Les champignons qui croissent en France : description et iconographie - Claude Casimir Gillet, 1878



Le médecin et vétérinaire Casimir Gillet se passionne pour les champignons et rédige des textes scientifiques et de vulgarisation en mycologie.
En 1878, il publie son ouvrage sur les hyménomycètes.

Titre : Les champignons qui croissent en France : description et iconographie
Auteur : Claude-Casimir Gillet
Edition : Paris, Baillière, 1878
Format : in-octavo (23 cm), 133 planches, 828 pages, deux volumes.




L'auteur : Claude Casimir Gillet (1806-1896)



Claude Casimir Gillet est né le 19 mai 1806 à Dormans dans la Marne. Il exerce le métier de vétérinaire pour lequel il passe quatre ans en Afrique. A sa retraite, en 1853, il se passionne pour les champignons et publie plusieurs ouvrages de vulgarisation sur le sujet dont : Champignons de France. Les Discomycètes en 9 volumes publiés entre 1879 et 1887, et Les champignons qui croissent en France : description et iconographie en 1878.
Sa femme s’implique dans ces publications en peignant  les illustrations, épaulée de leur fille Clémence.
Claude Gillet est membre correspondant de la société Linnéenne de Normandie à partir de 1867 et s’intéresse  particulièrement aux espèces de champignons inventoriées dans la région. Il est également titulaire de la légion d’honneur.
Il meurt en 1896 à l’âge de 90 ans.
 

L’oeuvre : Les champignons qui croissent en France : description et iconographie propriétés utiles ou vénéneuses



Claude Casimir Gillet est un scientifique passionné par les champignons.
"[leur] étude est un véritable bienfait pour celui qui s’y applique, en ce qu’elle est pour lui une source constante de bonheur et de plaisir toujours nouveau" confit-il dans l’introduction de son ouvrage.
Les champignons qui croissent en France a été mis en dépôt à l’Arehn par le Muséum d’histoire naturelle de Rouen. Il s’agit d’un ouvrage en deux volumes (un atlas et un volume de texte) édité en 1878. La couverture rouge réhaussée d’un texte en dorures est recouverte d’un film plastique et certaines pages sont volantes, désolidarisées de la reliure toutefois le papier reste bien conservé.
Claude Casimir Gillet a pour ambition de vulgariser la mycologie et cet ouvrage doit être considéré comme "un guide propre à en faciliter l’intelligence et surtout à en rendre les abords moins difficiles".
Pour cela il tente de donner une "description aussi détaillée que possible des cryptogames qui croissent sur le sol de France".  Il s’inspire de la classification de Elias Magnus Fries (1794-1878,  professeur de botanique suédois considéré comme le père de la mycologie) en divisant  les champignons en six grands groupes : les hyménomycètes, les discomycètes, les pyrénomycètes, les gastéromycètes, les hyphomycètes et les gymnomycètes.

Mais Gillet ne présente dans cet ouvrage que le groupe des hyménomycètes. Il propose une description détaillée du groupe avant de procéder à la description systématique des différentes familles, genres et espèces. L’auteur réserve un paragraphe pour chaque espèce où il propose une description anatomique (chapeau, pied, couleur, etc.), des indications sur l’habitat de l’espèce,  sa période de maturation et éventuellement une anecdote historique.
Membre de la Société Linnéenne de Normandie, Gillet s’est particulièrement intéressé aux espèces normandes de champignons. C’est pour cette raison que, dans son ouvrage, une croix marque chaque espèce trouvée dans la région.
La classification des champignons a régulièrement évolué au cours de l’histoire, ainsi sous la description de certaines espèces, Gillet s’est attaché à mentionner les anciennes classifications avec le nom de leur auteur. Lorsqu’il s’agit d’une classification selon Bulliard, il fait référence au numéro de la planche correspondante dans l’Histoire des champignons de la France (l’Arehn dispose d’un exemplaire de cet ouvrage).
Certaines espèces sont illustrées par une planche dans le volume Atlas. Les espèces concernées présentent une annotation manuscrite dans la marge avec le numéro de la planche en question.
L’atlas contient 133 planches, éditées par série de 25 planches, au prix de 8 francs la série. Ces planches sont des lithographies donnant l’impression, pour certaines, d’être dessinées au crayon à papier. Pour la plupart elles ont été coloriées notamment par la femme de l’auteur.

Photos et illustrations




Page de titre.


Description des 6 grands groupes de champignons.


Description d’une espèce avec une croix marquant qu’il s’agit d’une espèce trouvée en Normandie.


Description avec une ancienne classification de Bulliard.


Planche de Bulliard.


Planche annotées  (planche 30).


Planche coloriée (planche 69).

 

En complément : La classification des champignons



Reproduction d’une affiche pour l’enseignement scolaire du XIXe siècle où les champignons sont regroupé, à tors, dans le groupe des Agaricus.
Les champignons ont longtemps été diabolisés, mal connus et redoutés pour leur toxicité. Ce n'est qu'à partir du XVIe siècle avec la diffusion des premiers documents imprimés que l'étude des champignons fait ses premiers adeptes.
Charles de l'Ecluse (1526-1609) en propose une première classification, en latin, dans son ouvrage : "Fungorum in Pannonis observatorum brevis Historia". Ce premier ouvrage de référence, datant de 1601,  décrit 105 espèces illustrées. A la même époque Gaspard Baudin (1560-1624) publie également ses travaux sur la classification naturelle des plantes où il inclut quelques champignons, donnant ainsi une impulsion à la taxonomie. En 1694, Joseph Pitton de Tournefort (1656-1708) décrit à son tour 160 espèces du règne mycologique réparties en sept genres dans son essai "Eléments de botanique".
Il est important de noter qu’avant le XVIIIe siècle les champignons, classés en seulement quelques groupes mal définis, sont inclus dans le règne végétal et dans les classifications botaniques. A cette époque, les moyens techniques ne sont pas suffisants pour connaître avec exactitude leur structure et leur composition. Ainsi, par ignorance, beaucoup de champignons à lamelles sont classés dans les Agaricus, ce qui est totalement erroné aujourd’hui.
Au début du XVIIIe siècle, les savants commencent à adopter l’idée que les champignons puissent appartenir à un règne à part de la botanique. En 1728,  Antoine de Jussieu (1686-1758) défend le regroupement des champignons et des lichens dans une même classe au sein du règne végétal appelé Fungi. 
Cependant, avec la parution de la classification binomiale de Carl von Linné publiée dans "Species Plantarum" en 1753, la mycologie connaît un véritable intérêt, même si les champignons n'y occupent pas une place véritablement séparée du reste des plantes.

Avec la classification de Carl von Linné, chaque être vivant est désigné par un nom de genre et un nom d’espèce. Elle se fait dans une langage scientifique et significatif c'est-à-dire déterminé en fonction de l’aspect, des caractéristiques ou des propriétés de l’individu à nommer (une indication sur la couleur, la forme, l’odeur, etc.). Paradoxalement, il arrive qu’une espèce porte plusieurs noms scientifiques dans le cas où un savant rebaptise, par ignorance, un spécimen déjà nommé. Par exemple l’Agaricus campestre, nom latin donné par Linné à l’Agaric champêtre, a été renommé par deux autres savants ayant radicalement changé le nom du genre : Lucien Quélet (1832-1899) lui  donne le nom de Psalliota campestis et Claude Casimir Gillet (1806-1896) le rebaptise Pratelle campestis.

Même si Carl von Linné donne une structure à la classification du règne végétal, l’étude systématique des champignons ne commence vraiment qu’à la fin du XVIIIe siècle avec l’apparition du microscope.
En s'appuyant notamment sur l'observation microscopique des spores, Pierre Bulliard (1742-1793) publie "Histoire des champignons de la France" entre 1791 et 1812. Cet ouvrage de référence, uniquement constitué de planches en couleurs, marque les prémices de la mycologie moderne.
 
Christiaan Hendrik Persoon (1761-1836) publie "Synopsis methodica fungorum"  en 1801 considéré comme le premier ouvrage entièrement consacré aux champignons. Mais l’histoire retient surtout Elias Magnus Fries (1794-1878), estimé aujourd’hui comme le père de la mycologie descriptive. Ce chercheur universitaire suédois publie entre 1821 et 1832, "Systema mycologicum" décrivant 2770 espèces de champignons. Il entraîne de nouvelles vocations qui s'illustreront dans la "découverte" de nouvelles espèces mais surtout dans leur classification presque définitive.
 
Au XIXe siècle, avec le perfectionnement des microscopes et leur utilisation plus systématique dans l’étude des champignons, la classification existante commence à être bouleversée. D’autant que le zoologiste allemand Haechel introduit dans le monde scientifique l’idée que les champignons occupent un règne à part, isolé de la botanique. 
 
L'intérêt pour la mycologie explose littéralement dans la deuxième moitié du XXe siècle avec les techniques modernes. La contribution de la chimie permet de découvrir des éléments importants notamment sur la pigmentation. Le développement des techniques microscopiques, informatiques et biomoléculaires continue à remettre en cause la classification établie depuis la fin du XVIIIe siècle.
Aujourd’hui, les études sur l'ADN entraînent encore de profonds bouleversements dans la classification des champignons.
La classification des champignons est une science est perpétuelle évolution. Dans les années 1990, le Rhodopaxilus nudus de la famille des Paxilacés a été rebaptisé Epista nuda de la famille des tricholomes, et d’autres changements sont encore à prévoir…
 
Aujourd’hui, même si les scientifiques représentent les champignons comme appartenant à un règne à part, le règne des Fungis, séparé de celui des plantes, ils continuent de leur appliquer la nomenclature botanique.
 

Sources :



Spécial Champignon Magazine : n°33 février-mars 2003
Sciences et Avenir Hors-série 108 septembre-octobre 1996
http://www.forum-hes.nl/forum/main_stocklist.phtml/subject/69/2/Friesland.html
http://mycorance.free.fr/valchamp/histomyc.htm