 7) les courbes qui fig\irent
la croissance de trois de ces animaux présenter toutes un petit
plateau au 110^ jour. Sans doute, chacune montre çà ou là un
autre plateau ou même une petite dépression ; mais c'est le seul
endroit où le fait se manifeste à la fois, c'est-à-dire sur une même
ordonnée pour les trois courbes. Et comme d'autre part ces
plateaux sont dans la région que le sentiment de la continuité
désigne pour contenir le point d'inflexion, les deux circonstances
déterminent celui-ci d'une façon parfaite.
Il en est de même (fig. 8) oii les courbes de deux coqs pré-
sentent toutes deux un accident net dans la région du point
d'inflexion.
Les indications précises ne sont pas toujours aussi complètes
et, par exemple (fig. 9) deux coqs seulement sur trois montrent
avec évidence le point d'inflexion, sans du reste que la troisième
courbe y contredise. Il en est encore ainsi (fig. 10) ou un coq
sur deux accuse nettement un point d'inflexion, qui satisfait
aussi à la deuxième courbe.
Pour les femelles, il est un peu plus diflicile de dégager la
VARIATIONS EXPERIMENTALES 175
continuité d'ensemble des petites flexions accidentelles. Il con-
vient de mettre d'abord hors de cause un grand relèvement
marqué AB, A,, B,, sur les courbes de femelles. On le voit
sur toutes sans exception, mais il n'est pas rigoureusement
fixé à une date unique pour toutes les femelles d'une même
génération ; il y a de légères variations individuelles. Quoi qu'il
en soit, ce relèvement général qui détermine deux points d'in-
flexion accessoires traduit la préparation de la ponte.
Avant qu'il ne se produise, la courbe a déjà une concavité
inférieure. Le point d'inflexion principal de la croissance est donc
déjà franchi ; il faut le chercher plus à gauche et faire abstraction
en ce moment de la déformation due à la différenciation brusque
et considérable d'une ponte exagérée progressivement depuis
des siècles par la domestication. Nous reviendrons ultérieure-
ment sur cette question de la ponte et n'en parlons ici que dans
la mesure convenable pour en dégager les phénomènes normaux
de la croissance.
Ces précautions prises, on arrive à trouver le point d'inflexion
des femelles avec autant de sûreté que celui des mâles et on
rencontre facilement parmi les accidents qui appellent l'atten-
tion celui qui convient à toutes les courbes à la fois.
Résumons brièvement nos conclusions les plus générales :
Les courbes de croissance typiques contiennent un point d'in-
flexion remarquable et leur forme est due à l'auto-intoxication
absolument générale chez les organismes métazoaires.
Une auto -intoxication plus accentuée a pour effet, ainsi que
le montrent avec précision les mesures, de rapprocher le point
d'inflexion de l'origine.
On peut raisonnablement conclure qu'un point d'inflexion
tout près de l'origine, ou à l'origine même et, a fortiori, en deçà
de l'origine, indique une auto-intoxication plus accentuée
encore. Celle-ci se traduit sur la croissance, dans le cas ultime,
par une courbe à concavité toujours inférieure. Un chapitre
ultérieur nous apportera des concordances avec cette pré-
vision.
CHAPITRE III
VARIATIONS DE L'EXCRÉTION URINAIRE ET DU REIN
VARIATIONS DU FOIE ET PRODUCTION DE MÉLANINE
Sommaire. — L'excrétion urinaire chez les oiseaux. — L'azote des excréta solubles pris
comme signe de la fonction. — Croissance progressive puis décroissance de ces produits.
— Courbes de variation des excréta azotés solubles aux diverses générations. — Carac-
tères généraux de ces courbes ; modification de ceux-ci. — Variation de l'organe rénal. —
Croissance et régression. — La loi de croissance poursuivie conduit au type Carnivore. —
Variation du foie identique à celle du rein. — Les réserves graisseuses. — Production
de mélanine dans le péritoine et variation de ce pigment. — Continuité ou discontinuité
de l'évolution. — Intoxication expérimentale, résistance des espèces dans la nature.
Nous avons admis, conformément au reste à l'opinion cou-
rante, qu'un régime Carnivore substitué à un régime granivore
accroit l'auto-intoxication. Nous allons maintenant en donner
des preuves directes.
Dans une expérience portant sur un changement de régime,
l'étude de l'excrétion doit certainement être au premier plan.
Bien que mon but fiit surtout de recherclier les variations mor-
phologiques capables de faire comprendre les changements de
forme dont l'ensemble a constitué l'évolution, je n'ai pas pu
me désintéresser de la modification des fonctions.
L'étude de l'excrétion urinaire chez les oiseaux est particu-
lièrement difficile et ne peut être faite avec une entière précision
que par un physiologiste professionnel doublé d'un chimiste.
Aussi n'ai-je pas songé à traiter intégralement le sujet. J'ai
voulu seulement suivre un phénomène facile à mesurer et qui
fût comme un signe de la fonction, assez semblable à lui-même
d'ailleurs pour traduire suffisamment, quoique partiellement,
l'état de l'organisme au point de vue excréteur.
L'urine des oiseaux, émise avec les excréments, est, comme on
le sait, très riche en acide urique et en urates ; elle contient en
revanche très peu d'urée et de sels ammoniacaux. S'il est facile
de déceler l'acide urique et les urates, il est long et difficile de
les doser avec certitude et je ne pouvais guère songer à l'analyse
de ces produits surtout pour la répéter 160 fois, ce qui est le
nombre des mesures que j'ai effectuées sur l'excrétion.
VARIATIONS EXPERIMENTALES 177
Pour suivre la variation il s'agissait moins, en eilet, d'avoir
des analyses complètes que des analyses nombreuses, à la con-
dition bien entendu que la partie choisie pour l'analyse demeurât
comparable à elle-même.
J'ai opéré de la façon suivante. Les poules étant le soir remon-
tées sur leur perchoir, je faisais disposer au-dessous de larges
plaques de verre bien horizontales. Les excréments de la nuit
s'y accumulaient ; très secs pour les x^oules granivores et ne
laissant couler aucune goutte du liquide qui les imbibait, ils
étaient beaucoup moins consistants chez les oiseaux carnivores
et s'entouraient d'une zone liquide, d'un jaune doré, qui souvent
même coulait en rigoles. Les substances reprises sur chaque
plaque par 200 ce. d'eau distillée étaient remuées puis filtrées.
On recueillait un liquide jaune ressemblant pour la pigmentation
à l'urine des mammifères et d'ailleurs plus foncé chez les carni-
vores que chez les granivores.
J'obtenais ainsi les produits solubles et filtrables et, parmi
eux, l'urée qui pouvait exister et les sels ammoniacaux, très
peu d'acide urique, en raison de la faible solubilité de celui-ci.
Je faisais ensuite agir sur la solution l'hypobromite de soude qui
décomposait l'urée certainement et les sels ammoniacaux dissous
en même temps. Le dosage de l'azote donnait une mesure des
produits excrétés solubles ; c'est la variation de cette mesure
que j'ai suivie. La faible quantité d'acide urique dissous, si
toutefois elle intervient pour donner un peu d'azote, est une
constante dont il n'y a pas à se préoccuper dans une étude de
variation ; il s'agit toujours en effet de la même xjetite quantité
capable de saturer à froid 200 ce. d'eau. Les albuminoïdes prove-
nant des résidus du tube digestif ne cédaient pas leur azote par
l'hypobromite et ne troublaient pas les mesures malgré leur
.présence probable.
Les analyses étaient faites d'abord de temps en temps, sans
régularité ; puis, quand je m'aperçus des larges variations dont
était susceptible l'émission de ces produits azotés solubles chez
un même groupe d'animaux, suivant l'époque de la vie, je les
178
F. HOUSSAY
effectuai régulièrement tous les 15 jours. Les nombres mesurés
se trouvent réunis en tableaux à l'appendice ; j'en extrais pour le
moment les résultats généraux suivants.
AZOTE DES EXCRETA
ÉQUIVALENCE
^^JJJMATTV
SOLUBLES
EN GRAMMES d'uRÉE
en centimètres cubes
par
jour
par jour et par kilogramme
et par kilogramme
Génération Granivore.
22 ce. 76
OgT
061
pe »
Carnivore.
57 ce. 97
- ^
Ogr
161
6
Ogr. 168
2e »
»
57 ce. 72 62 ce.
63
Ogr. 155
3e »
»
55 ce . 72 62 ce .
95
gr. 149
gr. 169
4e »
»
78 ce.
38
OgT. 210
5e »
»
57 ce.
03
Ogr. 153
Les nombres inscrits dans ce tableau représentent les moyennes
obtenues à la fin de chaque génération, à l'aide de toutes les
données mesurées pendant l'année. On peut de là retirer plu-
sieurs enseignements.
Considérons seulement d'abord la colonne exprimant l'azote
en centimètres cubes. Le premier fait à retenir est que le brusque
changement de régime a augmenté considérablement et presque
triplé d'un seul coup l'excrétion des produits azotés solubles.
C'est le même résultat qui se produirait chez les mammifères
relativement à l'urée. Nous verrons aussi pour beaucoup d'or-
ganes la variation morphologique se présenter presqu'avec
toute son ampleur au moment précis oii l'on introduit la cause
modificatrice.
Dans la seconde et la troisième générations carnivores il y a
deux groupes d'animaux, descendant respectivement des deux
femelles de la génération précédente et ayant d'ailleurs un père
commun. Dans le groupe a, situé à gauche, l'excrétion des pro-
duits azotés solubles non seulement ne continue pas à croître
VARIATIONS EXPERIMENTALES 179
mais même régresse légèrement. Aussi cette lignée s'éteint rapi-
dement, non par mort des individus, mais par stérilité des œufs.
La lignée [3, dont les mesures sont inscrites à droite des pré-
cédentes, continue à progresser pendant les 2^, 3^ et 4^ générations.
Arrivée à ce terme, elle régresse aussi à la 5^ génération et, dès
lors, les œufs ne se développent plus.
Ce résultat très remarquable nous montre donc que si les
oiseaux adaptés au régime Carnivore diffèrent des granivores
par des traits qui ont frappé tout d'abord et relatifs au bec, aux
serres, au gésier, etc., la véritable caractéristique de leur évolu-
tion n'a pourtant été rien de cela qui devait se faire très facile-
ment ; mais elle a consisté surtout en une résistance rénale
particulièrement développée, progressivement acquise sans
doute par un passage gradué d'un régime à l'autre et non par
une saute brusque comme celle que j'ai réalisée. Nous vérifierons
au reste cette conclusion en étudiant un peu plus loin les varia-
tions du rein lui-même.
Dans la seconde colonne du tableau précédent, j'ai inscrit
l'équivalence de l'azote mesurée en grammes d'urée. Sans pré-
tendre que tous les produits azotés solubles soient exclusivement
de l'urée, ce calcul nous permet une comparaison approximative
avec les mammifères dont l'excrétion soluble est en majeure
partie de l'urée. L'azote fourni par les poules ordinaires équi-
vaudrait en moyenne à gr. 06 d'urée par jour et par kilogramme
d'animal, c'est-à-dire à une quantité dix fois moindre que celle
attribuée à l'homme dans les mêmes conditions. Nos mesures
sont donc bien comparables à celles qui ont été déjà données
pour les oiseaux et qui accusent une très faible quantité d'urée.
Le régime carné qui augmente notablement la production des
excréta azotés solubles n'amène jamais ceux-ci, même à leur
maximum, à être équivalents à la quantité contenue dans
l'urée des mammifères. Le maximum en effet, à la 4^ génération,
correspondrait à gr. 2 d'urée par jour et par kilogramme et
serait encore trois fois moindre que la production de l'homme
normal.
480 F. HOUSSAY
Les mesures que nous avons effectuées varient, comme nous
900
3oo
ItOO
500
100
300
3 00
ioo
• 500
100
300
300
400
500
FiG. 15. Variations de l'azote des excréta solubles au cours de l'année pour la génération
granivore et les deux premières carnivores.
VARIATIONS EXPERIMENTALES 181
le verrons, dans le même sens que toutes les variations suivies
A
4
M
J
^ A
ù
B
\
%i
p%
-, ^ m
1 1
200
300
1(00
ÎO'O
C 100 200 300 /tOO 500
FIG. 16. Variations de l'azote des excréta solubles au cours de l'année pour les troisième,
Quatrième et cinquième générations carnivores (série p).
18-2 F. IKITJSSAY
d'autre part et nous donnent une série intéressante dans son
ensemble. L'étude du phénomène dans son détail nous montre
mieux encore qu'il traduit un aspect de la vitalité générale,
aspect remarquablciiicnt uniforme dans ses grandes lignes et
dont les modifications secondaires correspondent justement aux
variations (juc les organismes subissent au cours de cette longue
expérience.
J'ai construit en effet, à cluKiiU' génération, une courbe pour
figurer l:i (luantité d'azote contenne dans les produits excrétés
solubles. Le temps compté sur les lignes horizontales est repré-
senté par 1 % pour 2 jours de vie ; les quantités d'azote sont
I)ortées en ordonnées de longueur proportionnelle aux nombres
d(^ centimètres cubes. Pour préciser, j'ai compté 1 % pour
chaque quantité d'a,zote correspondante à un centigramme
d'urée par kilogramme d'animal au jour de la mesure.
On comprend sans peine que cette figuration en urée ne pré-
juge en rien que l'excrétion soit vraiment toute de l'urée et, si
cela n'était pas, la courbe n'en serait en rien modifiée. Ce n'est
qu'une question d'échelle et, comme celle-ci est arbitraire, il
n'y a pas de question du tout. Les courbes qui sont représentées
fig. 15, 16, 17 ont toutes subi la même réduction photogra-
phique.
Les points directement relevés sur un papier quadrillé ont été
joints deux à deux par les traits continus qu'on voit sur les
dessins. On a obtenu ainsi un graphique extrêmement oscillant
qui prouve que l'excrétion des produits solubles est susceptible
d'assez grandes variations journalières. Cependant ces tracés,
malgré leurs irrégularités de détail, ofïrent des oscillations de
plus grande amplitude qui sont comparables entre elles.
Pour s'en rendre compte, il faut simplifier les graphiques, non
d'une façon arbitraire, bien entendu, mais de la manière sui-
vante. Joignons dans chaque courbe tous les maxima par un
trait que le sentiment de la continuité impose et faisons de même
pour tous les minima. Nous obtenons sur chaque figure deux
nouvelles courbes dessinées en traits interrompus. L'aire com-
VARÏATIONS FA'PRH ÏMENTALES
183
prise entre ces deux courbes et couverte d'une demi-teinte
représente très exactement rexcrétion des produits azotés so-
lubles. Les points déterminés par des mesures aussi fréquentes
que possible, journalières par exemple, tomberaient dans son
intérieur. C'est l'aire mininui qui peut les contenir tous.
1 ^ ^ ' \
300
400
500
lOO 200
FiG. 17. Variations de l'azote des excréta solubles au cours de r année pour la seconde et la
troisième générations carnivores (série a).
Relativement aux deux premières générations, les mesures
ont été commencées plus tardivement que pour les autres ; Taire
a été néanmoins poursuivie à gauche telle que l'indiquait la
continuité et aussi cette circonstance, connue et d'ailleurs vérifiée
par mes recherches, que l'azote excrété dans la période de jeu-
nesse est proportionnellement plus abondant que dans l'âge
adulte. De plus, la première génération carnivore ayant été
184
F. HOUSSAY
granivore dans son jeune âge, il convenait de poursuivre la courbe
en lui faisant gagner le niveau indiqué par la génération précé-
dente à l'âge correspondant.
Cela étant, comparons les aires entre elles ; ce sera beaucoup
plus facile à réaliser que sur les courbes initiales à multiples
oscillations.
On est d'abord frappé de ceci que l'aire relative à l'excrétion
des produits azotés solubles chez la génération granivore s'op-
pose à l'ensemble de toutes les aires semblables des générations
carnivores ; elle est en eiïet peu élevée, peu accidentée et presque
horizontale chez les granivores, à tout le moins relativement
aux autres.
Cependant, pour les présenter à un moindre degré, cette aire
montre les mêmes accidents généraux que toutes les autres, à
savoir : deux grandes vallées marquées A et B sur les figures,
séparées l'une de l'autre par un maximum important M.
La première génération Carnivore oiîre ces accidents généraux
à un degré extraordinairement accentué et plus fortement que
toutes les générations suivantes. C'est encore une marque du
bouleversement fonctionnel qui se traduit aussi par d'impor-
tants changements organiques.
Le point M correspond à l'établissement régulier de la ponte
chez les femelles et se place à peu près au 1/4 de la durée de
cette fonction. A titre de repères, nous avons figuré à chaque
génération le premier et le dernier œuf par un point assez gros,
placé à 'a date qui lui correspond exactement s'il n'y a qu'une
femelle, d'après la moyenne, s'il y en a deux qui ont commencé
leur ponte à des jours différents. Le maximum que nous consi-
dérons existe donc à l'époque de la pleine maturité adulte.
Vo
P.
I\.
P.
P^
P5
Jour de vie correspon-
dant au maximum
M
325e
250e
([3)268e
(a) 292e
(p)270e
(a) 312e
278e
2986
VARIATIONS EXPEKIMRNTALES 185
La date à laquelle tombe le maximum est intéressante à con-
sidérer. Soient Po, Fi, P3, etc. les générations successives, on
établit relativement à cette donnée le tableau qui précède.
Dans la génération granivore, le maximum considéré est très
tardif relativement aux carnivores ; mais, comme les oscillations
sont en ce cas de faible amplitude, il n'y a pas de comparaison
bien nette à établir entre les deux séries. Comparons seulement
les carnivores entre eux. Il est en ce cas évident que la date
pour le maximum relatif à Fazote des produits excrétés solubles
recule à une époque de plus en plus tardive de la vie. Nous pou-
vons d'autant mieux penser que ce recul est un témoignage
d'intoxication croissante que, dans les générations Ps et Pa, les
groupes a, plus intoxiqués et devenus stériles deux générations
plus tôt que les autres sont, au point de vue qui nous occupe, en
retard très marqué sur les générations [3 contemporaines.
Il semble toutefois y avoir une contradiction entre l'époque
tardive du maximum dans la génération normale et la fâcheuse
indication de son retard croissant chez les générations intoxi-
quées. On peut néanmoins se rendre compte que, dans la géné-
ration granivore, l'organisme, à peu près régulièrement débar-
rassé des déchets qu'il fabrique, ne ressent que faiblement et
tardivement l'excitation toxique qui pousse au maximum d'éli-
mination. Chez les carnivores au contraire, la poussée élimina-
toire doit se faire plus vive et plus prompte et, si elle tarde, c'est
fatigue et paresse du rein et non pas retour à un équilibre pri-
mitif vers lequel l'organisme ne doit plus tendre puisque tout
est changé.
L'intérêt de cette remarque ne pourra entièrement ressortir
qu'avec l'étude d'autres fonctions, • en particulier de la ponte ;
pour le moment contentons-nous de noter le phénomène avec
sa précision.
Nous venons de parler des deux vallées A et B et du point M
qui les sépare ; il est temps de dire qu'elles ne se présentent pas
avec la même évidente net 'été chez toutes les générations. En
particulier la vallée B arrive à être retaillée en deux vallées
ARCH. t)E ZOOL. EXF. ET GÉN. 4' SÉ.UÉ. T. VI. '— (v). l4
186 F. HOUSSAY
secondaires h et h' et A en deux autres a et a'. Cette dernière
indication n'est réalisée qu'à la fin de l'évolution quand la
variation ne peut plus se poursuivre ; mais h se montre progres-
sivement, d'abord très faible et bien moins accusée que la
dépression b' puis finissant par être à égalité avec celle-ci.
Au dernier moment, Ps, la surface symbole de l'excrétion des
produits azotés solubles a pris une allure plus uniformément
horizontale ; elle est aussi uniformément plus épaisse, ce qui
indique dans l'excrétion des oscillations plus fréquentes et plus
amples, ainsi qu'on le voit en suivant la courbe des traits pleins.
Si Ton regarde maintenant, au point de vue de cette dernière
manifestation graphiqiie, la série des surfaces représentées fig.
15 et 16, on s'aperçoit que les phénomènes traduits par cette
suite d'images ne se sont pas poursuivis avec une parfaite conti-
nuité. A la génération Ps la surface semblait déjà se régulariser;
puis à la suivante, F^, le maximum M a repris un grand pointe-
ment. La troisième génération offre donc une singularité ; il se
passe pendant sa durée quelque chose de spécial.
En examinant maintenant la variation de l'organe rénal lui-
même, on voit en effet qu'il a d'abord crû régulièrement jusqu'à
cette troisième génération et qu'à partir de là il a régressé. Dans
les données réunies à l'appendice on trouvera pour le rein, comme
pour tous les organes, le poids absolu qu'il a présenté chez tous
les animaux, puis le rapport de ce poids à 100 grammes de poids
actif et le même rapport à 100 grammes de poids total. Si l'on
construisait les courbes relatives à ces diverses données, elles
seraient très comparables les unes avec les autres. Il n'est pas
utile de multiplier indéfiniment ces représentations ; nous pren-
drons donc seulement le rapport du poids du rein à 100 grammes
de poids actif. Afin d'apporter la plus grande précision possible
dans l'unique graphique que nous allons donner, il faut observer
que le rein est, parmi les organes, un dv ceux sur lesquels h'
dimorphisme sexuel porte le plus fortement : \e rein est nota-
blement plus important chez les femelles que chez les mâles. On
ne peut alors comparer rigoureusement entre eux que des nom-
VARIATIONS EXPERIMENTALES
1«7
bres relatifs à des lots d'animaux contenant la même quantité
de mâles et de femelles. Or, les générations P; et Pr, n'ont eu
qu'une seule femelle, il importe donc d'envisager dans toutes
4
Xi
3,60
Xko
3.50
3
2.U
2,60
Uo
t%
2
1^0
i.ùO
i.ko
■i.H
i
0.U
o.6o
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T-- 1 "i
FiG. 18. Courbes de la variation en poids du foie et du rein dans les 5 générations successives.
— Rapports à 100 gr. de poids actif dans des couples efifectivement descendus les uns
des autres.
les générations un seul couple et tout naturellement nous choi-
sirons les couples effectivement descendus les uns des autres.
Pour construire la courbe, je compte en abscisses le temps, à
188 F. HOUSSAV
raison de 2 %, 5 pour la durée d'une génération et en ordonnées
le poids relatif du rein à raison de 5 'y pour gr. 1 de rein par
100 grammes de poids actif. On a pour les diverses générations
les nombres suivants :
P., Pi Po P3 P4 P.
0,54 0,74 0,'.)0 1.13 0.92 0,75
Cette série de nombres aussi bien que la courbe réelle, tracée
en traits pleins, RR (flg. 18) montrent ce que nous annoncions
à l'instant : la croissance jusqu'à la troisième génération suivie
de régression.
Par hypothèse, cherchons à nous représenter ce qui se serait
passé dans le cas d'une évolution régulièrement poursuivie. Nous
savons bien que le poids relatif du rein n'aurait pas continué à
croître indéfiniment et que le tracé évolutif, commençant avec
une légère courbure à concavité supérieure, n'aurait pas tardé
à prendre une courbure à concavité inférieure pour atteindre
l'horizontale, quand l'adai^tation complète eiit été pleinement
réalisée. Entre les deux courbures, un point d'inflexion se fiit
trouvé. Admettons que le point d'inflexion eût été précisément
à cette troisième génération, dont la situation critique indique
suffisamment une singularité et continuons en traits interrompus
(RR'; flg. 18) la courbe comme elle aurait dû être. Elle nous
conduit vers la 6^ génération, non réalisée, au niveau de 1 gr. 45
de rein pour 100 grammes de poids actif, ce qui est exactement
le nombre que j'ai directement trouvé en disséquant un oiseau
naturellement Carnivore, une Hulotte femelle {Syrninm aluco).
Donc, au cours d'une évolution régulière qui, de génération
en génération, détermine la croissance d'un organe, celui-ci aug-
mente suivant la même loi, suivant la même courbe, que celle
par laquelle est réglée la croissance individuelle d'un complexe
organique, c'est-à-dire d'un animal entier. La croissance phfylo-
génique suit la même loi que la croissance ontogénique.
De plus, si la croissance ne se poursuit pas, s'il doit y avoir
régression et mort de l'espèce, le phénomène est provoqué par
une baisse brusque de la courbe, 'postérieure au point d'inflexion
VARIATIONS EXPERIMENTALES 189
et fort analogue à celles qu'ont produites sur nos courbes de
croissance les animaux qui sont morts avant l'état adulte.
Il est extrêmement remarquable de voir la croissance du foie
suivre une courbe tout à fait identique à la précédente. Je l'ai
construite à la même échelle que celle-ci et sur les mêmes couples
effectivement descendus les uns des autres. Le trait plein (FF,
fig. 18) représente la variation réelle donnée aussi par les nombres
suivants :
Po P, P2 P3 Pi Ps
2 2,23 2,47 3.25 2,56 2,29
Si l'on considère en gros le résultat, composé de croissances
et de décroissances, il ne semble pas que le cliangement de régime
ait amené sur le foie une variation de sens bien nette. C'est ainsi
que ces données ne m'avaient pas d'abord paru confirmer celles
de Maurel (1) établissant que chez les carnivores le poids relatif
du foie est toujours supérieur à ce qu'il est chez les herbivores.
Cette conclusion est pourtant tout à fait exacte.
En raisonnant pour le foie comme nous l'avons fait pour le
rein et en poursuivant par des traits interrompus (FF', fig. 18)
la courbe évolutive conformément à son début, elle nous conduit
à la 6^ génération à la cote 3 gr, 47 de foie pour 100 grammes de
poids actif. J'ai directement trouvé sur la Hulotte 3 gr. 43 : la
concordance est absolue.
La couleur et la consistance de la graisse chez les animaux en
expérience me paraît aussi en rapport avec les modifications
hépatiques plus qu'avec la. nature des graisses directement ab-
sorbées dans les aliments. Tout le monde connaît la couleur
jaune de la graisse des poules et sa faible consistance ; elle est
composée de corps dont le point.de fusion est peu élevé. La
graisse des poules carnivores est au contraire dure, blanche,
son point de fusion est bien plus élevé ; elle ressemble beaucoup
au suif des mammifères et cela est d'ailleurs ainsi chez la Hulotte
que j'ai disséquée. Je ne sais si c'est vrai de tous les oiseaux de
proie.
(1) Maubel (C. R. Ac. Se, décembre 1902).
190 F. HOUSSAY
Sur 27 poules carnivores dont j'ai fait l'anatomie, deux seule-
ment avaient repris la graisse jaune, à la 3^ génération (Illt et
VlIIi), la première très franchement, elle n'a pas eu de postérité,
la seconde d'une façon moins accentuée, elle a donné quelques
œufs féconds. Ce sont justement ces deux exceptions qui me
font rapporter la modification de la graisse à une réaction géné-
rale de l'organisme susceptible de quelques changements, plutôt
qu'à un simple emmagasinement d'une graisse donnée, la même
pour tous, qui serait constante.
Une autre transformation paraît plus nettement encore en
rapport avec la suractivité du foie suivie de surmeyiage, c'est
l'apparition, dans le péritoine de mes animaux, d'un pigment
noir analogue à celui que l'on trouve dans le péritoine des Am-
phibiens et des Reptiles, puis la disparition de ce pigment dans
les dernières générations. Je considère ce pigment comme de la
mélanine. Il est à noter qu'on ne le rencontre jamais chez aucun
mâle et le fonctionnement du foie ainsi que la taille de cet organe
y sont incomparablement plus faibles que chez les femelles {voir
chapitre VIII).
Comment évaluer cette quantité de mélanine pour en avoir
une mesure au moins approximative. Sur mes feuilles de dissec-
tion je trouve des notations telles que les suivantes :
Pas de mélanine
Traces de mélanine l
Un peu de mélanine 3
Mélanine 4
Plus chargé de mélanine 5
Nous pouvons remplacer ces indications un peu longues par
les chiffres qui leur font face et qui correspondent à peu près à
l'importance du produit observé, qui lui donnent une note. Les
observations se groupent alors dans le tableau suivant où les
caractères gras représentent des mâles.
Nos connaissances sur la production et la signification du
pigment sont trop peu avancées pour qu'on puisse dès mainte-
nant apprécier tout le sens de ces modifications. Il importe en
VARIATIONS EXPERIMENTALES
191
tous cas de les noter pour le jour où elles pourront être plus
complètement utilisées. Nous en redirons quelques mots au
chapitre IV, a.u cours duquel ils seront mieux compris.
Avant de clore ce chapitre, retenons les deux grandes indica-
tions suivantes. Les modifications obtenues sur le rein et le foie
et relatives à l'importance de ces organes dans l'organisme entier
tendent vers l'état qui est celui des oiseaux carnivores. Si l'évo-
GÉNÉRATIONS
Pa
p.
P2
P.
Pi
Po
Indications
<
individuelles
1
lo O
Ile ;
IIIo
I. o
II> ; 1
m, 1
l2
II2
III2
IV3
V2
VI2
Vlh
VII I2
4
4
4
5
I3
\h \ 3
III3
IV3
V3 1
VII3
VIII3 1
I4
II4
IV4
V4
VII4
u
II5
III5
IV5
4
Moyennes générales.
0,66
2,12
0,57
1
Moyennes des femelles
1
4,
25
2
c
1
A
l
lution s'était continuée conformément à son début, il eût suffi
de six générations pour réaliser la transformation. C'est très peu
et, par rapport au temps total, c'est même une durée si courte
qu'eyi se plaçant à ce point de vue l'évolution semble procéder
par saccades, être discontinue.
Mais, si l'on envisage comme mesure du temps la durée d'une
génération, on compte jusqu'à six moments distincts et à cet
autre point de vue, le phénomène apparaît avec une continuité
qui se figure par une courbe.
192 F. HOUSSAY
Nous pouvons dès maintenant dire que notre expérience a
été arrêtée par l'intoxication contre laquelle l'organisme ne
s'est pas défendu jusqu'au bout. Comment se fait-il qu'une telle
impossibilité ne se soit pas présentée dans la nature? On en aper-
çoit plusieurs raisons. D'abord tout porte à croire que les trans-
formations de cette sorte sont plus progressives que celle par
nous tentée et ce qui subsiste du régime végétal non seule-
ment n'augmente pas l'intoxication, mais aide à l'élimination.
C'est ainsi par exemple que l'on voit encore les chats mâcher
des tiges de valériane.
D'autre part les femelles résistent mieux que les mâles. Mais
nous avons toujours eu des couples de même génération. Dans
la nature, les mâles de deuxième année sont en pleine vigueur
et ce sont eux surtout les reproducteurs ; ils apportent ainsi un
retard d'une année dans la plus forte intoxication et il n'en faut
peut-être pas plus pour franchir le point critique, le point d'in-
flexion des courbes et gagner ainsi l'adaptation organique.
CHAPITEE IV
LA RATION DE VIANDE ET LA RATION DE GRAINES
Sommaire. — L'énergétique et la ration alimentaire. ■ — Le pouvoir therniogène n'est pas le
seul critère de la valeur d'une ration. — Ration de croissance et ration d'entretien. —
Réglage spontané de leur ration par les oiseaux. — Rapport du poids à la ration jour-
nalière. — Variations de ce rapport avec l'âge et avec le régime. — Courbe de la variation.
— Influence de la pression barométrique sur l'appétit chez les poules. — Supériorité de
la viande pour la croissance, du grain poiu- l'entretien. — Valeur plastique, valeiu" ther-
niogène et toxicité d'une ration donnée.
Les études d'énergétique animale ont rendu, depuis ces der-
nières années, très importante la connaissance précise de la
ration alimentaire pour un animal donné. Afin de dégrossir en
premier lieu le sujet, les physiologistes se sont occupés presque
exclusivement de la ration d'entretien, c'est-à-dire de celle qui
est nécessaire à un animal adulte, accomplissant un travail très
modéré, pour maintenir son poids constant pendant une assez
VARiATIONS EXPERIMENTALES 193
longue période. Certains cependant, comme Ohauveau, ont
cherché (quelles substances alimentaires fournissent le meilleur
rendement en travail produit.
Les diverses sortes d'aliments, ou les diverses proportions
dans lesquelles on les peut mélanger, ont été examinées à ce
point de vue et l'on a déterminé en calories leur valeur thermo-
gène, identifiée à leur valeur alimentaire, puisque les besoins
de l'animal adulte sont surtout conditionnés par des dépenses
tle chaleur ou des dépenses en travail que l'on y fait
équivaloir.
On voit bien d'ailleurs que ces procédés de mesure, aussi inté-
ressants que précis, ne sont raisonnablement applicables qu'à
l'intérieur de catégories déjà faites, et qu'ils permettent des
comparaisons seulement entre substances déjà définies comme
aliments par les effets que leur ingestion prolongée détermine
dans l'organisme. La valeur thermogène de la houille, du pétrole
ou de l'acide cyanhydrique ne donne aucune idée de leur valeur
alimentaire. Pour les substances à propos desquelles le doute
persiste, par exemple pour l'alcool, ce n'est pas le calorimètre
qui doit répondre, puisqu'il n'a la parole qu'en second lieu, mais
d'abord l'observation longuement poursuivie des effets que dé-
termine sur l'organisme l'abstinence du produit ou l'ingestion
journalière de telle, telle ou telle quantité.
Il y a donc à propos de la valeur alimentaire d'une substance
donnée bien autre chose à considérer que la capacité à fournir
des calories en se détruisant. Cela est notamment certain à
propos de la ration de croissance, dont on ne voit guère a priori
comment identifier, d'une façon simple, la valeur avec le pouvoir
thermogène. Pour cette question très importante, très compli-
quée et très loin de la solution, toutes les données sont bonnes
à recueillir. C'est pourquoi je crois utile de publier celles que je
possède à ce sujet.
D'après Maurel, tous les animaux se suralimentent quand
ils ont la nourriture à discrétion et il est indispensable, pour
obtenu" une fixité approximative de leur poids, de régler leur
194 F. HOIJSSAY
régime et leur ration. Larguier des Bancels (1), qui rapporte
l'o]tiuioii précédente, a observé que les pigeons se comportent
autrement et que, alimeutés librenu'ut, ils règlent eux-mêmes
leur consommation avec une précision très grande, qui suffit
pour conserver au corps son poids initial x)endant plusieurs mois.
Les petites variations que l'oiseau fait lui-même subir à sa ration,
sont, d'après cet auteur, en rapport exact avec les variations
de la température extérieure.
Je ne puis apporter une précision de cet ordre, mais en revanche
mes données s'étendent sur une ])ériode beaucoup plus longue
et comprennent la croissance et l'entretien de trois générations
successives : une nourrie au grain et les deux suivantes à la
viande.
Il est certain que les oiscHiUx nourris surabondamment règlent
eux-mêmes leur consommation. Larguier des Bancels a eu
raison d'exprimer et de mesurer le fait, mais déjà la connais-
sance banale en avait fait un principe d'action. Tous les oiseaux
conservés en cage •: tourterelles, canaris, chardonnerets, etc.,
ont toujours des graines à discrétion et, pendant des années,
leur taille et leur agilité ne changent pas. C'est sur cette obser-
vation que j'avais tablé pour déterminer la ration nécessaire à
mes poules. Je la leur faisais verser deux fois par jour soit en
graines, soit en viande et de tel poids que tout fût consommé
avec un petit reste aussi faible que posvsible. Aussitôt qu'il ne
restait ni un grain, ni un morceau de viande, on augmentait
légèrement pour les jours suivants, on diminuait au contraire
si le reste devenait appréciable.
Pour une seule génération, j'ai pris les pesées de rations
depuis la naissance, mais les premières données ne peuvent être
utilisées, parce qu'avec les poussins se trouvait la poule cou-
veuse et nourricière et qu'il est impossible de démêler ce qui
revient à l'une et aux autres.
Dans la construction des courbes qui vont suivre (fig. 19),
(1) Larguier des Bancels. — De l'influence de la température extérieure sur l'alimentation
(Thèae de l'Université de Paris ; Masson 1903).
VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 195
j'ai cousidéré le rapport du poids total (P) de tous les animaux
d'un même lot au poids (p) de la ration (qu'ils mangeaient en
commun.
(le
165
175
192
205
206
208
211
212
213
218
219
222
223
229
231
232
235
245
247
265
283
304
325
346
367,
388
409
430
451
461
464
478
Po
Ralinii
Poids
des
/'
Animaux
P
400
4.340
400
4.530
350
4.490
350
4.707
300
4.688
260
4.692
280
4 709
280
4.710
300
4.713
300
4.815
360
4.954
200
5.078
240
5.087
340
5.120
340
5.188
280
5.180
340
5.172
300
5.201
300
5.182
300
5.087
300
5.091
300
»
300
4.858
300
5.068
300
5.107
300
5.334
300
5.474
260
5.585
340
5.617
Rapport
P
10, 85
11, 32
10. 82
13, 45
15, 60
18, 04
16, 82
16, 82
15, 71
16, 05
13, 76
25, 39
21, 19
15, 05
15, 25
18, 50
15, 21
17, 33
17, 27
16, 96
16, 97
16, 19
16, 89
17, 02
17, 71
18, 25
21, 48
16, 52
Iblioti
P
300
400
350
350
300
260
300
340
300
340
200
240
340
360
280
360
360
360
360
360
360
360
360
360
360
360
300
320
360
Poifls
des
.\iiimaiix
P
3.750
4.160
4.887
5.377
5.398
5.432
5.533
5.540
5.380
5.471
5.669
5.600
5.590
6.579
5.790
5.800
5.901
5.954
5.639
5.831
5.913
5.803
5.732
6.005
5.815
6.188
6.105
5.952
5.799
Rapport
P
P
12, 5
10, 4
13, 96
15.36
17, 99
20, 89
18,61
16.29
17, 93
16, 09
28, 34
23, 33
16, 44
15, 49
20, 67
16, 11
16, 39
16, 54
15, 67
16, 19
16, 42
16, 11
15, 92
16, 68
16, 15
17, 19
20, 35
18, 60
16, 10
Jours
de
36
40
45
49
52
56
61
66
71
76
82
91
101
103
109
113
122
127
143
152
162
167
184
191
212
233
247
252
273
294
316
336
357
378
399
420
Katloii
P
460
510
530
600
650
670
700
740
740
740
800
840
880
960
880
650
640
640
600
660
680
720
720
720
720
720
720
800
800
800
800
800
800
800
800
800
Poids
des
Animaux
P
2.904 (1)
3.068
3.754
4.206
4 . 469
4.918
5.478
6.271
6.761
7.390
8.207
9.397
10.341
10.577
11.232
8.710 (2)
9.111
9.393
10.107
10.415
10.791
11.141
11.902
12.326
12.911
13.214
13.319
13.329
13.253
13.391
13.288
13.354
13.558
13.279
13.032
13.134
Rapport
P
P
6, 31
6, 01
7, 08
7, 01
6, 87
7, 34
7, 82
8, 47
9, 13
9, 98
10,25
11, 18
11, 75
11, 02
12, 76
13, 40
14, 23
14, 67
16, 84
15, 77
15, 86
15, 47
16,53
17, 11
17,93
18, 35
18, 50
16, 66
16, 56
16, 74
16. 61
16, 69
16, 95
16, 59
16,29
16,42
(1) 8 animaux.
(2) 6 animaux.
de la ration ; flus il est grand,
meilleure est la ration, soit que la ration faiblisse pour maintenir
Ce rapport exprime la valeur
V
196 F. MOUSSA Y
un inôuu^ poids, soit que le poids croisse avec une même ration.
V
On considère d'autre part assez volontiers le rapport mverse -,
à savoir la quantité d'aliments (lu'il faut à un kilogramme
d'animal pour se maintenir et plus cette quantité est petite, meil-
leure est la ration. Il est évident que la variation de ces deux rap-
ports avec l'âge ne donne pas du tout la niôme forme des courbes.
J'ai construit les miennes en considérant -, mais ceux qui prefe-
p
reraieut le rapport inverse pourraient construire les courbes de
sa variation avec les données numériques recuellies à ce sujet
et reproduites dans le tableau composé à la page précé-
dente.
J'ai établi pour chacune des générations considérées une
P . , , .
courbe de la variation du rapport aux divers âges de la vie.
P
Pour construire cette courbe, je compte en abscisses le temps à
raison de 1 % pour 2 jours de vie et en ordonnées les valeurs
P
correspondantes de - en prenant 1 "' pour chaque unité du
p
rapport : par exemple le rapport 17,93 = 18 '^^ le rapport
16,09 = 16 Z' etc.
Les trois courbes obtenues sont reproduites par réduction
photographique (flg. 19). Il importe d'abord de dégager leur
étude générale de trois pointements singuliers a, a', a", qui se
trouvent aux générations Po et P,.
Or, la génération P,,, pour parler d'elle en premier lieu, est
composée de poules granivores, c'est-à-dire normales ; les dates
de ces pointements sont les suivantes :
a — 208 jour de vie 18 février 1901.
a' — 229e — 10 mars 1901.
a" — 245<^ — 26 mars 1901.
Sur mes cahiers d'expérience, j'avais inscrit « tombée de neige »
le 11 mars 1901 qui correspond au plus grand pointement ; ceci
VARIA TI(>NS EXPERIMENTALES
19^
naturellement ne va pas sans une grande baisse barométrique.
Pour les deux autres pointements, je n'avais rien noté. J'ai
demandé rétrospeotivonipiit (avril 1906) à mon ami J. Mascart.
FiG. 19. Courbes des rapports du poids à la ration dans trois générations dont une granivore
et deux carnivores
astronome à l'Observatoire de Paris, de me renseigner sur l'état
météorologique des journées indiquées et voici ce qu'il me com-
^nuniqué :
198 F. HOUSSAY
DATES BAROMÈTRE ETAT MÉTÉOROLOGKJUE POINTERENT
Parc St-Maur
1901. Février 17. . . 759,6 Couvert neige et grésil.
— 18... 765,3 Un peu de neig^e à 8 h. et 9 h. a
— 19... 765,3 Très nuageux, petite neige
à 22 h.
— 27-.. 747,7 Couvert, quelquefois des
' gouttes entre a et a*
Mars 10 . . 759,5 Couvert. a
— 11... 752,2 Id. Pluie, neige et grésil.
— 26. . . 756,1 Xei^e jusqu'à -1 h. du matin
puis à 15 h. et à 16 h. 45. a"
— 27... 751.9 Couvert de 6 h. à 19 h.,
pluie et neige.
— 28... 752.4 Grains de neige. Grésil à
17 h.
Donc, si d'après Larguier des Ba>'Cels la température règle
d'une façon précise les petites variations de la ration, la pression
barométrique en détermine de très grandes, au moins chez les
poules. S'il s'agissait d'un réglage du poids en prévision de la
légèreté requise par le vol, il serait tout naturel que la pression
barométrique intervint en premier lieu. Le fait est-il général
chez tous les oiseaux ? Je n'ai pas de données à ce sujet mais
je ne crois pas à sa généralité, du moins avec autant d'amplitude.
Je le crois exact seulement pour les oiseaux déjà lourds à vol
difficile, les autres, en cas de dépression, se contentent de voler
moins haut comme les hirondelles.
Au surplus, il doit bien y avoir quelque particularité dans la
pratique de l'abstinence par les poulets en présence d'une dé-
pression barométrique, puisqu'elle est indiquée déjà par Théo-
PHRASTE comme un des signes du mauvais temps et que cette
observation, avec quelques autres du même ordre, était le fon-
dement objectif de l'art des auspices.
La génération P,, élevée d'une façon normale jusqu'au 150^
jour de sa vie. n'a été mise à la viande qu'ensuite ; elle conserve
encore, au point de vue de la réaction à la pression, l'instinct
VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 199
ordinaire des poulets et aeeuse les mêmes pointements aux
mêmes joiu'S,
Il n'en est pins ainsi à la génération P, nourrie à la viande
depuis son éclosion. Certainement, dans le cours de sa vie de
grandes baisses barométriques sont survenues aussi, mais elles
n'ont pas été accusées, d'une façon sensible tout au moins.
Un instinct très curieux s'est trouvé perdu.
Abstraction faite maintenant de ces pointements singuliers,
nos trois courbes se divisent en deux grandes sections : l'une, de
la naissance au 250^ jour environ, pendant laquelle les ordonnées
croissent, l'autre, à partir du 250^ joar, pendant laquelle les ordon-
nées sont sensiblement constantes, sauf pour un dernier poin-
tement h postérieur à la mue et moins brusque que les précédents.
Ces courbes répètent, en gros, l'allure des courbes de croissance ;
c'est vers le 250^ jour en effet que, dans les trois générations consi-
dérées, les poules ont achevé la différenciation de leurs œufs et
que toutes les courbes de croissance sont à peu près horizontales.
Pour revenir à nos courbes de ration, l'époque du 250^ jour
sépare donc deux zones : à gauche la zone des rations de crois-
sance, à droite la zone des rations d'entretien. Nous pouvons
immédiatement faire plusieurs constatations.
D'abord, la courbe de ration granivore est au-dessous des
deux autres dans la région de croissance, au-dessus dans la
région adulte, ce qui paraît indiquer que la viande est une
ration supérieure pour les animaux qui croissent ; les graines
sont au contraire supérieures pour les animaux adultes. Remar-
quons bien qu'il ne s'agit pas seulement, pour la ration albu-
minoïde, d'une plus grande puissance plastique, c'est-à-dire
créatrice de tissus et de cellules, eh quoi consisterait tout natu-
rellement la différence ; car nos animaux adultes, par le fait de
la ponte, fabriquent journellement plus d' alhuminoïdes que pen-
dant leur croissance et tout de même, dans cette période, les
graines constituent un aliment supérieur pour l'individu, c'est-
à-dire pour la quantité de matière usuellement distinguée à
à part et dénommée « une poule ».
200 F. HOtlSSAY
On pourrait se demander s'il n'y avait pas lieu de considérer,
dans la période adulte, les individus plus la ponte qu'ils ont
produite ; celle-ci, étant supérieure dans les premières généra-
tions carnivores, contribuerait à relever la valeur de la ration
carnée. Mais si l'on ajoute au poids de l'animal celui des germes
qu'il a produits depuis la dernière pesée, il faut y joindre égale-
ment la somme des excréta solides, liquides et gazeux qu'il a
émis, aussi bien que la chaleur ou le travail qu'il a fournis et en
retrancher la somme des rations qu'il a mangées, bues ou res-
pii ées. Ce serait une tout autre expérience sur le bilan organique,
analogue à celle de Benedict et Attwater, dans laquelle l'indi-
vidualité animale s'efface et que je n'ai nullement songé à faire
malgré son intérêt évident, philosophiquement supérieur mais
pratiquement moindre.
Je compare seulement un individu d'une espèce définie, tel
que le donne à un certain moment toute sa vie antérieure avec
une certaine ration, à un autre individu de la même espèce, au
même moment mais avec une autre ration. L'avantage est dans
ces conditions, qui sont celles oii l'on se placerait pour apprécier
la bonne santé d'un homme, à la viande pour la croissance, aux
graines pour l'entretien.
Nous devons remarquer aussi, en comparant entre elles les
deux courbes d'animaux carnivores, que celle de la génération Pg
est notablement au-dessus de celle de P, dans la région de crois-
sance et un peu au-dessus dans la période adulte. C'est la marque
d'une adaptation, d'une meilleure assimilation de l'aliment,
ainsi que d'une meilleure élimination des déchets qu'il donne.
C'est un fait net d'hérédité des caractères acquis ; nous y re-
viendrons.
En dernier lieu il est visible que la ration quelle qu'elle soit
est plus mauvaise dans le jeune âge que dans l'âge adulte, c'est-
à-dire qu'il faut proportionnellement plus d'un même aliment
à un jeune qu'à un adulte. Le fait est connu. Est-ce seulement
que le jeune animal, à surface proportionnellement plus grande,
perd plus de chaleur f Cela entre en ligne de compte à coup sûr.
VARIATIONS EXPERIMENTALES 204
mais pour une part seulement ; car, parmi toutes les rations,
la meilleure à cet âge est la plus albuminoïde, c'est-à-dire la
moins thermogène.
Au surplus, pour apprécier la valeur alimentaire d'une subs-
tance donnée, il faut bien s'entendre sur la réaction que l'on
demande à l'organisme de manifester, comme marque du succès
de son alimentation. Veut-on qu'il soit plus grand, plus robuste,
c'est-à-dire capable de fournir une plus grande quantité de
travail, ou désire-t-on au contraire sacrifier quelque chose des
qualités précédentes pour que l'organisme dure plus longtemps ?
Il faut alors faire intervenir en ligne de compte l'usure organique
par les divers régimes, qui est en raison de leur toxicité et de
la quantité des déchets accumulés.
Or, cette toxicité plus grande du régime carné est surabon-
damment prouvée par notre longue expérience. C'est le défaut
qui contrebalance les incontestables qualités de cet aliment.
Dans le jeune âge, la quantité de rein, la grandeur de l'élimi-
nation sont proportionnellement plus fortes, les qualités de la
ration se montrent alors sans être atténuées par leur inconvé-
nient. Plus tard, avec une élimination moindre, l'inconvénient
contrebalance l'avantage et même le surpasse.
Il y a donc lieu, en pratique, de peser et d'évaluer des séries
d'indications contradictoires et la règle qui me paraît ressortir
aussi bien de ces expériences que des observations, valables pour
l'homme, faites sur moi et autour de moi, est l'usage de la viande
pendant la croissance et l'abstinence de cet aliment passé l'âge
adulte.
AHCll. DE ZOOL. EXP. ET GEN. If' SÉBIE. — T. VI. - (v]
CHAPITEE V
VARIATIONS DU TUBE DIGESTIF
L INTESTIN ET LES C2ECUMS — LE JABOT ET LE GÉSIER
Sommaire. — Précautions à prendre pour les mesures. — Echelle des courbes de variation. —
Décroissance des organes digestifs suivant des arcs d'hyperbole équilatère. — Les écarts
dans les dernières générations dus à l'insuffisance du poids total. — Nouvelle marque
d'intoxication. — Réduction de l'intestin et du cœcum. — Jauge du jabot ; réduction
du volume et de l'extensibilité. — Réduction dans l'action du gésier ; les cailloux ordi-
nairement ingérés deviennent progressivement plus petits ; ce sont des grains de sable
aux dernières générations. — Représentation par le dessin de l'estomac, en valeur relative,
sur 12 animaux composant des couples descendus les uns des autres. — Dimorphisnie
sexuel. — Autres séries de dessins sur des poules devenues plus précocement stériles
et BUT des coqs tuberculeux. — Dans les cas anormaux, la réduction relative est moins
accentuée ou transformée en accroissement. — La réduction accentuée est la règle.
Les seules modifications, dues au changement de régime ali-
mentaire chez les oiseaux, étudiées jusqu'ici ont été, comme
nous l'avons dit, celles qui sont relatives au gésier. Nous avons
des données qui s'étendent en outre à d'autres parties dvi tube
digestif : intestin, caecum et jabot.
Des mesures effectuées sur le tube digestif risquent de laisser
place à un certain aléa en raison de l'élasticité des organes si
l'on n'opère pas toujours exactement de la même façon et si,
notamment, l'on tire plus ou moins sur le tube digestif en mesu-
rant sa longueur avec une règle graduée. J'ai toujours eu soin
d'appliquer l'organe sur la règle sans exercer aucune traction.
J'opérais de même sur les caecums. On sait que, chez les oiseaux,
ces organes sont au nombre de deux, symétriquement disposés ;
chez la poule, en particulier, ils sont rarement de la même lon-
gueur : une différence qui peut aller jusqu'à 15 "„ existe tou-
jours entre eux ; je prenais la moyenne entre les deux pour
longueur du cœcum. Le volume du jabot doit aussi être évalué
avec quelques précautions que j'indiquerai plus loin.
Pour la variation de ces organes comme pour les autres, j'ai
considéré le rapport de leur longueur, de leur volume ou de leur
poids au poids total et au poids actif des animaux étudiés. J'ai
VARIATIONS EXPEIUMENTALES 203
construit les courbes de variation en ces différentes circons-
tances et eu considérant soit les moyennes de tous les animaux
d'une génération, soit, pour éviter les effets variables du dimor-
pliisme sexuel, en comparant les rapports dans des couples effec-
tivement descendus les uns des autres. Ces manières diverses
d'envisager le phénomène me donnent les mêmes indications et
les mêmes courbes, avec seulement un peu plus ou un peu moins
d'accentuation ; les différences secondaires sont même très
r?
P.
Fio.20. Courbes montrant la réduction de l'intestin ( __) et du caecum ( ) dans des couples
effectivement descendus les uns des autres pendant cinq générations successives. —
Rapports de la longueur des organes à 100 gr. de poids total.
faibles. Afin d'avoir des graphiques qui se puissent comparer
avec ceux que j'ai déjà fournis pour le rein et le foie, je les
construis également avec les données relatives aux couples des-
cendant les uns des autres.
Dans tontes les courbes dont il va être question, j'ai pris
])our abscisses le temps, en portant sur l'axe horizontal 25 ^
pour la durée d'une génération et ijpur ordonnées les valeurs
du rapport de chaque organe au poids total des animaux et cela
suivant les échelles suivantes :
204 F. MOUSSAY
CcBcums .... ordonnées 1 % par millimètre de caecum pour 100 gr.
de poids total.
Intestin .... — 1 % P^'i" centimètre d'intestin pour 100 gr.
de poids total.
Jahot — 1 % par centimètre cube de jabot pour 100 gr.
de poids total.
Oésier — 1 % P^^r décigrammé de gésier pour 100 gT,
de poids total.
On voit d'après cela que réehelle qui représente la variation
du gésier et du csecum est 10 fois plus forte que celle employée
pour l'intestin et le jabot ; ceci n'a d'autre importance que de
trouver pratiquement une visibilité suffisante pour toutes les
variations. Les courbes ont ensuite subi la même réduction
photographique.
Avant de parler de chaque organe en son particulier, il con-
vient de relever les indications qui s'appliquent à tous. D'abord,
tous ces organes décroissent manifestement. Mais cette décrois-
sance, au début très sensible, s'atténue et, après la 3^ génération,
se transforme en une petite remontée. Que signifie cette allure
de courbe ?
Tenons compte de ce fait, imposé par le simple bon sens, que
la diminution, même régulièrement poursuivie, n'aurait pas
continué indéfiniment et qu'il fût survenu une époque où les
courbes auraient tendu vers l'horizontale. Guidés par cette indi-
cation certaine et suivant d'autre part la continuité des phéno-
mènes à leur début, nous sommes conduits à rectifier le tracé de
nos courbes d'une façon presque nécessaire. Nous l'avons fait
en traits interrompus pour obtenir l'image de ce qu'aurait dû
être la variation régressive.
Ces courbes nouvelles, toutes semblables entre elles, sont des
hyperboles équilatères avec une asymptote horizontale et une
verticale. Elles répondent à l'équation générale :
i.v-^a){y - b)=K
et ne sont utilisables pour le problème soumis à notre étude que
dans la région des x positifs.
Il est tout à fait intéressant de trouver deux catégories de
VARIATIONS EXPERIMENTALES
205
R R
FiG. 21. Courbes montrant la réduction du jabot. J, et du gésier. G, dans des couples
effectivement descendus les uns des autres pendant cinq générations successives.
Rapports du volume (jabot) ou du poids des organes à 100 gr. de poids total. Pour le
jabot, les jauges à l'eau {_) et celles au mercure ( ) sout représentées.
206 F. HOUSSAY
courbes si dissemblables, l'une, dont nous avons déjà parlé,
comprise entre deux asymptotes horizontales avec un point
d'inflexion entre les deux : c'est à la fois la courbe de croissance
et d'hypertrophie, l'autre, que nous rencontrons maintenant,
l'hyperbole équilatère est la courbe de décroissance et d'atrophie.
Les deux catégories de phénomènes sont biologiquement très
distinctes ; il est naturel que deux courbes fort diiïérentes les
symbolisent. Ce résultat est susceptible d'une large généralisa-
tion mais nous ne pouvons pas en entreprendre l'exposé de
peur d'être entraînés trop loin.
Je voudrais pourtant faire remarquer que le passage de
l'évolution continue à l'évolution discontinue, ou de la trans-
formation progressive à la mutation, devient, s'il s'agit d'une
décroissance d'organe, une conception exactement représentée
par la transformation d'une hyperbole équilatère en deux
droites rectangulaires. Cette conception, si familière aux géo-
mètres, nous rend aisé de comprendre que, dans une transfor-
mation par croissance organique, notre courbe à deux conca-
vités sera, en cas de mutation, remplacée par deux sections
de droites parallèles réunies par un trait vertical, deviendra
une marche d'escalier, suivant une image employée par Giard.
Nous avons vu au chapitre II qu'à partir de la 3^ génération
le rein et le foie ont commencé à fléchir ; pour les organes qui
nous occupent maintenant, tous abandonnent une génération
plus tôt leur courbe type. A partir de la 2^ génération, en effet,
nos données expérimentales sont toujours au-dessus de ce qu'elles
devraient être d'après leur début. Il y a là deux points à éclaircir.
1° Pourquoi l'atrophie est-elle plus faible que ce qu'on atten-
dait •? 2» Pourquoi l'atrophie digestive s'arrête-t-elle une géné-
ration plus tôt que l'hypertrophie hépatique et rénale ?
Et d'abord peut-on dire que l'atrophie digestive s'arrête ?
Eemarquons que nos courbes ne nous renseignent que sur une
atrophie relative, leurs points étant fixés par des valeurs du
rapport d'un organe au poids total de l'animal. Cependant,
comme les valeurs absolues nous renseigneraient bien moins
\ AI{IATH)NS EXPERIMENTALES 207
encore, il faut analyser tant qu'il se peut les valeurs relatives
pour bien saisir le sens de leur variation.
Soit w la longueur, le volume ou le poids d'un certain organe
et P. le poids total d'animal correspondant, nous observons que
le rapport - n a pas décru autant que nous l'attendions. Mais
cela a pu survenir pour deux raisons, ou bien w n'a pas décru
(ou n'a pas arrêté sa croissance) comme il fallait, ou bien P n'a
pas crû autant qu'il l'aurait dû pour se tenir dans l'équilibre
régulier avec w.
C'est, je crois, cette dernière alternative qui est la véritable.
Bien que le poids des animaux ait toujours été en croissant, il ne
l'a pas encore été suffisamment. Or, l'intoxication, dont nous
avons relevé la manifeste existence, a pour effet certain, rapide
et constant l'abaissement du poids, comme perte de l'acquit
ou comme manque à gagner ce qui devrait l'être.
Si nous sommes dans le vrai, si c'est bien un manque d'accrois-
sement du poids total qui relève les points de nos courbes, le
phénomène fonctionne nettement aussitôt après la seconde
génération, comme le montrent simultanément tous les organes
digestifs en régression. Donc, la 3^ génération subissait, en ne
croissant pas assez, une nouvelle et très sensible marque d'in-
toxication. Bien que le rein et le foie y aient encore crû, ils
n'ont pas suffi à Texcrétion ; de là leur surmenage et leur régres-
sion à la génération suivante.
Ces concordances parfaites nous montrent que la correction
de nos courbes en hyperboles équilatères est absolument légi-
time et, malgré son insuccès final, notre expérience nous donne,
pour la marche de la variation, une indication aussi sûre qu'une
adaptation réalisée.
Il est également important de remarquer que les hyperboles
équilatères eussent atteint sensiblement l'horizontale à partir
de la 6^ génération, ce que nous a déjà indiqué exactement la
variation hépatique et rénale.
De plus, il faut noter que le surmenage des organes excréteurs
208 F. HOUSSAY
à la 2^ génération, précédant leur insuffisance anatomiqiie qui
se traduit seulement à la 3^, nous avait été déjà signalée par
l'abondance de la mélanine à cette même 2^ génération où elle
présente son maximum (1).
Eelevons encore quelques observations pour chaque organe
en particulier. Sur l'intestin j'ajouterai peu de choses ; sa réduc-
tion en longueur par le régime carné est conforme à toutes les
observations déjà faites en anatomie comparée. Le fait nouveau,
d'ailleurs important, est la réalisation expérimentale rapide
de ce raccourcissement. Il convient de remarquer en outre que
l'aspect de la paroi intestinale est changé ; elle devient plus
épaisse et perd toute transparence. Ceci correspond sans aucun
doute à de graves modifications histologiques ; mais mou atten-
tion a été trop tardivement appelée sur ce sujet pour que j'y
aie pu exécuter des recherches méthodiques. Au surplus, j'ai
peu poussé mon travail du côté histologique qui, à lui seul, eût
fourni la matière à des investigations aussi étendues que celles
dont j'ai pu retirer des conclusions. Je donnerai çà et là quel-
ques indications relevées à ce sujet afin surtout d'encourager
ceux qui voudraient en compléter l'étude.
La réduction du caecum nettement réalisée par le régime Car-
nivore est un résultat que l'on pouvait aussi escompter. J'ai
même donné une trop faible idée de la régression de cet or-
gane en évaluant celle-ci par la réduction de la longueur. Eu
jaugeant le volume, on aurait certainement constaté une bien
plus forte diminution ; car les csecums deviennent non seule-
ment moins longs mais beaucoup plus étroits, leur calibre se
réduit.
Il ne faudrait pas conclure hâtivement de cette observation
que, chez l'homme, la réduction du csecum et la formation de
l'appendice vermicnlaire sont une conséquence certaine du pas-
sage d'un régime originel exclusivement frugivore à un régime
fortement carné, car certains singes possèdent aussi cet appen-
dice vermicnlaire. En général les carnivores ont le csecum bien
(1) Voir p. 191.
VARIATIONS EXPERIMENTALES 209
moins développé que les herbivores ; l'action de ki viande n'est
pas douteuse, mais le même résultat pourrait être atteint autre-
ment puisqu'on ne trouve pas de caecum chez des phytophages
comme l'Unau et l'Ai [Bradypus) ou chez certains rongeurs
comme le Loir {Myoxus).
De tous les organes, le jabot est celui qui a montré la réduction
la plus prompte et la plus considérable. Afin d'apprécier son
volume, je l'ai jaugé en le remplissant d'eau toujours dans les
mêmes conditions. Après avoir détaché le jabot, l'avoir vidé
quand il y avait lieu et nettoyé par un courant d'eau, je posais
une ligature sur son extrémité inférieure ; j'introduisais ensuite
dans l'œsophage un petit entonnoir de verre, toujours le même,
de façon que son extrémité vînt affleurer à' l'entrée du jabot.
Puis, tout étant suspendu, je versais de l'eau jusqu'à ce que
l'entonnoir restât plein. Le remplissage avait ainsi toujours lieu
sous la même pression d'une colonne d'eau d'environ 5 % de
hauteur. Ceci fait, je comprimais entre deux doigts l'entrée du
jabot et je rejetais l'eau restant dans l'œsophage et l'entonnoir ;
juiis je mesurais dans une éprouvette gTaduée l'eau contenue dans
le jabot. Ces mesures étaient toujours parfaitement comparables
entre elles et c'est avec leurs variations que j'ai construit mes
courbes.
J'ai voulu aussi pratiquer la jauge au mercure pour avoir
quelque idée sur l'extensibilité de l'organe et sur la façon dont
elle pouvait varier. Les mesures sont beaucoup moins précises
que les précédentes; celles-ci peuvent être répétées par n'importe
qui à la condition de prendre la même pression d'eau ; les
jauges au mercure doivent être pratiquées par une même per-
sonne pour demeurer comparables.^
Il ne pouvait plus être question de suspendre l'organe qui se
fût indéfiniment distendu et eût enfin crevé sous la pression du
mercure ; je le posais, muni de sa ligature inférieure, sur une
cuvette de porcelaine à fond plat, puis je vidais aussi rapide-
ment que possible le mercure. Le jabot s'étalait et en même
temps se gonflait. On aurait pu verser du mercure jusqu'à
210 K. HOUSSAY
rupture, mais j'avais soin de marquer d'avance, à l'aide d'une
épingle par exemple, l'orifice supérieur du jabot, parce que la
turgescence poursuivie de l'organe aurait fini par incorporer
tout l'oesopliage dans le jabot et, aussitôt que le mercure attei-
gnait ce niveau, je cessais de verser.
C'est justement le moment auquel il convient de s'arrêter
qui demeure indécis et il reste \ine part d'ai)pré('iation person-
nelle inévitable. Sans exagérer donc l'importance de ces dernières
mesures ni leur précision, je puis dire qu'en opérant, tant que
je l'ai pu, dans les mêmes conditions, j'ai obtenu les indications
suivantes.
La jauge au mercure du jabot soutenu est toujours plus grande
que la jauge à l'eau du jabot suspendît ; dans les mêmes condi-
tions pour l'organe le résultat était évident d'avance, dans des
conditions différentes il ne l'était pas. L'écart entre les deux
mesures, très grand dans les premières générations, s'atténue
ensuite pour devenir insignifiant. Ceci veut dire que non seule-
ment le jabot se réduit mais que son extensibilité diminue et
nous apprend que l'organe ne reste pas semblable à lui-même
en plus petit. Sa structure change.
Les glandes de l'oesophage et du jabot sont considérées comme
ne fournissant qu'un mucus lubréfiant. Toutefois mon élève
Camoin a pu démontrer que, chez les poules, ces glandes pro-
dui ent une diastase transformant l'amidon en glucose ; il a
nettement établi ce résultat tant par des nuicérations de jabots
que par une fistule habilement pratiquée. Sur une poule soumise
au régime de la viande depuis 18 mois, Camoin a reconnu, à
l'aide d'une fistule, que la sécrétion du jabot n'intervertit plus
l'amidon qu'avec une intensité trois fois moindre que chez les
poules granivores. La poide en (juestion a succombé trop t^t
pour permettre de voir si, par contre, la production glandulaue
n'attaquerait pas les albuminoïdes ; elle s'est montrée sans action
sur le blanc d'oeuf dur. Ce résultat négatif n'est pas péremp-
toire, vu la résistance particulière de cette albumine coagulée et
vu les commencements manifestes de digestion sur la viande
VARIATIONS EXPERIMTNTALES 211
crue dont je trouvais des fragments dans le jabot des nombreux
sujets que j'ai sacrifiés.
Quant au gésier, le poids, que j'ai pris comme signe de la
variation, s'est considérablement réduit. On s'en rendait compte
du reste rien qu'à regarder l'organe ; il paraissait vraiment
moins important dans l'ensemble des viscères que chez les poules
normales. Si l'on y pratiquait une coupe par son plus grand
plan diamétral, on voyait tout de suite que la cavité était beau-
coup moindre. Le revêtement corné, d'abord très épais et très
dur, devenait de moins en moins résistant et, dans les dernières
générations, il formait une simple peau qui adhérait à peine
aux tissus sous-jacents et ne présentait que très peu de dureté.
Cependant, sur sa tranche, la paroi musculaire a montré jusqu'au
bout la même épaisseur absolue ; c'est-à-dire que tout de même
elle a beaucoup diminué d'imijortance dans l'ensemble de l'or-
ganisme, puisque celui-ci est devenu beaucoup j^lus gros. Les
muscles d'ailleurs s'étaient plus encore réduits eu longueur.
On sait que les oiseaux granivores ont l'habitude d'ingérer
d'assez volumineux cailloux qui font, sous l'action des muscles
du gésier, l'ofBce de mtmles pour triturer les graines. Mes ani-
maux, placés sur un sol fait de sable et de graviers, ne manquaient
pas à cette pratique. A la première génération granivore, les
cailloux recueillis à l'autopsie étaient à peu près en moyenne
de la grosseur d'un pois ou d'un haricot, quelques-uns même
plus gi'os. Insensiblement, les cailloux ingérés diminuèrent,
devinrent plus petits et, à l'avant-dernière et à la dernière géné-
ration, on ne trouvait plus que des grains de sable, gros comme
la tête d'une épingle ordinaire.
Le gésier servait donc encore d'estomac triturant pour achever
la séparation des fibres de la viande ; mais ce rôle était moins
diflicile que dans le cas des graines, exigeait moins d'eiïorts et
se restreignait de lui-même. J'aurais pu, en plaçant mes ani-
maux par exemple sur un sol de bitume ou d'asphalte, empêcher
totalement l'ingestion de tout corps solide et obtenir très proba-
blement une plus forte réduction du gésier ; mais je n'ai pas
212 F. HOUSSAY
voulu les obliger à agir autrement qu'ils ne l'eussent fait d'eux-
mêmes dans la nature. Au surplus, la vie sur un sol artificiel
variatîons expérimentales
213
eût amené des modifications particulières sur les ongles que je
tenais à observer dans les conditions normales.
■a 2
•3 1
■2 S
Ayant pris aussi des séries de pesées sur l'estomac entier,
c'est-à-dire gésier et ventricule succenturié ensemble, j'ai obtenu
214 F. HOUSSAY
une seconde courbe exactement parallèle à celle du gésier seul,
c'est-à-dire toujours équidistante de celle-ci. Cela prouve que
le ventricule succenturié apporte à toute génération un poids
relatif constant, qu'il ne varie pas en poids par rapport au reste
de l'organisme.
L'étude de la variation des organes par les courbes, que j'ai
tracées et reproduites, est la plus claire et la plus démonstrative
pour certains esprits, pour ceux notamment qui ont été formés
par la culture mathématique. D'autres esprits, non pas inférieurs
mais différents, se représentent avec peine les rapports exacts
entre cette symbolique et la réalité dont elle sort. Ils auraient
plus de satisfaction à voir la série même des pièces anatomiques
ou tout au moins à en examiner des dessins fidèles. La repré-
sentation par dessins il est vrai, n'étant que la projection sur
un plan, n'intéresse que deux dimensions des organes et, pour
ceux en particulier dont j'ai, d'autre part, évalué la variation
par le volume ou le poids, c'est-à-dire par trois dimensions, il
peut ne pas y avoir rigoureuse concordance entre les deux sortes
de représentations. En outre le dessin fait sur chaque animal
est individuel et se dégage moins des accidents personnels que
les coiirbes faites avec des moyennes, tout au moins avec celles
d'un couple.
Néanmoins, il y a accord dans l'ensemble et comme, au sur-
plus, l'examen de la forme est du plus haut intérêt, j'ai repré-
senté la variation réalisée par une série de dessins (fig. 22, 23, 24
et 25).
En disséquant chacun des animaux en expérience j'avais pris
relativement au tube digestif, depuis l'entrée du jabot jusqu'au
gésier compris, un croquis grandeur nature et tout à fait exact
quant aux dimensions. L'examen ultérieur et la comparaison
de tous ces dessins montre, avec une parfaite netteté, la réduc-
tion du jabot et du gésier dont nous avons parlé ; mais, vu la
différence de taille et de poids des divers animaux, elle ne permet
pas d'avoir une mesure juste du phénomène.
Le régime Carnivore a dans l'ensemble augmenté le poids.
VARIATIONS EXPERIMENTALES 215
comme je Tai déjà dit, et fait croître les animaux. Si ce résultat
avait été le seul, s'il y avait eu simple accroissement homothé-
tique de tous les organes, saris changement de la forme animale,
les réductions de tous les dessins, elïectuées proportionnellement
aux poids des animaux correspondants, devraient toutes coïn-
cider, être un seul dessin.
Une preuve objective peut en être donnée par la comparaison
des deux poules II„ et III,, de la génération granivore initiale.
Elles différaient, comme nous l'avons déjà remarqué,'non seule-
ment par la taille mais par la race ; elles étaient toutefois de la
même espèce et représentaient le même complexe organique
défini. A la fin de l'expérience III., pesait 1917 grammes et 11^
1354 grammes soit 29 % de moins. En augmentant de 29 % le
dessin exécuté sur II„ on obtient identiquement le même gésier
que celui de III,, grandeur nature (flg. 22 et 24).
Si les dessins, agrandis ou réduits de façon à correspondre
à un animal toujours de même poids, ne sont pas identiques,
leur différence traduira exactement le déséquilibre organique,
c'est-à-dire le changement de forme.
Des changements de forme définis de la sorte peuvent être
et ont été constatés entre les jeunes et les adultes de la même
esiîèce, ou entre les mâles et les femelles, ou entre animaux de
même type mais de taille très différente à l'état adulte, comme
le sont par exemple un moineau et un vautour ou mieux encore
un chat et un tigre. Dans le cas que nous envisageons, il s'agit
d'adultes de la même espèce, du même sexe et du même âge,
lîi différence de forme, si elle existe, résulte donc exclusivement
de la différence du régime alimentaire, la seule variable intro-
duite.
Examinons d'abord une série de dessins provenaût des femelles
comprises dans des couples descendant les uns des autres. Le
tableau suivant donne l'échelle des réductions (signe — ) ou des
accroissements (signe +) qu'ont subis les dessins en prenant
pour unité le poids d'une des poules.
2d6
F. HOUSSAY
POULES
POIDS TOTAL
VALEUR
MODIFICATION
AU DESSIN
IIIo
1917
1
III,
1959
1,02
- 2 %
VU.
1905
0,99
! 1 %
V11I3
2243
1,17
— 17 %
V4
2465 •
1,28
— 28 %
I5
2425
1,26
— 26 %
Les modifications ci-dessus ont été effectuées avec le compas
de réduction, dont les de^ix branches étaient réglées à chaque
opération sur une échelle divisée en millimètres. Les divers
dessins fixés côte à côte ont ensuite été tous uniformément
réduits par la photographie.
La série de la figure 22 met sous les yeux d'une manière frap-
pante la réduction organique poursuivie pendant six générations.
Ce procédé d'évaluation me semble rigoureusement exact, mais,
pour ceux qui en douteraient, ajoutons qu'il nous donne seule-
ment une mesure plus juste du phénomène et que ce dernier appa-
raîtrait sans cela. Par exemple les organes de la dernière poule
ont été réduits de 26 %, soit environ 1/4; si même ou leur rendait
ce quart, encore seraient-ils bien au-dessous des organes de la
première poule qui en sont presque le double. Autrement dit, il y
a non seulement réduction relative, mais aussi réduction absolue.
Nous avons fait la même opération pour les mâles de ces
couples suivant le tableau ci-dessous qui rapporte leurs poids
à celui de la poule Illy précédemment choisie pour unité.
MODIFICATION
COQS
POIDS TOTAL
VALEUR
AU DESSIN
lo
2544
1,32
— 32 %
I.
2458
1,28
— 28 %
VI,
2905
1,51
- 51 %
IV,
3100
1,61
— 61 %
VIL
3650
1,90
— 90 %
III5
3650
1,90
— 90 %
Variations expérimentales 217
La série des figures établit toujours la même suite de réduc-
3 .2
.g ^
■a a
5 o
a -a
tions, très sensibles dans les premières générations, moins dans
ARCU. DE ZOOL. EXP. ET GÉ.N. l\' SÉRIE. — T. VI. — (v).
i6
218 F. HOUSSAY
les suivantes ; c'est une représentation concordante avec ce
que nous avons déjà obtenu par le tracé des courbes.
La comparaison des figures 22 et 23 montre d'une façon sai-
sissante la faiblesse relative des organes alimentaires chez les
mâles. Ces animaux considérés, ainsi que nous l'avons fait, comme
ne pesant pas plus qu'une femelle ont un tube digestif beaucoup
plus faible que celle-ci. C'est l'expression d'un cas du dimor-
phisme sexuel, phénomène dont je me projiose de suivre la
variation avec le régime dans un autre chapitre
Fjq. 25. Dessins exécutés d'après nature, puis réduits pour correspondre à des animaux
de même poids, chez quatre coqs plus ou moins malades.
Les couples qui se sont reproduits cinq générations de suite
et dont, au résumé, la stérilité est le plus tardivement survenue
sont formés des animaux qui ont le mieux résisté à l'intoxica-
tion du nouveau régime, qui se sont le mieux prêtés à l'élimina-
tion nécessaire, qui se sont, en un mot, le mieux adaptés. Leur
variation est donc la plus rapprochée de la règle et, si elle s'écarte
un peu de celle-ci, puisque la règle exacte serait l'hyperbole
équilatère qu'ils ne suivent pas tout à fait, ce sont eux qui s'en
VARIATIONS EXPÉRIMENTALES âlÔ
écartent encore le moins. C'est une nouvelle raison de croire
bien établie notre loi de régression que de voir les animaux les
plus normaux s'en rapprocher le plus.
Considérons en effet une série de six autres poules apparte-
nant aux premières générations (flg. 24). Voici l'échelle de
réduction des dessins :
MODIFICATIONS
POULES
POIDS TOTAL
VALEUR
AUX DESSINS
IIo
1354
0,71
+ 29 %
IIi
1907
0,99
+ 1 %
IL
1912
1
IV,
2014
1,05
- 5 0/^
III3
1900
0,99
+ 1 %
II3
1860
0,97
+ 3 %
Les dessins montrent encore une réduction, mais moins fran-
chement poursuivie que dans le cas précédent. Ces poules, qui
s'écartent de la normale par une stérilité plus précoce, s'en
écartent aussi par une moindre réduction relative du gésier et
du Jabot. Ceci tient à ce que, étant plus intoxiquées que les
autres, leur poids a faibli davantage et se trouve moins près
de ce qu'il devrait être ; par suite les rapports des organes aux
])oids deviennent trop forts dans les dernières générations.
Puisqu'il s'agit d'arguments détaillés pour renforcer la con-
clusion par laquelle nous avons légitimé l'hyperbole équilatère
comme expression de la loi de réduction organique dans l'adap-
tation, je vais encore mettre sous les yeux les organes digestifs
de quatre coqs empruntés à trois générations successives.
Les dessins (fig. 25) sont à l'échelle de réduction suivante :
COQS
POIDS TOTAL
VALEUR
MODIFICATIONS
AUX DESSINS
h
II4
2800
2700
2735
2127
1,46
1,41
1,42
1,11
— 46 %
- 41 %
— 42 %
- 11 %
â2Ô F. HOUSSAY
Ces coqs sont parvenus à l'état adulte, ont parcouru leur
année de vie presque entière, manifestement toutefois leurs
poids sont trop faibles. C'est l'explication de la série paradoxale
de leurs dessins qui montre un accroissement du tube digestif
sous l'influence du régime carné. Tel est en eiïet le fait brut, il
demande une interprétation et une critique.
En examinant les notes individuelles de ces animaux on
trouve :
I, : normal.
I3 : mort spontanément le 17 octobre 1903, après un jour de
malaise, péritonite tuberculeuse, tubercules dans le foie, tumeur
d'un testicule, etc..
II4 : sacrifié le 11 mars 1904 — tuberculose intestinale avec
envahissement du mésentère, trois petits tubercules dans le
poumon — castration parasitaire (deux testicules = 1 gr. 9) —
obstruction intestinale et dilatation consécutive du jabot, etc..
I^ : sacrifié le 31 mai 1904. — Obstruction intestinale, trou-
bles nerveux, péritoine épais, résistant, fibreux, pleine activité
génitale (testicules 40 gr. 75) — début de tuberculose qui a
peut-être déjà envahi les centres nerveux.
La faiblesse des poids n'est pas douteuse non plus que sa
cause ; de là vient une moindre réduction relative des organes
digestifs. Il est en eiïet visible que, dans — c est P qui est
trop faible et qui donne au rapport une valeur trop grande.
C'est la cause même que j'ai invoquée dès le début et que je
répète. Si la réduction ne suit pas pour finir la marche indiquée
par son commencement, c'est que le poids ne croît plus assez,
tantôt brutalement comme dans les cas de maladies avérées,
tantôt insidieusement par l'auto-intoxication du régime qui
montre par ailleurs tant d'autres manifestations
Les indications convenablement critiquées de ces vingt-deux
animaux nous conduisent donc toutes au même terme ; elles
sont aussi instructives et même plus que celles d'une adaptation
qui se fût poursuivie sans arrêt. Les autres animaux observés
VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 221
sont morts ou trop jeunes, ou trop manifestement malades pour
qu'il soit utile de mettre leurs organes en parallèle avee les
autres.
CHAPITRE VI
VARIATIONS DU CŒUR, DU SANG
ET DES GLOBULES SANGUINS
Sommaire. — Les variations du cœur et de la quantité de sang sont peu appréciables. —
Courbes de ces variations. — Numération de globules dans une génération granivore
et une Carnivore. — Variations de ces nombres au cours de la vie. — Construction de
courbes comparatives pour les mâles. — Les mêmes courbes pour les femelles groupées
en deux races. — Courbes rythmiques à deux dépressions. — Etude du rapport de ce phé-
nomène avec l'activité génitale. — Le régime carné combat efficacement l'anémie résul-
tant de la dépense génitale mâle. — Comparaison du rythme de l'anémie et du rythme
de la ponte. — L'anémie correspond à la préparation des œufs et non à leur émission.
— Le régime carné tend à. rendre les deux phénomènes contemporains, c'est-à-dire à
accélérer la ponte.
Le cœur étant un des organes sur lesquels le dimorphisme
sexuel s'accuse avec le plus d'importance et la quantité de
sang étant dans le même cas, il est absolument nécessaire de
n'instituer à leur égard de comparaisons que dans des couples
successifs, pour chacun desquels on prend la moyenne des valeurs
chez le mâle et chez la femelle.
La quantité de sang a été évaluée de la façon suivante : les
animaux ont toujours été sacrifiés par saignée pratiquée eu
sectionnant, suivant l'usage banal, les veines du palais et de
l'arrière-bouche ; le sang était recueilli dans une capsule de por-
celaine de poids connu et pesé aussitôt.
Le cœur était pesé seul, c'est-à-dire débarrassé des gros troncs
artériels et veineux, coupés dès leur naissance, ainsi que de la
graisse qui s'accumule facilement dans le sillon entre les oreil-
lettes et les ventricules.
Les résultats de ces diverses mesures rapportées à cent grammes
de poids total avant la mue sont rassemblés ci-dessous :
222 F. HOUSSAY
GÉNÉBATIONS SANG CŒUR
Po 3,59 0,43
P, 3,90 0,46
P, 3,63 0,42
P, 3,87 0,37
Pj 4,31 0,43
P, 4,31 0,40
La courbe exprimant cette variation est construite de la façon
suivante. Le temps est porté en abscisses en comptant 25 '"^
pour la durée d'une génération et, sur les ordonnées, on
compte 1 '"/ -pshv décigramme de sang pour cent grammes de
poids total et 1 % par centigramme de cœur dans les mêmes
conditions. La variation de ce dernier organe est donc figurée
par une échelle verticale dix fois plus grande que celle du sang,
dans le seul but pratique de rendre les deux variations également
visibles.
\
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1
— -1 — ■
— .
-'ar l'expression
(( un goût fort ».
236 F. HOUSSAY
Le « goût fort » est l'épitliète que l'on appliquerait aussi au
fromage, au beurre rance, au gibier, etc., d'une façon générale
à tout objet fermenté et riche en toxines. Les œufs auraient
donc fini par participer à l'intoxication organique. D'autres
preuves en seront données au chapitre suivant.
En résumé, la pratique usitée par les aviculteurs de donner
aux poules de la poudre de viande pour les faire pondre est
parfaitement justifiée ; on pourrait même aller, toute question
d'économie à part, jusqu'à les nourrir exclusivement ainsi. Mais
il n'y a pas intérêt à continuer le « forçage » plusieurs généra-
tions de suite et il vaut mieux prendre comme pondeuses pour
les « forcer » des poules dont les mères n'ont pas été « forcées »
elles-mêmes.
Le poids moyen de l'œuf subit des variations qui sont ins-
crites à la dernière colonne des tableaux. Dans tous les cas, il
atteint un maximum à l'avant dernière génération, ce qui revient
à dire que, lorsque l'œuf a dépassé son maximum, la stérilité
survient, puisque, dans ces cas, les œufs ne se développent plus
quoique fécondés. Dans les deux cas considérés, le maximum
n'a pas été atteint semblablement ; dans le premier cas (série II„)
le maximum a été atteint par ascension régulière ; dans le
deuxième (série Illg) il s'est produit d'abord une baisse lente
suivie d'une brusque ascension.
Il arrive parfois, assez rarement il est vrai, que les poules
domestiques pondent de gros œufs dont le poids varie entre 75,
90 et même 100 grammes ; on ne sait rien des conditions qui
déterminent ces pontes anormales. Exceptionnellement, du
moins je Tai constaté une fois, la grosseur de ces œufs n'est due
qu'à une surcharge en albumine, mais le plus souvent il y a
deux jaunes inclus dans la coquille, parfois même c'est un œuf
tout entier avec son jaune, son albumine et sa coquille qui est
inclus dans un second. Le fait a été signalé notamment
par Barnes, Philippi, Fritsch, Schumacher, Herrick et
FÉRÉ.
Bécemment la question des œufs à deux jaunes a été traitée
VARIATIONS EXPERIMENTALES
237
par G. H. Parker (1), (j[iii (loiine une bibliographie assez étendue
du sujet ; je me borne à y renvoyer le lecteur. Je veux seule-
ment montrer la façon dont varie la production de ces œufs
monstrueux avec la prolongation du régime carné.
GÉNÉRATIONS
ŒUFS
A 2 JAUNES
NOMBRE TOTAL
DES ŒUFS
POURCENTAGE
Po
194
P.
7
297
2,35
P,
551
P3
9
435
2,06
P4
42
122
34,42
Pn
14
96
14,58
Un autre phénomène relatif à la ponte est la production
d'œufs sans coquille. Au cours de notre expérience le phéno-
mène a crû constamment, toutes choses égales d'ailleurs et les
poules ayant à leur disposition des débris de coquilles, qu'elles
avalent volontiers, dans tous les cas et surtout quand la ponte
sans coquille faisait son apparition. Voici les nombres obtenus
sur ce sujet.
ŒUFS
NOMBRE TOTAL
GÉNÉRATIONS
POURCENTAGE
SANS COQUILLES
DES ŒUFS
Po
194
Pi
2
297
0,67
Pc
551
P3
3
435
0,68
P4
9
122
7,37
Po
18
96
18,75
J'ai construit deux courbes do la façon suivante : les temps
sont portés en abscisses à raison de 25 "^ pour la durée d'une
génération, et les pourcentages en ordonnées à raison de 3 %
pour 1 %. On voit d'après les courbes que, pour ces phénomènes
comme pour beaucoup d'autres, la première génération soumise
(1) G. -H. Parker
1906).
Double Heus' Eggs {American Natiiraiist, V.>1. XL, n° 469 ; janvier
238
F. HOUSSAY
au régime carné accuse une vive réaction qui ne se poursuit
pas tout de suite et reprend seulement son cours à la 3^ géné-
ration. L'émission exagérée des œufs à deux jaunes et des œufs
sans coquille traduit, de son côté, la précipitation de la ponte,
la moindre durée des réserves albuminoïdes et la moindre mise
en charge dans Tovaire dont j'ai montré l'existence au chapitre
précédent.
P. P, P. Pb p.
FiG. 32. Variation dans le nombre des œufs à 2 jaunes ( ) et des œufs sans coquille (-
produits aux générations successives.
Dans les exploitations d'aviculture ou dans les fermes, il
arrive parfois que des poules se mettent à manger leurs œufs
ou ceux des autres et causent ainsi des dégâts considérables.
J'ai assisté au développement progressif de cet instinct, que
l'on pourrait appeler germicide. Ni les poules granivores, ni les
carnivores de première génération ne l'ont jamais montré, il est
donc né sans qu'aucune hérédité antérieure puisse être mise en
cause.
A la seconde génération, la poule VII. commence par casser
les œufs de sa compagne VIII, et pas d'abord les siens propres
ou du moins pas immédiatement et seulement si on les laisse à
VARIATIONS EXPERIMENTALES 239
sa disposition plusieurs heures. Elle attaque au contraire tout
de suite ceux de l'autre poule et dès le début de la ponte (février-
mars) ; même elle ne tarde pas à montrer plus d'impatience et
à piquer à coup de bec le cloaque de sa compagne, dès que celle-ci
se baisse pour pondre ; elle la poursuit de ses coups et détermine
à la longue au cloaque de VIII, une inflammation qui se propage,
arrête la ponte dès le mois de mai, par rétention des œufs et
cause la mort, en septembre, d'une tumeur de Toviducte que
révèle l'autopsie.
Entre temps, la poule VII. se prit à manger ses propres œufs.
Puis les deux poules II. et IV., placées dans l'enclos voisin et
séparées des précédentes par un grillage, influencées par le
fâcheux exemple qu'elles recevaient, se mirent aussi vers le
15 mai au saccage des œufs, bien qu'elles n'y eussent aucune-
ment touché jusque là. Aussitôt qu'un œuf était pondu, le coq
encourageait les deux poules par ses appels et les invitait à un
petit repas de famille.
Afin d'éviter ces ravages qui devenaient inquiétants pour la
suite de l'expérience, on prenait soin, connaissant approxima-
tivement les heures de ponte de chaque poule, de les enfermer
à l'avance et une à une dans un petit réduit obscur où elles ne
touchaient plus aux œufs pondus.
Aux deux générations suivantes, la troisième et la quatrième,
on continua cette pratique d'isolement toujours indispensable ;
car si l'on arrivait quelque peu en retard, ou si la poule devan-
çait l'heure prévue pour sa ponte, on trouvait invariablement
l'œuf mangé. La dernière poule, I„ nous montra l'instinct à un
degré plus impérieux encore puisqu'elle se mit à manger ses
propres œufs seule et dans l'obscurité. Il fallut alors non seule-
ment l'isoler dans le réduit obscur, mais encore la museler, ce
à quoi on parvint avec un petit bout de tuyau à gaz en caout-
chouc, dans lequel on introduisait le bec de la poule et qu'on
laissait débordant le bout de celui-ci.
La ponte des poules n'est pas un phénomène qui se déroule
d'une façon uniforme depuis son début jusqu'à sa terminaison.
240
F. HOUSSAY
Tantôt, comme cela est bien connu, il s'accélère et tantôt il se
ralentit pour s'arrêter et reprendre. Désirant avoir une mesure
de ces variations, j'ai essayé d'évaluer ce qu'on pourrait appeler
la vitesse de la ponte.
(00
FlG.
3oo ^P 1^-00
33. Vitesse de la ponte à la génération granivore.
La ponte étant mesurée par le poids des œufs, la vitesse de
la ponte est le poids d'œufs produit dans l'unité de temps. J'ai
pris pour unité de temps dix jours. Autrement dit, j'ai divisé
le temps total de ponte en tranches de dix jours et j'ai calculé
le poids d'œufs produits dans chaque dizaine. Cela était facile,
lîuisque j'avais les poids de tous les œufs avec leurs dates.
Lorsqu'il y avait plusieurs poules de la même catégorie, je divi-
VARIATIONS EXPERIMENTALES
241
sais le poids total de leurs œufs en 10 jours par le nombre de
poules, ce qui donnait un résultat moyen.
Avec ces nombres, j'ai construit les courbes ci-jointes. Les
FiG. 34. Vitesse de la ponte à la première génération Carnivore.
abscisses représentent le temps à raison de 5 % pour 10 jours
et les ordonnées les poids d'œufs produits en 10 jours à raison
de 5 % pour 10 gTammes d'œufs. Les courbes ainsi obtenues
ont toutes subi la même réduction photographique.
242
F. HOUSSAY
Le tracé originel en traits pleins montre des oscillations de
détail et des oscillations d'ensemble ; pour conserver celles-ci
rot 700 3oo 372. 400
FiG. 35. Vitesse de la ponte à la seconde génération Carnivore (série p).
seulement, j'ai opéré comme en plusieurs autres circonstances,
joignant les maxima entre eux et les minima entre eux par des
lignes en traits interrompus, qui limitent une surface couverte
d'une demi-teinte.
VARIATIONS EXPÉRIMENTALES
243
Les divers graphiques présentent, dans leur allure générale,
une remarquable uniformité. Ils sont tous à deux sommets sépa-
^00
iOO 300 570 hOO
FiG. 36. Vitesse de la ponte à la troisième génération Carnivore (série R).
rés l'un de l'autre par un minimum, partout marqué M. Le
minimum en question correspond au temps de l'incubation pour
les poules qui couvent et se retrouve aussi, au moins comme
244 F. HOUSSAY
baisse de ponte, chez les poules qui ne couvent pas. C'est donc
FiG. 37. Vitesse de la ponte à la quatrième génération Carnivore.
VARIATIONS EXPÉRIMENTALES
245
un point qui fixe un relai fort important dans la vie des
femeUes.
60 o
Pi",
5'io
5oo_
41
Uoo
}("-
3^o
3^0
P-S.
3m Q
i2o
llfa
no
100
za
ioo 200 500 J30 400
Fia. 38. Vitesse de la ponte à la cinquième génération carnlvore.
UQ F. HOUSSAY
Chez les oiseaux sauvages, le temps de l'incubation marque
ordinairement la fin de la ponte. Dans des années exception-
nelles, au moins dans nos pays, certains oiseaux font une seconde
ponte et une seconde couvée. C'est cette disposition exception-
nelle qui a été développée par la domestication, avec le moindre
exercice et la meilleure alimentation qu'elle comporte. La ponte
des poules domestiques est, en effet, composée de deux pontes
séparées par une incubation, ou tout au moins par une baisse
qui la rappelle et la seconde, d'abord rare, a été développée
jusqu'à devenir normale.
Il est fort curieux de constater, en accord tout à fait avec
cette évolution supposée, que notre surnutrition expérimentale
a encore développé la seconde ponte plus qu'elle ne l'était déjà
et l'a même rendue, à la 5^ génération, plus importante que la
première, comme durée et comme poids.
Au point de vue de la durée, on peut se rendre compte, rien
qu'en considérant les croquis successifs, que le minimum M se
déplace de plus en plus vers la gauche, aussi bien sur les courbes
de la race p que sur celles de la race a, mises à part et cependant
reproduites pour montrer une incubation de plus en concor-
dance avec le minimum considéré.
Si l'on veut une précision supplémentaire, il faut noter exacte-
ment les poids d'œufs produits pendant les deux périodes en
question à chaque génération et le tableau suivant donne ces
ndications rapportées en tout cas à une poule.
.
SÉRIE a
SÉRIE [3
o
ce
•5
Poids
1- 1
de la
loiite
Poids de la
■l<^ ponte
[la()port de la
'i« |)Oiile au
poids total
Poids
de la
onte
Poids de la
:;i' ]>onte
Rapport de la
ie ponte au
poids total
Po
6 k.
122
k. 488
0,073
2 k
723
1 k. 326
0,327
p.
6
848
3 347
0,328
5
510
1 644
0,229
P.1
6
649
3 598
0, 351
6
181
4 090
0. 398
V,
5
204
3 911
0. 482
4
759
3 288
0,408
P4
»
»
4
249
4 183
0,496
P5
"
»
1
823
4 378
0.717
VAIUATIONS ÉXPERtM ENTA LES
â47
'2CV
La dernière colonne de chaque série nous apprend avec évi-
dence que, dans tous les cas. l'importance relative de la seconde
foo_
46o
4 4o
Wi-o
4oo
3»o
Î60
•(4o
ilo
ÎOo
2.Ï.C
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2.0^
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IZo .
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100
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3Ï0 400
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1 '
1
1
' 1
1 1
' 1
1 1
, 1
1
1
1
1
1 1
FiG. 39. Vitesse de la ponte à la seconde génération Carnivore (série a).
SCO
ponte, c'est-à-dire son rapport au poids total des œufs, croît
constamment. Il semble cependant, sur les dix résultats signalés,
qu'une exception se montre dans la génération Pi (série p) où
f>48
P. HOUSSAY
le rapport en question e.st de 0,229 seulement, indiquant un
recul sur le précédent, 0,327, au lieu d'une avance.
^00 3oo 5ijo liOO
FiG. 40. Vitesse de la ponte à la troisième génération Carnivore (série a).
5oo
L'examen de cette apparente exception nous révèle un fait
nouveau de quelque intérêt. Les deux poules granivores mises
en expérience à l'origine, différentes par leurs caractères exté-
VARIATIONS EXPERIMEiNTALËS 249
rieurs, comme nous Favons dit, différaient aussi pour la ponte.
La race a (issue de Houdan) bonne pondeuse et mauvaise cou-
veuse a normalement une seconde ponte très faible et une pre-
mière très forte. La première s'accroît à peine par le nouveau
régime, comme si l'élevage antérieur, sélection ou nourriture,
avait déjà saturé la race à ce point de vue. C'est la seconde ponte
seuh^ qui tout de suite se met à croître beaucoup.
La race [3, au contraire, restée assez plastique comme son
évolution l'a prouvé, pouvait supporter un accroissement de sa
première ponte. C'est d'abord ce qui s'est produit, la seconde
])oiite croissaiil peu ; d'où la faiblesse signalée du rapport 0,229.
Puis, la première ponte ayant atteint à peu près le maximum
qu'elle pouvait, la deuxième s'est mise à croître régulièrement
jusqu'à la fin.
Le phénomène de la 7nue chez les poules, bien connu des
éleveurs, a subi une évolution assez remarquable dans notre
expérience. Cet état, consécutif à l'arrêt de la ponte, consiste,
comme on le sait, en une perte de plumes avec amaigrissement
suivie d'une restauration du plumage et d'un engraissement.
Comparativement aux femelles, les mâles éprouvent à un faible
degré la mue qui se limite chez eux à la perte des plumes de la
queue, sans grande baisse de poids.
J'avais remarqué dans les premières générations étudiées un
accroissement notable de cette réaction organique chez les
femelles ; mais dans les dernières générations je ne voyais plus
rien d'aussi marqué. Pour ne pas se borner à une impression
qui peut tromper d'une année à l'autre, il faut trouver une
quantité mesurable qui traduise l'événement. La baisse de
poids pendant la mue offre une semblable mesure, restant com-
parable à elle-même à chaque génération.
Le tableau suivant est composé avec les nombres relevés sur
mes cahiers de pesées, en prenant les moyennes pour les poules
de chaque génération. Les deux séries a et p sont séparées
comme à l'ordinaire pour être suivies à part.
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET ClÉN. — /(' SERIE. T. VI. — (v). lO
âsô
F. HOUSSAY
SÉRIE a
SÉRIE p
,o
PEUTE
RAPl'OHT
PERTE
RAPPORT
c
A
Al l'OIlJS TOTAL
A
AU POIDS TOTAL
o
LA MUE
DES FEMELLES
LA MIE
DES FEMELLES
Pu
159 ^V.
11,7 i
224 4^r.
11, (JS
Pi
389 .^T.
20,39
228 gr.
11, (>4
p..
439 ^r.
22,02
295 gr.
15,48
Ps
424 gr.
22,02
431 g-r.
19,21
P4
»
))
471 ^l•.
18,54
P5
»
»
140 ^r.
4,UÎ
Dans l'une et dans l'autre série on voit une croissance qui
s'arrête, pour être même suivie d'une régression si le phénomène
dure assez longtemps (série [3).
Si l'on considère en particulier la série [i, plus complète, pour
la comparer à l'évolution du foie et du rein (1) on constate que
les deux catégories varient ensemble, avec un maximum à la
3^ génération Carnivore suivi d'une baisse qui s'accélère.
La mue étant en relation indéniable avec la résorption des
œufs non pondus, ce rapport est du plus haut intérêt et, sans
qu'il soit possible de préciser davantage pour le moment, on y
saisit un nouveau moyen d'aborder les phénomènes phagocy-
taires de grande extension, qui graduellement nous conduisent
jusqu'aux renouvellements organiques par métamorphoses, sur
lesquels les études histologiques semblent avoir dit leur dernier
mot, provisoirement au moins.
'D Voir p. 187.
CHAPITEE VIll
FÉCONDITÉ ET SEXUALITÉ
OMMAIRE. — Existence et vitalité des spermatozoïdes. — Insuccès croissants des incubations
dans les générations successives. — L'intoxication passe du soma au germen- — Accrois-
sement progressif des morts précoces. — Leur fréquence exagérée chez les mâles. — Nais-
sances masculines excessives. — Réduction de la combativité chez les mâles. — Polyandrie
résultant du régime alimentaire. — Dimorphisme sexuel organique. — Sa mesure et sa
décroissance.
Le nombre des œufs produits n'est aucunement une mesure
de la fécondité d'une race ; c'est la possibilité du développement
qui importe. Aussi pour intéressante que soit la question de la
ponte elle l'est moins, au point de vue biologique, que celle du
résultat des incubations.
Un premier sujet à mettre tout de suite hors de conteste,
c'est la fécondation des femelles par les mâles. Jusqu'à la fin
de l'expérience, les mâles ont fourni des coïts fréquents et l'état
de leurs testicules et de leur sperme, riche en spermatozoïdes
vivants, ne laisse aucun doute que la fécondation, c'est-à-dire
la fusion des germes, n'ait été opérée en tous cas.
Les échecs croissants dans les développements essayés deman-
dent une autre explication qui réside certainement dans l'intoxi-
cation prolongée, laquelle passe sans aucun doute du soma au
germen, par simple osmose de produits solubles et sans qu'il y
ait à chercher la moindre interprétation mystérieuse.
Exposons d'abord les faits. Lorsque j'ai publié mes premiers
résultats sur ce sujet (1) j'ai présenté un résumé global ; il est
plus intéressant de distinguer entre:, les deux races de poules
observées puisqu'aussi bien les phénomènes, quoique semblables,
offrent une différence dans leur rapidité.
Les données sont rassemblées dans le tableau suivant. Toutes
les incubations dont il y est fait mention ont été effectuées à
l'aide d'une poule couveuse, ta.ntôt l'une de celles qui suivaient
(1) C, R. Ac. Se, décembre 1908
252
F. HOUSSAY
le régime expérimental et qui manifestait l'instinct d'incuba-
tion, plus souvent une poule quelconque achetée à cet eiïet et
qu'on mettait au régime carné, pour lui permettre de conduire
à la nourriture les jeunes dès qu'ils seraient éclos
La race II,„ II,, aussi désignée comme série a s'est éteinte
très brusquement. J'ai déjà fait remarquer (1) l'insuffisance
dans l'excrétion des produits azotés solubles qui frappe cette
race dès la seconde génération Carnivore et s'accroît à la troi-
sième, indiquant une insuffisance rénale et faisant préjuger
d'une plus forte intoxication par le régime.
z
SÉRIE
?
SÉRIE
X
DATES
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21 juin 1901
6
3
»
3
»
6
6
100
P:t
2 juin 1902.
6
1
6
100
6
1 1
5
83, 4
Pi
4 mai 1903
8
5
3
0(-')
6
5
1
0( = )
23 —
7
4
3
6
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2 juin
C
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2
6
5
1
17 -
6
5
1
6
6
1
1" juillet
6
5
1
18. 2
10
10
0.03
33
23
4
6
34
31
2
1
P3
13 mai 1904
7 juin
24 —
12 juillet
13
6
9
8
4
5
6
1
3
4
3
1
2 août
8
6
2
18,6
43
29
6
8
Pe
22 mars 1905
24 avril
16 mai
3 juin
27 —
25 juillet
11
11
8
7
10
12
7
8
6
4
7
12
1
3
2
3
1
15 août
4
4
6,35
j
63
48
11
4
(1) Voir p. 178
(2) Abandonnés par la poule.
VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 253
La race III,,, III i (série p) mieux pourvue du côté excréteur,
poursuit aussi plus loin sa descendance. La proportion des œufs
qui se développent, pour 100 œufs mis eu incubation, décroît
néanmoins de la façon suivante :
100 18.2 18,0 , 0,3.5
La régularité du phénomène semble subir une atteinte entre
la 3e et la 4^ génération. Mais il faut observer que la première
incubation réalisée pour obtenir Pj a subi un accident unique
dans l'expérience. La poule couveuse a quitté les œufs pour ne
plus les reprendre. Dans ces conditions, on peut et on doit ap-
porter une rectification. Les trois développements commencés,
appartenant à la première incubation de l'année, auraient cer-
tainement, vu les résultats des incubations suivantes de la
même génération et de la même série, été conduits à terme
sans l'accident précité. Si l'on compte à cette génération trois
éclosions de plus, le pourcentage correspondant devient 27,2 et
la série régi'essive se change en la suivante :
100 27,2 18,0 ' 0,35
II est tout à fait important de remarquer que, dam une même
année, la proportion des succès au nombre total des œufs va en
faiblissant de semaine en semaine jusqu'à devenir tout à fait
nulle quoi qu'on fasse. Or, à mesure que .s'avance sa vie, l'or-
ganisme de la femelle pondeuse est davantage intoxiqué ; les
œufs qu'il produit le sont aussi et sont de moins en moins sus-
ceptibles de suivi-e une évolution rt^gulière.
Phisalix (1) de son côté a obtenu des résultats qui lui ont
paru concorder avec les miens. Les œufs du Crapaud et de la
Vipère, aussi bien que ceux des Abeilles, contiennent les mêmes
substances toxiques que le venin lui-même. D'autre part Char-
RiN et Gley (2) avaient antérieurement établi l'hérédité des
intoxications morbides. Mes recherches ne laissent pas de doute
sur le fait que les intoxications d'origine alimentaire ne puissent
(1) C. R. Ac. Se, décembre 1903 et juin 1905.
(2) C. R. Ac. Se, 1895. — Archives de Physiologie 1893-1894.
254
F. HOUSSAY
aussi entraver l'évolution des œufs et, par suite, passer dans la
substance de ceux-ci.
HoLMGRÉN (1) dans son expérience sur des pigeons nourris
pendant plusieurs années à la viande avait relevé une observa-
tion susceptible d'être interijrétée de la même manière ; au
reste, il n'en avait tiré aucun parti. Ses pigeons pondirent,
couvèrent, mais les petits ne sortirent pas des œufs au bout de
21 jours.
GÉNÉRATIONS
Nombre
d'Eclosions
Nombi'e
d'Adultes
Pourcentage
des Adultes
Date
des morts
précoces
Sexe des
Morts
3« jour.
ni:', le.
Pa
9
6
66,6
142« —
147« —
m.lle.
mâle.
Eiiosiou.
inconnu.
Eclosion.
inconnu .
Pa
11
ô
45:4
Eclosion .
70" jour.
115" —
inconnu (2).
mâle.
femelle.
122" —
mâle.
13« jour.
mâle
Pi
6
2
33,3
149« —
270" —
345e. —
mâle
mâle,
mâle.
Eclosion.
femelle (3).
Eclosion.
mâle.
Ps
8
2
25
Eclosion.
2" jour.
138" —
157" —
mâle,
mâle,
mâle,
mâle.
Eclosion.
mâle.
Ph
4
Eclosion.
mâle.
Eclosion .
mâle.
17" jour.
mâle.
Totaux.
38
15
»
»
23
(1) F. HOLMGRÉN. — Om Kôttâtande dufvor (Aftnjck ur Upsala Lakdre-j ôrenings Fôrhand-
lingar, Upsala, 1872).
(2) Ces 3 poulets sont morts accidentellement d'hémorrliagie causée par l'ouverture de la
coquille destinée à faciliter leur éclosicn, ouverture qui fut prématurée.
(3) Cette femelle est morte accidentellement écrasée par la poule couveuse.
VARIATIONS EXPERIMENTALES 255
Non seulement dans notre expérience prolongée les œufs se
développent de moins en moins, mais en outre les poulets éclos
ont moins de vitalité. Le nombre des animaux qui n'atteignent
pas l'état adulte va en croissant et la date des morts prématu-
rées est de plus en plus précoce.
Le tableau précédent montre la progression du phénomène.
De ce tableau résulte que non seulement le nombre des éclo-
sions va en diminuant mais encore, sur les éclosions réalisées,
le nombre d'adultes décroît constamment suivant la série.
66,6 45,4 33,3 25
On a reconnu le sexe de 20 individus sur les 23 qui sont
morts prématurément. Sur ces 20 cas, 18 sont des mâles et deux
seulement des femelles. Encore, sur les deux femelles, une de
celles-ci est morte à l'éclosion d'un accident, écrasée par la
. , 2 1
poule couveuse. Conservons néanmoins ce rapport de .-- ou -
lo «7
pour nous tenir plutôt au-dessous qu'au-dessus de la vérité.
Le rapport en question exprime qu'il meurt prématurément
9 mâles pour une seule femelle.
Si les morts prématurées étaient uniquement dues au hasard
la mort de deux coqs seulement devrait survenir contre celle
d'une femelle ; car de mes 38 animaux éclos j'ai connu au total
le sexe de 35, sur lesquels 24 étaient mâles et 11 femelles.
Donc, l'ensemble des conditions qui règlent la sexualité mâle
comporte une majoration au moins du quadruple sur les déter-
minations moyennes de mort prématurée. Chez nos oiseaux
carnivores, les mâles sont quatre fois plus fragiles que les femelles.
Et, comme en ce cas fragilité ou moindre résistance veut dire
intoxication plus grande, les mâles sont des êtres plus intoxiqués
que les femelles. C'est d'ailleurs une notion qui tend à se ré-
pandre et que nos expériences ont mise en lumière
Il est au surplus important de noter que si l'intoxication
rend les mâles plus fragiles elle détermine en même temps leur
production car, à mesure que l'expérience marche, les nais-
-256
F. HOUSSAY
sances de mâles angmeutent manifestement. Cela ressort du
tableau suivant.
GÉNÉRATIONS
ÉCLOSIONS
MALES
FEMELLES
INCONNUS
p.
S)
5
4
U
P^
11
4
4
3
P4
6
5
1
P.,
8
G
2
Ps
4
4
Nous n'avons pas l'intention de traiter en entier le gros pro-
blème de la détermination du sexe que nous rencontrons sur
notre chemin, ni de rapporter tout ce qui a été écrit à ce sujet.
Les derniers expérimentateurs, E. Yung, Kellog et Bell,
étudiant l'action de la quantité d'aliments, Maupas, celle de la
température, E. Hertwig, l'effet de la faible ou de la forte
maturation des œufs, ont certainement entamé la question,
mais il reste à faire de nombreux travaux avant qu'elle soit
entièrement résolue. Je me permets d'y apporter une suggestion
directement retirée de l'expérience et relative à l'action des
toxines, poisons, substances solubles diverses, qu'il est relati-
vement facile d'expérimenter et dont l'étude déblaiera le sujet
et rendra la solution plus prochaine.
En méditant en eft'et sur les données que j'apporte, on arrive
à se demander si l'intoxication ne joue pas un très grand rôle
dans ces phénomènes et si, par exemple, chez les animaux fixés
et parasites, la surnutrition, la faible dépense et l'intoxication
résultante des adultes et des germes ne sont pas parmi les rai-
sons qui déterminent la pluralité des mâles et l'arrêt ordinaire
de leur développement, leur pygméisme. Ces êtres présentent,
avec la polyandrie, un renversement du dimorphisme sexuel
normal, c'est-à-dire le plus fréquent. Leur cas dépasse Vherma-
phroditisme, de l'autre côté duquel on trouverait successivement
la monogamie, avec égalité numérique des mâles et des femelles
et dimorphisme réduit, puis la polygamie, avec pluralité des
femelles et dimorphisme sexuel inverse du premier.
VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 237
Or, normalement, les Gallinacés pratiquent la polygamie et
sont doués du dimorpliisme sexuel correspondant, qui consiste
en la supériorité de force musculaire et de taille chez le mâle,
en un plumage plus abondant et plus éclatant, une crête plus
développée, la possession d'un ergot, etc. Il existe en outre une
différence très considérable dans le rapport des organes internes
au poids total chez les mâles et chez les femelles, établissant un
dimorphisme sexuel organique ; nous traiterons un peu plus
loin de ce sujet particulier.
Je ne sais si, dans la nature, les mâles gallinacés naissent
moins nombreux que les femelles, mais je le crois volontiers,
eu tous cas leur nombre est rapidement réduit par les luttes
sexuelles. La combativité des mâles est en eiïet l'un des instincts
essentiels des animaux à dimorphisme sexuel polygame et, au
moins au premier examen, cet instinct paraît vif surtout chez
les végétariens : granivores, herbivores, frugivores. Les carni-
vores semblent combattre plutôt pour une place ou pour une
proie que pour une femelle. Rien n'est paisible comme une
assemblée de chiens à la porte d'une chienne en chaleur.
Le premier pas dans la marche de la polygamie à la polyan-
drie serait donc la réduction de la combativité chez les mâles.
Si notre idée est exacte, le régime seul, c'est-à-dire une action du
monde ambiant et l'état physique qu'elle détermine doivent y
conduire l'animal, malgré la réduction dans le nombre des
femelles qui devrait rendre la concurrence plus âpre, si celle-ci
était vraiment un facteur initial et non un résultat, si elle était
une cause de sélection et non un effet d'évolution antérieurement
et autrement déterminé.
Or, dans mon expérience, j'ai ^précisément assisté à une in-
croyable réduction de la combativité chez les mâles.
Au début, les deux mâles mis en expérience avaient l'instinct
en question aussi développé que leurs congénères. Je m'en suis
assuré par l'expérience suivante faite le 11 avril 1901.
I. Le coq Carnivore (I,) est mis dans la cage où le granivore
(I,) se trouve avec ses poules. Ce dernier saute instantanément
258 F. HOUSSAY
sur l'intrus et lui arrache une poignée de plumes. Le Carnivore
se laisse battre, on les sépare.
II. L'événement avait été si prompt qu'il ne fallait pas trop
rapidement conclure à la lâcheté Carnivore. On remit le coq
Carnivore dans la cage du granivore, après avoir, au préalable,
lié les pattes de celui-ci. Le Carnivore montra l'instinct de pro-
vocation en se dirigeant vers l'auge aux grains et en invitant
les femelles à manger ; c'est le prélude de la lutte des mâles.
Les poules, dont le repas était fini depuis longtemps et qui ne
mangeaient plus, acceptent cependant par politesse et tous les
trois mangent avidement. Le coq granivore ne pouvant bouger,
on arrête l'épreuve.
III. On introduit le coq granivore dans la cage du Carnivore,
les deux animaux étant libres, expérience inverse de la première.
Le Carnivore ne saute pas immédiatement sur son antagoniste
comme celui-ci l'avait fait en circonstance analogue. Le grani-
vore avise un morceau de viande et invite les poules à manger ;
celles-ci s'approchent. Mais, à cette provocation précise, le coq
Carnivore se décide à marcher au combat, saute du perchoir et
bondit en face de son agresseur. Une lutte acharnée s'engage,
on ne la laisse pas durer mais déjà les crêtes et les joues sont
déchirées et le sang ruisselle. — Séparation des combattants,
points de suture.
Le Carnivore, quoiqu'un peu moins batailleur que l'autre, est
donc encore capable de répondre à une provocation nettement
exprimée et de soutenir un combat sans faiblir. On pourrait se
contenter de dire que son empressement un peu moindre est
une simple caractéristique personnelle, une variation individuelle
et cette nomenclature, car ce n'est pas autre chose, éviterait de
réfléchir à la causalité. Mais la suite de l'expérience montre bien
que l'aliment est, pour ces phénomènes, un déterminisme causal
et qu'il ne suffit pas, pour les interpréter, d'invoquer des i)ro-
priétés intrinsèques ou des qualités de l'animal.
Les poulets de 2^ et de 3^ générations conservaient encore
l'instinct batailleur et, dès la 3*^ semaine, ils commençaient à
VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 259
s'entr'attaquer. Les combats étaient encore assez sérieux puisque
l'un des coqs (V.) reçut sur la tête de tels coups de bec qu'il
eut les pattes postérieures complètement paralysées pendant
15 jours. Aucune expérience méthodique ne permit de dire si
l'instinct, toujours manifeste, était ou non en décroissance.
A la 4e génération, sur six éclosions, il y eut cinq coqs et une
poule. Un coq mourut très jeune et quatre mâles demeurèrent
auprès de l'unique femelle jusqu'au mois de novembre. Ces
animaux, âgés de 5 mois, vivaient en paix complète ; des coqs
ordinaires se seraient depuis longtemps entre-tués. Un des coqs
mourut, trois restèrent et, vers la fin de décembre, ils couraient
après la poule, la saisissaient par la crête, prélude des approches
sexuelles pour lesquelles ils n'étaient pas encore mûrs. Ils se
livraient à ces jeux chacun à leur tour et sans aucun combat.
L'époque du coït arrivée, ils se partagèrent la femelle unique,
sans que l'excitation génitale augmentât leur combativité. En
mars, un second coq fut supprimé. Les deux restant continuèrent
à vivre en paix, jusqu'au moment où l'un d'eux prenant l'aspect
maladif fut écarté de la reproduction en vue de meilleurs pro-
duits.
A la génération suivante, restaient en présence après les morts
très précoces, 3 coqs et une poule. Ces quatre animaux n'étaient
pas de la même couvée. La poule et les coqs II.^ et III5 étaient
nés le même jour (3 juin), IV5 était né le 15 juillet. Tout d'abord
II3 et III;; vécurent sans trouble avec la femelle jusqu'en octobre,
bien que Ilg fût tout à fait faible, ce qui est une raison ordinaire
pour être plus battu. On n'osait pas mettre avec eux le coq IV5
beaucoup plus petit.
En août cependant, comme il prenait de la taille, on se risqua
à l'introduire dans la cage des autres, qui le houspillèrent de
concert avec la poule. La participation de celle-ci me fit croire
qu'ils le battaient moins comme mâle que comme étranger ve-
nant prendre sa part des repas.
En octobre, je fis renouveler l'expérience, elle eut le même
résultat. Alors je tentai de faire entrer les deux grands coqs et
260 F. HOUSSAY
la poule dans la cage du petit, renversant les rapports de pro-
priété. Le petit coq IV, très craintif fuyait partout et se cachait ;
mais les autres ne le poursuivaient pas. Ils s'habituèrent rapi-
dement ensemble et firent un bon consortium polyandrique
jusqu'à fin novembre où deux coqs furent sacrifiés pour maladie.
Le dimorphisme sexuel, atteint si fortement dans les instincts,
ne paraissait pas l'être sensiblement dans les caractères sexuels
secondaires : crête, ergots, plumage. Cependant la dernière poule
1. prit dans le cours de son année de vie un ergot très accentué.
Le fait n'est pas absolument rare chez de vieilles poules, mais
en ce cas il s'agit d'une poule très jeune, dans sa première année.
Le dimorphisme sexuel organique, au contraire, a beaucoup
varié. Afin d'évaluer par des nombres le dimorphisme pour un
organe donné, je calcule d'abord le rapport du poids de cet
organe à 100 grammes de poids actif chez les femelles et j'elïectue
la même opération chez les mâles, à chaque génération, en pre-
nant la moyenne des femelles et la moyenne des mâles quand
il y a plusieurs animaux du même sexe. Cela fait, je divise le
nombre relatif à l'organe chez les femelles par le nombre relatif
au même organe chez les mâles ; j'obtiens ainsi un nouveau
rapport qui traduit le dimorphisme sexuel. Le rapport est supé-
rieur à l'unité pour les organes qui sont plus importants chez
les femelles, inférieur à l'unité pour les organes qui sont plus
importants dans le sexe mâle.
D'une façon générale les organes se rangent de la façon sui-
vante : .
Organes supérieurs chez les femelles Organes supérieurs chez les mâles
Intestin. Cœur.
Gésier. Poumon.
Caecum. Muscles.
Pancréas.
Foie-
Rate.
Mais la valeur du rapport de dimorphisme sexuel organique
subit des variations assez grandes suivant les générations. J'ai
VARIATIONS EXPEUIMENTALRS
261
fait les calculs en distinguant entre les deux séries a et [3 et
voici les résultats obtenus.
RAPPORTS DE DIMORPHISME SEXUEL ORGANIOUE
(Série ^)
(GENERATIONS
Intestin .
Gésier . .
Caecum .
Pancréas
Foie . . . .
Eein . . . .
Rate
Cœur . . .
Poumon
Po
P.
1, 14
1, 40
1, 12
2, 74
1,05
1,46
0,95
2,45
1, 40
1, 60
0,80
1, 59
0, 80
1,33
0,60
1,01
0,79
0,98
1, 35
1, 65
1, 61
1,43
1,25
1, 90
1,27
0,92
0, 76
1.26
1,05
1,09
0,91
1, 14
1. 13
1,41
0,88
0,96
1, 44
1,56
1,53
1, 15
1, 31
1, 53
1,26
0, 93 I 0, 87
0, 66 I 0, 63
Ps
1, 52
1,01
1, 30
1,53
1,42
1, 30
1, 60
•r-- :.
-\,
"~ V Os
\ •#
Po
FiG. 41. Courbes de la variation du dimorpliisme sexuel organique aux diverses génération?
(série R)
Ra, rate ; P, pancréas;; /, intestin ; F. foie ; R, rein; C, cœcum ; 0, gésier; C'œ,.cœur,
Po, poumons.
4^^'
"X
•'--'iF
^^
:-<-'
^^R.c
*
tr
y^
,' G
u _ _
"-
\
----Je*
1 Po
! a
:Pr
26â F. HOltSSAY
Un second tableau groupe les mêmes données relatives à la
série a, mais s'étend seulement sur quatre générations par suite
de l'extinction plus précoce de la race.
RAPPORTS DE DIMORPHISME SEXUEL ORGANIQUE
{Série a)
GÉNÉRATIONS
Po
Pi
P.
P3
Intestin
1,76
1,26
1,56
1, 35
2, 12
1,33
0,90
0,82
))
1,32
1,45
1,79
1,91
1,80
2,01
1,08
1,01
))
1, 64
1,55
1,46
1, 18
1,71
2,25
1,41
0,79
1,02
1, 68
Gésier
1,86
Csecum
1,58
Pancréas
0,91
Foie
0, 86
Kein
Rate
0,80
2
Cœur
0, 73
Poumon
0, 48
p. : Ps
Fia. 42. Courbes de la variation du dimorpliisme sexuel organique aux diverses générations
(série a).
Mêmes lettres que flg. 41.
Avec ces nombres j'ai tracé deux séries de courbes en prenant
pour abscisses les temps à raison de 25 % pour la durée d'une
VARIATIONS EXPERIMENTALES 263
génération et pour ordonnées les valeurs du rapport de dimor-
phisnie à raison de 1 % pour un changement de 0,01 dans la
valeur du rapport. Aussi les valeurs 1,50 et 1,60 sont séparées
par 10 ";^ en hauteur ; 1,48 et 1,50, par 2 %, etc.
L'axe horizontal, tracé à la valeur du rapport égal à l'unité,
représente un dimorphisme nul ; les organes comparés étant
égaux puisque leur rapport est 1.
Les courbes, ayant subi la même réduction photographique,
montrent de curieuses variations, différentes dans la race qui
s'éteint vite et dans celle qui persiste davantage. Pour bien
comprendre dans son détail la signification des deux courbes,
il faudrait une étude particulière et approfondie de ce sujet
spécial et sans doute mériterait-elle d'être faite. Nous allons pour
le moment nous contenter de quelques indications générales.
Au début, la race a, meilleure pondeuse, a un dimorphisme
sexuel organique plus accentué que la race p. Dans cette race a,
le rein seul et le pancréas manifestent un accroissement du di-
morphisme dès que le régime change ; mais l'accroissement ne
persiste pas et est suivi d'une régression rapide qui amène, à la
3e génération, l'inversion du rapport, à laquelle arrive aussi un
autre organe essentiel : le foie. Le dimoi-phisme de la rate aug-
mente de plus en plus, ce qui est sans doute un symptôme d'in-
toxication chez les femelles, à foie et à rein insuffisants pour leur
sexe.
Pour la race p, le changement de régime accroît brusquement
le dimorphisme de tous les organes à supériorité femelle ; mais
bientôt le dimorphisme baisse pour atteindre un fort minimum
à la 3e génération, où toutes les courbes se resserrent autour de
l'axe 1.
Dans l'évolution de nos animaux, là est le point critique que
nous avons signalé partout. Une seule femelle laisse des descen-
dants et le petit relèvement des dimorphismes à la génération P^
est un jeu de sélection. Son effet, d'ailleurs, ne dure pas et dès
la génération suivante toutes les courbes se réinclinent plus ou
moins vers l'axe d'unité à dimorphisme nul.
264 K. IlOnsSAY
Il est encore à observer que, dans cette race, la courbe qui
figure le diniorpliisme de la rate a des pointeinents inverses de
ceux des autres organes, notamment de ceux des reins et du
foie ; les courbes oscillent en sens contraire, montrant en quelque
sorte la suppléance tentée par la rate pour réagir à l'intoxication
quand le foie et le rein faiblissent chez les femelles ou Tengor-
gement (qu'elle subit de ce chef.
Au résumé, la réduction du dimorphisme st^vuel (pie faisait
soupçonner la perte de l'instinct de combativité chez les mâles
est une réalité profonde et organique et la réduction est consé-
cutive à un changement de régime alimentaire.
CHAPITEE IX
VARIATIONS DU BEC ET DES ONGLES
Sommaire. — Adaptations du bec et des ongles chez les Rapaces. — Interprétations de ces
phénomènes. — Accroissement des ongles et balafres (jue subissent les poules dans le
coït. — Données sur l'accroissement manifeste du bec et des ongles. — Adaptations de
non-granivores plutôt que de carnivores.
L'ensemble des recherches précédemment exposées permet de
conclure que l'évolution d'un oiseau granivore en oiseau Carni-
vore consiste surtout dans une adaptation digestive, hépatique
et rénale.
Cependant ce ne sont pas les adaptations qui ont été remar-
quées de prime abord et l'on a vu plutôt le caractère distinctif
des oiseaux carnivores dans la forme spéciale de leur bec recourbé,
à mâchoire supérieure débordant de beaucoup l'inférieure et
dans leurs ongles très développés, incurvés, tranchants, auxquels
on applique le nom spécial de serres.
Ces dispositions anatomiques sont diversement comprises par
les zoologistes. Pour les uns, bien que cette opinion perde chaque
jour du terrain, le bec tranchant et les serres rapaces sont les
caractères primordiaux et nécessaires, les propriétés d'avance
dévolues aux oiseaux qui doivent se nourrir de chair, a-fin qu'ils
VARIATIONS EXPERIMENTALES 265
puissent saisir et retenir leurs proies aussi bieu que les dépecer
après capture.
Pour les autres, ces qualités de forme, étant avantageuses
dans la capture et le dépeçage des proies, ont dii se développer
et se fixer par la sélection, pour peu que certains individus
aient bien voulu, par hasard, en montrer le début.
Pour d'autres enfin, l'usage de saisir et de déchirer une proie,
réalisé d'abord péniblement avec un bec et des ongles quel-
conques, a peu à peu acéré les organes préhenseurs par le résultat
seul des tractions et des compressions qu'ils supportaient —
d'une façon que d'ailleurs il faudrait bien préciser un peu plus.
Je dois avouer que j'ai d'abord été victime de cette dernière
manière de voir. Malgré qu'HoLMGRÉN eût déjà dit que, chez
ses pigeons nourris plusieurs années à la viande, le bec se trans-
formait par débordement de la mâchoire supérieure sur l'infé-
rieure, je n'attendais rien de pareil. Car je donnais à mes poules
des morceaux de viande tout coupés ; elles se contentaient de
les déglutir sans les déchirer, et je ne voyais pas comment une
semblable manière de faire pouvait modifier les ongles et le bec.
vJ'étais abusé par l'aphorisme « La fonction crée l'organe ».
S'il est bien vrai que toujours c'est une fonction, ou une manière
de se comporter, qui a fait un organe, ce n'est pas toujours la
fonction qu'il exerce aujourd'hui sous nos yeux. Et, si l'on
examine seulement un rapport actuel d'organe et de fonction,
il se peut très bien que la forme de l'organe, antérieurement et
pour d'autres raisons acquises, ait fait surgir la fonction d'au-
jourd'hui.
Lucrèce (1) déjà avait exprimé cette maxime d'anatomie
comparée, Dohrn a tiré grand parti de la notion fort analogue
des « changements de fonction » et nous allons en faire l'appli-
cation au bec et aux serres des oiseaux de proie.
Mal engagé, comme je l'ai dit, par une fausse interprétation.
(1) De Natura rerum, IV, 832.
Nil ideo quoniam natum est incorpore, ut uti
Possemus ; sed, quod natum est, id procréât usum.
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. 4* SEHIE. T. VI. — (v). IÇ)
â66
F. HOUSSAY
je u'ai pas dès le début recueilli autant de matériaux que je
l'aurais pu. Ceux que je possède constituent cependant une
série très démonstrative.
Je ne tardai pas à m'apercevoir, dès la seconde génération
Carnivore, que les ongles de mes animaux devenaient plus tran-
chants parce que, pendant les coïts, les poules avaient le dos
déchiré par de longues et profondes balafres. Ces blessures de-
vinrent si importantes qu'il fut impossible de laisser les femelles
sans protection à la disposition des mâles. On fut obligé de leur
placer sur le dos un tampon de coton bien assujetti par une
large bande de toile, cousue autour du corps. Elles s'en accom-
modaient fort bien, ainsi que les coqs. Si même, chez les Rapaces,
les femelles sont saisies de la même manière que chez les Galli-
nacés, les coïts, moins renouvelés et pendant moins longtemps
que sur les poules domestiques, où ils durent 8 mois par an,
n'offrent pas les mêmes inconvénients.
Cela me porta à examiner aussi les becs. D'une année à l'autre,
je ne distinguais pas de changement appréciable. Mais le rap-
prochement des mesures scrupuleusement prises laisse voir une
véritable transformation.
Le tableau suivant donne quelques mesures relatives à ces
organes.
GENERATIONS
Poule ordinaire.
^- ( VI2 . . . .
DEBOUUEMENT
de la
mâchoire supérieure
à soti extrémité
LONGUEUR DES ONGLES
Pouce
Doit"! médian
3%5
6^' (23)
11
12%
15%
P3 I3
»
8 %
21%
(I4
P4 II4
(vu.....
4%
5%
5%
13%
))
18%
21%
»
20 %
P5 III5 ....
1%
19%
20%
VARIATIONS EXPERIMENTALES 26*/
Examiuons en premier lieu la question du bec. La façon pro-
gressive dont la mâchoire supérieure déborde l'inférieure est
très bien suivie jusqu'à la dernière génération, à laquelle le
phénomène paraît s'arrêter et même régresser. En vérité, il
n'en est rien.
Disons d'abord que, par la cessation du régime granivore, le
bec ne frappe plus à coups répétés le sol ou tout objet dur, pour
y piquer les graines et qu'ainsi il ne s'use plus et s'allonge. Le
bord chitineux s'agrandit, s'infléchit et commence à prendre
l'aspect tranchant et recourbé que l'on observe sur les oiseaux
de proie, chez lesquels justement rien dans ce qu'ils font n'arrête
la croissance des bords cornés du bec. Que ce développement
puisse ensuite être utile pour mieux saisir et déchirer la proie,
c'est possible, en tous cas ce n'est pas sûr et de plus c'est sans
conséquence, puisque c'est le dernier terme de l'évolution, déter-
miné par tout ce qui précède et ne déterminant plus rien à la
suite. Ce n'est pas même au sens rigoureux du mot une adaptation
de Carnivore, c'est une adaptation de non granivore et on la trouve
nettement chez les Perroquets, plutôt mangeurs de fruits ou de
grosses graines qu'alors ils épluchent avec des précautions spé-
ciales.
Le dernier animal, III-, semble montrer un arrêt dans cette
évolution. La vérité est que, chez lui, la mâchoire inférieure a
également subi un accroissement marginal de son bord corné,
accroissement qui par son extrémité antérieure la met moins en
retrait sur la mâchoire supérieure. De plus et surtout elle est
élargie par côté et, de ce fait, entre moins facilement et moins
profondément sous la supérieure. Le résultat de l'accroissement
latéral en question, serait, s'il continuait à durer, un élargisse-
ment subséquent de la mâchoire supérieure, dans sa partie
osseuse. La mâchoire inférieure, en effet, élargie mais passant
toujours dans la supérieure quoique moins bien, distend celle-ci
par le seul jeu des muscles, pratique ce que les dentistes
appellent un écartement. De telle sorte qu'on observerait en
fin de compte non seulement l'aquilinité du bec, déjà manifeste
26g F. HOUSSAY
sur les dessins ci-joints (fig. 43), mais encore l'élargissement de
celui-ci, ce qui est aussi un caractère des oiseaux de proie.
t'iG. 43. Variation du bec chez des coqs carnivores de diverses gônérationâ.
VARIATIONS EXPERIMENTALES 269
Voici quelques mesures comparant les dimensions de la mâ-
choire inférieure du dernier coq décrit à celles de trois autres.
Longueur de la mâchoire inférieure depuis Illr, 28""^
l'insertion des bajoues jusqu'au point
antérieur où elle disparaît sous la supé-
rieure (li, IL, VIL) 23'"^
Différence 5%
Longueur de la mâchoire inférieure depuis III;, 38%
la commissure jusqu'au même point en l^ — 35 j
avant IL — «^2 > 33 %
VU*— 32 )
Différence 5 %
Si nous ajoutions ces 5 "l^, trouvés de deux façons, à 1 % de
débordement inscrit au tableau, nous trouverions 6 %, ce qui
accuserait une nouvelle progression et non pas un retrait. L'appa-
rence de celui-ci est dû à la croissance de la mâchoire inférieure.
Observons bien que cette mandibule ne s'est pas effective-
ment allongée de 5 %, ce qui serait beaucoup trop. Mais, par
un moindre enfoncement sous la mâchoire supérieure, son point
antérieur de disparition est reporté de 5 "„, en avant.
La croissance des ongles a été plus manifeste encore que celle
du bec, ou du moins traduite par des nombres plus forts, et
encore notre tableau offre une série inférieure à la vérité. Nos
mesures en effet sont toujours prises au compas et en droite
ligne depuis la pointe de l'ongle jusqu'au milieu de sa base du
côté dorsal ; mais en outre de l'allongement s'accuse une cour-
bure de plus en plus marquée, dont notre mesure ne tient pas
compte.
La croissance des ongles est tout aussi explicable que celle
du bec. Le premier coq observé, I,, avait 2 pouces (fig. 44) :
l'un qui reposait sur le sol avec un ongle de 6 "'^, l'autre qui ne
touchait jamais le sol avec un ongle recourbé de 23 "„, longueur
qu'aucun autre ongle n'a atteinte. Donc, en ne frottant pas à
terre, les ongles s'allongent et se recourbent. Nos animaux, qui
ne sont plus granivores, perdent progressivement l'instinct de
270 F. HOUSSAY
gratter incessamment, leurs ongles se développent, se recourbent,
lils
FiQ. 44. Variations des ongles chez des coqs carnivores de diverses généra ions.
VARIATIONS EXPERIMENTALES 271
deviennent capables de faire les redoutables balafres dont nous
avons parlé. Une série de dessins rigoureusement relevés sur
nature et tous réduits de la même façon rend sensible cet accrois-
sement progressif des ongles.
CHAPITRE X
HÉRÉDITÉ DES CARACTÈRES ACQUIS
SOMMAIRE. — Rareté des documents sur le sujet. — Caractères apparus et caractères acquis.
— La progression dans la variation par le régime prouve l'hérédité. — Mesures directes
sur de très jeunes animaux appartenant à diverses générations. — Avant toute action
du régime, la variation est la même que chez les adultes. — Hérédité des caractères acquis.
— Extinction d'une polydactylie originelle. — Apparition d'une autre polydactylie. —
Mutation. — Rapports possibles des malformations polydactyles et de l'intoxication.
Il est peu de questions ayant soulevé des discussions plus
abondantes que celle de l'hérédité des caractères acquis. Il en
est peu également qui aient" été discutées d'une façon aussi
exclusivement théorique et aussi dépourvue de documentation.
Quelques rares faits, toujours les mêmes, sont mis en avant ;
tels, le cas des cobayes épileptiques de Brown-Séquard par les
partisans de la transmission des caractères, ou celui des chats
sans queue de l'île de Man par ceux qui contestent cette sorte
d'hérédité.
Les belles recherches d'HuGO de Vries sur la mutation
auraient, à ce qu'il me semble, dû trancher la question. Une
mutation, caractère nouveau, est essentiellement transmissible par
hérédité. Je sais bien que, pour beaucoup de biologistes, caractère
nouveau ou nouvellement ajrparu n'est pas caractère acquis —
acquis, c'est-à-dire résultant d'une modification connue qui
change la vie de l'être soit dans son chimisme interne, soit dans
les échanges entre sa substance et le milieu extérieur, soit dans
les deux catégories à la fois.
Pour ma part, je ne puis concevoir qu'un caractère nouveau
se montre s'il n'a été acquis, c'est-à-dire déterminé par quelque
modification antécédente dans l'être qui le porte, ou dans ses
272 F. HOUSSAY
procréateurs, modification qui a son origine dans quelque chan-
gement de l'ambiance, ou dans quelque changement des rap-
ports entre l'être et l'ambiance. Et le fait que ce changement ne
nous est pas toujours précisément connu ne me semble pas
uue raison pour le nier, mais bien pour le chercher.
Que si cette façon de raisonner peut être prise pour le produit
subjectif d'une mentalité spéciale, il ne faut pas oublier tout
de même que le raisonnement inverse s'appuie sur un résultat
négatif d'observation, sur une ignorance momentanée, tandis
que le précédent repose sur des faits positifs. Les mutations
héréditaires produites par Blaringhem (1) sur des pieds de
maïs sectionnés se présentent avec une parfaite netteté comme
des caractères acquis à la suite d'un traumatisme, qui a certai-
nement changé quelque chose dans la'^plante et dans ses rap-
ports avec le milieu.
Parmi les données de mon expérience à déterminisme défini,
on peut et on doit chercher à démêler les arguments qu'elle
apporte pour ou contre l'hérédité des modifications survenues.
Afin de préciser, attachons-nous à la variation d'un seul organe :
le gésier par exemple. Dans la série complète des couples qui se
sont reproduits jusqu'au bout avec la moindre intoxication et
la meilleure santé, on voit cet organe aller en diminuant de plus
en plus (2). Donc le caractère, résultat du régime changé, n'est
pas valable seulement pour la génération qui subit le change-
ment et n'est pas tel que tout soit à recommencer à chaque
génération, sans quoi la variation demeurerait constante et
n'irait pas en croissant. Il y a quelque chose qui est transmis
d'une génération à la suivante, en raison de quoi celle-ci pousse
la variation plus loin.
Prenons un organe d'un autre type : le foie par exemple. Il a
été en croissant constamment pendant les quatre générations :
0, 1, 2, 3. Si j'avais arrêté là mon expérience et personne ne
pouvait me le reprocher, puisqu'aussi bien elle eût encore été
(1) Blaringhem, Bull. Scient, de la France et de la Belgique, 1907.
(2) Voir p. 212.
VARIATIONS EXPERIMENTALES 273
une des plus longues réalisées chez les animaux, j'étais en droit
de conclure, comme pour le gésier, à la transmission des carac-
tères acquis.
En persévérant, j'ai constaté la régression du foie. Est-ce à
dire que le caractère acquis ne se transmet plus "? que le foie
revient à sou état primitif f En aucune façon. Les foies réduits
de la fln de l'expérience ne sont pas les petits foies du début.
Ces derniers avaient un faible volume par la raison d'un régime
peu toxique et d'une assimilation aisée ; les autres sont
petits par cachexie, résultat du surmenage et de l'empoison-
nement.
Le caractère acquis est au total une hausse suivie d'une baisse.
La hausse continuée nous menait à l'adaptation Carnivore,
comme je l'ai montré; arrêtée, elle aboutissait à la mort de
l'espèce.
Au surplus s'il est vrai que la transformation réalisée des
races est une face du problème de l'évolution, leur extinction
n'en est elle pas une autre, plus large peut-être. La paléontologie
est-elle faite d'autre chose que de l'extinction des races, des
espèces et des classes "? et cette extinction n'est-elle pas un
manque d'adaptation à des conditions changées ?
Le caractère acquis dans vson entier est, ai-je dit, pour cer-
tains organes la baisse continue, pour certains autres la hausse
suivie de baisse. Or, c'est cette transmission même, telle quelle,
que l'on retrouve si l'on compare entre eux de très jeunes ani-
maux appartenant aux diverses générations.
L'étude de l'hérédité des caractères sur les jeunes animaux
demande qvielques précautions. On sait en effet que INLviirel
a appelé l'attention sur ce fait que le rapport des organes nu-
tritifs au poids total est beaucoup plus élevé chez les animaux
de petite taille que chez les animaux de grande taille et, dans
une même espèce, chez les jeunes que chez les adultes. Dans ce
dernier cas, la variation est bien loin d'être négligeable ; il
faut donc s'astreindre, si l'on veut comparer un jeune d'une
certaine génération avec un jeune d'une autre génération, à ce
274
F. HOTÎSSAY
que les animaux soient aussi voisins comme âge que cela est
possible.
En présence des difficultés croissantes pour mener à bien les
incubations, je me suis gardé de sacrifier volontairement des
jeunes et n'ai pas pu, en conséquence, être maître de les avoir ri-
goureusement au même âge ; par rigoureusement j'entends ayant
juste le même nombre de jours. Dans les morts qui se sont
produites, je ne puis donc utiliser que les lots formés d'animaux
qui se trouvent à peu près comparables ; cela réduit la quantité
de mes données mais rend démonstratives celles qui restent et
cela vaut mieux.
Le tableau suivant donne les rapports des principaux organes
à 100 grammes du poids total. Les poulets étudiés ont respec-
tivement 12, 7, 11 et 17 jours et sont donc d'âges assez voisins
pour qu'on ne soit pas abusé par la variation ontogénique. De
plus, ces poulets sont morts après de brefs malaises de 24 ou 48
heures qui ne les ont pas amaigris, ce qui eût changé tous les
rapports par faiblesse du poids total. Ils appartiennent comme
on le voit à trois générations distinctes : un poulet granivore,
deux de la 4^ génération Carnivore et un de la G^.
ORGANES
GUANIVOUE
CARNIVORES
de 4c génération
CARNIVORE
de
6o g-énération
li jours
nu
7 jours
vil
1 1 JKurs
Ir,
17 jours
Poide total
85 gr. 30
18 7
1
5
1
114 97
57
6 92
5 69
9 58
1 31
1 70
50 gT .
11 2
1 30
6 4
08
118
40
5 78
4 10
10 40
2 72
49
74gr.3
8 61
1 34
5 18
09
86 81
47
.5 11
3 63
7 26
1 95
1 61
100 gr.
Jabot jaugé à l'eau. . .
Poids du cœur
— du foie
— de la rate
Longueur de l'intestin .
Poids du pancréas
Poids de l'estomac total
— du gésier
Longueur d'un caecum.
Poids des 2 reins
— des 2 poumons.
3 8
41
2 98
53
99
46
3 76
2 97
6 50
1 21
38
Si l'on compare entre eux, sur ces jeunes sujets, les organes
VAH[ATIONS EXPERIMENTALES 275
qui nous ont donné de larges et incontestables modifications
dans la série des adultes : le jabot, l'estomac, le gésier, les caecums,
on voit qu'ils décroissent de même constamment dans la série
des jeunes.
Le foie et les reins, après avoir augmenté, décroissent ; le
caractère complet avec toute sa variation se trouve reproduit.
L'importance de la rate est à noter chez le dernier poulet
comme un signe de l'intoxication héritée, ses uretères au surplus
étaient gorgées de cristaux qui semblaient être de l'urate de
soude et fournissaient énergiquement la réaction de la muréxide.
Puisque ces jeunes sujets présentent toutes les modifications
que nous avons suivies chez les adultes comme effet du change-
ment de régime et puisque ce régime n'a pas eu le temps d'agir
personnellement sur eux pendant leur courte vie, il faut bien
conclure que les modifications leur ont été transmises par héré-
dité.
Une autre série intéressante est formée par deux animaux qui
ne peuvent être comparés avec les précédents parce qu'ils sont
plus jeunes (3 jours et 2 jours). De plus, n'ayant pas été dissé-
qués immédiatement, ils ont été conservés dans du formol à
4% puis plongés l'un et l'autre 20 heures dans de l'eau renouvelée
afin de rendre à leurs organes une certaine souplesse. Ce dernier
résultat médiocrement atteint n'a pas permis d'évaluer la jauge
du jabot ; on a comparé par leurs poids ces organes, séparés du
tube digestif par deux coups de ciseaux nets au-dessus et au-
dessous de la dilatation œsophagienne qu'ils forment. De plus,
la longueur du tube digestif a été contrôlée par son poids. En
tous cas les deux poulets, ayant été traités l'un et l'autre exacte-
ment de la même façon, sont parfaitement comparables entre
eux. L'un appartient à la 2^ génération Carnivore, l'autre à la
Q^. Ce sont deux jeunes mâles.
On voit encore, par les rapports de leurs organes au poids
total, que le premier de ces poulets appartient aux générations
à rein et à foie croissants, tandis que le second appartient aux
générations oii ces organes régressent.
276 F. HOTÎSSAY
or(;anks rapcouts a 100 an. de poids total
P. P«
Poids total sans vitellus 33()r.lO 31(]r.78
Cœur 1 05 85
Foio 5 10 3 74
Longueur du tube digestif 83 08 69 5
Poids du tube digestif 16 31 10 54
— du jabot 1 06 22
— du gésier 5 86 2 92
— des poumons ^6 81
— des reins 1 14 85
Le tube digestif, le jabot et le gésier marquent la rédnction
que nous avons rencontrée chez les adultes et avec la même
intensité.
J'aurais encore pu faire un lot de 4 coqs : deux appartenant
à la 2e génération Carnivore, un à la 4^ et un à la 5^ ; ils étaient
respectivement âgés de 142, 147, 149 et 138 jours et par suite
bien comparables à ce point de vue. Mais les deux premiers
avaient été sacrifiés dès le début de leur maladie ; les deux der-
niers, au contraire, avaient été conservés jusqu'à leur mort
spontanée, ils étaient pour leur âge très chétifs et de faible
poids. La considération des rapports de leurs organes au poids
total est sans intérêt. En supposant qu'ils aient pu atteindre
avec les mêmes organes internes le même poids que leurs frères
bien portants de la même génération et du même âge, et en
calculant dans ce cas les rapports organiques on obtient une
série tout aussi démonstrative que la précédente. Cependant je
ne veux point en faire état, n'étant pas sûr d'avoir le droit
d'augmenter le poids total sans augmenter aussi les organes,
c'est-à-dire ne croyant pas pouvoir faire l'hypothèse que la
réduction a porté exclusivement sur la graisse, sur le squelette
et sur les masses musculaires. Il est bien vrai qu'elle s'est ainsi
réalisée d'abord et surtout, mais il resterait de l'aléa.
Dans cette question controversée, il ne faut apporter que des
données incontestables.
VARIATIONS EXPF:RiMÉNTALES 211
Je veux appeler maintenant l'attention sur une curieuse va-
riation qui s'est produite sans que l'on puisse, en l'état actuel de
nos connaissances , la rattacher logiquement au changement de
régime. Beaucoup de biologistes l'appelleraient, en cette cii'-
constance, variation spontanée et, comme elle se répète trois
générations de suite, elle répond même à la définition de la
mutation. En fait, elle apparaît au cours d'une expérience sur
le changement de régime ou, si l'on veut généraliser, au cours
d'une intoxication poursuivie dans une race.
Voici ce dont il s'agit. Deux races ont été mises en expérience,
représentées par deux femelles et un seul mâle, soit un couple
pour chaque race, le coq unique figurant deux fois comme il le
fait réellement dans la reproduction.
Dans l'une des lignées ([3) le coq aussi bien que la poule ont
quatre doigts à chaque patte, ce qui est la norme ; dans l'autre
(a), le coq ayant quatre doigts, la poule en a cinq auœ deux 'pattes.
Or, à la seconde génération Carnivore, ce dernier couple donne
2 poulets avec 5 doigts aux deux pattes et 4 avec 4 doigts : le
caractère régresse donc devenant 1/3 au lieu de 1/2. A la géné-
ration d'après (P3) il est tout à fait perdu.
Dans la série P, les sujets restent avec 4 doigts aux deux
pattes 3 générations de suite (P^, P., P-J puis à la suivante (PJ
on voit les 5 doigts apparaître et, notons bien le fait, dans une
série où l'hérédité n'y est pour rien du tout, puisque le caractère
ne s'est jamais montré sur les ascendants. Il apparaît tout de
suite avec une grande fréquence.
Le caractère nouveau n'est pas au reste exactement le même
que celui qui a été perdu depuis deux générations déjà par la
série voisine (a). Ce dernier conâistait exclusivement en 5 doigts
aux deux pattes, celui que nous voyons apparaître consiste
parfois aussi en 5 doigts aux deux pattes, mais plus souvent en
5 doigts à une seule patte, et tous les doigts supplémentaires ne
sont pas égaux entre eux ; il y a des degrés dans leur importance.
Le seul titre commun aux deux cas est donc la polydactylie
sans qu'elle soit rigoureusement de même sorte.
â78 F. HOtiSSAY
Une génération de plus le caractère se maintient et la fré-
quence des 5 doigts aux deux pattes aug-
mente, bien que la polydactylie à une
seule patte se retrouve encore. Enfin le
seul poulet éclos de la 6^ génération avait
5 doigts à une patte. J'insiste sur ce que
cette malformation n'est pas identique à
celle du début dans l'autre série. 11 y a
même certains animaux comme V^ pour
lesquels on eût aussi bien pu parler de
6 doigts que de 5
(flg. 45).
Le tableau suivant
montre les variations
de la polydactylie
dans les générations
FIO. 45.
Patte d'un poulet polydactyle (Vi).
successives.
O
SÉRIE
a
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71
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2
66, 6
3
Pa
6
2
Pi
1
6
1
3
85
Ps
12(1)
3
2
66, 6
Pc
.5(2)
2
40
A vrai dire, le caractère nouveau de la série p ne peut d'une
façon satisfaisante être étudié comme mutation quant à sa
fréquence. Il y a trop peu d'animaux en expérience et les grands
1) Ce nonilire 12comprend les 8 éclosions réalisées plus 4 développements assez avancés
iur lesquels le caractère en question a été examiné.
2) Mfime remarque.
VARIAïiONS EXPÉRIMENTALES 279
nombres deviennent indispensables lorsque le déterminisme est
incertain. Jo tenais seulement à signaler l'existence d'un phéno-
mène de ce genre et son apparition si curieuse.
Bien que j'ignore les relations qui peuvent exister entre l'appa-
rition de la polydactylie et la nutrition en général et plus spé-
cialement l'intoxication et l'insuffisance de l'excrétion, je suis
tenté de croire à l'existence d'un rapport entre les deux phéno-
mènes. Rappelons à ce sujet qu'à la génération P^, à laquelle le
caractère survient, la baisse du foie et du rein se manifeste éga-
lement. C'est en tous cas une question qui vaut la peine d'être
examinée de près.
On ne peut se laisser arrêter par l'objection que la polydactylie
se montre spontanément dans la nature, d'abord parce que per-
sonne ne sait si c'est vraiment spontanément. Le seul fait cer-
tain est qu'on n'a pas encore saisi de rapprochement entre ce
phénomène et d'autres ; cela ne veut pas dire qu'il n'y en a
point et qu'il n'y en aura jamais à faire.
En outre, si l'on parle spécialement de la race des poules
Soudan qui ont régulièrement 5 doigts aux deux pattes, on
sait que ces animaux réputés pour l'abondance de leur ponte,
sont, d'autre part, tenus en suspicion comme n'étant pas assez
rustiques et comme difficiles à élever. Tout cela ne serait-il pas
la marque d'une faiblesse excrétrice, voisine de l'insuffisance,
qui du moins s'est révélée dans nos recherches par l'incapacité
tout de suite atteinte de faire croître cette fonction et les
organes qui l'assurent.
CHAPITEE XI
ANOMALIES — PATHOLOGIE
Sommaire. — Etude limitée aux états résultant du régime. — Retard dans l'enclosion et la
résorption de la vésicule vitelline. — Cause des échecs à l'éclosion et des morts très pré-
coces. — Un poulet avec un second jaune enclos dans l'abdomen. — Arthrites doulou-
reuses et déformantes de l'articulation tibio-tarsienne. — Leur guérison rapide par le
régime végétarien. — Réactions peaussières sur les pattes. — Poussées supplémentaires
de plumes. — Interprétation de la plume et du poil comme phénomène excréteur. ^
Utérus et oviducte.
Je n'ai pas l'intentiou de faire en ce chapitre un relevé de
toutes les manifestations pathologiques que j'ai observées, telles
que diarrhées épidémiques survenues sans que j'en ai pu perce-
voir la cause et que j'ai néanmoins notées parce qu'elles se tra-
duisaient dans les courbes de croissance par une petite baisse
ou un petit plateau. Les renseignements de cet ordre m'ont
ensuite été fort utiles pour éliminer avec certitude les accidents
qni auraient pu rendre douteuse la place du point d'inflexion
principal dont j'ai signalé l'importance au chapitre II.
Egalement je parlerai à peine d'une affection de la langue
assez généralisée chez les poules de 3^ génération. Elle consistait
en un boursouflement et un décollement de tout l'épiderme de
la langue, qui pouvait s'enlever d'un seul coup comme dans la
maladie de la pépie. Mais il y avait cette différence importante
que, dans la pépie, on enlève un étui d'aspect corné, tandis
qu'en ce cas il s'agissait d'un manchon mou, flasque et de couleur
jaune. Il était au surplus bourré de bactéries banales, principa-
lement de sarcines. Je laisse également de côté des manifesta-
tions de tuberculose intestinale malgré l'importance et la fré-
quence qu'elles prirent spécialement à la 4^ génération. Elles
me parurent dues aux poussières du sol, sur lequel les aliments
traînaient parfois et disparurent effectivement après que j'eus
fait renouveler le sable et le gravier.
Je parlerai surtout des états pathologiques en rapport certain
Variations expérimentales
â8i
avec le régime, simples exagérations des phénomènes généraux
rencontrés chez tous les animaux qui le subissent, même chez
ceux que l'on n'est pas tenté de déclarer malades.
En premier lieu, la résorption de la vésicule vitelline est fort
entravée. On sait qu'environ 20 heures avant l'éclosion ce qui
reste de la vésicule vitelline est enclos dans la cavité abdominale
du poulet et se résorbe en quelques jours. Bien que Dubuisson (1)
fasse remarquer qu'il y a d'assez grandes différences quant au
degré de résorption entre deux poulets du même âge, les écarts
que je veux signaler sont tellement amples qu'ils traduisent
certainement un grand retard dans l'élimination du vitellus.
Voici, en regard des nombres que donne H. Virchow (2) pour
les poulets ordinaires jusqu'au 7^ jour, ceux que j'ai pu observer
sur les poulets carnivores et sur un poulet ordinaire du 12«^ jour.
GRANIVORES
CARNIVORES
AGE
des Poulets
Poids
du
Poussin
Poids
de la vésicule
vitelline
Poids
du
Poussin
Poids
de la vésicule
vitelline
12 heures
37 or. 2
5 OT. 34
36 —
35 33
3 24
3 jours
33 75
2 50
3-4 —
36 93
60
38gr.85(^2egéii,)
5gT. 75
6-7 —
39 54
43
5-6 —
43 66
05
7 —
11 —
12 —
85 30
50 (4«gén.)
74 (4«géll.)
15
1 75
17 —
100 (Segen,)
05
Pour son reste de vésicule vitelline, mon poulet de 17 jours
est comparable à un poulet normal de 5 à 6 jours, c'est-à-dire
trois fois moins âgé ; mon poussin de 11 jours est comme celui
de 3 à 4 jours environ, ce qui donne à peu près le même rajjport
du triple au simple.
Le poulet de 7 jours que j'ai noté avec sa vésicule vitelline de
15 grammes est tout à fait à part et mérite une mention spéciale.
(1) Dubuisson. — Contribution à l'étude du vitellus, 1906.
(2) Hans Virchow. — Der Dottersaek des Hûnchens, 1892.
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. 4° SERIE. T. VI. —
â8â ^- HOTTSSAY
Je n'en ai pas tenu compte dans les éclosions pour rechercher hi
quotité des mâles en raison de son cas un peu particulier.
Ce poussin provient en effet d'un œuf qui pesait 80 grammes
et qui presque certainement contenait deux jaunes. En pareil
cas, MiTROPHANOW a signalé en 1898 l'existence de deux cica-
tricules et, la même année, Féré a décrit après 72 heures d'incu-
bation soit deux débuts d'évolution, soit un seul, soit aucun.
Je laissai l'œuf aller jusqu'à réclosion. Il en sortit un seul
poulet bien conformé ; toutefois celui-ci avait subi un retard
de 12 heures et tenait difficilement sur pieds. Le lendemain il
allait bien et, pendant 7 jours 1/2 , vécut avec ses frères, puis
fut trouvé mort. Notons que c'était un jeune mâle.
Son ombilic était encore apparent par une croûte cicatricielle
et, au-dessous, tangent intérieurement se trouvait un ombilic
vitellin, obturé seulement parce qu'il reposait sur la cicatrice
ectodermique. Une masse vitelline pesant 15 grammes, c'est-à-
dire presque autant qu'un jaune entier (19 grammes), était
enfermée dans une poche endodermique, rattachée au tube
digestif par le diverticule de Meckel qui devient chez l'adulte
le 3e caecum. Le diverticule communiquait encore, mais faible-
ment, avec cette poche du jaune par une petite lumière oii ne
passait pas une tête de une épingle mais que traversait un crin
de brosse.
Sur ce poulet la veine coccygéo-mésentérique, dont les rami-
fications peaussières forment des plaques sous-cutanées conges-
tives, envoie à la partie inférieure de la poche endodermique
une branche qui se ramifie et se diffuse en plaques sanguines
autour de l'ombilic vitellin. Ce territoire sanguin communique
avec un second, duquel part un filet qui, réuni aux diverses
veines mésentériques, se rend à la veine porte.
Le jaune examiné ne porte aucune trace d'évolution embryon-
naire ni d'altération putride ; son aspect est caséeux.
La reconstitution probable de cette ontogénie est la suivante.
Il y avait deux jaunes plus ou moins adhérents ensemble. L'un
d'eux a seul évolué en embryon et le second a été englobé par
VARIATIONS EXPERIMENTALES
28:5
le développement de l'endoderme, qui s'est poursuivi sur lui.
Depuis le 19" jour de l'incubation, auquel s'est faite l'enclosion
du sac vitellin dans la paroi du corps, jusqu'à la mort, le premier
jaune a été presque tout résorbé et il n'est resté que le second
à peu près entier.
Indépendamment de ce cas singulier, la dif&culté de résorption
pour la vésicule vitel-
line a joué un très
grand rôle dans les
échecs à l'éclosion, que
nous avons subis, ou
dans les morts très pré-
coces survenues aux
premiers jours de vie. tl
L'incubation chez la
poule dure, on le sait,
21 jours presque exac-
tement , plutôt avec
une légère avance ;
quand les 21 jours sont
révolus presque tous
les poussins d'une cou-
vée sont éclos et les
premiers sortis ont Sou
4 heures d'avance sur
ce terme. Il en était
ainsi aux premières in-
cubations que j'ai réalisées pour obtenir ma seconde et ma
troisième génération Carnivore.
A la naissance de la 4®, on observait à l'éclosion un retard sen-
sible. Une couvée mise le matin du 23 mai 1903 a éclos seule-
ment le 14 juin au matin soit après 22 jours pleins. Aux géné-
rations suivantes, presque toutes les éclosions ont demandé
22 jours et quand vers la fin du 2F jour sortait un poulet plus
précoce, la povile suivant son instinct cherchait à aider les autres
FiG. 46. Anatoiuie d'un poulet de 7 jours avec un second
jaune inclus dans rabdomen.
F P, veine porte ; cce. capcum ; vmri, veine coccygéo-
mésentérique ; ov, ombilic vitellin; tl. territoire lacunaire;
R, rein.
â8i ^. HOUSSAY
éclosions possibles. La plupart ne se faisaient pas et l'on trovivait
des poulets qui semblaient être du 19^ ou du 20^ jour, c'est-à-
dire dont la vésicule vitelline n'était pas enclose dans l'abdomen.
Ils n'ont pas été comptés* comme éclosions mais seulement
comme « développements » dans le tableau de la page 252.
On est amené à penser que le manque de résorption est dû
aux toxines alimentaires passées dans l'œuf ; elles engourdissent,
en quelque manière, les phagocytes qui absorbent le vitellus,
ou arrêtent la sécrétion des diastases qui, à un certain moment,
jouent, d'après Dubuisson, un rôle important.
Diverses sortes de manifestations arthritiques se sont mon-
trées au cours de cette expérience et, incontestablement, de
tous les phénomènes pathologiques, elles étaient les plus atten-
dues. La forme la plus caractérisée et la plus visible a été l'arthrite
douloureuse avec gonflement et déformation des jarrets, c'est-
à-dire des articulations tibio -tarsiennes ; elle s'est montrée pro-
gressivement.
Chez les poules granivores initiales et chez les premières car-
nivores on n'avait rien remarqué de semblable, malgré l'attention
apportée à observer les animaux en expérience.
A la seconde génération Carnivore, la poule IV. accusa, le
225^ jour de sa vie, à l'articulation en question, une douleur qui
la faisait boiter et se tenir accroupie sur les jarrets ; puis le
mal disparut spontanément. Il est intéressant de noter que cette
affection toxique fut guérie par suite de sa coïncidence avec le
début de la ponte, amenant une forte évacuation d'albumine.
Ce dérivatif empêcha l'accumulation des déchets dus à l'excès
des albuminoïdes. On peut voir en effet à l'appendice que cette
poule, ayant émis au 210^ jour un œuf isolé, se prit à pondre
régulièrement au 237^.
Plusieurs poulets de la génération suivante, la troisième Car-
nivore, montrèrent la maladie d'une façon beaucoup plus pré-
coce, plus énergique et même ils moururent rapidement du
malaise général dont elle était le signe. Le coq VI, prit une
arthrite des deux jarrets le 23^ jour de sa vie ; il mourut au 70® ;
VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 285
la poule VII;, fut atteinte de la même façon le 49^ jour et mourut
le 115e ; le coq V, eut une arthrite d'une seule patte au 59^ jour
et mourut le 122e.
Les arthrites de ces trois animaux semblaient très doulou-
reuses ; ils ne pouvaient se tenir debout et reposaient toujours
sur le ventre ou sur le côté. Bientôt l'articulation tibio -tarsienne
enfla et le pied en entier fut déjeté extérieurement. L'examen
des poids donnés à l'appendice montre que la croissance fut
régulière jusqu'au moment oii le symptôme se montra ; la baisse
du poids ou plutôt la moindre hausse le précède d'un temps qui
varie entre 2 et 15 jours.
Les poulets de la 4^ génération présentèrent les mêmes symp-
tômes ; mais, inquiété par les difficultés de l'élevage et désormais
flxé sur les suites possibles de Taffection si on la laissait évoluer,
je résolus de la soigner. En septembre 1903, vers leur 90^ jour,
les coqs I; et II. commencèrent à fléchir sur les jarrets et à se
tenir difficilement debout. Je les fis isoler et nourrir pendant
huit jours avec de la bouillie de farine mélangée de son et de
feuilles hachées de laitue crue. Ils guérirent complètement ;
c'était une nouvelle façon de prouver que la cause du mal était
bien le régime.
A la 5® génération, le coq 11^ commença à prendre, au 54^ jour
de sa vie, une allure maladive qui me porta à le mettre au régime
végétal, pain et salade ; mais il ne l'accepta pas et ses compa-
gnons non plus. L'évolution des instincts et des appétits commen-
çait à se faire ; pas encore cependant d'une façon irréductible.
Car les trois animaux L, II, et III, laissés en présence de pain
trempé pour toute nourriture se décidèrent à le manger. A ce
régime le coq II, se remit complètement mais au bout de 8 jours,
lui et les autres refusèrent à nouveau l'aliment. Comme le but
poursuivi était atteint, je n'insistai pas.
Le fait a un double intérêt : la guérison par le régime végé-
tarien et la répugnance qu'éprouvent pour lui des animaux
chez lesquels il était normal quelques générations plus tôt et
dont les parents l'acceptaient encore à l'occasion. Les apôtres
286 F. HOUSSAY
du végétarianisme rencontrent dans leur propagande des cir-
constances de ce genre.
En outre des arthrites douloureuses et déformantes dont nous
venons de parler, beaucoup des animaux étudiés, surtout dans
les dernières générations, montrèrent sur les pattes une réaction
cutanée assez curieuse. La peau se boursouflait, soulevant les
écailles, prenait un aspect dartreux et produisait une desqua-
mation furfurale assez abondante. Cette affection, une fois
déclarée, ne régressait jamais ; je dois dire que jamais non plus
je n'ai, à cause d'elle, interrompu le régime.
Les premières générations de mes animaux, mis jeunes en
expérience, ne la montrèrent pas. J'en ai au contraire observé
le développement rapide chez un grand nombre, au moiiLs les
2/3, des poules déjà âgées que j'achetais pour faire des incubations
et que je mettais au régime de la viande, afin qu'elles pussent
tout de suite conduire à cet aliment les jeunes poussins qu'elles
auraient à élever. J'ai parfois remarqué, sur les poules élevées
dans les fermes des environs de Paris, une affection semblable,
moins étendue toutefois et ordinairement limitée à la base de
la patte. Il faut ajouter qu'en raison de la vente facile de leurs
œufs les animaux en question sont copieusement nourris et
même suruourris avec diverses préparations à base de poudre
de viande.
Dans la mesure où il est permis d'identifier les processus
pathologiques chez des êtres aussi éloignés que les oiseaux et
l'homme, je comparerais assez volontiers la manifestation que
je viens de décrire à une poussée herpétique ou eczémateuse.
Mon attention a de plus été appelée sur le développement
assez important de plumes sur les pattes, entre les écailles. Je
sais qu'il existe des races de poules chez lesquelles les pattes
sont normalement couvertes de plumes ; mais je ne puis dire
si ce caractère, aujourd'hui fixé dans la race, a eu pour appa-
raître un déterminisme comparable à celui que j'ai observé.
Quoi qu'il en soit, les plumes qui ont poussé sur les pattes de
mes poules n'étaient visiblement annoncées par aucune hérédité.
p
VARIATIONS KXPEIUMENTALES 2H7
Tous k's sujets mis en expérience à l'origine avaient les pattes
parfaitement lisses. Ce fut à la 2*^ et i)lus encore à la 3^ géné-
ration dans la série a, à la 4^ et à la 5^ dans la série [3, que le
caractère prit une sérieuse importance.
Cette observation paraît nous montrer la plume comme une
réaction excrétrice supplémentaire, ayant une poussée nouvelle
quand les organes normaux d'excrétion (foie et rein) restent en
dessous de la tâche qu'ils doivent accomplir. On la voit tout
de suite en concordance avec de nombreux autres faits et l'accord
suggère une hypothèse que je ne puis m'empêcher d'exprimer,
car elle répond à la bonne caractéristique de l'hypothèse : à
savoir qu'elle est susceptible d'appeler la recherche et l'expé-
rience.
Si la formation de la plume (et du poil évidemment) se montre
comme une réaction excrétrice parce qu'elle est capable de
s'exagérer quand les besoins excréteurs augmentent, il faut aussi
la considérer comme normalement excrétrice et non plus seule-
ment comme une protection ou une parure pour l'animal. Dans
ce cas alors, nous comprendrions de quelle façon les organismes
mâles que nous avons montrés plus intoxiqués que les femelles
sont en même temps les plus garnis de plumes et de poils, sans
qu'il y ait pour nous lieu d'invoquer le désir ou le besoin de
plaire aux femelles et pas davantage la sélection des plus beaux.
Ces phénomènes ne seraient plus à considérer comme des causes
mais seulement comme des effets ultérieurs et accessoires.
Nous comprendrions encore comment, l'intoxication orga-
nique croissant avec l'âge, les poussées de plumes et de poils la
suivent, comment, dans l'espèce humaine par exemple, après les
cheveux se montrent les poils pubiens et axilaires, comment,
plus tard, la barbe, plus tard encore les poils de la poitrine chez
les mâles qui ne les ont pas acquis vers la puberté, comment
enfin surgit la dernière poussée qui consiste dans l'allongement
et l'épaississement des sourcils. Ces trois dernières réactions
excrétrices n'atteignent pas les femelles, mieux pourvues en foie
et en rein, ou en tous cas les atteignent peu et ordinairement
288
F. HOUSSAY
tard. La perte des cheveux ou leur blanchissement que l'âge
amène aussi sont des phénomènes d'autre sorte et ne portent
pas plus atteinte aux conclusions précédentes que les maladies
du rein n'empêchent de considérer cet organe comme norma-
lement excréteur.
D'autre part, l'abaissement de la température ralentit certai-
nement les échanges nutritifs et
croître les poussées
mateuses chez ceux
Si la production
est une ma
sorte, il
l'on voit, en hiver,
herpétiques ou eczé-
qui en sont atteints,
du poil et de la plume
nifestation de même
est naturel qu'elle
s'exagère au froid,
qu'il y ait des four-
rures d'hiver, qu'il
y ait des fourrures po-
laires. Et nous attein-
drions de la sorte à de
véritables explications où
n'interviendraient plus ja-
mais l'intérêt ou l'avantage,
le désir ou la volonté de l'animal.
J'ai eu déjà occasion de signaler
comment le régime carné avait
développé l'instinct germicide et
comment une des inouïes, VIII,,
ayant le cloaque piqué par le bec
de sa compagne, qui cherchait à
atteindre son œuf aussitôt que
possible, en vint à contracter une
tumeur par suite de la rétention
des œufs avant qu'ils ne fussent recouverts de leur coquille.
Plusieurs œufs, 5 ou 6 autant que j'ai pu l'apprécier par
leurs restes plus ou moins informes, demeurèrent ainsi sans
être évacués et dégénérèrent dans l'oviducte. Ce dernier en
FiG. 47. Oviducte dilaté en faux utérus
par rétention de la ponte.
VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 289
fut dilaté de la façon que je reproduis dans le dessin ci-joint
(flg. 47).
Je n'insisterais pas autrement sur cette circonstance patho-
logique, si elle ne nous permettait de concevoir la facilité avec
laquelle peut se développer une véritable dilatation utérine sur
un oviducte qui normalement n'en comporte pas. Et ceci n'est
pas sans intérêt pour nous faire comprendre que, même d'une
façon rapide, le Reptile ovipare put devenir le Mammifère
vivipare.
CHAPITRE XII
QUELQUES COMPARAISONS AVEC LES MAMMIFÈRES
Sommaire. — Expériences de divers auteurs sur les niammifères. — Haute toxicité probable
du régime insectivore. — L'excrétion supplémentaire par les carapaces et par les co(|Uilles
— Echecs de mes tentatives pour adapter des souris au régime carné. — Les mammifères
semblent plus saturés d'intoxications et moins capables d'en supporter de nouvelles que
les oiseaux. — Rapprochements avec les courbes de croissance. — Causes originelles
d'intoxication chez les mammifères. — Vie utérine, vie lactée. — L'excrétion en urée
et l'excrétion en acide urique. — Conclusions.
Il n'a point été fait sur les mammifères d'expérience qui puisse
être entièrement comparée aux miennes, c'est-à-dire qui porte
sur les modifications dues à un changement de régime poursuivi
pendant plusieurs générations.
Quelques recherches plus courtes donnent cependant des
résultats qui, fort importants pour la physiologie et la patho-
logie, peuvent être utilement confrontés avec les miens.
Maub-el a alimenté pendant plusieurs mois des lapins avec
du fromage et a constaté un développement inusité de leur foie.
C'est au reste cet auteur qui a le premier montré que, d'une
façon générale, les carnivores ont une quantité relative de foie
plus élevée que les herbivores.
J. NoÉ (1) a nourri assez longtemps des hérissons exclusive-
ment avec de la viande crue de cheval. Son expérience me
semble inverse des autres, c'est-à-dire qu'au lieu d'être une
(1) C. s. Soc. Biolog. du 23 nov. 1901 au 26 juillet 1802.
290 F. HOUSSAY
étude d'intoxication accrue elle est une étude de désintoxication
et n'est pas, d'ailleurs, moins intéressante pour cela. Le hérisson,
en elïet, est normalement insectivore et, bien que la viande de
cheval soit plus toxique que celle des animaux ordinaires de
boucherie, elle l'est moins, je crois, que la chair des insectes.
Il n'y a pas à cet égard de données formelles ; mais, en raison
de ce que j'ai dit au chapitre précédent de la plume et du poil,
je suis très porté à considérer les insectes, gros excréteurs de
chitine, comme fortement intoxiqués, aussi bien d'ailleurs que
les crustacés, excréteurs de lourdes carapaces, ou les mollusques,
excréteurs de pesantes coquilles.
Je fais remarquer en passant que j'assimile à des excrétions
supplémentaires les organes ordinairement appelés protecteurs
de l'animal ; c'est moins finaliste certainement, plus scientifique
et plus fécond pour les recherches qui peuvent être entreprises
avec ce point de départ entièrement changé.
Comme conséquence de cette manière de voir, le hérisson en
passant de la chair d'insectes à la viande de cheval se désin-
toxique. Un fait qui concorderait exactement avec ce point de
vue c'est que sa production d'urée diminue d'une façon régu-
lière ; elle passe d'après les données de J. NoÉ de 6 gr.925 par
kilogramme au mois de mai 1901 à 2 gr. 808 au mois de mai 1902.
L'auteur en question conclut que le régime carné exclusif dimi-
nue énormément l'urée. Le résultat ainsi exprimé est extrême-
ment paradoxal, unique en son genre, et même il risque d'induire
en erreur. Comme, d'autre part, absolument rien n'autorise à
réputer inexactes des mesures qui semblent au contraire soi-
gneuses, l'interprétation véritable m'en paraît celle que je pro-
pose, à savoir : que le passage de l'aliment chair d'insecte à
l'aliment chair de mammifère est une désintoxication.
C'est pour cela sans doute que l'expérience de îsToÉ a duré sans
peine plus longtemps que les autres expériences sur les mammi-
fères, chiens ou souris, qui étaient de véritables surintoxications
alimentaires.
J. NoÉ compare eu outre le rapport de certains organes au
VARIATIONS EXPÉRIMENTALES 291
poids total chez les hérissons normaux et chez deux animaux
de cette espèce qui sont morts, l'un après 8 mois l'autre après
11 mois du régime à la viande de cheval. Les reins ont très peu
varié tandis que le foie a augmenté d'une façon notable. Mais
l'augmentation de ce seul organe, sans concordance avec les
autres données relatives à l'excrétion, ne permet pas de conclure
à une intoxication. Il se peut fort bien que l'organe soit surmené
non de son côté excréteur mais de son côté assimilateur, qu'il
éprouve seulement plus de peine à transformer en glycogène
des albuminoïdes inaccoutumés. L'augmentation de poids, en
un mot, peut venir du foie glycogénique plutôt que du foie hépa-
tique : l'observation micrographique seule serait propre à lever
ce doute. Et c'est une occasion nouvelle de dire combien des
recherches de cette sorte seraient utiles pour compléter les men-
surations, spécialement chez les mammifères.
De son côté, E. Dufourt (1) a expérimenté en mettant des
chiens au régime carné exclusif, toujours à la viande de cheval.
Il a reconnu, comme il était naturel, un important accroisse-
ment de l'urée. De son expérience je retiendrai surtout qu'elle
n'a pas pu continuer longtemps. Les animaux fortement in-
toxiqués perdaient leurs poils, se recouvraient d'eczéma, mai-
grissaient et mouraient en quelques semaines..
Weiss (2) dont j'ai signalé déjà les expériences sur les canards
avait essayé de les réaliser aussi avec des souris. A plusieurs
reprises il a échoué ; les souris qu'il élevait au grain vivaient
très bien ; celles qu'il nourrissait à la viande de cheval mou-
raient au bout de 2 ou 3 mois.
En 1901 et 1902 j'ai moi-même échoué dans plusieurs tenta-
tives analogues ; cependant je fîiisais vivre mes souris carni-
vores 5 à 6 mois et ce meilleur résultat tient, je le suppose, uni-
quement à ce que je leur donnais de la viande fraîche d'animaux
de boucherie et non de la viande de cheval.
Il n'est pas utile de s'étendre longuement sur les données
(1) D' E. DUFOTIRT. — Journal de Physiologie et de Pathologie générales, mai 1902.
(2) G. WEISS. — C. R. Soc. Biologie, 26 octobre 1901.
292 F. HOUSSAY
recueillies au cours de ces expériences manquées ; notons seule-
ment que, comme E. Dufourt et conformément aux résultats
classiques, j'ai toujours obtenu beaucoup plus d'urée du côté
Carnivore que du côté gTanivore. Je veux toutefois signaler que,
chez plusieurs des animaux qui sont morts de ce régime, le
foie avait subi une véritable dégénérescence graisseuse, dont le
processus serait relativement facile à suivre et sûrement inté-
ressant pour la pathologie de l'organe.
De ces divers essais il faut conclure à la difficulté grande,
pour ne pas dire à l'impossibilité, de faire brusquement passer
un mammifère végétarien ou peu Carnivore à un régime tout à
fait Carnivore. Le fait est au contraire possible chez les oiseaux
et le changement ne manifeste d'inconvénients qu'après plu-
sieurs générations.
Une conclusion qui se présente tout de suite à l'esprit est la
suivante : les mammifères ne supportent pas de surintoxication
parce qu'ils sont déjà arrivés, même jeunes, à une intoxication
qui ne peut guère être dépassée sans péril. Ce résultat est tout à
fait d'accord avec celui que j'ai déjà mis en évidence au cha-
pitre II à propos des courbes de croissance.
Si l'on se demande maintenant quelles raisons rendent ainsi
le mammifère particulièrement saturé de toxines, on peut les
apercevoir dans ce fait que, véritablement, c'est de tous les Ver-
tébrés celui qui a le moins de jeunesse. Il n'entreprend pas dès
l'état d'œuf une vie nouvelle et des échanges nouveaux avec le
monde ambiant. Dans l'utérus maternel, sa vie se réalise par
l'intermédiaire d'un organisme ayant déjà longuement vécu,
déjà âgé et déjà chargé des intoxications vitales. Après, c'est
l'alimentation lactée qui lui passe encore des produits élaborés
par un organisme dont la vie s'avance. Le mammifère est d'abord,
comme le fait remarquer Giard, un parasite interne puis un
parasite externe avant de mener une vie libre.
Pour terminer ce parallèle des mammifères et des oiseaux, il
n'est pas sans intérêt de rappeler une remarque de Metch-
NiKOFF sur la longévité relative de ces derniers et sur leur
Variations expérimentales '}\)•^
verte vieillesse comparée à la décrépitude rapide des mammi-
fères.
Il faut en outre observer que les mammifères, saturés d'in-
toxication, excrètent principalement en urée et les oiseaux en
acide urique. Nos expériences paraissent apporter une certaine
contradiction à ces résultats classiques en montrant les oiseaux
tout de même plus plastiques du côté excréteur. Un mammifère,
en effet, dont la production d'acide urique augmente est consi-
déré comme ayant une excrétion moins parfaite et même insuffi-
sante, et la conclusion sans doute est valable pour la compa-
raison entre divers états d'un même mammifère ou entre divers
mammifères. Mais elle ne paraît pas se prêter à une générali-
sation nécessaire. En d'autres termes, il ne semble pas absolu-
ment vrai que la dépuration en urée soit supérieure à la dépu-
ration en acide urique quel que soit l'organisme. Il y a là en
tous cas une question d'une certaine importance.
En présence des difficultés d'adaptation au régime carné, on
peut se demander comment il y a des carnivores dans la nature.
Remarquons que l'expérience par nous réalisée a été particu
lièrement brutale et a mis du jour au lendemain une race gTa-
nivore en face d'un régime carné exclusif. Scientifiquement il
le fallait pour l'étude rigoureuse d'un déterminisme ; mais natu-
rellement les choses ne se sont jamais passées ainsi.
Les guérisons d'arthrites que j'ai obtenues, rien que par un
retour de 8 jours au régime végétarien, montrent suffisamment
que, tout au moins chez les oiseaux, un régime mixte progres-
sivement poussé vers la consommation en viande aurait eu
chance d'aboutir et dans un temps relativement faible.
En terminant, qu'il me soit periïiis de faire remarquer que si
j'ai apporté quelques données précises et résolu quelques pro-
blèmes, j'en ai soulevé plus encore et de cette manière indiqué,
je pense, combien de semblables recherches étendues et pour,
suivies pourraient être fructueuses.
A une époque encore peu éloignée de nous. Cl. Bernard et
DE Lacaze-Duthiers discutaient sur les limites de la physio-
^9i F. IIOUSSAY
logie et de la zoologie, posaient la question de savoir à laquelle
des deux disciplines appartient la prépondérance et la résolvaient
chacun à sa manière. Je crois, pour ma part, que le temps de
ces querelles est passé, que la collaboration seule est efficace,
et que l'on doit chercher à résoudre les problèmes que la zoologie
pose, et qu'il faut d'abord connaître, avec les méthodes que la
physiologie donne, ou, pour employer des termes que je trouve
commodes et plus généraux : la statique et la cinématique ne
se peuvent achever que dans la dynamique.
POST-SCRIPTUM
En achevant de corriger mes épreuves je prends connaissance
d'un mémoire de Schepelmann intitulé Ueher die gestaUende
Wirhung verscMedener Emahrung auf die Organe der Gans.
(Archiv. fur Entwicklungsmechanik ; l^e partie, t. XXI, 1900 ;
2e partie, t. XXIII, 1907.) Ce travail contient d'intéressants
renseignements. Relativement aux organes que nous avons
étudiés l'un et l'autre, Schepelmann se trouve d'accord avec
moi pour la variation du rein et de la rate.
Il constate une opposition relativement au foie entre les
données de Maurbl, les siennes propres et une indication que
j'avais publiée dans une de mes notes préliminaires par laquelle
je ne reconnaissais à cet égard aucune différence sensible entre
les poules granivores et les carnivores. Le présent mémoire
complétant et rectifiant mes données primitives rétablit l'ac-
cord.
Schepelmann signale un contraste entre l'exagération de la
ponte que j'ai indiquée à mes premières générations carnivores
et le fait qu'il a trouvé les testicules des oies carnivores peu
développés et stériles. Le contraste ne subsiste pas avec les
VARIATIONS EXPERIMENTALES 295
faits de stérilité progressive que j'ai publiés dès 1903 et qui
sont plus accusés encore dans le présent mémoire.
Une contradiction formelle demeure entre ses résultats rela-
tifs au tube digestif : longueur intestinale, longueur du caecum,
poids du gésier, qu'il trouve accrus par le régime carné et les
miens qui indiquent une réduction. Les écarts que nous men-
tionnons l'un et l'autre sont tout à fait hors de comparaison
avec les petites erreurs possibles sur la mesure. Il faut conclure
à l'opposition objective à ce point de vue entre l'oie et la poule.
A ce propos je dois dire que la hulotte dont j'ai pris les men-
surations anatomiques et dont le foie, le rein, le gésier, s'accor-
daient avec mes expériences, m'a au contraire présenté une
longueur intestinale tout à fait en discordance. Son rapport
anatomique est 331 '"^ d'intestin pour 100 gr. de poids total,
c'est-à-dire trois fois plus que chez une poule ordinaire.
Mon Rapace sans doute était un jeune animal de 160 gr.
seulement et de ce fait avait droit à une majoration d'intestin ;
mais pas aussi forte, je pense. Je me proposais d'étudier à nou-
veau la question soulevée par ce fait, si peu conforme aux données
classiques de l'anatomie comparée. En le rapprochant du résultat
expérimental de Schepelmann, on doit conclure que le pro-
blème de l'adaptation des organes à l'aliment est un peu moins
simple qu'il n'a d'abord paru et qu'il faut encore un certain
nombre de données étendues et approfondies pour en tenir la
solution totale.
ç>i)f\ F. HOlISSAY
APPENDICE
DONNÉES NUMÉRIQUES
Nous disposons ici toutes les mesures qui ont servi à cons-
truire les courbes utilisées dans les divers chapitres et qui parfois
s'étendent même au-delà. Ces données peuvent être intéressantes
tant pour contrôler nos calculs et nos conclusions que pour
servir de comparaison à quelque autre recherche sur différents
sujets.
VARIATIONS EXPERIMENTALES
297
Appendice au Chapitre II
POIDS DE LA GENERATION GRANIVORE ET DE LA PREMIERE
GÉNÉRATION CARNIVORE
ï
GHANIVOUES
CAKNIVORES
DATjio
=3
lo
"o
III,
I.
II.
III
gr.
gr.
gr.
gr.
gr.
gr.
1900. 21 décemh |
150
1.516
1 . 053
928
888
934
928
28
—
157
1.780
1.178
1.070
1.038
1.030
1.258
1901 . 4 ]
anvier. .
164
1.758
1 . 244
1 . 248
1.260
1.281
1.180
11
—
171
1.804
1.274
1.320
1.322
1.400
1.341
18
—
178
1.888
1.368
1.410
1.407
1.486
1.396
25
—
185
1.814
1.389
1.388
1.470
1.534
1.525
1er
février.
192
1.844
1.291
1.355
1.646
1.596
1.645
8
—
199
1.957
1.405
1.385
1.722
1.700
1.836
15
—
206
1.933
1.381
1.374
1.832
1.779
1.787
22
—
213
1.966
1.373
1.374
1.834
1.896
1.827
1«'
mars.. .
220
1.930
1.376
1 . 549
1.809
1.930
1.632
8
—
227
2.025
1.390
1.655
1.865
2.062
1.779
15
—
234
1.986
1.393
1.797
1.883
1.965
1.731
22
—
241
2.022
1.394
1.838
1.912
1.948
1.729
29
—
248
1.965
1.398
1.805
1.953
2.050
1 812
5
avril ....
255
1.991
1.427
1.796
1.962
2.022
1.891
12
—
262
2.000
1.480
1.818
1.972
2.021
1.870
19
—
269
2.051
1.454
1.667
2.008
2.020
1.898
26
—
276
2.054
1.442
1.745
2.016
2.126
1.839
3
mai
283
2.084
1.421
1.677
2.000
2.054
1.900
10
—
290
2.067
1.421
1..589
1.995
1.961
1.877
17
—
297
2.067
1.485
1.513
2.000
1.988
1.818
24
—
304
2.125
1.455
1.507
2.009
1.882
1.748
31
—
311
2.090
1.514
1.757
2.020
2.032
1.780
7
juin ....
318
2.070
1.397
M. 696
2.062
2.050
1.797
U
—
325
2.067
1.337
1.687
2.076
2.021
1.734
21
—
332
2.122
1 . 293
1.724
2.064
1.996
1.776
28
—
339
2.174
1.333
couve
2.075
2.045
1.862
5
juillet. . .
346
2.119
1 . 340
»
2.074
1.990
1.849
12
—
353
2.105
1.237
1,398
2.037
1 . 922
1.748
19
—
360
2.132
1.164
1.491
2.031
1.991
1.788
25
—
367
2.125
1 . 093
1.640
2.088
2.045
1.670
( ) Pour ces générations le nombre des jours de vie n'est donné qu'approximativenient
il est donné exactement pour les suivantes que nous avons fait éclore.
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 4° SÉRIE. — T.
-(V).
298
F. HOTïSSAY
•s
GRANIVORES
CARNIVORES
r_
--
lo
"o
III,
It
".
IIIl
gr.
gr.
gr.
gr.
gr.
gr-
2 août
374
2.138
1.216
1 . 692
2.088
1.884
1.661
9 —
381
2.162
1.124
1 664
2.145
1.925
1.630
16 —
388
2.157
1.160
1.751
2.125
1.900
1.707
23 —
395
2.116
1.215
1.835
2.152
1.890
1.712
30 —
402
2.307
1 . 382
1.917
2.277
1.950
1.937.
6 septemb.
409
2.200
1.162
1.745
2.215
1.930
1.860
13 —
416
2.275
1.202
1.699
2.252
1.942
1.825
20 —
423
2.215
1 . 284
1.746
2. 228
1.862
1.752
27 —
430
2.250
1.354
1.730
2.257
1.812
1.746
4 octobre . .
437
2.310
1.240
1.693
2.330
1.867
1.857
11 —
444
2.311
1.195
1.879
2.350
1.895
1.795
18 —
451
2.365
1.207
1 . 902
2.379
1.850
1.959
25 —
458
2.402
1.202
1.964
2.420
1.907
1.927
1»^ novemb.
464
2.400
1.227
1.990
2.442
1.685
1.825
8 —
471
2.402
1.282
2.076
2.457
1.595
1.773
15 —
478
2.433
1.300
2.146
2.482
1 . 586
1.731
22 —
485
2.544
2.340
2.458
1.522
1.775
POIDS DE LA SECONDE GENERATION CARNIVORE
DATES
1
Is
Ils
gr.
m.
IVa
Vs
VI.
Vils
VIIIj
gr.
gr.
gr.
gr.
gr.
gr.
gr.
1901. 15 juillet.
4
55
49, 6
53
52,5
53
51
45
45
17 —
6
69,5
61
67
66
66
66,5
55
54
19 —
8
83
72
77
76
76, 5
81
63
68
21 —
10
100, 5
85
95,5
84, 5
90
98
77
79.5
23 —
12
113, 5
94
107
97
96
109,5
83
88,5
25 —
14
137
110
130
116
118
131
102, 5
105
27 —
16
162,5
132
155
136
140
159
122
125
29 —
18
186, 5
150, 5
180
157
155, 5
182
145
142,5
31 —
20
211
171
199
181,5
182, 5
201,5
156
162
2 août .
22
240
198
232
198,5
209
233-5
177,5
184
4 —
24
255
210
250
215
231
264.5
189
195
6 —
26
278
226,5
269
228,5
243
282
194,5
202
8 —
28
330
256
300
270
285
310,5
231,5
235,5
10 —
30
366,5
280,5
340
298
317
335
244,5
259
12 —
32
375
296
341,5
302
320,5
332,, 5
245
250
14 —
34
405
315
381
340,5
364
340
261
270
16 —
36
440
345
425
359
380
.380
285
290
18 —
38
455
350
432
372
395
389, 5
275
277
20 août..
40
498
380
454, 5
402
365, 5
354,5
300
314
22 —
42
544
418,5
493
435
361
364
315
348
24 —
44
595
447
550
487
364
428
322,5
414
26 —
46
615
483
561
500,5
354
458
345
438
28 —
48
650
490
581
527
357
484
350
445
30 —
50
700
546
609
560
380
526
387.5
498
VARIATIONS EXPERIMENTALES
299
DATES
1"' sept .
3 —
5 —
7 —
9 —
11 —
13 —
15 —
17 —
20 —
24 —
27 —
1" oet . .
4 —
8 —
11 —
15 —
18 —
22
25 —
29 —
1«' nov.
5 —
8 —
12 —
15 —
22
29 —
fl déc . . .
13 —
20 —
27
3 janv . .
10 —
17 —
24 —
31 —
7 février
14 —
21 —
28 —
7 mars..
14 —
21 —
28 —
4 avril .
10 —
17 —
24 —
1"' mai .
7 —
103
106
110
113
117
120
124
127
134
141
148
155
162
169
176
183
190
197
204
211
218
225
232
239
246
253
260
267
273
280
287
294
300
gr.
754
804
864
907
917
970
1.032
1.077
1.120
1.170
1.240
1.298
1.368
1.389
1.477
1.510
1.577
1.624
II.
IVj
,698
,730
.802
.880
1
1
1
1
1.896
1.946
2.025
2.060
2.185
2.244
2.342
2.374
2.420
2.535
2.566
2.637
2.662
2.647
2.640
2.622
2.649
2.673
2.709
2.700
2.704
2.715
2.680
2.605
2.648
2.642
2.670
2.625
gr.
560
590
630
647
652
687
734
768
800
831
880
909
965
997
1.031
1.068
1.102
1.130
1.164
1.198
1.189
1.201
1.220
1 . 237
1.277
1.285
1.322
1 . 365
1 . 382
1.407
1.413
1 . 428
1.446
1.497
1.558
1.577
1.589
1.639
1.747
1.910
1.929
1.870
1.893
1.836
1.820
1.800
1.895
1.912
1.861
1.935
1.982
gr.
641
727
740
770
832
832
814
871
924
996
1.069
1 . 103
1.137
1.205
1.280
1.332
1.389
1.427
1.520
1.550
1.557
1.558
1.600
1.619
1.735
1.745
gr.
585
605
645
677
674
644
702
762
769
785
795
814
861
912
963
1.004
1.065
1.065
1.097
1.167
1.217
1.245
1.285
1.301
1.329
1.351
1.383
1 . 422
1.467
1.490
1.548
1.610
1.687
1.751
1.849
1.956
2.095
2.040
2.032
1.979
1.1^54
1.940
1.898
1 . 982
2.020
2.051
2.007
2.074
2 . 095
2.092
2.080
gr.
390
405
431
469
470
502
570
600
627
700
725
797
842
910
943
998
1.064
1.074
1.150
1.179
1.212
1.257
1.282
1.305
1,390
1.430
1.510
1.530
gr.
547
556
614
665
701
712
790
842
824
895
958
1.050
1.177
1.230
1.309
1.367
1.442
1.519
1.585
1.646
1.725
1.755
1.777
1.783
1.776
1.795
1.905
2.035
2.261
2.185
2.310
2.459
2 . 526
2.565
2.657
2.625
2.655
2.690
2.728
2.705
2.587
2.764
2.772
2.728
2.725
2.715
2.723
2.713
2.700
2.675
2.630
Vils
gr.
398
419
447
470
482
509
522
598
604
664
722
789
860
944
007
050
117
127
195
.243
.271
.282
.332
.337
.387
.395
.442
.492
^
.487
1.481
1.515
1 . 592
1.637
1 . 727
1.759
1.857
1.887
1.970
1.995
2.008
2.090
1.990
2.048
2.002
2.015
2 . 026
1.980
2.019
1.952
2.022
1.940
VlIIj
gr.
532
554
595
645
637
684
727
792
801
845
909
974
1.065
1.104
1.135
1.195
1.210
1.234
1.299
1.330
1.350
1.372
1.415
1 . 395
1.459
1.472
1.517
1.540
1.477
1 , 562
1.585
1.630
1.650
1.725
1.841
1.946
2.019
1.950
2.000
2.005
2.045
2 . 045
2.004
2.066
2.050
2.014
2.000
2 . 065
2 . 090
2 . 042
1.955
300
F. iinrs.^AY
DATES
307
h
II,
m.
IVj
v.
Vis
viu
VIlIj
14 mai . .
gr.
2.625
gr.
1.918
gr.
2.085
gr.
2.705
gr.
1.929
gr.
1.821
22 —
315
2.665
1.948
2.077
2.658
1.905
2.035
29 —
322
2.660
1.940
2.045
2.705
1.877
2.150
5 juin . .
329
2.630
1.915
1.952
2.675
1.877
2.165
12 —
336
2.622
1.910
2.004
2.688
1.943
2.185
19 —
343
2.624
1.894
1.955
2.663
1.953
2.182
26 —
350
2.619
1.945
2.020
2.722
1.912
2.218
3 juillet.
357
2.644
1.919
2.012
2.772
1.996
2.215
10 —
364
2.621
1.922
1.948
2.755
1.925
2.137
17 —
371
2.637
1.996
2.000
2.768
1.948
2.168
24 —
378
2.660
1.885
2.057
2.737
1.918
2.022
31 —
385
2.664
1.960
2.085
2.750
1.880
2.012
V août . .
392
2.690
1.791
2.072
2.729
1.905
2.119
14 —
399
2.604
1.822
2.079
2.660
1.775
2.092
21 —
406
2.620
1.839
2.062
2.715
1.785
2.108
28 —
413
2.635
1.820
2.045
2.804
1.812
2.112
4 sept. .
420
2.650
1.812
2.080
2.635
1.745
2 212
11 —
427
2.692
1.912
1.943
2.700
1.837
2.079
18 —
434
2.675
1.874
1 . 993
2.670
1.868
1.895
25 —
441
2.685
1.883
1.944
2.759
1.835
2octob.
448
2.752
1.860
2.002
2.760
1.830
9 —
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POIDS DE LA TROISIEME GENERATION CARNIVORE
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1903
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F. HOUSSAY
DATES
9 avril.
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13 —
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gr.
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1.522
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III3
gr.
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1.528
1.524
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1.582
1.492
gr.
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3.040
3.030
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3.078
3.096
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VI-,
Vil,
POIDS DE LA QUATRIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE
(3 Eclosions)
DATES
1903. 18 juin
20 —
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3.608
22 — . . .
457
2.122
447
3.612
29 — . . .
464
2.089
454
3.621
6 octolirp . . .
471
2.119
461
3.739
13 — ...
478
2.069
1 468
3.698
20 — . . .
\ 475
3.732
VARIATIONS EXPERIMENTALES
305
POIDS DE LA OINQtJIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE
(2 Eclosions)
DATES
Jours
de
vie
I5
ll.r,
III5
Jours
de
vie
I\'.s
1904. 6 juin
3
5
7
9
11
13 _
15*
17
19
21
23
25
27
29
31
33
35
37
39
41
43
45
47
49
51
53
55
57
59
61
- 66
69
73
77
80
83
87
90
97
104
111
118
125
132
139
146
153
g-r-
45
53
68
78
90
104
113
130
147
166
181
206
235
271
294
314
355
390
415
445
485
503
530
572
600
628
681
715
712
825
760
872
1.003
1.040
1.105
1.160
1.220
1.285
1.377
1.506
1.596
1.605
1.635
1.687
1.710
1.743
1.762
49
57, 5
69
75
80
90
112
134
147
160
178
198
224
244
281
285
304
333
360
388
400
398
403
451
489
532
583
624
589
670
600
777
720
788
82S
812
870
920
1.022
1.107
1.056
1.063
1.138
1.097
50
53,5
62
68
64
57
76
88
107
123
143
165
199
243
264
281
315
340
367
417
458
508
515
569
602
■637
723
771
756
900
828
956
1.027
1.152
1.209
1.288
1.354
1.483
1.640
1.852
2.005
2.130
2.330
2 448
2.570
2.619
2.679
3
5
7
9
11
13
15
17
19
21
26
29
33
37
40
43
47
50
57
64
71
78
85
92
99
106
113
i^r.
8 —
10 —
12 —
14 —
16 —
18 —
20 —
22 —
24 —
26 —
28 —
30 —
2 juillet
4 —
fi —
8 —
10 —
12 —
14 —
16 —
43
18 —
51
20 —
66
22 —
24 —
83
97
26 —
112
28 —
113
30 —
153
l«f août
165
3 —
213
8 —
272
11 —
323
15 —
382
19 —
440
22 —
500
25 —
570
29 —
l*' septembre
8 —
635
702
867
15 —
1.070
22 —
1.262
29 —
1.410
6 octobre
1.630
13 —
1.847
20 —
1.916
27 —
2.047
3 novembre
2.170
306
F. HOUSSAY
DATES
1901.
1905.
10 novembre .
17 —
24 —
1^'' décembre.
15 —
22 —
29 —
5 janvier
12 —
19 —
26 —
2 février
9 —
17 —
23 —
2 mars. .
avril
16
23
30
6
13 — ..
20 — ..
27 — ..
l mai. . .
11 — .. .
18 — ...
25 — . . .
1" juin .
8 — .
15 — .
22 — .
29 —
6 juillet.
août
13
20
27
3
10 —
17 —
25 —
30 —
7 septembre
14 —
21 —
30 —
5 octobre
12 —
19 —
26 —
2 novembre
Jours
(le
vie
160
167
174
181
188
195
202
209
216
223
230
237
244
251
259
265
272
279
286
293
300
307
314
321
328
335
342
349
356
363
370
377
384
391
398
405
412
419
426
433
440
448
453
461
468
475
484
489
496
503
510
517
1.718
1.831
1.830
1.876
2.007
2.062
2.135
2.122
2.156
2.189
2.275
2.290
2.336
2.410
2.414
2.441
2.342
2.385
2.340
2.309
2.413
2.381
2.320
2.331
2.524
2.332
2 . 352
2.363
2.500
2.462
2.445
2.360
2 . 3î>7
2.279
2.363
2.425
2.345
2.425
.172
.187
.212
.176
.210
2.233
2.227
2.195
2.180
2.182
2.243
.677
.735
.780
.994
155
111
133
057
118
150
193
197
324
436
431
322
307
250
222
320
266
210
188
185
292
268
297
200
277
369
377
315
337
333
360
300
282
295
274
327
275
310
324
305
270
220
348
407
505
642
503
Jours
(le
vie
120
127
134
141
148
155
2.157
2.286
2.420
2.146
2.056
VARIATIONS EXPERIMENTALES
307
Appendice au Chapitre III
DOSAGE DE L AZOTE DES EXCRETA SOLUBLES
DATES
Jours de vie
CEXTLMÉTRES CIBES D'AZOTE
par jour et par kilog'.
Granivores
Premières Carnivores
1901. 4 avril
19 —
254
269
290
314
342
371
384
405
419
434
483
22 ce 69
23 06
10 41
27 90
15 25
23 43
13 39
21 95
20 70
33 48
36 08
43 ce 24
74 40
53 57
3 juin
1" juillet
29 —
12 août
37 57
31 99
7 81
38 31
2 septembre
16 —
1" octobre
19 novembre
59 15
46 50
178 19
66 96
EXCRETA DE LA SECONDE GÉNÉRATION CARNIVORE (1)
CENTIMÈTRES CUBES D'AZOTE
Jours de vie
par jour et par kilog
DATES
Série ce
Série p
1901. 2 septembre
53
5S ce 03
58 ce 03
16 —
67
85 19
85 19
!"■ octobre
82
58 79
58 79
19 novembre
131
86 30
86 30
18 décembre
160
69 19
78 49
31 —
173
59 89
77 75
1902. 14 janvier
187
52' 45
67 33
27 —
200
215
54 31
45 38
70 31
11 lévrier
59 15
25 —
229
52 84
66 22
244
257
55 06
57 29
68 82
25 —
51 71
8 avril
271
62 12
55 80
22 —
285
55 43
67 33
(1) Jusqu'au 19 novembre, tous les poulets étaient ensemble et on n"a pas distinj^ué entre
leurs excréta.
308
F. HOUSSAY
■
CENTIMÉTUES CURP^S D'AZOTE
par jour et par kiloff
DATES
Jours de vie
~
Série OC
Série [3
6 niai
300
314
328
62 87
40 18
45 38
53 20
20 —
38 69
3 juin
52 08
18
343
356
52 08
49 10
50 22
1"' juillet
40 55
16 —
371
384
398
409
42 04
52 45
45 01
68 45
35 34
29 —
43 52
12 août
43 52
23 —
59 89
12 septembre
429
72 54
66 96
30 —
447
76 63
76 63
14 octobre
461
53 20
87 79
30 —
476
47 62
87 79
EXCRETA DE LA TROISIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE
CENTIMÈTRES <
l'BES D' AZOTE
Jours de vie
par jour e
par kilog'
DATES
Série OC
Série p
1902. 19 novembre
149
63 ce 61
59 ce 36
25 —
155
57 29
60 64
3 décembre
163
79 61
83 70
1903 . 2 janvier
193
42 41
58 03
15 —
206
220
68 82
66 22
78 12
29 —
75 89
12 février
234
51 71
71 80
25 —
247
46 50
43 90
263
277
291
304
52 46
49 4S
57 29
60 26
84 82
27 —
84 07
10 avril
61 01
23 —
55 06
319
333
347
59 52
54 31
37 20
72 17
22 —
70 31
5 juin
50 59
19 —
361
55 06
72 17
3 iuillpt
375
59 52
63 98
16 —
388
403
57 66
50 22
60 26
31 —
39 80
14 août
417
431
445
26 41
59 89
44 27
33 11
28 —
45 38
11 ««eptembre
66 59
25 —
459
50 59
63 24
9 octobre
473
82 21
56 92
VARIATIONS EXPERIMENTALES
3Ô9
EXCRETA DE LA QUATRIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE
CENTIMÈTRES
CUBES DAZÛTE
DATES
Jours de vie (1)
par joui- et
par kilo^.
1903. 29 octobre
128
101 ce 18
13 novembre
143
80
72
27 —
157
127
22
10 décembre
170
82
58
24 —
184
92
26
1904. 7 janvier
198
69
19
21 —
212
226
241
261
67
82
67
90
70
96
19 —
70
10 mars
40
24 —
274
288
115
82
32
7 avril
21
21 —
302
316
103
79
42
5 mai
24
19 —
330
341
88
58
54
3 juin
40
17 —
355
368
382
68
71
56
45
30 —
05
14 juillet
92
28 —
396
410
423
437
55
40
09
56
80
11 août
92
25 —
94
8 septembre
17
22 —
451
99
70
6 octobre
465
51
71
(1) Les animaux n'étant pas nés le même jour, ces nombres représentent l'âge moyen des
animaux vivants au jour de l'expérience. — L'écart maximum est de 5 jours.
310
F. HOUSSAY
EXCRETA DE LA CINQUIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE
DATES
27 octobre . .
11 novembre
25 —
9 décembre
23 —
6 janvier
20 —
3 février
17 —
3 mars .
17 — .
1" avril
14 —
28 —
12 mai . .
.26 — . .
9 juin . .
23 — .
6 juillet
21 —
août. .
septembre
4
18
1'
15 —
29 —
12 octobre
Jours de vie
146
161
175
189
203
217
231
245
259
273
287
301
315
329
343
357
371
385
398
413
427
441
455
469
483
496
CENTIMÈTRES CUBES D'AZOTE
par jour et par Itilog'.
85 ce
93
53
57
75
14
82
21
55
43
67
70
64
36
27
53
66
96
42
04
58
78
79
98
48
36
42
04
69
94
75
89
50
59
34
97
31
25
47
99
58
40
53
57
50
22
48
36
50
96
60
64
VARIATIONS EXPERIMENTALES
3H
Appendice à divers Chapitres
DONNÉES ANATOMIQUES
• MESURES ORGANIQUES DE LA GÉNÉRATION GRANIVORE
ET DE LA PREMIÈRE GÉNÉRATION CARNIVORE
Désignation des Animaux
lo
Ho
lllo
I.
III
111.
Ag'e en Jours
189
4IS5
488
490
491
492
Sexe
Mâle
Femelle
Femelle
Mâle
Femelle
Femelle
Poids le jour de la mort
2.485 g.
1.411 g.
2.246 g.
2.405 g.
1.483g.
1.790g.
85 5
82
73 53
93
64
79
Plumes
167 5
93 2
127
167 5
97 5
110 5
Graisse
203
56 ";„
176 75
92 10
54 ";„
200
45 ""„
36 2
35 ™;
175
Longueur du JABOT. . .
35 "1;,
Largeur —
55
"
47
39
35
30
Jauge à l'eau —
261 ce
"
275 ce
98 ce
46 ce
84 ce
— au mercure —
354
»
354
130
112
135
Poids du CŒUR
12 g. 45
5g. 5
7 g. 3
11 g. 8
8 g. 54
8 g. 8
— du FOIE
33 15
38 2
45 18
33 1
39 65
38 85
— de la RATE
2 07
1
1 7
2 31
1 76
2 3
Long. (Dde l'INTESTIN
1 780 ";„
1 . 700 ";„
1.980 ";,
1 . 560 ■"„
1.370 "■„,
1.600 ";„
— du PANCRÉAS..
125
110
130
125
112
123
Largeur du PANCRÉAS .
10
9
8
7
8
8
Poids —
4 g. 05
2 g. 95
3 g. 73
2g. 15
2 g. 69
3g. 85
Poids de l'ESTOMAC...
59 35
43 5
66 6
27 07
28 35
52 85
— du GÉSIER
54 45
37 26
59 3
21 85
21 15
43 9
Grand axe du GÉSIER.
64 ";„
60 ";„
73 ";„
49 ";„
50 ";„
61 ";„
Petit axe —
48
50
55
44
41
48
Epaisseur —
25
21
38
21
»
19
Longueur d'un GjECUM.
195
165
200
122
145
130
Poids lies 2 TESTICULES
13 g. 75
»
»
13 g. 75
»
»
— de l'OVAIRE . . .r
»
24 g. 7
43 g. 7
»
6 g. 93
20 g. 2
Longueur du REIN ....
78 "•„,
62 "'„,
70 '"„;
70 ■"„;
78 ■"„,
78 "■„
Largeur —
12
16
15
14
16
16
Poids des 2 — ....
11 g. 95
8 g. 65
9 g. 25
11g. 1
14 g. 75
12 g. 9
— des 2 POUMONS .
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»
6 76
10
»
7 13
SQUELETTE
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67 02
101 60
126 11
66 3
85 3
PONTE
6k. 671
4 k. 049
10 k. 195
7 k 154
(1) Cette longueur est toujours prise au-dessous du Jabot.
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VARIATIONS EXPERIMENTALES
313
MESURES ORGANIQUES DE LA TROISIÈME
GÉNÉRATION CARNIVORE
Désig'iiation des Animaux
Ag'e en Jours.
Sexe .
Poids le jour de la mort. . . .
Sang
Plumes
Graisse
Longueur du JABOT
Largeur —
Jauge à l'eau —
— au mercure —
Poids du CŒUR
— FOIE
— de la RATE
Longueur de l'INTESTIN.
— du PANCRÉAS
Largeur • —
Poids —
— del'ESTOMAC
— du GÉSIER
Grand axe du GÉSIER . .
Petit axe —
Epaisseur —
Longueur d'u" C^CUM. . .
Poids des 2 TESTICULES.
— del'OVAIRE
Longueur du REIN
Largeur —
Poids des 2 —
— POUMONS
SQUELErTB:
PONTE
Mâle
.885 g.
32
105
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88 ce
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10g.
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24 g.
18
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15
100
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15
21g.
18
162
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.395 g.
54
108
14 85
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15
13 g. 60
6 18
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9 k. 614
.500 g.
124
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60 '"„,
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107
12g.
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55 "„;
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20
23 g.
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Femelle
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1.706g.
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122
12
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7 g. 70
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2 66
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112
10
3 g. 27
36 95
29 94
54 "L,
42
30
126
2 g. 33
82 "V
15
17 g. 90
7 91
101
8 k,048
AHCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. 4^ SERIE. — T. VI.
(V).
314
F. HOLÎSSAY
MESURES ORGANIQUES DE LA QUATRIÈME
GÉNÉRATION CARNIVORE
Désignation des Animaux ,
Açe en Jours.
Sexe
Poids le jour de la mort 2 ,
Sang
Plumes
Graisse
Longueur du JABOT
Largeur —
Jauge à l'eau —
Jauge au mercure du JABOT. . . .
Poids du CŒUB
— du FOIE
— de la BATE
Longueur de ITNTESTIN
— du PANCBÉAS
Largeur —
Poids —
— de l'ESTOMAC
— du GÉSIEB
Grand axe du GÉSIEB
Petit axe —
Epaisseur —
Longueur d'un C^CUM
Poids des 2 TESTICULES
— del'OVAIRE
Longueur du BEIN
Largeur —
Poids des 2 —
— des 2 POUMONS
SQUELETTE
PONTE
Mâle
735 g.
167
118
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55 Z
55
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18 g. 07
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4 83
2.350 Z
167
10
5 g. 88
52 63
42 19
60 Z
45
30
180
16 g. 76
85%
15
22 g. 49
26 25
206
VARIATIONS EXPÈRIMEiNTALËS
315
MESURES ORGANIQUES DE LA CINQUIÈME
GÉNÉRATION CARNIVORE
Désig-aation des Animaux.
Age en Jours.
Poids le jour de la mort
Sang
Plumes
Graisse
Longueur du JABOT
Largeur —
Jauge à l'eau —
Jauge an mercure du JABOT .
Poids du CŒUR
'■ — du FOIE
— de la RATE
Longueur de l'INTESTIN . .
— du PANCRÉAS
Largeur — • ■ • ■
Poids — • • ■ •
— de l'ESTOMAC
— du GÉSIER
Grand axe du GÉSIER
Petit axe —
Epaisseur —
Longueur d'un CAECUM
Poids des 2 TESTICULES. . .
— del'OVAIRE
Longueur du REIN
Largeur —
Poids des 2 —
— des 2 POUMONS
SQUELETTE
PONTE
Femelle
2.190g.
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18 65
177
IV. (1,
Mâle
1.965 g.
85
136
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95 ce
109
14 g. 10
140 10
6 39
2.450 Z
160
15
5 g. 80
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45 04
55 Z
50
205
g. 53
>
100 z
25
35 g. 48
12 94
132
I • (1) Cet animal est mort d'hypertrophie du foie avec dégénérescence graisseuse. Le dévelop-
pement de tous ses organes digestifs et de ses reins est extraordinaire.
316
F. IIOUSSAY
RAPPORTS ORGANIQUES A 100 GR. DE POIDS TOTAL
DANS LA GÉNÉRATION GRANIVORE
ET LA PREMIÈRE GÉNÉRATION CARNIVORE
ORGANES
lo
Ilo
Illo
II
IIi
llli
Poids avant la mue ....
2.544 gr.
1.354 S' !■■
1.917 g-i-.
2.458 g''
1 . 907 «'■
1.959«i'-
3,36
10.26
6.05
3,83
14,34
3,78
3,99
3,35
2,41
4.03
Jabot jaugé à l'eau
4.28
— jaugé au mercure
13,91
»
18.46
5,29
5.87
6,89
Cœur
0,49
0.40
0. 38
0,48
0.45
0,45
Foie
1,30
2,82
2.35
1,34
2,08
1, 98
Rate
0,08
0,07
0, 09
0,09
0,09
0, 12
Long. Intestin
69,97
125.55
103.03
63. 46
71,84
81,67
Pancréas
0. 16
0. 21
0. 19
0.09
0, 14
0, 19
Gésier
2, 14
2,75
3.09
0.89
1, 11
2, 24
Cœcum
7,66
12, 18
10. 43
4.96
7,60
6,63
2 Reins
0,47
0, 34
0,63
0.48
0, 35
0, 45
0,40
0, 77
0, 66
2 Poumons
0. 36
RAPPORTS ORGANIQLTES A 100 GR. DE POIDS TOTAL
DANS LA SECONDE GÉNÉRATION CARNIVORE
ORGANES
Poids avant la mue ....
Sang
Jabot jaugé à l'eau ....
— jaugé au mercure
Cœur
Foie
R ate
Long, intestin
Pancréas
Gésier
Csecum
2 Reins
2 Poumons
2.800 gr
3,57
2,32
4,85
0, 43
1.57
0,09
60.71
0, 13
0,91
5,36
0,51
0. 38
1.912S
3,92
2,45
4, 23
0,35
1,95
0.09
83. 68
0. 11
1, 23
6,27
0,78
0, 33
IV2
2.014gT.
3, 22
3, 02
5,31
0, 28
2,24
0, 12
73. 48
0. 13
1.09
6, 08
1, 02
0,28
\U
905 gr
,75
68
, 51
49
72
.08
40
13
05
, 47
, 53
,51
Vlh
1.905 ^,'1'.
3,51
3, 99
5,87
0, 35
1.95
0. 10
80, 31
0, 16
1, 58
6, 32
0, 81
0. 35
(')
0, 39
3. 09
0. 19
90. 42
0, 16
1. 19
9, 22
1. 25
0,95
(1) Poule malade morte d'une tumeur de l'oviducte.
VARIATIONS EXPERIMENTALES
317
RAPPORTS ORGANIQUES A 100 GR. DE POIDS TOTAL
DANS LA TROISIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE
ORGANES
i,
'I:.
III,
IV.,
VIII3
Poids avant la mue
2 . 700 ■■^r.
3, 26
4.22
0. 38
2.07
0,05
45, 18
0, 68
3,70
0,80
0,69
i.yooyr.
2, 84
2,68
3,52
0,29
1, 71
0, 11
77,89
0, 17
1,29
6,44
0,65
0,38
1.860!?'r.
2, 76
2,74
3, 49
0.30
2, 12
0, 11
84,40
0, 13
1, 43
6,07
0, 73
0,33
3.100RT.
4
2, 74
3, 45
0, 41
2, 14
0,09
66, 45
0,17
1.34
5, 48
0,75
0,39
2.243 i;r.
Sang
3, 74
Jabot jaugé à l'eau
4, 19
— jaugé au mercure
Cœur
5, 12
0, 34
Foie
2, 30
Rate
0. 11
Long, intestin
Pancréas
Gésier
78,91
0, 14
1. 33
Caecum
2 Reins
5,61
0, 79
2 Poumons
0,35
RAPPORTS ORGANIQUES A 100 GR. DE POIDS TOTAL DANS LES
QUATRIÈME ET CINQUIÈME GÉNÉRATIONS CARNIVORES.
ORGANES
Poids avant la mue ....
Sang
Jabot jaugé à l'eau ....
— jaugé au mercure.
Cœur
Rate
Foie
Long, intestin
Pancréas
Gésier
Caecum.
2 Reins
2 Poumons
I',
"'.
2.735gT.
2.127i;i-
6.10
4,35
2,45
7,38
2.96
7,52
0,57
0.40
2, 20
2, 93
0,17
0, 16
70, 56
75,22
0,21
0,16
1,90
1,41
0,68
0,87
0,38
0,69
3.650i;r.
4,52
5, 23
5,75
0, 43
1, 46
0,08
52, 60
0,32
1,55
4, 65
0, 48
0, 51
3i8
F. HOUSSAY
RAPPORTS ORGANIQUES A 100 GR. DE POIDS ACTIF
DANS LA GÉNÉRATION GRANIVORE ET LA PREMIÈRE CARNIVORE
ORGANES
Poids actif
Sang
Jabot jaugé à l'eau. . . .
— jaugé au mercure
Cœur
Foie
Rate
Long, intestin
Pancréas
Gésier
Caecum
2 Reins
2 Poumons
984 g-r.
31
15
84
62
67
10
71
20
74
83
60
44
IIo
1.074!
7,63
0.51
3,55
0,09
158,28
0,27
3,47
15.36
0.80
IIlo
1.925S-I
3.82
14,28
18, 39
0, 38
2,34
0,08
102, 85
0,19
3,08
10. 39
0.48
0,35
1 . 935 «■'
4,80
5,06
6, 71
0,61
1, 71
0, 12
80,62
0,11
1,13
6,30
0, 57
0,51
Ih
1 . 283 ni
4, 98
3,58
8,73
0, 66
3,09
0, 13
106, 78
0,21
1,64
11,30
1,15
llll
1.412KT.
5,59
3,26
7,93
0,62
2,75
0, 16
113,31
0,27
3,10
9,20
0,91
0,50
RAPPORTS ORGANIQUES A 100 GR. DE POIDS ACTIF
DANS LA SECONDE GÉNÉRATION CARNIVORE
OHGANES
Poids actif
Sang
Jabot jaugé à l'eau . . . .
— jaugé au mercure
Cœur
Foie
Rate
Long, intestin
Pancréas
Gésier
Caecum
2 Reins
2 Poumons
30 Kl'
48
91
10
54
96
12
23
16
19
72
64
II 2
1.226j;i-
6, 11
3, 83
6, 60
0, 54
3, 05
0, 15
130, 50
0, 18
1, 91
9. 78
1,22
0, 52
1V2
1.2
5.
4,
8.
0.
3,
0,
120,
0,
1,
9.
1.
33 y 1'
27
94
67
46
66
19
03
20
79
93
66
46
2.280 1;
4. 78
3,44
5.74
0. 62
2. 20
0. 11
83, 33
0. 16
1.34
5, 70
0,67
0,65
Vils
i.356y:i-.
4, 94
5. 60
8. 26
0, 49
2,75
0. 14
12, 83
0,23
2,22
9. 22
1. 14
0, 50
VI1I2
0,43
3,48
0,22
102
0,18
1,34
10, 40
1,41
VAR I ATIONS EXPERIMKNTA LES
319
RAPPORTS ORGANIQUES A 100 GR. DE POIDS ACTIF
DANS LA TROISIÈME GÉNÉRATION CARNIVORE
ORGANES
I3
Ils
1113
IV3
VIII3
Poids actif
1.618çr.
5,43
7,04
0, 63
3,46
0, 09
75,40
1,14
6, 18
1,34
1, 16
1.191 «T.
4, 53
4,28
5,62
0,46
2, 73
0, 18
124, 26
0, 27
2,06
10,28
1,04
0,61
1.214gr.
4, 24
4,20
5, 35
0.46
3, 25
0, 18
129, 32
0, 21
2, 19
9,30
1, 12
0,51
2.188err.
5, 66
3,88
4,89
0,58
3,03
0, 12
94, 15
0, 24
1,90
7, 77
1,06
0, 55
1.483gT.
5, 66
Jabot jaugé à l'eau
— jaugé au mercure
6, 33
7.80
0,5
Foie
3, 18
Rate
0, 17
119,35
0, 22
Gésier
2.01
8.49
1,20
0,53
RAPPORTS ORGANIQUES A 100 GR. DE POIDS ACTIF
DANS LES QUATRIÈME ET CINQUIÈME GÉNÉRATIONS CARNIVORES
ORGANES
Poids actif
Sang
Jabot jaugé à l'eau . . . .
— jaugé au mercure.
Cœur
Foie
Rate
Long, intestin
Pancréas
Gésier
Caecum . . . .
2 Reins
2 Poumons
2.437 8r
6,85
2,75
3, 32
0,64
2,47
0,19
79, 19
0,24
2, 13
0,77
0, 43
Ht
1.795 8
5, 17
8, 74
8, 91
0, 47
3, 48
0, 18
89, 13
0, 19
1,70
1,03
0, 48
\l
1.651 e:r
5, 99
5,33
5, 45
0,57
2,91
0, 19
111, 44
0,22
2, 16
9,08
1, 12
0,57
VII t
3048 gr
5, 58
4,56
4, 59
0, 59
2 22
0, 15
77, 10
0, 19
1, 38
5, 90
0, 73
0,86
l5
III5
i.ssggT
2.819gT.
5,43
5.85
4,89
6, 77
4,89
7.44
0,49
0.56
2,70
1, 89
0, 16
10
103, 86
68, 10
0,23
15
2,03
2,01
7,88
6.03
0,86
0,63
0,42
0,66
320
F. HOUSSAY
Appendice aux Chapitres VI et VII
DATES ET POIDS DES ŒUFS DANS LA GÉNÉRATION GRANIVORE ET
LA PREMIÈRE CARNIVORE (1)
DATES
-?
Un
IIIo
içr.
IIi
llli
gr.
DATES
226
Ilo
gr-
IIIo
gr-
IIl
gr-
57
Illi
1901
gr.
7
mars •
gr
54,7
24 janvier
184
44
8
—
227
52
26 —
185
47
9
—
228
50
56, 4
56,2
26 —
186
-
10
—
229
27 —
187
11
—
230
53,5
54.2
56, 1
28 —
188
44
12
—
231
53
29 —
189
13
—
232
55,3
30 —
190
46, 5
14
—
233
51
47,5
31 —
191
46
15
—
234
51
1" février
192
16
—
235
55,9
51
2 —
193
46
17
—
236
52, 5
51
3 —
194
18
-^
237
53,3
4 —
195
47
19
—
238
54.8
76
5 —
196
20
—
239
52, 1
48
6 —
197
46, 5
21
—
240
7 —
198
22
—
241
54
8 —
199
47
23
—
242
53,3
9 —
200
24
—
243
53,8
51.5
54, 5
10 -
201
25
—
244
54,8
11 —
202
48,7
49
26
—
245
55, 7
57
12 —
203
49
50
27
—
246
54, 4
13 —
204
28
—
247
59, 5
53
14 —
205
49, 4
29
—
248
55, 5
58. 8
15 —
206
49
54,5
30
—
249
52,6
57
57
16 —
207
50
31
—
250
56, 5
57.5
17 —
208
1«
avril
251
56, 3
58.5
57
18 —
209
50,8
2
—
252
53
19 —
210
3
—
253
58,5
20 —
211
4
—
254
54
55.5
58,6
21 —
212
51, 3
mou
5
—
255
66
52,7
22 —
213
6
—
256
60, 5
59.9
23 —
214
51,8
mou
7
—
257
65,7
59,5
54
55
24 —
215
49, 9
8
—
258
54
57,3
25 —
216
52,5
9
—
259
56,2
57
26 —
217
51,5
10
—
260
54,9
ô*», 2
57,5
58, 7
27 —
218
50,5
11
—
261
60, 5
28 —
219
50,7
53,7
12
—
262
67,1
61,4
60
54,8
1'^ mars
220
51, 7
50.9
13
—
263
56,2
62,2
2 —
221
52, 4
14
—
264
53.8
51,5
55,2
3 —
222
52,2
51,9
15
—
265
57,5
4 —
223
52
51, 9
16
—
266
57,5
58,5
59,5
56
5 —
224
55, 1
17
—
267
54
60,5
6 —
225
49,9
56
54
18
-
268
60,5
(0 Dans tous les tableaux suivants, le signe X représente un œuf mangé, l'indication mou
s'applique à un œuf sans coquille.
VARIATIONS EXPÉRIMENTALES
321
269
270
271
272
273
274
275
276
277
278
279
280
281
282
283
284
285
286
287
288
289
290
291
292
293
294
295
296
297
298
299
300
301
302
303
304
305
306
307
308
309
310
311
312
313
314
315
316
317
318
319
320
gr.
57,5
53
56
54,5
58
53, 2
55
55
53
54.2
52
55, 3
53,5
52
56, 5
53,5
55, 5
56,5
54, 5
56, 5
54, 5
56
53. 3
52,5
57
53, 5
57
55
54
56
51,2
50
56,8
53
50
57, 5
56,8
57, 5
53.5
56,5
58,5
58,5
61,5
58
57,5
61
60
60
57, 5
64
61,5
61
57
61
60,5
61, 5
60, 5
57,5
m,
58
57,9
57
58
59.8
58,5
57
57,2
56,2
58,8
91,4
57
57
56,2
50
57
56,5
59, 5
55,5
55,5
55,5
56, 5
58, 5
59,5
58,5
56, 5
58, 5
61,2
59
57
57
54. 5
60. 3
56, 5
57
60
61
58.8
56,8
55,8
60
61,8
gr-
50. 5
80. 5
55
55
61,3
55
89
57,5
56
58
58
43
56,7
57
57,2
40
88
56
59
58,0
58
55
53, 5
61
54, 5
57,5
55
63
64, 8
56
58,5
62
62,3
DATKS
juillet.
10 juin
11 —
12 —
13 —
14 —
15 —
16 —
17 —
18 —
19 —
20 —
21 —
22 —
23 —
24 —
25 —
26 —
27 —
28 —
29 —
30 —
1"
2
3
4
5
6
7
321
322
323
324
325
326
327
328
329
330
331
332
333
334
335
336
337
338
339
340
341
342
343
344
345
346
347
348
349
350
351
352
353
354
355
356
357
358
359
360
361
362
363
364
365
366
367
368
369
370
371
372
gr.
52
53,2
50,2
50,5
50, 7
50, 7
50
50,5
54
49,3
51
50, 5
5:i, 5
54
54, 3
55
50
51
53, 3
52
52
51, 5
47
in„
57.7
gr.
58. 4
56,5
59,2
57,7
58,5
62,6
59,2
58
58,3
58,8
56,5
58, 5
53,8
56
57,7
58,3
61, 3
60
53
52
m
60, 2
91,5
57,3
60, 3
63,2
58,2
58, 4
56,2
62, 5
63,5
56, 5
56,5
56,5
56.3
52,2
57,7
60
58
57
55
60
58,5
56
57,5
60
58.3
61,3
56,5
62
61, 3
64,5
63,5
59,8
60
58
57
60,5
58,5
60, 5
58,5
322
F. HOUSSAY
DATES
Ilo lllo 111
1" août
373
2 —
374
3 —
375
4 —
376
5 —
377
6 —
378
7 —
379
S —
380
9 —
381
10 —
382
11 —
383
12 —
384
13 —
385
14 —
386
15 —
387
16 —
388
17 —
389
18 —
390
19 —
391
20 —
392
21 —
393
22 —
394
23 —
395
24 —
396
25 —
397
26 —
398
27 —
399
28 —
400
29 —
401
30 —
402
31 —
403
1*' septembre . .
404
2 —
405
3 —
406
4 —
407
5 —
408
6 —
409
7 —
410
8 —
411
9 —
412
10 —
413
11 —
414
12 —
415
13 —
416
14 —
417
15 —
418
16 —
419
17 —
420
56.5
58, 7
58
62
50, 3 60
49, 3 57, 3
58,2
56,8
61
59
57,8
58, 7
56,8
62, 5
58, 3
56, 3
56, 3
57, 5
57,5
59
58
50
55, 8
60
49, 5 57
57
67, 5
59,5
60
50, 5 59, 5
64
63, 8
60
59
58
61
58, 5
58
60, 3
67
58.5
UIl
gr.
62
64,5
64,8
60
60
60
58
DATES
61, 3
60,5
63, 8
60, 5
octobre .
18 septembre. .
19 —
20 —
21 —
22 —
23 —
24 —
25 —
26 —
27 —
28 —
29 —
30 —
1=
lIo. — 127 œufs = 6 k. 671
IIIo. — 67 œufs = 4 k. 049
RÉSUm
II,. -
III, . -
Ilo
lllo
novembre ,
53
56,5
54,7
421
422
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428
429
430
431
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435
436
437
438
439
440
441
442
443
444
445
440
447
448
449
450
451
452
453
454
455
456
457
458
459
460
461
462
463
464
465
466
467
468
176 œufs = 10 k. 195
121 œufs = 7 k. 154
gr-
os, 8
64
62, 7
66
55.5
63, 5
65,5
65,5
62, 5
60
60, 3
58
54,5
55,
58
59
58,
60,2
57,8
58
58
58
61
61,5
58,8
61,5
VARIATIONS EXPERIMENTALES
323
DATES ET POIDS DES ŒUFS DE LA SECONDE GENERATION
GARNI VOEE
DATES
190i
28 janvier
29 —
30 —
31 —
jer février
2 —
3 —
4 —
5 —
6 —
7 —
8 —
9 —
10 —
11 —
12 —
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14 —
16 —
16 —
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18 —
19 —
20 —
21 —
22 —
23 —
24 —
25 —
26 —
27 —
28 —
1" mars . .
2 — ..
3 — ..
4 — ..
5 — ..
6 — ..
7 — ..
8 — ..
9 — ..
10 — . .
11 — ..
12 — . .
13 — ..
14 — ..
15 — ..
201
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228
229
230
231
232
233
234
235
236
237
238
239
240
241
242
243
244
245
246
247
IV2
50,5
51,8
52
52, 5
53,8
56, 7
59,5
56, 3
56,5
68,5
gr.
49
52,3
60,8
57,5
58,5
54
55, 5
55
59, 5
58, 7
60,5
Vllj
Vllh
52
54,5
57
50, 7
50,5
56,8
55
54, 7
58
56, 7
58
59
55
53,7
57
61, 3
58,5
avril .
248
249
250
251
252
253
254
255
256
257
258
259
260
261
262
263
264
265
266
267
268
269
270
271
272
273
274
275
276
277
278
279
280
281
282
283
284
285
286
287
288
289
290
291
292
293
294
295
58
60
57,8
57
58
60
61,3
60
58,3
57
57
57,5
60
64
58,5
58
58
64,8
64
63, 3
64
64
63, 3
67,5
67
67
67
62,5
67, 7
65,5
64
gr
55
60, 5
56,5
56
58
61
59
61
60,5
59
62
59
65
62
59
57,5
60, 7
57
62
55,8
59
56
56
55,5
X
55,5
62
60
X
62,7
60
65, 5
60.5
60, 3
X
60, 5
X
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57,7
59
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X
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58
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X
X
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X
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62,8
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65, 5
58
58,3
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63
58
57,3
58,5
56
67, 5
59
X
59
60
61
63, 7
57, 5
54, 5
60
60, 7
62
65, 3
62. 5
324
V. HOUSSAY
DATES
10
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13
14
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297
298
299
300
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329
330
331
332
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338
339
340
341
342
343
344
345
346
347
lis
66
65
62, 3
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65
68, 7
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67
gr.
58
59
57
58
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9,5
70
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69
68
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66,8
69, 3
67,8
64,5
64, 3
62, 3
62,5
60
60, 7
Vlh
gr.
«0, 5
60
57,3
58, 3
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60
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57. 7
64. 3
62, 8
59. 3
57
Vllh
DATES
63
62
57
58, 5
61, 3
60
62,5
58, 5
60,5
59
59, 8
60
62, 5
61
60
60
60, 8
58, 5
57, 5
57, 3
64,3
62
62
54
54
56
58
63, 5
59
59. 3
59,8
64
60. 7
62, 5
61
56,3
56, 8
61. 5
57
59,5
24
25
26
27
28
29
30
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2
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6
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31
1er
2
3
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6
7
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11
12
13
14
juillet.
août.
348
349
350
351
352
353
354
355
356
357
358
359
360
361
362
363
364
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366
367
368
369
370
371
372
373
374
375
376
377
378
379
380
381
382
383
384
385
386
387
388
389
390
391
392
393
394
395
396
397
398
399
Ih
64. 5
67
63. 5
66. 5
63. 5
65
65
65, 7
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68
71,5
67, 5
65
64, 7
64,
63
63,7
62, 5
61, 5
67, 5
62
63,
64
68, 5
69. 5
64, 3
IV'î
59
64, 5
64
81
61
59, 5
61
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62
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59
58, 5
56, 5
59
57,5
60
60, 5
60, 3
63
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65. 5
63, 3
VII
^ ,
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59
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8
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5
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56
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3
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54
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63
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5
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3
56
60
57
5
Vllh
64, 7
59,5
VARIATIONS EXPERIMENTALES
â25
DATES
15 août
16 —
17 —
18 —
19 —
20 —
21 —
22
23 —
24 —
25 —
26 —
28 —
29 —
30 —
31 —
1" septembre
2
3 —
4 —
5 —
10
11
12
13
14
15
16
1
Il2
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VII2
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64
400
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57,7
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66, 3
66,3
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404
61
65, 3
60,5
405
62
57
406
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62,5
407
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61,5
408
65
409
64
62
410
X
62
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57
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64
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63
57
417
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67
54
419
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65
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420
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65
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70
60
423
68
424
62
60
425
68
58
426
67
67
427
66,3
59,3
428
69
65, 5
59
429
65. 5
60
430
67
61
64
431
64
432
65, 7
66
55
17 septembre
18 —
19 —
20 —
21 —
22
23 —
24 —
25 —
26 —
27 —
28 —
29 —
30 —
l^' octobre .
2
3 —
4 —
.2^
Il2
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433
64,5
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72,5
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64
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68
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64
62, 3
441
68
62, 5
61
442
61
58
443
67,3
444
60
445
71
66, V
446
66
64
447
66
448
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65,7
57
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69.5
64
450
62
451
69
60
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67
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454
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62
458
66,8
459
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67
460
62. 3
461
69
462
67
65
463
464
69
68
465
66
VIII2
II.2 — Œufs pesés . .
Œufs mangés
I Va — Œufs pesés . .
Œufs mangés
y 11-2 — Œufs pesés. .
Œufs mangés
VlIIg — Œufs pesés..
Œufs mangés
34 = 2 k. 116 ]
,^ . , .,>„ ■ 3 k. 112 (ponte arrêtée tumeur de l'oviduete)
ID = K. 996 \
326
P. HOUSSAY
DATES ET POIDS DES ŒUFS DE LA TROISIÈME GÉNÉRATION
CARNIVORE
Jours
DATEi;
de
vie
1902
21
décembi
e . . . 181
22
—
.... 182
23
—
183
24
—
184
26
—
.... 185
26
—
186
27
—
.... 187
28
—
.... 188
29
—
189
30
—
190
31
—
191
1"
janvier
1903 192
2
—
193
3
—
194
4
—
.... 195
5
—
.... 196
6
—
.... 197
7
—
198
8
—
.... 199
9
—
.... 200
10
—
201
11
—
202
12
—
.... 203
13
—
.... 204
14
—
205
15
—
.... 206
16
—
.... 207
17
—
.... 208
18
—
209
19
—
.... 210
20
—
.... 211
21
—
.... 212
22
—
.... 213
23
—
.... 214
24
—
.... 215
25
—
216
26
—
.... 217
27
—
.... 218
28
—
219
29
—
220
30
—
221
31
—
.... 222
1"
février
.... 223
2
—
.... 224
3
—
.... 225
4
—
.... 226
5
—
227
6
—
.... 228
lia
Ill3
48, 3
50, 5
Villa
G4
68, 3
40
44,
48
45, 3
50. 5
46,7
IJATES
7 février
Jours
de
vie
229
230
231
232
233
234
235
236
237
238
239
240
241
242
243
244
245
246
247
248
249
250
251
252
253
254
255
256
257
258
259
260
261
262
263
264
265
266
267
268
269
270
271
272
273
274
276
276
277
Ha
g-r.
49, 5
51
52
52,7
58
53, 5
55,7
54
52
51,7
54
53, 3
54
53
55 5
55
64
53
54
52.7
51, 5
51,3
50
51
54
52
50
49.5
Illa
VIIIs
60,7
64
60
51
62,5
54, 7
55
66,6
64,7
57,5
83,5
66
VARIATIONS EXPERIMENTALES
327
DATES
Jours
de
vie
II3
III3
VIII3
DATES
Jours
de
vie
I'.
m,
VII,
28 mars
278
gr.
51,5
g-'--
54,5
19 mai
330
52,5
gr-
61
gr-
29 —
279
59
55
20 —
331
61
62
62
30 —
280
58
53
21 —
332
51,5
61,5
31 —
281
55,5
60,3
60,6
22 —
333
X
82
1" avril
282
55
57, 5
23 —
334
54,5
51,6
2 —
283
54, 5
61
51, 5
24 —
335
59
64
52.7
3 —
284
54,5
63
25 —
336
55,5
61
53,5
4 —
285
54,5
64
79
26 —
337
53
5 —
286
55,3
52,5
27 —
338
63.6
6 —
287
44,7
66
28 —
339 1
52
66
81
7 —
288
52,5
65
58, 5
29 —
340 1
53,6
64
8 —
289
54, 5
63,7
58, 5
30 —
341
62.5
57
9 —
290
51
63,5
60,7
31 —
342
63,5
52
10 —
291
51, 3
1*'' juin
343
53,5
60
55
11 —
292
65
2 —
344
54
62,5
55
12 —
293
54
63
3 —
345
63,5
55,5
13 —
294
52,5
63
4 —
346
52
64. 5
54
14 —
295
53
62
54,3
5 —
347
51
58
55
15 —
296
52,5
65
48,5
6 —
348
52
16 —
297
51
55,5
7 —
349
60
65
17 —
298
51
62,3
52
8 —
350
47
18 —
299
53
52, 5
9 —
351
63
57
19 —
300
52
57, 3
10 —
352
53
20 —
301
11 —
353
63
52
21 —
302
54, 3
62
55,5
12 —
354
X
53
22 —
303
54,5
64,5
13 —
355
62, 5
52,5
23 —
304
51,7
62
55
14 —
356
65, 5
68,6
24 —
305
53
15 —
357
25 —
306
64
16 —
358
70, 5
26 —
307
51,5
62, 7
54,7
17 —
359
70
66
27 —
308
54
62
18 — •
360
67,5
55, 7
28 —
309
54
64,7
19 -
361
X
29 —
310
54
66
20 —
362
67
30 —
311
55
47
21 —
363
65
62
l"'mai
312
52, 5
64
22 —
364
c
63,7
38
2 —
313
53
65
54
23 —
365
65
3 —
314
54
65
24 —
366
M
63
54,3
4 —
315
52,5
87
25 —
367
5 —
316
52,5
64
59
26 —
368
-
65, 5
54,5
6 —
317
62,5
53
27 —
369
66
7 —
318
57
64
28 —
370
60
8 —
319
65, 5
55,5
29 —
371
63
51
9 —
320
53, 5
59
30 —
372
63,5
10 —
321
52, 3
68, 5
58,5
1" juillet
373
X
57
11 —
322
53
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2 — . ...•
374
55, 5
12 —
323
X
59,5
50,3
3 —
375
X
82
13 —
324
54
mou
4 —
376
67,5
53
14 —
325
51,7
65, 5
50
5 —
377
X
50
15 —
326
51
62, 3
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6 — ....
378
X
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16 —
327
55
7 — ...
379
X
50
17 —
328
54, 5
67, 5
8 — ....
380
18 —
329
55
61
86
9 - ....
381
67
4
3â8
F. HOUSSAY
Jours
Jours
DATES
de
vie
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DATES
de
vie
Ih
1II3
Vil h
gl--
yr.
i;r.
KI-.
g>-
gl--
10 juillet
382
64
54.5
31
août
434
57, 7
11 —
383
61
1er
septembre . .
435
55,5
12 —
384
63
57
2
—
436
59.5
65
53.5
13 —
385
54
3
—
437
57.5
65
51+52
14 —
386
X
4
—
438
55
X
52. 5
15 —
387
65,5
60
5
—
439
54,5
59
49
16 —
388
53
6
—
440
54.5
17 —
389
62
57,5
7
—
441
60
18 —
390
X
8
—
442
57
68
19 —
391
53
9
—
443
57
54.5
20 —
392
62
55
10
—
444
21 —
393
55
11
—
445
60,5
64
55.5
22 —
394
62, 5
50
12
—
446
58
65
23 —
395
67
53,5
13
—
447
56, 3
65
24 —
396
68
57
14
—
448
25 —
397
65,5
50
15
—
449
59,5
68,7
26 —
398
50,5
16
—
450
57.5
27 —
399
65
53
17
—
451
57
71,7
28 —
400
18
—
452
58
70. 5
29 —
401
59
57
19
—
453
30 —
402
56,5
55
20
—
454
59
65,5
31 —
403
52
21
—
455
60,5
l'^août
404
62,5
51,5
22
—
456
60
58
2
405
65
23
—
457
61,7
67
3 —
406
65
55
24
—
458
4 —
407
55
25
—
459
56.5
5 —
408
67,5
26
—
460
57
X
6 —
409
67. 5
mou
27
—
461
70
7 —
410
68, 5
53, 5
28
—
462
61, 3
65, 7
8 —
411
29
—
463
57
65, 7
9 —
412
69
01
30
—
464
56.5
10 —
413
69
54
1er
octobre ....
465
59.5
69.5
11 —
414
64,5
54
2
—
466
12 —
415
66
58
3
—
467
60,5
X
13 —
416
X
52.5
i
—
468
59.5
67
14 —
417
56
5
—
469
65, 5
15 —
418
63, 5
54
6
—
470
59,5
16 —
419
64
56
7
—
471
57
68,5
17 —
420
55
8
—
472
18 —
421
66
52.5
9
—
473
60, 5
19 —
422
54,5
63.5
49
10
—
474
59
20 —
423
51.5
55
11
—
475
21 —
424
53
66
12
—
476
58
22 —
425
56
X
86
13
—
477
23 —
426
58,5
63
49.5
14
-
478
60
24 —
427
59, 5
62, 5
63
15
—
479
57.5
25 —
428
53
16
—
480
26 —
429
63
64
52
17
—
481
62
27 —
430
60
70
mou
18
—
482
28 —
431
57
65,5
19
—
483
61
29 — *
432
58,5
20
—
484
30 —
433
57,7
58
21
—
485
VARIATIONS EXPERIMENTALES
329
DATES
Jours
de
vie
lia
IIl3
Villa
DATES
Jours
de
vie
Il3
IIIs
VIII3
22 octobre
2;-! —
24 —
486
487
488
ST.
60,5
gr-
çr.
25 octobre
26 — ....
27 —
irr.
489
490
491
trr.
58
57
gr.
?■■•
RÉSUMÉ
Il3_ — Œufs pesés 138 = 7 k. 561 7 k. 616
Œuf cassé 1 = k. 54,8 j
III3 — Œufs pesés 137 = 8 k. 723 ) 9 k. 614
Œufs mous ou mangés . 14 = k. 891 )
VIII3. — Œufs pesés 142 = 7 k. 881 j g k. 048
Œufs sans coquille 3 = k. 167 )
AUCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — 4* SERIE. — T. VI. — [V).
330
F. HOUSSaY
DATES ET POIDS DES ŒUFS DE LA QUATRIÈME GÉNÉRATION
CARNIVORE
DATES
Jours
de
vie
V'r
1904
gr.
12
février. . . .
234
60
14
—
236
55,5
16
—
238
54
18
—
240
59
22
—
244
mou
27
—
249
60
29
—
251
60,5
1er
mars
252
61
3
—
254
65
5
—
256
60
6
—
257
64,5
10
-»
261
X
13
—
264
60
14
—
265
59
15
—
266
60,5
17
—
268
66,5
18
—
269
95
20
—
271
63,7
21
—
272
64
23
—
274
60
24
—
275
66,5
25
—
276
65
27
—
278
mou
30
—
281
mou
2
avril
284
60
3
—
285
61.5
5
—
287
65,7
6
—
288
62,5
7
—
289
64
8
—
290
62,5
10
—
292
61
12
—
294
56,5
14
—
296
83,5
15
—
297
38,5
17
—
299
X
18
—
300
87,5
20
—
302
95
21
—
303
63
22
—
304
67,7
23
—
305
65
DATES
24 avril
26 —
27 —
30 —
3 mai.
4 —
6 —
11 —
12 —
14 —
15 —
16 —
17 —
19 —
20 —
22
23 —
24 —
27 —
28 —
29 —
31 —
8 juin. . .
10 —
12 —
13 —
14 —
17 —
18 —
20 —
21 —
23 —
24 —
25 —
26 —
29 —
30 —
3 juillet.
5 —
Jours
(Je
V4
vie
S'''.
306
62,5
308
54.5
309
mou
312
48
]
315
100
316
62,5
318
102
319
65
323
65,5
324
73
326
69
327
101.3
328
63
329
95,5
331
98,5
332
X
334
62,5
335
25
336
60
339
66
340
67,5
341
95,5
343
94
351
65
353
61.5
355
X
356
64,7
357
70,5
360
mou
361
mou
363
69
364
mou
366
110
367
65,5
368
64,7
369
65,5
372
69
373
64,5
376
101
378
67,3
379
66.5
DATES
7 juillet. . . .
8 —
9 —
10 —
11 —
12 —
13 —
14 —
15 —
17 —
19 —
22
23 —
24 —
25 —
27 —
29 —
31 —
2 août
3 —
5 —
6 —
8 —
9 —
10 —
11 —
12 —
13 —
14 —
16 —
17 —
18 —
19 —
21 —
22 —
23 —
24 —
25 —
27 —
28 —
5 septembre
Jours
de
vie
380
381
382
383
384
385
386
387
388
390
392
395
396
397
398
400
402
404
406
407
409
410
412
413
414
415
416
417
418
420
421
422
423
425
426
427
428
429
431
432
440
Vi
104
65
98,5
63,5
51
59,5
93
mou
63
67
mou
69
64.5
68,3
68
72,5
59
68
67,5
96,5
68
65,5
68,5
62,5
62.5
98
45,5
66
67,5
66,5
64
70
70,5
74
104,5
49
68
69,7
71.3
V4 . — Œufa pesés
Œufs sans coquille.
Œufs mangés
RÉSUMÉ
108 = 7 k. 465
9 = k. 622
5 = k. 345
k . 432
VARIATIONS EXPERIMENTALES
331
DATES ET POIDS DES ŒUFS DE LA CINQUIÈME GÉNÉRATION
CARNIVORE
DATES
1905
27 février .
1«' mars.
2
4 — .
11 — .
13 — .
14 — .
16 — .
17 — .
18 — .
20 — .
21 — .
26 — .
27 — .
29 — .
30 — .
1^' avril.
4 — .
6 — .
7 — .
12 — .
13 — .
15 — .
16 — .
18 — .
19 — .
20 — .
23 — .
24 — .
1"' mai .
325
332
Jours !
1
de
Ir.
vie
gT.
269
54
271
54,5
272
84.5
274
52
277
55
281
55
283
49,5
284
56,5
286
58
287
59
288
59
290
91
291
59,7
296
60,7
297
60
299
59,5
300
89
302
mou
305
X
307
50
308
54,7
313
60
314
55
316
57
317
48
319
86,5
320
52
321
55
324
58
DATES
mou
52
Jours
de
vie
333
334
335
338
339
340
343
344
345
347
348
350
351
353
354
357
358
359
360
362
364
366
367
368
370
371
372
373
375
376
378
379
52
54
87,5
39
62.7
mou
95,5
61,5
53
63
101
62,5
62
93.5
mou
mou
mou
59,5
2 mous
^ mous
60,5
2 mous
X
60,5
55,5
67,5
mou
93
92
mou
57,5
60,5
DATES
18 juin
19 —
20 —
21 —
22 —
24 —
25 —
26 —
27 —
28 —
1" juillet.
10
12
13
14
15
16
18
19
20
21
22
23
25
26
28
29
30
le;
2 —
7 —
Jours
de
vie
août.
380
381
382
383
384
386
387
388
389
390
391
393
394
402
404
405
406
407
408
410
411
412
413
414
415
417
418
420
421
422
424
425
430
RÉSUMÉ
I5. — Œufs pesés 78 = 4 k. 958
Œufs sans coquille 15 = k. 953
Œufs mangés 3 = k. 191
S'"'-
65
50,5
61
95.5
60
63
67
62
mou
55
44,5
63
95
61
62
mou
60
65
mou
62
66 ■
40
62
61
mou
63
55
97,5
60,5
64
mou
60,5
58,5
6 k. 102
332 F. HOUSSAY
VARIATIONS DU POIDS
DE DEUX ŒUFS PENDANT UNE INCUBATION CONDUITE A TERME
AVEC LA COUVEUSE D'ARSONVAL
1905. 9 mars (soir)
10 — (matin)
11 — —
12 — —
13 — —
14 — —
15 — — (1)
16 — —
17 — —
18 — —
19 — —
20 — —
21 — —
22 — —
23 — —
24 — —
25 — —
26 — —
27 — —
28 — —
29 — —
(1) A partir de cette date, une éponge humide est laissée dans la couveuse pour maintenir
l'atmosphère saturée de vapeur d'eau.
60 g. 15
»
»
59
77
60 g
;.40
59
29
60
»
58
83
59
50
58
26
59
»
57
61
58
53
57
45
58
32
57
30
58
17
57
18
57
97
57
»
57
85
56
85
57
72
56
70
57
55
56
52
57
36
56
25
57
12
55
98
56
94
55
60
56
54
55
45
56
40
55
13
56
21
55
84
56
05
55
50
55
70
54
15
55
57
ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE
IV« Série, Tome VI, p. 333 à 369, pi. IV.
10 Mai 1907.
NOUVELLES RECHERCHES
SUR LE DÉVELOPPEMENT
DU PHARYNX ET DES CLOISONS
CHEZ LES
HEXACTINIES
PAR
L. FAIJROT
Docteur es sciences, Docteur en médecine.
TABLE DES MATIERES
Pages
Introduction 333
Blastula ciliée (plauula). Gastrula. Mésoderme 341
Développement du pharynx et des quatre couples de cloisons 348
Cause de l'orientation des muscles unilatéraux des cloisons 354
Disque oro-tentaculaire. Stade à 8 tentacules. Origine des paires de cloisons. . . . 3J5
Cycles tentaculaires 359
Conclusions (Développement) 361
Philogénie des Hexactinies. Affinités 362
Index bibliographique 368
Explication de la Planche 369
INTRODUCTIOIf
Cette étude, de même que la précédente (1903), a été faite
sur des embryons de Sagartia lyarasitica et ù'Adamsia palliata.
Depuis qu'ont été publiés le travail d'ANDRES (1884) et celui
de Carus (Prodrome de la faune de la Méditerranée), on réunit
ces deux espèces dans le même genre Adamsia, en désignant la
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. 4» SÉRIE. — T. VI. — (Vl) M
334 L. FATIROT
première : Adamsia Bondeleti. Ainsi que je l'ai déjà signalé
(1903, note de la page 359), c'est à tort que cette réunion a été
faite. Je reviens encore une fois sur cette question de nomen-
clature au sujet de laquelle il me semble ne pas avoir suffisam-
ment insisté.
Les désignations de Sagartia et de parasitica sont de Gosse
(1860), celle d' Adamsia est de Forbes {Ann. natur. hist., vol. 183)
et c'est Andres qui a créé l'espèce Adamsia palUata Avant
Andres, Bohadsh avait décrit la même espèce sous le nom
de Médusa palliata.
Les deux espèces ont en commun les caractères suivants :
Base très adhérente. Au tiers inférieur de la colonne, le tégu-
ment est muni de verrues percées de cinclides et disposées en
deux ou trois rangées. Chez les deux espèces, les tentacules
sont complètement rétractiles. Une particularité importante que
j'ai déjà signalée chez Sagartia parasitica (1895), doit égale-
ment exister, à mon avis, chez les autres espèces du genre.
Elle consiste en ce que les cinclides s'ouvrent directement dans
les loges, pas ou très rarement dans les interloges. Il y a à noter,
en outre, que parmi les six loges de premier ordre, deux : les
deux loges de direction, sont dépourvues de cinclides. Aconties.
Parmi les caractères qui, abstraction faite des colorations,
distinguent les deux espèces, les plus importants et les plus
visibles sont :
Sagartia parasitica : Colonne cylindrique haute. La base
pédieuse peu déformée, mais étalée, est entièrement fixée sur
les coquilles habitées par : Pagurus striatus, Pag. angulatus, etc.
Cette base sécrète une membrane d'origine muqueuse toujours
complètement adhérente aux coquilles. Disque tentaculaire
orienté en haut ou latéralement par rapport au pagure (1).
Nombre et disposition des cloisons toujours symétriques et
biradiales.
Adamsia palliata : colonne très courte. La base pédieuse
(1) Les cas où on trouve Sag. parasitica vivant non accompagné d'un Pagure, doivent
être considérés comme exceptionnels.
DEVELOPPEMENT DES HEXACTINIES 335
très étalée chez l'adulte a une surface proportionnellement
beaucoup plus grande que celle de la colonne. Cette base est
déformée et le plus souvent n'est pas entièrement fixée sur les
coqviilles. Une partie de cette base sert à envelopper l'hôte
intérieur des coquilles. Cet hôte est : Eupagurus Prideauxi, à
l'exclusion de tout autre pagure. La base pédieuse sécrète une
membrane de même origine que celle du Sag. parasitica, mais
elle n'adhère pas, durant toute la durée de son développement,
complètement à la coquille. Le disque tentaculaire est toujours
placé en face de la bouche du pagure mutualiste. Quoi qu'en
dise Gosse, Andres et Jourdan, les tentacules bien que moins
irritables que chez Sag. parasitica sont complètement rétractiles.
Le nombre des cloisons est irrégulier, leur disposition est
asymétrique.
On sait (1895, pp. 195 à 199) que la plupart des traits carac-
téristiques de VAd. palliata résultent d'une déformation pro-
duite par un mutualisme très intime. Je reviendrai sur cette
association dans un autre travail ; mais dès maintenant on
peut voir que, même en tenant compte de l'origine de ces carac-
tères, VAd. palliata diffère trop du Sag. parasitica, pour qu'il
soit possible de réunir l'une et l'autre espèce dans un genre
particulier.
Cependant Verill, le premier, a cru devoir séparer du groupe
des Sagartia le Sag. parasitica et créer pour lui le genre Cal-
liactis, en raison de sa base étalée et de la présence de tubercules
perforés à la partie inférieure de la colonne. C'est en se servant
de ces mêmes caractères que Milne-Edwards et J. Haime ont
fait rentrer le Calliactis dans le genre Adamsia. Andres et
Carus les ont imités. En réalité iL n'y a pas de tubercules chez
Sag. parasitica ; ce que l'on a décrit pour tels sont plutôt des
verrues, des voussures produites par les aconties accumulés et
pressés contre les cinclides. Elles sont peu ou pas apparentes
au niveau des cinclides de deuxième et troisième ordres. Chez
Sag. parasitica et Ad. palliata, les verrues sont bien percées de
cinclides, mais cela, ainsi que leur situation vers la base de la
33(; L. KAIIUOT
colonne, constitue devix particularités d'une valeur insuffisantes
pour justifier la création d'un nouveau genre.
Deux autres caractères : base étalée et membrane adhérente
sécrétée par le disque pédieux sont également considérés comme
étant communs au Sag. ijarasitica et à VAd. palliata. Mais chez
la première de ces Actinies, l'élargissement de la base n'est pas
constant ; il ne peut se produire que lorsque les individus ne
sont pas groupés en trop grand nombre sur une même coquille
habitée par une pagure (leur habitat normal). Quant à la mem-
brane sécrétée par le disque pédieux, elle ne constitue pas une
particularité propre ni au Sag. parasitica, ni à VAd. palliata ;
je l'ai observé chez le Chitonactis coronata et elle existe proba-
blement aussi chez toutes les espèces qui fixées sur des corps
durs et rugueux, ne se déplacent jamais ou seulement à de très
rares intervalles. Cette membrane, d'origine muqueuse et résul-
tant d'une réaction de défense, peut être sécrétée non seulement
par le disque pédieux, mais aussi par la surface même de la
colonne chez certaines espèces absolument sédentaires et vivant
toujours en contact avec des pierres ou avec du sable vaseux :
Phellia, Edwardsia.
Chez VAd. palliata, l'élargissement et la déformation consi
dérable de la base, l'asymétrie de nombre et de disposition des
cloisons ainsi que son Mutualisme exclusif à l'égard d'une seule
espèce de pagure, constituent trois caractéristiques importantes
d'une valeur générique au moins égale à celle du gTOupe des
Sagartia. La dénomination à'Adamsia Rondeleti a donc été
indûment attribuée au Sagartia parasitica (1). Il n'existe
cependant aucune différence dans l'embryogénie des deux
espèc3S. Les embryons sont seulement plus petits et leur déve-
lopp.unent est moins rapide chez Ad. palliata. Chez cette espèce
aussi, le stade à huit tentacules et à huit cloisons présente
une plus longue durée que chez Sag. parasitica.
(1) Synonymie ihi Sagartia paranitica : Actinia effœta Linné; Actinia parasitica Couch ;
Sagurlia effœta V. Fischer; Adamsia effœta Alilne-Kclwards ; Calliactis efjœta P. Fischer;
Adamsia Rondeleti Délie Chiaje et Andréa ; Calliactis polypus Klutziuger.
DEVELOPPEMENT DES HEXACTINIES 337
Mon but, dans ce mémoire, est de préciser les particularités
embryogéniques que j'ai exposées dans mon précédent travail
(1903) et en outre de les compléter et d'en étendre les conclu-
sions. Ces particularités étant en grande partie en contradiction
avec ce qui a été publié sur le développement des Hexactiuies,-
il est utile que je revienne de nouveau à un exposé des opinions
antérieures aux miennes.
Avant le travail précité, il était admis que le pharynx des
Hexactinies résultait uniquement de l'invagination du pôle
oral d'une planula, et d'après la plupart des auteurs, le blasto-
pore ne formait pas la bouche mais l'ouverture inférieure du
pharynx. Quant à la bouche, elle était délimitée par les bords
mêmes de l'invagination ; ou encore, comme chez les Alcyon-
naires, l'ouverture inférieure du pharynx devait son origine à
la perforation du pôle invaginé d'une planula sans blastopore.
E. VanBeneden (1897) s'exprime ainsi : « Le blastopore devient
entérostome et l'actinostome est un orifice de nouvelle forma-
tion.
La bouche des Hexactinies n'avait donc aucune homologie
avec celle des Hydrozoaires qui d'ailleurs n'ont pas de pharynx.
On admettait ainsi que le pharynx était formé, en cas de gas-
trula antérieure, par une nouvelle invagination comprenant à
la fois l'ectoderme et l'endoderme. Quant aux quatre premiers
couples (1) de cloisons, les uns, comme Lacaze Duthiers,
croyaient que leur développement était successif et qu'il n'avait
aucun rapport immédiat d'apparition avec le pharynx. Wilson
et Me MuRRiCH admettaient, au contraire, que la formation du
premier couple était en relation immédiate avec celle du pha-
rynx alors que ce dernier s'éloigne de la paroi pour devenir peu
à peu central. Pour Goette, la formation des quatre couples
(1) Couple, en français, se dit de deux choses de même espèce prises ensemble (Littré).
Exemple : un couple d'œufs. Ne se dit pas des choses nui vont nécessairement ensemble ;
on dit alors : une paire. Les cloisons d'une loge vont nécessairement ensemble, on doit donc
dire dans ce dernier cas seulement : une paire de cloisons. En anglais, les significations de
couple et pair ne paraissent pas être les mêmes qu'en français. Cette terminologie, d'ailleurs
sujette à discussion, n'a été employée que faute d'une meilleure.
338 L. FAUROT
est non seulement indépendante de ce dernier organe mais elle
est même ijostérieure à celle des loges. Enfin Appellof consi-
dère comme inexacte l'opinion de H. V. Wilson et de Me Mitr-
RiCH d'après laquelle il y aurait à l'origine un contact intime
entre le pharynx et la paroi du corps. D'après lui, le pharynx est,
durant le processus entier de son introversion, complètement
entouré par l'endoderme, bien qu'il soit plus rapproché de l'un
des côtés du corps que de l'autre. A toutes ces affirmations
contradictoires, j'oppose les conclusions suivantes résultant de
mes recherches :
La formation du pharynx ne résulte pas de l'invagination
orale d'une planula à deux feuillets, ni de l'introversion du
stomodœum d'une gastrula. Au début de son développement,
cet organe présente l'aspect d'une gouttière faisant partie de
l'un des côtés de la paroi du corps un peu au-dessous de la bouche
de la gastrula. La gouttière pharyngienne se transforme en tube
avec la formation des couples 2-2 ; 4-4 et 3-3. C'est en même
temps que la gouttière qu'api)araissent le premier couple d'abord
et ensuite les trois autres, par un processus pouvant donner
lieu à des interprétations diiïérentes. Ce seraient : ou quatre
replis de la paroi du pôle oral s'accroissant de ce pôle vers le
bas ; ou bien peut-être les intervalles pleins de quatre enfonce-
ments homologues à ceux que Goette soutient avoir observés
chez le Scyphistome ; ou bien encore, les couples pourraient
résulter de plis pénétrant comme des fentes dans la paroi du
corps, fentes rappelant les formations schizocœliques.
Les embryons très nombreux de Sagartia parasitica et d'Adam-
sia palliata que j'ai examinés pour cette nouvelle étude, soit à
l'état vivant, soit à l'aide de coupes, provenaient de pontes artifi-
ciellement obtenues par un procédé que j'avais déjà vu utiliser
par M. François, au Laboratoire de Banyuls en 1890 (1). 11
consiste à placer un certain nombre d'Actinies, quinze à vingt,
dans un même cristallisoir rempli d'eau de mer. Au bout de
(1) La Bianco (1900. Année biologique) a également provociué la ponte des Ophiotryx en
mettant un certain nombre de ces Echinodermeg dans un litre d'eau de mer.
DEVELOPPEMENT DES HEXACTINIES 339
. vingt-quatre à quarante-huit heures, rarement plus, des œufs
segmentés à des stades plus ou moins avancés s'échappent en
grande quantité et flottent à la surface de Teau. J'ai remarqué
que cette méthode avait plus de chances de réussir lorsque les
Actinies avaient été pêchées récemment. A l'état normal, c'est-
à-dire dans la mer, la fécondation, la segmentation et la forma-
tion de la planula se passent vraisemblablement à l'intérieur
du corps ; mais dans les conditions de captivité, les pontes se
trouvent hâtées par l'altération de l'eau résultant de la réunion
d'un grand nombre d'animaux dans un petit volume d'eau et
aussi par l'élévation de la température. Les pontes se produisent
surtout la nuit et le matin, elles sont parfois accompagnées du
rejet de fragments d'entéroïdes et d'amas d'œufs non fécondés
encore inclus dans des portions de cloisons. Ce dernier fait montre
bien que les pontes sont anormales sous le rapport de leur ori-
gine. Elles sont d'ailleurs souvent suivies très rapidement par
la mort et la décomposition des Actinies qui deviennent flasques
ou s'aftaissent en état de contraction incomplète. Le plus souvent
les œufs se développent normalement. Dans les pontes oit il en
est autrement, le développement ne se continue pas au-delà
du stade gastrula, mais avec beaucoup de lenteur. Très peu
d'embryons même y parviennent.
Chez VAdanisia palliata de même que chez Sagartia i)arasiUca
les œufs, segmentés ou non, provenant d'une même ponte sont,
soit blancs, soit de couleur rosée. Ils sont toujours très opaques.
J'ai remarqué que ces couleurs conservées par les embryons
jusqu'à l'état de planula sont aussi celles des acontia de l'indi-
vidu dont les œufs sont issus. La durée des premiers stades de
développement est à peu près la même pour VAdamsia palliata
et le Sagartia parasitica. Cette durée pour chaque période est
sans limite bien fixe.
La segmentation se fait entre six et dix heures.
La blastulation dure de dix à vingt heures.
La formation de la planula, qui à vrai dire n'est dans ce
développement qu'une blastula ciliée, et sa transformation en
340 L. FAUROT
gastrula se fait insensiblement entre la quarantième et la cin-
quantième heure. Vers la soixante-seizième heure environ, les
embryons de l'une et l'autre Actinie peuvent déjà se fixer et lo
plupart de ceux qui sont maintenus dans de l'eau très pure se
fixent en effet au cinquième ou sixième jour. D'autres en très
grand nombre peuvent continuer à nager pendant des mois et
plus. Il est vrai que beaucoup d'entre eux qui s'étaient fixés se
détachent et errent plus ou moins longtemps avant de se fixer
définitivement. A l'état normal, dans la mer, la période de vie
libre doit être très prolongée, car à toute époque de l'année, on
peut par la poche pélagique recueillir des larves à huit cloisons.
C'est ainsi qu'au mois de décembre j'ai pu en observer à Nice.
Chez les embryons élevés dans les cristallisoirs les premières
cloisons commencent à se former dans la larve nageante avant
la fixation. Cette fixation pouvant ne pas être définitive, la larve
nage donc souvent avec huit cloisons bien développées, sans
tentacules. Ou bien, au lieu de nager, la larve progresse au moyen
de ses cils tout en restant en contact avec le fond du cristallisoir.
Cette progression simule une reptation mais en réalité la larv<'
bien que s'appuyant sur une surface solide se sert de ses cils
comme si elle se trouvait entre deux eaux. L'allure de la larve
sans cils des Lucernaires n'est donc pas comparable avec celle
des larves d'Hexactinics alors que celles-ci sont sur le point de
se fixer.
Tandis que chez Adamsia palUata le nombre des cloisons et
celui des tentacules ne s'accroît pas au-delà de huit durant un
ou deux mois, chez Sagartia parasitica l'augmentation du nombre
est beaucoup plus rapide. C'est ainsi qu'une larve de cette espèce,
fixée depuis six jours peut déjà présejiter douze cloisons et douze
tentacules. Durant toute leur vie libre, les embryons ne parais-
sent pas s'alimenter autrement qu'au moyen de leurs réserves
lécithiques. C'est ainsi qu'ayant conservé vivante toute une
ponte d' Adamsia palliata, depuis le 12 mai jusqu'au 12 juin,
je trouvais à cette dernière date les embryons à peu près trans-
lucides alors qu'au début ils étaient complètement opaques.
DEVELOPPEMENT DES HEXACïINrES 341
La partie pharyngienne de leur corps était vide tandis que la
partie postérieure aborale contenait encore quelques éléments
graisseux jaunâtres. Cette transparence ainsi causée par la
résorption de la plus grande partie des cellules de nutrition,
coïncidait avec la période de la vie libre.
BLASTULA. BLASTULA CILIÉE (Planula). GASTRULA.
MÉSODERME
Les segmentations irrégulières de l'œuf continuent à se ]no-
duire dans les blastules de forme irrégulière et très variable que
j'ai déjà décrites (1903, p. 360). C'est par erreur que j'ai signalé
la formation d'une morule, j'avais été trompé par l'aspect sphé-
rique d'oeufs en segmentation très avancée. Les blastules sont
formées de cellules non déformées par la compression des cel-
lules voisines et dont les noyaux sont tous en karyokinèse. Les
segmentations qui continuent à se produire contribuent à com-
bler leur cavité et régularisent probablement ainsi la forme de
ces blastules. La figure 4, pi. V, représente une blastule entière
et les figures 2 et 3 les coupes de deux autres. Aucune règle ne
prévSide à la distribution des blastomères; c'est à peu près la
« Blastomerenanarcliie » signalée par Metchnikoff dans le déve-
loppement de la méduse : Oceania armata. Les cellules qui rem-
plissent les blastules m'ont semblé se produire au début par la
segmentation des superficielles mais il se peut que leur multi-
plication se fasse par un processus semblable à celui de la déli-
mination. C'est l'opinion que j'avais adoptée dans mon travail
de 1903, opinion conforme à celle de Wilson dans son mémoire
sur Manicina areolata (1888). Les parois des blastules sont au
début rapprochées, par places, jusqu'au contact ; aussi devien-
nent-elles un peu translucides durant deux à trois heures. Cette
translucidité disparaît bientôt ainsi que l'irrégularité de toute
la surface par suite, ai-je dit, du comblement de leur cavité
par les cellules nouvellement formées et d'aspect semblable à
celles des parois. Dès que les blastules ont pris une forme S])hé-
rique, presque ovale, on peut les désigner sous le nom de planules.
3i-2 L. FAUROT
car elles se couvrent de cils, se déplacent d'abord lentement
puis plus rapidement ; elles fuient une trop grande clarté. La
bouche n'est visible à l'extérieur que lorsque l'invagination
commence, elle est presque toujours en arrière du sens de la
progression. On peut expliquer cette particularité par un mou-
vement des cils plus rapide dans le sens oro-aboral ; ou bien
la planule étant moins volumineuse à son extrémité aborale
on peut admettre que les cils, agissant avec une égale force dans
les deux sens, cette extrémité doit offrir moins de résistance au
déplacement que l'extrémité opposée.
Sur les coupes, la planula bien développée (fig. 5, pi. V) se
présente comme formée à la périphérie par une couche de cel-
lules allongées vers l'intérieur de la cavité. Dans cette cavité
les cellules se terminent en culs de sacs sans parois distinctes et
à contenu formé de globules de graisse. Leur aspect rappelle un
peu celui des cellules glandulaires que Ton trouve en diverses
parties du corps chez l'adulte.
Cette structure ne concorde guère avec les descriptions clas-
siques de la planula. On décrit cette dernière comme possédant
deux feuillets, l'endoderme étant plus ou moins distinct. Pour
Balfoue, la planula ciliée a deux couches; elle est pourvue d'une
cavité digestive plus ou moins rudimentaire creusée dans le
feuillet interne. Pour Korschelt et Heider, la planula est
pourvue d'un ectoderme cilié et d'une masse intérieure endoder-
mique plus ou moins compacte. Cette dernière définition tend
à enlever à l'endoderme son importance comme couche distincte.
Je crois, d'après ce qui se passe chez Ad. palliata et Sag. para-
sitica, devoir aller plus loin en disant que la planula est chez les
Hexactinies, une blastula pleine ciliée pourvue d'un ectoderme
et d'une masse lécithique intérieure sans trace d'endoderme.
Cette dernière couche, ainsi qu'on le verra plus loin, résulte
d'une invagination typique. Cependant, à la période du dévelop-
pement où nous en sommes, l'embryon couvert de cils et menant
une vie libre représente bien la phase dénommée planula. Une
autre particularité est à signaler : la paroi ectodermique est
DÉVELOPPEMENT DES HEXACTINIES 343
perforée de un et même parfois de plusieurs orifices que Toii
retrouve dans les périodes ultérieures du développement. Ce
sont souvent des perforations s'ouvrant directement dans la
cavité intérieure mais d'autres fois, les orifices se prolongent
plus ou moins loin dans l'épaisseur de l'ectoderme constituant
ainsi de véritables canaux pins ou moins parallèles à l'axe du
corps. La présence de ces canaux à parois revêtues de cellules
semblables à celles de l'ectoderme m'avait fort intrigué et la
recherche de leur origine a été en grande partie cause du long
retard que j'ai mis à l'achèvement de ce travail. Il est vrai-
semblable que lorsque la planula est pourvue de plusieurs ori-
fices, ceux-ci ne sont, sauf un seul qui est la bouche, que le
début d'invaginations anormales.
S'il est encore incertain que la planula soit une répétition
d'une forme ancestrale libre attribuée à tous les Cœlentérés, sa
structure chez Sag. parasitica et Ad. palliata indique du moins
quel est son rôle durant le développement. C'est, en effet, durant
cette phase planula que s'achève l'organisation des cellules
ectodermiques par l'apparition du revêtement cilié et surtout
par la séparation complète des éléments graisseux qui, s'isolant
des autres substances cellulaires, rempliront à peu près complè-
tement la cavité embryonnaire, permettant ainsi à la larve de
vivre jusqu'à la période de fixation définitive (1).
Lorsque cette accumulation de substances lécithiques s'est
produite, une véritable, comiilète invagination, qui probable-
ment a débuté au niveau de la bouche de la planula, s'opère
graduellement dans un laps de temps d'environ douze à vingt
heures. Ce n'est qu'en observant ce phénomène depuis le début
de sa formation que l'on peut cons-tater qu'il se produit réelle-
ment. En effet, la planula étant remplie d'éléments graisseux,
(1) WiLSON (1888) a vu la formation d'une blastosphère avec une très large cavité se rem-
plissant par délaniination pour former une planula pleine. La figure 4 (ju'il donne de cette pla-
nula ne montre aucune trace d'endoderme distinct. Ce n'est que dans la suite du développement
lorsque la niésoglée se forme (Wilson, flig. 5, 6) et que l'endoderme apparaît. P. M. Murkich
(1891) chez Actinoloba (Metridium marginatum) affirme que la couche endoderniique déla-
minée est très difficile, avant l'ouverture de la bouche, à distinguer de la masse nutritive.
344 L. FAUROT
on est tenté de croire, en observant sans transition une gastrula
complètement formée, que celle-ci ne provient pas d'une intro-
version ectodermique, que le vide de sa cavité n'est dû qu'à la
résorption des globules nutritifs de cette planula, et qu'en outre
l'endoderme s'est produit par délamination.
C'est là sans doute le motif qui fait que la plupart des recher-
ches qui ont été faites sur ce sujet ne concordent pas et que
plusieurs auteurs n'admettent pas l'invagination typique chez
les Hexactinies (1). Cependant Jourdan (1879) a observé une
invagination véritable chez Actinia equina. Il note que la cavité
de la gastrula est complètement vide au début. Kowalesky (1873)
lui-même, avait vu chez une Actinie indéterminée, qu'après la
formation d'une morula ciliée il se forme une véritable invagi-
nation, mais il ajoute que les bords de l'ouverture (endoderme et
ectoderme compris) de la gastrula s'enfoncent pour former le
pharynx.
La gastrulation de VUrticina (Tealia) décrite par Appellof
dériverait directement d'une blastula pleine. Chez cette espèce
il existerait à la fin de la segmentation un blastocœle avec une
fausse (unechte) cavité de segmentation remplie dès le début
par une partie de la substance vitelline non segmentée. Ce ne
serait qu'au bout du cinquième ou sixième jour qu'on observe-
rait l'invagination de la blastula et c'est seulement sur la gas-
trula que les cils apparaîtraient. A la fin de la gastrulation, dit-
il, l'endoderme limite une cavité relativement spacieuse qui n'est
cependant jamais vide mais remplie d'une masse graisseuse de
nutrition. Il ajoute : «Es ist jetz derselbe Nahrungdotter, welcher
aus der Blastula in die Gastrulahohle iibertritt ». J'ai moi-même
(1) Kowalesky (1873), chez Actinia parasUica = Sagartia parasitica a vu se former un
amas de cellules sans formation rie cavité de segmentation. Cet amas se couvre de cils après
c|uc la segmentation est terminée. Il apparaît alors à l'une des extrémités un petit refoulement.
Il s'agit là, à mon avis, d'une blastula pleine conservant encore sa forme Irrégulière durant
son passage graduel à la phase de planula. Le naturaliste russe ne croit pas que l'endoderme
se soit formé par invagination, mais il faut dire qu'il n'a pu observer les stades ultérieurs du
développement du Sag. parasitica et que, dit-il, «même par le moyen des coupes on ne saurait
obtenir rien de bon ». Sur Actinia aurantiaca (Grube), Kowalesky observa des embryons à
huit cloisons dont la cavité était remplie de vitellus de nutrition « de sorte, dit-il, qu'évi-
demment l'endoderme ne s'était pas formé par refoulement ».
DÉVELOPPEMENT DES TIEXACTINTES 345
observé le même fait chez Ad. palliata et 8ag. parasitica Appellof
(1900, p. 22-23), donne deux explications de cette migration de
substances lécithiques : ou bien, les matières grasses de la blas-
tula ont été complètement résorbées par les cellules invaginées
pour être de nouveau rejetées dans la cavité delà gastrula; ou
bien, et c'est l'explication qui lui paraît la plus vraisemblable :
les éléments graisseux se sont mélangés par pression réciproque
à la couche de cellules endodermiques et ont passé à travers.
Mes récentes observations, en ce qui concerne l'existence de
l'invagination, concordent avec celles que je viens d'exposer
(KowALESKY, JouRDAN, Appellof), et sout à opposcr à l'opi-
nion la plus généralement adoptée au sujet de la forme la plus
typique du développement des Hexactinies, opinion qui est
ainsi résumée par MM. Y. Delage et Herouard (1901, p. 479) :
« ...une planula se forme par délamination. Au petit bout de
la larve se produit une invagination modérément profonde qui
est le stomodoeum dont le fond se perce d'un orifice. La larve
devient par là en tout semblable à une gastrula, bien que son
origine soit tout autre » (1).
J'ai observé que la blastula pleine se recouvre de cils et
représente ainsi une phase planula pleine sans feuillet endoder.
mique. Cette planula subit une véritable invagination. Pendant
que se forme la gastrula, la masse interne lécithique se résorbe
mais réapparaîtra dans la cavité de cette gastrula ainsi que l'a
observé Appellof sur Tealia. Le stomodœum se transformera
en pharynx non pas par une seconde invagination, mais, ainsi
que je l'exposerai plus loin, par un plissement circulaire de la
couche moyenne se produisant, peut-être, en même temps que le
couple 1-1. L'ectoderme en s'invagiiiant forme une couche bien
distincte, sans discontinuité et sans mélange avec la masse léci-
thique qu'elle refoule tout en la résorbant complètement. La
cavité de la gastrula, je le répète, est vide. Ce n'est que plus
tard, lorsque l'embryon a pris une forme allongée que les élé-
(1) i Car on est porté à attribuer à la continuation de l'invagination pharyngienne la for-
mation de la couche endoderniique que l'on ne voit bien que lorsque la cavité s'est nettoyée. "
346 L. t'AUROT
ments graisiseux réapparaissent et remplissent cette cavité.
Appellof (1900, p. 86) aurait vu cette réapparition s'opérer
de la manière suivante : « Die sicli einstulpende Entoderms-
chiclit drangt sicli ohne ilire epitheliall Verbindung aufzugeben
zwischen die Dotterelemente welche auf dièse weise in die
Gastralhôhle gelangen ». Cette citation diffère p(îu de l'inter-
prétation faite à ce sujet par le même auteur et que j'ai relatée
à la page précédente.
La formation de la gastrula se fait le plus souvent avec régu-
larité, c'est-à-dire que l'ectoderme iutroversé forme une courbe
à peu près parallèle à l'ectoderme extérieur, mais souvent, ainsi
qu'ApPELLôF l'a noté et figuré (taf. 2, flg. 12), cette courbe
est sinueuse de telle façon qu'une proéminence remplit plus ou
moins complètement la cavité de la gastrula. J'ai même vu (piel-
quefois la proéminence très longue et assez mince partager cette
cavité en deux chambres. Des cas semblables ne sont pas rares
et pourraient donner l'idée d'un plissement normal du feuillet
interne, plissement prenant naissance au fond de la cavité gas-
trulaire. Ces cas, de même que tous ceux où la gastrulation ne
se fait pas régulièrement, me paraissent causés parunerésorption
inégale des éléments lécitliiques. Cette résorption se ferait donc
parfois plus rapidement en un point de la cavité de la gastrula
que dans les autres.
La formation de la couche moyenne, mésoglée, mésoderme ou
mésenchyme se produit alors que l'invagination étant terminée
l'endoderme se trouve en contact avec la paroi ectodermique
de la gastrula. Dès ce moment, l'embryon devient beaucoup
plus contractile que dans la période antérieure. Sa forme observée
sur le même individu peut passer de la sphère à l'ovale plus ou
moins allongé. On ne voit cependant aucune trace de fibrilles
musculaires sur les surfaces endo- ou ectodermiques du mésoderme
que l'on persiste à considérer chez les Cœlentérés, comme dépour-
vu de contractilité propre. Spengel l'appelle : membrane basale
et admet qu'il est sécrété à la fois par l'ectoderme et l'endoderme.
Sa destination d'après Hertwig ne serait que celle d'une mem-
DÉVELOPPEMENT DES IIEXACTIN[ES 347
brane de soutien (Stutzlamelle, Stutzsubstanz) et il ne devien-
drait contractile que par rinimigration d'éléments musculaires
endo- ou ectodermiques. C'est là l'opinion généralement adoptée,
opinion que la grande autorité de O. Hertwig a fait passer à
l'état de dogme.
En dehors des faits qui la contredisent, faits que j'ai signalés
en 1895 et en 1903, on peut encore lui opposer d'autres argu-
ments. En premier lieu, c'est sans observation précise et très
vaguement, que Ton a avancé que la couche moyenne des
Hydrozoaires et des Scyphozoaires était un produit de sécrétion.
Les Cténophores ont également une couche de même nature
gélatineuse qui est un mésoderme bien défini et quoique cette
dernière constatation n'ait pas encore été faite chez les autres
Cœlentérés, on ne peut cependant considérer comme n'étant pas
soutenable cette proposition exprimée par Bourne (1900, p. 10) :
« It must be duly borne in mind that mesoblast is nothing more
than an embryological ségrégation of those cells derivedinCœlen-
terata or Diploblastica animais from one or both of the primary
germ layers which are in Cœlomata destined to give rise to the
cœlom and the tissues of its walls « ; et cette autre de Eay Lan-
KASTER (1900, p. 30) : « I think that we are bound to bring into
considération the existence in many Cœlentera of a tissue resem-
bling the mesenchyme of Cœlomocœla. In Scyphomedusœ, in Cte-
nophora, and in Anthozoa branched, fixed,and wandering cells are
found in the mesoglœa which seem to be the same thing as a good
deal of what is distinguished as a mesemchyme » in Cœlomocœla ».
D'un autre côté, à l'opinion qui n'accorde qu'un rôle en
quelque sorte passif à la couche moyenne, ne peut-on pas objecter
le mode de développement de cette dernière chez les Trachy-
méduses 1 Durant ce développement, le déplacement de la vési-
cule endodermique, la formation de l'ombrelle, du manubrium,
du vélum, des tentacules, les modifications de forme et de situa-
tions successives semblent bien, à mon avis, avoir la mésoglée
pour origine. S'il en était autrement, il faudrait admettre que
les très minces revêtements endo- et ectodermiques sont capables
î^48 L. FAUROT
à eux seuls de refouler et comme de pétrir la très épaisse
masse de Stutzsubstauz qui constitue la presque totalité du
corps de la Méduse. De même aussi dans la formation du
nodule médusaire des Leptolides, ne voit-on pas la mésoglée
faire une saillie, se creuser en coupe pour former la cavité om-
brellaire, et au centre de cette cavité pousser eu protubérance
pour constituer le manubrium ou spadice ?
DÉVELOPPEMENT DU PHARYNX ET DES QUATRE COUPLES
DE CLOISONS
Après que la couche moyenne s'est formée, l'embryon vers
la cinquantième heure de son développement subit des modifi-
cations importantes qui d'abord ne changent en rien sa forme
extérieure, laquelle est tantôt ronde, tantôt ovale. On voit seule-
ment le profil de la bouche s'accuser à divers degrés suivant que
les contractions sont plus ou moins fortes. Sur les coupes longi-
tudinales on voit apparaître un peu au-dessous du blastopore
un pli circulaire de la couche mésodermique. Ce pli ne se forme
pas au moyen d'une invagination du stomodœum, car il refoule
seulement devant lui la couche épithéliale qui dans cette région
conserve toujours sa structure ectodermique (fig. 7 et 8, pi. V).
Il résulte de la formation de ce pli qui est la première indication
du pharynx un aspect que j'avais interprété (1903, p. 371) d'une
manière absolument erronée. Le bord supérieur de la couche
moyenne entourant le blastopore m'avait paru résulter d'un
allongement, d'une expansion accidentelle de cette couche et
ne constituait pas, à mon avis, une particularité anatomique.
Mes nouvelles recherches m'ont montré, au contraire, que le
blastopore reste entouré par ce bord supérieur mésodermique
et qu'il persiste ainsi, chez l'embryon, comme ouverture supé-
rieure du pharynx. Dans cette région stomodœale la couche
moyenne d'abord simple devient donc bifide par suite de la
formation d'un pli transversal. Cet aspect bifide ne se montre
pas sur toutes les séries de coupes longitudinales ; il manque en
certaines régions et sur celles qui ne sont pas pratiquées suivant
une orientation convenable.
DEVELOPPEMENT DES HEXACTINIES 349
Sur des coupes transversales, on remarque qu'en réalité il
existe deux plis, un à droite et l'autre à gauche. Ils figurent une
gouttière ouverte du côté dorsal (1).
Plusieurs coupes transversales ont été représentées dans le
texte de mon précédent travail (1903, p. 372).
Exactement au côté ventral, la couche mésodermique de cette
gouttière reste en partie unie, confondue avec la paroi stomo-
dœale. Ce n'est que plus tard, alors que la gouttière se sera
formée et se sera transformée en véritable pharynx tubuleux,
que les deux parois : celle du pharynx et celle du stomodœum,
s'isoleront complètement l'une de l'autre.
La gouttière pharyngienne étant formée, le couple ventro-
latéral (couple 1-1) apparaît probablement après, par suite de la
formation de deux autres plissements ayant une direction oblique
de haut en bas et d'arrière en avant (c'est-à-dire en allant du
côté dorsal vers les côtés latéraux), direction oblique par consé-
quent à celle des deux premiers plissements que nous venons de
voir donner naissance à la gouttière. Mais je n'ai aucune certi-
tude à ce sujet et j'admets comme possible que la gouttière
et le couple 1-1 se soient formés en même temps et qu'ils ne
doivent leur origine qu'à deux plissements qui leur sont com-
muns, chacun d'eux : le droit et le gauche étant transversal pour
la gouttière et oblique pour le couple 1-1. Il est possible que
chaque plissement ait débuté en formant les deux lacunes trian-
gulaires que j'ai décrites et figurées (1903).
Je continue cependant (ma description en sera plus claire)
à supposer que le couple 1-1 est formé par deux nouveaux plis-
sements obliques à ceux qui ont formé la gouttière.
(1) Il me semble qu'il n'y a aucun inconvénient à conserver ces expressions : ventral,
dorsal, bien qu'il n'y ait ni dos ni ventre chez les Actinies. Elles ont été employées par Kolliker
pour les individus de Pennatules, avec la même signification que pour les fleurs zygomorphes,
c'est-à-dire que cet auteur nomme ventral le côté tourné Vers la tige et dorsal le côté opposé.
Chez les Hexactinies on nomme ventral le côté qui paraît homologue au côté ventral d'un
polype d'Alcyonnaire, c'est-à-dire celui vers lequel sont tournés les muscles unilatéraux du
plus grand nombre (six sur huit) des premières cloisons. Les termes sulcus et sulculus préférés
par Haddon et d'autres, ne peuvent trouver d'application que chez les Actinies qui ainsi que
le Peachia ou le Cerianthus ont un syphonoglyphe plus développé que l'autre.
AHCH. DE ZOÛL. EXP. ET GEN. 4" SÉlUE. T. VI. — (vi). 25
350 L. FAtJROT
Il ne m'a pas été possible même à l'aide de coupes faites sur
de très nombreux embryons, de déterminer la limite supérieure
de ces derniers plissements, car si vers le bas, dans la cavité du
corps, on les voit se terminer par deux forts bourrelets quelque-
fois visibles de l'extérieur à travers les parois de l'embryon, il
n'en est pas de même en haut, où l'extrémité orale de celui-ci
subit une déformation remarquable que Wilson (1888) a figurée
sans y faire aucune allusion dans son mémoire et dont Appellop
au contraire fait mention (1900). Cette déformation résulte de
ce que la région supérieure et dorsale de la cavité du corps se
soulève et surplombe le blastopore, qui de central devient excen-
trique en étant repoussé du côté ventral. Peut-être s'agit-il là
d'un refoulement comparable à ceux que Goëtte (1887-1897)
dit avoir vu se produire chez Aurélia aurita et qui aboutissent
à la formation des poches stomacales ? En tous cas, il ne me
paraît pas invraisemblable que les deux nouveaux plissements
se rapprochent et se réunissent pour n'en former qu'un seul
situé en haut et en avant du refoulement dorsal. Vers le bas,
ils se dirigent l'un à gauche et l'autre à droite de la gouttière
pharyngienne, y adhèrent et se prolongent inférieurement pour
constituer les deux cloisons ventro- latérales, c'est-à-dire le
couple 1-1. Ce couple, ainsi que l'a remarqué de Lacaze-
DuTHiERS, partage la cavité du corps en deux chambres iné-
gales. La plus grande correspond à la région dorsale dont le
sommet, ai-je dit, s'est exhaussé. La petite chambre correspond
à la gouttière et à la bouche.
En examinant des séries de coupes transversales faites sur de
très jeunes embryons, la direction oblique de dehors en dedans
et d'arrière en avant des cloisons 1-1 est manifeste. Chez l'em-
bryon représenté sur la planche V, figures de 14 à 20, une seule
de ces cloisons est apparue (fig. 17), l'autre devant apparaître
plus tardivement. Cette avance dans la formation de l'une des
deux premières cloisons est très fréquente et montre qu'il y a
une indépendance relative dans leur formation. Cette indépen-
dance explique l'erreur de H. Wilson qui croyait que le
DEVELOPPEMENT DES HEXACTINIES 331
pharynx se déplaçait pour la formation de l'une et de l'autre
cloison 1.
Sur les figures 11, 12, 13, de la planche V les cloisons 1-1
subissent un changement d'orientation ; leur obliquité de dehors
eu dedans et d'arrière en avant diminue, elles tendent à prendre
inférieurement la situation transversale et radiale qu'elles auront
chez l'adulte. Des exemples semblables se voient dans la planche
XIV. figures 6-4, 63, 00 et planche XV, figures 07, 08 de mon
précédent travail (1903).
La longueur et l'épaisseur du revêtement endodermique
(entéroïdes) du bord
libre de ces deux pre-
mières cloisons pren-
nent très rapidement
des dimensions relati-
vement grandes. C'est
pourquoi on est auto-
risé à croire que leur
apparition a précédé
celle du couple dorso-
latéral (2-2) et celle du
couple dorsal (4-4), bien
que des traces de ces
quatre dernières cloi-
sons puissent se rencon- PiG. I. Au centre : Disposition schématique des couples au
trer sur les mêmes liré- ^^^^^^ '^^ ^^^^ développement. Le couple 3-3 n'est visible
' A ^ que lorsque la gouttière se rapproche du centre. A la péri-
parationS d'embryons phéne .■ l'orientation des muscles unilatéraux au stade 8
^ . . (c'est-à-dire la période où ces cloisons sont régularisées)
t/ieS jeunes. IVlaiS ces ggj gj^ rapport avec l'obliquité de ces mêmes cloisons chez
cloisons 2-2 et 4-4, sont l'embryon. .
au début si petites et si peu distinctes que H. Wilson admet
qu'elles se forment d'une tout autre façon que les deu:^ pre-
mières. Selon cet auteur, tandis que le couple 1-1 prend nais-
sance par contact du pharynx avec les parois du corps, le
deuxième couple « appear in the larger chamber as longitu-
dinal ridges of the supporting lamella, which cause no élévation
352 L. FAri{()T
of the eadoderm » (1888, i). 209). D'après le même auteur,
p. 207 (1888) toutes les cloisons qui naissent ultérieurement
se forment de la même manière que le second couple. La remarque
qu'il fait que les « ridges of supporting lamella » ne causent pas
d'élévation de l'endoderme est d'une grande importance. On en
peut déduire que les cloisons ne se forment pas, ainsi qu'on
l'admet avec O. Hertwig, par un repli de l'endoderme entraî-
nant avec lui une lame de mésoderme. Dans la planche V,
figure 13, on voit un exemple du fait signalé par H. Wilson.
Les deux encoches de l'endoderme, au côté ventral, correspon-
dent à la place qui sera occupée par les cloisons 3-3. D'après
l'opinion que je viens de rappeler, l'endoderme en ce point
devrait, au lieu de deux encoches, présenter deux saillies. Dans
la planche XIII, figure 44 (1903) j'ai figuré une disposition
semblable qui est d'ailleurs fréquente (1),
Aux particularités que j'ai déjà signalées (1903, pp. 384 et 390)
au sujet du mode de formation des trois couples 2-2 ; 4-4 et 3-3,
j'ajouterai que leur origine semblable à celles des paires, c'est-
à-dire causée pour chacun de ces couples par une fente produite
dans le mésoderme, me semble pouvoir être interprétée d'une
façon un peu différente. Cette fente n'est peut-être qu'une appa-
rence due à un plissement très oblique n'intéressant qu'une faible
épaisseur de la couche moyenne de la paroi et pénétrant graduel-
lement (comme une fente) dans l'épaisseur de cette couche. Le
mode d'origine des couples 2-2 ; 3-3 ; 4-4 interprété de cette
manière peut également être celui du couple 1-1. D'autre
part, l'orientation des couples 2-2 et 4-4 par rapport à l'axe
dorso-ventral de l'embryon est au début parallèle à celle du
couple 1-1, c'est-à-dire que ces cloisons sont dirigées oblique-
ment de haut en bas, d'arrière en avant et de dehors en dedans.
Quant aux cloisons ventrales 3-3 elles sont certainement, parmi
les quatre couples, celles qui se sont formées au niveau le plus
bas. Tant qu'elles ne se sont pas montrées, la paroi ventrale du
(1) J. PL. Mo MURRICH (1891. p. 127) dit : « the lines of origin of the other paire are indi-
cated by dépressions of the endoderm ».
DÉVELOPPEMENT DES HEX ACTINIES 353
pharynx demeure confondue avec la paroi du corps de l'em-
bryon, la bouche reste excentrique et la région dorsale du corps
(c'est-à-dire celle qui est située en arrière du couple 1-1) est
plus grande que la région ventrale (c'est-à-dire celle qui est
située en avant du couple 1-1). Leur formation fait disparaître
cette inégalité d'étendue dans les deux chambres primitives et en
même temps disparaît l'obliquité des six cloisons apparues anté-
rieurement. C'est alors aussi que le pharynx d'abord rapproché
de la paroi est, par suite de l'allongement et de l'élargissement
des quatre couples, transporté exactement au centre de la cavité
gastrique, tandis que les huit cloisons deviennent géométrique-
ment rayonnantes.
D'après ce qui précède, il est normal que la chambre dorsale
soit en même temps plus large et plus haute que la chambre
ventrale. Cependant sur des embryons très épanouis dont le
pharynx subit un commencement d'extroversion, il n'y a pas
de différence d'élévation entre les deux chambres et le blasto-
pore, quoique excentrique, correspond à peu près au sommet du
pôle oral. C'était le cas pour les deux embryons figurés dans mon
travail de 1903, planches XII et XIII. Des embryons con-
tractés peuvent aussi présenter des déformations qui pourraient
faire croire à des anomalies.
J'ai observé un cas dans lequel les couples 1-1 ; 2-2 ; 1-1, tout
en présentant l'obliquité normale montraient, sur des coupes
faites de haut en bas, un déplacement vers la gauche, de telle
sorte que la cloison 1 de gauche se rapprochait de sa voisine 3
et que du même côté le couple 4-4 se rapprochait de la cloison 2
de gauche. Cette dernière se terminait à la base près de la
cloison 1 précédemment désignée^ Les cloisons du côté droit
suivaient symétriquement celles du côté gauche. Il y avait, en
somme, une torsion senestre. Je ne crois pas qu'il s'agisse là d'une
véritable anomalie, mais seulement d'une exagération dans le
retard très fréquent qui existe dans le développement d'un côté
sur l'autre côté. Ce fait mérite néanmoins d'être signalé car il
montre que la croissance des deux côtés peut ne pas se faire
354 L. FAUROT
en même temps. Cette indépendance relative dans le développe-
ment des cloisons est presque normale chez certains Anthozoaires
adultes, les Zoanthes par exemple chez lesquels le nombre des
cloisons est le plus souvent un peu plus considérable d'un côté
que de l'autre. Chez les Oérianthes où les cloisons, ainsi que je
l'ai démontré (1895), sont disposées en groupes de quatre (quatro-
sarcoseptes), cette inégalité de nombre est encore plus marquée
que chez les Zoanthes. La signification comme preuve d'une
indépendance relative de croissance était des plus remarquable
dans un spécimen dans lequel j'ai observé que tous les quatrosar-
coseptes du côté gauche présentaient une disposition absolument
inverse de celle de tous les quatrosarcoseptes de l'autre côté.
La majorité des véritables cas d'anomalie que j'ai eu l'occa-
sion d'examiner chez 8ag. parasitica et Ad. palliata, consistait
dans les dimensions plus grandes que prenait la chambre ventrale
par rapport à celles de la chambre dorsale. Dans ces cas, le
pharynx était situé, suivant la règle, dans la chambre ventrale.
Cause de rorientation des muscles unilatéraux des cloisons.
On s'est demandé (1901, p. 465) quel était le motif de la
situation symétrique des muscles unilatéraux (longitudinaux)
des cloisons. Pour les paires, la cause de cette disposition s'ex-
plique parfaitement par leur mode d'origine (1903, p. 390 ;
fig. XIV). Pour les quatre premiers couples il est très remar-
quable que la situation des muscles unilatéraux a un rapport
précis avec la direction oblique de ces couples à leur origine
(voir p. 351, fig. I).
D'autre part, l'orientation des muscles unilatéraux aussi
bien sur les couples que sur les paires, ne i)eut avoir aucune
relation avec le fonctionnement de ces muscles. Chez Aure-
liana, j'ai montré (1895, pi. I, fig. 1) que ces muscles peuvent
prendre une situation inverse par rapport à l'orientation nor-
male, et même comme chez Edwardsia Adenensis (1895, fig. 8,
p. 123), cette situation peut être quelconque. C'est donc seule-
ment dans leur mode de développement que l'on peut trouver
DÉVELOPPEMENT DES HEXACTINIES 335
la cause de rorientation des muscles unilatéraux. Me Murrich
(1891) a émis l'opinion que les muscles ont déserté la face
loculaire des cloisons directrices, la loge ayant besoin d'être
large en raison de ses rapports avec le syplionoglyphe. Cette
opinion singulière est contredite par le résultat de mes recher-
ches, et en outre elle repose sur une observation inexacte, car
chez le Peachia (1895, pi. IX, fig. 1) le syphonoglyphe, pourtant
de très grande dimension, ne se loge que très peu entre les
cloisons directrices.
Disque oro-tentaculaire. Stade à 8 tentacules. Origine des paires
de cloisons.
J'ai exposé (1903) comment le disque oro-tentaculaire devait
son origine uniquement à la formation
de ces appendices. C'est d'ailleurs à ,/■/'.•.'/'
cette origine qu'il doit aussi sa struc-
ture histologique différente de celle <■. A ^/j ) \\
des autres parties de la paroi du ..^"^Mfl
corps. J'ai montré en outre ici
même, qu'avant cette formation du
disque oro-tentaculaire , la bouche
était entourée par un anneau de
mésoderme et que le pharynx s'était
formé indépendamment de cet orifice
dans la partie moyenne du stomo-
dœum (fig. 7 et 8, pi. V). Chez la larve à
huit tentacules alors que le disque oro-
tentaculaire présente déjà une assez
grande surface et à plus forte raison chez
l'adulte, on ne retrouve plus trace de
l'anneau • mésodermique. En même temps que les tentacules se
sont montrés, cet anneau a été divisé et comme découpé longitu-
dinalement en autant de tranches qu'il y avait de cloisons et ces
tranches ont constitué les lobes péristomiaux terminant la base
orale des tentacules. Ces lobes ont augmenté en nombre égal à
FIG. H. Cône buccal et formation du
disque oro-tentaculaire au stade 8.
— A gauche ■' côté d'une cloison
avant le développement des tenta-
cules ; à droite ■' côté d'une loge
avec tentacule ; c. b., cône buccal.
336 L. FAUROT
celui des nouvelles cloisons. Chez les Actinies bien épanouies les
cavités de ces lobes coniuiuniquent les unes avec les autres par
les orifices cloisonnaires (canal péribuccal) qui existent chez
toutes les espèces de ce groupe. Il me i>araît vraisemblable que
Texistence de ces orifices a quelque rapport avec la formation
des lobes péristomiaux de même que les orifices qui forment un
second canal entre les muscles unilatéraux et les parois du corps
(canal périseptal) doivent avoir une relation avec la formation
du disque pédieux. En effet, je n'ai pas observé de canal péri-
septal chez les Actinies dépourvues de disque pédieux : Peachia,
Ilyanthus, etc., tandis qu'il en existe constamment chez toutes
les Actinies non pivotantes.
Le stade à huit tentacules durant lequel apparaît le disque
oral a été constaté chez toutes les Hexactinies dont on a suivi
le développement. A cette période dont la durée peut être très
courte, quelques jours chez Sag. yarasitica ou très longue, un
ou deux mois chez Adams. palliata l'embryon ne peut être
comparé d'une façon absolue à une Edwardsia adulte car celle-ci
a toujours, ainsi que je l'ai démontré, au moins seize cloisons
dont huit rudimentaires (1).
S'il ne paraît pas douteux que l'apparition des huit premiers
tentacules soit une conséquence du passage de la vie errante à
la vie fixée de l'embryon, il n'en est pas de même pour l'aug-
mentation du nombre des cloisons au-delà de huit. Durant la
vie pélagique ce nombre pourrait augmenter jusqu'à vingt-
quatre si l'on s'en rapporte au mémoire de E. van Beneden
(1897) sur les Anthozoaires de la Plankton-Expedition. D'après
cet auteur, les larves recueillies étaient toutes totalement dé-
pourvues de tentacules et avaient de huit à vingt-quatre cloisons.
Chez les larves à vingt-quatre cloisons, les couples 5-5 et 6-G
n'étaient pas encore complètement formés et les six paires de
(1) J. PL. Me MURRK'H (1904. p. 218) rtit très inexactement que c'est ANDRES (1880) qui le
premier a observé la présence de cloisons rudimentaires dans une Edwarsie. ANDRES n'a observé
que huit cloisons et d'après la légende de sa figure 7 il a voulu figurer en coupe la base des
seize tentacules. J. PL. Me Murrich lui-même ne se serait certainement pas hasardé à voir
autre chose dans cette figure s'il n'avait pas pris connaissance de mon travail de 1895, p. 112.
DÉVELOPPEMENT DES MEXACTINIES 357
deuxième ordre étaient encore plus réduites. L'absence de ten-
tacules chez des larves aussi développées ne peut être attribuée
au peu d'utilité qu'auraient ces appendices durant la vie libre,
puisque on en trouve chez les Méduses et aussi chez les Arach-
nactis. La vie fixée n'en paraît pas moins une condition beau-
coup plus favorable à leur production plus nombreuse. Chez
certaines Actinies pivotantes pouvant véritablement ramper et
s'enfoncer de nouveau {Peachia, Halcampa, Ilyanthns), les ten-
tacules et les cloisons sont en effet comparativement moins
nombreux que chez la plupart des Actinies fixées.
Il est vraisemblable que dans la vie libre nageante des Arach-
nactis ou dans la vie en partie rampante, en partie fixée du
Peachia, de l'Halcampa et de Y Ilianthus , les tentacules ne servent
qu'à la préhension de proies mortes ou presque dépourvues de
moyens de défense. Des cloisons musculaires très nombreuses et
très puissantes ne leur sont donc pas très nécessaires. Leurs
cloisons sont d'ailleurs dépourvues de muscles pariéto-basilaires.
Les Actinies fixées bien que se déplaçant parfois au moyen de
leur pied adhésif, possèdent toujours au moyen de cet organe
un point d'appui très résistant, durant les contractions des
muscles pariéto-basilaires et unilatéraux de leurs très nom-
breuses cloisons. Le fonctionnement des . tentacules acquiert
ainsi chez elles une plus grande importance que chez les Acti-
nies pivotantes, pour la préhension, le maintien et le transport
dans le pharynx de proies volumineuses et se défendant vigou-
reusement.
J'ai décrit le développement des paires de cloisons (1903,
p. 390, 393, fig. XI, XII et XIV du texte). J'y reviens encore
une fois pour ajouter quelques nouveaux exemples à ceux que
j'ai déjà rapportés et aussi pour modifier en partie l'interpréta-
tion que j'en ai donnée. Ces exemples se rapportent à un PalytJioa,
à trois Cérianthes et à un Madreporaire ; je les signale ici, parce
qu'ils ont même signification que ceux que j'ai déjà notés chez
les Hexactinies. Ils viennent confirmer mon opinion qui est que :
les deux cloisons constituant une paire ne se forment pas indé.
358 L. FAUROT
pendammeiit l'une de l'autre ; elles sont à l'origine réunies en
une seule lamelle qui, par rapport à la paroi du corps, présente
un aspect pouvant se comparer à la corde d'un arc. C'est cette
corde qui en se rompant en son milieu formera la paire de cloi-
sons. Voici ces faits qu'il est assez rare d'observer, probable-
ment par suite de la rétraction habituelle de la partie du corps
(région péripharyngienne) oii il est seulement possible de les
constater. Cette rétraction est difficile à éviter malgré toutes
les précautions techniques.
Chez un Palythoa, G. Muller (1884, fig. 3) représente une
coupe pratiquée en haut de la région pharyngienne. On y voit
une paire de cloisons microseptales soudées en arc par leurs
bords qui normalement sont libres. Ce genre de cloisons n'at-
teint jamais le pharynx. E. van Beneden (1897, pi. IV, fig. 4
et pi. XIII, flg. 2, 3, 4, 5 et aussi p. 129, fig. XXVI) figure des
paires soudées en arc chez des Cérianthides dont les points de
multiplication étaient multiples. Chez ces spécimens, à mon
avis, la formation des cloisons s'est trouvée ralentie par suite
de la multiplicité de ces points, de telle sorte qu'elle a laissé
trace de son processus, lequel reste inaperçu dans les conditions
ordinaires du développement. Enfin Duekjden (1902, fig. 6,
p. 62) a représenté deux paires de cloisons en arc chez un Madré-
pore. En outre il me semble probable que les quatre schémas de
la figure 8, page 63 du même travail, représentant des coupes
prises à diiïérents niveaux d'un polype isolé, se rapportent
également à la formation d'une paire de cloisons. Il s'agit d'une
cloison qui se partage en deux nouvelles ; au sommet de la
cavité du corps elle figurait sans doute une corde dont une
portion de la paroi était l'arc.
J'avais expliqué (1903, p. 391) la formation de la petite cavité
comprise entre la paroi et la lamelle mésodermique formant la
corde de l'arc, eu présentant cette formation comme une sorte
de schizoccele, schizoccele qui plus tard se serait transformé en
loge. Ce que j'ai observé chez Bunodes thallia, Peachia hastata
Sag. parasitica et Ad. palUata semble indiquer en effet que le
DEVELOPPEMENT DES HEXACTINIES 359
développement des pairevS de cloisons s'est passé d'après ce
processus, mais comme la cavité de la future loge se trouvait
toujours, dans ces exemples, ouverte en bas et quelquefois en
haut de la colonne, je crois pouvoir donner une seconde inter-
prétation de son origine. Cette interprétation est d'ailleurs la
même que celle que j'ai exposée ici même, page 352 pour les cou-
ples 2-2, 4-4, 3-3, c'est-à-dire que la fente scliizocœlique n'est
peut-être qu'une apparence due à un plissement très oblique
vers le haut, n'intéressant qu'une faible épaisseur de la paroi
mésodermique. Ce plissement s'élargirait aux dépens de cette
paroi et prendrait les dimensions d'une loge, et en se rompant
du côté intérieur formerait une paire de cloisons.
Cycles tentaculaires.
La formation des cycles tentaculaires à partir du stade 12
a été présentée comme se passant d'après de nombreuses lois
compliquées (1901). En réalité, d'après mes conclusions pour-
tant déjà anciennes (1895), cette formation se produit d'une
manière logique et assez simple, et il n'est pas nécessaire pour
l'exposer de traiter le sujet algébriquement comme cela a été
fait.
Pour la comprendre (1895, p. 95, fig. 6) il faut se rappeler que
les paires de cloisons arrivées au terme de leur développement
sont disposées d'après leur ordre de dimension et que les tenta-
cules, les uns loculaires, les autres interloculaires, ont toujours,
au terme de leur développement, des longueurs en rapport avec
l'ordre de dimension des loges et interloges dont ils sont les pro-
longements. En d'autres mots : la symétrie radiaire des ordres
de paires de cloisons sera toujours reproduite par les prolonge-
ments loculaires et interloculaires des loges et interloges (1).
Il faut se rappeler en outre, que dans le développement d'un
nouveau cycle :
a) Les nouvelles paires ne naîtront pas au milieu des inter-
(1) La symétrie biradiale ne sera révélée à l'extérieur que par les deux commissures buc-
cales.
360 L. FATJROT
loges mais sur un des côtés de celles-ci, chaque paire nouvelle
divisant une interloge du stade précédent en trois parties : une
loge et deux interloges. Le tentacule de l'interloge ainsi divisé
est destiné à prolonger l'une des deux nouvelles interloges. Les
deux autres parties auront donc à acquérir chacune un tentacule
(un loculaire et un interloculaire).
h) Les tentacules loculaires tendent toujours à prendre une
longueur et une situation en rapport avec l'ordre de dimension
des loges dont ils sont les prolongements.
c) Les interloculaires restent toujours plus petits que les
loculaires nés soit avant, soit en même temps, soit après eux.
Leurs dimensions, plus petites que celles des loculaires, sont en
rapport avec les dimensions des interloges, dimensions toutes
plus étroites au début, que celles de toutes les loges surmontées
de tentacules. Leur situation au rang le plus extérieur des
cycles tentaculaires régularisés (Cycle 12 = 6 locul + 6 interloc.
Cycle 24 = 12 locul. + 12 interl. Cycle 48 = 24 locul + 24 in-
terl., etc.) résulte de ce que les interloges sont les parties du
corps où l'accroissement s'est produit en dernier lieu.
Il sera maintenant facile de comprendre (1895, p. 95, fig. 6)
en se reportant aux paragraphes a, b, c qui précèdent, que pour
la formation d'un nouveau stade tentaculaire, exemple : pour
que le stade 6 loculaires + 6 interloculaires passe au stade
12 loculaires + 12 interloculaires :
a) Il doit apparaître un loculaire et un interloculaire à côté
de chacun des six interloculaires du stade 6 locul. + 6 interl.
b) Les six loculaires nouveaux, en grandissant, acquerront
une longueur et une situation sur le disque tentaculaire en rap-
port avec la dimension des six loges de deuxième ordre dont ils
sont les prolongements.
c) Les six interloculaires nouveaux en grandissant, ne dépas-
seront pas la longueur des interloculaires anciens et seront avec
eux relégués au dernier rang, rang qui est en rapport avec la
dimension des interloges toutes plus étroites que celles des loges
surmontées de tentacules.
DÉVELOPPEMENT DES HEXACTINIES 361
CONCLUSIONS (Développement).
La segmentation irrégulière aboutit à une blastula remplie
de substance lécitliique. Cette blastula, d'abord de forme irré-
galière, bosselée, devient sphérique, se couvi-e de cils et se perce
d'un et parfois de plusieurs orifices. Elle présente alors l'aspect
extérieur d'une planula. Elle ne possède cependant que l'ecto-
derme formé de cellules se confondant à l'intérieur de la cavité
avec la substance lécithique. Cette planula se transforme en
gastrula par une invagination typique ayant pour point de
départ un orifice de la surface. L'invagination est complète
malgré la présence de la masse de nutrition intérieure. Cette
masse réapparaît plus tard dans la cavité de l'embryon. Une
couche moyenne contractile se forme dès que la gastrulation
est terminée et presque eu même temps le pharynx prend nais-
sance non pas par invagination du blastopore, mais par un
plissement de la couche moyenne, dans la région médiane du
stomodœum. Le couple 1-1 apparaît, peut-être formé par le
même plissement, peut-être aussi par un plissement indépen-
dant, oblique de haut en bas et d'arrière en avant. La formation
de ce couple 1-1 peut s'interpréter, de même que celle des cou-
ples 2-2, 4-4 et 3-3. comme résultant de plissements obliques du
mésoderme de la paroi. Ces plissements, à leur point d'origine,
pénétreraient comme des fentes dans l'épaisseur du mésoderme.
Le couple 3-3 apparaît un peu plus bas et, semble-t-il, plus tar-
divement que les trois autres couples. Il me semble probable que
la formation du pharynx n'est pas indépendante de celle des couples
du stade 8. Ce sont peut-être ces cloisons qui l'ont formé. A partir
du stade 12 les paires de cloisons se forment de chaque côté de
l'axe commissural par des processus semblables à ceux qui, sur
cet axe, ont pu donner naissance aux quatre couples de cloisons
du stade 8.
302 I- PAUROT
PHILOGÊNIE DES HEXACTINIES, AFFINITÉS
On peut imaginer que les Autliozoaires ont eu un ancêtre
pro-Edwardsia (Bourne, 1900, p. 55) à symétrie bilatérale et
aussi biradiale, pourvu seulement de huit mésentères. De cette
forme serait descendu VEdwardsia qui avec huit cloisons com-
plètes a toujours au moins deux paires de cloisons de second
ordre et le pro-Halcampa qui aurait eu six paires de cloisons
(stade 12). Ces deux formes auraient donné parallèlement nais-
sance, d'un côté aux Héxactinies régulières par VEalcampa, et
de l'autre côté par VEdwardsia aux genres ne présentant pas
la symétrie hexamérale, tels que Gonactinia, Ovactis, etc., ainsi
qu'au genre Scytophorus et Peachia pourvus d'un syphonoglyphe
ventral très développé. Du pro-Edwardsia seraient aussi des-
cendus les Antipathaires, les Cérianthes, les Zoanthes. Mais quels
sont les rapports de parenté, c'est-à-dire morphologiques, des
Héxactinies avec certains autres Cœlentérés ? Se rattachent-
elles au scyphistome, à l'Hydre f au groupe disparu des Tetra-
corallia f Y aurait-il même un rapprochement à établir entre
elles et les Annelés et Chordés comme le suggèrent A. Sedgwick
et E. VAN Beneden ? En traitant ces questions je ferai mieux
ressortir les conclusions de ce travail, et ces conclusions elles-
mêmes, seront amplifiées.
Les Acalèphes qui ont en commun avec les Hydroméduses
les caractères suivants : forme polypoïde et une forme médusoïde
avec présence d'un manubrium et d'une ombrelle tentaculée,
en diftereraient par des traits importants parmi lesquels : la
présence chez le scyphistome et chez la méduse ascrapède, de
quatre poches gastriques avec quatre cordons saillants (colu-
melles et tœnioles chez l'adulte). Chez le Scyphistome, il y aurait
même au début, d'après Goëtte (1897) un stomodœum invaginé.
Ce dernier caractère surtout a fait réunir les Acalèphes aux
Anthozoaires dans un même groupe : les Scyphozoaires. Mais,
d'après les recherches de W. Hein (1900 et 1902), Goëtte se serait
DÉVELOPPEMENT DES HEXACTlNlES 303
trompé, car chez la larve d'Anrelia aurita il n'y a pas de pharynx
ectodermal et le blastopore persiste comme bouche définitive ;
et après la formation des quatre premiers tentacules il apparaît
quatre enfoncements interradiaux auxquels participe la Stutz-
lamelle. Ces quatre enfoncements pénètrent dans la cavité gas-
trique pour former les cloisons. Les quatre poches gastriques
du Scyphistome résultent de la formation de ces cloisons et par
conséquent elles apparaissent avec ces dernières. Il faut ajouter
que Hein (1902) a vu que chez Cotylorhyza tuberculata, de même
que chez Aurélia aurita, "1 se produisait une invagination typique.
Ces faits autorisent à rapprocher, comme le suggère Hein,
les Acalèphes des Hydroméduses.
Si nous comparons le pharynx de THexactinie adulte avec
ce qui. d'après mes conclusions, lui serait homologue chez le
Scyphistome, c'est-à-dire la part'e très restreinte limitée par
le sommet des quatre cloisons, on voit que chez l'un et l'autre
organisme, le pharynx et ce qui le représente chez le Scyph s-
tome résultent vraisemblablement de la formation des cloisons.
J'ai dit, en effet, page 361, que chez les Hexactinies le pharynx
n'était vraisemhlahlement pas une formation indépendante de
celle des quatre premiers couples. Jusqu'à quel point,
d'ailleurs, peut-on assimiler ces quatre couples avec les quatre
cloisons du Scyphistome ? Chez ce dernier les cloisons sont
au nombre de quatre, disposées en croix, radialement. Chez
les embryons d'Hexactinies, les quatre couples sont au contraire
placés à la suite les uns des autres suivant l'axe qui passe entre
les cloisons de direction. Bien que la disposition des parties soit
totalement différente, il y a cependant similitude entre le nombre
et le mode vraisemblable de formation des couples et ce même
nombre et cette formation chez les cloisons du Scyphistome (1).
C'est aux Hydrozoaires d'où dérivent les Acalèphes que nous
(1) Les quatre plissements qui forment les quatre couples peuvent être considérés comme
résultant d'autant d'enfoncements du pùle oral. Ce qui, vu de l'intérieur de la cavité gastrique
apparaît comme plissement saillant, présentera Taspect d'un enfoncement, d'une dépression
si on l'examine de l'intérieur. L'expression : plissement me parait mieux correspondre à ce
qui se produit.
364 L. FAUROT
comparerons maintenant l'embryon des Héxactinies. Chez
Adamsia palUata et Sagartia parasitica, le blastopore ne s'inva-
gine pas, et avant la formation du disque oro-tentaculaire, avant
même la formation des premières cloisons, ce blastopore reste
placé au-dessus du stomodœum et est comparable au cône buccal
de l'Hydre. Je dois même noter que Hein a observé que le
blastopore du Cotylorhyza est le plus souvent situé sur un côté
du pôle oral. La couche épithéliale qui revêt le stomodœum de
l'embryon d'Hexactinie conserve, il est vrai, une structure ecto-
dermique que ne présenterait pas l'entrée de la cavité digestive
de l'Hydre. Peut-être ne faut-il pas attacher à cette différence une
très grande importance? L'ectoderme stomodœal de l'Hexactinie
doit, d'ailleurs, son origine à la gastrulation et non pas à une
introversion secondaire, comme on le croyait jusqu'à présent.
Durant leur développement les Héxactinies présentent donc
des caractères qui leur sont communs &'un côté avec les Acalèphes
et de l'autre avec les Hydroïdes. Ainsi que les premiers, les em-
bryons à' Adamsia palUata et de Sagartia parasitica montrent
quatre plissements, disposés il est vrai, très différemment dans
l'un et l'autre groupe. Ainsi que les Hydroïdes, ces mêmes
embryons sont pourvus d'un hypostome correspondant morpho-
logiquement au manubrium des Ascrapèdes et à celui des Cras-
pédotes. En ce qui concerne le pharynx des Héxactinies il ne
serait pas, d'après ce qui a été dit plus haut, formé indépen-
damment des couples de cloisons et, en raison de son origine,
sa présence ne constituerait pas une distinction importante
entre les Anthozoaires et les Acalèphes adultes. Quant aux
tentacules des Héxactinies, leurs bases dont l'ensemble forme
le disque oral, s'étendent jusqu'à l'hypostome et le découpent
en lobes buccaux. Chez les Hydroméduses et les Acalèphes les.
couronnes tentaculaires se forment à une distance plus ou moins
grande de l'hypostome et du manubrium, indépendamment
d'eux et sans leur envoyer de prolongements. En d'autres
termes, chez les Acalèphes, de même que les bords libres des
cloisons ne se rapprochent pas à un degré suffisant pour cons-
DEVELOPPEMENT DES HEXACTINIES 365
tituer un pharynx comparable à celui des Hexactinies, de
même aussi leurs tentacules restent trop distants de la bouche
pour former un disque oro-tentaculaire semblable à celui de
ces Anthozoaires. Toutes ces considérations notamment : la
présence chez les Hexactinies d'nn cône buccal et celle d'un
pharynx formé par un processus autre que celui de Tinvagina-
tion et qui paraît concomitant avec la formation des couples
de cloisons, nous conduisent à cette nouvelle conclusion : Le
groupe des ScypJiozoaires tel que le décrivent Guette (1897) et
Delage et HÉROUARD (1901) doit être supprimé.
Les recherches faites sur la structure des Tétracorallia n'ont
pas encore permis de décider si, tout à fait au début de leur
développement , ces coraux avaient été tétramères ou hexa-
mères. D'après Ludwig et de Pourtalès (1871) et contraire-
ment à KuNTH (1869), la disposition tétramère proviendrait de
la transformation d'un arrangement des septes primitivement
au nombre de six, ce qui suppose douze sarcoseptes. Duerden
(1902) partage cette opinion et montre d'après l'examen qu'il
a fait du squelette du Lobophyllum que les Tétracorallia sont
alliés aux Zoanthes actuellement vivants. Chez ces derniers les
recherches de E. van Beneden (1890) et de Me Murrich
(1891) auraient établi qu'antérieurement au stade 12, l'em-
bryon a probablement passé par une phase à six cloisons
complètes. J'ai moi-même (1895, pi. X flg. 3, 4, 5) figuré
des coupes d'un très jeune Polythoa sulcata montrant à la
base du polype deux cloisons qui paraissent être homologues
au couple 1-1. Le même embryon était pourvu de six à huit
cloisons à des niveaux plus rapprochés du pharynx (1).
(1) En se reportant à ce ijue j'ai exposé au sujet de l'orientation oblique, non radiale
des premières cloisons, on verra (lue les figures des Traités de Zoologie (1900, flg. 23, et 1901
page 655) représentant les coupes transversales de jeunes Zoanthes, sont inexactes. Ces'
cloisons y sont toutes dirigées radialement vers le centre, alors que le couple 1-1 de même
que le couple i>-2 doivent avoir une même inclinaison oblique sur l'axe commissural comme
dans mon schéma I page 351. Les figures de E. Van Beneden (1890, pi. XV, ftg. 1, 4) et les
miennes (1895, pi. X, flg. 3) faites d'après nature montrent bien qu'il doit eu être ainsi. La
même observation s'applique aux flgures de ces mêmes Traités représentant la disposition de
premiers couples chez les Hexactinies (1901, p. 481, et 1900, p. 42, flg. 20)
ARCH. DK ZOOL. EXP. ET GEN. 4' SERIE. — T. VI. — (vl). 26
366 h. FAUROt
A mon avis, le peu que l'on sait de l'embryogénie des Zoaû.-
thes et de la structure primitive des TetracoralUa autorise,
jusqu'à présent, à conclure que le début de leur développement
est semblable à celui des Hexactinies. Cette conclusion donne un
appui aux conjectures que j'ai émises au sujet de la formation
des premiers septes chez les TetracoralUa (1903, p. 381). D'après
ces conjectures, la disposition tétranière est primitive chez ces
derniers.
Il reste à examiner s'il est possible d'établir un rapprochement
entre l'embryon d'Hexactinie, tel qu'il se présente avant la régu-
larisation de ses quatre premiers couples de cloisons (fig. I, p. 351)
et celui d'un organisme annelé. Je rappelle d'abord que A. Sedg-
wiCK (1884) a émis l'hypothèse que la bouche et l'anus des
animaux supérieurs dériveraient d'une ouverture en fente
allongée, comparable à Toriflce buccal des Anthozoaires, l'une
des deux extrémités de l'oriflce servant pour l'entrée de l'eau et
l'autre pour sa sortie. Cette différenciation se manifesterait chez
le Peaehia jusqu'à constituer deux ouvertures distinctes. D'après
le même auteur, le blastopore et une partie de l'aire d'accrois-
sement des embryons du Peripatus, des Aunélides et des
Arthropodes seraient homologues avec la bouche des Actinies.
A. Sedgwick suppose en somme que le disque oro-tentacu-
laire des Anthozoaires est comparable avec la face neurale des
Annelés. E. van Beneden (1891) s'est rallié à l'opinion de
A. Sedwick et d'après lui les diverticules cœlomiques se for-
ment par paires comme les loges des Cérianthides; c'est ainsi
que toute nouvelle paire de cloisons apparaissant chez le
Cérianthe en arrière des cloisons nouvelles peuvent s'homologuer
à deux cloisons intersegmentaires des Artiozoaires. En 1897,
E. VAN Beneden étend la comparaison à VAmphioœus.
Les Arachnactis et les Cériauthes sur lesquels sont basées les
considérations de E. van Beneden diffèrent grandement des
Hexactinies, bien que la formation de leurs cloisons au stade 8
paraisse semblable, ainsi que j'ai tenté de le démontrer (1895)
après Me Murrich et E. van Beneden (1891). En outre, ce
DÉVELOPPEMENT DES H EX ACTINIES 367
que l'on sait de reinbryogénie du ]>lia.ryiix des Oériauthid(ss
diffère trop de ce que j'ai observé au sujet de VAdavtsia palliata
et du Sagartia parasitica, pour que les réflexions qui vont suivre,
et qui concernent les Hexactinies puissent leur être appliquées.
Celles-ci sont remarquablement représentées à ce point de
vue par le Peachia dont le disque oro-tentaculaire a été com-
paré par A. Sedgwick au blastopore en fente du Peripatus.
Cette Actinie qui possède seulement douze cloisons complètes
et un syphonogiyplie dont les dimensions sont singulièrement
développées (1895, pi. IX et pi. XII), et lequel, ainsi que je
l'ai exposé (1903), est constitué par la gouttière ventrale pri-
mitive de l'embryon, me paraît, entre toutes les Hexactinies,
celle dont l'étude embryogénique permettrait le mieux de
résoudre bien des faits que le présent travail n'a pu éclaircir.
Au début du stade 8, alors que la région dorsale est plus dé-
veloppée ([ue la région ventrale et que le pharynx est encore en
contact avec la paroi du corps, la symétrie n'est ni radiaire, ni
biradiaire ; elle est uniquement bi-latérale comme chez les
Artiozoaires. Il y a deux côtés distincts l'un de l'autre que l'on
peut désigner conventionnellement sous les noms de gauche et
droit, puisque l'une des extrémités de l'axe qui passe entre les
cloisons de direction est spécialisée par la présence du pharynx
excentrique. En outre, non seulement les couples ne rayonnent
pas autour de l'axe longitudinal du corps, mais les huit cloi-
sons ne se répètent pas toutes exactement à la même hauteur
le long de cet axe. Deux couples 1-1 et 3-3 se montrent à
deux niveaux différents.
Les quatre premiers couples sont distribués en ligne, les uns
à la suite des autres. Il y aurait là peut-être une véritable méta-
mérisation, si on admet que les quatre couples résultent
d'autant de plissements du mésoderme ; car on sait (Ch. Sedg-
wick-Minot) que des répétitions sériales d'organes ectodermi
ques ou endodermiques sans segments mésodermaux ne consti
tuent pas, morphologiquement, une métamérisation.
368 L. FAUROT
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p. 637-645.)
1873. Kowalesky. Extrait des observations sur l'embryogénie des
Cœlentérés. Traduit du russe par Mari on
1884. — Zur Entwicklungsgeschichte der Lucernaria. (Zool anz.
Bd VII, p. 712-717.)
1872. Lacaze-Duthiers (de). Développement des Coralliaires. (Arch.
zool. exp., vol. I.)
DEVELOPPEMENT DES HEXACTINIES 369
1884. MuLLER (G.). Zur morphologie der Scheidewande bei einigen
Palythoa und Zoauthus. Heidelberg.
1891. MuRBiCH (J. Pl. me). Contributions on the morphology of the
Actinozoa. Philogeny of the Actinozoa. (Journ. of Mor-
phology, vol. IV.)
1900. Kay Lankaster. A treatise of Zoology Gœlenteraia. London.
1884. Sedgwick (A.). On the origin of metameric segmentation. Qua-
terly. Journal.
1888. WiLSON (H.-V.). On the Development of Manicina areolata.
(Journ. of Morphology. Vol. II, n" 2.)
EXPLICATION DE LA PLANCHE IV
(Ces figures sont faites d'après des préparations d'embryons de Sagartia parasitica. L'examen
des coupes d'embryons d'Adamsia palliata ne m'a montré aucune différence embryogénique
importante.)
FiG. 1. Segmentation irrégulière.
FlG. 2 et 3. Coupes à travers deux blastula.
FiG. 4. Blastula entière à la même période (lue 2 et 3.
FiG. 5. Coupe d'une planula. Les prolongements en culs de sacs n'ont pas de parois bien
distinctes comme sur cette figure. A l'intérieur, coupe transversale d'un second
orifice.
FiG. 6. Gastrula. Les globules lécithiques n'ont pas encore été absorbés complètement.
FiG. 7. Formation du plissement au-dessous du blastopore.
FiG. 8. Coupe d'un embryon plus âgé. Les cellules lécithiques réapparaissent dans la cavité.
Coupe suivant le plan dorso-ventral.
FiG. 9 à 13. Coupes à intervalles espacés entre le pôle oral et le pôle aboral. En lu une des
cloisons du couple 2-2. En 11 une des cloisons du couple 1-1. En 12 et 13, couple 1-1.
FiG. 14 à 20. Coupes eœdem. Embryon plus jeune que le précédent. Une seule cloison 1 est
apparue en 17.
ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE
IV« Série, Tome VI, p. 371 à 488
15 Mai 1907
BIOSPÉOLOGICA
ESSAI
SUR LES PROBLÈMES BIDSPÉOLOI]"^'"'^^'
EMILE r,. UACOVITZA
Sons-Dircrteiir du Laljnratoire Araço (B.Miiyiils-sur-Mer).
TABLE BES MATIÈRES
Pases
Avant-Propos ^'-
QrELQUES CONSIDÉRATIONS SUR LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES 3*3
I. Etendue tlu domaine souterrain ^^'^
II. Conditions d'existence que présente le domaine souterrain 390
III. Influence exercée par ces conditions d'existence sur les Cavernicoles iOO
IV. Caractères des Cavernicoles '-''
V. Rapports de la faune cavernicole avec les autres faunes ^27
VI. Classification des Cavernicoles ,. ''^^
VII. Composition de la faune et de la flore cavernicole 438
VIII. Modalités de l'évolution des Cavernicoles ''^0
X. Distribution géographique des Cavernicoles '*''8
X. Origine des Cavernicoles '"*
XI. Mode de peuplement du domaine souterrain. ^"^^
XII. Epoque de peuplement du domaine souterrain et ancienneté des Caver-
, . 't6l
nicoles
XIII. Modification et destruction du domaine souterrain et sort des Caver-
nicoles '" ^
ISA
AUTEURS CITÉS
ARCU. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — .'j" SÉRIE. —T. VI. — (vn). 27
;n-2 EMILE G. RACOMTZA
AVANT-PROPOS
En 1904, le v.ixx'ur du l:il)onitoire Arago, le « KoImikI », cIToc-
tuait des reeherclies océanographiques aux Baléares sons la
direction de M. Pruvot et avec le concours de M. Odon de Buen,
professeur à l'Université de Barcelone. Quelques joins devaient
être distraits du temps consacré aux recherches marines pour
l'exploration des célèbres grottes du Drach, de Majorque.
Effectivement, le 15 juillet le bateau mouillait à T*orto-(lristo
et le lendemain nous étions dans la Oieva del Drach. Trois
jours de chasse me fournirent un certain nombre de Caverni-
coles, aussi bien terrestres que d'eau douce. Parmi ces derniers,
un Isopode, aveugle, incolore, pourvu de longs appendices, me
frappa surtout par sa ressemblance avec des formes marines.
Son étude approfondie me montra qu'il appartenait à la famille
des Cirolanides et je le décrivis (1905) sous le nom de Typhlo-
cirolana Moraguesi. n. g., n. sp.
La présence de ce Crustacé à parents marins dans les eaux
douces de la grotte, les caractères qui le différenciaient des
Cirolanes lucicoles, l'empreinte si forte du milieu obscur sur
toute son organisation, suscitèrent dans mon esprit nombre de
questions qui me paraissaient du plus haut intérêt.
Je me suis mis à rechercher leur solution dans les œuvres de
mes confrères et je me suis adressé en premier lieu aux traités
de biogéographie. J'ai consulté les ouvrages les plus nouveaux
comme les plus anciens (Schmarda, Heilprin, Wallace,
Trouessart, Beddard, Kirchhoff, Jacoby, Kobelt, Eatzel,
etc.) et j'ai constaté, avec étonnement, que la plupart ne men-
tionnaient même pas les êtres cavernicoles et que les autres s'en
débarrassaient en peu de mots, non toutefois sans faire ressortir
l'insignifiance de cet « habitat » et la faible importance de sa
faune. Une phrase de Eatzel (1902, p. 588) exprime bien cette
manière de voir qui est générale chez les biogéographes : Zu
LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIOTiES 37:i
den Zersplitterten iind Zusammengesohrumpften Lebensrâumen
gehôreii endlich aiicli die Eelikteuseen und die Hôhlentier
nnd Holilenpflanzeuwelt.
Le domaine souterrain serait donc aussi insignifiant par le
peu d'espace qu'il occupe sur terre que par le faible nombre
des êtres qui l'habitent ; ce ne serait qu'une sorte de « bizarrerie »
de la nature. Or, il n'est pas d'idée plus fausse !
Revenu bredouille de cette chasse aux renseignements dans
les traités, je me suis rabattu sur les mémoires des spécialistes ;
d'abord, naturellement, sur les travaux d'ensemble (Packard,
Hamman, Viré, Ohilton, Joseph, etc.) puis sur les travaux
spéciaux. Ce fut long, car les publications ne manquent pas sur
le sujet ; et je m'arrêtai non point faute de « munitions « — je
suis loin d'avoir consulté tout ce qui a été écrit sur les Caver-
nicoles — mais parce que je suis arrivé à la conviction que je
ne trouverais pas de réponse précise à mes questions et parce
que je suis sorti de ces lectures littéralement affolé. Dans aucune
des questions que mes études professionnelles m'ont incité à
approfondir, je n'ai encore constaté semblables incertitudes et
contradictions, pareil enchevêtrement de faits bien observés,
d'hypothèses injustifiées, de suppositions légitimes, d'erreurs
manifestes, d'observations non contrôlées, de généralisations
hâtives, en un mot, pareil chaos inextricable de faits, de théo-
ries et d'erreurs.
Les confrères qui ne sont pas au courant de ces questions
pourraient me taxer d'exagération, et attribuer mon affolement
à une cause subjective ; je vais leur démontrer que cette cause
est objective en citant, au hasard du souvenir, un certain nombre
de ces opinions contradictoires, erïeurs manifestes et théories
justifiées ou non, avec le manque d'ordre dans lequel elles sont
consignées dans les mémoires des spécialistes.
La vie à l'obscurité complète produit nécessairement la cécité
(Packard). La cécité n'est pas produite nécessairement par la
vie à l'obscurité complète (Semper). Il est impossible que l'obs-
curité soit la cause efficiente de la cécité qui doit être produite
374 EMILE G. RACOVITZA
par des facteurs inconnus (Hamman). Les grottes ne sont pas
complètement obscures, ce qui explique la prévSence de Caver-
nicoles jwurvus d'yeux (Hamman). Il règne une obscurité com-
plète dans les grottes profondes (Verhoeff).
Les Cavernicoles actuellement aveugles ont perdu leurs yeux
après leur immigration dans les grottes (Packard, Viré). Les
Cavernicoles aveugles descendent de formes lucicoles déjà
aveugles ou à yeux rudimentaires (Eigenmann). L'œil disparaît
par arrêt de développement (Kohl), par dégénérescence pliyle-
tique (Eigenmann), par atrophie (Packard). Les caractères
spéciaux des Cavernicoles furent acquis par évolution lente
(Darwin), par évolution rapide (Packard), par variations
brusques (Eigeniviann). « Dès qu'un animal est soumis au
régime de l'obscurité, ses organes se modifient, et cela dès la
première génération » (Viré, 1899, p. 113, lignes 11). On voit les
types changer peu à peu « par une suite de transitions absolu-
ment graduelles » (le même Viré, 1899, p. 113, ligne 20).
La lutte pour l'existence est nulle dans les grottes (Darwin,
Packard) ; elle est très violente (Chilton, Verhoeff, etc.).
L'adaptation des êtres à la vie cavernicole est due à l'hérédité
des caractères acquis par usage ou non usage (Packard); à la
sélection naturelle : les individus à mauvaise vue seuls sont
restés dans les grottes, les autres ont regagné les espaces éclairés
(Lankester) ; à la panmixie combinée avec la sélection natu-
relle (Chilton); à la sélection économique (lutte des parties de
l'organisme de Eoux) (Lendenfeld).
Le milieu biologique des cavernes ne diiïère essentiellement
du milieu biologique de la surface que par l'absence de lumière »
(Viré). Il en diffère par la température constante, par l'humi-
dité, par le manque de végétaux, par la pénurie de nourriture
et par l'absence de lutte pour la vie (Packard),
La faune cavernicole actuelle est d'origine récente (Packard,
Peyerimhoff, Chilton). Elle est en grande partie le repré-
sentant d'une faune antérieure éteinte ou plus cosmopolite
(Lendenfeld). Sauf faibles exceptions il n'est « pour ainsi dire
LES PROBLEMES BrOSPEOLOGlOTÎES 375
aiicuiic espèce souterraine qui n'ait à la surface une espèce
analogue » (Viré).
Faut -il citer encore ! La faune cavernicole est très pauvre
(Packard, Ohilton). « Il n'est pas un point du sous-sol de
notre globe qui. à l'égal de la surface, ne soit abondamment
peuplé d'une faune riche et variée » (Viré).
La nourritvire est rare dans les grottes et l'on se demande
souvent comment des Cavernicoles peuvent y trouver leur
subsistance (le même Viré, Packard, Carpenter). Les ruis-
seaux souterrains entraînent beaucoup de nourriture (le même
Viré). Les Cavernicoles ne doivent pas avoir plus de difficulté
à se procurer de la nourriture que les lucicoles (Hamman). La
famine doit être la condition normale de la vie dans les grottes ;
peut-être provoque-t-elle une sorte de sommeil analogue au
sommeil des jeûneurs (Verhoeff).
« Les cavernicoles... sont les descendants modifiés d'animaux
de la surface du sol entraînés accidentellement sous terre »
(Viré). Les cavernicoles actuels sont volontairement entrés dans
les grottes (Garman, Eigenmann). La faune cavernicole pro-
vient d'individus entraînés accidentellement de la surface ou
entrant sous terre volontairement par de grandes ouvertures »
(le même Viré).
Parmi les cavernicoles il n'y a pas de vrais herbivores (Pac-
kard, etc.). Le tube digestif des Niphargus subit des transfor-
mations qui le rapprochent du type herbivore (Viré). La lumière
tue les Niphargus cavernicoles (Bâte et Westwood). Ils se
portent très bien à la lumière (Viré), etc., etc.
Même la nonu^nclature des Cavernicoles a subi les îilteintes
de cette anarchie. Si vous vous adressez aux Crustacés vous
apprendrez que SpJmeromides Dollfus n'est pas un Sphaeromien
mais un Cirolanide, que Gaecidotea Packard n'a rien à voir avec
les Idotées, car c'est un vulgaire Aselle. Vous croyez peut-être
que Palemonias ïïay est une honnête Crevette "? Détrompez-
vous, c'est un Atyde.
Savez-vous pourquoi furent créés les noms de Gaecidotea et
37fi EMILE G. RACOVITZA
Orconectes ? Le premier pour séparer deux formes vivant au
même endroit, et souvent ensemble, qui ne dilïèrent que par
la longueur du corps et des appendices ; le second, pour distin-
guer deux vrais Camharus cavernicoles de Cambarus lucicoles
vivant dans la même région, et pour réunir ces deux formes qui
manifestement dérivent de deux Cambarus superficiels tout à
fait différents. Cela parait absurde et cependant c'est expliqué
tout au long dans Packard (1899, p. 121 et suiv.).
Je pense que ces exemples suffisent. Les amateurs pourront
d'ailleurs puiser à pleines mains de ces « crocodiles » dans le
marécage biospéologi(iue ; je n'ai certes pas épuisé le gisement.
A ce premier sentiment, donc fort légitime, que j'ai qualifié
plus haut, succéda un autre aussi justifié mais dont l'aveu est
moins honorable ! J'eus réellement peur de la biospéologie et
de ses effarantes arcanes ; et j'hésitai longtemps avant de me
lancer dans une mêlée aussi désordonnée où tant de confrères
luttent avec ardeiir.
La peur des coups est le commencement de la sagesse, dit-on,
mais l'occasion s'offrit à moi de visiter d'autres cavernes, de
récolter d'autres êtres cavernicoles ; de plus la lecture des pas-
sionnants récits de Martel changea ma sage prudence en folle
témérité. Me voilà donc lancé en pleine bataille, et s'il m'arrive
d'y laisser des plumes, comme certains biospéologistes notoires,
ce ne sera pas faute d'avoir ignoré le péril. Je ne me dissimule
point cette circonstance aggTavante.
Il faut donc se mettre à l'œuvre et la première chose à faire
est, naturellement, d'examiner quelles sont les raisons de cet
état anarchique dans lequel se trouve la biospéologie.
Ces raisons sont très certainement multiples.
D'abord les difficultés inhérentes au sujet. L'accès des grottes
et leur exploration n'est souvent pas facile ; il faut, en bien des
cas, réveiller le vieux fond d'hérédité simiesque qui gît en nous
pour grimper aux parois ou descendre le long d'une corde. Tout
cela ne se passe pas sans perte de temps et sans frais considé-
LES PROBLEMES BTOSPEOLOGIQUES 377
râbles. De plus, la chasse aux Cavernicoles présente des diffi-
cultés que nos confrères qui chassent le Lucicole ignorent. Et
certes, une observation faite dans les grottes devrait, comme les
années de campagne, compter double.
On est frappé ensuite du faible nombre des observations, de
la pénurie d'expériences et des lacunes considérables qui doi-
vent exister dans nos connaissances sur la faune et la flore
souterraines. Les théories nombreuses et contradictoires ne
sont, d'ailleurs, possibles que lorsqu'il s'agit d'un sujet peu
étudié ; on n'est pas arrêté par des faits gênants, et on peut
laisser libre cours à une imagination toujours trop fertile. La
même chose s'est produite pour toutes les sciences dans leur
commencement; pour rester dans le voisinage de notre sujet,
citons comme exemple la spéologie physique, science qui sort
à peine de cet état nébuleux propice aux théories. Et si la spéo-
logie, toute jeune pourtant, a dépassé ce stade embryonnaire,
c'est uniquement à cause de nombreux faits que d'intrépides
savants ont su accumuler en un laps de temps étonnamment
court. Ces faits, groupés en ordre logique, ont renversé bien
d'orgueilleuses théories, ont limité le champ des hypothèses et
ont permis des généralisations légitimes et fructueuses.
Nous n'en sommes pas encore là en biospéologie ! Un faible
stock d'observations, quelquefois sujettes à caution, souvent
non contrôlées, la plupart datant de loin, servent, armes fort
ébréchées et toujours les mêmes, dans les combats des théori-
ciens. Ainsi la dramatique histoire de la poursuite du Lepto-
derus aveugle par un Chernète également privé d'yeux, contée
jadis par Khevenhueller, est fidèlement rapportée dans les
mémoires les plus récents, sans que personne se soit donné la
peine de la soumettre au contrôle de l'observation. Car enfin
les Leptoderus sont de taille à se défendre contre un Chernète,
fût -il aveugle !
L'expérimentation est tout indiquée dans un grand nombre
de questions biospéologiques. Fort peu de naturalistes l'ont
cependant tentée. C'est un des mérites de Viré, et non des moin-
378 EMILE G. RACOVITZA
cires, d'avoir fondé le premier « laboratoire des catacombes » et
d'avoir repris les expériences plutôt sommaires de Fries. Jus-
qu'à présent, les résultats obtenus ont confirmé ce que l'obser-
vation permettait de prévoir, mais on ignore encore ce que
pourrait fournir une expérimentation rigoureuse, s'attaquant
aux détails plus intimes des transformations biologiques.
Tout darwiniste qui se respecte consacre un chapitre de
l'exposé de sa doctrine aux lacunes que présente la connais-
sance des faunes fossiles. Avec combien plus de raison le bios-
péologiste ne ])ourra,it-il pas insérer un « Chapitre des lacunes »,
aussi bien fossiles (qu'actuelles, dans l'exposé de son embryon-
naire science ! On ne connaît aucune forme fossile qui puisse
passer pour cavernicole (voir pourtant p. 472), et on ne connaît
que l'infime partie des êtres cavernicoles actuels. En effet, en
dehors de l' Au triche-Hongrie, de la France, de l'Allemagne, des
Etats-Unis d'Amérique, de la Nouvelle-Zélande, un peu de
l'Espagne et un peu plus de l'Italie et de la Suisse, quels sont
les pays explorés à ce point de vue f Quelques localités isolées
par-ci par-là.
On sait aussi qu'il suffit de fouiller soigneusement une grotte
pour trouver des formes nouvelles, et l'on connaît des décou-
vertes intéressantes faites en ces dernières années dans les
régions les plus classiques. Certains groupes d'animaux ont été
complètement négligés, et les Coléoptères seuls sont mieux
connus, grâce aux actives recherches des spécialistes très nom-
breux qui collectionnent ces Insectes.
De plus, l'étude de la faune des eaux souterraines n'est acti-
vement menée que depuis quelques années !
Il est donc certain que l'inventaire des êtres cavernicoles est
bien incomplet.
Aux raisons que je viens d'énumérer il convient d'en ajouter
d'autres d'un ordre différent. Les auteurs qui se sont occupés
de la question se sont trop hâtés de généraliser et, quelque osée
que puisse paraître mon affirmation, ils ne se sont pas toujours
rendu compte de la différence qu'il y a entre le nom qui désigne
LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIOUES 379
une chose et la chose elle-même. Bien souvent on a, raisonné
sur les mots et non sur ce que ces mots sont censés repré-
senter.
Un exemple fera mieux comprendre ce que je veux dire.
Prenons le mot : Cavernicole.
Un spécialiste constate que les Cavernicoles de son groupe
sont incolores ou plus pâles que leurs proches parents lucicoles.
Il déclare aussitôt que la faune cavernicole se distingue de la
lucicole par la décoloration des tégnments due à la disparition
du pigment sous l'influence de l'obscurité. Mais l'on découvre
d'autres Cavernicoles qui sont colorés ; immédiatement on se
met à bâtir des théories et à faire des suppositions variées. On
suppose que les grottes ne sont pas complètement obscures ; on
suppose que les Cavernicoles en question habitent les entrées
des grottes ; on déclare qu'ils n'ont point adopté la vie souter-
raine depuis assez longtemps. On fait intervenir la panmixie,
etc., etc. On cherche à étayer chacune de ces suppositions et
théories, par des observations puisées au hasard dans les auteurs,
par des suppositions nouvelles et par d'autres théories. Cela
donne naissance à d'autres centres d'attraction pour de nou-
velles hypothèses et suppositions, et l'écheveau s'embrouille
inextricablement.
Et tout cela pour ne s'être pas rendu compte de la valeur
réelle des mots ! En effet, reprenons la chose dès le commen-
cement
Que signifie le mot : Cavernicoles ? Uniquement ceci : êtres
vivant dans le domaine souterrain. La seule chose que ces êtres
ont de commun entre eux c'est leur habitat. La faune caver-
nicole est, en effet, un mélange absolument hétérogène de formes
très différentes, par l'origine, par les aptitudes héréditaires, par
le degré d'organisation, par l'époque d'immigration dans les
cavernes, etc., etc. Par conséquent, on doit s'attendre à trouver
une diversité et non une uniformité d'action : l'influence de la
vie obscuricole doit produire des effets différents sur les diffé-
rentes unités qui composent cette faune. Il faut donc se méfier.
380 EMILE G. RACOVTTZA
a priori, des généralisations, étudier chaque espèce en parti-
culier, et ne généraliser qu'après un travail coni])let d'analyses
minutieuses.
Une confusion analogue s'est produite à piopos du mot :
coloration. Qualifier un animal de coloré, cela signilie simple-
ment que ses téguments exercent une influence quelconque sur
les rayons lumineux, cela ne donne en aucune façon la raison
de cette influence. On a même confondu couleur avec pigment ;
or l'on sait qu'il y a des colorations non pigmentaires. Le mot
pigment, à sou tour, signifie uniquement substance colorée qui
se loge dans un tissu. IL ne signifie nullement que ces substances
sont chimiquement et physiquement identiques. On sait, au
contraire, que les pigments sont de natures très diiïéreutes et
qu'ils réagissent très diversement sous l'influence des agents
physiques et chimiques.
Il n'est donc pas étonnant que certains Cavernicoles aient
conservé leur coloration ; c'est le fait contraire qui devrait
])lutôt sembler curieux. Si l'on veut serrer la question de près,
il faut avant tout étudier la nature de cette coloration, si elle
peut ou non de par sa constitution être influencée par la lumière.
Or, cette étude n'a jamais été faite pour aucun Cavernicole. On
a préféré se lancer dans des suppositions hasardées et des théo-
ries nébuleuses.
Ce que je viens de dire à propos de la coloration s'applique
aussi aux autres questions et problèmes que soulève la biologie
des Cavernicoles : effet de l'obscurité sur les yeux, ancienneté
des Cavernicoles, modifications dans les organes sensitifs, etc.
Trop souvent on constate une généralisation hâtive de déduc-
tions basées sur la ressemblance des mots et non sur la vi'aie
nature des choses que ces mots représentent.
Voilà, à mon avis, les raisons qui paraissent expliquer sufli-
samment l'état dans lequel se trouve actuellement la biospéo-
logie. Cette sommaire enquête, en montrant ces raisons, indique
aussi les écueils à éviter et la direction qu'il faut donner aux
recherches futures.
LES PROBLEMES BIOSPEnLOGlQUES 381
Le programme de ces reclierches peut donc, me semble-t-il,
se formuler ain.si :
Il est impossible de faire œuvre synthétique actuellement;
les généralisations trop vastes sont prématurées, et ce n'est
point faire œuvre utile ({ue de bâtir des théories générales.
Il faut procéder par analyse, c'est-à-dire s'attacher à la mono-
graphie de petits groupes, faire leur revision systématique,
étudier leurs affinités, leurs origines, leur biologie, etc., afin
d'avoir des points d'appui solides pour déterminer leur histoire
spéologique.
Il faut instituer une expérimentation rigoureuse avec des
sujets d'expérience bien étudiés.
Et, avant tout, il faut fouiller le plus de grottes possible,
dans les régions les plus diverses, pour combler au moins en
partie les lacunes considérables que présente la connaissance
de la faune et de la flore cavernicole.
Peu de mots suffiront pour indiquer comment j'ai essayé de
me rendre utile dans l'accomplissement de ce vaste programme,
qui demandera de longues années d'efforts et le concours d'un
grand nombre de naturalistes.
Je me suis d'abord assuré la collaboration d'un jeune et actif
naturaliste, M. René Jeannel. Tous nos moments disponibles
seront consacrés à l'examen des grottes, de préférence dans les
régions encore inexplorées au point de vue biospéologique. Le
matériel rapporté, et trié par nos soins, sera confié aux spécia-
listes. Les résultats de ces recherches seront publiés dans ces
Archives, par séries, sous la signature de leurs auteurs, mais
sous le titre commun : Biospéologica (1). Ce titre est fort peu
Le mot : Spéléologie, créé par E. Rivière, est généralement employé pour désigner la
science des cavernes. Martel (1894) l'adopte et il ajoute : « On a proposé aussi le mot plus
simple de Spéologie (L. de Nussac, Essai de Spéologie, Brive, 8», 1892) ; plus harmonieux, il
est moins exact, car les Grecs désignaient par Cïïéoç les ejccavations artificielles des tombes ou
temples égyptiens ». Il me semble cependant plus avantageux d'employer un mot facile et
harmonieux qu'un mot cacophonique, même si le premier est étymologiquement moins correct.
Somme toute, la nomenclature a un but pratique, et bien rares sont les noms qui définissent
exactement l'objet d'une science ; ce n'est d'ailleurs pas le cas pour : spéléologie, car si cette
science s'occupe des cavernes elle s'occupe aussi des choses qui ne sont pas des cavernes.
J'adopte donc Spéologie.
382 EMILE G. RACOVITZA
harmonieux, j'en conviens, mais comme il est destiné unique-
ment à montrer que les différents mémoires font partie d'un
même ensemble de recherches, je l'ai choisi court pour faciliter
les notations bibliographiques.
Pour permettre l'apparition rapide des résultats de ces études,
il a été décidé que les mémoires des spécialistes seraient publiés
au fur et à mesure de leur envoi à la Direction des Archives,
sans qu'il soit tenu compte ni de la date à laquelle ont été effec-
tuées les récoltes des matériaux qui y sont décrits, ni de l'ordre
de classification zoologique et botanique.
îsTous publierons de temps en temps l'énumération des grottes
visitées, avec une description sommaire de chacune, en insistant
surtout sur les points qui peuvent influencer la biologie des
Cavernicoles. Nous ramasserons, dans les grottes, tout ce que
nous pourrons trouver, sans faire de choix, car il est utile pour
l'instant de faire l'inventaire aussi complet que possible du
domaine souterrain. On verra ensuite ce qui lui appartient en
propre
Certes, les recherches suivies faites dans la même grotte sont
très utiles ; mais dans l'état actuel de la biospéologie, les recher-
ches « extensives » sont plus nécessaires que les recherches « in-
tensives », s'il m'est permis d'employer ces termes usités en
agriculture. ISTous visiterons donc le plus de pays possible.
LES PROBLÈMES BIOSPEOLOGIQUES 383
QUFJ/jUES CONSIDÉRATIONS SUR LES PROBLÈMES
RIOSPÉOLOGIQUES
La révision complète des idées qui ont été émises sur la
biologie des Cavernicoles demanderait beaucoup de travail,
mais il résulte de ce qui a été dit plus haut que le profit qu'on
l)Ourrait en tirer serait médiocre. Nous avons un besoin pressant
de l'echerches de détails et, pour l'instant, l'idée xamine pas ici la iiuestion générale : Pour une fois, d'établir une règle
générale et l'on doit se borner à étudier et expliquer les cas
particuliers.
Organes nouveaux a fonctions indéterminées. — Doll-
Fus et Viré (1905) décrivent un certain nombre de poils sen-
sitifs qui seraient très développés chez les Oirolanides et Sphae-
romiens cavernicoles, et auxquels ils supposent des fonctions
particulières, sans d'ailleurs apporter plus de lumière sur cette
délicate question. Il n'est pas démontré, d'ailleurs, que
ces formations n'existent pas chez les formes voisines luci-
coles.
Hamman (1896) est tout à fait catégorique sur cette question.
Il décrit chez des Crustacés, Aptérygogéniens, Coléoptères,
Poissons, des organes qu'il considère comme nouveaux, comme
spéciaux aux Cavernicoles, et qui seraient dus à une compensa-
tion pour la perte de la vue. J'ai déjà exprimé mes doutes sur
la véracité de cette manière de voir; j'ajoute que Absolon (1902)
déclare formellement ((uc les Aptérygogéniens cavernicoles n'ont
pas d'organes de sens spéciaux, et j'affirme, en connaissance de
cause, la même chose pour les Oniscidés des cavernes {Tita-
nethes, etc.)
Forme du corps et des membres. — Signalons enfin que la
forme aplatie ou allongée du corps et l'allongement des pattes
de certains Cavernicoles sont considérés comme dus aussi à la
compensation pour l'impossibilité de voir. Je ne vois pas en
quoi ces modifications peuvent accroître le sens du toucher,
comme le pense Packard (1889) ; les Animaux pourvus d'an-
tennes n'explorent pas l'espace environnant avec le corps ou les
pattes, et pourtant ce sont justement ces Animaux que Packard
cite à l'appui de sa manière de voir. Nous verrons plus loin (voir
p. 419) qu'on peut trouver de meilleures explications pour la
modification de la forme du corps ; quant à l'allongement des
pattes, il se peut que dans une certaine mesure il soit dû à
l'effet de la compensation, mais seulement chez les Animaux
dépourvus d'appendices tactiles spéciaux comme les antennes.
LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIOTJES 4H
lf>s cerqups, les palpes, et qui utilisent les pattes à leur place.
(Certains Araclmides, etc.)
D'autre part la compensation par allongement des pattes
peut être admise sans faire intervenir le sens tactile. Cet allon-
gement a certainement pour effet une rapidité plus grande des
mouvements, très utile à ranimai privé de vue, soit pour cap-
turer une proie, soit pour fuir un ennemi, proie ou ennemi dont
la présence ne lui est signalée que par contact direct, ou du
moins à partir d'une distance beaucoup plus faible que lorsqu'il
s'agit d'un animal pouvant voir. C'est pour des raisons sembla-
bles que les organes préliensifs se sont allongés dans nombre
de cas. {Blothriis, Opilionides, etc.)
Tel n'est cependant pas l'avis de Viré (1899, p, 84) (pii croit
que les pattes des Gampodea cavernicoles se sont allongées (et
aussi amincies, E. G. E.) « pour pouvoir supporter le poids crois-
sant des antennes et des cerci, et fournir en même temps une
plus large base de sustentation à l'animal, confirmant une fois
de plus la théorie du balancement des organes de Et. Geoffroy-
Saint-Hilaire. »
Je ne veux pas examiner jusqu'à quel point l'interprétation
qu'on vient de lire « confirme... la théorie du balancemenr des
organes « car c'est affaire à régler entre Viré et Geoffroy-Saint-
Hilaire ; nuiis je suis effrayé des conséquences qu'elle pourrait
avoir si elle exprimait des causalités mécaniques réelles : l'Hip-
popotame monté sur pieds de grue ! Voilà une vision de cauche-
mar bien faite pour troubler l'âme du zoologiste !
Ethologie. — J'attire seulement l'attention sur un point
qui n'a pas été signalé. Un changement dans les mœurs de
l'Animal peut être suffisant pour compenser la perte de la vue
et même des autres sens. Le monde des parasites olîre des
exemples frappants à cet égard. Un Animal lucicole, pourvu
des organes visuels les plus développés, mais qui doit dépenser
une activité considérable pour gagner sa nourriture, peut, en
exploitant un gisement alimentaire nouveau, être placé dans les
conditions favorables du parasite. Le guano des Chauves-souris,
412 EMILE G. UACOVITZA
accumulé souvent eu grande quantité dans les grottes, n'a-t-il
point occasionné de semblables tranformations ethologiques ?
Est-il nécessaire qu'un Saprophage lucieole soit compensé pour
qu'il puisse vivre en paix dans ces grandes réserves de nourriture,
et sa biologie u'est-elle pas analogue à celle des Parasites ?
D.) Influence de l'obscurité sur les phototactismes des Cavernicoles.
Un appareil optique spécialisé et compliqué est nécessaire
pour percevoir les formes éclairées des objets ; il n'en est pas tle
même pour la perception des différences d'éclairement. La sen-
sation lumineuse paraît être une propriété fondamentale de la
matière vivante ; moins une cellule est spécialisée et plus cette
perception lui est facile. Beaucoup d'x\.nimaux conservent cette
propriété, même quand ils ont des appareils optiques assez
évolués, et perçoivent les différences d'éclairenu'nt |)ar toute la
surface de leur corps.
Le fait a été constaté souvent sur des An maux lucicoles, soit
aveugles, soit artificiellement aveuglés, comme les AmpliiiDodes,
Myriapodes, Blattes et même les Tritons. Les êtres lucifuges
réagissent à la lumière, après l'extirpation des yeux, avec autant
de précision que les témoins oculés.
Les Animaux supérieurs seuls, et ceux recouverts d'une cara-
pace opaque, ont perdu ce pouvoir sensoriel généralisé.
Les Cavernicoles, qu'ils aient été primitivement aveugles ou
bien qu'ils aient secondairenuMit perdu leurs yeux, ont donc eu
en héritage de leur souche superficielle cette faculté de percevoir
les différences d'éclairement, et ils l'ont naturellement conservée,
car elle leur est fort utile. Si, en effet, les ravernicoles aveugles
ne percevaient pas la lumière, ils resteraient plus difficilement
confinés dans le domaine souterrain, qui, comme on sait, a des
communications faciles avec les régions superficielles ; souvent,
en effet, leurs autres sens ne leur suffiraient pas pour cela. Il est
donc probable que la vie à l'obscurité n'a pas pu avoir d'influence
sur ce point de physiologie des Cavernicoles. L'observation et
l'expérience ont d'ailleurs montré que les Cavernicoles sont
LES PROBLÈMES RIOSPÉOLOGIQUES 413
fortement lucifuges. Cette pliotopliobie paraît même très géné-
rale, malgTé quelques observations qui paraissent fournir des
exceptions.
Joseph (1882) et Gall (1897) prétendent que les Cavernicoles
aveugles sont tous insensibles à la lumière ; s'ils fuient quand
on les éclaire avec des sources artificielles de lumière, c'est parce
qu'ils sont atteints par les rayons caloriques. Mais Piochard
DE LA Brtjlerie (1872) a par avance donné de bons arguments
contre cette manière de voir, que des ol)servations ultérieures
contredisent formellement.
On lit dans Packard (1889, p. 127) que Amhlyopsis serait
insensible à la lumière, chose possible a priori, ce Poisson pou-
vant être rangé dans la catégorie des Animaux à appareil optique
hautement organisé ayant perdu la sensibilité lumineuse géné-
ralisée. Mais les observations plus récentes d'EiGENMAixN (1898)
montrent que tous les Amblyopsides, qu'ils soient aveugles ou
oculés, sont lucifuges.
On a cité aussi des Coléoptères cavernicoles aveugles qui se-
raient insensibles à la lumière. Les Coléoptères sont, en général,
pourvus d'une chitine tellement pigmentée qu'elle doit être
o])a.(iue, mais les Cavernicoles ont une chitine très transparente
et complètement dépourvue de pigment figuré ; il n'est donc
pas étonnant que l'insensibilité aux rayons lumineux ait été
fortement contestée. Il faudrait donc reprendre cette question.
Il n'a été question jusqu'ici que de l'insensibilité de certains
( 'avernicoles aveugles vis-à-vis de la lumière ; Viré (1899) est le
seul qui ait constaté chez ces Animaux un phototactisme positif.
Il dit, en effet, que les NipJiargus, quoique aveugles, sont attirés
par une lumière faible et mis en fuite par une forte lumière. Les
NiphargKs devraient donc être des Animaux de pénombre,
ils devraient habiter les entrées des grottes, si l'observation de
Viré était exacte. Or, elle me paraît contestable, car ces
Crustacés se trouvent dans les endroits les plus obscurs du
domaine souterrain.
Il n'y a pas lieu d'examiner ici le mécanisme intime et la
444 EMILE G. RACOVTTZA
Tiiisoii (lu phototactismc, négatif d(\s (3aivernicok',s. Oes qucstioiis
intéressent hi Biologie générale et se posent pour tous les Ani-
maux. Signalons pourtant aux biologistes, que ces questions
])réoccupent, la tliéorie nouvelle de Viré (1899) qu'on pourrait
désigner sous le nom de (( théorie de la pigmentation instantanée :
La lumière développe le pigment. « Cette repignientation ne
doit pas être sans produire un retentissement dans tout l'orga-
nisme. Il doit y avoir une excitation nerveuse intense, qui pro-
duit, dans ce système nerveux hypertrophié dans toute sa partie
sensorielle, des sensations vives et désagréables ». Tout en admi-
rant l'élégance avec laquelle cette théorie résout les difficiles
problèmes des phototactismes, il n'est pas possible de se dissi-
muler qu'elle sera difficilement acceptée par les biologistes
compétents.
E.) Influence de Volfucitrité sur les manira des Cavernicoles.
Beaucoup d'Animaux superficiels, même .si ce ne sont pas des
Lucifuges caractérisés, se tiennent cachés sous des abris ou dans
des trous, non seulement pour fuir la lumière, mais pour se
défendre contre les intempéries ou contre leurs ennemis, et pour
se soustraire à une dessication contre laquelle ils sont en général
faiblement armés.
Cette habitude, sauf de rares exceptions, est absolument cons-
tante chez les groupes dont les rejetons ont peuplé les cavernes.
Le domaine souterrain est obscur et humide, on ne constate
pas d'intempéries comparables à celles de la surface, et les car-
nivores sont privés du sens de la vue. Quelques biospéologistes
en conclurent que l'habitude de se cacher sous un abri doit avoir
disparu chez les Cavernicoles comme inutile, car il n'y a pas de
raison de croire qu'un organe peut s'atrophier par non usage et
qu'un instinct puisse persister dans les mêmes conditions.
Banta (1905) constate que cette habitude persiste, mais il ne
démontre pas qu'elle est inutile, et c'est là que git le nœud de
cette intéressante question qui mériterait des études précises.
Une autre question présente non moins d'intérêt. Les Luci-
LES PROBLEMES BIOSPEOLOGIQUES 44S
f liges qui n'ont pas transformé leur maison en piège pour attraper
leur proie ou qui n'ont pas élu domieile au sein de la matière
alimentaire, c'est-à-dire la grande nmjorité, ne sont pas séden-
taires. Ils sortent la nuit pour se procurer la nourriture ou ])Our
satisfaire leurs besoins génitaux. Ils ont donc une période d'acti-
vité alternant régulièrement avec une période de repos.
(■ette périodicité a-t-elle persisté dans les mœurs de leurs
descendants cavernicoles alors qu'elle est devenue complètement
inutile, la nuit continuelle étant l'état nornuil du domaine
souterrain ?
2» Influence de la températuee constante et basse
Cette influence pourrait se manifester de plusieurs façons :
a.) Perte ou réduction de l'aptitude à résister aux variations.
Les Superficiels poïkilothermes peuvent supporter indéfini-
ment de très fortes variations de leur température propre. En
est-il de même pour les Cavernicoles qui habitent un milieu à
température constante "? Ne doit-on pas logiquement s'attendre
à voir diminuer chez ces derniers l'aptitude devenue inutile de
résister aux variations*? C'est ce que s'est dit probablement Viré
(1899) quand il déclare que les Niphargus Virei meurent entre
16» et 21» et 1^. puteanus entre 13° et 23°, et que la température
basse de 5^,7 suffit pour les tuer. Or, il est manifeste que nos
Gammarus superficiels ne seraient pas incommodés par de sem-
blables températures. Mais Gal (1903) conteste l'exactitude des
chiffres de Viré, car les Niphargus ont parfaitement vécu dans
une eau dépassant souvent 25°, et Cœcosphœroma ne périt pas
après la congélation de l'eau de sa prison.
Des expériences précises, et surtout comparatives, sont donc
nécessaires pour tirer cette affaire au clair ; mais il ne faut point
oublier que la résistance des Poïkilothermes aux variations de
température est surtout passive, physique plutôt que physio-
logique. On conçoit donc que cette résistance puisse ne pas
être influencée par l'action du milieu extérieur.
S'il est, par conséquent, possible que la résistance des Caver-
416 EMILE G. RACOVITZA
nicoles aux variations de température soit égale à celle des
Superficiels, il n'en résulte pas nécessairement que pareils chan-
gements doivent être ressentis de la même façon par les deux
catégories d'êtres. Il se peut que les Cavernicoles ressentent ces
variations plus fortement et que, par conséquent, elles puissent
constituer une barrière des plus solides à leur dispersion. L'action
du milieu peut liyperesthésier ou affaiblir une sensation.
Mais la question, faute d'expérience, reste entière.
h.) Suppression des périodes fixes de reproduction.
Les Arbres, dans les régions à différences saisonnières consi-
dérables, passent par des périodes de repos fonctionnel qui se
manifestent pas la chute des feuilles. On sait que ces Arbres à
feuilles caduques, perdent leurs feuilles à époque fixe, même lors-
qu'ils sont transplantés dans des pays sans saisons. Il existe
donc cliez ces Végétaux une sorte de mémoire héréditaire d'un
événement qui ne peut plus les influencer. Existe-t-il semblable
mémoire héréditaire chez les Animaux pour les périodes sexuelles
qui dérivent aussi d'une adaptation aux variations saisonnières "?
En d'autres termes, les Cavernicoles, ([ui habitent un milieu à
température constante, ont-ils des périodes de maturité sexuelle
comme leurs souches lucicoles soumises aux variations saison-
nières ?
Bedel et Simon (1875) affirment que les générations de Caver-
nicoles se succèdent sans intervalle. Hamman (1896) a trouvé de
jeunes Titanethes en mai et en septembre, iiiais il constate que
Proteus pond seulement au mois de mai.
Ces observations sont insuffisantes pour conclure. Il est cer-
tain que l'hétérogène agglomération de formes qui constitue
la faune cavernicole doit présenter de grandes différences aussi
à ce point de vue. Néanmoins, il est possible que l'étude de cette
question puisse fournir des données intéressantes sur l'épociue
de l'immigration d'une forme dans le domaine souterrain
c.) Suppression de l'hivernation ou de l'estivation.
Ce que je viens de dire de la périodicité sexuelle s'applique aussi
à l'hivernation et à l'estivation. Joseph (1882) dit que les habi-
LES PROBLEMES BIOSPEOLOGIOUES M 7
tants de l'entrée des grottes hivernent, mais que ceux qui vivent
dans les parties profondes, à température constante, n'hiver-
nent pas. C'est ce que l'on observe, en effet, généralement ;
mais il peut y avoir des exceptions ; d'ailleurs, toute la question
est à reprendre avec des observations plus rigoureuses.
d.) Diminution de l'activité fonctionnelle.
Les partisans de la famine souterraine invoquent la tempé-
rature constante et basse pour expliquer la résistance des Caver-
nicoles à l'inanition. Chilton (1894) dit, en effet, que l'activité
fonctionnelle de l'organisme étant moindre dans une tempéra-
ture constante et basse, la consommation de la machine animale
doit être plus faible. Vbrhoeff (1898) admet même l'exis-
tence, en cas d'inanition prolongée, d'une sorte de vie latente
rendue ])ossible par le séjour dans un milieu froid et invariable.
Ce sommeil de jeûneur que subiraient les Cavernicoles est
une supposition toute gratuite, puisqu'aucune observation directe
ne l'a constaté et que, d'autre part, il est faux que l'inanition
soit la condition normale de la vie du Cavernicole ; nous avons
vu,' en effet, que la nourriture ne manqiu' pas dans le domaine
souterrain.
L'idée que se fait Chilton de l'influence exercée par la tem-
pérature constante et basse ne me paraît pas plus exacte. Je
pense, au contraire, que l'activité fonctionnelle du Cavernicole
doit être plus grande, somme toute, que celle de sa souche luci-
cole. Car, d'une part, on peut admettre que l'hivernation est en
général su])primée chez les Cavernicoles et , d'autre part . le
fonctionnement de l'organisme par une basse température est
moins économique que par une température élevée. L'obser-
vation directe a montré que les Cavernicoles sont très agiles
et la rapidit('' de leurs mouvements très considéra l)lc.
3 Influence de l'humidité
J'ai déjà indiqué que l'air des cavernes paraissant très
sèches est néanmoins beaucoup plus humide que dans bien des
régions superficielles. C'est un avantage que présente le domaine
418 KM ILE (j. HACOVITZA
souterrain sur le domaine épigé. Packard (1889. p. 125) constate
timidement que « ...total darkness with humidity are perhaps
not so adverse to invertebrate life as would at first siglit
seem... » car, par anthropomorphisme, il attribue à la vue une
trop grande importance dans la vie des Animaux inférieurs. Or
l'humidité est un facteur bien plus important que la lumière
dans la biologie de ces êtres et Peyerimhoff (1906) a eu ]y,{v-
faitement raison d'insister sur ce point.
On sait en effet que si nous exceptons les Mammifères, les
Oiseaux et une partie des Eeptiles, presque tous les autres Ani-
maux sont mal organisés pour résister à l'évaporation des
liquides organiques ; presque tous sont rapidement tués par
déshydration.
Cependant la résistance à l'évaporation varie dans des limites
assez considérables et elle est réalisée par les artifices les plus
variés.
L'humidité constante et forte qui règne dans le domaine sou-
terrain a-t-elle eu une influence sur les descendants des formes
lucicoles pourvues de ces adaptations "?
On pourrait a priori le supposer et faire intervenir le non
usage pour en admettre la modification ou la suppression. Mais
seule l'expérience doit décider s'il en est ainsi, et elle n'a pps
été tentée.
J'ai observé cependant que des Trichoniscus cavernicoles
mouraient très vite lorsqu'ils étaient exposés à l'air sec, et que
d'ailleurs les grottes complètement sèches (comme ou en rencontre
en Algérie) sont inhabitées. Je ne sais pas si le fait est général,
mais il se pourrait que les Cavernicoles fussent moins défendus
contre l'assèchement que leurs congénères Lucicoles. Si cela
est exact, il faudrait voir là une des plus fortes barrières de dis-
persion des Cavernicoles et une des raisons principales de leur
confinement dans le domaine souterrain.
Outre cette influence générale, l'humidité constante peut avoir
exercé d'autres influences sur les habitants du domaine souter-
rain. Elle a pu, par exemple, rendre inutile l'épiphragme des
LES PROBLÈMES lîIOSPÉOLOGIOUES 419
Gastropodes, renfouissement de certains Animaux qui dans le
domaine superficiel recherchent l'humidité par ce moyen, etc.
On manque d'études sur ce point.
Les Animaux aquatiques ont tiré aussi avantage de l'humi-
dité qui règne dans les grottes oii il se forme, comme à la sur-
face, des flaques d'eau temporaires pendant les crues. Mais
tandis que dans le domaine épigé le dessèchement est une catas-
trophe qui fait disparaître la plupart des adultes, force le reste
à acquérir le pouvoir de reviviscence et provoque l'apparition
de germes spéciaux protégés contre l'assèchement, il n'en est
pas de même dans le domaine souterrain. Son atmosphère
saturée d'humidité permet aux Animaux aquatiques de vivre
« à sec ». Ainsi, dans la grotte de l'Oueil de IsTeez, j'ai trouvé un
gros Niphargus, en parfaite santé, dans un endroit où il n'y
avait pas la moindre trace d'eau liquide, et cela à la fin de l'au-
tomne après une grande période de sécheresse. Mais il y a mieux ;
Carl (1904) a décrit un Oopépode : Canthocamptus subterraneus,
qui vit sur les crottes de Chauves-souris d'une grotte de Crimée,
et non dans l'eau.
Ces faits expliquent aussi les rencontres d'Amphipodes et
d'Aselles dans de minuscules flaques d'eau, creusées dans un
encroiitement stalagmitique, où tout aliment paraît manquer.
Ces Animaux peuvent, j'en suis convaincu, sortir de l'eau sans
danger pour chercher au loin leur nourriture, ce qu'ils ne pour-
raient faire dans le monde épigé qu'exceptionnellement.
Un autre point est à noter ; comme on a signalé des Clado-
cères et des Copépodes cavernicoles, il serait intéressant de voir
s'ils continuent à pondre des œufs spéciaux, qui résistent à l'as-
sèchement, tout en examinant d'aBord si cette habitude leur
est inutile ou utile.
40 Influence des dimensions des espaces habitables
Beaucoup d'auteurs ont constaté (|ue les Cavernicoles sont
plus allongés ou plus aplatis que leurs congénères Lucicoles, et
ils trouvent l'explication du fait dans une compensation pour la
AHCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. 4» SERIE. T. VI. (VIll. 3o
420 ÉMTLR H. UACOVITZA
perte de vue. J'ai déjà indiqué (v. page llO) ce qu'il fallait penser
de cette manière de voir. Faisons remarquer, en outre, que le
fait n'est pas général; il existe des Coléoptères dont l'abdomen
est tout à fait globuleux ; d'autre part, les Arachnides et les
Opilionides présentent rarement, à ce point de vue, une diffé-
rence avec les formes qui habitent à l'extérieur.
A quoi tient cette différence? et pourquoi l'aplatissement et
l'allongement n'est-il point un caractère général des Cavernicoles 1
Je pense en trouver la raison d'une part dans la voie qu'ont
prise les souches de ces Animaux pour immigrer dans les cavernes,
et, d'autre part, dans l'influence de leur habitat normal. Je
crois donc que ces caractères peuvent être aussi bien acquis qu'hé-
réditaires.
Les Cavernicoles qui ont envahi le domaine souterrain par
les fentes, et qui les habitent encore, sont ceux qui présentent
surtout cet aplatissement et cet allongement. Chilton (1894)
attribue, avec juste raison, l'allongement des Crustacés qui
habitent les nappes phréatiques de la Nouvelle-Zélande à la
nécessité de circuler dans des fentes étroites. On peut expliquer
de la même manière l'allongement des Cavernicoles terrestres.
J'ajouterai que cet allongement et cet aplatissement ont pu se
produire seulement à la suite de l'immigration secondaire des
vastes espaces souterrains dans les espaces étroits ; il est pos-
sible aussi que pour certaines espèces ces qualités soient héré-
ditaires, la fente ayant servi souvent de voie d'accès dans le
domaine souterrain et ayant ainsi produit une sorte de tamisage
des candidats cavernicoles.
D'ailleurs, beaucoup de Cavernicoles se sont recrutés parmi
les habitants des fentes superficielles qui présentent tous des
formes plates et allongées.
Les Silphides, Aranéides. Mollusques. Opilionides, etc., qui
ont des formes arrondies et présentent même souvent un gon-
flement exceptionnel du corps, n'habitent par les fentes ; ce
sont les colons des vastes espaces souterrains. La voie d'accès
prise par leur souche a dû être l'entrée des grottes. Ce qui paraît
LES PROBLEMES BlOSPEOLOGIOl'KS 421
le démontrer c'est qu'on trouve encore leurs proches parents à
ces entrées, stations favorites des Silpliides, des Aranéides, etc.
Notons seulement ici, sans insister, les rapports encore mys-
térieux, mais certains, qu'il y a entre *la taille des Animaux
aquatiques et le volume de l'eau dans laquelle ils habitent.
Semper (1880, T. I, pp. 195 et s.), et d'autres après lui, ont expé-
rimentalement établi l'existence de ces rapports. On pourra
faire probablement l'application de cette découverte aux Caver-
nicoles aquatiques habitant les bassins lacustres souterrains.
5° Influence de l'état dynamique de l'air et de l'eau
On a maintes fois étudié les effets de l'air en mouvement sur
les êtres lucicoles. On sait que les courants aériens favorisent
singulièrement la dispersion des Plantes et des Animaux ; on
attribue aux effets du vent la fréquence des Insectes aptères
dans la faune des îles océaniennes, etc. Mais on n'a pas encore
examiné, me semble-t-il, l'influence que les courants aériens
peuvent exercer, soit sur le développement des organes fragiles
et délicats, soit sur l'évolution des organes capables d'enre-
gistrer les vibrations du milieu, comme certains organes des
sens à fonctions statiques ou comme les appendices et poils
sensitifs.
Cette influence est certaine, mais il faut noter que les diffé-
rents Animaux ne la subissent pas également ; beaucoup n'offrent
pas de prise à son action à cause de leur organisation, d'autres
s'en affranchissent plus ou moins complètement par leur propre
industrie (nids, abris variés, etc.). Mais, là où elle s'exerce, il
doit se produire un arrêt ou une modification dans l'évolution
progressive des organes mentionnés.
En effet, les appendices courts et fragiles doivent s'épaissir,
les poils allongés et rigides doivent s'assouplir ou se raccourcir ;
en un mot, cette influence se manifestera par un épaississement
et un assouplissement des organes atteints.
Les organes enregistreurs de vibrations ne pourront pas
accroître leur sensibilité au delà d'une certaine limite, car le
422 KM ILE G. RACOVITZA
vent causerait des troubles trop graves sur un Animal pourvu
d'organes trop sensibles.
Voyez ce qui se passe dans un cas analogue avec les Oiseaux
de nuit, dont l'œil es^ extrêmement sensible ; ils ne ])euvent
supporter la lumière du jour.
Or, nous savons que dans le domaine souterrain, sauf rares
exceptions (trou à vent, cavernes à issues multiples, etc.), il
règne un calme parfait ; la circulation de l'air se fait d'une
façon si lente qu'elle est pratiquement insensible. Il en résulte
que l'influence dont il est question ne peut s'exercer.
Les appendices pourront se développer en longueur, et ils
pourront être et fragiles et rigides. De fait cela se présente fré-
quemment dans le domaine souterrain, et l'on connaît la fra-
gilité tout à fait remarquable de certains Cavernicoles (Tita-
nethes, DoUchopoda, etc.).
D'autre part, l'hyperesthésie des organes enregistreurs de
vibrations est non seulement rendue possible, mais est même
très avantageuse à l'animal comme compensation pour l'impos-
sibilité de voir.
Une observation récente et inédite de M. Eené Jeannel semble
fournir un exemple de cette hyperesthésie.
M. Jeannel élève des Antisphodrus navarricus Vuill. dans des
cristallisoirs recouverts d'une plaque de verre. Or, il a remarqué
que ces Coléoptères paraissent indifférents aux variations d'éclai-
rage, mais qu'ils sont d'une extrême sensibilité au moindre
mouvement de l'air. Si l'on souffle sur eux, même légèrement,
ils sont pris de convulsions tétaniques, et s'enfuient ensuite
précipitamment.
Cette observation sera d'ailleurs approfondie et vérifiée dans
les cavernes mêmes. Si c'est réellement le mouvement de l'air
qui produit l'effet décrit, il en résulterait que les Aniùphodrnu,
ou les Cavernicoles ayant la même sensibilité, ne doivent jamais
se rencontrer dans les trous à vent ou les régions à courants
d'air.
Les eaux souterraines n'offrent pas, au point de vue de leur
LES PROBLÈMES RlOSPEnLOGIOTTES 423
mouvciiuMit. de grandes différences avec les eaux superficielles ;
la pro])ortion des eaux courantes et des eaux stagnantes est à
peu près la même. On ne peut donc s'attendre à trouver des
différences, au point de vue de l'influence de ces mouvements^
entre les formes lucicoles et cavernicoles.
G» Influence de la composition chimique de l'air
ET DE l'eau
La composition chimique de l'atmosphère des cavernes est
normale dans la grande majorité des cas. On ignore si les cavernes
à dégagement d'acide carbonique sont inhabitées, comme c'est
probable, ou s'il existe des êtres qui se sont adaptés à une
atmosphère irrespirable pour les Animaux supérieurs.
L'eau stagnante des cavernes est saturée de calcaire, mais
cette saturation ne lui est pas spéciale. Beaucoup de mares
superficielles sont certainement dans le même cas. L'adaptation
physiologique au séjour dans l'eau à divers degrés de saturation
doit donc être générale chez tous les Limnobies; il est peu pro-
bable, par conséquent, qu'on puisse trouver des adaptations
spéciales chez ceux qui habitent les eaux souterraines.
Viré (1899, p. 36) prétend cependant que les téguments des
Niphargus sont « en grande partie décalcifiés », sans d'ailleurs
nous donner plus amples détails sur cette stupéfiante découverte
et sans nous dire à la suite de quelles observations il a été amené
à la faire.
Mais à la page 48 de son mémoire, on trouve l'explication de
ce troublant mystère. Voici ce qu'on y lit ; je ne change ni un
mot ni une lettre :
(c Oalcéoles. — On appelle ainsi des sortes de concrétions à
structure rayonnée, dispersées sur différents points du corps.
« On y a vu parfois des organes sensoriels. Mais nous ne pen-
sons pas que cette opinion corresponde à la réalité. Ces corpus-
cules sont en effet disséminés très irrégulièrement dans le tégu-
ment. Leur nombre varie de 3 ou 4 à plusieurs centaines. Sur
quelques exemplaires, elles arrivent à se toucher, à se juxtaposer
4-24 EMILE G. RACOVITZA
et à former de véritables plaques ininterrompues. Il est donc
naturel d'y voir des îlots de matières calcaires ayant résisté à
la décalcification. »
Cette citation suffit x)our convaincre les zoologistes que la
décalcification des Niphargus est non une découverte mais une
grave erreur. Mais ces lignes peuvent tomber sous les yeux des
profanes ; expliquons leur donc ce que sont les calcéoles et les
concrétions discoïdales des Amphipodes.
Les calcéoles sont des corpuscules vésiculaires, sphériques ou
ovoïdes, fixés au moyen d'un pédoncule sur les appendices
antennaires. Depuis leur découverte par Milne-Edwards en 1830,
on a constaté leur présence chez beaucoup d'Amphipodes, mais,
suivant les espèces, soit uniquement chez le mâle, soit chez les
deux sexes, et tantôt seulement sur les antennes ou sur les
antennules, tantôt sur ces deux sortes d'organes en même temps.
Leur répartition sur l'appendice est variable et leur rôle est
inconnu.
Les concrétions discoïdales des téguments des Amphipodes
sont également connues depuis fort longtemps et, comme une
goutte d'acide suffit pour déceler leur véritable nature, on a
toujours été d'accord qu'elles sont calcaires. On n'a pu constater
aucune régularité dans hi présence de ces concrétions, ni chez
les espèces d'un même genre, ni chez les individus d'une même
espèce. Quoi qu'il en soit, ils existent aussi bien chez les Luci-
coles que chez les Cavernicoles. Et si sur « quelques individus
elles arrivent à se toucher » cela doit être considéré comme une
preuve d'une calcification intense des téguments de ces exem-
plaires, et nullement comme le sigiu' d'une décalcification.
7" Influence du régime alimentaire
Nous avons vu ({u'on ne peut admettre que dans le domaine
souterrain la nourriture soit toujours rare ou même qu'elle
manque souvent. Au point de vue alimentaire cet habitat n'est
pas moins favorable que beaucoup d'autres habitats épigés.
La question de l'influence de la pénurie d'aliments, qui est
LES PROBLÈMES BIOSPEÛLOGIQUES 425
fort intéressante en elle-même, est une question générale et non
spéciale aux cavernes. Il n'y a donc pas lieu de s'en occuper
ici ; il suffit de constater que dans les cas où elle se présente,
dans les cavernes ou ailleurs, elle a pour eftet soit une dimi-
nution du nombre des individus ou des germes, soit un retard
dans les périodes de reproduction, soit des adaptations spéciales
(arrêt de l'activité fonctionnelle, formation de réserves, etc.).
Elle n'influe que rarement, ou pas du tout, sur la taille des
Animaux.
D'autre part, presque tous les Animaux poïkilo thermes, et
particulièrement ceux qui habitent des régions à fortes varia-
tions saisonnières, ont acquis, par une longue pratique des
misères de cette terre et sans donnnage pour l'organisme, la
faculté de jeûner.
Mais les ressources alimentaires fournies par le domaine sou-
terrain ont joué un rôle capital dans le choix des Animaux luci-
coles immigrés dans les cavernes car, sauf des cas très rares
(Rhizophages), la vie n'y est possible qu'aux Saprophages et
aux Carnivores ou aux formes qui ont pu s'adapter secondai-
rement à ces régimes.
8 Influence de la lutte pour l'existence
La lutte pour l'existence existe aussi dans le domaine sou-
terrain, quoique Darwin, Packard et d'autres aient nié son
existence. La sélection naturelle s'y exerce aussi bien entre indi-
vidus d'une même espèce qu'entre espèces différentes. Elle ne
peut provoquer l'apparition des variations ; mais elle choisit,
parmi celles que d'autres facteurs font naître, les plus favorables
à l'espèce. Elle rend donc de plus eji plus profondes les adapta-
tions au milieu souterrain, eu faisant survivre l'espèce la mieux
douée et en supprimant la moins apte.
Les espèces qui habitent le domaine souterrain sont beaucoup
moins nombreuses que dans le domaine épigé ; il peut donc
arriver qu'une espèce immigrée dans les cavernes puisse avoir
la chance de se soustraire, complètement ou partiellement, à ses
426 EMILE G. RACOVITZÂ
ennemis particuliers lucicoles, et même à ses parasites. Elle
pourra même être soustraite aux coups, peut-être mortels, des
ennemis nouveaux que les hasards d'une migration ou d'une
transformation spécifique susciteront à leur souche épigée, car
ces nouveaux ennemis de la souche peuvent ne pas coloniser
les cavernes. Le résultat de cet événement sera la disparition
des souches et la conservation des descendants cavernicoles.
On verra plus loin (voir p. 473) qu'on a de bonnes raisons de
croire que les choses se sont passées ainsi pour plusieurs espèces
qui habitent actuellement les cavernes,
La lutte pour l'existence et la sélection naturelle doivent aussi
jouer un rôle considérable dans l'adjonction de nouveaux
membres à la population, déjà adaptée, des Cavernicoles. Comme
le fait remarquer Viré (1899), le Lucicole qui pénètre dans le
domaine souterrain est une proie facile pour le Cavernicole qui
a tous les atouts dans son jeu pour vaincre l'intrus dépaysé.
Mais cela n'est exact que dans le cas où l'appareil optique
joue un rôle dans la biologie de l'immigrant. Cette considération
s'applique dans toute sa rigueur aux vrais Lucicoles oculés,
beaucoup moins ou pas du tout aux Lucifuges qui savent se
passer de la vue pour la satisfaction des besoins vitaux.
Combien est donc fausse l'idée de ceux qui s'imaginent s) ont été trouvés s'atta-
quant aux Coléoptères cavernicoles.
On trouve souvent sur les parois ou sur le sol des grottes
des Nycterihie et des Eschatocephales qui sont ectoparasites des
Chauves-souris ; des Puces de Mammifères ont été rencontrées
dans la poussière du sol. Il est démontré que certaines larves
d'Acariens se fixent sur les Coléoptères cavernicoles.
CoPER a décrit un Lernéen ectoparasite d'Amblyopsis. On
a mentionné aussi des Protozoaires qui seraient fixés sur les
branchies du Protée et sur différents Animaux aquatiques ou
terrestres, mais on ignore si ce sont des Parasites,
Plantes. — Des Phanérogames, des Cryptogames vascu-
laires, des Mousses et Lichens poussent volontiers à l'entrée des
grottes ; certains se rencontrent assez loin dans l'intérieur sans
atteindra pourtant l'obscurité complète.
Ces Plantes présentent des modifications nombreuses dans
leur forme, leur structure, et même leur mode de propagation ;
mais ces adaptations sont individuelles et non héréditaires. Il
n'existe aucun représentant de ces groupes qui puisse être con-
sidéré comme cavernicole.
On trouve quelques Algues et d'assez nombreux Champignons
vivant à l'obscurité complète. Mais il ne paraît exister ni Algue
ni Champignon exclusivement cavernicole. INIaheu (1906) pré-
tend môme que les Champignons des cavernes ne peuvent se
reproduire indéfiniment, car tous montrent une tendance mani-
feste vers l'atrophie des organes de reproduction. Si cette
conclusion de Maheu ne comporte pas d'exception, il faudrait
considérer les Plantes trouvées dans les cavernes comme des
habitants occasionnels, des trogloxènes, et ou ne pourrait plus
parler d'une Flore cavernicole.
Bactéries. — Les hygiénistes ont démontré que les Bactéries
peuvent traverser, avec les eaux courantes, de vastes espaces
souterrains et résister à de longs séjours souterrains, mais on
ignore s'il existe des Bactéries vraiment troglobies.
430 EMILE (}. RACOVITZA
VIII. Modalités de l'évolution des Cavernicoles.
î^ous avons examiné, dans les pages qui précèdent, l'impor-
tance du domaine souterrain, les conditions d'existence qu'il
offre aux êtres vivants, l'influence que ces conditions peuvent
exercer , les caractères taxonomiques qui résultent de ces
influences, et enfin la composition de la faune et de la flore
cavernicoles. Il nous reste à examiner toute une série de ques-
tions du plus haut intérêt, mais qui, faute d'études appro-
fondies, sont encore plus éloignées de leur solution que les pré-
cédentes.
Voyons en premier lieu comment s'est opérée la transforma-
tion des Epigés en Cavernicoles, comment ont été acquis ces
caractères spéciaux qui sont la résultante du séjour dans le
domaine souterrain, en un mot, voyons comment les êtres sou-
terrains se sont adaptés à leur habitat.
Cette question, lorsqu'on lui donne son sens général, se pose
pour tous les êtres de la terre. Je ne puis donc pas la traiter
ici. Je vais exposer seulement, et d'une façon succincte, ce qu'il
en a été dit à propos des êtres souterrains.
Les opinions les plus diverses ont été émises au sujet de la
rapidité avec laquelle s'est opérée la transformation des Caver-
nicoles.
Darwin (1859) et les naturalistes de son école soutiennent
qu'il faut d'innombrables générations pour qu'un être puisse
acquérir les caractères qui en font un Cavernicole.
Packard (1889 et 1894) soutient que cette transformation
s'est effectuée rapidement, en quelques générations, et pour
mieux illustrer sa manière de penser il prend un exemple con-
cret, un Trechus, dont il conte l'étonnante histoire. Nous revien-
drons plus loin (p. 454) sur cette terrible tragédie biologique.
EiGENTViANN (1900) admet, en certains cas, une transforma-
tion brusque se faisant par sauts (Saltatory variation).
Ces trois opinions paraissent inconciliables. En réalité, elles
peuvent être admises toutes les trois, car s'il n'est pas possible
LES PROBLÈMES BlOSPEOLÔCiIQUES 451
de soutenir que tons les Cavernicoles se sont adaptés par trans-
formation lente, ou par transformation rapide, ou par muta-
tions, il faut admettre que les trois modes d'évolution se ren-
contrent dans l'histoire des adaptations subies par les habitants
du domaine souterrain.
Chacun de ces trois modes peut avoir caractérisé l'évolution
d'une espèce, mais aussi l'évolution d'un seul organe. Et il n'est
pas absurde d'imaginer que l'histoire évolutive d'une espèce
puisse comporter, dans la transformation des différents organes,
les trois modes à la fois.
Dans la rapidité de la transformation, un fait paraît jouer le
rôle capital : c'est l'importance de l'organe dans l'économie de
l'animal et son ancienneté phylogénétique, en d'autres termes,
l'intensité de sa « mémoire » héréditaire. Plus un organe est
important dans l'économie de l'organisme, plus longue est la
lignée d'ancêtres qui l'ont transmis, et plus la résistance qu'il
offre aux influences du milieu est grande, plus par conséquent
son adaptation sera lente.
Ainsi, il est certain que le Protée vit dans le domaine sou-
terrain depuis bien plus longtemps que beaucoup de Crustacés
qui sont devenus aveugles, et pourtant ses yeux n'ont pas com-
plètement disparu. L'histoire de l'appareil optique du Protée
nous offre un exemple d'évolution lente, comme la demande
Darwin.
Les expériences de Pries (1873) et de Viré (1904) ont dé-
montré que l'œil d'un Gammarus vivant à l'obscurité pendant
un an montre des signes incontestables d'atrophie. Il est donc
permis de conclure que la cécité des Niphargus, Asellus, etc.,
cavernicoles est due à une évolution très rapide, telle que l'ima-
gine Packard.
On lit dans Viré (1899) que des Crustacés soumis à l'obscu-
rité ont présenté, au bout de trois mois, un allongement brusque
des bâtonnets olfactifs. Voici donc un cas de variation salta-
toire. Si cette variation était héréditaire, nous aurions affaire
à une mutation. Les Plantes souterraines montrent aussi des
ARCH. DE ZOOh. EXP. ET GÉX. 4= SÉRIE. T. VI. (VIl). 32
452 EMILE G. RACOVITZ.X
chaugements brusques dans leur port et leur structure, mais il
a été démontré que ces changements ne sont pas héréditaires.
Ces exemples suffisent pour montrer que les trois ])rocédés
évolutifs sont également possibles. On peut, de plus, s'attendre
à rencontrer ces procédés simultanément, dans l'histoire d'un
même Animal, pour ses ditîérents organes. Enfin il est absolu-
ment démontré qu'il est impossible d'établir une règle étroite
et exclusive pour l'ensemble des êtres cavernicoles.
Il est tout aussi impossible d'admettre un processus unique
des transformations des organes chez les Etres cavernicoles,
et c'est à tort qu'on a essayé semblable généralisation. J'ai déjà
fait remarquer que des organes analogues au point de vue fonc-
tionnel peuvent être très différents au point de vue de l'ori-
gine, du degré de développement et de l'importance dans l'éco-
nomie d'une espèce ; par conséquent, leur histoire adaptative
doit être très diverse.
Prenons par exemple la transformation de l'appareil optique
qui a été le mieux étudiée. Cinq opinions ont été exprimées à
son sujet, chacune dans l'esprit de ses partisans devant s'appli-
quer à l'ensemble de la forme cavernicole.
On considère en effet que l'œil a disparu :
1° Par régression ; 2° par dégénérescence ; 3° par arrêt de
développement ; 4^ par la lutte des parties de l'organisme ; 5° par
économie de nutrition.
KoHL a cru conclure de l'étude d'un Poisson cavernicole
américain que la disparition de l'œil était due à un arrêt de
développement. EigenjVIANn (1899) me semble avoir démontré
que cette interprétation n'était pas exacte ; il s'agit, en l'espèce,
d'une régression.
Packard (1889) et d'autres ont signalé chez les Crustacés
des cas où l'œil n'est représenté que par quelques ocelles isolés
ou bien par quelques cornéules. Dans ce cas il s'agit d'une véri-
table dégénérescence.
Si les études de Kohl sur l'œil du Protée sont plus exactes
que celles mentionnées plus haut, on aurait chez ce Batracien
LES PROBLEMES BIOSPEOLOGIQUES 453
un cas d'arrêt de développement. Dans d'autres directions, on
peut aussi, d'ailleurs, signaler des arrêts de développement ;
c'est ainsi que pe,ut être interprété, par exemple, le fait que la
Pseudotremia cavernicole a moitié moins de segments que sa
souche lucifuge Lisiopetalum, etc.
Quant à la lutte des parties de l'organisme, elle pourra pro
bablement être constatée dans les cas de dégénérescence.
C'est à cette « lutte » que se rattache ce que Carpenter (1895)
nomme « economy of nutrition », mais il cherche à baser son
idée sur des arguments qu'on ne peut admettre : « There is a
gênerai tendency among cave-animals to a decrease in size, and
their food supply is undoubtedly very limited. » Donc la dispa-
rition d'un organe inutile sera avantageuse. Admettons cette
conclusion, tout en niant la «gênerai tendency », et la pénurie
générale et permanente de nourriture.
Concluons de tout ceci que les processus évolutifs qui se
sont manifestés à l'occasion de la transformation des caverni-
coles sont très variés, et que chaque organe et chaque espèce
a son histoire évolutive particulière.
Il nous faut maintenant examiner les facteurs qui ont agi
dans révolution des Cavernicoles.
Un premier facteur, et le plus important à mon avis, est
l'influence directe du milieu combinée avec l'effet de l'usage
ou du non-usage, et l'hérédité des caractères ainsi acquis.
Darwin (1859) s'est rallié à cette interprétation de Lamarck,
et Packard (1889), Chilton (1894), Eigenm.4nn (1899), etc.,
l'admettent également. En réalité, ce qu'on appelle théorie
de Lamarck ne me semble pas être une théorie, mais une cons-
tatation de faits, dont nous ignorons l'intime essence et le méca-
nisme qui les provoque, mais dont aucune considération théo-
rique ne peut mettre en doute la nécessité. Il ne m'est pas pos-
sible de m'étendre sui' cette question qui n'est pas spécialement
biospéologique.
Un autre facteur est la sélection naturelle. Chose curieuse,
Darwin (1859, pp. 149-152) lui-même nie son effet dans le
454 EMIF.E G. RACOVITZA
domaine souterrain : a Comme il est difficile de supposer que
l'œil, bien qu'inutile, puisse être nuisible à des animaux vivant
dans l'obscurité, on peut attribuer l'absence de cet organe au
non usage. » D'autre part, il croit que la lutte pour l'existence
ne s'exerce pas dans ce domaine. On a vu que cette idée est
fausse. De plus, si la sélection naturelle peut ne pas s'exercer à
l'occasion de la disparition de l'œil, elle peut agir dans l'évolu-
tion progressive des organes des sens compensateurs pour l'im-
possibilité de voir, et même dans d'autres adaptations.
Packard (1889 et 1894) nie avec acharnement l'influence de
la sélection. Je résume ici l'histoire des vicissitudes d'un pauvre
Trechus, qui, s'égarant dans le domaine souterrain, se trans-
forma en cavernicole, car cette histoire précise bien ses idées.
Un Trechus hypogé, habitué à creuser dans la terre, est
entraîné « by varions accidents », dans une crevasse ou grotte
sombre dont il ne peut sortir avec ses propres moyens. Il est
trop vigoureux pour périr, a and with perhaps already partially
lucifugous habits », il vit et se reproduit, « fiuding just enough
food to enable them to make a bare livelihood, and with just
enough vigor to propagate their kind ». En peu de temps les
descendants sont adaptés, et « they would live on weak, half
fed, half blind, forced to make their asylum in such forbidding
quarters ». Oii y a-t-il place ici pour la sélection naturelle ?
Obscurité « lack of suitable food and lack of destructive carni-
vorous forms other than blind species themselves ». Nous avons
affaire à des facteurs purement physiques qui travaillent dans
une seule direction, la destruction des yeux. C'est un vrai cas
de Lamarckisme : changement de milieu, non usage, isolement.
Cette histoire de Trechus me paraît une légende, que je ne
puis m'empêcher de qualifier d'enfantine, malgré l'estime que
je professe pour un naturaliste comme feu Packard. La vraie
histoire de son Trechus me paraît être la suivante : Lucifuge et
plus ou moins compensé, il immigra volontairement dans le
domaine souterrain, parce qu'il y trouvait des avantages : humi-
dité pei*pétuelle et température constante. Loin de crever de
LES PROBLÈMES BIOSPFOLOGIQTJES 455
faim, il lui tirriva maintes fois de faire ripaille, ce qui éveilla
en lui les tentations de la chair, qui, satisfaites, fournirent
copieuse progéniture. Il combattit courageusement ses féroces
ennemis et vaillamment il fit concurrence à ses semblables ;
et si maintenant il est un personnage marquant dans la popu-
lation cavernicole, c'est parce que l'influence du milieu a per-
fectionné ses aptitudes héréditaires, et parce que la sélection
naturelle a augmenté refflcacité de ses armes d'attaque et de
défense.
Chilton (1894) raconterait cette histoire de Trechus presque
de la mênu' façon, car, tout en admettant l'importance de l'in-
fluence du milieu, et celle de l'usage et du non-usage, il croit à
l'existence de la sélection naturelle. Hamman (1896) la nie, à
tort comme on l'a vu.
Lankester (1893) occupe un rang à part dans cette question.
Il prétend qu'on n'a pas encore démontré la transmission des
caractères acquis, que, par conséquent, on ne peut recourir à
cette explication. D'ailleurs, la sélection naturelle explique faci-
lement la cécité des Cavernicoles, et de la façon suivante :
Beaucoup d'Animaux naissent fortuitement avec des yeux
défectueux ; en supposant qu'une bande d'Animaux est en-
traînée par hasard dans les grottes ou dans les abîmes marins,
ceux qui ont de bons yeux reviendront vers la lumière, les
autres resteront dans les parages obscurs et y feront souche de
malvoyants. A chaque génération la même sélection s'opérera et
le résultat final sera une population d'aveugles.
EiGENMANN (1898) a durement reproché à Lankester cette
théorie. Il dit, en ettet, qu'elle est basée sur deux faits : « the
authors lack of knowledge about caves and lus disregard of
the nature of the animais inhabiting them ». Quoi qu'il en soit,
il est certain qu'elle est insoutenable.
Tous les cavernicoles, aveugles ou non, sont lucifuges et
descendent presque tous de souches également lucifuges. Les
Animaux des cavernes ne sont pas aveugles et compensés pour
l'impossibilité de voir parce qu'ils se sont « égarés » dans les
456 EMILE G. RAGOVITZA
cavernes ; ils sont volontairement entrés dans les cavernes
parce qu'ils étaient déjà plus ou moins aveugles et plus ou moins
compensés pour l'impossibilité de voir. De plus, le peu d'obser-
vations que nous possédons sur le développement des Caver-
nicoles aveugles montrent que les jeunes ont un appareil optique
plus perfectionné que les adultes {Proteus, Trogloearis, Gambarus).
Cette dernière objection, déjà soulevée par Cunningham (1893)
et Boulanger (1893) détruit les derniers doutes qui auraient
pu subsister sur la fausseté de la théorie de Lankester.
Un troisième facteur, invoqué par Weismann, est l'arrêt de
la sélection naturelle et sa conséquence, la panmixie. Il n'y a
aucune objection de principe à lui opposer ; la panmixie est
dans les choses possibles, quoiqu'il soit difficile de l'observer
directement, mais son efficacité doit être bien faible. Voyez ce
qui se passe pour le Protée, qui est un des plus anciens habitants
du monde souterrain, et qui, pourtant, n'a pas complètement
perdu ses yeux, malgré la panmixie. Si, d'une part, elle peut
répandre l'etîet de certaines variations dues à la cessation de la
sélection naturelle, elle diminue les chances de conservation
de beaucoup d'autres variations. Somme toute, son importance
ne me paraît pas considérable.
Quant aux autres vues théoriques des Weismanniens, des-
tinées à expliquer les variations sans l'aide de l'hérédité des
caractères acquis, qu'ils nient, mieux vaut ne pas en parler.
PioCHARD DE LA Brûlerie (1872) et PACKARD (1889) invo-
quent avec raison un autre facteur : l'isolement ou ségrégation,
mais ce dernier exagère, non pas son importance, qui est extrême
pour la constitution de nouvelles espèces ou variétés, mais sa
rigueur dans le domaine souterrain. Certes, si l'on admet comme
lui que les Cavernicoles sont des Lucicoles entraînés par acci-
dent dans les cavernes, brusquement séparés de leur souche
par la profondeur des gouffres, on doit logiquement considérer
l'isolement comme absolu dès le moment de l'accident ; mais
l'on a vu que cette conception n'est pas soutenable. La vérité
est toute autre. Les Lucifuges qui ont fourni les immigrants
LES PROBLEMES BIOSPÉOLOGIQUES 457
cavernicoles habitent soit les fentes et abris des lapiaz. soit les
entrées de grottes, soit les eaux en continuité directe avec les
eaux souterraines. Au commencement il y a certainement non
isolement, mais promiscuité ; on peut, d'ailleurs, le constater
directement pour les très nombreuses espèces qui vivent indif-
féremment dans les grottes et à l'extérieur.
Donc, au début de l'immigTation, la transformation doit être
lente, la panmixie tendant à détruire ce que l'influence du
milieu et l'eiïet de l'usage ou non usage ont pu jjroduire en fait
d'adaptation au domaine souterrain ; mais, dès que la nouvelle
colonie est arrivée à une certaine profondeur, l'isolement peut
se produire et la transformation doit être rapide.
L'isolement peut être brusque et absolu, lorsqu'il résulte
d'une variation ou mutation qui empêche l'accouplement pour
des raisons anatomiques ou physiologiques. Ce cas n'est pas
spécial aux cavernes. Mais on peut imaginer des cas d'isolement
qui sont sous la stricte dépendance des conditions d'existence
que présente le domaine souterrain.
L'obscurité ne doit pas jouer de rôle dans la question. Il en
est autrement de la température et de riiumidité. Dans les pays
où la sécheresse est périodique, l'époque de reproduction corres-
pond à la saison humide, et dans les pays à hivers rigoureux il
y a aussi une période sexuelle. La température et l'humidité
constantes des grottes ayant probablement supprimé toute
périodicité dans la maturité sexuelle des Cavernicoles, il peut
résulter un isolement de cette différence entre la faune souter-
raine et répigée.
Enfin il faut mentionner un dernier facteur : la lutte des parties
de l'organisme. Ce facteur, mis en valeur par Roux, peut, en
certains cas, jouer un rôle important, surtout lorsqu'il s'agit
d'organes déjà existants qui sont soumis à des influences qui
leur sont contraires, et cela pour les faire disparaître. Mais son
rôle est-il aussi important lorsqu'il s'agit d'organes favorable-
ment influencés par le milieu ? Je ne le crois pas, parce que la
disparition de l'organe non utilisé ne profite pas directement à
458 EMILE G. RACOVITZA
l'organe favorisé, mais seulement indirectement ; les agents
spéciaux de destruction qui existent dans les organismes déver-
sent les butins de leur victoire dans le trésor commun, s'ils ne
les consomment pas pour leur propre compte.
Mentionnons seulement pour mémoire la modification de la.
conception de Roux que Lendenfeld (1896) imagina à propos
des travaux de Kohl sur l'œil des Vertébrés cavernicoles. Il
ne me semble pas qu'il y ait autre chose à en dire.
IX. Distribution géographique des Cavernicoles.
Bedel et Simon (1875), dans leur excellent Catalogue des
Articulés d'Europe, constatent que les grottes habitées se
trouvent entre le 40*^ et le 00" de latitude nord. Cette conclusion,
parfaitement légitime en 1875, s'est transmise sous forme de
dogme jusqu'à nos jours. Beaucoup de biospéologistes croient
qu'en dehors de la zone de Bedel et Simon il n'existe pas des
grottes peuplées de vrais troglobies.
Or, cette idée est certainement erronée. Il suffit de mentionner
les trouvailles faites en Algérie, au Tonkin, dans la colonie
du Cap, la Nouvelle-Zélande, le Mexique, le Texas, les
Philippines, etc., pour arriver à une toute autre conclusion.
Il existe des Cavernicoles partout où il y a des massifs cal-
caires et des eaux souterraines.
Certes, il y a des différences dans le peuplement des différentes
régions, mais cela tient à des causes multiples et locales. 11
n'est pas possible d'admettre, en l'état actuel de nos connais-
sances, une cause générale qui puisse rendre azoïque une vaste
portion du domaine souterrain.
Si, jusqu'à présent, la faune cavernicole de la zone de Bedel
et Simon est la plus riche et la plus variée, cela doit surtout
tenir au fait que les grottes de cette zone ont été les seules bien
étudiées.
En Algérie, par exemple, dans les provinces d'Alger et de
Constantine, beaucoup de grottes sont complètement sèches et
azoïques, mais celles qui sont suffisamment humides sont par-
LES PROBLEMES BIOSPEOLOGIQUES 459
faitement peuplées. Comme, d'autre part, les massifs calcaires
n'y sont pas très nombreux, il est certain qu'on ne peut s'at-
tendre à trouver dans ces pays une population cavernicole com-
parable à celle du Karst autrichien ou des Pyrénées. Mais je
suis convaincu que les massifs calcaires, vastes, suffisamment
humides, et situés en dehors des zones polaires, doivent cacher
dans leurs cavités une riche population cavernicole, quelle que
soit leur situation géographique.
Cette question préliminaire une fois examinée, il nous reste
à voir ce qu'on peut déduire de l'étude de la chorologie des
Cavernicoles. Malheureusement, il faut convenir que nous ne
savons presque rien à ce sujet ; les essais timides faits dans cette
voie n'ont fourni que de vagues indications, d'ailleurs très sou-
vent fausses. Je crois qu'il ne peut en être autrement, car toute
étude chorologique me semble prématurée même pour le groupe
le mieux étudié, les Coléoptères. Certes, on peut s'amuser à
dresser des tables statistiques et disposer des noms en belles
colonnes, mais l'importance d'un tel travail sera nulle. Pour
faire œuvre sérieuse il nous manque, pour tous les groupes, un
certain nombre d'études préliminaires indispensables : de bonnes
révisions taxonomiques, des études sur l'origine et sur la filiation,
sur l'éthologie, etc.. A ces lacunes s'ajoute aussi l'absence
presque complète de renseignements sur les régions situées en
dehors de la zone de Bedel et Simon.
Mais, même lorsque ces lacunes seront comblées, on ne pourra
se livrer à l'étude chorologique des Cavernicoles pris en bloc ;
car les faunes et les flores souterraines sont des faunes et des
flores dérivées, formées par une agglomération d'êtres absolu-
ment diiïérents, dont l'origine, l'âge, l'ancienneté d'immigration
sont très divers. On sera donc réduit à faire des chorologies
spéciales pour chaque groupe homogène, ce qui ne sera pas
moins intéressant.
Ce que je viens de dire ne doit pas nous empêcher d'examiner
quelques questions très générales dont la solution intéresse au
plus haut point la chorologie des Cavernicoles.
460 EMILE G. RACOVITZA
X. Origine des Cavernicoles.
Tout le inonde admet que le domaine souterrain n'est pas un
habitat primitif ; on est d'accord, par conséquent, pour consi-
dérer les Cavernicoles comme des immigrants qui ayant quitté
leur ancienne demeure ont eu à subir une adaptation plus ou
moins profonde à leur nouvel habitat.
Ces ImmigTants proviennent de plusieurs habitats épigés
différents ; leur origine est donc multiple.
Origine terrestre. — La très grande majorité des Caver-
nicoles est terrestre et dérive de souche terrestre. Je n'insiste
point.
Origine limnique. — Les faunes des eaux douces superfi-
cielles ont beaucoup de représentants dans les eaux souterraines.
On peut se demander si les crues, fréquentes dans le domaine
souterrain, suivies de périodes d'assèchement, n'ont pas occa-
sionné la transformation de formes aquatiques en formes ter-
restres, étant donné que l'humidité constante qui règne dans
les cavernes facilite singulièrement cette transformation ; je
rappelle seulement le cas du Niphargus et du Copépode men-
tionnés autre part (voir p. 419). Pour l'instant, on ne connaît
pas de Cavernicoles vraiment terrestres auxquels on puisse^ assi-
gner cette origine, mais la rencontre d'une semblable forme
ne serait pas étonnante.
Origine marine. — Les découvertes de ces dernières années
permettent d'attribuer une origine marine à certains Caverni-
coles d'eau douce. Le fait est certain pour Cruregens de la Nou-
velle-Zélande, il l'est moins pour les Cirolanides et Sphaeromiens
d'Europe et du Texas, car ces groupes ont des représentants
limniques et l'on ignore encore la vraie filiation de ces Crus-
tacés cavernicoles. Quant aux Poissons cavernicoles de Cuba,
on peut jusqu'à nouvel oi-dre les considérer comme de souche
marine.
LES PROBLEMES BIOSPEOLOGIQUES 461
XI. Mode de peuplement du domaine souterrain.
Il est nécessaire de résoudre une question préliminaire avant
d'aborder l'examen des voies suivies par les Epigés dans leur
immigration dans le domaine souterrain.
Packard (1889), LAnkester (1893), et beaucoup d'autres,
pensent que le peuplement des cavernes est dû au hasard des
accidents variés qui ont pu y entraîner des habitants des zones
superficielles. Packard admet aussi que les Animaux de grande
taille, et même l'Homme, ont pu contribuer à ce peuplement en
transportant dans les grottes les petits Animaux ou les germes
accrochés à leur surface. En un mot, les biospéologistes de cette
école croient que l'immigration dans les cavernes a été involon-
taire.
BiGENMANN (1898), Garuian (1892), etc., pensent avec juste
raison que cette immigration a été volontaire.
Je ne veux point dire que l'immigration ne puisse en aiu'im
cas avoir été involontaire. Je pense que le cas a pu se
présenter dans certaines conditions. Il faut, en elïet, faire une
distinction parmi les espèces pouvant être entraînées dans les
cavernes.
Les êtres très inférieurs qui n'olïrent pas d'adaptation spé-
ciale aux habitats épigés, ont pu faire souche une fois entraînés
par accident dans le domaine souterrain. Ainsi certains Oligo-
chètes terricoles, par exemple, peuvent être transplantés sans
dommage dans une grotte à sol convenable. Mais ces êtres n'ont
que très rarement fourni de vrais troglobies ; ils forment la
masse de ceux qui habitent indiiïéremment les domaines sou-
terrain et épigé. D'autre part, nous avons vu que les Plantes,
qui sont certainement et toujours entraînées par accident (eaux
de ruissellements, vents, bois flottés, animaux sauvages, etc.)
dans les grottes, ne paraissent pas avoir donné naissance à des
formes spéciales.
On voit donc que cette catégorie d'êtres épigés n'a pas con-
tribué notablement à donner son caractère spécial à la faune
462 EMILE G. RACOVITZA
des cavernes. Ce n'est d'ailleurs pas de eeux-là qu'il est question
dans la théorie des Packard et Lankester.
Il s'agit, eu effet, des autres animaux plus élevés en organi-
sation, comme les Arthropodes, Poissons, Batraciens, etc. Or,
pour ceux-là je crois que l'immigration a certainement été volon-
taire et progressive, sans pour cela exclure la possibilité de très
rares exceptions ; il n'est pas difficile de le démontrer.
Remarquons d'abord que, sauf exception douteuse, tous les
Cavernicoles descendent de formes épigées lucifuges, à appareil
optique plus ou moins réduit et à compensation plus ou moins
parfaite pour l'impossibilité de voir ; ces formes étaient pour
ainsi dire prédestinées à peupler les cavernes. Notons ensuite
que journellement des représentants des formes vraiment pho-
tophiles (Lépidoptères, Hyménoptères, etc.) sont entraînés dans
le domaine souterrain, et pourtant aucun n'y a fait souche.
D'autre part, les Animaux fixés, qui ne peuvent changer de
place par eux-mêmes, n'ont pas colonisé les grottes. Et n'oublions
pas, pour finir, que l'horreur de l'obscurité est un sentiment
d'animal très supérieur, et que la lumière est moiîis indispen-
sable à beaucoup d'Animaux qu'une température invariable et
une humidité constante, et ce sont justement les importants
avantages que les Cavernicoles sont allés chercher volontai-
rement dans le domaine souterrain.
Les voies d'accès qui ont servi à l'immigration dans les
cavernes ont été, et sont encore, multiples.
La principale, pour les Cavernicoles terrestres, doit être la
fente. Les Animaux épigés lucifuges se cachent non seulement
sous les pierres, mais dans les fissures des roches, et ils ne sont
abondants et variés que là où la surface de la terre leur olïre
semblables abris. A ce point de vue, les régions karstiques sont
particulièrement favorables ; car, d'une part, les fissures y sont
innombrables et, d'autre part, l'érosion fournit en abondance
les pierres plates si aptes à servir de confortables demeures.
Il est vrai que dans les régions karstiques l'eau ne peut
séjourner longtemps à la surface, et la sécheresse qui y règne
LES PROBLÈMES BIOSPEOLOGIOrîES 463
est caractéristique de ces régions ; mais c'est justement ce fait
qui est favorable au peuplement du domaine souterrain. Les
Lucifuges superficiels sont, en effet, forcés de rechercher l'hu-
midité nécessaire à leur existence dans la profondeur des mas-
sifs calcaires. Cette descente des Animaux dans les profondeurs
de la terre à la recherche de l'humidité, et aussi d'une tempé-
rature convenable, est un phénomène absolument général. Dans
les pays chauds, pendant la saison sèche, des fentes de retraits,
({uelquefois très grandes, se forment dans les terrains plastiques ;
les animaux s'y réfugient et n'en sortent qu'aux premières
pluies. Dans les régions karstiques, à cause de leurs vastes
espaces souterrains, l'immigration périodique dans les profon-
deurs s'est transformée plus souvent qu'ailleurs en séjour per-
manent.
Une voie d'accès, moins importante, qui a ouvert le domaine
souterrain à l'immigration des Superficiels, est l'entrée des
grottes. C'est par là qu'ont pénétré un certain nombre d'Ani-
maux de grande taille, et tous ceux qui descendent de cette
faune spéciale qui a choisi l'entrée des grottes comme habitat
préféré.
Les aquatiques ont eu aussi les deux voies d'accès à leur dis-
position : la fente et les pertes de rivières ou de lacs. C'est par
là qu'ils ont colonisé les niveaux d'eau et les lacs ou rivières
souterraines.
On pourrait croire que la colonisation des eaux souterraines
s'est fait le plus souvent d'une façon involontaire, puisque les
Animaux aquatiques ne peuvent, souvent, résister aux flots
qui les entraînent. Je ne crois pas plus à l'efficacité de l'accident
dans ce cas que dans l'histoire de la colonisation terrestre ; car
les mêmes arguments peuvent être invoqués dans les deux cas.
L'observation a d'ailleurs démontré qu'à l'entrée et à la sortie
des eaux souterraines, les faunes lucicoles et cavernicoles
demeurent confinées chacune dans son domaine, et pourtant
les crues doivent souvent opérer des mélanges.
Pour les animaux d'origine marine, c'est la fente qui a dû
464 EMILE G. RACOVITZA
être la voie d'accès dans les niveaux d'eau souterrains. On sait
qu'à Texception des Poissons aveugles de Cuba, dont Thistoire
n'est pas connue, tous ces Animaux sont très petits. Ils ont
donc pu facilement passer à travers les fissures des niveaux
d'eau qui souvent se déversent sous le niveau de la mer. Quand
l'eau de ces niveaux est sous pression à cause des crues, l'eau
douce refoule l'eau de mer ; en temps de sécheresse c'est, au
contraire, l'eau salée qui pénètre dans les couches perméables
qui affleurent sous le niveau de la mer. Il existe donc une zone
qui présente souvent, de la mer vers la terre, un dessalement
progressif des eaux, circonstance éminemment favorable à l'émi-
gration des animaux d'un milieu dans l'autre.
Les grandes sources sous-marines des régions karstiques
peuvent aussi servir de voie d'accès dans les rivières souter-
raines ; l'on a constaté chez quelques-unes le même renverse-
ment dans le sens du courant que dans les niveaux d'eau.
XII. Epoque de peuplement du domaine souterrain et ancienneté
des Cavernicoles.
Avant de chercher à savoir si les Cavernicoles sont d'origine
ancienne ou d'origine récente, il faut discuter la question de
l'âge des cavernes ; il faut examiner, en effet, depuis quand
l'habitat souterrain est prêt à recevoir les colons du domaine
superficiel.
Constatons d'abord que dans toutes les périodes géologiques
se sont formés des calcaires et des roches pouvant contenir des
niveaux d'eau. Il est certain, ensuite, que les agents qui actuel-
lement travaillent à l'établissement d'un domaine souterrain
travaillèrent aussi aux époques antérieures. Il ne nous est pas
permis d'affirmer, ou même de supposer, qu'un massif calcaire
ait été moins fissuré et moins attaqué par les agents atmosphé-
riques pendant les époques primaire, secondaire ou tertiaire
qu'il ne l'est actuellement, et il en est de même ])our la circula-
tion des eaux souterraines et pour la formation de rigoles habi-
tables dans les niveaux d'eau.
LES PROBLÈMES BIOSPÉGLOPiIOUES 465
4
Il suffit d'avoir indiqué qu'à toutes les époques les mêmes
agents ont travaillé qualitativement de la même manière les
mêmes matériaux pour conclure qu'un domaine souterrain habi-
table a toujours existé, et que, par conséquent, il n'y a aucune
raison de croire que les Cavernicoles aussi n'aient pas existé.
Mais il n'en résulte nullement que le même domaine souterrain
et que les mêmes Cavernicoles ou leurs descendants se soient
perpétués jusqu'à nos jours. Or, c'est justement ce qu'il faudrait
savoir ; c'est cette continuité à travers les périodes géologiques
qui ofïre seule un intérêt capital.
Un exemple concret fera mieux saisir ma pensée. Prenons
un massif calcaire d'âge dévonien. Nous sommes siirs qu'une
fois émergé il a dû être façonné par les agents atmosphériques,
et que très rapidement il a dû être rempli de fissures et de
cavernes. Xous pouvons également admettre que le nouveau
domaine souterrain a été peuplé par des êtres variés. Mais peut-
on admettre que le domaine souterrain contenu dans les flancs
de ce massif calcaire ait pu subsister et offrir des conditions
d'existence suffisantes depuis cette époque jusqu'à aujourd'hui
sans interruption"? Bu d'autres termes, pouvons-nous espérer
trouver des grottes datant du carboniférien et peuplées depuis
cette époque par les descendants des premiers colons ?
L'observation directe a fourni fort peu de données relatives
à ce problème ; il est vrai que cette question n'a pas suffisam-
ment occupé les géologues. Martel (1903) cite une grotte comme
étant certainement antérieure au pliocène moyen, puisqu'on a
trouvé à son intérieur des dépôts de cet âge. C'est l'âge le plus
ancien qu'on puisse attribuer avec assurance à une grotte non
comblée. Parmi les grottes comblées on en trouve datant d'épo-
ques bien plus anciennes. Martel et van den Broeck (1906)
en citent qui furent remplies par des dépôts tongriens ; les
phosphorites du Quercy sont déposés dans des fissures existant
déjà au début de l'époque tertiaire.
On ne peut donc pas par l'observation directe démontrer
l'existence de grottes habitables très anciennes.
466 EMILE G. RACOVITZ A
On peut alors se demander si Texisteuce de semblables grottes
est possible à imaginer, car plusieurs conditions, qu'il doit être
difficile de rencontrer réunies, sont nécessaires pour que pareille
éventualité puisse se produire.
Il faut d'abord supposer Texistence d'un massif calcaire très
ancien, ayant été constamment émergé et n'ayant pas subi de
trop puissantes actions géomorphogéniques. Il faut que ce luassif
n'ait pas été recouvert par d'autres dépôts qui auraient pu le
protéger contre l'action des agents atmosphériques. Il faut aussi,
pour la continuité de la faune, qu'il ait été situé en dehors des
zones ayant subi des périodes glacières. Il faudrait également
savoir si un semblable massif calcaire, constamment émergé et
non protégé par une couverture d'autres terrains, aurait pu
résister à l'action des agents atmosphériques. On sait la puis-
sance avec laquelle la corrosion et l'érosion agissent sur le
calcaire ; aussi peut-on se demander si notre massif n'aura pas
été assez rapidement transformé en totalité en terra rossa.
C'est le devoir des géologues de nous renseigner d'une façon
précise sur ce sujet ; en attendant, on peut admettre que les
grottes très anciennes doivent être fort rares, mais qu'à partir
de l'époque tertiaire elles ont pu fréquemment se conserver
jusqu'à nos jours.
En supposant connu l'âge d'un certain nombre de grottes, il
ne faudrait pas conclure que les plus anciennes sont peuplées
par les faunes les plus archaïques, et les plus récentes par les
faunes les plus jeunes. Des Cavernicoles peuvent être plus
anciens que la grotte qu'ils habitent actuellement, car ils ont
pu émigrer d'une autre régiofi du domaine souterrain. D'autre
part, la faune d'un massif calcaire peut être beaucoup plus
récente que le massif lui-même; un événement a pu s'accomjjlLr,
qui, tout en ne causant aucun dommage au calcaire, a pu com-
plètement détruire l'ancienne faune et laisser le terrain vierge
]>our une colonisation nouvelle. Les périodes glacières anciennes
(on en a signalé de permiennes) et récentes ont pu jouer ce rôle.
Ces considérations, et ce ne sont pas les seules, suffisent pour
LES PROBLÈMES BIOSPEOLOGIQUES 46*
montrer combien la question de l'ancienneté des Cavernicoles
est difficile à résoudi'e si l'on prend en considération l'âge de
l'habitat. Elle n'est pas plus facile si l'on s'adresse aux Caver-
nicoles eux-mêmes. Pour cette étude, comme pour tout ce qui
touche aux Cavernicoles, on s'aperçoit très vite qu'on n'a pas
affaire à un groupement homogène mais à un assemblage hété-
rogène de formes qui ont chacune leur histoire particulière.
En effet, dans la même région du domaine souterrain, on
peut rencontrer toutes les catégories suivantes :
I. Des êtres qui habitent indifféremment les grottes et les
abris superficiels.
II. Des Cavernicoles strictement limités au domaine souter-
rain, mais qui possèdent des parents très proches dans le
domaine épigé de la même région.
Ces deux catégories sont, en général, composées de Caver-
nicoles plus ou moins récents.
III. Des Troglobies qui ont une extension géographique plus
vaste que leurs proches parents lucicoles.
IV. Des Troglobies dont les parents n'existent que dans un
habitat différent.
Ces deux dernières catégories sont composées de Cavernicoles
plus ou moins anciens.
Même entre êtres d'une même catégorie, il peut y avoir des
différences d'âge considérables.
Il est donc absolument impossible de parler, si l'on veut user
d'une certaine précision, de « l'âge de la faune cavernicole »
considérée comme un bloc, car chaque forme a son histoire
particulière.
Pourtant Packard (1889) soutient que toute la faune caver-
nicole du monde entier est très récente, qu'elle date du com-
mencement de la période quaternaire, et il croit devoir ne pas
lui accorder plus de dix à quinze mille ans d'existence.
Chilton (1894) est plus prudent ; il admet la possibilité d'une
faune plus ancienne que le commencement du quaternaire, mais
il croit aussi qu'en général l'ensemble est très récent. Il assigne
AaCH. DE ZOOL. EXP. ET OÉN. 4' SÉRIE. T. VI. (VU). 33
468 EMILE G. RACOVITZA
à la faune qu'il a découverte dans les niveaux d'eaux de la plaine
de Canterbury (Nouvelle-Zélande) un âge post-pliocène, le même
que celui de la plaine elle-même, ce qui ne me semble pas abso-
lument démontré.
Je pense que du moment que la faune cavernicole de Canter-
bury n'a pas de parents épigés, vivant actuellement dans la
région, il faut lui attribuer un âge bien plus considérable ; l'âge
de l'habitat, comme je l'ai dit plus haut, ne suffit pas pour fixer,
sans autre considération, l'âge de la- faune, surtout lorsqu'il
s'agit de faune limnique.
(^ARPENTER (1895) coustatc aussi la vaste dispersion de cer-
taines espèces cavernicoles : Amérique du Nord, Irlande, Médi-
terranée. Il croit que les grottes (et par ce mot il ne comprend,
comme tous ces contemporains, que les macrocavernes à l'ex-
clusion des autres régions bien pins importantes du domaine
souterrain) sont récentes, tandis que la communication entre
ces diverses régions doit être plus ancienne. Donc, il trouve
l'explication dans la transformation convergente des souches
sous l'influence des mêmes facteurs. Il déclare que si ses déter-
minations spécifiques sont exactes « we shall bave proof that
the indépendant development of the same species under
similar conditions, but in widely distant localities, hâve taken
place ».
Tout en ne niant pas le rôle possible des phénomènes de
convergence dans l'histoire de quelques Cavernicoles, je ne puis
admettre ni l'universalité de son action, ni les conséquences
qu'en tire Carpenter. On verra plus bas que, si beaucoup de
grottes peuvent être considérées comme récentes, il ne s'en suit
pas qu'un domaine souterrain habitable n'ait pas existé avant
elles. Les cas bien établis de vaste répartition d'un groupe caver-
nicole {Gambarus, Proteus, etc.) sont certainement une preuve
de l'ancienneté de ces formes et la convergence, portant sur
autre chose que les quelques caractères d'adaptation à la vie
souterraine, ne peut entrer en ligne de compte. De plus, il est
inexact que les cavernes offrent partout exactement les mêmes
LES PROBLÈMKS BlOSPKOLOGinUES 469
conditions d'existence ; il est donc difficile de concevoir une
évolution convergente capable de produire des espèces iden-
tiques dans des régions très éloignées l'une de l'autre.
Ces quelques objections rendent inacceptables, me semble-t-il,
les idées de Carpenter.
Peyerimhoff (1906) a tout récemment proposé une sédui-
sante théorie pour fixer l'âge des Cavernicoles terrestres. Il
commence par constater que la sécheresse et l'humidité jouent
un rôle capital dans la vie des Cavernicoles, et que les cavernes
n'ont été habitables que vers le début du quaternaire.
Or, à l'époque moustérienne le climat était constant et
humide ; les souches de nos Cavernicoles pouvaient habiter la
surface de la terre. Dans la période suivante, le Solutréen, le
climat devient sec et variable, et les cavernes s'assèchent pro-
gressivement. Les espèces délicates, incapables de s'adapter à
ce changement climatérique, disparaissent ou émigrent, « quel-
ques-unes remontent sur les hauteurs nuageuses et bien arro-
sées, ou restent dans les anciennes forêts ; d'autres pénètrent
dans les cavités du sol où le climat moustérien s'est conservé
jusqu'à nos jours. Les formes grandes et agiles peuplent les
cavernes ; les formes petites et lentes se contentent du sol et
des crevasses. »
Le peuplement des cavernes s'est constamment poursuivi
depuis : « Au fur et à mesure du dessèchement de l'atmosphère,
il a porté sur des espèces de plus en plus résistantes ; ainsi, le
degré de résistance à la sécheresse extérieure, s'il était suscep-
tible de mesure, pourrait dater l'immigration des diverses formes
souterraines.
La faune aquatique est peut-être beaucoup plus ancienne que
la terrestre.
Je crois que si Peyerimhoff avait essayé d'écrire l'histoire
d'un groupe homogène de Cavernicoles (et c'est la seule
manière, à mon avis, d'arriver à un résultat certain en biogéo-
graphie) il aurait été bien embarrassé pour faire usage de son
hypothèse, car nombreuses sont les objections de détail qu'on
470 EMILE G. RACOVITZA
peut opposer à sa manière de voir. Il existe aussi des objections
plus générales ; je veux en mentionner quelques-unes ici.
Remarquons d'abord que son hypothèse ne peut s'appliquer
qu'à une partie restreinte de la surface terrestre, et qu'il y a
des cavernicoles partout.
Il n'est pas exact de dire que le domaine souterrain n'était
pas habitable pendant la période humide ; certes, le niveau des
vallées était plus élevé, mais il est impossible d'en conclure que
les massifs calcaires étaient complètement submergés. Si l'on
peut admettre que la zone hydrostatique active était au niveau
des grottes actuelles, il est non moins certain qu'il y avait au-
dessus une zone non submergée, remplie de fentes et de grottes
habitables, qui a été en partie ou totalement enlevée par l'éro-
sion. D'ailleurs, que seraient devenues les Chauves-souris dont
les plus anciens restes sont éocènes ! Auraient-elles modifié
leurs mœurs, ou auraient-elles émigré vers des pays plus secs
pour revenir ensuite ? Il n'est pas permis de le supposer.
Les cavernes sont aussi habitées dans les pays pluvieux que
dans les pays secs, dans les anciennes forêts humides que dans
les causses nus.
Certes, l'humidité joue un rôle très important dans la bio-
logie des Cavernicoles, et c'est avec raison que Peyerimhoff
insiste sur son importance, mais il n'est pas possible de la con-
sidérer comme l'unique raison du peuplement de cavernes. Ce
peuplement est dû à des causes multiples et spéciales à chaque
souche de Cavernicoles. Est-il bien certain que la recherche de
l'humidité ait été la cause de l'immigration des Locustides et
de beaucoup d'Aranéides cavernicoles, par exemple ?
Est -il bien démontré que dans les régions épigées sèches il
n'y ait pas d'animaux aussi sensibles à l'assèchement que le
plus sensible des Cavernicoles ? Et si de semblables animaux
peuvent trouver le moyen de se défendre contre l'assèchement,
sans descendre dans le domaine souterrain, est -il possible
d'admettre que le degré de la résistance à la sécheresse peut
dater l'immigration des Cavernicoles ?
LES PROBLEMES BIOSPEOLOGIQUES 471
On connaît des Cavernicoles terrestres dont la présence ou la
répartition dans le domaine souterrain ne peut s'expliquer que
par des conditions géographiques antérieures au pléistocène.
Ainsi Phalangodes est un représentant de la faune tropicale,
et il est parfaitement isolé en Europe. Anophthalmus existe
aussi bien en Amérique qu'en Europe et, à moins de se rabattre
sur la « convergence », il faut bien admettre entre les deux régions
des relations continentales, qui ont effectivement existé mais
avant le pléistocène. On trouvera dans un mémoire sous presse
la description des formes archaïques d'Isopodes terrestres qui
n'ont pas de parents dans la faune actuelle, etc.
J'en conclus qu'on ne peut, pour fixer l'âge des Cavernicoles,
se servir de l'attrayante hypothèse de Peyerimhoff, mênu' si
l'on considère uniquement la faune européenne ; cependant,
parmi les idées qu'elle contient, il y en a qui se trouveront pro-
bablement réalisées dans l'histoire de certains Cavernicoles.
Et j'arrive derechef à l'idée déjà exprimée que la faune caver-
nicole terrestre, comme l'aquatique, est un mélange de formes
d'âges très différents oii les très anciennes, antéquarternaires,
ne peuvent pas manquer. J'accorde cependant volontiers que
les formes archaïques sont plus nombreuses parmi les aquatiques.
Et, dans mon idée, cela tient surtout à l'aire de dispersion plus
grande et aux chances de destruction moindre des limniques.
Garman (1892), Lendenfeld (1896), Caepenter (1895),
Viré (1901), Hay (1902), etc., admettent plus ou moins expli-
citement l'existence de formes très anciennes dans les cavernes,
et très nettement des formes antérieures au pléistocène.
D'ailleurs, parmi la faune d'eau douce les formes anciennes
abondent. Inutile de citer des exemples, car presque tout le
monde est d'accord à leur sujet. Leur nombre, au fur et à mesure
des progrès de la biospéologie, ne peut manquer d'augmenter
beaucoup, à en juger par les résultats obtenus dans ces dernières
années.
Pour résoudre la question de l'âge des Cavernicoles, il fau-
drait pouvoir aussi s'adresser aux données de la paléontologie ;
472 EMILE G. RACOVITZA
malheureusement, on ne connaît guère de Cavernicoles fos-
siles. DOLLFUS (1904) a cependant d(^crit un genre nouveau
fossile d'Isopode terrestre {Eoarmadillidium) trouvé dans une
brèche, probablement tertiaire, d'os de Chauve-souris. Il hésite
à considérer cet Isopode comme cavernicole, parce qu'il est
oculé et qu'il n'existe pas d' Armadillidiurn cavernicole ; cette
dernière raison n'est pas valable, puisque Verhoeff (1900) en
a décrit une espèce des grottes de l'Herzégovine.
Je viens d'établir que les formes anciennes ne sont pas rares
dans le domaine souterrain, et que souvent ce sont les relicta
d'un groupe actuellement disparu de la contrée et qui avait aupa-
ravant une répartition plus vaste.
Examinons maintenant ])ourquoi ces Animaux se sont con-
servés dans les cavernes et quelles sont les causes qui les ont fait
disparaître ailleurs. Les problèmes que soulèvent ces questions,
qui se posent aussi pour d'autres faunes, sont très complexes et
toujours difficiles à résoudre ; dans le cas des Cavernicoles,
l'absence des données nécessaires est telle qu'il est même impos-
sible actuellement d'entrevoir leur solution prochaine.
Cela ne nous avance guère de dire avec Viré (1889, p. 112) :
« Le milieu des cavernes est un des milieux les plus constants
qui existent : une fois accomplies les modifications dues à l'obs-
curité, l'animal ne doit plus, a priori, subir d'autres changements
notables, ce qui explique et justifie {sic) la présence d'espèces
disparues partout ailleurs. »
D'une part, en eiïet, on ne peut actuellement démontrer qu'il
existe de ces relicta qui ne diffèrent de leur souche épigée que
par les caractères spéciaux dus à l'adaptation cavernicole. On
peut constater, au contraire, entre ces (javernicoles et leur souche
lucicole, des différences d'ordre spécifique, et même génériques,
autres que les caractères adaptatifs à la vie obscuricole. Le
« milieu des cavernes « n'est donc ])as si constant que le veut
Viré ; je vais, d'ailleurs, signaler, dans le chapitre suivant, des
causes nombreuses de variations qui ont dû l'affecter dans le cours
des époques géologiques.
LES PROBLEMES BIOSPEOLOGIQUES 473
D'antre part, on connaît des relicta aussi dans le donndne
épigé. Dans tous les habitats, même les moins constants, les
faunes actuelles sont un mélange de formes anciennes plus ou
moins modifiées, ayant persisté, et de formes récentes très diffé-
rentes de leur souche.
Il convient donc de ne jjas suivre Viré (1904a) qui commu-
nique à l'Académie des sciences de Paris, parmi ses «conclusions
en grande partie nouvelles », que la présence des Animaux dont
il est question, dans les cavernes, démontre que« c'est là un point
important pour les doctrines de l'évolution, en ce sens que l'on
constate ainsi la transformation et la disparition d'une forme
si le milieu vient à se modifier trop profondément, ou, au con-
traire, la permanence même à travers les périodes géologiques
si, au contraire, le milieu reste constant », car, si cette conclusion
est vraie dans son sens général, — et alors sa paternité doit, il
me semble, être attribuée à Lamarck, — en tant qu'explication
de la persistance des formes anciennes dans les cavernes, elle
est en général fausse.
Les facteurs qui peuvent modifier la répartition géographique
d'une espèce ne sont pas seulement les facteurs climatériques
ou physiques. Il y en a d'autres, biologiques, dont l'importance
est souvent extrême. Gamharus, en Europe, n'a pas de parents
lucicoles. Peut-on afîirmer que ce sont les facteurs physiques
qui ont fait disparaître la souche épigée f En aucune façon,
puisque Gmnbarus a persisté en Amérique, aussi bien à la surface
que dans les cavernes, et que sa patrie, l'est des Etats-Unis, a
subi les mêmes vicissitudes climatériques que l'Europe. ISI 'est-il
pas plus logique de supposer que les Cambarus épigés d'Europe
ont disparu devant Astacus, et que le représentant cavernicole
du genre a persisté, car il n'avait pas semblable ennemi à com-
battre dans son domaine (1) 1 Et ne pourrait-on pas écrire sem-
blable histoire pour Proteus î
(1) Astacus est répandu en Europe, Sibérie, Corée, Japon et dans les Etats-Unis d'Amé-
rique à l'ouest dps Montagnes Rocheuses. Cambarus habite le Mexique et les Etats-Unis à
rest des Montagnes Ronheuses. ORTMANN (1902) pense que Astacus a envahi l'Amérique du
474 EMILE G. RACOVITZA
Viré (1899, 1901, etc.) a tiré ses conclusions de l'étude d'un
groupe d'Isopodes qu'il considérait à tort comme homogène.
Ses spéculations phylogénétiques et paléontologiques sont donc
illégitimes. Ces Crustacés sont-ils tous des formes anciennes ?
Cela n'est pas du tout certain. Dérivent-ils directement de formes
marines 1 Viré l'af&rme, mais il n'est pas encore possible de le
sav^oir, car les Cirolanides, comme les Sphaeromiens, ont des
représentants actuels d'eau douce et d'eau sauraâtre, et l'histoire
réelle des différentes formes ne peut être précisée faute d'études
suffisantes.
Les Sphaeromiens cavernicoles (Monolistra, Caecosphaeroma,
Vireia et Spelaeosphaeroma) (]) forment un groupe très homo-
gène, et sont très probablement étroitement alliés entre eux.
Tous proviennent des bassins des eaux tributaires de l'Adria-
tique et de la Méditerranée occidentale, et n'ont pas été trouvés
ailleurs. Ils paraissent avoir des affinités avec Campecopea, qui
pourtant est une forme marine boréale.
L'homogénéité du groupe et son étroite localisation suggèrent
plutôt l'idée d'une origine monophylétique. Leur forme indique
qu'ils ne sont pas adaptés à vivre dans les fentes étroites, mais
dans de larges espaces aquifères, comme les lits des rivières et
des ruisseaux souterrains. D'où il résulte qu'il est bien plus pro-
bable qu'ils descendent d'une forme épigée, déjà adaptée à la
vie dans les eaux douces et actuellement disparue. Il est donc
piobable que nous avons affaire à des relicta anciens.
Les Cirolanides cavernicoles (Cirolanides, Sphaeromides, Fau-
rherio, et Typhlocirolana) ont une répartition géographique
infiniment plus vaste : bassin du Rhône, Baléares, Texas. Leurs
affinités entre eux sont encore obscures, faute de documents
suffisants pour les trois premiers ; Typhlocirolana me paraît très
Nord par la région actuellement occupée par le détroit de Behring: ce genre a persisté à
l'ouest des Montagnes Rocheuses, mais les colonies qui avaient passé de lautre côté de ces
montiignes se transformèrent en Cambarus. ('ette théorie d'ORTMANN pourrait se concilier
avec l'explication que je suggère.
(1) C'est à tort que Feruglio (1904) et Dollfus et Viré (1905) considèrent Spelaeo-
gphaeroma comme voisin de Faucheria. car c'est un Sphaeromien et non un Cirolanide ; les
dessins de Feruglio le montrent sans erreur possible.
LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES 475
voisine, sinon génériquement identique avec Cirolanides. Les
autres paraissent aussi avoir des affinités étroites avec les pre-
miers, mais il n'est pas possible de savoir si cela est dû à la con-
vergence ou à des liens du sang étroits. Typhlocirolana est très
étroitement alliée au genre Cirolana, qui a été certainement sa
souche et probablement celle des trois autres. Cirolana est pres-
que cosmopolite, se rencontre à toutes les profondeurs et on la
trouve aussi dans l'eau douce ; mais la forme des Cirolanides
cavernicoles est telle qu'elle permet de concevoir leur descendance
directe de formes marines, entrées dans le domaine souterrain
par les niveaux d'eau qui ont un écoulement sous-marin, comme
cela s'est certainement effectué pour le Cruregens néo-zélandais
de Chilton (1894). Leur vaste répartition, d'autre part, nous
suggère la possibilité d'une origine polyphylétique. Il est donc
possible qu'ils soient d'origine récente.
Voilà donc ce qui semble découler de ce que nous savons de
Sphaeromiens et des Cirolanides cavernicoles. On ne peut rien
tirer des données paléontologiques pour rendre plus précise
cette vague esquisse. Ce qui est, par contre, évident, c'est que
l'histoire des deux groupes doit être tout à fait différente, et
que, d'autre part, il n'est pas possible de savoir quel rôle a pu
jouer dans ces deux histoires « le milieu constant des cavernes »,
si même il en a joué un.
Concluons donc. Les raisons de la persistance dans le domaine
souterrain de formes anciennes sont multiples et spéciales à
chaque forme. Du peu que nous savons il ressort que l'isolement
géographique de ces Cavernicoles résulte de la disparition de
leur souche épigée de l'aire de leur habitat actuel, plus souvent
que d'une transformation de ces souches. Dans la disparition
des souches épigées, les facteurs biologiques ont dû jouer un
rôle plus considérable et agir plus souvent que les facteurs phy-
siques.
Les grands changements climatériques se font sentir en même
temps et de la même façon dans le domaine souterrain et l'épigé.
Ils doivent tendre à maintenir les ressemblances entre les faunes
476 EMILE G. RACOVITZA
des deux habitats, tandis que les facteurs biologiques doivent
accentuer les différences.
Que reste-t-il donc à l'actif du facteur constance du « milieu
des cavernes » ? Il me semble qu'il a, à peu de chose près, une
réputation usurpée, Piochard de la Brûi^erie (1872) a déjà
depuis longtemps démontré que le domaine souterrain est variable
dans l'espace ; plus loin, il sera démontré qu'il est aussi variable
dans le temps. Certes, le fait qu'il est généralement moins
influencé par l'amplitude des variations climatériques que le
monde épigé lui donne un avantage sur ce dernier, mais sa
stricte dépendance des moyennes est en sa défaveur souvent,
comme on le verra plus bas. Somme toute, je crois que la cons-
tance toute relative des conditions d'existence du monde souter-
rain a rarement été la cause réelle de la persistance des formes
anciennes.
XIII. La modification et la destruction du domaine souterrain,
et le sort des Cavernicoles.
Les modifications que peut subir le domaine souterrain dans
le cours des temps sont nombreuses et les causes de destruction
le sont encore plus. Il importe d'en examiner les principales.
Les changements climatériques généraux font sentir leur
influence dans les cavernes. Si la température moyenne annuelle
s'élève ou s'abaisse, elle provoquera une variation correspon-
dante dans l'intérieur des massifs calcaires ou des niveaux d'eau.
Mais comme ces changements sont très lents, il est probable
que leur influence sur les Cavernicoles est insignifiante, sauf
dans le cas d'un abaissement de température près de 0^ ou
au-dessous. Il est fort probable que, dans ce dernier cas, les
Cavernicoles sont détruits, sans qu'il résulte nécessairement
semblable destruction pour les épigés de la même région. L'Epigé
dans une région à température moyenne animelle de 0°, ou au-
dessous, peut jouir de saisons où la température est suffisamment
élevée pour lui permettre de vivre convenablement ; mais le
Cavernicole n'a pas semblable avantage, la température de
LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIQUES 477
son milieu étant rarement différente de cette même moyenne.
Si nous supposons maintenant un pays envahi par une glacia-
tion intense, comme cela arrive au Groenland, par exemple,
il est certain que tous les Cavernicoles terrestres seront détruits,
non seulement par le froid, mais par la famine ; toute la nour-
riture souterraine provient du monde épigé, et dans les pays à
inlandsis cette source est tarie. Mais des êtres superficiels peuvent
cependant subsister.
Pour les Cavernicoles aquatiques, les conditions paraissent
plus favorables. Il existe de Teau liquide sous les masses de
glace, et comme les êtres aquatiques peuvent parfaitement vivre
à une température de 0» (les Animaux marins vivent très bien
à — 20), on pourrait en déduire la persistance des aquatiques
souterrains, s'il était possible de leur trouver une source suffi-
sante de nourriture.
Bien des recherches restent à faire pour pouvoir vérifier les
considérations toutes théoriques qu'on vient de lire. Pourtant,
l'on sait déjà que les grottes situées dans le périmètre des grands
glaciers pléistocènes sont relativement plus pauvres que les
autres, et que leur faune paraît plus récente. On sait aussi c^u'il
en est de môme pour les cavernes situées à de grandes altitudes,
dans les régions oii la moyenne annuelle est très basse. Mais
l'on sait aussi que les Cavernicoles résistent très bien aux basses
températures, et l'on ignore malheureusement encore si les
glacières naturelles sont habitées ou non. Il n'est donc pas pos-
sible de conclure.
Les changements de l'état hygrométrique ont la plus grande
influence sur les cavernes et leurs habitants. Ces changements
peuvent se manifester de deux manières : par la diminution ou
par l'augmentation de l'humidité.
L'assèchement complet d'une portion du domaine wsouter-
rain occasionne natui'ellement la disparition des Cavernicoles,
aussi bien aquatiques que terrestres, mais cet assèchement total
est bien difiScile à imaginer, même dans les pays désertiques,
car on a constaté dans ces régions aussi la présence de niveaux
478 EMILE G. RACOVITZA
d'eau plus ou moins profonds. L'établissement d'un régime sec
dans une région doit donc avoir pour résultat seulement la
disparition des Cavernicoles habitant les macrocavernes, et le
déménagement des amateurs de fentes dans les étages inférieurs.
Il est vrai que s'ils y retrouvent l'humidité nécessaire ils sont
exposés au manque de nourriture, car les ressources alimentaires
diminuent, et rapidement, de la surface vers l'intérieur. Mais
on conçoit plus facilement la possibilité d'une persistance des
Cavernicoles aquatiques dans les niveaux d'eau profonds. Somme
toute, le résultat final d'un climat sec doit être la disparition
complète des Cavernicoles terrestres avec la persistance possible
des aquatiques.
L'établissement d'un régime humide, comme celui qui fut la
cause des périodes glacières, occasionne de graves perturbations
dans le monde souterrain. D'abord, par l'extension glacière dont
j'ai mentionné les effets plus haut, ensuite par le rôle énorme
que prennent les eaux courantes. C'est l'époque du creusement
des vastes cavernes, et l'âge d'or des Cavernicoles aquatiques.
Mais ces périodes sont moins favorables aux Cavernicoles ter-
restres ; le niveau hydrostatique s'élève et les cavernes sont
balayées par les crues. La vie des habitants des macrocavernes
devient difficile et les habitants des fentes doivent s'établir
dans les étages supérieurs. Il me semble même qu'on peut
imaginer que cette ascension a été, pour certains, poussée jus-
qu'à la surface. On sait que les fortes pluies font remonter les
Hypogés et que dans les régions karstiques on peut trouver
des Cavernicoles sous les pierres des lapiaz, à la suite de fortes
crues. Et n'est-il pas plus logique de penser que bien souvent les
superficiels à caractères cavernicoles sont d'anciens habitants de
cavernes retournés à la surface à la suite d'une période humide,
que des Animaux moustériens n'ayant pas suivi leurs frères
dans les cavernes lors de l'établissement d'un régime sec, comme
le veut Peyerimhoff (1906) f Je me hâte d'ajouter que seule
l'histoire complète de chacun de ces êtres pourra nous renseigner
à ce sujet.
LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIOUES 479
Une autre cause de bouleversement du domaine souterrain
est la transgression marine. On connaît sa fréquence et l'am-
pleur de ses effets dans l'histoire de la terre. Ces efl'ets furent
certainement funestes à toute la population souterraine, sauf
peut-être à quelques formes aquatiques qui ont pu s'accommoder
de l'eau salée. L'émersion continentale a été, par contre, favo-
rable au développement des Cavernicoles terrestres, mais souvent
funeste aux aquatiques, par rupture de l'équilibre du niveau
hydrostatique et l'assèchement des niveaux d'eau qui en résulte.
On conçoit donc qu'une région soumise à des transgressions et
émersions successives, et l'on en connaît de semblables, ait pu
avoir plusieurs faunes et ilores cavernicoles successives dis-
tinctes.
Outre ces causes générales, qui agissent sur de vastes régions,
il existe des causes à effets moins étendus qui peuvent faire
disparaître jjIus ou moins complètement des portions du domaine
soHterrain.
Les mouvements orogéniques écrasent et laminent les massifs
calcaires, ce qui peut produire la disparition des grandes cavités,
et le vidage des bassins aquifères. Il est vrai que ces mêmes
mouvements peuvent être favorables par la production de fentes
et l'établissement de bassins aquifères qui n'existaient pas
auparavant.
L'action incessante de l'érosion et de la corrosion a pour
résultat final l'effondrement du plafond des cavernes et la trans-
formation de galeries souterraines en vallées à ciel ouvert ou
canons.
jL'abrasion complète d'un massif montagneux par le fait des
agents atmosphériques est chose commune dans l'histoire de la
terre. D'immenses nappes calcaires ont été ainsi enlevées qui
n'ont laissé comme témoin de leur puissance passée que de faibles
lambeaux isolés.
Enfin il faut mentionner le colmatage des fentes et des grottes,
qui est une phase nécessaire dans l'histoire d'un massif calcaire.
L'eau, pendant les périodes humides, creuse et déblaie, pendant
480 EMILE G. RACOVITZA
les périodes sèches elle comble au moyen de l'argile que la cor-
rosion lui fournit en abondance.
Ces causes locales, comme les générales, font disparaître les
Cavernicoles plus ou moins complètement.
Mais la disparition des Cavernicoles d'une région ne signifie
pas toujours leur destruction complète et absolue. Les événe-
ments énumérés ne sont pas des cataclysmes au vrai sens du
mot ; ils demandent le plus souvent un temps très long pour
s'accomplir. La variation climatérique, les mouvements oro-
géniques, les abrasions, etc., s'effectuent pendant un laps de
temps bien plus considérable qu'il n'en faut à l'organisme vivant
pour gagner, de proche en proche, des lieux plus favorables, ou
pour s'adapter à de nouvelles conditions. Donc, bien souvent
le résultat de la destruction d'une partie du domaine souterrain
sera non point la destruction de la x)opulation cavernicole, mais
l'émigration ou la transformation de cette dernière.
J'ai déjà mentionné des migrations possibles dans la masse
des massifs calcaires ; on peut en concevoir d'autres effectuées
d'un massif, et d'un niveau d'eau, à l'autre. Ainsi, il se peut que
les périodes glacières aient provoqué une migration des sommets
vers les vallées, et du centre de glaciation vers les régions
indemnes, donc, en général, des pôles vers l'équateur. Une
destruction complète des Cavernicoles n'est, d'ailleurs, admissible
que lorsqu'il existe une barrière infranchissable à leur migration.
Et ce cas doit être rarement réalisé d'une façon absolue ! Pour
arrêter la dispersion de formes aussi hétérogènes que la popula-
tion souterraine, il faudrait le concours de nombreuses barrières
dont la présence simultanée, et efficace, est difficile à concevoir,
puisque, ce qui est barrière pour une espèce peut être pont pour
une autre.
Mais même en supposant que la retraite soit complètement
coupée à tous les Cavernicoles, cela ne signifie point qu'ils ne
pourront quelquefois perpétuer leur race, en se transformant
et en s'adaptant à de nouvelles conditions d'existence. Le temps
ne leur fera pas défaut, car on connaît la lenteur des phéno-
LES PROBLÈMES BIOSPÉOLOGIOUES 481
mènes, et nombreux sont ceux pour qui cette transformation
n'est pas plus difficile à imaginer que celle qui les fit naître de
leur souche lucicole.
Il ne peut y avoir d'objections de principe à l'hypothèse du
retour possible des Cavernicoles vers leur habitat originel. Mais
malheureusement, faute d'études dirigées dans ce sens, on ne
peut pas citer des preuves formelles à son appui. Notons cepen-
dant quelques indices.
Comme exemple d'Epigé terrestre, à ascendants cavernicoles,
on pourrait peut-être signaler quelques Coléoptères, par exemple
certains AnopMhalmus. Titanethes alpicola Heller, si réellement
sa station normale est sous les pierres de la surface, est très pro-
bablement aussi de souche cavernicole.
On a un peu plus de certitudes de l'existence d'Animaux d'eau
douce à souche cavernicole ; Forel (1901, p. 215) considère
avec raison, me semble-t-il, certains Niphargus et Asellus,
aveugles et abyssaux, comme étant les descendants de formes
ayant habité les niveaux d'eau. Mais dans ce cas, le milieu
abyssal lacustre et le cavernicole sont si semblables qu'on peut
difficilement parler d'adaptation.
Je ne possède pas même des indices pour l'adaptation d'un
Cavernicole, bien entendu aquatique, au milieu marin. Et pour-
tant, étant données les communications existant entre la mer
et les eaux souterraines, pourquoi pareille adaptation serait-
elle impossible, puisque la migration inverse s'est certainement
effectuée'? Pourquoi certains Abyssaux marins à caractères de
troglobies, et qui ne sont pas fouisseurs, ne seraient-ils pas des
descendants de Cavernicoles ? Il me semble que pareille possi-
bilité peut être admise,
FucHS (1894) admet comme possible la migration inverse,
des abîmes vers les grottes, idée qui ne me paraît pas justifiée.
Il déclare soutenir depuis longtemps que la faune abyssale est
plutôt une faune obseuricole qu'une faune froide, et qu'elle est
née surtout à la suite d'une adaptation à l'obscurité, plutôt qu'à
la suite d'une adaptation à une basse température. Si l'idée
482 EMILE G. KACOVITZA
est exacte, il faut que les grottes marines soient peuplées de
formes abyssales et non littorales. Et il cite des exemples qui lui
paraissent prouver qu'il en est bien ainsi.
J'ai dit autre part (v. p. 434) qu'il est possible qu'un certain
nombre de formes abyssales, plus ou moins aveugles, soient les
descendants de formes lucifuges littorales, mais il est certaine-
ment faux que toute lii faune abyssale, ou même que la majeure
partie de cette faune soit d'origine lucifuge. On a vu qu'au
contraire toutes les formes à yeux hypertrophiés doivent avoir
eu des ascendants photophiles. La condition d'existence impor-
tante pour la faune abyssale est la température basse ; cela
n'est pas douteux, puisque cette faune suit fidèlement les
couches froides, quel que soit leur éclairement ; on sait qu'elle
monte dans les régions polaires jusque dans la zone littorale et
sublittorale.
Les exemples que cite Fuchs à l'appui de son idée me sem-
blent mal interprétés.
a). Keller aurait trouvé dans les cavernes des récifs coral-
liens de la mer Eouge, des Coraux et des Eponges qui, d'ordi-
naire, vivent à vingt et trente brasses.
Il s'agit donc de faune sublittorale et non abyssale ; moi-même
j'ai constaté que, quelquefois, dans les grottes marines, la faune
sublittorale remonte plus liant qu'en dehors de ces abris et
remplace en partie la littorale. Mais je m'explique cela d'une
toute autre manière.
Beaucoup de formes littorales ne peuvent pas vivre dans ces
grottes parce que la lumière leur est nécessaire. Beaucoup de
formés sublittorales peuvent y vivre parce que, d'une part,
elles n'ont pas besoin de lumière et qu'elles trouvent la place
libre et, d'autre part, parce qu'elles sont soustraites, comme dans
leur milieu naturel, aux variations considérables de température
produites par l'insolation directe. J'ai constaté aussi que les
grottes à faune sublittorale étaient en même temps des grottes
à eaux calmes ; il faut donc faire intervenir un autre facteur :
les mouvements de l'eau. Beaucoup de sublittoraux montent
LES PROBLÈMES BIOSPEOLOGIQIIES 483
aussi dans la zone littorale quand ils trouvent une anse com-
plètement abritée, où les vagues ne se font jamais sentir.
b.) Munidopsis genre abyssal (100-2.000 brasses) n'a qu'un
représentant littoral, le M. polymorpha Simon et Koelbel, qui
habite une grotte marine de Lanzarote (Canaries).
Il est exact que Munidopsis est un genre abyssal ; cependant
on connaît M. Tanneri Faxon, de 85 brasses, et M. polita S. I.
Smith, de 79 brasses, ce dernier habitant l'Atlantique ; il n'est
donc pas certain a priori que M. polymorpha descende d'une
forme abyssale. D'autre part, il paraît que la Cueva de los
Verdos, oii on le trouve, est faiblement éclairée par un trou du
plafond ; ce n'est donc pas l'obscurité complète qui a attiré cet
animal dans la grotte.
Calmân (1904) dit qu'on n'a pas trouvé d'autre animal ou
végétal dans le lac souterrain oii habite M. polymorpha ; pour-
tant ce Crustacé doit se nourrir % On voit que l'éthologie de
M. polymorpha est trop peu connue pour que son cas puisse
servir à échafauder une théorie générale comme celle de
FUCHS.
c). Enfin Lucifuga dentata, Poisson aveugle de Cuba, qui
habite des grottes communiquant avec la mer, appartient à une
famille qui est mieux représentée dans les abîmes que dans la
zone littorale ; il montre une ressemblance notable avec Aphyonus
gelatinosus, qui vit à 1.400 brasses.
L'histoire de Lucifuga n'est pas bien connue, et ses rapports
avec les autres genres ne sont pas encore très clairs. Les études
récentes ont montré que le groupe des Zoarcidés, où on le place,
est dérivé des Blenniidés, Poissons largement représentés dans
la zone littorale, ou sublittorale, comme beaucoup de Zoarcidés
d'ailleurs. Il est donc bien plus naturel de supposer, jusqu'à
preuve contraire, que les formes cavernicoles sont issues des
formes littorales. Que ces Poissons d'origine littorale, une fois
devenus cavernicoles, aient pu être contraints de s'adapter à
nouveau au milieu marin et qu'ils aient pu faire souche d'es-
pèces abyssales aveugles, je ne vois là rien d'impossible. Cela
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. IV'' SÉRIE. T. VI. (VlI) 34
484 EMILE G. RACOVTTZA
expliquerait les affinités indéniables de Lucijuga et Stygieola avec
les formes abyssales des Zoarcidés.
J'arrête ici l'exposé des questions qui doivent être étudiées
et des problèmes qui doivent être résolus pour qu'on puisse établir
la Biospéologie sur des bases scientifiques. Pour m 'exprimer
clairement, et pour être court, j'ai présenté la plupart de ces
questions et problèmes comme s'ils avaient déjà été résolus.
Il règne donc dans cette rapide enquête un ton afflrmatif qui
serait déplacé s'il n'était autre chose qu'un artifice pour faciliter
mon exposé. Pour qu'on ne se méprenne pas sur mes intentions,
je répète ici, en terminant, ce que j'ai dit en commençant :
Tl n'est pas possible, en Biospéologie, de procéder actuellement
par synthèse à cause de l'insuffisance des documents, observa-
tions et expériences. Le seul but des pages qu'on vient de lire
est de classer les problèmes biospéologiques, de les poser tels
qu'il me semble qu'ils doivent l'être, et non de les résoudre.
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1900. — Ueber palâarktische Isopoden, II Aufsatz. (Zool. Anz.,
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1901. _ Les Sphaeromiens des cavernes et l'origine de la faune
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488 EMILE G. RAGOVITZA
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1904 a. — La biospéléologie. {C. R. Acad. 8c., Paris, T. CXXXIX,
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1896. Wasmann (M. E.). Die Myrmekophilen und Termitophilen.
(C. B. des séances du III^ Congrès intern. de Zoologie. Leyde,
pp. 410-440.)
ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE
IV^ Série, Tome VI, p. 489 à 536.
15 Mai 1907.
BIOSPÉOLOGICA
Il I"
ÉNUMÉRATION DES GROTTES VISITÉES
1 904- I 906
(l'-»-- SÉRIE)
PAR
R. JEANNEL et E. (î. KAGOVITZA
Cette première série comprend 44 grottes de toutes les dimen-
sions, situées, en France, dans les départements des Alpes-
Maritimes, Hautes-Pyrénées, Basses -Pyrénées et Ariége, et en
Espagne dans les provinces de Huesca, Alicante et îles Baléares.
Quelques mots d'explication préliminaire nous semblent néces-
saires pour indiquer comment nous comptons faire la descrip-
tion des grottes et le but que nous poursuivons par cette des-
cription.
Nom de la grotte. — A défaut de nom inscrit sur les cartes
officielles de la région, nom que nous adoptons toujours, quitte
à faire les observations nécessaires s'il y a lieu, nous donnerons
les noms que nous auront indiqués les gens du pays.
Localité. — Pour les grottes bien connues dans le pays, ou
marquées sur les cartes, nous nous contenterons d'indiquer la
(1) Voir pour le premier mémoire: Archives de Zool. Exp. et Gén.. 4* série, tome VI, p. 371.
ARCU. DE ZOOL. EXP. ET GÉX. — 4' SÉRIE. • - T. VI. — (VHl). 35
490 JEANNEL kt HACOVITZA
commune et le département. Nous sommes moins avares de
détails lorsqu'il s'agit d'une caverne peu connue.
Altitude au-dessus du niveau de la mer. L'altitude est, le
plus souvent, déterminée approximativement d'après les meil-
leures cartes de la région et dans ce cas nous ajoutons env. (en-
viron) au chiffre des mètres. Quand ce mot manque, cela signifie
que nous avons pu nous procurer l'altitude exacte, soit parce
qu'elle existe sur les cartes, soit parce que nous avons pu la
déterminer à l'aide du baromètre altimétrique, soit enfin parce
que nous avons pu, sans trop de recherches, trouver les rensei-
gnements nécessaires dans les travaux des spéologistes. Dans
ce dernier cas nous citons nos sources.
Roche. — Nous indiquons autant que possible l'âge en même
temps que la nature de la roche dans laquelle est creusée la
caverne, et cela d'après les cartes géologiques ou, en citant la
source, d'après les travaux des auteurs compétents. Comme
l'âge du terrain qui contient la grotte ne joue pas un rôle
appréciable en biospéologie , nous avouons ne pas faire de
grands efforts pour le connaître.
Date de l'exploration, renseignement qui peut être très néces-
saire dans l'étude de l'éthologie des Cavernicoles.
Matériaux. — Nous donnons, pour le moment, simplement
les noms de groupes des êtres cavernicoles recueillis , nous
réservant de fournir plus tard, quand les spécialistes auront
terminé leurs travaux, une liste spécifique des faunes et flores
de chaque caverne.
Numéros. — Les chiffres sont ceux des numéros inscrits sur
les étiquettes qui identifient les échantillons soumis au spécia-
liste.
Description. — Une grotte dont il n'existe pas de plan
orienté et coté ne peut pas être considérée comme suffisam-
ment décrite. Nous sommes très convaincus de cette vérité.
Mais pour lever un plan il faut du temps, et nous avons pensé
qu'il valait mieux employer en totalité le nôtre à la recherche
des Cavernicoles. L'un de nous a exposé, dans le premier mé-
GROTTES VISITÉES 491
moire de Biospéologica. les raisons qui rendent actuellement
l'étude (( extensive )> du domaine cavernicole plus utile que son
étude « intensive ». Il importe plus de voir beaucoup de grottes
que de voir beaucoup dans la même grotte. C'est cette idée
qui guide nos recherches. Mais cela nous impose une vitesse
de déplacement incompatible avec un levé soigné. Les descrip-
tions que nous donnons plus bas sont donc destinées unique-
ment à atteindre les buts suivants :
a) Fournir une idée générale sur les grottes visitées, et donner
des renseignements sommaires sur les conditions d'existence
offertes aux Cavernicoles qu'on y a recueillis.
h) Signaler aux spéologistes les particularités exceptionnelles
et intéressantes, quand il s'en présente.
c) Permettre à ceux que la chose intéresse de dresser leur
programme d'exploration avant de se rendre dans les régions
que nous avons visitées. C'est dans ce but que nous avons compris
dans notre énumération les grottes ne nous ayant pas fourni de
matériel biologique, et que nous avons mentionné quelquefois
les renseignements obtenus au cours de nos voyages sur des
grottes que nous n'avons pas pu visiter.
Il va sans dire que ce qui précède ne signifie pas que nous
nous abstiendrons systématiquement de faire des recherches très
détaillées sur une grotte. Nous espérons même nous livrer, à
l'occasion, à de semblables études. Comme certaines grottes
d'accès facile pour nous seront visitées plusieurs fois — et le
cas s'est déjà présenté — nous espérons arriver à les connaître
suffisamment pour établir des monographies détaillées tant au
point de vue physique que biologique. Mais il est inutile d'ex-
poser longuement des projets; mieux. vaut passer sans plus
tarder à l'exposé des faits qui nous occupent ici.
1. Antre ou Grotte de Gargas.
Située près du hameau de Gargas, commune d'Aventignan,
département des Hautes -Pyrénées, France. — Altitude de
49â JEANNEL et ÎÎ ACOVITZA
520 mètres à l'entrée inférieure et 550 mètres à l'orifice supé-
rieur (d'après Regnault et Jammes) (1). — Roche : Calcaire
crétacique inférieur (2). — Date : 30 et 31 juillet 1905.
Matériaux : Coléoptères, Diptères, Aptérygogéniens, Myria-
podes, Aranéides, Opilionides, Pseudoscorpionides, Acariens,
Isopodes, Gastéropodes, Oligocliètes. — Numéros : 2, 3, 4, 5,
6, 7, 8, 9.
La grotte est formée par un long couloir plusieurs fois coudé,
dont le sol -présente une forte pente générale ascendante. On
peut distinguer dans cette caverne deux régions très diffé-
rentes.
Une région inférieure, humide et froide, formée par un vesti-
bule en contre-bas de l'entrée, et par une belle galerie, très large,
dont le sol, en pente ascendante, est formé de séries de gours,
très peu profonds, qui indiquent qu'un écoulement lent des
eaux eut lieu par cette galerie. Actuellement l'eau a complète-
ment disparu, sauf dans deux minuscules bassins situés der-
rière un massif de stalactites.
Les parois sont couvertes d'un revêtement stalagmitique et
quelques stalagmites hérissent le sol ; en plusieurs endroits il
y a de faibles suintements d'eau. L'aspect général de cette partie
de la grotte indique qu'elle a dû être creusée suivant un joint
de stratification.
Au fond de la galerie le plafond s'abaisse et l'on pénètre, en
suivant un couloir presque comblé par de l'argile déposée en
bancs épais, dans la seconde partie de la grotte, la région supé-
rieure, qui est plus sèche et beaucoup moins froide. Cette région
paraît s'être formée le long d'une diaclase. Elle possède de nom-
breuses stalictites, un revêtement stalagmitique partiel, mais
aussi beaucoup d'argile sur son plancher. La salle principale est
habitée par les Chauves-souris, qui ont formé un dépôt assez
(1) F. Regnault et L. Jammes. Etudes sur les puits fossilifères des Grottes (Grottes de
Tibiran, Hautes-Pyrénées) [C. R. Ass. Fr. Av. Sciences, 27- sess.. Nantes. 1898, 2* partie
pp. 549-555, 2 flg., 1899).
(2) F. Regnault. La grotte de Gargas. {Revue de Commmges, 1885, avril. U p., 3 pi.)
GROTTES VISITEES 493
considérable de iiiiiuio. Un conloir à sol fortement déclive permet
de monter à Torifice supérieur de la grotte.
La température dans le vestibule inférieur était de 10° C,
l'eau des petites flaques d'eau avait 9°5 C. Dans le vestibule
supérieur j'ai trouvé pour l'air 20° C. comme pour la température
extérieure. L'air froid s'écoule par l'entrée inférieure et aspire
l'air chaud par l'orifice supérieur, ce qui occasionne un courant
d'air assez fort et un réchauffement anormal de la partie supé-
rieure de la grotte.
La grotte est visitée par un très grand nombre de touristes.
Son sol a été fouillé en plus^ieurs endroits et a fourni des restes
de grands Mammifères quaternaires ainsi que les preuves du
séjour de l'homme préhistorique.
Dans la partie basse de la grotte, sur les parois du vestibule
et de la galerie, sont posés de nombreux Némocères (n^ 4) et
des Tinéides. Dans la galerie, sur du bois pourri, j'ai capturé
des Oollemboles, des Campodea, des Oligochètes et de petits
Diptères (no 3), quelques-uns venant d'éclore. Dans les petites
flaques d'eau j'ai trouvé des Aselles (n^ 9).
Tous les autres animaux proviennent de la région supérieure
et surtout de la salle aux Chauves -souris; c'est sous les pierres
ou les mottes d'argile recouvertes de guano que la récolte fut
plus abondante. Les pièges ont attiré un Aphaenops et de très
nombreux Diplopodes (n^ 7) jaunes rosés avec une série de
points rouges foncés de chaque côté du corps ( Typhîoblaniulus f)
Racovitza.
2. Grotte de Tibiran.
Située près de la grotte de Gargas dans le même massif, mais
sur le territoire de la commune de Tibiran. Hautes-Pyrénées,
France.]] — "^Altitude d'environ 475 mètres (d'après Eegnault
et Jammes, 1899). — Roche : Calcaire crétacique inférieur
(REGNAUI.T). — Date : 31 juillet et 1 août 1905.
Matériaux : Diptères, Coléoptères, Aptérygogéniens, Myria-
494 JEANNEL et RACOVITZA
podes, Aranéides. Pscudoscorpionides, Acariens, Mollusques. —
Numéros : 10, 11, 12, 13.
La grotte est formée par une grande salle circulaire très haute
et par plusieurs boyaux divergents. Deux puits assez profonds
creusés dans le plancher de la grande salle n'ont pas été
visités.
Il n'y a pas de mares ou flaques d'eau, mais un ruissellement
assez abondant s'observe sur quelques parois et en de nombreux
endroits l'eau s'égoutte. Beaucoup de stalactites, quelques-unes
très blanches, et de grandes surfaces couvertes de revêtement
stalagmitique. Le sol est en grande partie formé par de l'argile
en couches épaisses. Je n'ai pas constaté la présence de guano
de Chauves-souris.
La grotte n'est pas vi.sitée actuellement par les touristes. Elle
a été fouillée et a fourni les restes d'une faune quaternaire sem-
blable à celle de Gargas.
De nombreux Diptères non cavernicoles couvrent les parois
de la grande salle ; sont surtout très nombreux les Némocères
(no 4) signalés à Gargas.
Les autres animaux capturés furent trouvés sous les pierres.
Les pièges ont attiré de nombreux Di])lopodes et quelques Col-
lemboles. Dans un des couloirs latéraux, dans la partie la ])lus
éloignée de l'entrée, un Hélicide rampait sur une stalagmite en
compagnie de Diplopodes.
Kacovitza.
3. Grotte de l'Ours.
Située sur la rive droite de la Neste. en face Lortet, dépar-
tement des Hautes-Pyrénées, France. — Altitude : 550 mètres
env. (à Lortet). — Roche : Calcaire crétacique inférieur. —
Date : 2 août 1905.
Matériaux : Diptères, ('oléoptères, Myriapodes, Aranéides. —
Numéros : 15, 16.
GROTTES VISITEES 495
Cette grotte s'ouvre dans un massif calcaire qui forme falaise
du côté de la berge de la Neste. Plusieurs orifices produits par
l'éboulement de la falaise la signalent. Un couloir étroit et bas,
d'une vingtaine de mètres, à parois sèches et à sol couvert d'un
dépôt crayeux et friable, aboutit à un trou étroit qui conduit
dans une galerie humide, de mfnnes dimensions, avec quelques
stalactites et quelques massifs stalagmitiques. Les parois sont
couvertes d'un revêtement stalagmitique à cristaux brillants ;
par place il y a des concrétions en forme de mousses. Un pas-
sage que je n'ai pas exploré irait très loin, au dire des traditions
locales.
La grotte est habitée par les Chauves-souris, mais il y a peu
de guano.
Dans le couloir sec, nombreuses Tinéides, Némocères (n^ i),
Cnlicides et Araignées.
Dans la partie profonde et humide ces animaux ont pénétré
aussi, mais en petit nombre.
Près de cette grotte s'ouvre un couloir montant, à pente
très forte, qui aboutit à un i)etit dôme. Tout le sol est envahi
par l'argile.
C'est pro})abl('ment le canal d'évacuation des eaux absorbées
par un aven situé sur le plateau.
Kacovitza.
4. Grotte du Cochon.
Située près de la précédente, à Lortet, Hautes-Pyrénées,
France. — Altitude : 550 mètres env. (à Lortet). — Roche :
Calcaire crétacique inférieur. — Date : 2 août 1905.
Matériaux : Hyménoptères, Myriapodes, Aranéides. —
Numéros : 17, 19 bis.
C'est une failh' qui a donné naissance à cette caverne, qui a
la forme d'une fente étroite et haute, d'nue quinzaine de mètres
496 JEANNRL et RACOVITZA
de longueur. Quelques stalactites ; les parois sont couvertes,
dans le fond, d'un revêtement stalagmitique; le sol est argileux.
L'humidité est assez grande. Pas de guano de Chauves-souris.
Les Tinéides, les Némocères et les Culicides se tiennent sur
les parois en quantité prodigieuse. Très nombreux aussi sont
les Lithohius (n« .17) et les Diplopodes (no 17) ; des Aranéides
tissent leurs toiles de tous les côtés.
Sous une plaque d'enduit stalagmitique, formant un abri
sur la paroi, j'ai trouvé une cinquantaine de grands Hyménop-
tères réunis en un amas compact. La lumière de la bougie les
fit remuer, mais au lieu de s'envoler, ils se laissaient tomber
à terre.
Eacovitza.
5. Grotte fortifiée.
Située dans la même falaise que la précédente, mais à un
niveau supérieur. Lortet, Hautes-Pyrénées, France. — Altitude :
550 mètres env. (à Lortet). — Roche : Calcaire crétacique infé-
rieur. — Date : 2 août 1905.
Cette grotte présente un intérêt archéologique par les grands
travaux qui furent exécutés pour la rendre habitable. Mais
comme la lumière pénètre partout, elle n'est pas intéressante
à notre point de vue. Elle est formée par un ensemble d'exca-
vations peu profondes. Dans l'une d'elles, un couloir fort court,
envahi ^^ar l'argile, se termine par un petit dôme ; une petite
source tombe du dôme dans une vasque naturelle.
Eacovitza.
6. Grotte de la Neste.
Située comme les trois précédentes dans la même falaise, à
Lortet, Hautes-Pyrénées, France. — Altitude : 550 mètres env. —
Roche : Calcaire crétacique inférieur. — Date : 2 août 1905.
Matériaux : Isopodes. — Numéro : 18.
GROTTES VISITÉES 497
C'est une grande excavation située au pied de la falaise, à
quelques mètres au-dessus du niveau de la Neste. Plusieurs
ouvertures y donnent accès. L'humidité est très forte, l'eau
ruisselle en bien des .endroits ; les stalactites sont nombreuses
et le revêtement stalagmitique abondant. La lumière pénètre
jusqu'au fond.
Racovitza.
7. Grande Grotte de Labastide.
Située près de Labastide, sur la rive droite du ruisseau l'As-
pugue, Hautes-Pyrénées. France. — Altitude de Labastide :
524 mètres ; la grotte est située plus haut. — Boche : Calcaire
crétacique inférieur. — Date : 3 août 1905.
Matériaux : Diptères, Myriapodes, Mollusques. — Numéro :
18.
La grotte est située à mi-hauteur d'une grande falaise calcaire
au sud-ouest du village de Labastide. Au fond d'une fosse cir-
culaire, que dessine d'un côté une forte pente d'éboulis et de
l'autre une haute paroi à pic, l'entrée proprement dite s'ouvre
au pied de la paroi rocheuse. C'est une voûte très surbaissée,
de belles proportions, qui, après qu'on est descendu p«T une
forte pente d'éboulis et de très gros blocs, donne accès dans une
salle presque circulaire aux proportions grandioses. Le sol est
formé par des éboulis et par de l'argile : les suintements sont
peu abondants et il n'existe pas de bassins ou flaques d'eau.
Deux grands massifs rocheux, limités par des parois à pic,
occupent les deux côtés de l'entrée et montent jusqu'aux
trois quarts de la hauteur de la salle. Il paraît qu'en escaladant
la falaise qui se trouve à droite de l'entrée, on parvient sur une
sorte de plateau où commence un couloir si étendu que deux
heures d'exploration n'ont pas permis d'en voir la fin. J'ignore
si ces racontages reposent sur quelque chose de sérieux, car le
temps ne m'a pas permis de gravir le massif rocheux en question.
498 JEANNE L et RAGOVITZA
Lu luiniëre pénètre dans la grande salle jjresque jusqu'au
fond. A l'entrée de la grotte se forme un brouillard assez épais
dans la zone de contact de l'air froid de la grotte avec l'air
chaud du dehors. Ce phénomène doit êtr§ assez rare, car je ne
l'ai point observé ailleurs.
Les animaux sont très peu nombreux dans cette cavité ;
les ISfémocères et Tinéides trogloxènes eux-mêmes, mentionnés
dans les grottes précédentes, paraissent manquer.
Eacovitza.
8. Petite Grotte de Labastide.
SiUiée dans le même massif et non loin (à 10 minutes) de la
j)récédente, à Labastide, Hautes-Pyrénées, France. — Altitude
de Labastide : 524 mètres ; la grotte est à peu près au même
niveau que la précédente, mais jîlus haut que le village. —
Roche : Calcaire crétacique inférieur. — Date : 3 août 1905.
Matériaux : Coléoptères, Aptérygogéniens. Myriapodes. —
Numéros : 20, 21,
Pour entrer dans cette grotte, il faut passer sous des ponts
rocheux, restes de l'ancien vestibule effondré, et se glisser par
une fente étroite. On dévalle une forte pente argileuse et l'on
se trouve dans une très belh? salle oblongue où le travail de
l'eau d'infiltration est fort actif. Tout un côté de la salle est
recouvert de revêtement stalagmitique. Stalactites nombreuses
et beaux massifs de stalagmites, quelques-uns très blancs. Sur
le plancher formant une pente légère, sont de nombreux gours
pleins d'eau, ayant jusqu'à 25 centimètres de profondeur et
souvent plus d'un mètre de longueur. L'eau ruisselle dans cette
partie de la salle et tombe aussi du plafond, en s'écoulant en
nappes vers la partie opposée qui est dépourvue de stalactites
et possède un sol formé d'éboulis et d'argile.
Dans un coin de la salle une cheminée obliqiu' et fort étroite
laisse passer un faible courant d'air ; il est possible qu'on puisse
arriver par là dans d'autres galeries.
GROTTES VISITEES 499
Quelques N«%iocères (n» 4) furent vus près de l'entrée. Les
autres animaux capturés sont de vrais troglobies. Les Aphaenops
couraient à la surface des enduits stalagmitiques, leur station
préférée.
Je signale aussi la grotte de l'Aspugue, qui est une goule
absorbant le ruisseau de même nom ; l'ouverture en voûte sur-
baissée se trouve au pied de la falaise à égale distance des deux
grottes que je viens de décrire. On prétend dans le pays que
la résurgence de l'Aspugue a lieu de l'autre côté du massif
calcaire, à Esparros. Des canards auraient accompli ce trajet
souterrain.
Tout le massif de Labastide est donc fort intéressant et
mérite une sérieuse exploration ; je le signale aux confrères qui
disposeraient de plus de temps que je n'en ai eu moi-même.
Je crois que leur peine sera récompensée par de belles décou-
vertes.
Racovitza.
9. Petite Grotte du Tunnel de Camous.
Située dans le tunnel du chemin de fer, près Sarrancolin,
Hautes-Pyrénées, France. — Altitude : 650 mètres env. —
Roche : Calcaire crétacique inférieur. — Date : 4 août 1905.
Matériaux : Aptérygogéniens, Aranéides. — Numéros : 22,
26.
Découverte en creusant le tunnel ; était entièrement close de
toutes parts. C'est une petite cavité de quelques mètres avec
quelques stalactites et des parois en partie recouvertes par un
revêtement stalagmitique. Deux petits gours contiennent encore
un peu d'eau.
Les Araignées et les Campodea que nous y avons trouvés
sont de simples troglophiles.
Jeannel et Bacovitza.
500 JEANNEL et RACOVITZA
10. Grande Grotte du Tunnel de Camous.
Située dans le tunnel du cheniin de fer, près Sarrancolin,
Hautes - Pyrénées , France. — Altitude : 650 mètres env. —
Roche : Calcaire crétacique inférieur. — Date ; 5 et 6 août 1905.
Matériaux :T>iil^tève'fi, Aptérygogéniens, Myriapodes, Aranéides.
— Numéro : 25.
Cette grotte a été découverte à l'occasion du creusement du
tunnel ; elle n'avait aucune ouverture apparente. Elle a été
aménagée par les soins de la Compagnie des chemins de fer et
son entrée est fermée par une grille. Un couloir assez long con-
duit à un carrefour d'où partent deux galeries très humides.
La galerie de droite est presque horizontale ; dans son pla-
fond, plusieurs cheminées étroites paraissent monter très haut
et dans son plancher s'ouvrent trois puits, dont l'un est profond
de 15 mètres et contient de l'eau. Les stalactites sont nom-
breuses et un revêtement stalagmitique recouvre partout une
épaisse couche d'argile. Quelques petites flaques d'eau s'y ren-
contrent aussi.
La galerie de gauche descend rapidement vers le niveau de
la rivière (la î^este). On y observe quelques formations stalac-
titiques près de l'entrée ; le fond est bouché par un fort banc
d'argile. Ce dépôt, qui recouvre d'ailleurs toutes les parois et
même le plafond, porte des traces récentes de l'action de l'eau.
Quelques gours s'observent dans les parties hautes de la galerie.
Dans la galerie de droite la température de l'air était de
11"25 C. et celle de l'eau 10°. Dans la galerie de gauche la tem-
pérature de l'eau était de O^S C.
Il n'y a pas traces de Chauves-souris.
Près de l'entrée de cette grotte les Tinéides sont en quantité
prodigieuse ; quelques Culicides s'y voient aussi.
La récolte a été maigre dans les deux galeries. Les pièges
placés dans l'eau n'ont rien donné. Sur des morceaux de bois
GROTTES VISITÉES 501
quelques CoUeraboles et des larves de Diptères. De rares Arai-
gnées et Myriapodes ont été rencontrés sur les parois.
Jeannel et Racovitza.
11. Grotte d'Ilhet.
Située dans la vallée de la Baricane, à 1 kil. d'Tlliet, commune
de Sarrancolin, Hautes-Pyrénées, France. — Altitude : 700 mètres
env. — Roche : Calcaire jurassique. — Date ; 5 et 6 aoiàt 1905.
Matériaux : Coléoptères, Aptérygogéniens, Myriapodes, Ara-
néides, Pseudoscorpionides, Ixodes. — Numéros : 23, 24.
L'entrée de la grotte, difficile à trouver, se trouve au tiers
de la hauteur du massif calcaire qui forme la rive gauche de la
Baricane. Du vestibule étroit on passe par un couloir en forme
de fente dans une petite salle entièrement encroûtée de stalac-
tites. Une cheminée, dans laquelle on a de la peine à se glisser,
mène sur la corniche d'un massif stalagmitique d'où il faut
descendre avec une corde dans une salle oblongue, de forme
très irrégulière. Des tranchées profondes et des puits s'ouvrent
dans le plancher de cette salle. Toutes les parois sont recou-
vertes d'un revêtement stalagmitique ; les stalactites coniques
ou en draperies et les colonnes abondent. Un des puits n'a que
4 mètres de profondeur et il aboutit à une cavité close ornée de
magnifiques stalactites d'une blancheur et d'une finesse admi-
rables. Sur ses parois on remarque quatre corniches, indiquant
d'anciens niveaux d'eau, formées par de jolies concrétions.
L'argile et les éboulis manquent complètement. Quelques
petites fiaques d'eau existent dans les parties basses de la salle.
Cette gTotte est due à une faille et la corrosion a joué un
grand rôle dans sa formation.
La température était le 5 août : air : 8^8 C, et le G août :
air : 8o5 C, eau : 8».
Nous n'avons pas entièrement exploré cette grotte et bien
des recoins restent à visiter.
502 JEANNEL et RAGOVITZA
Nous n'avons pas vn traces de Chauves-souris. Pourtant deux
Eschatocephalus furent trouvés sur les parois. Les pièges n'ont
rien donné. Les Araignées, les CoUemboles, les Coléoptères pro-
viennent du fond de la grotte. Les Myriapodes et les Pseudo-
scorpionides de l'entrée.
Plus haut dans la montagne, mais plus près d'Ilhet. s'ouvre
une eavité qui n'a que quelques mètres de profondeur. A l'entrée,
sous les feuilles sèches, un Bathyscia a été trouvé.
On nous a signalé aussi des grottes, dont l'une très vaste,
paraît-il, à Fréchet-Aure, non loin d'Arreau, mais il a été
impossible d'avoir des renseignements précis sur leur situation
exacte.
Jeannel et Racovitza.
12. Cueva de las Devotas.
Située vers le milieu du Paso de las Devotas, partido de Bol-
tana,provincia de Huesca, Espagne. — Altitude : 750 mètres env.
— Roche : Calcaire crétacique supérieur. — Date : 13 août
]905.
Matériaux : Coléoptères, Myriapodes, Aranéides, Opilionides,
Mollusques. — Numéros : 33, 34.
Cette grotte est formée par deux salles. La première, qui
s'ouvre à l'extérieur par une ouverture ogivale, a environ
10 mètres de longueur sur 4 à 5 de largeur. Sur le plancher
deux grands gours sans eau. Au fond, un éboulement ancien
recouvert d'un revêtement stalagmitique et un rideau de sta-
lactites forment une cloison derrière laquelle s'allonge une
seconde salle d'une douzaine de mètres de longueur, sur 3 à 4
de large. Son sol est également occupé par des gours vides. Une
des parois est nue, l'autre est couverte de stalactites. Cette
salle se continue par une fente basse mais très étendue qui
s'est formée suivant un joint.
GROTTES VISITEES 503
La temporatiiro au fond est très peu inférieure à celle de l'air
extérieur.
Les Oulicides sont très nombreux sur les parois ; quelques
Tinéides et de nombreuses toiles d'Araignées pleines de Mous-
tiques. Les Coléoptères (Bathyscia) sont nombreux et proba-
blement attirés par les cadavres de Moustiques, car on ne voit
pas d'autre source de nouiriture.
Jbannel et Eacovitza.
13. Cueva del Molino.
Située sur la rive droite du Rio Aso, au-dessus du moulin de
Sercué, sur le territoire de la commune de Vio, partido de Bol-
taiia, provincia de Huesca, Espagne. — Altitude : 900 mètres env.
— Roche : Calcaire crétacique supérieur. — Bâte : 17 août
1905.
Matériaux : Névroptères , Aptérygogéniens , Myriapodes,
Palpigrades, Aranéides, Opilionides. — Numéro : 38.
L'entrée en voûte surbaissée conduit dans un vestibule gran-
diose ayant 35 mètres de large et 56 mètres de long sur une
dizaine de mètres de haut. Au fond du vestibule, à droite de
l'entrée, s'ouvre une galerie de 200 mètres de long sur 25 de large
et 4 à 5 mètres de hauteur. Elle aboutit à une vaste salle oblongue
d'une quinzaine de mètres de hauteur, qui possède une annexe
presque aussi grande mais située à environ 5 mètres plus haut
que le niveau de son plancher ; cette sorte de second étage, qui
a pris naissance par un colossal éboulement, est tout à fait
sec, et n'a jamais subi l'action de l'eau. Il n'y existe aucune
sorte de concrétion, et les éboulis sont couverts d'une épaisse
poussière argileuse due à l'action de l'air sur la roche. En trois
endroits nous avons trouvé de grands amas coniques d'argile
pulvérulente couleur marc de café.
Les autres parties de la grotte sont parcourues par un ruisseau
504 JEANNEL et RACOVITZA
qui prend sa source apparente dans un coin de la salle du fond.
Un magnifique massif stalagmitique, reposant sur une plage
de galets et occupant le milieu de la salle, le force à contourner
les parois au pied du second étage ; il coule ensuite au milieu
de la galerie, se déverse dans le vestibule eu nappe mince sur
une surface couverte de gours très plats et reforme un lit étroit
à la sortie de la grotte.
Dans la galerie il y a deux bancs puissants de galets roulés
et le sol est couvert d'une épaisse couche d'argile dans laquelle
le ruisseau s'est creusé un lit, de 2 mètres de largeur et 25 centi-
mètres de profondeur, absolument rectiligne sur une grande
partie de son étendue. Les berges sont plates et leurs bords
droits comme tracés au cordeau. L'écoulement de l'eau est lent,
car les différences de niveau sont insignifiantes dans le sol de
la grotte. Comme les galets sont en partie recouverts d'un revê-
tement stalagmitique et que près de l'entrée existent des grands
gours à un niveau élevé, il est certain que le débit du ruisseau
a beaucoup diminué ; il devait occuper toute la largeur des
galeries pendant les crues et c'est à ce moment que la couche
argileuse a été déposée en masses épaisses. Les stalactites sont
peu nombreuses, mais il existe de beaux massifs stalagmitiques
dans la galerie.
Sont à noter deux particularités assez rares. Près de l'entrée
de la galerie se voit une rangée de stalactites de forme conique,
les unes blanches translucides alternant avec d'autres colorées
en brun. D'autre part sur l'argile, au fond de cette galerie, se
sont formées des stalagmites simplement fichées dans la masse
meuble du sédiment. On les soulève sans effort de la petite
cavité oii repose leur base ; quelques-unes dépassent un mètre
de hauteur et 20 centimètres de diamètre.
Les animaux habitent plus volontiers la salle sèche du fond
que les galeries parcourues par le ruisseau. Un bel Ischyropsalis,
plusieurs Glomérides, des Araignées et des Diplopodes {Typhlo-
blaniulus) furent capturés dans la première. De rares Araignées
et quelques Colembolles furent pris sous les galets du ruisseau.
(îROTTES VISITEES 505
Une Phryganp fut aussi capturée, mais nous n'en avons pas
trouvé à l'état larvaire dans le ruisseau.
Jeannel et Eacovitza.
14. Cueva Llobrica.
Située sur la rive gauche du Rio Vélos, dans le massif des
Sestrales, commune de Vio (?), partido de Boltana, provincia
de Huesca, Espagne. — Altitude : 900 mètres env. — Roche :
Calcaire crétacique supérieur. — Date : 18 août 1905,
Matériaux : Coléoptères, Aptérygogéniens, Myriapodes, Opi-
lionides. — Numéros : 40^ 41.
La grotte s'ouvre dans une falaise à pic, à une centaine de
mètres au-dessus du niveau de la rivière, par une grande voûte
ogivale d'une quinzaine de mètres de hauteur. Une galerie
montante à direction S.-N. se coude en angle droit vers l'O. et
aboutit à une salle moins élevée, dont le fond en pente descen-
dante est rempli de blocs énormes éboulés. A droite un petit
couloir à parois tapissées de revêtement stalagmitique est
pourvu de quelques stalactites.
La longueur totale peut atteindre 100 mètres. Le sol des
galeries et les roches éboulées sont couverts de poussière argi-
leuse. Pas de stalactites et point d'eau dans la galerie principale.
Dans le petit couloir du fond les Bathyscia sont abondants.
C'est de cette partie de la grotte que proviennent aussi presque
tous les autres animaux capturés.
Jeannel et Eacovitza.
15. Cueva de los Moros.
Située sur la rive droite du Rio Xalle, vers le milieu de la
gorge nommée Gloces, commune de Fanlo, partido de Boltaîia,
provincia de Huesca, Espagne. — Altitude : 1.300 mètres env.
— Roche : Calcaire crétacique supérieur. — Date : 19 et 20 août
1905.
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 4' SERIE. ï. VI. (VIIl). 36
506 JEANNEL et RACOVITZA
Matériaux : Diptères, Coléoptères, Aranéides, Ixodes. —
Numéros : 43, 44.
Les gloces du Eio Xalle sont des gorges extrêmement étroites,
et hautes d'une cinquantaine de mètres ; par endroits la largeur
ne dépasse pas un mètre et souvent il est impossible de voir la
rivière, car les deux parois ont des corniches alternantes dans
le sens de la hauteur.
C'est dans la falaise de la rive droite que se trouve la grotte ;
il faut descendre par une corniche puis monter un talus d'éboulis ;
on arrive ainsi au pied d'une paroi dans laquelle sont percées
deux ouvertures superposées de 4 à 5 mètres. L'ouverture infé-
rieure permet d'atteindre une cheminée dont l'escalade conduit,
au niveau de son ouverture supérieure, à l'entrée de la grotte.
Celle-ci a environ 50 mètres de longueur ; une galerie montante
N.-S,, presque en ligne droite, tourne ensuite à angle droit vers
l'E. et se termine par une cavité étroite. La forme de cette
grotte est singulièrement régulière et la coupe de ses galeries
est ogivale. Le plafond a 4 à 5 mètres de hauteur.
Le plancher est occupé par une énorme coulée stalagmitique
formée par une pâte calcaire assez dure, dont la blancheur
contraste avec la couleur noire des parois. Deux rochers percent
comme des îlots noirs la masse blanche. Le dépôt stalagmitique
rappelle par sa forme une coulée de lave.
Peu de stalactites ; quelques piliers stalagmitiques ; des gours
vides sont parsemés sur le plancher.
La température de l'air était de IPS C. L'humidité était
forte, mais nulle part on ne voyait de l'eau liquide.
Cette grotte est d'une « propreté » remarquable ; ni détritus
ni pierres sur le sol. Cependant les Coléoptères cavernicoles ne
manquaient pas, mais la plupart étaient morts et envahis par
un Champignon. Près de l'entrée beaucoup de Némocères, de
Culicides, de Tinéides et de Phryganes.
JEANNEL et EACOVITZA.
GROTTES VISITEES SO-
IS. Cueva de abaho de los Gloces.
Située à 50 mètres de la précédente, à un niveau un peu infé-
rieur, à 20 mètres au-dessus du niveau du Rio Xalle, commune
de Fanlo, partido de Boltana, provincia de Huesca, Espagne. —
Altitude : 1.300 mètres env. — Boche : Calcaire crétacique supé-
rieur. — Date : 19 et 20 août 1905.
Matériaux : Hyménoptères, Diptères, Coléoptères, Myria-
podes, Aranéides, Isopodes. — Numéro : 45.
On entre par un couloir de 5 à 6 mètres de haut, parfaitement
régulier, dont la coupe est ogivale, et dont le sol est couvert
par des galets de rivière, qui disparaissent plus loin sous une
coulée blanche stalagmitique pourvue de gours. Un détroit, occa-
sionné par un massif de stalagmites, conduit dans un second
couloir plus bas de plafond qui se termine par une cloison sta-
lagmitique au pied de laquelle il y a un petit bassin d'eau. Cette
première partie de la grotte mesure environ 66 mètres.
Un violent courant d'air se faisait sentir à l'orifice d'une
cheminée très étroite et tortueuse creusée dans la cloison sta-
lagmitique du fond du couloir. Nous avons fait agrandir ce
passage qui nous a conduit dans une vaste salle dont le plancher
était formé par une couche épaisse d'argile pourvue de fentes
de retraits. Sur les parois il y avait quelques stalactites de
couleur sombre, leur niasse étant fortement mêlée d'argile. On
pénètre ensuite dans un couloir étroit, mais d'une hauteur qui
par endroits doit dépasser 30 mètres, et qui s'est formé sur le
trajet d'une énorme faille. De formidables éboulis encombrent
en deux endroits ce couloir dont la largeur dépasse rarement
3 mètres. Tout le sol et les parois jusqu'à une grande hauteur
sont couverts d'argile qui a formé souvent de véritables stalac-
tites ou des coulées stalagmitiques de couleur sombre. De place
en place il existe des stalactites blanches de calcaire pur. Nous
avons été arrêtés par un mince éperon rocheux ayant une fente
808 JEANNEL et RACOVITZA
étroite do chaque côté. Il est possible qu'au moyen d'échelles
on puisse aller plus loin.
La longueur de cette seconde partie de la grotte est d'environ
234 mètres. La différence de niveau est très faible entre l'entrée
et le fond, et le tracé presque rectiligne.
La température de la première partie de la grotte était de
13°8 C. pour l'air et de 10° C. pour l'eau. Dans la seconde partie
nous avons trouvé 10^ C. pour l'air.
Dans la première partie de la grotte les Culicides sont nom-
breux ; les autres animaux capturés proviennent tous de cette
partie. Dans la seconde nous n'avons trouvé qu'un Coléoptère
{Bathyscia).
Au fond même du couloir terminal était un crâne de mouton.
Nous avons d'ailleurs remarqué des traces de Eenards (?) sur
le sol argileux.
Jeannel et Eacovitza.
17. Cueva de les Paharitos.
Située dans la partie d'amont du Barranco de Pardina, gorge
découpée dans le plateau nommé Plan de Tripals, commune
de Fanlo, partido de Boltaria, provincia de Huesca, Espagne. —
Altitude : 1.800 mètres env. — Boche : Calcaire crétacique supé-
rieur. — Date : 21 août 1905.
Cette grotte, ouverte dans la falaise qui forme la rive gauche
du Barranco, n'a qu'une dizaine de mètres de profondeur. L'en-
trée est majestueuse, le plafond formé par un joint de stratifi-
cation est plat et repose sur deux murs verticaux. Au fond il y
a un trou par lequel sort un violent courant d'air froid, ce qui
indique que la grotte se continue au delà. D'une fente de la
paroi sort une petite source; une autre source plus considérable,
sortie d'une fente, forme une cascade de 5 à 6 mètres de hauteur
non loin de la grotte.
GROTTES VISITEES 509
Signalons ici un aven remarquable par sa forme régulièrement
cylindrique et ses parois polies (serait-il produit par un moulin
du glacier qui a dû recouvrir toute cette région "? ) qui se trouve
à 5 minutes de la Caseta del Plan de Tripals. Son diamètre est
d'environ 3 mètres ; sa profondeur sondée donne 16,50 m.
Jeannel et Racovitza,
18. Causse de la Peiia Collarada.
Située sur le mont Collarada, Canfranc, partido de Jaca,
provincia de Huesca, Espagne. — Altitude : 2.300 mètres env.
— Roche : Calcaire crétacique supérieur. Date : 31 août 1905.
Matériaux : Coléoptères, Isopodes. — Numéro : 57.
L'énorme massif de la Peiia Collarada est entièrement cons-
titué par des bancs épais de calcaire crétacique et présente
les phénomènes karstiques les mieux caractérisés : grottes,
sources intermittentes, lapiaz, roches percées, avens, etc. L'étude
géographique n'en est pas faite ; elle promet d'être fort intéres-
sante.
Sur le versant sud du massif, un vaste plateau présente le
phénomène du lapiaz sous ses formes les plus classiques. Fentes
parallèles corrodées, crêtes tranchantes, cavités arrondies, trous
de corrosion depuis le diamètre d'une pièce d'un sou jusqu'à
celui de 30 à 40 centimètres.
De plus tout le plateau est parsemé de dépressions de forme
le plus souvent circulaire et de diamètre variant entre 3 et
10 mètres. îfous eu avons vu une dizaine, mais il y en a beau-
coup plus, d'après les dires du guide. Des niasses de neige, plus
élevées au centre qu'à la périphérie, car le contact de la paroi
provoque une fusion plus rapide, occupent le fond de ces
dépressions.
Il est difficile de savoir si ce sont là des dolines d'effondrement
ou des avens formés par corrosion. La neige empêche la vue du
510 JEANNEL et RACOVITZA
fond, et ne permet pas de sonder leur profondeur vraie. L'un
de nous est descendu dans une de ces dépressions dont l'orifice
présentait une échancrure formée par une pente d'éboulis. Au
pied de l'éboulis, qui avait 5 mètres de hauteur, apparaissait
l'orifice proprement dit, qui était circulaire et en partie caché par
la paroi à pic de la dépression. Cette ouverture laissait voir un
puits à parois verticales et parfaitement lisses qui était comblé
de neige à 5 mètres de profondeur. Cette dépression était donc
bien un aven produit par l'action extérieure des eaux s'exer-
çant sur une fente préexistante. Une autre dépression formée
manifestement sur le trajet d'une faille doit être interprétée
de la même façon ; mais les dolines d'effondrement doivent
certainement être représentées sur ce plateau.
Quoi qu'il en soit, il nous semble que ces dépressions ne doivent
pas communiquer par des fissures larges avec les grottes et
galeries qui doivent traverser la masse rocheuse sous-jacente.
En effet, si ces communications existaient il se formerait des
courants d'air qui ne permettraient pas à la neige de persister
jusqu'à cette époque de l'année.
Il va sans dire qu'il n'existe ni ruisseau, ni source sur ce
plateau ; toute la circulation se fait sous terre. Les bergers
sont forcés, pour se procurer l'eau à boire, de détacher de gros
blocs de neige, de les enfiler sur des bâtons et de les laisser fondre
au soleil.
Sous les pierres qui entourent l'orifice des avens ou dolines,
nous avons trouvé des Isopodes et des Coléoptères troglophiles.
Jeannel et Eacovitza.
19. Cueva de abaho del Collarada ou Cueva de las Guixas.
Située à la base de la Pena Collarada, sur la rive gauche du
E.io Aragon, à 2 km. au nord de Villanua, partido de Jaca, pro-
vincia de Iluesca, Espagne. — Altitude : 1.000 mètres env. —
Boche : Calcaire crétacique supérieur. — Date : 30 août 1905.
GROTTES VISITEES 5H
Matériaux : Diptères, Siphonaptères, Coléoptères, Aptéry-
gogéniens. Myriapodes, Aranéides, Opilionides, Acariens, Iso-
podes. Mollusques. — Numéros : 52, 53, 54, 55.
Cette grotte est citée dans le catalogue de PuiG y Larraz (1)
sous le nom de Cueva de las Guixas ; mais ce nom ne semble
pas être connu des gens du pays, qui l'appellent Cueva de abaho
del Collarada.
La gi'otte est un complexe de galeries formant trois étages
et communiquant avec l'extérieur par autant d'orifices. Elles
ont été creusées par un fort ruisseau souterrain qui actuelle-
ment coule à un niveau inférieur et sort par un quatrième ori-
fice situé dans la berge même du rio Aragon. L'eau remplit
en entier l'orifice de sortie, ce qui en défend l'accès. H existe
donc en réalité quatre étages de galeries.
La première ouverture au-dessus de la source donne d'une
part dans une galerie descendante basse pleine d'énormes cail-
loux roulés et de galets, se terminant par une fente étroite rem-
plie d'argile ; cette galerie est dirigée sans doute possible vers
le courant souterrain et sert peut-être de trop plein pendant
les crues. Une niche latérale assez profonde contient quelques
concrétions.
D'autre part, de l'orifice part une galerie ascendante donnant
accès dans un vestibule qui s'ouvre à l'extérieur par la seconde
ouverture de la grotte ; cette dernière sert aussi d'amorce à
un long couloir à sol couvert de graviers roulés qui aboutit à
deux salles spacieuses remplies de concrétions et à parois recou-
vertes, en beaucoup d'endroits, d'un revêtement stalagmitique.
Le sol est formé par de l'argile.
Au fond de la seconde salle, l'escalade d'une cheminée per-
met de monter à un étage supérieur formé par deux galeries.
Celle de droite est humide, à parois couvertes de revêtement
stalagmitique et à pente ascendante assez forte. Elle se ter-
ci) G. PiTiG Y Larraz. Cavernas y simas de Espaîia. {Bol. de la Comission del Mapa geolo-
gico de Espana, tomo XXI, pp. 1-392, 1896.)
512 JEANNKL et RACOVITZA
mine par luu'. fente horizontale remplie d'argile ; plus bas sont
des gours actuellement vides. Sur un des côtés se trouve une
cloison stalagmitique qui ferme Taccès d'une autre galerie inex-
plorée; trois fentes étroites, par où sort un très violent courant
d'air, laissent voir une vaste cavité qui paraît s'étendre très
loin. La galerie de gauche est sèche, possède peu de concrétions
et aboutit à la troisième ouverture de la grotte.
Nous n'avons rien trouvé dans la galerie de droite du troi-
sième étage, mais celle de gauche était au contraire très peu-
plée. Le sol était couvert de détritus de toutes sortes, feuilles,
brins de paille, poussière argileuse, guano de Chauves -souris ;
tout cela formait une couche d'humus où les troglophiles et
les troglobies abondent. Chose curieuse : les Puces étaient très
abondantes dans cet humus ; ce n'était pas le Puleœ irritans,
mais une espèce plus allongée et extraordinairement agile.
Dans les salles du second étage, nous avons trouvé des
Isopodes nombreux et des Liihohius. Le premier étage ne nous
a fourni que quelques Lsopodes.
Les ossements de Mammifères sont très abondants dans l'argile
qui forme le plancher des salles du second étage.
JEANNEL et RACOVITZA.
20. Cueva del Collarada de ariba.
Située dans le massif du Collarada, au-dessus de Canfranc,
partido de Jaca, provincia de Huesca, Espagne. — Altitude :
1.500 mètres env. — Roehe : Calcaire crétacique supérieur. —
Date : 31 août 1905.
Au-dessus de Canfranc, à 5 ou 600 mètres au-dessus du niveau
de la rivière, s'étend nue longue falaise dont la base est creusée
de plusieurs petites cavités. Dans la partie N. s'ouvre la Cueva
del Collerada de ariba. L'entrée est située à mi-hauteur de la
falaise. C'est une ouverture ogivale d'une quinzaine de mètres
GROTTES VISITEES 513
de hauteur, donnant accès dans une salle très vaste et très
haute, qui possède deux baies énormes regardant vers le rio
Aragon.
Ce majestueux vestibule conduit dans une galerie basse, de
quelques mètres de longueur.
En continuant à longer la falaise on rencontre deux autres
gi-andes ouvertures qui sont cependant l'amorce de très courts
couloirs sans intérêt.
Jeannel et Eacovitza.
21. Grotte du Pla à Barbe.
Située dans le massif qui forme la rive droite de la rivière
Malugar, commune de Lees-Athas, " Basses-Pyrénées, France.
— Altitude : 800 mètres env. — RocJie : Calcaire jurassique.
— Date : 2 septembre 1905.
Matériaux : Myriapodes, Isopodes. — Numéro : 58.
L'entrée est très vaste et de forme carrée. Le plafond est
formé par un joint de stratification reposant sur deux parois
verticales ; la largeur est d'environ 25 mètres avec une hauteur
presque égale. La galerie oii l'on pénètre a une direction géné-
rale E.-O., et un plancher en pente ascendante très raide.
Une énorme coulée d'argile molle très calcaire, de couleur
blanche, recouvre tout le plancher de la grotte dont la longueur
doit dépasser 200 mètres. L'eau s'écoule en najjpes à la surface
de l'argile, qui en est complètement imbibée et cette argile
forme, en se déversant par dessus les bords rocheux à pic,
des sortes de cascades de stalactites. Dans les parties planes
s'étagent des gours de faibles dimensions. Au fond de la grotte
pendent quelques stalactites blanches, friables, très peu humides,
ayant parfois plus d'un mètre de longueur. La masse qui les
forme a Taspect d'une moisissure. Quelques^ parois sont cou-
vertes aussi de cette sorte de « moisissure » calcaire.
514 JEANNEL et RACOVITZA
N'ayant jamais eu roccasion d'examiner ce qu'on nomme
en Suisse « Mondmiloh », nous ne pouvons pas assurer qu'il
s'agit ici d'une formation identique. D'après Martel (p. 103) (1),
le « Mondmilch » serait a une forme pâteuse du carbonate de
chaux, qui parait être simplement de la stalagmite tellement
imbibée d'eau qu'elle n'a pas pu se solidifier ». Il nous a semblé
que, dans la grotte dvi Pla à Barbe, les choses ont dû se passer
différemment. La forme de la grotte, longue galerie presque
droite, largement ouverte, et à plancher ascendant très forte-
ment incliné, provoque la chute de l'air froid du fond vers l'en-
trée et un appel d'air extérieur de l'entrée vers le fond. Il se
forme ainsi un courant d'air violent et sec dans les régions hautes.
L'évaporation de l'eau doit être si rapide que le calcaire d'ail-
leurs très impur des infiltrations ne peut se déposer que sous
forme de masse spongieuse et incomplètement cristallisée.
Au fond de la grotte nous n'avons trouvé qu'un Diplopode.
Dans une petite annexe sèche de la galerie principale, quelques
Lithohius et non loin de l'entrée, des Isopodes.
Jeannel et Eacovitza.
22. Grotte des Eaux- Chaudes.
Située sur la rive droite du gave d'Ossau, près Les Eaux-
Chaades, département des Basses-Pyrénées, France. — Alti-
tude : 900 mètres env. — Boche : Calcaire crétacique supérieur.
— Date : 4 septembre 1905.
Matériaux : Diptères, Aptérygogéniens , Opilionides. —
Numéro : 61.
Cette grotte, aménagée pour les visiteurs sur une distance
de 400 mètres environ, est parcourue par un fort torrent qui
forme plusieurs cascades. Les concrétions sont rares dans la
(1) E.-A. Martel. La Spéléologie ou Science des Cavernes. (Collection Scientia, Biologie
n- 8, Paris, Naud, 126 p., 1900.)
GROTTES VISITEES 515
galerie, presque rectiligne, très luiiite, à plafond droit et à parois
verticales. Il paraît qu'en escaladant la dernière cascade on
peut parcovirir encore des galeries sur une distance de 500 mètres.
Le temps nous a manqué pour contrôler ces renseignements.
Les animaux recueillis ont été trouvés près de l'entrée, seul
endroit où le terrain est sec.
Jeannel et Eacovitza.
23. Petite Grotte des Eaux-Chaudes.
Située un peu plus bas que la précédente. Les Eaux-Chaudes,
Basses -Pyrénées, France. — Altitude : 900 mètres env. —
Boche : Calcaire crétacique supérieur. — Date : 4 septembre
1906.
Matériaux : Isopodes. — Numéro : 61 Us.
Un ruisseau parcourt également cette grotte. Par une entrée
basse on pénètre dans un couloir qui s'élargit sur un des côtés,
pour former une petite salle à plancher très incliné. Le couloir
paraît continuer fort loin, mais il nous a été impossible de le
suivre, faute de moyens d'éclairage suffisants.
En face des gTottes des Eaux-Chaudes, sur l'autre rive du
Gave, il y a, paraît-il, une fente dans la falaise qui permet de
voir une vaste salle occupée par un grand lac. Ce bassin sou-
terrain doit capter toutes les précipitations atmosphériques
qui tombent dans une vallée suspendue située au-dessus, car on
ne voit aucun cours d'eau superficiel dans le thalweg de cette
vallée. Une forte source, qui jaillit d'un trou de la falaise, plus
bas que le niveau du lac, doit être 4'éniissaire de ce réservoir.
L'étude hydrologique de cette région n'a pas été faite.
Jeannel et Eacovitza.
24. Grotte de Malarode (rive droite).
Située sur la rive droite d'un ravin^boisé, à une heure de
marche d'Arudy, Basses -Pyrénées, France. — Altitude : 500 mè-
516 JEANNEL et RACOVITZA
très eiiv. — Roche : Calcaire crétacique inférieur. — Date :
5 septembre 1905.
Matériaux : Isopodes, Oligochètes. — Numéros : 64, 67.
Un couloir d'une cinquantaine de mètres, encombré d'éboulis
et assez haut de plafond, constitue cette grotte. Pas de con-
crétions. A gauche de l'entrée, petite salle humide à sol couvert
d'argile.
Des Isopodes {Porcellio) furent capturés près de l'entrée et
des Oligochètes vivaient dans l'argile, sous les pierres.
Jeannel et Eacovitza.
25. Grotte de Malarode (rive gauche).
Située en face de la précédente, commune d'Arudy, départe-
ment des Basses-Pyrénées, France. — Altitude : 500 mètres
env. — Roche : Calcaire crétacique inférieur. — Date :
5 septembre 1905.
Matériaux : Myriapodes. — Numéro : 65.
Cette grotte est beaucoup plus vaste que l'autre. L'entrée
est basse et conduit dans un vestibule dont le milieu est occupé
par un puits de 5 à 6 mètres de profondeur. Ensuite un couloir
coudé mène, par des éboulis recouverts d'un manteau stalag-
mitique, dans une petite salle revêtue de concrétions et sou-
tenue par de beaux piliers. Un passage étroit, entre deux
colonnes, permet de descendre dans une grande salle d'une
trentaine de mètres de hauteur. Le plancher et les parois de
celle-ci sont entièrement recouverts de stalagmite, sauf quelques
petits recoins où. l'argile est à nu.
La richesse de cette grotte eu concrétions de toutes sortes est
remarquable ; plusieurs niches dans les parois ont de superbes
stalactites. L'humidité est très grande, mais il n'y a pas de
bassin d'eau.
GUOTTES VISITÉES 517
Les seuls animaux que nous ayons rencontrés sont les Typhïo-
hlaniulus (Diplopodes).
Jeannel et Racovitza.
26. Grotte d'Izeste ou d'Arudy.
Située à vingt minutes d'Arudy, département des Basses-
Pyrénées, France. — Altitude : 500 mètres env. — Roche :
Calcaire crétacique inférieur. — Date : 5 et 6 septembre 1905.
Matériaux : Diptères, î^yctéribies. Coléoptères, Aptérygo-
géniens, Myi'iapodes, Aranéides, Opilionides, Acariens, Isopodes,
Mollusques, Oligochètes. — Numéros : 66, 68, 69, 70, 71, 72,
73, 74.
Cette grotte s'ouvre au flanc d'une colline par un vaste orifice
en partie fermé par un mur romain (?) qui fut démoli, puis
reconstruit par M. Piette pendant les recherches paléontolo-
giques que ce savant a entreprises dans la grotte.
Un couloir coudé conduit dans une vaste galerie à parcours
rectiligne dont la hauteur atteint certainement 30 mètres en
certains endroits. Le sol est couvert d'éboulis, mais presque
horizontal ; les parois sont en général verticales. Au fond un
monticule formé par des éboulis recouverts de revêtement stalag-
mi tique permet d'atteindre le plafond, orné de stalactites. Entre
deux stalactites est un « trou à vent » par lequel on peut aper-
cevoir une galerie encore inexplorée ayant de vastes propor-
tions. Il n'y a pas de concrétions dans le reste de la grotte, ni
de flaques d'eau, quoique les suintements ne manquent pas.
Les parois sont sombres, le sol est noir, aussi est-il très difficile
de s'éclairer convenablement. La longueur totale doit dépasser
300 mètres.
Cette grotte doit être habitée depuis fort longtemps par les
Chauves-souris. Ces animaux sont accrochés au plafond par
milliers. Leur guano couvre le sol et une partie des parois, et
518 JEANNE L et RACOVITZA
souvent son épaisseur dépasse 30 à 40 centimètres. Une pluie
continuelle d'excréments tombe du plafond.
La fiente fraîche, détrempée par l'eau qui s'égoutte des parois,
est couverte de moisissure blanche ; le guano ancien a formé
avec l'argile un terreau gras et noir.
Dès qu'on pénètre dans la grotte, on est assailli par des essaims
de Diptères variés. Les autres animaux sont nombreux aussi,
et il serait difficile de trouver une station épigée aussi peuplée
que cette grotte.
La fiente fraîche grouille de larves de Diptères et de Coléop-
tères au point de paraître une masse vivante ; des Oligochètes
par milliers leur tiennent compagnie, tandis qu'à la surface,
les Coléoptères {Lœmostenus , Bathyscia, Quedius), Acariens, Col-
lemboles, Myriapodes, et des myriades de Diptères de plusieurs
espèces courent de tous les côtés. Les parois de cette grotte sont
couvertes de Diptères ,de Porcellio, de LitJioMus. Dans les fentes
et encoignures, plusieurs espèces d'Aranéides tendent leurs toiles
et font ample provision de Mouches.
De petits Hélicides rampent activement sur les pierres plus
sèches. Les endroits couverts de vieux guano sont les stations
favorites des Gampodea, Bathyscia et Collemboles.
Dans toutes les parties de la grotte les animaux sont nom-
breux, mais là oii la fiente des Chauves-souris tombe comme
une manne, du plafond, c'est le grouillement intense des foules.
Jeannel et Racoyitza.
27. Grotte de Saint-Michel.
Située sous la chapelle Saint-Michel, à Arudy, département
des Basses-Pyrénées, France. — Altitude : 400 mètres env.
— Roche : Calcaire crétacique inférieur. — Bâte : 6 septembre
1905
L'entrée a la forme d'une voûte surbaissée. Un trou très étroit
conduit dans une caverne basse, d'une quinzaine de mètres de
GROTTES VISITEES Ô19
longueur totale. Le sol argileux est recouvert d'un revêtement
stalagmitique. Des tranchées artificielles montrent que cette
caverne a été fouillée. Aucun animal cavernicole n'y a été
trouvé.
Eacovitza.
28. Grotte de l'Oueil du Neez ou de Rébénacq.
Située au-dessus de la source du Neez, commune de Eébénacq,
Basses -Pyrénées, France. — Altitude : 300 mètres env. —
Boche : Calcaire crétacique moyen. — Date : 7 septembre 1905.
Matériaux : Diptères, Coléoptères, Aptérygogéniens, Myria-
podes, Aranéides, Opilionides, Acariens, Amphipodes, Isopodes,
Mollusques, Oligochètes. — Numéros : 76, 77, 78, 79, 80.
Le Neez prend sa source apparente au pied d'une petite falaise
calcaire ; il a été démontré que cette source est, en réalité, la
résurgence d'une dérivation souterraine du gave d'Ossau. A peu
de distance de la sortie du Neez et à un niveau un peu supérieur
se trouve une grotte sèche de plus de 100 mètres de longueur,
par oii, très certainement, le Neez devait primitivement s'écouler.
L'entrée est une vaste voûte surbaissée pourvue d'un mur
maçonné dans lequel une porte a été ménagée. La grotte a la
forme d'un couloir très long dont les parois et le plancher sont
recouverts d'un épais revêtement stalagmitique. Les concré-
tions sont nombreuses et variées ; quelques gours, actuelle-
ment vides, existent sur le plancher. La galerie se prolonge
par une fente horizontale basse dont le sol est formé d'argile et
de couches de gravier de rivière. En creusant une tranchée dans
ces dépôts, il serait possible d'arriver au cours souterrain du
Neez, qui n'est pas abordable à son orifice de sortie.
De petites galeries qui se terminent en cul-de-sac, ou qui
aboutissent à des fentes de la falaise, prolongent latéralement
la galerie principale.
Les lits d'argile du fond contiennent beaucoup d'ossements
520 JEANNEL et RACOVITZA
fossiles ; une mâchoire inférieure que nous avons rapportée
comme échantillon, a été déterminée par M. le professeur Boule
comme appartenant à l'Ours des cavernes.
Les Chauves-souris habitent cette grotte ; par endroits on
trouve quelques petits dépôts de guano. La faune est riche et
variée. Dans un creux, sur l'argile humide, nous avons trouvé
un gros Amphipode (no 78) parfaitement vivant ; cependant
aucune flaque d'eau accessible à l'animal n'existait dans le
voisinage. Sur les parois, dans une sorte de mince toile d'Arai-
gnée, se tenait une larve de Diptère (n^ 79). Un Baihyscia a été
recueilli sou^ une pierre.
jEANNEL et EACOVITZA
29. Cuevas del Drach.
Situées à Porto-Cristo, à 12 kilomètres de Manacor, Mallorca,
îles Baléares, Espagne. — Altitude : 22 mètres. — Calcaire
miocène supérieur. — Dates : 16 au 20 juillet 1904 et 26 avril
1905.
Matériaux : Diptères, Rhynchotes, Myriapodes, Aranéides,
Amphipodes, Isopodes, Champignons. — Numéros : 81, 82, 83,
84, 85, 86, 87, 88, 89.
Les célèbres grottes du Dragon ont eu plusieurs historio-
graphes et pourtant le sujet n'est pas complètement épuisé.
Comme les études entreprises par M. Pruvot et par moi-même
ne sont pas encore au point et que nous comptons les compléter,
je me borne, pour le moment, à noter quelques faits ayant des
rapports avec la faune, renvoyant pour le reste au beau travail
de Martel (1), qui est aussi accompagné de la carte la plus com-
plète qui ait été publiée. La longueur totale des galeries explo-
rées atteint 2 kilomètres, et les conditions d'existence qu'offrent
ces souterrains aux animaux sont très variées.
(1) E.- A. Martel. Les Cavernes de Majorque (Speluuca, tome V, n" 32 ; 32 pp., 8 pi., 1 c,
1908.)
GaOTTES VISITEES 524
II existe en effet des parties entièrement tapissées de revête-
ment stalagmitique et de concrétions variées ; ces régions sont
humides et les plus étendues de la grotte.
La Covadonga, par contre, est une partie sèche sans concré-
tions, à plafond très peu épais puisque les racines des Lentisques
le traversent et pendent en longs faisceaux.
La salle des Chauves-souris, qui est à côté, est également sèche
et possède quelques amas d'ancien guano, car les Chauves-souris
ont abandonné presque complètement les gTottes du Drach
depuis qu'elles sont aménagées pour les touristes. Ce sont ces
régions sèches qui sont les plus riches en animaux. C'est ici que
j'ai recueilli les Aranéides, et un Fulgoride certainement tro-
globie, puisque j'ai capturé en même temps l'adulte et deux
larves. Les petits Diptères {PJiora ?) sont aussi très nombreux.
Les bassins aqueux sont aussi nombreux. Dans le lago Negro
et le lago de las Delicias l'eau était douce à l'époque de notre
visite. C'est dans ces lacs que furent capturés les Isopodes et
Amphipodes. Le lago Miramar, par contre, était très légèrement
saumâtre et aucun animal n'y fut capturé. Le guide de la grotte
m'a dit avoir vu plusieurs fois des « Anguilles » dans le lago
Negro.
I^ous ne trouvâmes rien non plus dans les deux salles qui
font suite au lago Miramar, Quelques petits Diptères furent vus
sur le Dôme Moragues. Les animaux paraissent donc cantonnés
dans les Cuevas negras, Cuevas blancas et la Cueva Louis-Sal-
vator, sans dépasser dans cette dernière le lago Miramar, con-
clusion d'ailleurs toute provisoire car nos recherches n'ont pas
été suffisamment prolongées.
La température de l'air et de l'eau variait un peu d'un lac à
l'autre.
16 juillet. — Lago Negro : Température de l'air, IS^T C. ;
de l'eau, I807 C.
17 juillet. — Lago Negro : Température de l'air, 18°9 ; de
l'eau, I807.
17 juillet. — Covadonga : Température de l'air, 21ol.
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — 4° SERIE. T. VI. — (VIIl). ^7
522 JEANNEL et RACOVITZA
17 juillet. — Lago Delicias : Température de l'air, 19o5 ; de
l'eau, 1902.
19 juillet. — Lago Duchesse de Toscane : Température de
l'eau, I908.
Ces températures sont très voisines de celles prises par Martel
et Moragues, à des époques bien différentes de l'année ; elles
démontrent que, contrairement à ce que l'on a prétendu, la
variation de température est insignifiante dans les grottes du
Drach, fait d'ailleurs général et qui se vérifie pour presque
toutes les grottes.
RACOVITZA.
30. Grotte du Laura ou de l'Ermite.
Située dans un contrefort du mont Razet, dans la vallée du
Careï, commune de Castillou, arrondissement de Sospel, Alpes-
Maritimes, France. — Altitude : 800 mètres euv. — Roche :
Calcaire jurassique supérieur. — Date : 25 septembre 1905.
Matériaux : Diptères, Orthoptères, Aptérygogéniens, Myria-
podes, Aranéides, Isopodes. — Numéro : 90
L'entrée de la grotte, bien visible de la grande route de Menton
à Sospel, mais extrêmement difficile d'accès, est une vaste
ouverture ogivale de 5 mètres de haut, fermée par un mur
maçonné et percé d'une porte et d'une fenêtre. Des inscriptions
latines et des traces de foyer montrent que la première salle,
d'une superficie de 15 mètres carrés environ, a été habitée.
Une étroite ouverture la fait communiquer avec une seconde
salle obscure, située plus bas. Ses dimensions sont également très
restreintes. Cette petite grotte est entièrement sèche et recou-
verte de concrétions stalagmitiques. Il est possible qu'un rideau
de stalactite, peut-être peu épais, la sépare des galeries les plus
profondes de la grotte d'Albarea, située au même niveau, sur
le versant opposé du mont Razet. La grotte du Laura est fré-
GROTTES VISITEES 523
queiitée par les Chauves-soui'is, et les troglophiles y sont très
nombreux. A noter la présence de Dolichojwda.
A quelques mètres seulement de l'entrée de la grotte, il y a,
dans la falaise un simple abri sous roche. Plus bas encore vers
la mer, mais dans un autre massif, s'ouvre une galerie d'oii s'est
écoulé un amas considérable de cailloux. Cette galerie, entière-
ment claire, serait très peu profonde ; le temps m'a manqué pour
l'explorer.
Jeannel.
31. Baume Granet ou Goule de Mougins.
Située à cinq minutes au sud du chef-lieu de la commune de
Roquefort, département des Alpes -Maritimes, France. — Alti-
tude : 300 mètres env. — Roche : Calcaire jurassique supérieur,
— Date : 17 septempre 1905.
Matériaux : Diptères, Coléoptères, Aptérygogéniens, Myria-
podes, Aranéides, Pseudoscorpionides , Acariens, Isopodes,
Oligochètes. — Numéro : 91.
Cette grotte (1), très facilement accessible, absorbe par les
temps d'orage un petit ruisseau qui se perd dans sa profondeur.
Elle est entièrement éclairée par la lumière du jour et, lors de
notre visite, elle n'était pas fréquentée par les Chauves-souris.
Sa longueur totale est de 64 mètres. Au vestibule font suite
deux salles ; dans celle de droite, en pente ascendante, profonde
de 20 mètres environ, existe un fort encroûtement stalagmitique
absolument sec. Dans la salle de gauche, au contraire, le sol
est recouvert d'une belle couche d'argile, dans laquelle vient
se perdre le ruisseau. C'est sous les pierres reposant sur cette
argile détrempée que j'ai pris la plupart des Cavernicoles, dont
la répartition dans la grotte était déjà parfaitement bien indi-
(1) J. Gavet. Essai sur la Spéléologie des Alpes-Maritimes. {Ann. de la Soc. des Lettres
des Alpes -Maritimes, Nice, Malvano, 1901.)
524 JEANNE L et RACOVITZA
quée par J. Sainte-Claire-Deville (1). Dans la salle de droite
je n'ai rencontré que des Aranéides. y
32. Balme d'Arèna.
Située dans un contrefort du mont Oima, au-dessus de la vallée
du Paillon de Tourrette, à une demi-heure du village d'Aspre-
mont, commune d'Aspremont, département des Alpes-Mari-
times, France. — Altitude : 650 mètres env. (d'après Sainte-
Claire-Deville). — Roche : Calcaire dolomitique du jurassique
supérieur. — Date : 20 septembre 1905.
Matériaux : Diptères, Siplionaptères, Coléoptères, Aptéry-
gogéniens, Aranéides. — Numéro : 92.
Cette grotte, une des plus vastes des Alpes-Maritimes, est
constituée par un point d'absorption, La résurgence des eaux
se ferait, dit-on, sur l'autre versant du mont Cima, dans la
vallée du Var. La longueur totale praticable de l'excavation est
de 150 mètres environ. Une rapide descente conduit dans un
vestibule encombré de blocs détachés par le travail des eaux.
Ensuite une salle, toujours déclive, limitée par une voûte élevée
de 10 mètres environ, ijrésente quelques belles stalactites, mais
les concrétions y sont peu abondantes, et la paroi est la plupart
du temps sèche et nue.
L'exploration méthodique des parties les plus basses m'a
permis de constater qu'il n'existe pas, au fond de la grotte, de
gouffre profond, inexploré, comme le prétend la Semaine Niçoise
du 19 janvier 1901 (2). Les parties les plus humides, et particu-
lièrement les roches de l'entrée, sont habitées par de très nom-
breux Coléoptères aveugles. Les autres animaux proviennent
des régions les plus inférieures, surtout de celles encroûtées de
stalagmite.
Jeannel.
(1) J. Sainte-Claire-Deville. Exploration entomologiriue des grottes des Alpes-Maritimes)
[Ann. Soc. ent. de France, tome LXXI, pp. C95-709, 1902.)
(2) E.-A. Martel. La Spéléologie au xx« siècle. (Spelunca, tome VI, p. 151.)
GROTTES VISITEES 525
33. Baume du Colombier.
Située dans la commune de Eoquefort, département des
Alpes -Maritimes, France. — Altitude : 200 mètres env. —
Boche : Calcaire jurassique supérieur. — Date : 17 septembre
1905.
Matériaux : Coléoptères, Psocides, Aptérygogéniens, Myria-
podes, Aranéides, Opilionides, Isopodes. — Numéro : 93.
Cette petite grotte n'avait jamais été explorée. Autrefois
sans issue, elle a été découverte par hasard, dans le courant de
Tannée 1905, en creusant le sol dans la propriété du curé du
village du Plan du Colombier. On y accède par un orifice étroit
et vertical qui conduit dans une petite salle très irrégulière, de
10 mètres de longueur, et dont la voûte ne doit pas présenter
plus de 2 mètres d'épaisseur. Son élévation est de 2 mètres au
maximum et dans bien des endroits on est contraint de se tenir
courbé. Cette curieuse excavation est entièrement recouverte
de concrétions. De nombreuses stalactites pendent de la voûte, et
la plupart sont parcourues dans leur canal central par les racines
des pins qui poussent au-dessus. De gros paquets de racines
pendent ainsi vers le sol et beaucoup sont fixés au plancher,
traversant donc la grotte de part en part. Cette petite forêt
souterraine sert d'asile à de nombreux Isopodes qui courent
dans les radicelles. Les habitants de cette grotte sont nombreux
et certains sont même de véritables troglobies (Coléoptères,
Isopodes).
Jeannel.
34. Grotte d'Albarea.
Située dans le vallon d'Albarea, commune de Sospel, Alpes-
Maritimes, France. — Altitude : 800 mètres env. — Roche :
Calcaire jurassique supérieur. — Date : 25 septembre 1905.
526 JEANNEL et RACOVITZA
Matériaux : Diptères, Coléoptères, Orthoptères, Aptérygo-
géaiens. Myriapodes, Arauéides, Isopodes, Mollusques. —
Numéro : 95.
La grotte s'ouvre à quelques mètres au-dessus du sentier
muletier qui monte au col du Razet. Il est vraisemblable qu'elle
communique, au moins par des fissures, avec la grotte du Laura.
On y accède par un étroit couloir absolument sec. Cette grotte
présente deux étages, mais, faute d'outillage spécial, je n'ai pas pu
parvenir à l'étage supérieur et je n'ai exj)loré que les deux salles
inférieures, dont le développement total est d'environ 60 mètres.
La première est occupée par un talus de cailloutis et d'argile.
La seconde, plus élevée et bien plus vaste, présente un sol très
irrégulier, encombré d'énormes blocs de rocher détachés de
la voûte. Pas de concrétions ni stalactites, sauf dans un petit
cul-de-sac absolument sec situé au fond de cette seconde salle*
L'escalade d'un rocher à pic de plus de 3 mètres donnerait accès
à l'étage supérieur. Cette grotte a été fouillée au point de vue
préhistorique par M. Rivierre (1877). J'y ai récolté de nom-
breuses dents de Mammifères.
La faune actuelle est très riche. J'ai pris, dans la deuxième
salle, un bel Orthoptère du genre Dolichopoda, et de nombreux
Silphides cavernicoles sous des débris de bois pourri. Malgré les
recherches les plus minutieuses, il m'a été impossible d'y retrou-
ver le TrecJius {Anophthalmus) Cailloli Dev., forme très inté-
ressante et spéciale à cette grotte. Les Aptérygogéniens étaient
abondants dans les débris de bois ; les Isopodes se tenaient
plutôt sous les pierres dans les deux salles.
jEANNEL.
35. Grotte de l'Herm.
Située dans la commune de l'Herm, près de Foix, Ariége,
France. — Altitude : 550 mètres env. — Boche : Calcaire basique.
— Date : 30 septembre 1905.
GROTTES VISITEES 527
Matériaux : Diptères, Coléoptères, Aptérygogéniens, Myria-
podes, Aranéides, Opilionides, Pseiidoscori)ionides, Isojjodes,
Mollusques. — Numéro : 94.
Je n'ai pu faire, dans cette immense caverne, qu'un très
court séjour, simple visite de touriste, et cela explique la pau-
vreté de ma récolte dans une grotte dont la faune est si riche.
Aussi je me borne simplement à la citer ; elle est d'ailleurs une
des mieux connues de toutes les Pyrénées, au point de vue géo-
graphique, et je me propose d'en faire prochainement l'objet
d'une étude biospéologique plus approfondie.
Jeannel.
36. Cueva del Agua.
Située sur le flanc du Monte Mongô, commune de Dénia, pro-
vince d'Alicante, Espagne. — Altitude : 400 mètres env. —
Boche : Calcaire crétacique. — Date : 4 janvier 1906.
Matériaux : Aptérygogéniens, Myriapodes, Aranéides, Iso-
podes, Oligochètes. — Numéros : 115, 116, 117.
La grotte est creusée dans une falaise à pic, probablement
sur le parcours d'une faille. Elle a dû servir de lit à un ruisseau
souterrain, car un ravin, maintenant complètement à sec,
s'amorce à l'entrée de la grotte.
Un couloir coudé, qui se termine par un trou circulaire lais-
sant voir un petit bassin d'eau, constitue toute la grotte acces-
sible. Des travaux ont été effectués pour capter l'eau, sans
succès d'ailleurs.
Au fond de la grotte il ne règne qu'une demi-obscurité. Un
petit filet d'eau court sur le plancher. Les animaux recueillis
ont été trouvés au fond de la grotte, sur les parois et sous les
pierres.
Racovitza.
528 JEANNEL et RACOVITZA
37. Cueva sans nom.
Située un peu en dessous de la précédente, à Dénia, province
d'Alicante, Espagne. — Altitude : 400 mètres env. — Boche :
Calcaire crétacique. — Date : 4 janvier 1906.
Matériaux : Myriapodes, Aranéides, Isopodes. — Numéros :
118, 119, 120.
Cette grotte est peu profonde (une trentaine de mètres) et
consiste aussi en une galerie coudée. Elle est complètement
sèche et le sol est couvert de cette poussière argileuse qui pro-
vient, dans les cavernes, de la décomposition du calcaire sous
l'action de l'air humide.
Les Araignées y sont extrêmement nombreuses, mais comme
les autres animaux capturés, il est douteux qu'elles soient de
vraies troglobies.
Bacovitza.
38. Cueva de Andorial.
Située sur la propriété nommée Andorial, partida de Santa
Paula, Dénia, proviucia de Alicante, Espagne. — Altitude :
50 mètres env. — Boche : Calcaire crétacique. — Bâte : 4 janvier
1906.
Matériaux : Coléoptères, Aranéides, Isopodes. — Numéros :
121, 122.
Un propriétaire de vignes, Francisco Prefaci y Eibes, eu vou-
lant creuser une citerne, il y a deux ans, trouva la grotte après
avoir atteint quelques mètres de profondeur ; cette cavité était
donc complètement fermée. Le propriétaire a construit une
margelle autour de l'orifice qui est maintenant fermé par un
panneau en bois. On descend d'abord dans le puits artificiel de
3 mètres, creusé dans le calcaire fendillé et mêlé de terra rossa,
puis par une cheminée naturelle de 5 mètres ayant environ
[
GROTTES VISITEES 529
1 mètre de largeur. On pénètre ainsi dans une petite salle où
s'amorcent deux couloirs peu profonds. Cette descente continue
conduit à environ 17 mètres de la surface.
Les concrétions sont nombreuses et de toute beauté. Il y a
des stalactites de forme conique, d'autres en draperie et des
parois entières couvertes d'un revêtement stalagmitique à
beaux cristaux brillants. Dans les stalactites blanches ou grises
on remarque souvent des zones vertes dues probablement à
des infiltrations cupriques.
Le sol est aussi stalagmitique, mais il y a cependant quelques
parties argileuses. Le suintement de l'eau est faible ; une
seule petite flaque d'eau existe dans un coin.
La température extérieure était de 17° C, celle du fond de la
grotte de 20^ 0. ; mais ce dernier chiffre est probablement trop
haut. Nous avions plusieurs bougies allumées et cela suffit pour
élever la température dans une petite grotte.
Un Coléoptère fut trouvé mort, à la surface de la flaque
d'eau.
Eacovitza.
39. Grotte d'Oxibar.
Située à proximité de la ferme d'Oxibar, commune de Camou-
Cihigue, Basses-Pyrénées, France. — Altitude : 600 mètres. —
Roche : Calcaire probablement crétacique (d'après Martel) (1).
— Dates : 25 septembre 1904, l^^ janvier 1905 et l^r janvier
1906.
3Iatériaux : Coléoptères, Aptérygogéniens , Myriapodes,
Aranéides, Acariens, Isopodes, Amphipodes, Mollusques. —
Numéro ; 127.
A trois reprises différentes et en des saisons diverses, j'ai
pu explorer cette grotte en détail au moyen de pièges et
(1) E.-A Martel. La Spéléologie au xx' siècle. (Spelunca, tome VI, n 41.)
530 JEANNEL et RACOVITZA
d'appâts, et je l'ai trouvée aussi peuplée en septembre qu'en
janvier. Son entrée est constituée par un étroit trou vertical
de 2 mètres de profondeur dissimulé dans les buissons. Deux
fentes donnent encore accès à la lumière dans un vestibule
bas de plafond, où le sol est entièrement formé de crottins
de chèvres desséchés. La grotte est formée de deux salles
sensiblement égales, réunies par un étroit couloir percé à travers
un rideau de stalactites. Elle est en pente ascendante dans son
ensemble, de l'entrée vers le fond, et semble entièrement due à
l'action des eaux souterraines. La première salle, longue de
30 mètres, large de 10, haute de 8 mètres environ, est dépourvue
de concrétions. Le sol d'argile est jonché de nombreuses pierres
et de rochers. La deuxième salle, de mêmes dimensions, mais
plus en pente, présente au point de vue des conditions d'habitat
deux régions bien distinctes. A son entrée est un banc d'argile
oii des fouilles ont été pratiquées. Au fond et à gauche s'élève
un gros massif stalagmitique ; les concrétions et stalactites y
abondent. Partout l'humidité est grande, et de nombreux débris
de paille et de végétaux apportés du dehors fournissent nourri-
ture et abri aux nombreux habitants de la caverne. Il n'y a pas
trace de Chauves-souris.
Je puis préciser assez exactement les conditions d'habitat
des différentes espèces animales qui représentent sa faune aqua-
tique et terrestre.
1° Animaux aquatiques : J'ai toujours trouvé des Amphipodes,
faciles à attirer par les pièges, dans un petit gour situé dans la
première salle le long de sa paroi de droite. Il est à noter que
la lumière extérieure pénètre jusqu'en cet endroit. Par contre,
dans les flaques d'eau du fond de la deuxième salle, se tiennent
de nombreux Asellides. Il m'a semblé voir aussi des Copépodes.
20 Animaux terrestres : Près de l'entrée, sous les feuilles
sèches et le crottin vivent des Coléoptères lucifuges {Antispho-
drus, Atheta, Bathyscia), des Lithobius, des grands Aranéides.
Dans la première salle, je n'ai jamais pris de \Tais troglobies ;
mais ceux-ci sont nombreux dans la seconde salle. J'ai pu
I
GROTTES VISITEES 531
observer là, très sûrement, que les Carabiques du genre
AntispJiodriis se tiennent enfouis dans l'argile. C'est en eiïet
sous mes yeux qu'ils en sortaient, immédiatement attirés par
Todeur des apjjâts. Par contre les Bathyscia et Aph,œnoj)s ont
toujours été trouvés courant sur les concrétions humides, mais
surtout dans les débris de paille. Les Aphœnops ont été attirés
à deux reprises par les pièges.
Dans les mêmes conditions, vivent à cet endroit et en gi-and
nombre, les Aptérygogéniens, Diplopodes, Aranéides, Isopodes
terrestres. Mollusques. Citons encore deux larves de Carabiques
trouvées mortes au fond de la grotte sur une flaque d'eau.
Je note ici, qu'à mon avis, à part les véritables AnopMlialmus ,
tous les Coléoptères sont attirés par les appâts. Mais si les Sil-
phides séjournent sur leur nourriture, il n'en est pas de même
des Carabiques {Antisphodrus, Aphœnops) ; ceux-ci, en effet,
attirés beaucoup plus vite que les Silphides, regagnent bientôt
leurs retraites, emportant souvent avec eux, dans leurs mandi-
bules, des parcelles de nourriture, comme j'ai eu l'occasion de
l'observer dans la grotte d'Istaiirdy. De là l'utilité d'employer
des pièges et non des appâts pour les capturer.
Il existe encore, autour du village de Camou-Cihigue, de
nombreuses grottes inexplorées, au moins quant à leur faune.
De l'unes d'elles, située dans le village, sort une source salée.
Il est probable que leur exploration donnera lieu à de nouvelles
découvertes, surtout si l'on songe que la faune si riche de la
grotte d'Oxibar était encore totalement inconnue il y a un an.
Jeannel.
40. Grande Grotte Lecenoby.
Située dans le versant nord du Pic des Vautours, commune
d'Aussurucq, arrondissement de Mauléon, Basses-Pyrénées,
France. — Altitude : 850 mètres. — Roche : Calcaire crétacique
supérieur. — Date ; 2 et 3 janvier 1906.
532 JEANNE L et RACOVITZA
Matériaux : Coléoptères, Aptérygogéniens, Myriapodes, Ara-
aéides. Acariens, Oligochètes. — Numéro : 128.
Sur le versiiut uord du pic des Vautours, au-dessus du village
d'Aussurucq, s'ouvrent dans un bois de hêtre une série d'exca-
vations. Il existe successivement de l'est à l'ouest, sur la même
assise, un abîme et trois grottes. De celles-ci, la plus orientale
est notre grotte n" 41 ; celle du centre est représentée par deux
courtes galeries claires, sans aucun intérêt ; enfin la plus occi-
dentale est la grotte n^ 40, qui nous occupe ici.
Cette grotte est appelée par C. Dupau grotte de Belhy (1).
Elle s'ouvre cependant dans la montagne sur le versant opposé
à la ferme de Belhy, et les gens du pays me l'ont toujours
nommée Lecenoby.
Deux entrées donnent accès dans un vaste vestibule d'où
partent deux galeries. Celle de gauche, étroite et basse, est sèche
et recouverte de concrétions stalagmitiques. Elle présente une
profondeur de 20 mètres environ. Quant à la galerie de droite,
elle est beaucoup plus vaste et j'ai pu la suivre pendant
près de cent mètres. Le sol est recouvert d'argile, très humide
par places, et de gigantesques rochers, détachés de la voûte,
obstruent presque entièrement la galerie. Le fond de la grotte
est fermé par des pentes de stalactites que je n'ai pas pu esca-
lader, faute d'échelles. De nombreux squelettes de bœufs gisent
sur le sol. Près de l'entrée vivent de nombreux Coléoptères
troglophiles, ainsi que des Aptérygogéniens, Myriapodes, Ara-
néides. Acariens. Dans la grotte nous avons pris sur les pièges,
au fond de la galerie de droite des BatJiyscia et deux AntispJio-
drus dans la galerie de gauche.
Jeannel.
41. Petite Grotte Lecenoby.
Située dans la commune d'Assurucq, arrondissement de Mau-
(1) c. DUFAU. Grotte et abiiiies du pays basuue. (Spelutica, tome V, p. 69.)
GROTTES VISITÉES 533
léon. Basses -Pyrénées, France. — Altitude : 580 mètres. —
Roche : Calcaire crétacique supérieur. — Date : 2 et 3 janvier 190G.
Matériaux : Diptères, Coléox3tères , Aptérygogéniens, Myria-
podes, Aranéides, Acariens, Amphipodes. — Numéro : 129.
Cette petite grotte est constituée par une galerie longue de
50 mètres environ, haute de 1 mètre dans son premier tiers,
remarquablement régulière dans sa forme, plus haute et large
de 2 mètres environ dans ses deux autres tiers. Deux petites
salles existent sur son trajet, et, dans la seconde, de petits
gours pleins d'eau donnent abri à des Niphargus. Pas de concré-
tions stalagmitiques ; le fond de la grotte est fermé par un
dépôt d'argile. Dans le couloir d'entrée, fréquenté par les Chauves-
souris, vivent des Coléoptères troglophiles et même de vrais
Troglobies. J'ai pris, à 2 mètres de l'entrée, un AntispJiodrus
navaricus Vuill. et une larve de Carabique semblable à celles
trouvées dans la grotte d'Oxibar. Dans ce couloir vivent encore
en très grand nombre les Aptérygogéniens, Myriapodes et Ara-
néides. Tout à fait au fond de la grotte quelques Bathyscia
furent trouvés sur un appât. Enfin la grotte est fréquentée par
de grands Némocères et des Tinéides.
Jeannel.
42. Grotte d'Istaiirdy.
Située à proximité du Cayolar d'Istaiirdy, près d'Ahusguy,
arrondissement de Mauléon, Basses-Pyrénées, France. — Alti-
tude : 900 mètres. — Roche : Calcaire crétacique supérieur. —
Date : l^r et 2 janvier 1905.
Matériaux : Diptères, Coléoptères, Aptérygogéniens, Myria-
podes, Ai'anéides, Pseudoscorpionides, Acariens, Isopodes, Oli-
gochètes. — Numéros : 130, 131.
Cette grotte s'ouvre au fond d'un vaste puits formé par le
tassement et l'effondrement de la voûte d'une cavité naturelle ;
534 JEANNEL et RACOVITZA
elle apparaît donc comme un aven large de 8 mètres et profond
de 7 à 8 mètres, dont le fond est occupé par un large cône
d'éboulis. On y accède par une petite ouverture latérale, sans
avoir besoin d'aucun agrès. Sur toute la circonférence de l'aven
partent de petites galeries latérales. Au N. s'ouvre une toute
petite salle absolument sèche, recouverte de concrétions et
absolument inhabitée. Au N.-E. monte une galerie très inclinée
à sol formé par une pente de cailloutis. Au S. descend une petite
galerie vite bouchée par l'argile, enfin au S.-E, s'ouvre au milieu
des blocs éboulés une petite salle située en contrebas de toutes
les précédentes.
Dans les feuilles sèches qui recouvrent le cône d'éboulis situé
à ciel ouvert, j'ai pris en tamisant de nombreux Coléoptères,
Myriapodes, Aptérygogéniens, Aranéides, Pseudoscorpionides
(no 130). Quant aux vrais troglobies (n^ 131), ils étaient nom-
breux dans la galerie N.-E, et la salle S.-E. Les Oligochètes et
les Isopodes ont été pris sur les parois. Dans la galerie N.-E.
vivent dans les cailloutis AntispJiodrus et Bathyscia. Dans la
salle S.-E. un appât a attiré 18 Ayitis'phodrus navaricus Vuill.
que j'ai tous trouvés à deux mètres de l'appât sous des pierres
visitées la veille. La plupart tenaient encore dans leurs mandi-
bules des parcelles de fromage. Ajoutons que M. P. Nadar a
trouvé dans cette grotte trois espèces de Coléoptères que je n'y
ai moi-même jamais repris ; ce sont Pterostichus Nadari Vuill.,
Aphœnops Jeanneli Ab. et Bathyscia Mascarauxi Dev.
Jeannel.
43. Grotte d'Alçaleguy.
Située au-dessus de la ferme d'Alçaleguy, commune de Alçay,
arrondissement de Mauléon, Basses-Pyrénées, Franco. — Alti-
tude : 750 mètres. — Roche : Calcaire jurassique. — Date : 2 janvier
1906.
C'est un immense abri sous roches. Toutefois du milieu d'un
énorme chaos de rochers éboulés, entassés en équilibre peu
GROTTES VISITÉES 535
stable, souffle un violent courant d'air froid venant des profon-
deurs de la montagne. Les paysans racontent que des Chiens
s'y sont perdus autrefois à la poursuite d'un Renard. Un ébou-
lement partiel semble avoir achevé de fermer cette grotte, et
c'est avec peine que les Chauves -souris y pénètrent. Je crois
qu'il serait facile d'arriver à se frayer un passage qui permet,
trait d'accéder à une caverne immense si on en croit les gens
du pays, qui affirment que la fumée des feux faits à Alçaleguy
ressort par les avens ouverts sur le plateau sus-jacent.
Dans le même massif j'ai pu constater la présence de gouffres
nombreux ; je cite les principaux, comme indication aux
confrères qui visiteraient la région. Ce sont :
Gouffre de Belhy; gouffre d'Harribilibil ; gouffres d'Ahusguy;
gouffre d' Alçaleguy. Ces deux derniers seraient en communica-
tion avec la grotte d'Alçaleguy. Gouffre du Cayolar d'Udoy ;
gouffre du Cayolar d'Ubinge (1).
Enfin à Irriberry, près de Saint-Jean-Pied-de-Port, se trouve
dans la propriété de M. Carricaburu, une petite grotte oii il a
été découvert récemment une nouvelle espèce de Coléoptères
cavernicoles : Bathyscia Elgueae Ab. De plus, tout le plateau
d'Ahusguy et d'Istaûrdy ainsi que les cimes voisines se trouvent
creusés de centaines de grands entonnoirs qui forment des
points d'absorption dus au tassement des cavités souterraines.
Jeannel.
44. Catacombes de Bicêtre.
Situées sous l'hospice de Bicêtre, dans la commune de Krem-
lin-Bicêtre, département de la Seine, France. — Altit/ude :
60 mètres env. — Roche : Calcaire grossier du lutétien inférieur
et moyen, — Date : Hiver 1905, été 1906,
(1) De nombreuses grottes et surtout des gouffres souvent fort profonds sont cités dans le
mémoire de C. DuFAU, Grottes et abîmes du Pays basque. (Spelunca, V, n° 37, pp. 69-84.)
536 JEANNEL et RACOVITZA
Matériaux : Diptères, Coléoptères, Myriapodes, Arauéides,
Acariens, Isopodes. — Numéro : 132.
Ce sont des séries de galeries labyrinthiques, restes d'anciennes
carrières ; ces galeries, souvent très basses, s'élargissent par
place en salles assez vastes et élevées. En cinq endroits elles
sont aérées par les anciens puits d'exploitation, simplement
fermés par une plaque de fonte percée d'un orifice en son centre.
Je ne connais pas à ces souterrains d'autre communication avec
l'extérieur que ces orifices des puits et pourtant, à deux reprises,
il m'est arrivé d'y capturer des Chauves -souris. Il est possible
qu'il y ait une communication inconnue avec les Champignon-
nières de Gentilly, et l'on aurait ainsi une explication facile du
peuplement de ces cavité souterraines.
Les conditions d'existence y sont très variables. Au voisinage
des puits les débris organiques attirent de nombreux Coléoptères
{Lœmostenus, Quedim), des Myriapodes {Lithobius) , quelques
Arauéides, des Isopodes {Porcellio), des Acariens. Les murs sont
parfois recouverts d'innombrables Diptères. Dans d'autres
endroits, sur les bois vermoulus provenant des anciens étais,
s'est développée une remarquable flore cryptogamique et sous
l'abri qu'ils forment habitent des troglophiles variés. Coléop-
tères {Anommatus), Aptérygogéniens, Myriapodes (Diplopodes),
Arauéides et Acariens.
Enfin, dans les régions les plus profondes, au-dessous des
bancs à glauconie, le sol des galeries est formé de marnes sur
lesquelles se rassemblent les eaux. Au voisinage des petits bas-
sins permanents et relativement profonds, se trouve une faune
toute différente de Coléoptères [Tr échus), d' Aptérygogéniens,
de Myriapodes {Polydesmus) , d'Acariens, d'Aranéides et
d'Isopodes ( Trichoniscus).
Jeannel.
ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE
IV« Série, Tome VI, p. 537 à 553
■30 M(ii 1907
BIOSPEOLOGIGA
ARANEÂE, f-HERNETES ET OPILIONES
(PREMIÈRE SÉRIE)
PAR
E. SliVlUN
Ordo ARANEAE
Familia SICARIIDAE
LOXOSCELES RUFESCENS (L, Dufor^\
Cueva sans nom. Dénia, prov. d'Alicante, Espagne, 4-1-1906,
no 119.
Cette espèce, non cavernicole, mais toujours lucifuge, a été
trouvée dans les grottes de la province d'Alicante.
Familia LEPTONETIDAE
Leptoneta Min os E. Simon.
in Ann. Soc. ent. Pr., 1882, p. 202.
Grotte de l'Herm, Herm, dép. Ariège, France, 30-IX-1905,
no 94.
Cette espèce a un habitat fort étendu car nous l'avions trouvée
antérieurement dans plusieurs grottes de l'Ariége, de l'Aude
U) Voir pour Bioapéologica I et II ces Archives, Tome VI, u* 7 et 8
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. l^e SEKIE. — T. VI. (iX). 38
538 E. SIMON
et des Pyrénées-Orientales ; elle se rencontre parfois aussi sous
les grosses pierres et dans les mousses en dehors des grottes.
L. Jeanneli, sp. nova.
(S p, long. 2 ""^ 5. — Céphalothorax, sternum, chelaeque
pallide fulvo-rufescentia. Abdomen cinereo fulvum. Pedes lutei,
subpellucentes , femoribus leviter obscurioribus et olivaceis.
Céphalothorax sternumque subtilissime coriacea sed regione
frontali laevi et nitida. Oculi cuncti minutissimi, haud nigro-
marginati, portici ab anticis non longe remoti. Pedum femora
mutica, antica, subtus ad marginen exteriorem, granulis nigris
seriatis munita. Pedum-maxillarium maris tibia patella paulo
longior, tarsus processu grosso, subgloboso, aculeo sat longo
(basi vix breviore), infra directo et subrecto, munito.
Grotte de Gargas, Gargas, dép. Hautes-Pyrénées, France,
30-VII-1905, no 2.
Cette espèce se rapproche de L. microphthalma E. Sim. (1),
par ses yeux très petits, presque oblitérés et non pigmentés ;
elle en diiïère par sa taille plus petite, ses yeux postérieurs
moins éloignés de ceux du premier groupe, ses fémurs dépourvus
d'épines mais armés en dessous (surtout chez le mâle) de granu-
lations noires sériées assez fortes, ses tibias antérieurs sans
épines latérales, les postérieurs pourvus d'une épine latérale
subapicale et d'une dorsale, le tibia de la patte-mâchoire du
mâle i)lus court, cependant un peu plus long que la patella,
la saillie externe du tarse plus courte mais plus convexe, sub-
globuleuse et prolongée par une forte épine presque droite,
presque aussi longue que la base.
L. LEUCOPHTHALMA, Sp. nOVa.
d" p, long. 2 ""„; 5. — Céphalothorax, sternum, chelae, pedesque
pallide lutea, subpellucentia. Céphalothorax sternumque subti-
lissime coriacea sed regione frontali laevi et nitida. Oculi qua-
(1) Espèce commune dans les grottes de l'Ariége, cf. Ann. Soc ent. Fr., 1872. p. 480. pi. 16
£f. 17-19
ARANEAE, CHERNETES ET OPI LIGNES 539
tiior antici postice uigro-marginati, oculi postici minutissimi fere
punctiformes haiid nigro-limbati, ab anticis spatio oculo laterali
antico saltem duplo latiore distantes. Pedum femora haud acu-
leata, antica maris, grauulis nigris setiferis subtus munita.
Pedum-maxillariiiin maris tibia patella longior, tarsus processu
crasso subgloboso, spiiia nigra sinuosa armato, extus ad apicem
munitus.
Cueva de las Devotas, Lafortunada, prov. Hiiesca, Espagne,
13-VIII-1905, no 33.
Assez voisin de L. Aheillei E. Simon, dont il diffère par l'in-
tervalle des deux groupes oculaires ayant au moins deux fois
(ou un peu plus) le diamètre des latéraux du premier, les yeux
postérieurs encore plus petits et non liserés de noir.
La patte-mâchoire du mâle ressemble beaucoup â celle de
L. Aheillei, la saillie externe du tarse est cependant un peu
plus globuleuse mais elle est également prolongée par une épine
noire un peu sinueuse.
L. CRYPTICOLA, sp. nova.
d" p, long. 2 % 5. — Fulvo-testacea, oculis anticis postice
auguste nigro-marginatis , abdomine cinereo-albido. Céphalo-
thorax sternumque subtilissime coriacea. Oculi postici ab an-
ticis spatio oculo laterali antico paulo (non duplo) latiore dis-
tantes. Pedes femora aculeis carentia, antica maris, praesertim
ad basin, granulis seriatis setiferis conicis sat validis instructa.
Pedum -maxillarium maris tibia patella non multo longior, tarsus
processu exteriore subapicali mediocri, conico, seta curvata
munito, instructus.
La Balme d'Arena, Aspremont, dép. Alpes-Maritimes, France,
20-IX-1905, no 92. — Grotte d'Albarea, Sospel, dép. Alpes-Mari-
times, France, 25-IX-1905, n^ 95.
Nous l'avions trouvé antérieurement à Saint-Martin Vésubie,
sous de très grosses pierres.
Eessemble beaucoup à L. Minos E. Sim., n'en diffère guère
que par le tibia de la patte-mâchoire, vu en dessus, un peu plus
540 E. SIMON
long que la patella, et par le tarse à saillie apicale externe conique
obtuse, moins cylindrique, surmontée d'un crin aigu dirigé en
bas, aussi long que la base (chez L. Minas surmontée d'une
petite épine noire unciforme, plus courte que la base).
L. Proserpina, sp. nova.
cf p, long. 2 % 5. — Fulvo-testacea, oculis anticis postice
anguste nigro-marginatis, abdomine cinereo-albido. Céphalo-
thorax sternumque subtilissime coriacea. Oculi postici ab
anticis spatio oculo laterali antico plus dulpo latiore distantes.
Pedum femora haud aculeata, antica maris subtus subtiliter
rugosa. Pedum-maxillarium maris tibia patella evidenter lon-
gior, tarsus processu exteriore subapicali minuto conico et
curvato, seta sat longa et curvata munito, instructus.
Grotte de Laura, Castillon, dép. Alpes-Maritimes, France,
25-IX-1905, no 90.
Diffère de L. crypticola E. Simon, par les yeux postérieurs
beaucoup plus largement séparés de ceux du premier groupe,
par les fémurs antérieurs du mâle, plus iinement rugueux en
dessous, par le tibia de sa patte-mâchoire beaucoup plus long
que la patella.
L. PAROCULUS, sp. nova.
(S P, long. 2 ^. — Céphalothorax, chelae sternumque fulvo-
rufescentia, subtilissime coriacea. Abdomen pallide cinereo-
fiilvum. Pedes lutei, subpellucentes, femoribus vix infuscatis.
Oculi sat magni, duo postici a sese anguste disjuncti, ab anticis
spatio oculo laterali antico haud majore distantes. Pedum femora
haud aculeata, antica maris granulis nigris subseriatis subtus
munita. Pedum-maxillarium maris tibia patella haud vel vix
longior, tarsus processu apicali late conico, spina nigra tenui,
basi circiter aequilonga, munito, instructus.
Cueva abaho de los Gloces, Fanlo, prov. Huesca, Espagne,
20-VIII-1905, no 45.
Cette espèce diffère de ses congénères par ses yeux posté-
ARANEAE, CHERNETES ET OPILIONES 541
rieurs disjoints, caractère unique dans le genre Leptoneta, à part
cela elle se rapproche des Leptoneta alpica et infuscata E. Simon.
Familia PHOLCIDAE
Pholcus phalangioides (Fuessly).
Cette espèce, commune dans les maisons dans presque toute
l'Europe a été trouvée, sans aucune modification, dans les grottes
du Drach, à l'île Majorque, Baléares, 20-VII-1904, no 81, et dans
la Balme d'Arena, Aspremout, dép. Alpes-Maritimes, France,
20-IX-1905, uo 92.
Familia ARGIOPIDAE
Subfamilia LINYPHIINAE
DiPLOCEPHALUS BUSISCUS (E. vSimou).
in Ann. Soc. ent. Fr., .1.872, p. 219 (Erigone).
Plaesiocraerus lusiscus, id., Ar. Fr., V, p. 759.
Grotte de Gargas, Gargas, dép. Haute-Pyrénées, France,
30-VII-1905, no 2. — Grotte de Tibiran, Aventignan, dép.
Hautes-Pyrénées, France, l-VIII-1905, n» 11.
Découvert dans les grottes de l'Ariége.
PoRRHOMMA Proserpina (E. Simou).
in Ann. Soc. ent, Fr., 1873, p. 175 {Linyphia).
Porrhomma Proserpina, id., Ar. Fr. V, p. 360.
Grotte de l'Ours, Lortet, dép. Hautes-Pyrénées, France,
2-VIII-1905, no 16.
Découvert par Ch. de la Brûlerie dans les grottes de l'Ariége;
nous l'avions retrouvé depuis dans la Oueva de Orobe, près
Alsasua (Espagne).
Taranucnus Cerberus e. Simon.
Ai\ Fr., V, p. 252.
Grotte de TOueil de JSTeez, Rébénacq, dép. Basses-Pyrénées,
France, 7-IX-1905, no 76.
542 E. SIMON
Nous avons découvert cette espèce dans la grotte de Sare
(Basses -Pyrénées ) .
T. Orpheus E. Simon.
Loc. cit., p. 253.
Grotte d'Arudy, Arudy, dép. Basses-Pyrénées, France, 6-IX-
1905, n» 69.
Découvert dans les grottes de l'Aude ; retrouvé depuis dans
TAriége et les Hautes-Pyrénées.
Lephthyphântes leprosus (Olilert).
Arachn. Studien, 1867, p. 12 {Linyphia).
Linyphia confusa O. P. Cambridge, in Tr. Linu. Soc, XXVII,
p. 427, pi. LV, f. 21.
Grande grotte du tunnel de Camous, Sarrancolin, dép. Hautes-
Pyrénées, France, 6-VIII-1905, n^ 25. — Petite grotte de Lece-
noby, Aussurucq, dép. Basses-Pyrénées, France, 2-1-1906, n» 129.
Espèce commune dans toute la France et une grande partie
de l'Europe ; se trovive au pied des arbres et sous les herbes
sèches, souvent aussi dans les caves et les gi-ottes.
L. PALLIDUS (O. P. Cambridge).
Loc. cit., p. 436, pi. LVI, f. 26 Linyphia.
Liyiyphia troglodytes L. Koch, Apterol. Frankiss. Jura, 1874,
p. 1, ff. 7-8.
Baume Granet, Rocquefort, dép. Alpes-Maritimes, France,
17-1X1905, no 91.
Espèce assez répandue en France où elle habite les caves et
les cavités souterraines, parfois aussi dans les mousses des bois
sombres. Egalement en Angleterre, et en Bavière, dans les grottes
de Muggendorf (L. Koch).
L. LORiFER, sp. nova.
es long. 2 % 5. — Céphalothorax laevis, pallide fulvo-
rufescens, haud marginatus, oculis singulariter uigro-cinctis.
ARANEAE, CHERNETES ET OPILIONES 543
Oculi quatuor postici in lineam leviter recurvam, iiiter se fere
aequidistantes, spatiis interocularibus oculis paulo angustioribus.
Oculi autici in lineam plane rectam, medii nigri paulo minores,
a sese contigui, a lateralibus spatio oculo paulo minore separati.
Olielac rufescentes, clypeo longiores. Sternum olivaceum, niti-
dum. Abdomen albidum, saepe postice leviter obscurius et
olivaceum. Pedes sat longi, pallide fulvo-
rufescentes, femore 1' paris aculeo tenui
interiore munito, reliquis femoribus mu-
ticis, tibiis aculeis setiformibus longissimis
raunitis, metatarsis anticissetaspiniformi
unica superne armatis. Pedes- maxillares
fulvi ; patella convexa, liaud prominula, ^
seta spiniformi longa supra munita ; tibia fi^. i. LepUhyvhantes lorifer
patella paulo longiore et multo crassiore ^- ^''"•'"- '^' patte-màchoire
du mâle par la face externe ;
et supra et subtus alte convexa, supra b, lorum du buibe détaché, vu
, ••!? • j. j.n'1 • par la face interne.
seta spiniiormi, seta patellan longiore,
munita ; tarso processu basali carente ; bulbo loro nigro lon-
gi.ssimo apicem superante, sat angusto, compresse, curvato
apice longe spiniformi, intus, prope médium, ramulum tenue
sat longum et sinuosum emittente, insigniter armato.
Cueva del Andorial, Dénia, prov. d'Alicante, Espagne, 4-1-
1906, no 122.
Espèce voisine de L. longiseta et angustiformis E. Simon
(cf. Ar. Fr., t. V, p. 304).
Troglohyphantes pyrenaeus, sp. nova.
p (pullus), long. 4 "]„. — Céphalothorax sat humilis, late
ovatus, pallide testaceus, subpellucens, laevis, parte cephalica
setis nigris paucis seriatis munita. Oculi fere obsoleti, medii
antici punctiformes, nigri, a sese appropiuquati, utrinque laté-
rales testacei et vix perspicui, a mediis latissime distantes,
inter se disjuncti, medii postici obsoleti. Clypeus mediocris, sub
oculis impressus. Abdomen cinereo-testaceum, pilosum. Chelae
longae, laeves, apice rufescentes. Sternum latum et convexum.
544 E. SIMON
nitidum, olivaceum. Pedes longi, longissime setosi, pallide tes-
tacei, subpellucentes, femoribus sex anticis aculeo setiformi
subbasilari supra armatis, femore 4' paris mutico, patellis
tibiisque aculeis longissimis armatis, metatarsis quatuor anticis
aculeo setiformi unico supra munitis, posticis muticis.
Grotte d'Oxybar, Camou-Cihigue, dép. Basses-Pyrénées,
France, 1-1-1905, n^ 127.
Capture fort intéressante car le genre Troglohyphantes était
jusqu'ici étranger à ^a faune française ; malheureusement
MM. Racovitza et Jeannel n'en ont recueilli que de jeunes indi-
vidus et la description de l'espèce est forcément incomplète.
Ce genre a été découvert dans les grottes de Carniole et signalé
depuis dans les grottes de l'Amérique du Nord (Cf. à ce sujet,
Hist. Nat. Ar., t. I, p. 690).
Subfamilia TETRAGNATHINAE
METEAE
Meta Menardi (Latreille).
Grotte d'Arudy, Arudy, dép. Basses-Pyrénées, France, 6-IX-
1905, nP 69. — Grotte de l'Oueil de Neez, Rébénacq, dép. Basses-
Pyrénées, France, 7-IX-1905, n^ 76. — Grande grotte de Lece-
noby, Aussurucq, dép. Basses-Pyrénées, France, 2-1-1905, n» 128.
— Petite grotte de Lecenoby, Aussurucq, dép. Basses-Pyrénées,
France, 3-1-1906, n» 129. — Grotte d'Istaiirdy, Ahusguy, dép.
Basses-Pyrénées, France, 2-1-1906, n» 131. — Baume du Colom-
bier, Rocquefort, dép. Alpes-Maritimes, France, 17-IX-1905,
no 93.
Espèce commune dans toutes les grottes de la région médi-
terranéenne ; se trouve aussi dans les caves humides.
M. Menardi Latreille existe aussi à Madagascar et dans
l'Amérique du îford.
M. ANTRORUM, sp. nova.
d-, long. 7-8 ">^. — Céphalothorax pallide luteus, i^arte cepha-
lica antice utrinque, pone oculos latérales, linea tenui abbreviata.
ARANEAE, CHERNETES ET OPILIONES 545
in medio liueis binis abbreviatis subgeminatis, postice macula
majore, V sinuosiim désignante, fusco-olivaceis notatus, oculis
singalariter nigro-cinctis. Oculi xjostici, superne visi, in lineam
leviter recurvam, magni, medii lateralibus paulo majores et a
lateralibus quam inter se remotiores, spatio interoculari dimidio
diametro oculo non latiore. Oculi antici in lineam multo magis
recurvam, Olypeus oculis mediis anticis angustior. Partes oris
sternumque nigricanti-olivacea, laminae intus testaceo-mar-
ginatae. Chelae validae, convexae, fulvae, ad basin et extus
fusco-olivaceae, margine superiore sulci dentibus trinis, duobus
apicalibus inter se subcontiguis, aequis, brevibus et latis, altero
remoto longiore (in M. segmentata Cl. dentibus trinis inter se
SLibaequis), margine inferiore dentibus binis, basali mediocri,
altero rainutissimo. Abdomen superne albidum, fulvo-reticu-
latum, parcissime et minutissime nigricanti-atomarium, subtus
utrinque laxe uigricanti-reticulatum, vitta média lata olivacea,
albido-marginata et utrinque, prope mamillas, maculis albidis
binis, notatum. Pedes longi, pallide lutei, femoribus quatuor
anticis subtus, in dimidio apicali, maculis fusco-olivaceis binis,
tibiis cunctis annulo medio parvo vix distincto annuloque apicali
majore, ornatis, aculeis longis nigris, ut in Meta segmentata ordi-
natis, armati. Pedes-maxillares graciles, pallide lutei, tarso
bulboque fuscis ; tibia patella circiter aequilonga, versus basin
attenuata ; tarso mediocri ovato, apopliysi basali longe biramosa,
ramulo superiore suberecto, late conico, extus ad basin processu
parvo et obtuso munito, ramulo inferiore longiore, gracili et
leviter sursum curvato.
p, long. 9-10 %. — A mari differt abdomine majore pedibus
brevioribus. Pedes-maxillares pallide lutei, tibia ad basin minute
olivaceo-notata.
Oueva del Agua et cueva sans nom. Dénia, prov. d'Alicante,
Espagne, 4-1-1906, no« 115, 119.
L'une des plus intéressantes découvertes laites dans ces der-
niers temps pour la faune des grottes.
546 E. SIMON
Le Meta antrorum, cavernicole ou au moins lucifuge, comme
le Meta Menardi, se rapproche cependant beaucoup plus du
Meta segmentata Clerck, surtout par la structure de ses organes
sexuels.
Il en diffère par ses yeux plus gros et plus resserrés, ses tégu-
ments plus pâles, ses pattes anté-
rieures tachées et annelées de
brun -olivâtre.
La patte-mâchoire du mâle dif-
A C "^ fère de celle de M. segmentata par
FiG. 2. A, Meta segmentata Clerck, tibia et le tibia pluS COUrt, la brauchc SU-
tarse de la patte-mâchoire du mâle, vus
par la face externe ; B, Meta antrorum péricurC de TapophySC tarsalc pluS
E. Simon, mêmes parties. x,^^,-„^ j- i • i t_ i
épaisse et plus conique, la branche
inférieure grêle, plus longue et un peu arquée en haut.
NESTICEAE
Nesticus cbllulanus (Clerck).
Grotte de l'Oueil de Néez, Kébénacq, dép. Basses-Pyrénées,
France, 7-IX-1905, n° 76. — Baume Granet, Rocquefort, dép.
Alpes-Maritimes, France, 17-IX-1905, no91. — Grotte d'Albarea,
Sospel, dép. Alpes -Maritimes, France, 25-IX-9051, n» 95.
Eépandu dans toute l'Europe ; commun dans les caves, les
grottes, les galeries de mines.
N". oBCAECATus, sp. uova.
p long. 5-6 "1;^. — Pallide luteo-testaceus, abdomine cinereo-
albido, chelis rufescentibus. Oculi medii antici obsoleti, reliqui
oculi albi, minutissimi, quatuor postici in lineam latam, pro-
curvam, medii a sese quam a lateralibus saltem duplo remo-
tiores. Ohelarum margo inferior muticus, margo superior
dentibus nigris binis, brevibus et robustis, armato. Abdomen
convexum, tenuissime et sat longe pilosum. Pedes longe setosi.
Plaga genitalis magna, nigra, antice profunde et angulose
emarginata, postice convexa atque in declivitate postica fovea
transversa, alba, sed tenuiter rufulo-marginata, impressa.
ARANEAE, CHERNETES ET OPILIONES 547
Cueva del Molino, Vio, prov, Huesca, Espagne, 17-VIII-
1905, no 38.
Se distingue des espèces connues par Toblitération complète
des yeux médians antérieurs, la petitesse et Técartement des
yeux postérieurs et par la plaque génitale marquée, sur la pente
postérieure, d'une profonde fossette transverse.
Son faciès est celui du N. eremita E. Sim.
Familia AGELENIDAE
Tegenaria domestica (Clerck)
Cueva de abaho del CoUarada, Villanua, prov. Huesca,
Espagne, 30-VIII-1905, n^ 53.
Espèce presque cosmopolite qui se trouve dans les grottes
aussi bien que dans les caves et les maisons.
T. PAGANA C. Koch.
Ar., VIII, 1841, p. 31, ff. 612-613.
T. subtilis E. Simon, Ar. nouv., l^^" mém., Liège, 1870, p. 7.
T. variegata Thorell, in Hor, Soc. ent. Ross., XI, 1-2, p. 36.
T. pagana E. Simon, Ar. Fr., II, p. 71.
Cueva del Agua, Dénia,' prov. d'Alicante, Espagne, 4-1 1906,
nP 115.
Espèce commune dans le midi de la France, en Corse, en
Italie et en Espagne ; comme la précédente, elle n'est pas exclu-
sivement cavernicole. Le T. pagana de la Cueva del Agua est
de forme typique; dans une grotte voisine il est légèrement
modifié et présente davantage les caractères d'un animal luci-
fuge.
T. PAGANA CAVERNICOLA, SUbsp. nova.
cT long. 10 'X- — Céphalothorax pallide luteo-testaceus,
antice leviter et sensim fulvo-tinctus, oculis singulariter nigro-
cinctis. Oculi postici, superne visi, in lineam leviter procurvam,
inter se aequi et fere aequidistantes, spatiis oculis paulo majo-
ribus separati. Oculi antici in lineam magis x>rocurvam, inter
548 E. SIMON
se subcoiitigiii, medii lateralibus saltem 13 miuorcs, Clypeus
oculis lateralibus anticis evidenter latior. Abdomen pallide
luteo-testaceuin, parce et longe nigro-setosum, superne, prope
médium, utrinque linea valde arcuata, postice vittis transversis
trinis, valde sinuoso-dentatis, fusco-olivaceis, notatum, subtus
maculis parvis valde laciniosis et inordinatis parce conspersum,
mamillae albido-testaceae, subpellucentes, articule basali haud
infuscato. Sternum albido-testaceum, ad marginem late et
irregulariter fusco-olivaceum et maculis albidis trinis notatum.
Ohelae f usco - ruf ulae. Pedes sat longi, pallide luteo-testacei,
femoribus 1' paris, apice excepto, infuscatis et rufulis, femo-
ribus 4' paris annulo subapicali, tibiis 4' paris annulo submedio,
angustis, pallide olivaceis et vix expressis, muuitis. Pedes-maxil,
lares apice infuscati; femore sat longo, ad basin curvato et com-
presse, ad apicem leviter ampliato, superne, in dimidio apicali,
setis spiniformibus aculeisve nigris trinis uniseriatis instructo ;
patella longiore quam latiore ; tibia patella vix longiore, paulo
angustiore, apophysibus binis, superiore crassa, conica, sed
acuta, apice nigra, altéra (fere iuferiore) rufula, paulo longiore,
plana, laminiformi, apice sensim ampliata et obtuse truncata ;
tarso tibia cum patella evidenter longiore, ovato, longe atte-
nuato et bulbum multo superante ; bulbo magno, lamina rufula
plana circumdato, lobo elevato et truucato, aCuleis binis, inter
se subaequis, basali gracillimo et curvato, apicali recto et acu-
tissimo, extus armato.
Cueva sans nom. Dénia, prov. d'Alicante, Espagne, 4-1-1906,
nP 119.
T. Racovitzai, sp. nova.
cT, long. 11 ^j^. — Céphalothorax pallide fulvo-testaceus,
parte cephalica longa, leviter convexa, in regione oculorum
valde declivi. Oculi parvi, quatuor postici, superne visi, in
lineam subrectam, iuter se late et fere aeque distantes, spatiis
interocularibus oculis plus triplo majoribus, medii ovati late-
ralibus minores. Oculi antici in lineam subrectam, inter se
ARANEAE, CHRRNETES ET OPILIONES
549
distantes, medii lateralibus plus triplo minores et paulo minores
quam medii postici, Clypeus verticalis, plamis, ociilis anticis
plus triplo latior. Abdomen ovatum, pallide fulvo-nifulum,
longe et tenuiter nigro-setosum, superne, in parte apicali,
punctis cinereis vix expressis biseriatis (3-3 vel 4-4) notatum,
subtus parce cinereo-punctatura. Mamillae albidae, superiores
articule apicali basali paulo breviore. Sternum fulvo-testaceum,
concolor. Pedes fulvo-testacei, metatarsis leviter rufulo-tinctis,
longi, postici anticis evidenter longiores, metatarsis tenuibus,
anticis tibiis circiter aequilongis (vel paulo longioribus), posticis
tibiis multo longioribus. Clielae fulvo-rufulae, laeves. Pedes-
maxillares fulvo-testacei, apice levi-
ter infuscati; femore sat longo, ad
basin compresse et curvato, ad
apicem leviter ampliato , superne
setis spiniformibus aculeisve trinis
uniseriatis, apicali minore, setaque
interiore longa subapicali graciliore,
armato ; patella brevi, superne setis
spiniformibus binis, apicali longis-
sima , munita ; tibia patella fere
1/3 longiore, graciliore et cylin-
dracea, setis spiniformibus longissimis conspersa, apophysi
parva nigra depressa et truncata, extus ad apicem armata,
sed lamina inferiore carente ; tarso tibia cum patella circiter
aequilongo, sat auguste ovato et longe acuminato, bulbum multo
superante ; bulbo mediocri, subrotundo, lamina rufula crassa
circumdato, apice stylo nigro curvato, extus ad basin apophysi
crassa et conica sat brevi, instructo.
Cueva abaho de los Gloces, Fanlo, prov. Huesca, Espagne,
20-VIII-1905, no 45.
Espèce du groupe de T. domestica, dont elle se distingue par
ses téguments unicolores, ses yeux plus petits et plus espacés
et surtout par la structure de la patte - mâchoire du mâle
(fig- 3).
FiG. 3. A, Tegenaria domestica Clerck,
patte-mâchoire du mâle, vue par la face
externe.. B, T. Racovitzai E. Simon,
mêmes parties.
I
Ô50 E. SIMON
IBERINA Mazarredoi E. Simon.
in Anal, de la Soc. esp. de Hist. Nat., X, 1881, p. 127.
Grotte de TOueil de î^éez, Rébénacq, dép. Basses-Pyrénées,
France, 7-IX-1905, no 76.
Espèce nouvelle pour la faune française ; nous l'avons décou-
verte en 1880 dans la cueva de la Magdalena, près Galdames
(Biscaye).
Ordo GHERNETES
FamiUa CHELIFERIDAE
Cheleper lacertosus (L. Koch).
Darst. Eur. Chernet., p. 9 (1873).
Causse de la Pena de CoUarada, Villanua, prov. Huesca,
Espagne, 31-VIII-1905, n^ 57.
Espèce répandue dans le midi de la France, en Corse, en
Italie et en Espagne ; accidentellement cavernicole.
FamiUa OBISIIDAE
Obisitjm MxrscoRUM Leach.
Zool. Miscell. III, p. 51.
Ob. museorum et tenellum C. Koch, Ar., t. X, pp. 67-69.
Grotte d'Istaûrdy, Aliusguy, dép. Basses-Pyrénées, France,
2-1-1906, no 130.
O. SiMONi L. Koch.
Loc. cit., p. 54.
Grotte d'Ilhet, Sarrancolin, dép. Hautes-Pyrénées, France,
6-VIII-1905, no 23.
0. museorum et Simoni sont des espèces répandues dans presque
toute l'Europe et communes dans les mousses des bois ; leur
présence dans les grottes est accidentelle.
O. CAVERNARUM L. Koch.
Loc. cit., p. 55.
Grotte de Gargas, Gargas, dép. Hautes -Pyrénées, France,
A ANEAE, CHERNETES ET OPILIONES 551
30-VII-1905, 11" 8. — Grotte de Tibiran, Aventignan, dép. Hautes-
Pyrénées, France, l-VIII-1905, n» 11.
Cette espèce, qui fait la transition des Obisium vrais aux
Blothrus, a été trouvée dans presque toutes les grottes de l'Ai'iége,
des Basses-Pyrénées et même dans celles de TArdèche.
Ohthonius tenuis L. Koch.
Loc. cit., p. 51.
Grotte de THerm, Herm, dép. Ariège, France, 30-IX-1905,
u9 94.
Commun dans les mousses des bois et sous les pierres ; acci-
dentellement cavernicole.
C. Gestroi E. Simon.
in Ann. Mus. civ. Genova, sér. 2, XVI, 1890, p. 376.
Baume Granet, Rocquefort, dép. Alpes -Maritimes, France,
17-IX-1905, n" 91.
Espèce découverte récemment dans les grottes de la Ligurie.
Ordo OPILIONES
Sub-Ordo OP. MBCOSTETHI
Familia PHALANGODIDAE
Phalangodbs clavigera e. Simon.
Ar. Fr., t. VII, p. 151.
Grotte d'Arudy, Arudy, dép. Basses -Pyrénées, France,
6-IX-1905, n» 69.
Découvert dans la grotte de Betharram par Ch. de la Brûlerie ;
nous l'avons retrouvée depuis en nombre près de Saint-Jean-de-
Luz et d'Ascain dans les mousses et sous les grosses pierres ;
cette espèce est plutôt lucifuge que cavernicole.
P. Lespesi (Lucas).
in Ann. Soc. ent. Fr., 1860, p. 974. — Id. E. Simon, Ar. Fr.,
VII, p. 165.
552 E. SIMON
Cueva de las Devotas, Lafortunada, prov. Huesca, Espagne,
13-VIII-1905, iio 33.
Espèce commune dans presque toutes les grottes de TAriége,
de l'Aude et des Pyrénées-Orientales ; se trouve aussi dans les
mousses eu dehors des grottes.
Nota. — Quelques jeunes Phalangodes, non déterminables, ont été
trouvés dans la grotte de l'Herm (Ariège).
Sub-Ordo PLAGIOSTETHI
Familia ISCHYROPSALIDAE
Sabacon paradoxus e. Simon.
Ar. Fr., VII, p. 266.
Grotte de l'Oueil de Néez, Eébénacq, dép. Basses -Pyrénées,
France, 7-IX-1905, no 76.
Cette espèce a été trouvée dans presque toutes les grottes
de la région pyrénéenne ; elle se rencontre aussi dans les mousses
et sous les pierres humides en dehors des grottes.
Ischyropsalis luteipes e. Simon.
in. Ann. Soc. eut. Fr., 1872, p. 484. — Ihid., Ar. Fr., VII,
p. 268.
Grotte de l'Oueil de Néez, Eébénacq, dép. Basses-Pyrénées,
France, 7-IX-1905, n» 76.
Espèce très répandue dans la région pyi'énéenne et en Au-
vergne ; se trouve plus souvent en dehors des grottes dans les
mousses épaisses et humides.
I. NODiPERA E. Simon,
Ar. Fr., VII, p. 270. — /. Sharpi E. Simon, in Ann. Soc. eut.
Fr., 1879, Bull. p. CXXIX.
Cueva del Molino, Vio, prov. Huesca, Espagne, 17-VIII-1905,
n" 38.
I. nodifera est l'espèce du genre la plus répandue dans les
provinces basques : nous l'avons observée à Saint-Jean-de-Luz,
ARANEAE. CIIEFINETES ET OPILIONES 553
à Alsasua et près de Galdaniès à l'entrée des grottes de la Mag-
dalena et de Arenaza ; elle n'est cavernicole qu'accidentelle-
ment, elle habite les mousses et les détritus humides
Nota. — Un jeune Ischyrof salis, non déterniinable, a été trouvé
dans la grotte des Eaux-Chaudes (Basses-Pyrénées).
Familia NEMASTOMATIDAE
Î^Temastoma bacilliferum E. Simon.
Ar. Pr., VII, p. 287.
Grotte de Gargas, Gargas, dép. Hautes-Pyrénées, France.
30-1-1905, no 2. — Cueva de abaho S. scrofa ;
parfois, sur le vivant, dont les téguments n'ont encore subi aucune
dessiccation, la peau les cache presque. L'épine postérieure descend
presque verticalement.
Les écailles sont, à dimensions égales des individus, plus petites
que celles de S. scrofa. La disproportion de leur longueur à leur
largeur est plus grande. Leur spinulation appartient à un tout autre
type ; le bord libre de Técaille porte, directement implantées sur le
bord lui-même et non en retrait, des spinules très courtes, coniques,
relativement larges à leur base. La zone pigmentée est plus vaste,
plus colorée ; la plupart des chromoblastes sont noirs et jaunes.
La couleur générale de S. porcus diffère de celle de S. scrofa.
Celle-ci tourne d'ordinaire au rouge, au rouge-brun, ou à l'orangé ;
celle-là au gris plus ou moins foncé, ou au gris-brunâtre. Les varia-
tions de couleur sont des plus fréquentes, et il est oiseux de suivre les
auteurs dans les descriptions minutieuses qu'ils en font parfois; ces
dernières, considérées dans le sens taxonomique, n'ont ici aucuiTe
utilité. La seule disposition intéressante revient à cette dissem-
blance générale de la teinte d'ensemble, malgré la diversité spéciale
souvent constatée.
Ce contraste s'accorde, sans doute, avec celui de l'œcologie.
S. porcus habite les fonds rocheux, les prairies d'Algues et deZos-
tères des zones littorales. Sa couleur générale, et ses variations,
paraissent résulter des circonstances environnantes et de leurs
changements : le mimétisme est frappant. 5. scrofa remonte par-
fois vers les pfairies sous-marines, mais 30n habitat ordinaire se
trouve dans les fonds vaseux et sablo-vaseux du grand large, con-
finant aux zones sub-abyssales.
Une nouvelle et curieuse opposition entre S. porcus et S^ scrofa
tient à la constance des caractères de la première espèce et à la
facilité de variation de la seconrat()ire d'Em bryologie f;fônéra[e et expérimentale
a 1 École des liaiiles Études.
Cluique été, à Paris, nous voyons ai-nver de granMes quantités
do Tortues mauresques [Testudo manvilanica, Diméril et Bibron),
(7'. ihera, Pallas) qui nous sont envoyées d'Algérie et de Tunisie.
Ces envois sont utilisés constamment dans les laboratoires et ce-
pendant, quand nous avons commencé ces recherches, eu 1905,
Ton ne savait généralement pas, à Paris du moins, distinguer, à
Textérieur, le sexe mâle du sexe femelle. Ce n'est pas que certains
vendeurs ne vous montraient avec assurance à quoi l'on pouvait
reconnaître les deux sexes l'un de l'autre, mais leurs affirmations
étaient loin de concorder et se trouvaient, du reste, souvent
fausses'.
L'on n'était guère mieux renseigné au laboratoire d'Erpétologie
du Muséum, où nous nous étions tout d'abord adressé, et nous avons
trouvé, du reste, que les ouvrages scientifiques étaient eux-mêmes
bien peu explicites sur la question.
Lacéi'Ède, dans son Hisloire naturelle des quadrupèdes ovipares \
Ci.- A. BouLENGER, dans le Catalogue of Ihe Chelonians Jifiynchoce-
phnl'uins and. Crocodiles in the British Muséum (London, 1889) ;
C,-K. Hoffmann, dans le Bronns Thier Reich; A. Granger, dans
le Manuel du naturaliste français, édité par DeyroUe, n'en parlent
pas.
Clvier, dans le /?è^/}e animal; E. Sauvage, dans l'édition fran-
çaise de VHistoire naturelle, de Brehm ; Hans Gadow, dans Amphi-
bia and Reptiles (London, 1901), disent que le plastron, plat chez les
femelles, est plus ou moins concave chez le mâle, spécialement
dans les genres Testudo, Cistudo et Emys. C'est encore ce seul
• Les premiers résultats de ces recherches ont été communiqués, en 1905, à la 34' ses-
sion deJ' Association pour l'avancement des Sciences, à Ctierbourg. Nous les avions déjà
fait connaître, auparavant, à quel(|ues marchands d'animaux, dont un des plus connus à
Paris, de sorte que cette note pourra paraître décrire des faits connus de certains labo-
ratoires.
NOTES ET REVUE xxxix
caractère distinctif que signale Werner, auquel nous devons une
étude spéciale des caractères sexuels secondaires chez les Reptiles '
Pourtant Duméril el Bibhon, dans leur Erpétologie, suite à
Buffon, 1855, t. II, p. 10), avaient déjà remarqué qu'on peut
trouver aussi des femelles à plastron concave et que ce caractère
paraît être « une variété individuelle, indépendante de lun et de
l'autre sexe ». Ces auteurs disent, par contre : « Les femelles sont,
en général, plus grosses que les mâles, et ceux-ci ont le plus sou-
vent la queue épaisse à la base et, relativement à l'autre sexe, un
peu plus longue » {fd. p. 23) -. Ils font remarquer également que le
cloaque est plus allongé et les lèvres comme tuméfiées, mais, à la
lecture du passage, on ne sait trop à quel sexe ce caractère s'ap-
plique plus spécialement.
Enfin, vers le même temps que Duméril et Bibron publiaient en
France leur Suite à Bnffon, J.-E. Gray. publiait, à Londres, le cata-
logue des Chéloniens du Bristish Muséum ^ Ce naturaliste anglais
parle de la Tortue mauritanique comme d'une variété de la Tortue
grecque (Testudo grcpca L.). Or, il remarque que, dans quelques
individus, la plaque sus-caudale de la carapace est plus grande et a
la pointe plus fortement courbée en dedans; chez d'autres individus,
•au contraire, cette plaque est plus étroite, plate et même quelque-
fois fortement courbée en dehors à la pointe. Toutes les femelles et
les jeunes que j'ai examinés, ajoute Gray, avaient cette forme; je
la considère donc comme un caractère sexuel \ Cependant, Gray
ne semble pas baser son affirmation sur des dissections suivies
et il la présente avec des points d'interrogation en ce qui concerne
la Tortue grecque.
Nous retrouvons l'indication de ce dernier caractère différentiel
dans une note de Lorenzo Camerano ^. Cette note de quatre pages,
' Werner. F. Ueber sekundare Gesehlechtsunterschiede bei ReplUien,(Biolog. Cen-
tralbl., 1895, xv, pp. 125-140). D'après cet auteur, le mâle de la Tortue grecque porterait
seul un ongle corne à l'extrémité de la queue. D'un' autre côté, on ne pourrait distinguer
les sexes chez les Chelydrides, chez les Tryonichides, chez les Chelonides ni chez de
nombreux genres d'autres familles.
* C'est également ce que montre nettement la tlgure 75 de l'ouvrage de Hans Gadow
(p. 343).
' J.-E. Gray : Catalogue of shield Reptiles in the Collection of the British
Muséum. Part, i, Testudinata (Tortoises), London, 1855, v. p. 10.
* CuviER, décrivant la Tortue grecque dans son Régne animal, dit également que le
bord postérieur de la carapace de cette espèce présente en son milieu une proéminence
un peu recourbée vers la queue. Mais il n'en fait pas un caractère spécial au mâle.
1» Camerano (L.). Dei caratteri sessuali secondari délia Testudo ibera, Pallas. Torino,
Accad. Se. Atti, 1877, 13, p. 97-101 avec 1 pi.
XL iXOTES ET HEVIIE
divisée en 18 paragraphes est, malgré sa concision, le travail le
plus complet qui ait été fait sur les différences sexuelles dans la
Tortue mauresque.
Pourtant Camerano se perd un peu dans le détail des plaques,
détail qu'il serait facile de multiplier, même après lui, sans mettre
en relief les caractères sexuels secondaires fixes et nettement
reconnaissables. D'un autre côté, il ne dit rien des organes internes,
ni des différences physiologiques entre les deux sexes; il ne donne
aucune pesée, ni aucune mensuration ; il ne dit pas sur quel
nombre d'individus il a opéré ; enfin il ne nous renseigne pas sur
la provenance de ces individus et ce dernier point aurnitété utile,
car il nous semble, à la lecture de sa note, que les individus qu'il a
examinés et les nôtres appartiennent à deux variétés différentes.
Nous avons donc repris cette étude, à une époque où nous ne
connaissions pas, du reste, le travail de Camerano. Nous l'avons
poursuivie d'une façon méthodique en prenant, comme point de
départ de nos recherches, la dissection des individus et, comme
base, la présence des ovaires ou des testicules. Nous avons étudié
ainsi comparativement, le 20 juillet 1905, un premier lot de
vingt-quatre Tortues mauresques envoyées de Tunisie, des environs
de Sfax, et paraissant toutes de même âge. Nous avons reconnu, par
la dissection, onze femelles dont les ovaires étaient chargés
d'ovules prêts à être pondus et treize mâles qui, en captivité
dans notre laboratoire, présentaient spontanément des érections
fréquentes et dont les épididymes étaient gorgés de sperme.
Voici tout d'abord les tableaux d'ensemble où nous avons con-
signé exactement les données recueillies sur chaque individu de
ce premier lot.
NOTES ET REVUE
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En mai 1906, nous avons reçu un deuxième lot de Tortues mau-
resques, comprenant cinq mâles et cinq femelles provenant é^^-ale-
ment de Tunisie. Ces animaux, conservés pour l'étude de l'hiber-
nation, n'ont pu nous fournir que les données suivantes :
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Toutes ces données numériques, venant s'ajouter à Tobservation
suivie des Tortues que nous avons conservées vivantes, vont nous
permettre maintenant d'étahlir une comparaison entre les carac-
tères anatomiques et les caractères physiologiques des deux sexes
de la Tortue mauresque.
A. — Caractères anatomiques.
1" Aspect général et poids total. — Les individus mâles paraissent
plus petits et sont moins lourds que les individus femelles.
En mai, leur poids total est plus faible de 19 gr. 60 en moyenne,
que celui des femelles : les poids extrêmes des femelles étant 615
et 543 gr. avec une moyenne de 581 gr., ceux des mâles étant 668
et 414 gr. avec- une moyenne de 561 gr. 40.
Rn juillet, le poids total des individus màles est plus faible de
76 gr. en moyenne que celui des individus femelles; les poids
extrêmes de celles-ci étant 820 et 584 gr. avec une moyenne de
688 gr. ; ceux des màles étant 740 et 510 gr. avec une moyenne de
612 gr.
2" Carapace. — En mai, les dimensions de la carapace, mesurées
avec un mètre' souple, étaient de quelques millimètres plus grands
chez les mâles de nos Tortues que chez les femelles, sauf toutefois
en arrière du plastron.
En juillet, au contraire, la carapace des femelles est p'ius grande
dans toutes ses dimensions que celle des màles; a longueur
moyenne pnise de Fécaille nuchale à l'écaillé sus-caudale est
18c™, 50 pour les femelles et 18cm, 23 pour les màles et encore fau-
drait-il déduire, de ce dernier nombre, la partie de l'écaillé sus-
caudale qui dépasse le bord marginal; sa largeur moyenne, prise
au^niveau des épaules, est de 12cm,40pour les femelles et dellcin,92
pour les mâles; prise au niveau du bassin, cette largeur est respec-
tivement 16cm, 65 et 16 centimètres.
Mais c'est surtout par la partie du bord marginal qui est située
directement au-dessus de la queue (écaille sus-caudale ou caudale)
que la carapace du mâle se distingue facilement de celle de la
femelle (fig. 1). Chez le mâle, cette partie est fortement bombée et
forme en bas une pointe saillante qui se recourbe un peu vers la
queue; sa plus grande largeur est en moyenne de 42"'"', 38; sa plus
grande hauteur, de 25"'"', 30. Chez les femelles, la plaque sus-eau-
NOTES ET REVUE xlv
dale ne se distingue en rien des autres plaques du bord marginal,
ou, comme le faisait remarquer justement Gray, son bord inférieur
peut se recourber vers le dehors ; dans tous les cas, chez les femelles,
son bord reste toujours au même niveau que le reste du bord mar-
ginal; la plaque ellermême présente, dans sa plus grande longueur,
des dimensions moyennes de 35 millimètres et, dans sa plus grande
hauteur, 19""°, 45;
3° Le Plastron ne présente pas des caractères sexuels secondaires
aussi fixes que la carapace. Comme l'indiquent les auteurs, sa sur-
face est en général plane ou même bombée chez les femelles alors
qu'elle est plutôt creusée chez les mâles; mais, comme le montrent
nos tableaux et comme Duméril et Bibron l'avaient vu du reste,
nous avons trouvé des femelles à plastron creux et des mâles à
Fig. 1.
FiG. 1. — Tortues mauresques mâle (à gauche) et femelle (« droite), vues
de l'extrémité postérieure.
plastron plan; dans tous les cas, il fallait mettre deux individus, de
sexes difïérents, l'un à côté de l'autre pour pouvoir nettement dis-
tinguer ce caractère.
Gray dit {loc. cit. p. 11) que la partie postérieure du plastron est
plus mobile chez les femelles que chez les mâles. C'est là encore un
caractère qui ne peut suffire pour distinguer les sexes, car nous
avons vu des mâles qui présentaient, en certains endroits, une
mobilité aussi grande que chez nos femelles.
Par contre, le plastron des mâles nous a toujours paru un peu
plus petit que celui des femelles et, caractère facile à reconnaître,
son extrémité postérieure est toujours plus largement fendue que
chez les femelles ; il en résulte que la partie mobile du plastron,
chez les mâles, tend vers la forme rectangulaire alors qu'elle pré-
XLvi NOTES ET REVUE
sente une forme plus nettement triangulaire chezles femelles (fig.2).
4° Queue. — Cette plus grande largeur de la fourche sternale en
arrière, ciiez les mâles, est en rapport avec les dimensions de la
queue gui sont nettement, ici, plus grandes que chezles femelles. De
même, l'espace qui est compris entre la fourche sternale et le bord
de la carapace est plus grand chez le mâle que chez la postérieur
femelle. Ce sor.t encore là des caractères qui nous ont paru cons-
tants et qui permettent de distinguer facilement les deux sexes.
B. — Caractères physiologiques.
Cette partie de notre étude ne peut être considérée que comme
une amorce pour des travaux faits dans des conditions meilleures
Fig. 2.
FiG. 2. — Tortues mauresques mâle (à gauche) et femelle (à droite"^
vues du côté du plastron.
que celles où nous avons pu placer les Tortues, dans notre labo-
ratoire.
Nous avons conservé vivantes, pendant près d'une année, six
Tortues, trois mâles et trois femelles, les soumettant à des obser-
vations continuelles qui nous ont permis de constater, toutd'abord,
que les femelles sont moins craintives et s'accoutument plus vite à
la présence de l'homme que les mâles; de plus ceux-ci font tou-
jours entendre un souffle violent quand on les saisit ou même
quand on lance brusquement la main dans la direction de leur
tête; en général les femelles se laissent enlever sans souffler ou,
du moins, leur soufile est moins fort que celui des mâles.
Nous avons noté ensuite (tabl. V) les variations de poids et de
densité moyenne de nos Tortues conservées pendant onze mois.
NOTES ET REVUE
XLVII
TABLEAU V.
Variations de poids et de densité de Juillet 1 905 à Mai 1 906.
F. n» 25
768 gr. 077 gr.
45
surnage surnage
morte
F. n° 4 F. n" 6
Juilet 1905.
Poids total 625 gr. 813 gr.
surnage surnage
25 Octobre 1905.
Poids total 593 gr.
Perte de poids.. 32
surnage
6 Janvier 1906.
Poids total 572 gr. 761 gr.
Perte de poids.. 21 7
surnage surnage
22 Mars 1906.
Poids total 553 gr. 746 gr.
Perte de poids. . 19 15.
surnage surnage
8 mai 1906.
Poids total 545 gr. 728 gr.
Perte de poids. 8 18
surnage surnage
sacrifiée malade
morte le 16 mai
Pertes totales... 80 gr. 85 gr.
M. n» 19 M. n» 22 M. n» 26
665 gr. 580 gr. »
s'enfonce s'enfonce ■
dans l'eau dans l'eau
630 gr. 576 gr, 682 gr.
35 4 »
s'enfonce s'enfonce surnage
dans l'eau dans l'eau
624 gr. 571 gr. 673 gr.
6 5 9
s'enfonce s'enfonce surnage
dans l'eau dans l'eau
607 gr. 560 gr. 626 gr.
17 14- 47
s'enfonce s'enfonce surnage
dans l'eau dans l'eau malade
morte
56 i gr.
43
552 gr.
8
surnage
malade
sacrifiée
101 gr.
surnage
malade
sacrifiée
28 gr.
Ces dernières observations, que nous comptions multiplier, ne
peuvent donner lieu à aucune conclusion. L'étude de notre
tableau V montre, en effet, que des maladies venaient modifier les
conditions physiologiques de certains individus; ces maladies se
traduisaient extérieurement par la présence de sérosités purulentes
^'écoulant des narines et tenant collées Tune à l'autre les paupières
de chaque œil.
Des conclusions plus fermes peuvent être tirées de Tétude com-
parative du poids des mêmes organes internes chez les mâles et
chez les femelles, étude dont nous avons fourni les détails dans les
Tableaux I et H.
Nous noterons d'abord que le poids total du foie est plus grand
chez les femelles que chez les mâles et, cela, tant au point de vue
relatif qu'au point de vue absolu ; la moyenne du poids absolu du
XLviii NOTES ET REVUE
foie chez les femelles est de 25gr, 17 alors qu'il est seulement de
21gr,83 chez les mâles ; les poids relatifs sont respectivement de 1/27
pour les femelles et de 1/28 pour les mâles. De même, le poids
moyen des ovaires, chargés d'ovules, est de 43 grammes alors qu'il
est seulement de 3&r,4o pour les testicules et les épididymes gorgés
de sperme. Par contre, les reins paraissent un peu plus lourds chez
les mâles ; leur poids moyen est ici de 3gr,66, ce qui représente la
cent soixante-septième partie du poids total du corps; chez les
femelles, le poids moyen des reins est 36r,76 qui représentent seu-
lement la cent quatre-vingt-deuxième partie du poids du corps.
Ces différences correspondent sans doute à des différences dans
la nutrition des mâles et des femelles. Et en effet, une simple dis-
section nous a montré que les mâles fabriquent ou conservent plus
de pigments jaunes (lipochromes) et de mélanine que les femelles.
Chez celles-ci, nous n'avons trouvé que les capsules surrénales, les
ovaires et les ovules qui soient cjolorés en jaune vermillon ou chrome
foncé ; chez les mâles nous avons trouvé la même coloration dans
les capsules surrénales, dansiez testicules (mais non dans le sperme
qui est blanc), dans la graisse du corps et dans la partie médul-
laire de certains os, tels que les ceintures scapulaire et pelvienne,
le fémur, etc.
De plus, les tissus des épididymes et parfois aussi le péritoine
environnant étaient colorés intensivement en noir.
Une particularité des plus frappantes qui nous a permis de dis-
tinguer les femelles des mâles de notre premier lot est la pro-
priété que présentaient les premières de surnager quand on les
jetait dans un baquet plein d'eau, alors que les seconds allaient
immédiatement et restaient au fond. Nous avons répété cette expé-
rience un très grand nombre de fois, non seulement au mois de
Juillet dernier, mais encore pendant toute l'année, pour les tortues
de notre premier lot que nous avons conservées vivantes (N"* 4, 6,
19, 22). Toujours nous avons obtenu les mêmes résultats : les
femelles surnageaient, les mâles allaient au fond.
Nous n'avons pas obtenu la même constance, dans ces résultats,
avec les tortues de notre second lot (tabl. III et V); ici les mâles sur-
nageadent autant que les femelles. D'un autre côté les mâles n°* 19
et 22 de notre premier lot, étant devenus malades à la fin de leur
séjour dans notre laboratoire, se mirent à surnager alors qu'ils
allaient toujours au fond, auparavant.
NOTES ET REVUE xux
Quoiqu'il en soit, les résultats positifs que nous avons obtenus,
avec les vingt-quatre Tortues de notre premier lot, sont tels qu'on
doit considérer la dififérence de densité totale du corps comme un
phénomène diflérentiel des sexes chez la Tortue mauresque, phéno-
mène se produisant seulement à certains moments de la vie.
>'ous avions pensé d'abord que la cause qui faisait flotter les
femelles était due à la présence, dans leurs ovaires, d'un certain
nombre d'ovules chargés de matières grasses. Une étude plus atten-
tive nous a montré que ce n'était pas là la véritable cause ; il nous
suffisait en effet, de crever les poumons de tout individu qui surna-
geait pour le voir tomber immédiatement au fond de l'eau. Nous
pouvons donc dire que les femelles de notre premier lot se distin-
guaient des mâles par la présence d'une plus grande quantité d'air
résiduel dans leurs poumons.
Il serait évidemment des plus intéressants de tâcher de mettre en
évidence les conditions d'âge, de santé ou de milieu qui président
aux variations de ce caractère distinctif, variations que nous
n'avons pu que constater ici. Nous laissons le soin de ce travail à
ceux qui sont plus fortunés que nous, dans l'installation de leurs
laboratoires.
CONCLUSIONS
En résumé, de nombreux caractères morphologiques et "physio-
logiques permettent de distinguer les sexes l'un de l'autre, dans la
Tortue mauresque.
Parmi les caractères sexuels secondaires [caractères morpholo-
giques) ceux qui permettent de distinguer immédiatement et
sûrement la Tortue mauresque mâle de la Tortue femelle sont:
1'^ Une écaille sus-caudale plus grande, bombée et recourbée en
crochet vers la queue ;
2° La queue plus grande et plus forte ;
3° Le plastron sternal plus largement échancré en arrière ;
4° Un plus grand espace entre la carapace et le plastron en arrière.
La concavité du plastron, qui est donnée comme un caractère
sexuel secondaire du mâle, par les auteurs, est un caractère très
souvent difficile à apprécier et n'est pas, du reste, absolument parr
ticulier aux mâles.
Il en est de même pour la mobilité de la pointe du plastron , cette
L NOTES ET REVUE
mobilité est toujours très grande chez les femelles, mais elle peut
l'être également chez les mâles.
Notre étude nous a montré que les caractères morphologiques qui
permettent de distinguer les sexes des Tortues sont accompagné
de différences aussi grandes que nous avons constatées dans les
caractères physiologiques de ces animaux. Nous noterons ici, en par-
ticulier :
La plus grande quantité de pigments formés dans divers organes
des mâles.
La moindre quantité d'air résiduel contenue dans leurs poumons.
Leurs reins un peu plus lourds.
Leur foie et surtout leurs glandes génitales moins développés.
Paru le 20 Février 1907.
Les directeurs :
G. Phuvot et E.-G. Racovitza.
Eug. MOFIEU, Imp.-Gniv^ 140, Boul. Raspail. Puis (6)— Tclcphone : 704 - 75
MUSÉUM NATIONAL D'HISTOIRE NATURELLE
PARIS
SOUSCRIPTION UNIVERSELLE
POUR ÉLEVER UN MONUMENT
A LAMARCK
Les Professeurs du Muséum national d'Histoire naturelle de Paris,
désireux de rendre un hommage solennel à leur illustre prédé-
cesseur, le naturaliste philosophe LAMARCK, prennent l'initiative
d'une souscription internationale afin de lui élever une statue dans
le jardin des Plantes.
Ils vous demandent de prendre part à cette manifestation
scientifique qui a pour but de rendre une tardive justice à l'im-
mortel auteur de la Philosophie zoologique, au savant qui, en
Zoologie, en Botanique, en Géologie, en Météorologie, fut un pré-
curseur génial, au grand penseur dont les conceptions sont la base
des idées modernes sur l'évolution du Monde organisé.
Si vous consentez à participer à leur œuvre, veuillez adresser
votre souscj-iption soit à M. Joubin, professeur au Muséum d'Histoire
naturelle, à Paris, soit à l'un des correspondants inscrits sur la liste
ci-jointe.
Die Professoren am National-Muséum fur Naturkunde in Paris,
hegen den Wunsch, in ehrfurchtsvoller Huldigung ihrem beruhmten
Vorgânger, dem Philosophen und Nàturforscher LAMARCK, diesem
ein Denkmal im « Jardin des Plantes i> zu errichten, und laden dafur
zu einer internationalen Subscription ein.
Wir bitten Sie hoflichst, unser Yorhaben zu unterstutzen, durch
welches, wenn auch spât, der Dank zum Ausdruck kommen soll,
den die wissenschaftliche Welt dem unsterbiichen Verfasser der
« Philosophie zoologique » schuldet, dem grossen Gelehrten, der in
der Zoologie, der Botanik, der Géologie und Météorologie, ein
genialer Forscher war, dem tiefen Denker, dessen Ideen ein
Grundpfeilar der modernen Lehre von der Entstehung der Leben-
wesen geworden sind.
Falls Sic çeneigtsind, an unseremWerke Theilzu nehmen, bitten
wir Sie hierdurch, Ihren Beitrag gutigst an Professer Jouum
(Muséum d'Histoire naturelle, Paris) oder an einen der Ilerrn
einsenden zu wollen, deren Namen Sie in beigefûgter Liste ver-
zeichnet finden,
The Professors of the National Muséum of Natural History of
Paris wishjng ta p^y a worthy tribute to the memory of their illus-
trions predecessQr, the philosopher and naturalist LAMARCK, take
the initiative in opening an international subscription in order to
erect his statue in the « Jardin des Plantes ».
You are invited to ty,ke part in this scientifîc manifestation, the
aim of which is to repder tardy homage to the celebrated author of
the « Philosophie zoologique », to thn scholar who in Zoology,
Botany, Geology and Meteorology, was the learned precursor, to the
great scientist whose conceptions hâve formed the base of modem
thought on the évolution of ail aniniated nature.
If you désire to participate in this work, be so kiud as to send
your subscription either to Professer Joubin (Muséum d'Histoire
naturelle, Paris) or to one of the subscribers mentioned in the list
enclosed.
Les Pi'ofesseurs du Muséum nalianal d'tiisloire naturelle :
Ed. 'PerrieRj divictew ; L. Vaillant, assesseur ; A. Mangin,
secrétaire ; Arnaud ; H. Becquerel ; Boule ; Bouvier ;
Bureau , professeur honoraire ; Ghauveau ; Costantin ;
Gaudry, professeur honoraire ; Gréhant ; Hamy ; Joubin ;
Lacroix; Lecomte ; Maquenne; S. Meunier; Van Tieghem ;
Tkouessart.
ARCHIVES
ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE
FONDÉES PAR
H. DE LAGAZE-DUTHIERS
PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE
G. PRUVOT ET E. G. RACOVITZA
Chargé de Cours à la Sorbonne , Docteur es sciences
Directeur du Laboratoire Arago Sous-Directeur du Laboratoire Arago
4' Série, T. VI. NOTES ET REVUE 1907. N" 3
VII
CHARLES MARTY
par Yves Delage
Membre de l'Institut, Professeur à la Sorbonne.
II pourra sembler étrange à quelques personnes que l'on consacre
dans un journal scientifique un article nécrologique à un homme
dont la condition sociale, n'étgiit pas très supérieure à celle d'un
garçon de laboratoire.
Ceux qui ont vu Ch. Marty à l'œuvre à la station de RoscofiF, ne
fût-ce que pendant quelques semaines, trouveront la chose naturelle;
à ceux qui l'ont suivi pendant sa longue carrière elle apparaîtra
comme une dette de reconnaissance qu'il eût été injuste de ne pas
acquitter.
Ch. Marty était né à Nantes en 1851, dans une humble famille de
jardiniers. Il aimait les plantes, mais il préférait la mer et partit
comme mousse à bord d'un navire au long cours. Il était simple
matelot quand il fut pris pour le service.
Là le hasard des circonstances le fit se rencontrer sur le Narval^
ARGB. PB ZOOL. BXP. ET OÉN. — 4* SÉRIE. — T. VI. G
Grundpfeilar der modernen Lehre von der Entstehung der Leben-
wesen geworden sind.
Falls Sic g-eneigtsind, an unserem Werke Theilzu nehmen, bitten
wir Sie hierdurch, Ihren Beitrag gûtigst an Professer Joubin
(Muséum d'Histoire naturelle, Paris) oder an einen der Ilerrn
einsenden zu wollen, deren Namen Sie in beigefugter Liste ver-
zeichnet finden,
The Professors of the National Muséum of Natural History of
Paris wislijng to pîjiy a worthy tribute to the memory of their illus-
trious predecessor, the philosopher and naturalist LAMARCK, take
the initiative in opening an international subscription in order to
erect his statue in the « Jardin des Plantes ».
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aim of which is to repdçr tardy homage to the celebrated author of
the « Philosophie zoologique », to tho scholar who in Zoology,
Botany, Geology and Meteorology, was the learned precursor, to the
great scientist whose conceptions hâve formed the base of modem
thought on the évolution of ail aninàated nature.
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naturelle, Paris) or to one of the subscribers mentioned in the list
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Les Professeurs du Muséum riatianal ci- Histoire nalurelle :
Ed. 'PerrieRj directeur ; h. Vaillant, assesseur; A. Mangin,
secrétaire ; Arnaud ; II. Becquerel ; Boule ; Bouvier ;
Bureau , professeur honoraire ; Ghauveau ; Costantin ;
Gaudry, professeur honoraire ; Gréhant ; Hamy ; Joubin ;
Lacroix ; Lecomte ; Maquenne ; S. Meunier ; Van Tieghem ;
Trouessart.
ARCHIVES
DE
ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE
FONDÉES PAR
H. DE LAGAZE-DUTHIERS
PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE
G. PRUVOT ET E. G. RACOVITZA
Chargé de Cours à la Sorbonne Docteur es sciences
Directeur du Laboratoire Arago Sous-Directeur du Laboratoire Arago
4" Série, T. VI. NOTES ET REVUE W07. N" 3
VII
CHARLES MARTY
par Yves Delage
Membre de l'Institut, Professeur à la Sorbonne.
Il pourra sembler étrange à quelques personnes que l'on consacre
dans un journal scientifique un article nécrologique à un homme
dont la condition sociale, n'étgiit pas très supérieure à celle d'un
garçon de laboratoire.
Ceux qui ont vu Ch. Marty à l'œuvre à la station de Roscoff, ne
fût-ce que pendant quelques semaines> trouveront la chose naturelle;
à ceux qui l'ont suivi pendant sa longue carrière elle apparaîtra
comme une dette de reconnaissance qu'il eût été injuste de ne pas
acquitter.
Ch. Marty était né à Nantes en 1851, dans une humble famille de
jardiniers. Il aimait les plantes, mais il préférait la mer et partit
comme mousse à bord d'un navire au long cours. Il était simple
matelot quand il fut pris pour le service.
Là le hasard des circonstances le fît se rencontrer sur le Narval^
ARCB< PB ZOOL. BXP. ET OÉN. — 4* SÉRIB. — T- VI. G
LU NOTES ET REVUE
commandé par l'amiral Mouchez et chargé d'un service hydrogra-
phique sur les côtes d'Afrique, avec H. de Lacaze-Duthiers, en mis-
sion d'exploration zoologique.
Un jour, en 1873, une aussière pendant le long du bord s'entor-
tilla autour de Farbre de Fhélice dont elle contraria la rotation sans
l'arrêter tout à fait. L'amiral fît appel aux hommes de bonne
volonté. La mission était difficile et périlleuse : Marty s'offrit. Il
plongea et dégagea l'aussière au risque de se faire broyer par l'hé-
lice.
Cet acte d'adresse et d'intrépidité attira sur lui l'attention de ses
chefs et celle de Lacaze-Duthiers. Aussi, lorsque le navire fut
arrivé à destination, celui-ci devant se servir, pour explorer la côte,
de la chaloupe à vapeur du Narval, demanda et obtint de l'amiral
la désignation de Marty comme patron de la chaloupe.
Pendant toute la durée de la campagne d'exploration, Marty donna
des preuves journalières de son dévouement et de son intelligence.
Lacaze-Duthiers qui venait de fonder à RoscofF une station zoolo-
gique comprit tout le parti qu'il pourrait tirer de ces qualités excep-
tionnelles et résolut de l'attacher à la station : telle fût la cause de
l'entrée de Gh. Marty dans sa nouvelle carrière.
La station était à cette époque dans un état bien rudimentaire :
une maison louée, aménagée comme une habitation bourgeoise, o\x
pouvaient travailler 6 à 7 personnes, chacune dans sa chambre à
coudier ; pas de salle commune; comme réservoir d'eau de mer,
deux cuves en ciment d'une contenance d'un mètre cube environ;
comme aquariums trois ou quatre bacs en brique avec une paroi de
verre; comme embarcation, un petit cotre à clins de 5 mètres de
long « le Penlacrine » et un bateau plat pour l'accostage ; pour
tout personnel, Marty auquel on' adjoignit bientôt un matelot pour
le service de la pompe à bras destinée à emplir les cuves et pour
l'aider dans la conduite du bateau. Mais, au pied de cette installation
médiocre, une grève si admirable au point de vue de la richesse et
de la variété de la faune, qu'il n'en est guère dans aucun pays qui
puisse lui être comparée.
Là, Marty, s'éprit d'un bel amour pour ces bestioles étranges
que son maître lui apprenait à cherclier, dont il lui disait les noms
et lui faisait observer les mœurs. Doué d'une intelligence peu
commune, d'un esprit d'observation très fin, dévoué à sa tâche par
tempérament et à son maître par reconnaissance, il devient l'auxi-
I
NOTES ET REVUE un
liaire indispensable de ce dernier et bientôt celui de tous les travail-
leurs de la station.
Cette côte bretonne est une des plus périlleuses qui soit au monde,
par ses récifs innombrables, dont la hauteur et la forme apparente
varient à chaque instant avec le niveau de la marée, et par ses cou-
rants dont la direction et la force changent à toutes les phases du
jusant et du flot. On estime qu'il faut être né dans le pays et avoir
fréquenté ces dangers dès l'enfance pour qu'ils vous soient entiè-
rement familiers. Marty fit exception à cette règle et en peu d'années
devient aussi expert que les pilotes du pays.
En peu d'années, il arriva à connaître, mieux que son maître et que
pas un de nous, les grottes sous-marines où l'on s'insinue avec
peine aux basses mers des grandes marées, avec tous les détails de
la faune étincelante qui tapisse leurs parois, les retraites des formes
les plus diverses, dessous des pierres, touffes de goémons, tiges
creuses de laminaires, plages de sable ou de vase, où parfois les
gisements sont limités à des places précises que rien ne distingue
en apparence ; et il connaissait non moins bien la faune des régions
inaccessibles à l'œil et -à la main, où la drague, le faubert et le
chalut, recueillent au hasard ce qui se rencontre sur leur passage.
Ce n'est pas seulement pour la recherche des animaux nécessaires
aux études que Marty se montra l'homme utile sur qui l'on peut
compter. Au fur et à mesure que la station se développait pour
devenir ce qu'elle est aujourd'liui, les fonctions nouvelles néces-
sitant des aptitudes nouvelles se multiplièrent : Marty se montra à la
hauteur de toutes les tâches. Quand la pompe à bras fut rem-
placée par une pompe à vapeur, puis à pétrole, Marty devint le
mécanicien de chacune d'elles, quand le bateau à voile fut remplacé
par un bateau automobile, Marty en devient le machiniste tout en
restant le pilote.
Dans les premières années, l'hiver, où le laboratoire est vide de
travailleurs, était pour lui une saison de repos. Mais quand furent
organisés les envois aux Universités pour les manipulations des
étudiants et aux travailleurs pour leurs recherches originales, une
nouvelle fonction vint s'ajouter aux autres. Chaque mois affluaient
des listes d'animaux à expédier, tantôt communs, tantôt rares,
tantôt vivants, tantôt préparés suivant une technique parfois fort
compliquée, souvent dans telle 'ou telle condition requise, plus
ou moins aisée à discerner, d'âge, d'état' sexuel, de bourgeonne-
Liv NOTES ET REVUE
ment, etc., toujours désignés par leur nomenclature de genre et
d'espèce; et, au jour dit, l'envoi arrivait, dépassant les espérances,
tant étaient réalisées avec intelligence les conditions délicates que
Ton avait réclamées.
Sa haute intelligence, son cœur dévoué, lui avaient inspiré une
noble ambition : il ne voulut pas être le serviteur des travailleurs du
Laboratoire, mais leur collaborateur, et il y réussit. Durant plus de
trente années qu'il y passa il ne se fit pas à la station un travail
zoologique ou biologique de quelque importance auquel il ne mit la
main.
Pour trouver les formes rares, dépister les stades larvaires
fugaces, deviner les conditions d'élevage, de fixation, de reproduc-
tion, de bourgeonnement, sa perspicacité avait la sûreté d'un ins-
tinct, lî avait ce quelque chose qui ne s'acquiert pas et que les
naturalistes appellent le sens de l'espèce. 11 triait sans hésitation les
échantillons de formes semblables que nous ne distinguions souvent
qu'après une laborieuse détermination de caractères, et s'il y avait
discussion, son avis finalement se trouvait être le bon.
Il se mêlait à nos travaux, il se tenait au courant du succès de
nos recherches, aimait à voir les préparations microscopiques, et
plus d'une fois nous avons tiré profit de ses observations judi-
cieuses.
Si les circonstances, au début, avaient fait de Marty, non un
matelot mais un étudiant, il compterait aujourd'hui parmi les natu-
ralistes qui font le plus honneur à la science et à leur pays.
Cette participation continuelle aux travaux de tous a été reconnue .
par ceux qui en ont usé. Elle se trouve inscrite dans toutes les lan-
gues, dans les périodiques où ces travaux ont été publiés ; elle a été
sanctionnée par la dédicace de plusieurs espèces nouvelles ayant
pour nom spécifique Marlyi, et s'il n'existe qu'un genre Marty a c'est
que les règles de la nomenclature s'opposent à ce qu'un nom géné-
rique soit donné deux fois.
J'extrais d'une lettre de condoléances d'un de nos plus distingués
naturalistes, le professeur Francotte, de Bruxelles, les passages sui-
vants : « A plusieurs reprises j'ai eu l'occasion d'entendre les
« remarques qu'il faisait, lorsqu'il nous accompagnait à la grève,
« sur l'habitat, les mœurs et parfois même la psychologie des orga-
« nismes que nous cherchions ; je i'écoutais avec un plaisir extrême
« tellement tout ce qu'il disait était juste, précis', original... Il y
r
NOTES ET REVUE lv
« aurait eu grand intérêt à ce qu'il eût écrit, à sa façon, toutes les
« observations qu'il avait faites. Ce livre aurait eu certainement une
(( réelle valeur et eut été de la plus haute utilité pour ceux qui veu-
« lent s'initier aux choses de la mer. »
Sa complaisance, son adresse, la sûreté de ses avis étaient telles
qu'à chaque minute on avait recours à lui. Qu'il fallut se procurer
des animaux rares, réparer un instrument délicat, imaginer une
installation nouvelle, faire face à une difficulté imprévue de quel-
que nature qu'elle fût, toujours on concluait : demandons à Marty.
On l'appelait de tout côtés et, malgré son activité incessante, il lui
eût fallu se dédoubler bien des fois pour satisfaire à tous.
Il avait une noble conception de ses devoirs. Mais il faut bien
comprendre que s'il accomplissait toutes ces tâches ce n'était pas
par devoir, mais par amour pour le travail, pour la recherche, pour
la science. Ce qu'on fait par devoir finit par lasser; ce qu'on fait par
amour ne lasse jamais : là était le secret de son activité inépuisable.
Dire qu'il était la cheville ouvrière du Laboratoire serait trop peu:
il en était l'âme.
Nombreux sont les exemples de gens partis d'aussi bas et arrivés
bien plus haut. Mais d'ordinaire d'heureuses fortunes ont eu une
grande part à leur élévation. Marty, au contraire, ne doit rien qu"à
lui-même et n'a jamais été récompensé à l'égal de son mérite.
Il est mort Surveillant général du Laboratoire de Roscoff, aux
appointements de 2.000 francs et Officier de l'Instruction Publique.
C'est peu pour s'être montré pendant plus de trente années, partout
et toujours supérieur à ce qu'on pouvait attendre de lui. Mais ce qui
est beaucoup c'est, par sa haute valeur intellectuelle et morale,
d'avoir conquis un rang bien supérieur à sa condition matérielle et
d'emporter en mourant l'estime, la reconnaissance et le regret de
tant de savants de tous les pays qui avaient recours à son aide et le
traitaient comme un égal, mieux encore, comme un ami.
Lvi NOTES ET REVUE
VIII
NÉPHROCYTES ET NÊPHRO-PHAGOCYTES DES CAPRELLIDES
par L. Bruntz,
Chargé du Cours de Zoologie à l'Ecole supérieure de. Pharmacie de Nancy.
Si on injecte du carminate d'ammoniaque dans la cavité générale
des Amphipodes, par exemple des Talitres, Gammarus et autres
Crevettines (Gammarides), on sait (Bruntz, 1903) que cette solution
s'élimine, non seulement par les saccules des reins antennaires,
mais aussi par des cellules conjonctives fixes et closes : néphrocytes.
On constate le même fait chez Protella phasma S. Bâte, que je
choisis, à cause de sa grande taille, comme type de Caprellides.
Dans ces deux groupes d'Amphipodes, les néphrocytes sont réunis
en amas symétriquement disposés dans la tête et dans le corps. Dans
un travail antérieur,' j'ai cherché à homologuer les amas néphrocy-
taires des deux groupes, mais sans documents suffisants ; de
récentes expériences me permettent de compléter et de préciser nos
connaissances à ce sujet.
I. — Description.
Chez les Crevettines, il existe des amas de néphrocytes céphali-
ques, thoraciques et abdominaux ; chez la Protelle, on retrouve
aussi des amas de néphrocytes céphaliques et thoraciques, mais
l'abdomen très réduit ne renferme pas de semblables éléments
excréteurs.
Néphrocytes céphaliques. — Les Crevettines possèdent une paire
d'amas de néphrocytes céphaliques entourant la base des muscles
extenseurs des premières antennes.
Chez la Protelle, il existe trois paires d'amas de néphrocytes
céphaliques. La première paire se trouve disposée à la base des
premières antennes, bordant les nerfs qui se rendent à ces appen-
dices. La deuxième paire est placée à la région dorsale de la
partie postérieure de la tête, sous l'épine qui orne, en cet endroit,
la tête de la Protelle ; les cellules constitutives sont attachées aux
faisceaux musculaires des maxilles, ainsi qu'à l'aorte. La troisième
paire, située à la face ventrale de la tête, s'étend transversalement
NOTES ET REVUE tvii
de la base des deuxièmes antennes à la base des pattes-mâchoires.
Ces amas dé la dernière paire sont plus ou moins séparés, dans leur
région médiane, par les muscles des maxilles. Au-dessus, les
cellules sont accolées aux muscles antennaires, au-dessous, aux
muscles des pattes-mâchoires. Les néphrocytes sont, de plus, en
contact avec les masses nerveuses et l'estomac.
Néphrocytes thoraciques. — Ces néphrocytes (appelés aussi bran-
chiaux par raison d'analogie, car chez tous les Crustacés, ils se
trouvent sur le trajet du sang revenant des branchies ou autres
appendices respiratoires) sont disposés, chez les Cr^vettines à la
base de chacun des anneaux ainsi que dans l'article basai des pattes.
11 existe donc sept paires d'amas de ces néphrocytes, qui forment un
revêtement interne et incomplet aux vaisseaux péricaydiques.
Chez les Caprellides, les néphrocytes branchiaux sé'trouvent dis-
posés à la partie ventrale des anneaux, dans la région d'attache des
appendices correspondants. .11 n'existe que six paires d'amas de ces
néphrocytes, lesquels sont accolés aux ganglions nerveux ou à des
muscles avoisinants. Dans les troisième et quatrième anneaux, des
néphrocytes sont encore portés sur des fibrilles, qui relient les par-
ties latérales du septum péricardique à la face ventrale.
Néphrocytes abdominaux. — Ces derniers n'existent que chez les
Amphipodes normaux, lesquels possèdent un abdomen formé typi-
quement de six anneaux. Les amas de néphrocytes plus réduits que
ceux du thorax, forment, comme dans cette partie du corps, un
revêtement aux canaux péricardiques, mais les amas postérieurs
peuvent ne pas exister ou se trouver réunis de telle sorte qu'il n'en
existe, par exemple, que cinq paires chez lé Gammarus et quatre
chez le Talitre.
Néphro-phagocytes péricardiques. — J'ai montré que chez les
Amphipodes normaux, il existe des cellules qui possèdent la double
propriété d'éliminer les substances dissoutes et de phagocyter les
particules solides injectées. En raison de cette double fonction, je
propose d'appeler ces éléments : des néphro-phagocytes. Ces cellules
sont placées dans le sinus péricardique, accolées aux faces externe
et interne du cœur ainsi qu'aux fibrilles de soutien de cet organe.
Récemment, à la station maritime de Roscoff, j'ai retrouvé chez
Protella phasma S. Bâte, les mêmes néphro-phagocytes, dont l'exis-
tence était* jusqu'alors inconnue. Ces éléments sont de petites
cellules (d'environ 12 p de diamètre) difficiles à apercevoir quand
Lviii NOTES ET REVUE
on n'utilise pas la méthode des injections physiologiques. Ces cel-
lules éliminent le carrainate d'ammoniaque et capturent les parti-
cules d'encre de Chine. Grâce à la transparence des téguments on
peut, comme sur des coupes, reconnaître que ces cellules s'étendent
dans toute la longueur du thorax oîi elles forment un revêtement à
la face externe du cœur. Il en existe aussi, dans le voisinage du
cœur, sur le septum péricardique. Dans les troisième et quatrième
anneaux, le péricarde descend latéralement pour s'attacher à la base
des sacs branchiaux; dans cette région, la meùibrane péricardique
supporte de nombreux néphro-phagocytes ; il en existe aussi sur les
fibres de soutien, auxquelles sont déjà accolés de vrais néphrocytes.
Ces cellules et les globules sanguins son t les seuls éléments chargés
de la phagocytose, les Caprellides ne possèdent pas d'organe phago-
cytaire analogue à celui des Crevettines.
II. — Homologie entre les néphrocytes et les néphro-phagocytes
des Crevettines et des Caprellides.
En raison de leur physiologie bien spéciale et de leur même dis-
position, il est évident que les néphro-phagocytes péricardiques de
ces deux groupes sont homologues. Il en est de même des néphro-
cytes branchiaux qui, chez les Crevettines comme chez les Caprel-
lides, se rencontrent dans chaque anneau, à la base des appendices
correspondants, sur le trajet du sang retournant au cœur par l'in-
termédiaire du péricarde.
Mais comment homologuer l'unique paire d'amas de néphrocytes
céphaliques des Crevettines avec les trois paires d'amas des Caprel-
lides?
Bien que n'affectant pas exactement la même disposition, la
situation analogue des amas néphrocytaires placés, dans les deux
groupes, à la base des antennes de la première paire, indique clai-
rement que ces amas sont homologues. Ils ne correspondent pas,
comme je l'avais supposé, aux « Frontaldriisen » de Mayer (1882).
Les néphrocytes péribuccaux semblent, au premier abord, parti-
culiers aux Caprellides, cependant si on remarque qu'il existe une
paire d'amas dans chaque anneau thoracique, et que chez la Protelle,
le premier anneau thoracique est soudé à la tête, on peut penser que
les néphrocytes péribuccaux correspondent aux néphrocytes bran-
chiaux du premier anneau des Crevettines.
NOTES ET UEVUE ux
Quant aux amas de néptirocytes disposés, chez la Protell^?, sous
l'épine dorsale céphalique, j'avais autrefois pensé qu'ils représen-
taient l'amas des néphro-phagocytes péricardiques des Crevettines,
lequel se serait trouvé reporté dans In région antérieure du eorps,
concentréautourdel'aorte.OrJl n'en est rien, puisque dans les deux
groupes d'Amphipodes étudiés, les néphro-phagocytes sont localisés
dans le sinus péricardique. Il semble donc bien que ces derniers
amas de néphrocytes soient spéciaux aux Caprellides, s'ils ne le sont
pas seulement à l'espèce que j'ai étudiée.
(Lahoratoire d'Histoire naturelle de l'Ecole de i'har.nacie
le 8 novembre 1906).
IX
SUR QUELQUES NOUVELLES ESPÈCES DES NÉMERTES
DE ROSCOFF'.
par MlECZYSLAW OXNEH
l. —. 4mphipor'is Martyi n. spec.
Au cours (j:ê mes rechèrcltes sur la régénération chez les Némertes
que j'ai i>oursu!vies au Laboratoire Lacaze-Duthiers, à Roscoff, j'eus
l'occasion de trouver quelques espèces nouvelles de Métanémertes.
Je voudrais d'abord signaler ici une espèce d'Amphiporus que j'ai
nommée Amphiporus Martyi en hommage à la mémoire de
Charles Marty, le regretté surveillant du Laboratoire, qui, pendant
plus de trente années, a mis, sans compter, au service de tous les
travailleurs son zèle infatigable, son savoir et son intelligence.
A RoscofF on trouve V Amphiporus Martyi seulement dans le voi-.
sinage du Laboratoire, en face de l'Hôte! des Bains de Mer sur une
étendue très limitée. I^ans-cet endroit A. Martyi y\i à côté de Linciis
ruber (Muell.) sous les pierres entre les niveaux extrêmes du baïan-
oezïient des marées. A. Martyi se distingue de Lineus ruber [ku pre-
mier coup d'œilpar sa couleur blanche.
L'organisation intérieure est très facile à étudier à cause de la
grande transparence de l'animal. Nous constatons d'abord les carac-
' Travail du Laboratoire de Zoologie de la Sorbonne.
Lx MUTES ET REVUE
tères suivants de Méianémerle : une trompe armée, un cœciiui, une
bouche située devant le ganglion cérébral. La cavité de la trompe.
se prolonge jusqu'cà l'anus ; cette particularité nous oblige à ranger
ranimai dans la sous-famille des Ilolorynchocoelmes. Enfin lattri-
Fig. i.
Fio I.— D, ganglion dorsal; L, nt-rf latéral ; V, ganglion verttral ; a. yeux antérieurs;
b, vaisseau céphalique ; 0', vaisseau latéral ; c, organe cérébral ; d, commissure dor-
sale ; o, ouverture commune de la bouche et de la trompe ; />, yeux postérieurs ; s,
sillon céphalique ventral; /, sillon céphalique dorsal; v. commissure ventrale; x,
petits yeux.
bution de notre espèce au genre Amphiporus est nécessitée par les
caractè^es suivants : la présence d'im vaisseau sanguin dorsal ; le
grand nombre des yeux ; la cavité de la trompe sans diverticules
latéraux ; un seul stylet central.
Comme espèce, A . Martyi se distingue par les traits suivants : la
NOTES ET REVUE lxi
tèie très peu élargie, spatulée, arrondie en -^vanl; elle n'a aucune
ornementation ; elle est très peu séparée du corps: Tétranglement
collaire est formé par les orifices des canaux cérébraux. La partie
caudale du corps est un peu effilée. L'animal est coloré d'une façon
très uniforme en blanç-crème, rarement d'une nuance rose-clair.
Le ganglion cérébral apparaît déjà macrQSCopiquement comme
une tache rouge-jaune ; sous le microscope, par transparence, la
couleur est d'un jaune-clair; cependant chez les individus adultes
les parties postérieures des ganglions dorsaux sont ponctuées par
de très fins grains d'un pigment rouge-brunâtre. Les ganglions dor-
saux sont plus petits que les ventraux (fig. 1).
La commissure cérébrale dorsale est longue, fine, la commissure
ventrale est courte, large, et fournit de fibres nerveuses aux troncs
latéraux.
Les troncs nerveux latéraiix sont très épais; ils courent très laté-
ralement et sont dans tout leur parcours d'une couleur jaune-clair;
leur commissure anale se trouve tout à fait près de l'anus.
Les organes cérébraux sont grands, piriformes; ils se trouvent en
avant du cerveau qu'ils touchent à leur partie postérieure; ils
débouchent des deux côtés dans une profonde dépression, juste à
l'endroit où se rencontrent les sillons céphaliques ventraux et dor-
saux.
Les yeux (fîg. 1) forment de chaque côté deux groupes : les
groupes antérieurs s'étendent très latéralement, du sonmiet de la
tète jusqu'à la proximité des sillons céphaliques; les groupes posté-
rieurs commencent en arrière de ces sillons et s'étendent au-dessus
des organes cérébraux jusqu'au cerveau. Les yeux sont très grands,
bien développés et pourvus d'un calice pigmen taire bien formé,
dont la concavité est tournée en dehors parallèlement à l'axe longi-
tudinal du corps, ou en dehors et en avant, vers le sommet de la
tète (seulement les groupes antérieurs). Kn plus de ces grands yeux
pourvus d'un calice pigmenlaire bien formé on aperçoit encore en
nombre réduit de très petits yeux dont le pigment ne forme pas un
calice. J'ai eu l'occasion d'observer séparément pendant quelques
semaines, plusieures échantillons de A. Martiji. Tai constatéqu'avec
le temps ces petits yeux, se transforment en grands avec im calice
pigmentaire bien développé, ou ils disparaissent tout à fait au bout
d'un certain temps. Je reviendrai sur cette question à une autre
occasion.
Lxii iNOTES ET REVUE
Les petits yeux se trouvent presque toujours en dehors des grands;
rarement ils sont disséniinés parmi ou derrière les grands. Les
groupes antérieurs des yeux sont composés de 4 à 12 grands et l à
4 petits qui se rangent de chaque côté en une ligne longitudinale ;
les groupes postérieurs comptent 2 à8 grands et 1 à 6 petits yeux
qui forment de chaque c(Hé un amas sans forme bien définie. Le
nombre total des yeux varie entre 8 et 24; le plus souvent on en
trouve 14 à 18. Chez les individus adultes les yeux sont plus nom-
breux que chez les jeunes.
Fig. 2.
FiG. 2. — A, (luclics des stylets accessoires ; /î, réservoir à venin ; C, canal éjaculatcur
du venin ; li, stylets accessoires ; 1, % 3, lame collerette et socle du stylet central.
Les sillons céphaliques (fig. 1) dorsaux courent parallèlement à
Taxe transversal du corps; du côté ventral les sillons se dirigent
d'abord obliquement en avant vers la ligne médiane Jusqu'à la bail-
leur du groupe antérieur des yeux et reviennent de là en arrière.
Ni les sillons dorsaux ni les ventraux ne se rencontrent sur la ligne
médiane du corps.
La glande céphalique n'est pas visible sur l'animal vivant. Néan-
moins sur les coupes on peut constater qu'elle est bien développée.
L'appareil circulatoire ne présente aucune particularité. L'anse
NOTES ET REVUE Lxin
anale ne dépasse pas la commissure d,es troncs nerveux latéraux.
Le sang est incolore. Les culs-de-sac intestinaux sont médiocrement
ramifiés. L'anus est terminal et légèrement dorsal. L'orifice de la
trompe et celui de la bouche se confondent en un court vestibule
(fig. 1), dont l'ouverture est sensiblement terminale.
La trompe est très large. La figure 2 nous reproduit la forme et les
dimensions relatives des diverses parties de l'appareil stylifère. Les
poches de stylets accessoires sont au nombre de 2 (très rarement 3)
dont chacune contient 3 (très rarement 4 à 6) stylets de réserve. Le
stylet central est un peu plus long que son socle. Le réservoir à
venin est court et en forme d'oignon. La trompe est pourvue de 11
(rarement 10) nerfs.
Les poches des glandes génitales n'alternent pas régulièrement
avec les culs-de-sac intestinaux; dans le même pseudométamère se
trouvent souvent plusieurs poches génitales. La maturité sexuelle
se produit dans les mois de Septembre-Octobre. Les échantillons
gonflés des œufs et vivants dans l'aquarium du Laboratoire de
Zoologie de la Sorbonne, pondaient dans les mois de Janvier et
Février. La ponte forme de longs cordons composés d'une mucosité
opaque renfermant de nombreux œufs. Les œufs sont distribués
dans ces cordons pêle-mêle, et non comme chez Linem ruber, par
exemple, chez lequel ils sont disposés latéralement en deux lignes
longitudinales. La coque de l'œuf est ronde sans appendice en
entonnoir comme en a celui de Lineus ruber.
La longueur des animaux adultes est 10-45™°", la largeur l"".
A. Martyi n'est pas abondant à Roscoff.
H. — Prosorochmus Delagei n. spec.
Aux trois^ espèces du fort intéressant genre Prosorochmus j'ajoute
ici une quatrième, Prosorochmus Delagei. Cette espèce est assez
rare à Roscoff ; j'en ai trouvé chaque année au maximum six échan-
tillons, en face du Laboratoire, sous les pierres, à des époques des
petites eaux mortes. J'ai cru d'abord avoir affaire à Prosorochmus
Claparedii (Kef.), mais les descriptions de cette espèce donnés par
BuRGER (1895) et par Joubin (1890), m'ont obligé à abandonner cette
idée.wyant quelques caractères communs d'une part avec P. C/a-
parerfii, d'autre part avec P. Korotneffi (Biirg.), P. Delagei diffère
sur la plupart des points de ces deux espèces.
D'abord sa forme : effilée, très peu aplatie ; la tête arrondie non
LXiv NOTES ET REVUE
séparée du corps, un peu plus large que celui-ci, l'extrémité posté-
rieure sensiblement effilée mais arrondie au bout.
Les échantillons adultes atteignent à peine 20 à 23 millimètres
sur une largeur de 3/4 à 1.
La coloration de P. Delagei nous montre quelques particularités.
Vu à Toeil nu l'animal apparaît d'un rose-chair très pâle. Sous le
microscope on voit que l'animal est incolore dans le sens strict du
mot et la coloration est due de nombreuses petites taches luisantes,
d'une forme définie (fig. 3). Ces
^ ^-v'-^ taches singulières d'une nuance
*»-'^ w-<___3 ^ /\\^ ^. jaune de chrome très brillant sont
distribuées très régulièrement
sur tout le corps (du côté ventral
comme du côté dorsal, à la tête
comme à l'extrémité postérieure)
d'une façon uniforme ; elles sont
Y\a 3. tantôt isolées, tantôt réunies par
, , . . , .. , groupes (fig. 3, B); leur diamètre
Fig. 3. — A, fi, taches luisantes du tégument ^ / ^ " \
de Prosorochmus Delagei. atteint 0,0036 millimètres ; on ne
voit pas dans ces taches de grains
de pigment auquel on pourrait attribuer la coloration si singulière
de P. Delagei. Par coloration vitale au Neutralrot le jaune en devient
rouge brillant. Après tout ce que je viens de dire il est évident que
cette coloration luisante est. due, non à des grains pigmentaires,
mais aux cellules glandulaires excessivement nombreuses dans la
peau des Prosorochmides.
"Chez P. Delagei il y a deux sortes de cellules glandulaires : les
unes sont incolores et translucides, les autres ont un plasma homo-
gène et d'une couleur jaune luisante. BOrger (1895) cite quelques
espèces des Némertiens dont la coloration brillante est due aux
cellules glandulaires colorées. Ce sont: Cerebratulus marginatus,
Lineus geniculatus et gilvus, Micrura fasciolata et lactea, Amphiporus
glandulosus. Mais c'est surtout Zmews ^îVums qui nous intéresse le
plus parce qu'il présente les même dispositions que P. Delagei.
Au sommet de la tête se trouve du côté dorsal un petit repli
médian du tégument (fig. 4) qui donne à l'animal un aspect tout à
fait particulier semblable à celui de P. Claparedii, mais du côté
ventral l'incisure médiane est loin d'être si profonde que chez
celui-ci.
NOTES ET REVUE lxv
Les sillons céphaliques sont très peu marqués et invisibles sur
ranimai vivant ; seule une fossette ciliée située de chaque côté entre
les yeux antérieurs et postérieurs et dans laquelle s'ouvre l'orifice
du canal cérébral décèle l'existence de sillons céphaliques (fig. 4).
Les yeux reportés très en arrière vers le cerveau sont toujours au
Fig. 4. %
FiG. 4. — A, yeux antérieurs ; B, vaisseau céphaliqiie ; B', vaisseau latéral ; C, organe
cérébral ; D, ganglion dorsal ; i, nerf latéral ; O, ouverture commune de la bouche et
de la trompe ; P, yeux postérieurs ; 0, glande céphalique ; /?, repli médian du tégu-
ment ; 1 , ganglion ven'ral ; rf, commissure dorsale ; g, gaine de la trompe ; »", rhyn-
chocoelome ; /, trompe ; m, rhynchodaeum ; v, commissure ventrale.
nombre de quatre. La distance entre les deux yeux antérieurs (ou
postérieurs) est égale à trois fois la distance comprise entre les
deux paires. Chez P. Claparedii les deux yeux postérieurs sont,
d'après Joubin (1890), moins nets que les deux yeux postérieurs.
Chez P. Delagei les quatre yeux sont également bien développés,
néanmoins les postérieurs sont un peu plus petits que les anté-
rieurs.
Lxvi NOTES ET REVUE
Dans P. Korotneffi que j'ai eu occasion d'étudier à Villefranche-
sur-Mer, chez plus de 35 pour 100 des individus adultes les yeux
sont au nombre de 5 à 7. J'ajoute que ces yeux «supplémentaires»
sont rarement bien développés ; ils sont presque toujours dépourvus
d'un calice, comme les petits yeux de Amphipurus Marlyi ; seuls les
Fig. 5.
FiG. 5. — A, poches des stylets accessoires ; C, canal éjaculateur du venin ; P, chambre
postérieure de la trompe ; R, stylets accessoires ; V, réservoir à venin ; 1, 2, 3, lame
collerette et socle du stylet central.
jeunes inclus encore dans le corps maternel m'ont montré parfois
6 yeux.
Les organes cérébraux sont assez grands, piriformes ; ils se trou-
vent au niveau des yeux postérieurs en avant du cerveau qu'ils tou-
chent presque.
Le cerveau apparaît par transparence coloré en jaune-clair, tandis
que les troncs latéraux sont blancs. Sa forme est caractéristique : il
NOTES ET REVUE lxvu
est très allongé, sa longueur étant du double de sa largeur (fig. 4).
Le ganglion dorsal du cerveau est sensiblement plus petit que le
ganglion ventral. De même la commissure ventrale trois fois plus
large que la très longue c(wnmissure dorsale. Toutes les deux ne
sont jamais recourbées comme chez P. Claparedii. La commissure
anale des troncs latéraux est très près de l'anus.
Quant à l'appareil vasculaire, il ne présente aucune particularité;
je dirai seulement que le sang est complètement incolore.
La bouche s'ouvre dans le rhynchodaeum, qui forme en avant
d'elle un très court vestibule dont l'ouverture se présente comme
une petite fente ovale, située presque à la pointe de la tête mais
sensiblement ventrale. L'œsophage est assez long mais très étroit.
L'intestin stomacal est relativement court. Les culs-de-sac de l'in-
testin moyen sont courts et non ramifiés. Les culs-de-sac du cœcum
se prolongent jusqu'au cerveau; chez P. Claparedii, ils sont au
contraire très courts.
La glande céphalique est énormément développée; elle descend
jusqu'au niveau du pylore.
Le rhynchocoele se prolonge jusqu'à l'anus. La poche postérieure
(non dévaginable) de la trompe et le rétinacle sont relativement
courts. On trouve deux poches de stylets accessoires ; chacune est
pourvue de deux stylets de réserve (fig. 5). Le stylet central est plus
court que son socle ; la collerette à la base du stylet est simple,
comme la tête d'une épingle. Chez P. Claparedii cette collerette est
divisée en cinq lobes par des sillons.
La forme et les dimensions du socle peuvent subir de nombreuses
variations. Cette variation est un trait caractéristique pour
P. Delagei. La figure 6 et le tableau I, nous en montrent quelques
types.
NOTES ET REVUE
TABLEAU I
DIMENSIONS
I
II
III
Stylet A
22
u
9
» B
30
m
10
» C
IG
20
7
» b
12
19
6
» E
20
23
7
12
18
9
9
6
Les chiffres indiquent les dimensions relatives des différente»
parties des stylets marquées sur la figure 6. L'unité est la division
IV
9
15
6
8
Fig. 6.
du micromètre oculaire Zeiss 3, obj. DD, c'est-à-dire ^=: 0,0036
millimètres.
Néanmoins j'ai pu constater que la forme du socle chez P. Delagei
est toujours différente de ce qui existe chez P. Claparedii et P, Korot-
NOTES ET REVUE lxix
neffi. On n'a qu'à comparer la figure 6 avec les figures données par
BuRGER (1895, Taf. 9, fig. 9, 11). D'après lui le socle chez P. Cla-
paredii est toujours conique non arrondi à la base ; chez P. Korot-
neffi il se distingue par un étranglement constant à la moitié de sa
hauteur; sa base est toujours plus large que la partie antérieure sur
laquelle repose la collerette du stylet*
Il nous reste à ajouter quelques mots sur l'appareil génital,
P. ûelagei est vivipare et hermaphrodite. J'ai rencontré à Roscoff
en Août-Septembre les animaux en pleine reproduction. Dans le
même animal j'ai toujours trouvé des jeunes sur le point de quitter
le corps maternel et des œufs à peine fécondés. Les produits géni-
taux n'alternent pas régulièrement avec les culs-de-sac intestinaux.
Les animaux en reproduction n'ont pas de taches vertes (dues
aux embryons qui apparaissent à travers le tégument) comme chez
P. Claparedii.
La coloration des jeunes est la même que celle des adultes.
OUVRAGES CITÉS
1890. JouBiN (L.). Recherches sur les Tiirbellariés des côtes de France
(Némertes). Arch. de lool. Exp. 2™« série, tome VIII).
1895. BuKGER. 0. Die Nemertinen des Golfes von Neapel und der
angrenzenden Meeres-Abschnitte. {F. u. FI. Neap. 22 Mono-
graphie.)
Paru le S5 Février 1907.
Les directeurs :
G. Pruvot et E.-G. Ragovitza.
Eug. MOBIEU, lœp. -Gtav., 140, Boul Kaspail. Paris (6)— Téléphone : 704 - 75
ARCHIVES
ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE
FONDÉES PAR
H. DE LACAZE DUTHIERS
PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE
G. PRUVOT ET E. G. RACOVITZA
Chargé de Cours à la Sorbonne Docteur es sciences
Directeur du Laboratoire Arago Sous-Directeur du Laboratoire Arago
4" Série T. VI. NOTES ET REVUE W07. N" 4.
L'AUTOTOMIE CAUDALE CHEZ QUELQUES RONGEURS
par L. CuÉNOT
Professeur à la Faculté des Sciences de Nancy.
L'autotomieévasive, suivantFheureuse expression deGiARD(1887),
est assez rare chez les Vertébrés ; on ne cite d'ordinaire, dans ce
groupe, que l'exemple classique de la queue des Sauriens. Cepen-
dant il en existe un second cas, très peu connu S chez quelques
Mammifères de l'ordre des Rongeurs : là encore, l'organe autoto-
misé est la queue, mais le processus d'évasion est tout autre que
celui des Sauriens. Jusqu'ici le phénomène n'a été constaté avec
certitude que chez trois espèces : une appartenant à la famille des
Muridés, le Mulot (Mus sylvaticus L.), et deux à la famille des
Myoxidés, le Lérot (Eliomys quercinus L.) et le Muscardin {Muscar-
dinus avellanarius L.)^.
* Je n'ai relevé dans la bibliographie que des remarques très incomplètes de
Lataste (1887, 1889) et une brève indication de Frenzel (1891) concernant le Muscardin.
* Je dois de particuliers remerciements à mon excellent ami M. Hecht, chef de
travaux à la Faculté des Sciences, qui a bien voulu me communiquer d'intéressantes
observations sur l»s Myoxidés, relativement à l'autotomie caudale.
ARCH. DE ZOOL. EXP. ET (JÉN. — 4' SÉRIE. — T. VI. D
NOTES ET REVUE
[. — Mus syluaticus
Quand on saisit un Mulot par la queue, presque toujours la gaîne
cutanée de celle-ci se détache à un niveau variable (fîg. 1) et reste
dans la main tandis que l'animal délivré s'enfuit ; la plaie ne saigne
pour ainsi dire pas. La partie de queue mise à nu se dessèche et
tombe deux ou trois jours après ; la queue ainsi raccourcie se cica-
trise très rapidement à son extrémité terminale. Il est inutile de
dire qu'il n'y a pas le moindre régénération de la partie éliminée.
En examinant des coupes transversales de queues, les unes
intactes (fig. %), les autres après décollement du fourreau cutané,
Fig. 1.
Fig. 1. — Queue de Mus sylvaiicus, après autotomie de la gaine cutanée; x 5,2 : A,
gaine cutanée détachée; on a représenté seulement les poils attachés à l'anneau
intéressé par la rupture; B, axe vertébral mis à nu, montrant les faisceaux tendineux
latéraux séparés par un sillon; l'anneau cutané, qui limite la partie restée intacte,
est dépourvu de poils.
on se rend facilement compte du dispositif qui permet l'autotomie.
L'axe de la queue est constitué par des vertèbres allongées,
réduites à leur corps, revêtues de quatre faisceaux longitudinaux
de muscles et de tendons ; les muscles sont au contact des vertèbres,
les tendons plus en dehors. Du côté ventral, on voit une grosse
artère caudale, accompagnée de la veine caudale, et entourée d'un
espace lymphatique ; chacun des faisceaux renferme un nerf, très
volumineux dans les faisceaux ventraux, plus petit dans les
faisceaux dorsaux. Le fourreau comprend l'épiderme stratifié
avec ses nombreux poils disposés par groupes, et une épaisse
couche de conjonctif renfermant sur la ligne médio- dorsale
et sur les côtés de petits nerfs et vaisseaux. Il n'y a presque
NOTES ET REVUE
LXXIII
pas, iradhérence entre le fourreau et Taxe, qui ne sont guère reliés
Tun à l'autre que par des connexions vasculaires et nerveuses, sur
les côtés notamment (en /v, fig. 2) ; un tissu très lâche, formé de
lamelles ou fibres conjonctives parallèles au contour axial, s'étend
entre la couche dermique dense et les quatre faisceaux longitudi-
naux : cette zone est très facile à rompre, et sur beaucoup découpes,
Fig. 2.
Pio. 2. _ Coupe transversale d'une queue intacte de Mus sylvaticus (tixation au formol
picrique alcoolique ; x 32) : a, épidémie ; c, poils disposés par groupes et surmontés
d'un tissu lacunaire irf, coupe de la vertèbre; /", nerfs; g, artère caudale; h, fais-
ceaux musculaires; i, faisceaux tendineux; k, vaisseau latéral logé dans la gaine
cutanée et donnant des rameaux à l'axe ; /, espace libre entre la gaine cutanée et l'axe.
ayant peut-être éprouvé au cours des manipulations un retrait un
peu plus marqué que d'ordinaire, c'est un véritable espace vide qui
sépare le derme de la partie axiale.
Le décollement, lors de l'autotomie, se produit naturellement à
ce niveau ; l'axe, à surface parfaitement lisse, emporte avec lui
l'artère et la veine caudales ; les côtés sont marqués (fig. 1), entre
Lxxiv NOTES ET REVUE
les faisceaux dorsal et ventral, par un sillon qui correspond à
l'adhérence latérale avec le fourreau ; c'est surtout en ce point qu'il
y a rupture de petits vaisseaux et nerfs. Les vaisseaux et nerfs laté-
raux restent naturellement inclus dans la gaîne cutanée.
D'autre part, la rupture de la gaîne cutanée se fait toujours à la
limite d'un des anneaux cornés qui revêtent la queue, mais d'une
façon un peu spéciale : l'anneau intéressé se dédouble dans son
épaisseur (fig. 1, A et B) ; la moitié profonde termine la partie de
gaîne autotomisée, c'est elle qui emporte les poils de l'anneau ; la
moitié superficielle termine la partie de queue restée intacte. Ce
dédoublement de l'anneau est lié à un détail de structure des poils,
bien visible dans les coupes longitudinales (fig. 3) : la gaîne épithé-
Fig. 3.
FiG. 3. — Coupe longitudinale du fourreau cutané, Mus sylvaiicus, après autotomie
((ixation au formol picrique alcoolique; x 63). La coup& entame quatre anneaux de
la queue ; a, epideriue; b, derme; c, poils entamés tangentiellement par la coupe;
d, glande sébacée; /, lacune adjacente au poil, suivant laquelle s'opère le dédou-
blement de l'anneau lors de l'autotomie.
liale du poil est surmontée, du côté qui regarde l'extérieur, par un
tissu conjonctif excessivement lâche, plus exactement par une
lacune à peine cloisonnée, qui sépare le poil du derme adjacent;
toutes les lacunes créent dans chaque segment annulaire une zone
de moindre résistance suivant laquelle s'opère la rupture.
On voit donc que l'autotomie du fourreau caudal est préparée par
des solutions de continuité du conjonctif ; c'est un phénomène pure-
meat mécanique, sans aucune intervention musculaire volontaire
ou réflexe, contrairement à ce qui se produit dans la plupart des
cas d'autotomie. Le fait est qu'on peut la provoquer aussi bien sur
un Mulot fraîchement mort que sur le vivant; infailliblement,
quand on soulève par le bout de la queue un Mulot mort, le fourreau
NOTES ET REVUE lxxv
caudal se décolle à un niveau variable ; par de très légères tractions
exercées sur la partie encore intacte, on peut enlever ensuite un
second cylindre de peau, puis un troisième, et dépouiller ainsi une
bonne partie de la queue On peut même observer le décollement
du fourreau sur des Mulots conservés dans du formol étendu, quoi-
que avec plus de difficulté.
Le décollement de la gaîne cutanée ne se produit très facilement
que sur les Mulots à queue tout à fait intacte ; quand ils ont subi
une fois l'autotomie, surtout si la queue a été notablement rac-
courcie, il est souvent impossible de provoquer à nouveau le phé-
nomène ; il est probable que le tissu cicatriciel qui s'est formé au
moignon amène une adhérence qui interdit une nouvelle autotomie
ou du moins la rend plus difficile.
J'ai mentionné plus haut que l'autotomie de la gaîne cutanée
est suivie à bref délai de la disparition de la partie axiale mise à
nu ; je ne saurais dire si cet axe, insensible et desséché, est rongé
par le Mulot, ou s'il tombe de lui-même ; je pencherais plutôt pour la
seconde manière de voir ; en effet, l'axe dépouillé ne se raccourcit
pas graduellement ; il reste intact pendant les deux ou trois pre-
miers jours qui suivent le décollement du fourreau, puis disparaît
brusquement. Il semble que c'est aussi l'opinion de Lataste (1887),
si j'en juge par la note suivante, page 294 : « 9 de Mus sylvaticus,
quand je l'ai reçue, avait le bout de la queue dépouillé. Au bout de
3 ou 4 jours, cette partie s'est desséchée et s'est d'elle même
séparée. »
Valeur défensive de l'autotomie du fourreau caudal. —
L'abandon du fourreau caudal a très probablement une valeur
défensive vis à vis des nombreux carnassiers, Mammifères, Oiseaux
et Reptiles, qui pourchassent les Mulots. Plusieurs fois, il m'est
arrivé de perdre ainsi des Mulots bien vivants et vigoureux, que je
tenais par la queue, soit avec les hologiques
de Némertiens pouvant servir à la déter-
mination des espèces et des variétés. Ce
n'est pas le plaisir de créer de nouvelles
espèces ou variétés- qui m'a poussé à la
publication présente, certes non ! J'étais
inspiré par le fait que j'ai constaté : cette
extraordinaire variabilité chez lés mêmes
formes dans les limites de l'espèce ^es plusieurs caractères morpho-
logiques.
C'est surtout la variabilité de la couleur qui a été observé jusqu'à
présent. Qu'on se souvienne de nombreux ^ynoftymes de Lineus
ruber (Mull.), qui représentaient des espèces différentes, avant que
BuRGER (1895) les eut réunies sous ce dernier nom, et qui n'étaient
que des variétés de couleur.
Fig. i3.
Fig. 13. — 0. brunnea Da-
vidoffi. Le stylet central,
son socle et isa tuntque
musculaire.
icii NOTES ET RE\'UE
D'autre part BCrger (1904) a créé récemment plusieurs sous-
espèces qui sont basées simplement sur la variabilité de couleur :
avec raison ou non, nous en reparlerons plus tard.
Dans la description de Prosorochmus Délagei ' j'ai montré quelle
variabilité règne dans l'appareil stylifère de cet animal. Ainsi en
est-il chez la plupart de Métanémertiens. Et pourtant Burger (1895)
Fig. 14.
FiG. 14. — A gauche: 0. brunnea lypica, adroite: 0. brunnea Davidoffi.
S. le statocyste ; », les statolithes.
indique toujours dans ses diagnoses la forme du stylet central et de
son socle, leurs dimensions relatives, le nombre de poches des
stylets accessoires, etc., comme caractères constants. Mais il n'en
est pas ainsi. Je veux donc indiquer d'autres caractères morpho-
logiques qui se distinguent par une très grande constance et par
conséquent peuvent servir pour une plus sûre détermination des
espèces.
Frn\!^r^Ti^^ ^f"^?^ nouvelles espèces de Nemertes de RoscotT [Arch. ZooL
^-rp. et Gen. I90,. \ol. \l, ,\otes et Retoe, N» 3. p. liv-lxk.
OUVRAGES CITÉS
1890
JouBiN (L.^. Recherches sur les Turbellariés des côtes de France
(Némertesl. Arch. deZool. Exp., 2»« série, tome VIII.
1895, BrRGER (0.). Die Nemertinen des Golfes yon Neapel und der
angrenzenden Meeres-Abschnitte. (F. u. FI. jeap. 22. Mono-
graphie).
NOTES ET REVUE
Mil
SUR I..\ CRÉATION D'UNE STATION ENTOMOLOGIQUK
A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE RENNES
par F. GuiTKi.
l'rofpssour de Zooloftio ;< retlo Knciilltv
L'iinporlation des plantes exotiques et de leurs parasites, les
puissants moyens de destruction employés rcuilre les anijuaux
insectivores et notamment contre les Oiseaux, la nuiltiplieilé et
l'énorme rapidité des moyens de transport, rendent île jour en jour
plus nécessaire la lutte contre les Insectes nuisibles.
Les Etats-Unis d'Amérique et le Canada ont été les ])r(>mitM's à
comprendre le rôle immense que pouvait jouer une lulle r;ition-
nelle engagée corn'tre ces animaux el dans aucun pays Télutle de
l'Entomologie appli([uée ne tient une aussi larg(> place dans Tensei-.
gnement. Toutes les Universités anu-ricaines sont en eirel iloli'cs
d'un service entomologique complet comprenant Laboraloircs,
Collections, Appareils, elc'
Il existe en outre une organisation de l'Entomologie api>li(|uée
qui n'a d'égale dans aucun pays. La division d'Entomologie du
Ministère de l'Agriculture dirigée par M. L. 0. Ooward et dont le siège
est h Washington comprend tout un personnel composé de savants
dont les travaux de science pure et de science appliquée sont con-
signés dans des Recueils spéciaux.
Certains Etats, comme ceux de Massachussets, New-York, Illinois
et Missouri 'Ont leurs entomologistes d'Etat et possèdent leurs Labo-
ratoires et leurs assistants.
Chacun des autres Etats possède une c< Agricultural ^^xperiment
Station n.
Les progrès réalisés dans ces dernières annik'S sous l'influence
de cette organisation ont été considérables, en particulier en ce qui
concerne l'application des Insecticides aux grandes cultures.
En Europe, Tllalie a été la première ;\ suivre rexem[»le donné par
l'Amérique. La «Station royale d'Entomologie agricole » de Eloi.ence
* Les renseignements concernant les établissements étrangers sont extraits pour la
majeure partie d'une noie intitulée : « l'Entomologie appli4. ; dérides {1904;.
GciÉREt et Peve.\c : Hémiptères, Pentatomides, Coréides et Bérylides '1903) ;
Lygéides 1905..
Charles Oberthcb, Lépidoptères (en préparation;.
.\OTES ET REVUE xcvii
ressources déjà bien insuffisantes. Quand on met en parallèle l'exi-
guité des moyens dont dispose notre jeune création et les sen.'ices
qu'elle a déjà rendus on ne peut s'empêcher de songer à ce qu'elle
pourrait réaliser si elle était convenablement dotée.
Legs Oberthur — La Station a déjà largement rendu au Labo-
ratoire de Zoologie l'aide pécuniaire qu'il lui a apportée. Elle a en
effet reçu de M. Charles Oberthur. l'éminent lépidoptèrologiste. une
collection de papillons, qui, lorsqu'elle sera complète, ne comptera
pas moins de 2-5.000 individus.
M. Charles Oberthur a en outçe donné à notre Station un exem-
plaire complet de ses magnifiquespublicationssur les Lépidoptères.
Services rendus. — En 1904. année de sa fondation, notre Station
n'a eu à fournir que 51 renseignements.
Dès l'année suivante, mieux connue, elle a eu à répondre à
239 lettres et n"a pas donné moins de 632 recettes.
En 1006 le nombre des demandes a été de 3.34 et celui des ren-
seignements fo'urnis s'est élevé à 492.
Notre Station a encore eu l'occasion de rendre un autre service
que ceux dont il vient d'être question. Elle a eu l honneur de con-
tribuer pour une large part à la réalisation d'une vaste expérience
d'Entomologie appliquée entreprise par les entomologistes améri-
cains. Les Zoologistes qui ne font pas leur spécialité de l'Entomo-
logie appliquée liront peut-être avec intérêt les lignes suivantes qui
se rapportent à cette expérience.
Tout le monde connaît le Liparis Euproctis) chrysorrhoea qui
s'attaque à presque tous les arbres forestiers et dont les chenilles, à
l'état jeune, hivernent dans des bourses soyeuses qu'elles tissent en
commun à l'entrée de la mauvaise saison en emprisonnant quel-
ques feuilles de l'arbre sur lequel elles sont nées.
Le £. chrysorrhoea se multiplie quelquefois à tel point que ses
chenilles périssent par myriades faut« d'aliments après avoir ravagé
des cantons tout entiers. C'est d'ailleurs spécialemenL contre cette
espèce que fut édictée la loi du Ip Mars 1796 sur léchenillage. Elle
a heureusement pour ennemis des entomophages très féconds de
sorte qu'elle devient parfois très rare pendant plusieurs années
consécutives Maurice Girard}.
Le E. chrysorrhoea a été importé aux Etats-Unis peu après 1890.
Ses chenilles ont été attaquées par des parasites américains : mais
dans une si faible proportion que le fléau s'est constamment accru
XGviii NOTES ET REVUE
dans les régions où il n'a pas été enrayé par des mesures destruc-
tives.
Il est même remarquable que l'invasion du E. chrysorrhoea n'a
jamais à aucune époque et dans aucune partie de l'Europe, pris les
proportions d'un déchaînement comparable à celui qui s'observe
annuellement dans la Nouvelle Angleterre.
La conclusion qui découle de ces faits est double. Il faut renoncer
à l'espérance de voir les parasites américains suffire à la tâche
d'enrayer le fléau qui va s'accroissant d'année en année. En outre
le procédé sur lequel il est permis de fonder les meilleures espé-
rances consiste à importer en Amérique les parasites et les autres
ennemis européens du E. chrysorrhoea.
Il n'y a d'ailleurs aucun inconvénient à importer en Amérique des
larves ou des nymphes non parasitées car les papillons issus de ces
formes peuvent être facilement détruits dès leur éclosion.
M. L. 0. Howard, chef du bureau de l'Entomologie au Départe-
ment de l'Agriculture à Washington, qui s'est fait une spécialité de
l'étude du parasitisme chez les Insectes, a fait tout exprès le voyage
d'Europe dans le but de se mettre en relation avec un grand nombre
d'entomologistes. lia ainsi obtenu de nombreux envois de larves et
de nymphes parasitées. M. le docteur Felippo Silvestri a même pu
lui faire expédier de Sardaigne 200 Calosoma sycophanta vivants.
Malheureusement ces différents envois ne sont pas toujours par-
venus en parfait état à destination et le moyen le plus pratique
d'importer en Amérique les nombreux parasites du E. chrysorrhoea
semble avoir été fourni par une intéressante découverte due au
Professeur Jablonowski de Budapest.
D'après cet entomologiste les bourses d'hiver du E. chrysorrhoea
contiennent de très nombreux parasites. Se basant sur ce fait
M. Howard a pris ses dispositions pour assurer l'expédition en
Amérique d'environ 80.000 nids de Liparis provenant de différentes
parties de l'Europe.
La Station entomologique de Rennes, mise au courant des
démarches américaines par M. René Oberthur, a eu le plaisir d'ap-
porter son concours désintéressé à l'œuvre entreprise de l'autre
côté de lAtlantique.
Renseignés par les demandes et par les envois de nos corres-
pondants nous savions qu'en 1905-1906 des nids de Liparis étaient
distribués en France sur une bande s'étendant du département de
NOTES ET REVUE xcix
l'Ain à celui de la Charente et coïncidant à peu près avec la bordure
Nord du Plateau central. M. Houlbert se transporta donc dans le
département de Flndre où il savait trouver les plus beaux nids et
de là pendant douze jours (du 23 novembre au 4 décembre 1905), il
a pu adresser en Amérique, par l'intermédiaire de M. René Oberthur,
environ lo.OOO nids soigneusement choisis parmi les plus beaux,
Daps une lettre que M. L. 0. Howard adressait à M. R. Oberthur,
le 22 août 1906, il s'exprimait de la façon suivante :
« Vous serez bien aise de savoir que les envois français de Chry-
« sorrhoea paraissent être parmi les meilleurs reçus d'aucune autre
« partie de l'Europe. Nous élevons, provenant de ces nids, non
« seulement un grand nombre de Pteromalus processioneae mais
« aussi quelques spécimens d'une forme intéressante connue sous
« le nom de Habrobracon brevicornis Westm. Ce dernier parasite
« n'a été élevé que de votre matériel et de quelques nids reçus de
« Berlin. Les parasites issus de ces nids européens ont immédia-
« tement déposé leurs œufs dans les larves américaines et se
« sont indubitablement multipliés maintenant aux environs de
« Boston... »'.
Pour l'élevage des Chenilles et de leurs parasites une maison de
la ville de Saugus (à quelques kilomètres de Boston) a été partiel-
lement aménagée en Laboratoire. Un assistant compétent habite
cette maison.
D'autre part trois grands arbres infestés par le Chrysorrhoea ont
été emprisonnés dans une vaste toile métallique formant une
immense cage dans laquelle sont mis en liberté les parasites
importés.
Au moment de la sortie des parasites un entomologiste expéri-
menté est chargé du soin de veiller à ce qu'aucun parasite secon-
daire ne soit mis en liberté. On désigne sous ce nom les insectes qui
vivent en parasites aux dépens des^parasites des chenilles.
Ainsi le Tachina larvarum (parasite primaire) large diptère tachi-
nide qui s'attaque en Europe à un certain nombre de chenilles de
grande taille, est parasité par le Chalcis flavipes (parasite secon-
daire). La mise en li.berté de ces Chalcis aurait pu compromettre le
1 Cette année (1906-1907) les nids de Chrysorrhoea ont complètement disparu des
régions visitées l'année précédente par M. Houlbert. Cette disparition, due évidemment
à l'action destructive des parasites, montre iiue les nids expédies a Boston par notre
Station étaient exactement à point pour l'importation en Amérique des ennemis du
Chrysorrhoea.
c NOTES ET REVUE
succès de racclinialation du parasite -primaire. Aussi tous les indi-
vidus de cette espèce, et d'une manière plus générale, tous les
parasites secondaires, étaient-ils mis à mort dès leur éclosion.
Les parasites secondaires peuvent eux-mêmes être attaqués par
d'autres parasites qui sont alors d;^signés sous le nom de parasites
tertiaires. Il est clair que ces derniers, contribuant à détruire les
parasites secondaires, agissent dans le même sens que les primaires
par rapportàl'hôte primitif et doivent être acclimatés comme eux*.
On voit que la vaste expérience actuellement réalisée en Amé-
rique est conduite avec une science consommée et une connais-
sance profonde de la biologie des animaux mis en présence. Sa
réussite aboutira sans doute pour les Etats-Unis, à un état de
choses analogue à celui qui s"est établi naturellement en Europe et
qui consiste en un équilibre instable mais périodique entre les
parasites et les parasités.
Une autre expérience tout a fait analogue à celle qui est actuel-
lement tentée contre le E. chrysorrhoea a été réajlisée il y a près de
vingt ans avec un plein succès par le grand entomologiste améri-
cain Riley. Sa complète réussite permet de fonder les plus grandes
espérances sur l'expérience actuelle.
VJcerya purchasi, cochenille originaire d'Australie, a été intro-
duite en Californie vers .1868. Elle lit dans, ce pays les plus terribles
ravages et menaça à un moment donné de ruiner la culture des
orangers, Riley obtint qu'en 4888, à foccasion de l'exposition de
Melbourne, deux agents de la Division d'Entomologie fussent
envoyés en Australie avec un crédit de 2.000 livres. L'un de ces
agents, M. Koebele, reçut la mission spéciale de rechercher les
parasites ou ennemis naturels de VJcerya. A son retour il rapporta
toute une collection de parasites ou prédateurs vivant aux dépens
de la Cochenille australienne. Parmi eux se trouvait le Novius car-
dinalis (appelé d'abord Vedalia cardinalis), espèce qui par les bien-
faits qu'elle était appelée à rendre, devait éclipser toutes les autres.
Une année et demie après son introduction elle avait débarassé la
région des Jcerya et réduit leur nombre à une quantité négligeable,
' Tous les renseignements se rapportant à 1 exporiencc américaine sont (sauf indi-
cation contraire) empruntés aux travaux suivants :
Public Document N° 73 : First annual Report of tiic superintendant for suppressing
the Gypsy and Brown-tail Mollis. Boston UiOfi.
L. 0. HowAKD, The Gypsy and Brown-tail Moths and their european parasites, Year-
book of Department of Agriculture for 19œ.
L. 0. Howard, The Brown-tail Moth and how to control it, Farmer's Bulletin N» 264.
NOTES ET REVUE ci
Le même succès a été obtenu plus récemment au Poi'fugal aux
environs de Lisbonne, où VJcerya avait aussi été introduite et était
devenue un redoutable fléau.
Dans ces dernières années une petite invasion d'Jcerya s'est pro-
duite près de Naples, mais a été immédiatement enrayée par la
même méthode '.
Ces beaux travaux font toucher du doigt les immenses services
que peuvent rendre à TAgriculture les Stations entomologiques
richement dotées^ et dirigées par de savants biologistes. Il est à
souhaiter qu'ils décident les Universités et les Pouvoirs publics
français à sortir de leur inaction et à suivre l'exemple donné de tous
côtés à l'étranger dans la lutte scientifique contre les Insectes nui-
sibles. Il y a là pour un généreux donateur une superbe occasion de
rendre un signalé service à notre pays.
' Je dois ces lignes relatives à YJcen/a purchasi à l'amabilité de mon excellent ami
M. Paul Marchai Directeur de la Station entomologique de Paris.
* En vue de la réalisation de l'expérience dirigée actuellement contre le Liparis
chrysoi'rhoea les Etats-Unis ont voté une somme de 62.5t)0 francs et l'Etat de Massa-
chussets, plus directement intéressé, une somme de 250.000 francs ; mais la totalité des
crédits votés pour lutter contre VE. chrysorrkoea et le L. dispar est beaucoup plus
considérable et s'élève en effet à la somme énorme de 300.000 livres soit 7.500.000 francs.
TABLE SPÉCIALE DES NOTES ET REVUE
1907. [4]. Tome VI
Articles originaux
Billard (A.). — Deux espèces nouvelles d'Rydroïdes de Madagascar (note pré-
liminaire) {avec 3 fig.), p. lxxix.
Bruntz (L.). — Sur l'existence d'éléments conjonctifs phagocyto-excréteurs
' chez les Schizopodes, p. xxni.
iBruntz (L.). — Sur l'existence d'éléments conjonctifs phagocyto-excréteurs chez
la Nébalie, p. xxviii.
Bruntz (L.). — Néphrocytes et néphrophagocytes des Caprellides, p. lvi.
Cuénot(L.). — L'hérédité de la pigmentation chez les Souris (5° note), p. i.
GuÉNOT (L.). — L'autotomie caudale chez quelques Rongeurs (avec 3 fig.),
p. LXXI.
Del.\ge (Y.). — Sur les conditions de la parthénogenèse expérimentale et les
adjuvants spécifiques de cette parthénogenèse, p. xxix.
cil NOTES ET REVUE
GuiïEL (F.)- — Sur la création d'une Station entomologique à la Faculté des
sciences de Rennes, p. xciii.
LoiSEL (G.)- — Recherches sui* les caractères ditTérentiels des sexes chez la
Tortue mauresque (avec 2 fig.), p. xxxviii.
OxNER (M.). — Sur quelques nouvelles espèces de Neniertes de Roscoff, {avec
6 fig.), p. Lix.
OxNER (M.)- -— Quelques observations sur les Nemertes de RoscolT et de Ville-
franche-sur-Mer {avec 14 fig.), p. lxxxii.
RocLt (L.). — Notes ichthyologiques. Les Scorpénides de la Méditerranée,
p. XIV.
Notice Nécrologique
Delage (Y.). — Charles Marty {avec un portrait hors texte), p. li.
Paru le 15 Mars 1907.
Les Directeurs :
G. Pruvot et E.-G. Ragovitza.
OC
Kng. MOBIEO, Imp.-Gmv., 140, Boul, KaipiU. Paii» (6) — Téléphone: 704 -7S
MBL/WHOI UBRARY
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