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Banque de France • Revue de la stabilité fi nancière – Numéro spécial liquidité • N° 11 • Février 2008

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La gestion du risque de liquidité

C

HARLES

 GOODHART

Professeur d’Économie bancaire et fi nancière

London School of Economics

Liquidité et solvabilité sont les deux piliers indissociables de l’activité bancaire, souvent impossibles 
à distinguer l’un de l’autre. Une banque illiquide peut rapidement devenir insolvable et inversement. 
Comme l’a souligné Tim Congdon (

Financial Times

, septembre 2007), dans les années cinquante, les 

actifs liquides représentaient en général 30 % de l’actif total des banques de dépôts britanniques et se 
composaient dans une large mesure de bons du Trésor et de titres publics à court terme. Actuellement, 
ces avoirs correspondent à 0,5 % environ et les actifs liquides traditionnels à quelque 1 % du passif. 

Les normes antérieures relatives à la transformation des échéances n’ont pas non plus été conservées. 
Des proportions croissantes d’actifs à long terme ont été fi nancées par des emprunts à relativement 
court terme sur les marchés interbancaires. Les conduits de fi nancement de tranches de crédits 
hypothécaires titrisés adossés à du papier commercial à trois mois en constituent un exemple extrême. 
Northern Rock en est un autre.

Ces problèmes d’incohérence temporelle sont diffi ciles à résoudre, notamment dans un contexte de crise 
(prévue) ; il convient de souligner que de nombreux aspects de la crise actuelle, mais pas tous, avaient 
été anticipés par les autorités de régulation du système fi nancier et, plus largement, par les banques 
centrales. Or, ces dernières ne disposaient tout simplement pas des instruments, ni sans doute de la 
volonté nécessaire pour remédier à la situation. Si les canots de sauvetage sont immédiatement mis à 
l’eau dès l’apparition des problèmes, et que des liquidités supplémentaires sont fournies à des conditions 
favorables, les banques sont incitées à accroître la densité de leurs constructions en zone inondable. 
Pourquoi devraient-elles s’inquiéter de la gestion de la liquidité lorsque c’est la banque centrale qui s’en 
charge ? Les banques achètent en quelque sorte une « option de vente » sur la banque centrale en matière 
de liquidité ; en effet, elles se défaussent du risque de liquidité sur la banque centrale. L’article entend 
pointer le besoin incontestable d’un examen calme et approfondi de ce que devraient être les principes 
de gestion de la liquidité bancaire.

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Charles Goodhart : « La gestion du risque de liquidité »

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Banque de France • Revue de la stabilité fi nancière – Numéro spécial liquidité • N° 11 • Février 2008

L

iquidité et solvabilité sont les deux piliers 
de l’activité bancaire, souvent impossibles 
à distinguer l’un de l’autre. Une banque 

illiquide peut rapidement devenir insolvable, 
et inversement. Lorsque le Comité de Bâle sur 
le contrôle bancaire a été mis en place en 1975, 
son président, George Blunden, s’est engagé, lors 
de sa première réunion, à tout mettre en œuvre 
pour favoriser l’adéquation des fonds propres et 
de la liquidité des grandes banques commerciales 
internationales. De fait, les normes de Bâle I ont mis 
un terme à la tendance baissière des ratios de fonds 
propres des banques, et l’ont même inversée. La plus 
grande solidité, dans le contexte actuel, des positions 
de fonds propres de la plupart des banques témoigne 
très clairement du bienfait de ces mesures.

Ce que l’on sait moins, c’est que dans les années 
quatre-vingt, alors qu’il était aux prises avec les 
questions d’adéquation des fonds propres, le Comité 
de Bâle tentait également de parvenir à un accord 
sur la gestion du risque de liquidité. Pour des raisons 
qui me sont encore inconnues, il a échoué. Ainsi, 
alors que l’on a observé une inversion de la tendance 
à la baisse des ratios de fonds propres, il n’en a pas 
été de même pour la liquidité. Comme l’a souligné 
Tim Congdon (

Financial Times

, septembre 2007), 

dans les années cinquante, les actifs liquides 
représentaient en général 30 % de l’actif total des 
banques de dépôts britanniques et se composaient, 
dans une large mesure, de bons du Trésor et de 
titres publics à court terme. Actuellement, ces avoirs 
correspondent à 0,5 % environ et les actifs liquides 
traditionnels à quelque 1 % du passif.

Les normes antérieures relatives à la transformation 
des échéances n’ont pas non plus été conservées. 
Des proportions croissantes d’actifs à long terme 
ont été fi nancées par des emprunts à relativement 
court 

terme sur les marchés interbancaires. 

Les conduits de fi nancement de tranches de 
crédits hypothécaires titrisés adossés à du papier 
commercial à trois mois en constituent un exemple 
extrême. Northern Rock en est un autre.

L’exemple classique de dilemme en matière 
d’incohérence temporelle est celui de la construction de 
maisons en zone inondable. En cas d’inondation, faut-il 
ou non sauver les habitants ? Ces dernières années, 
les banques ont érigé leurs stratégies sur des terrains 
inondables de ce type, leur problème étant celui d’une 
insuffi sance et non d’un excès de liquidité.

Ces problèmes d’incohérence temporelle sont 
diffi ciles à résoudre, notamment dans un contexte 
de crise (prévue) ; il convient de souligner que de 
nombreux aspects de la crise actuelle, mais pas tous, 
avaient été anticipés par les autorités de régulation 
du système fi nancier et, plus largement, par les 
banques centrales. Or, ces dernières ne disposaient 
tout simplement pas des instruments, ni sans doute 
de la volonté nécessaire pour remédier à la situation. 
Si les canots de sauvetage sont immédiatement 
mis à l’eau dès l’apparition des problèmes, et que 
des liquidités supplémentaires sont fournies à des 
conditions favorables, les banques sont incitées à 
accroître la densité de leurs constructions en zone 
inondable. Pourquoi devraient-elles s’inquiéter de la 
gestion de la liquidité lorsque c’est la banque centrale 
qui s’en charge ? Les banques achètent en quelque 
sorte une « option de vente » sur la banque centrale 
en matière de liquidité ; en effet, elles se défaussent 
du risque de liquidité sur la banque centrale.

En revanche, si on profi te d’une crise de liquidité 
pour pénaliser les brebis égarées qui n’ont pas été 
suffi samment prudentes dans la gestion de leur 
propre liquidité, et que les canots de sauvetage 
ne sont pas immédiatement mis à l’eau, on risque 
alors une noyade collective, sous la forme de faillites 
bancaires et de retraits massifs des dépôts. Le moins 
que l’on puisse dire, c’est que ces événements 
ne sont guère acceptés par le corps social. Sur le 
fait de savoir si une mise à l’eau plus précoce et 
plus énergique des canots de sauvetage aurait 
empêché cette catastrophe, nombreux sont ceux, en 
particulier parmi les victimes, qui soutiendront sans 
en démordre que tel aurait été le cas ; or, ce n’est 
qu’une hypothèse d’école. La fi délité aux principes 
vertueux en période de crise est sans nul doute 
admirable, mais elle peut aussi être dangereuse.

Ce dont nous avons incontestablement besoin 
aujourd’hui, c’est d’un examen calme et approfondi 
de ce que devraient être les principes de gestion 
de la liquidité bancaire. Dans un système fi nancier 
mondialisé, cette mission devrait être assurée sur 
une base multilatérale au sein du Comité de Bâle sur 
le contrôle bancaire. Ce n’est pas un exercice facile. 
Le Comité s’est déjà attelé une fois à cette tâche, 
mais sans succès ; il lui faut donc recommencer.

En ce qui concerne la gestion de la liquidité, quel est 
exactement le bon partage de responsabilités entre 
les banques commerciales et la banque centrale ? 

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Banque de France • Revue de la stabilité fi nancière – Numéro spécial liquidité • N° 11 • Février 2008

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Certains estiment que ces responsabilités devraient 
presque entièrement être du ressort de la banque 
centrale, mais d’autres préconisent un retour à des 
pratiques bancaires plus traditionnelles. Quant à la 
transformation des échéances, combien de temps 
une banque resterait-elle en mesure d’honorer ses 
engagements si la liquidité du marché interbancaire 
dont elle est dépendante s’asséchait brutalement, 
comme nous savons maintenant que cela peut se 
produire, pendant un jour, une semaine, un mois, 
un trimestre ou plus longtemps ? Je ne connais pas 
de moyen satisfaisant de résoudre ce problème, ni 
de travaux de recherche vraiment convaincants en 
la matière.

Ce que je sais en revanche, c’est qu’il faut aborder ce 
sujet en termes de principes généraux, plutôt qu’en 
imposant des ratios ou des minima. La métaphore 
ou parabole qui illustre le mieux la réglementation 
prudentielle est celle du voyageur épuisé qui arrive 
à une heure tardive au terminus et, à sa grande 
satisfaction, voit un taxi susceptible de l’emmener 
vers sa destination encore lointaine. Il le hèle, mais 
le chauffeur lui répond qu’il ne peut pas le prendre 
en charge, parce qu’un règlement local impose qu’il 
y ait toujours un taxi disponible à la gare. La liquidité 
requise n’est pas la véritable liquidité utilisable. 
J’ajouterais même que les fonds propres minima 
exigés ne représentent pas des capitaux pleinement 
utilisables du point de vue d’une banque.

Les principes de gestion de la liquidité (et aussi, 
selon moi, d’adéquation des fonds propres) doivent 
s’appliquer de façon bien plus discrétionnaire, au 
pilier 2 plutôt qu’au pilier 1. Mais cela me place dans 
une position très éloignée de celle de la plupart des 
universitaires américains, qui pensent qu’on ne peut 
tout simplement pas faire confi ance aux régulateurs. 
Selon eux, les règles et les réglementations sont 
nécessaires pour contraindre le régulateur, au 
moins autant que pour contraindre ceux à qui elles 
s’appliquent. S’il devait en être ainsi, l’accompagnement 

indispensable

 de tout ensemble de règles, ou de 

ratios exigés, serait une échelle de sanctions toujours 
plus sévères car la règle des bonnes pratiques est 
de plus en plus transgressée. Défi nir des niveaux 
minima sans établir une échelle correspondante de 
sanctions favorise le laxisme et l’apparition de crises 
du crédit. Une des caractéristiques du Comité de 
Bâle, qui pose problème à certains égards, est qu’il 
n’est qu’un comité consultatif 

ad hoc

 ne disposant 

d’aucun pouvoir juridique sur le plan international. 

Ainsi, il s’est estimé quasiment incompétent pour 
traiter de la question des 

sanctions

 à appliquer, le cas 

échéant, si les banques ou les systèmes bancaires ne 
respectaient pas ses propositions et ses principes de 
bonne gestion.

Laissons de côté pour le moment la question des 
sanctions, tout en notant que leur formulation 
réfl échie est un élément à part entière et essentiel 
de tout système de réglementation bien conçu, et 
revenons à la question des principes de gestion de la 
liquidité. Malheureusement, le terme de « liquidité » 
comporte de si nombreuses acceptions qu’il est 
souvent contre-productif de l’utiliser sans en donner 
une défi nition plus précise. Je me concentrerai 
sur deux de ces aspects : le premier concerne la 
transformation des échéances, la maturité des 
différentes catégories de passifs et d’actifs d’une 
banque, et le deuxième la liquidité inhérente 
des actifs d’une banque, c’est-à-dire la rapidité 
avec laquelle ils peuvent être cédés sans perte 
signifi cative de valeur, quelle que soit la situation du 
marché. Vous en conviendrez je l’espère, il s’agit là 
d’éléments essentiels de la position de liquidité de 
toute banque.

En outre, ces deux éléments de la gestion de la liquidité 
bancaire sont eux-mêmes étroitement imbriqués. 
Plus les actifs d’une banque sont liquides et cessibles 
à tout moment à un prix ferme, moins la banque doit 
se préoccuper de la transformation de ses échéances, 
puisqu’elle peut compenser les retraits de passifs avec 
le produit des cessions d’actifs. En ce qui concerne la 
débâcle de Northern Rock, il semble que cette banque 
avait prévu de titriser une proportion importante 
de son portefeuille de créances immobilières en 
septembre. Lorsque cela est devenu impossible en 
raison de la situation du marché, l’exposition de 
cette banque aux problèmes de fi nancement sur les 
marchés de professionnels s’est considérablement 
aggravée. En revanche, moins il y a de transformation 
d’échéances, moins une banque n’a à se préoccuper 
du taux d’intérêt intermédiaire et du risque de marché 
sur ses actifs, puisqu’elle peut les conserver jusqu’à 
l’échéance et surmonter toutes les crises survenant 
dans l’intervalle. S’il y a une leçon à retenir, c’est qu’il 
faut tenir compte simultanément tant de l’actif que 
du passif d’une banque en vue d’évaluer sa liquidité 
d’ensemble.

En économie, l’un des problèmes de fond réside 
dans le fait qu’une décision stratégique prise par 

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Charles Goodhart : « La gestion du risque de liquidité »

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Banque de France • Revue de la stabilité fi nancière – Numéro spécial liquidité • N° 11 • Février 2008

une catégorie importante d’agents, tels que les 
autorités monétaires et les autorités chargées de la 
réglementation, affecte le comportement de tous 
les autres agents (critique à la Lucas). À cet égard, 
la volonté des banques centrales de prêter contre 
certaines classes d’actifs, c’est-à-dire de les accepter 
comme garanties, affectera à son tour la liquidité 
de ces actifs. L’une des évolutions malheureuses 
de la dernière crise est l’apparente confusion qui 
a régné entre les principales banques centrales 
quant à la nature des actifs qui devaient, et de 
ceux qui ne devaient pas, être utilisés en garantie 
des opérations de pension. Comme cette question 
dépend certainement en grande partie de l’histoire et 
de la diversité des structures des systèmes bancaires 
dans les différentes zones monétaires, il est possible 
que l’uniformisation des pratiques entre les banques 
centrales ne soit ni réalisable, ni souhaitable. Il serait 
de toute façon intéressant de savoir pour quelles 
raisons elles ont adopté des procédures différentes. 
Les banques centrales concernées pourraient 
peut-être organiser une conférence (privée) pour 
tirer cela au clair.

Pour des questions de ce genre, il est tentant de 
retourner aux principes établis par Bagehot

 1

,

c’est-à-dire de prêter librement, mais à un taux élevé 
et contre des garanties solides. Il y avait deux raisons 
de mettre l’accent sur la qualité des garanties : 
il s’agissait en premier lieu de protéger le prêteur, 
c’est-à-dire la banque centrale, contre le risque 
de défaillance du crédit et en deuxième lieu, 
d’encourager les banques à accorder des prêts plus 
sûrs, moins risqués et moins spéculatifs, c’est-à-dire 
de prêter contre des effets de commerce (qui sont 
« réels ») plutôt que contre des effets fi nanciers (qui 
sont « spéculatifs »). Du temps de Bagehot, le premier 
objectif et, dans une certaine mesure, le second étaient 
réalisés en prêtant sur la base de papier commercial 
comportant deux signatures, dont celle d’une autre 
banque, une maison d’escompte (moyennant une 
faible commission) ; par cet endossement, celle-ci 
s’engageait à payer la valeur faciale de l’effet à 
l’échéance, si le tireur était défaillant.

Une des questions que suscitent actuellement les 
opérations de marché, et de prêteur en dernier 
ressort, d’une banque centrale est de savoir dans 
quelle mesure celle-ci doit élargir la gamme des 
actifs qu’elle achète ou contre lesquels elle accorde 

des prêts, pour y inclure des créances sur le secteur 
privé, tels que des créances hypothécaires et des 
créances négociables sur des entreprises de premier 
plan, en plus des créances sur les administrations 
et les organismes publics. Il ne fait évidemment 
aucun doute que ces créances, lorsqu’elles sont de 
qualité suffi sante, constituent des actifs bancaires 
traditionnels et appropriés. En outre, comme la 
banque centrale peut compter sur la quasi-perpétuité 
de son privilège d’émission fi duciaire, elle est capable 
d’absorber les risques de marché et de liquidité. En 
revanche, elle ne peut accepter le risque de crédit ; 
or, en raison de l’asymétrie de l’information, elle 
se verra certainement proposer les actifs les plus 
risqués au sein de la catégorie des actifs acceptables 
détenus par la banque commerciale emprunteuse, 
permettant ainsi à celle-ci d’accéder au marché avec 
ses actifs de meilleure qualité.

Le temps est peut-être venu de retourner au concept 
de l’effet revêtu de deux signatures : la banque cédant 
des actifs à une banque centrale endosse cet effet, de 
sorte que toute défaillance de la part du tireur reste à 
la charge de la banque emprunteuse, la nature de la 
créance ayant alors un caractère prioritaire par rapport 
aux autres créanciers (à l’exception des déposants 
assurés). Cela élargirait la gamme acceptable des 
garanties, protégerait la banque centrale et rejetterait 
les risques d’illiquidité sur les créanciers de second 
rang de la banque commerciale, sur la dette 
subordonnée et sur les actionnaires à qui il incombe 
d’y faire face. Cela règlerait également, en partie, la 
question de l’importance de la décote que la banque 
centrale devrait encore exiger pour se protéger contre 
les risques de taux d’intérêt et de marché.

La plupart des injections de liquidité sont toutefois 
effectuées par le biais d’opérations de pension plutôt 
que par des achats ferme. Dans ce cas, la banque 
emprunteuse est déjà la première signature et la 
garantie fournit la deuxième. Dans ces circonstances, 
qui sont normales, des problèmes peuvent encore 
apparaître si la qualité de signature (la solvabilité) 
de l’emprunteur se trouve corrélée au prix de 
l’actif, ce qui pourrait facilement être le cas lorsque 
l’opération de pension est garantie par des actifs du 
secteur privé

 2

.

La question qui se pose ensuite aux autorités 
monétaires concerne l’échéance de leurs opérations. 

Bagehot (W.) (1873 ) : 

“Lombard Street”

Je remercie Julian Wiseman pour ses commentaires sur la question.

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Banque de France • Revue de la stabilité fi nancière – Numéro spécial liquidité • N° 11 • Février 2008

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La dernière crise a été atypique dans la mesure 
où elle n’était pas liée à une insuffi sance  de 
trésorerie, mais plutôt à une inquiétude quant à 
la disponibilité des fi nancements permettant de 
faire face aux engagements futurs (en raison du 
non-renouvellement des ABCP), à un moment 
où la solvabilité des autres banques pouvait être 
mise en doute. Par conséquent, les marchés 
interbancaires de l’argent à trois mois se sont 
asséchés, car les banques ont cherché à mettre des 
fonds de côté en interne et sous forme de bons du 
Trésor, à un moment où l’argent au jour le jour 
était généralement abondant. La demande que les 
banques commerciales adressaient à la banque 
centrale était sous forme de prêts à trois mois. 
Mais pour garder les taux au jour le jour à un niveau 
proche du taux directeur, les prêts supplémentaires 
consentis sur cette échéance plus longue auraient 
dû être compensés par des prises en pension 
ou par des ventes à l’

open market

 sur l’échéance 

plus courte. Une telle « torsion » des opérations 
aurait-elle eu beaucoup d’effet ? Des études sont 
nécessaires pour répondre à cette question.

La banque centrale peut fi xer le taux directeur 
à court terme qu’elle privilégie à partir d’un 
volume comparativement très faible d’opérations 
d’

open market

, car l’assiette des réserves effectives 

de liquidité, c’est-à-dire le volant détenu au-delà 
du ratio minimal exigé est très limitée. Essayer 
de modifi er la courbe des rendements 

pourrait

nécessiter de recourir à des achats massifs sur les 
échéances les plus longues, pratiquement compensés 
par des opérations de cession temporaire d’ampleur 
comparable sur le compartiment à court terme. 
Peut-être le jeu en vaut-il la chandelle, mais quel en 
serait le coût ?

Personnellement, j’aurais préféré que les opérations 
se déroulent dans la partie inférieure du corridor 
de taux d’intérêt, en permettant aux banques 
commerciales de détenir des dépôts à plus 
long terme (à trois mois, par exemple) auprès de 
la banque centrale, à un faible coût par rapport aux 
taux directeurs, ou même en les y encourageant. 
Si les banques commerciales ne veulent pas 
s’accorder de prêts entre elles, elles prêteront à la 

banque centrale ; celle-ci peut toujours garantir, 
grâce à une politique expansive d’

open market

, que 

les banques commerciales auront un accès suffi sant 
et certain à des disponibilités, non seulement au 
jour le jour, mais également sur des échéances 
plus longues afi n d’éliminer de purs problèmes de 
liquidité

 3

.

Tout cela nous ramène à notre point de départ : 
jusqu’à quel point les banques centrales doivent-elles 
autoriser les banques commerciales à leur transférer 
la gestion de la liquidité. Clairement, si les banques 
commerciales peuvent toujours se reposer sur 
la banque centrale, elles procéderont à des 
transformations d’échéances maximales, en détenant 
des prêts à vingt ans en contrepartie de fi nancements 
sur le marché interbancaire au jour le jour, afi n de 
tirer parti de toutes les primes de liquidité et de 
la pente normalement ascendante de la courbe des 
rendements. Une condition essentielle est de veiller 
à ce qu’une telle situation ne génère pas des risques 
asymétriques entre d’une part, la banque centrale 
et le contribuable et la banque commerciale d’autre 
part, et ma proposition de double signature des effets 
va dans ce sens. Néanmoins, il n’est certainement 
pas souhaitable pour une banque centrale d’être 
placée dans la perspective de détenir des actifs par 
milliards pour de très longues périodes, comme la 
Banque d’Angleterre a dû le faire avec Northern Rock. 
Le 24 octobre, le montant total atteignait 20 milliards 
de livres sterling et continuait d’augmenter, ce qui 
est loin d’être une situation satisfaisante.

Or, comment déterminer le niveau approprié de la 
transformation d’échéances ? Quels principes mettre 
en œuvre ? Cette question est d’ailleurs liée à celles 
soulevées antérieurement quant à la qualité des 
actifs. Si la banque détient un stock d’actifs liquides 
de très haute qualité, la transformation d’échéances 
peut être plus grande car le risque de fi nancement 
peut être couvert par la vente ou le nantissement 
d’actifs de grande qualité. Un arbitrage existe 
entre la liquidité des actifs et la transformation des 
échéances. Ce dont nous avons sans doute besoin, 
c’est d’un état des relations entre la liquidité des actifs 
et la transformation d’échéances, où cette dernière 
varie de 0 (pas de transformation) à l’infi ni et où la 

Effectuer des opérations dans la partie inférieure (dépôts) du corridor des taux d’intérêt n’est pas une idée farfelue. Faisant autorité sur la question, Woodford, 
dans « 

Globalization and monetary control »

, document de travail du NBER n° 13329 (août 2007) page 43 et note de bas de page 38, décrit la variation des taux 

d’intérêt sur la base monétaire comme un élément essentiel de la mise en œuvre de la politique monétaire dans les pays disposant de « canaux de transmission ». 
Cf. également Berentsen et Monnet, « 

Monetary policy in a channel system »

, étude présentée lors de la conférence organisée conjointement par la Banque 

d’Angleterre et la BCE sur le thème « 

Payments and monetary and fi nancial stability »

, Francfort, 12 novembre 2007.

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Charles Goodhart : « La gestion du risque de liquidité »

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Banque de France • Revue de la stabilité fi nancière – Numéro spécial liquidité • N° 11 • Février 2008

liquidité des actifs est mesurée en pourcentage des 
actifs, comme suit :

Transformation effective des échéances

0

30

60 100 Infi nie

Liquidité appropriée des actifs

0

5

10

30

100

Le problème est que cela suppose l’existence d’une 
échelle de mesure, cardinale ou ordinale, unique et 
reconnue, de la transformation d’échéances et de 
la liquidité des actifs. Or, ce n’est pas le cas. Une 
banque dispose d’une gamme étendue d’actifs et de 
passifs assortis de diverses conditions (par exemple, 
des pénalités pour retrait anticipé, des clauses de 
révision de taux d’intérêt, etc.). Comment peut-on, 
ou doit-on, comparer les positions de deux banques 
en termes de transformation d’échéances ? Dans 
le passé, les autorités de surveillance ont envisagé 
de construire des échelles d’échéances permettant 
d’observer la position nette des banques à divers 
horizons, par exemple :

Jusqu’à 1 

semaine

De 1 à 4 

semaines

Jusqu’à 

3 mois

De 3 à 

6 mois

Plus de 

6 mois

Banque A

+ 20

- 40

- 50

+ 10

+ 60

Banque B

- 30

+ 20

- 10

--

+ 20

Comment comparer la position de liquidité de la 
banque A et de la banque B ? Par ailleurs, comment 
traiter les dépôts de détail, payables à vue mais 
réputés les plus stables et les plus fi ables de tous 
les engagements ? Et qu’en est-il des engagements 
conditionnels ? Les banques IKB et Sachsen ont dû être 
renfl ouées lorsque le fi nancement de leurs conduits 
sur le marché est devenu si problématique qu’elles 
ont été obligées de les réinscrire à leur bilan, sans 
disposer des fonds propres nécessaires à cet effet.

Dans son discours de Belfast du 9 octobre 2007, 
Mervyn King a comparé les conséquences des 
problèmes de Countrywide aux États-Unis avec celles 
de Northern Rock au Royaume-Uni. Les engagements 
de Countrywide étaient garantis ; ceux de Northern 
Rock ne l’étaient pas. La vague de retraits de fonds 
qui a touché Countrywide a été beaucoup moins 

massive et politiquement dommageable que dans 
le cas de Northern Rock. Or, les banques qui ont 
accordé des garanties à Countrywide avaient dans 
le même temps affaibli leur position de liquidité. 
Lorsque la banque A accorde une garantie à la 
banque B et la banque B à la banque A, toutes deux 
semblent avoir garanti leurs engagements, mais en 
réalité il n’y pas eu de réduction, mais seulement 
un réarrangement du risque de liquidité agrégé, 
peut-être d’une manière plus favorable d’un point 
de vue systémique, mais peut-être pas.

Avant de nous précipiter pour entreprendre une 
action normative exigeant des banques le respect 
de certains principes de gestion de la liquidité, 
un important travail de recherche doit être mené 
à bien pour défi nir la méthode de mesure de la 
transformation d’échéances, l’objectif étant de la 
réduire à une échelle unique (comme la mesure 
de la VaR pour le risque de marché des banques). 
Pouvons-nous trouver un équivalent de la VaR 
pour la transformation d’échéances ? Un problème 
similaire se pose pour la mesure de la liquidité des 
actifs.  Il n’existe pas de barrière nette d’un côté 
de laquelle tous les actifs devraient être à 100 % 
des actifs liquides et 0 % de l’autre. Ici encore, un 
important travail de mesure doit être effectué.

En raison de la nature de cet exercice, nous savons 
que tout système de mesure sera imparfait, fl ou et 
qu’il permettra bien des spéculations (à l’instar de la 
VaR). Cela signifi e que de tels exercices de mesure 
doivent servir à établir des principes, et non pas 
des exigences en termes de ratios ou de seuils. Les 
autorités de contrôle devraient s’appuyer sur ces 
principes pour entamer un dialogue avec les banques 
qui descendraient nettement au-dessous des niveaux 
appropriés. Mais elles devraient également avoir la 
faculté, une fois ce dialogue établi, d’exiger que les 
banques commerciales améliorent leur position de 
liquidité et d’imposer des sanctions en cas de non 
respect de cette exigence. Cela nous ramène à la 
question des sanctions appropriées. Mais c’est là 
l’objet d’un autre débat.


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