Homo rudolfensis et Homo habilis
 

De la difficulté de définir Homo habilis

  Les chercheurs ont souvent des difficultés pour caractériser les restes fossiles des hommes anciens.
   
 

Depuis, la première découverte en 1959 des restes crâniens des premiers représentants du genre Homo en Afrique orientale, et malgré les nombreux restes squelettiques et dentaires récoltés ultérieurement, il n'existe aucun consensus concernant la taxinomie et le nombre de spécimens attribués à Homo habilis Leakey et al., 1964.

Trois hypothèses sont avancées à partir des données crâniennes et mandibulaires relevées sur les spécimens classiquement attribués à Homo habilis sensu lato :
- les spécimens de Koobi Fora (Kenya), d'Olduvai (Tanzanie), et de l'Omo (Ethiopie) appartiennent à un même taxon : Homo habilis
- d'autres chercheurs reconnaissent deux groupes distincts dans ce même échantillon : Homo habilis et Homo rudolfensis
- pour d'autres encore, ces deux espèces Homo habilis et Homo rudolfensis n'appartiennent pas au genre Homo mais au genre Australopithecus.

 
  Gisements en Afrique Orientale
   
 


Les premiers spécimens furent découverts en Afrique orientale, dans la gorge d'Olduvai en 1959 dans les mêmes couches stratigraphiques où fut exhumé par Louis Leakey, l'année précédente, le crâne OH5 (holotype de l'espèce Zinjanthropus boisei). C'est pourquoi, ces premiers spécimens furent baptisés au moment de leur découverte du nom de Prézinjanthrope par Louis Leakey en 1961. Malgré les nombreuses découvertes (OH 4 en 1959, OH 7 et OH 8 en 1960) la constitution et la définition de ce nouveau taxon ne furent établies qu'en 1964 après une longue période de mesures comparatives et de reconstructions. La mise au jour en 1963 de nouveaux spécimens tels que OH 13 et OH 16 dans les niveaux I et II de la gorge d'Olduvai, partageant des caractéristiques communes avec OH 7, a permis de confirmer l'hypothèse de Louis Leakey, Philipp Tobias et John Napier, de l'existence d'une nouvelle espèce : Homo habilis. Associés à ces éléments osseux, des artefacts lithiques ont été découverts. Les chaînes opératoires et les techniques employées demeurent simples : percussion directe avec un percuteur de pierre ou sur enclume. Cette industrie qualifiée d'Oldowayenne est constituée essentiellement de galets taillés sur une ou deux faces, d'éclats aux bords vifs ou retouchés.

Cette nouvelle espèce fut définie initialement par les caractéristiques suivantes :
- une capacité crânienne supérieure à celle des Australopithèques et inférieure à celle des Homo erectus. Elle fut estimée à partir de la largeur bipariétale à 675-680 cm3, ce qui correspondait à 1 fois et demi le volume endocrânien des Australopithèques sud-africains. Cette capacité cérébrale s'insérait, à l'époque, entre la limite supérieure de celle des Australopithèques et la limite inférieure de celle des Homo erectus
- un os maxillaire et une mandibule de dimension plus petite que ceux d'Australopithecus et s'inscrivant dans la variabilité de Homo erectus et de Homo sapiens
- un développement faible du menton ainsi qu'une orientation postérieure de la symphyse mandibulaire
- les superstructures sont faiblement marquées
- la courbure sagittale de l'os pariétal pouvant varier de légère (chez les homininés) à modérée (chez les australopithécinés)
- la courbure externe de l'os occipital a un angle relativement ouvert (inférieur à celui de Australopithecus et de Homo erectus et dans la variabilité de l'homme actuel)
- des prémolaires et des molaires particulièrement allongées et peu larges - des incisives relativement larges comparées à celles d'Australopithecus et de Homo erectus
- certains éléments du squelette (le pied, la clavicule et les os de la main) sont très similaires à ceux de Homo sapiens.

Les spécimens sont omnivores, de petite taille, environ 1,25 mètres et leur poids corporel est estimé à 30-32 kilogrammes.

En 1972, quatre ans après le début des fouilles sur le site de Koobi Fora, situé à l'Est du lac Turkana, une centaine de fragments osseux appartenant à un même individu KNM-ER 1470 furent découverts. Richard Leakey plaça initialement ce spécimen dans le taxon Homo sp. puis considéra cet individu comme appartenant à Homo habilis. Après un réexamen de ce fossile, Alexeev (1978) établit la diagnose de l'espèce Pithecanthropus rudolfensis. Ce spécimen présente des orbites extrêmement hautes, une ouverture nasale très étroite et un torus supra-orbitaire développé plus médialement que latéralement. Ces spécimens omnivores, sont de plus grande taille, environ 1,6 mètres et leur poids est estimé à 50-52 kilogrammes.

Seuls deux spécimens, OH 7 et OH 62 possèdent à la fois des éléments crâniens et postcrâniens. Aucun élément postcrânien n'est attribué avec certitude à Homo rudolfensis.

Eléments
anatomiques

Olduvai
(Tanzanie)

Koobi Fora
(Kenya)

clavicule

OH 48

 

humérus

OH 62

KNM-ER 3735

radius

OH 49, OH 62

KNM-ER 3736

ulna

OH 62

 

os de la main

OH 7

 

côte

OH 50

 

os coxal

KNM-ER 3228

fémur

OH 62

KNM-ER 1472, KNM-ER 1481

tibia

OH 35, OH 62

KNM-ER 813, KNM-ER 1481

fibula

OH 35

KNM-ER 1481

os du pied

OH 8, OH 10, OH 43

KNM-ER 813

     

Tableau 1 : Tableau récapitulatif des découvertes des éléments postcrâniens des spécimens ayant des affinités avec l'espèce Homo habilis.

Répartition géographique
Les spécimens ont été découverts dans les sites de Hadar, de la vallée de l'Omo en Ethiopie, de Koobi Fora, de Chemeron au Kenya, d'Olduvai en Tanzanie, de Uraha au Malawi et dans les sites de Drimolen, de Swartkrans et de Sterkfontein en Afrique du Sud.
Pour le continent asiatique, la mandibule trouvée dans le site de Longuppo en Chine aurait des affinités avec les premiers représentants du genre Homo (Homo habilis ou Homo ergaster).

Gisements en Afrique du Sud
   
 
Répartition chronologique
D'un point de vue chronologique, les premiers représentants du genre Homo se répartissent de 2,45 millions d'années pour les plus anciens à 1,55 millions d'années pour les plus récents.
 

Tableau 2 : Répartition chronologique de l'Homo habilis

Plusieurs caractères anatomiques permettent de distinguer les spécimens attribués à Homo habilis et à Homo rudolfensis . Ils sont repris ici sous forme de tableau.

 

Homo rudolfensis

Homo habilis

épaisseur de la voûte crânienne

épaisse

mince

dépression en arrière de la région orbitaire

absente

présente

dépression postorbitaire latérale

absente

présence

position des lignes courbes temporales

médiane

haute

forme de l'écaille de l'os temporal

haute et arrondie

basse et triangulaire

orientation du bord antérieur de l'écaille de l'os temporal

antérieure

verticale

jonctions des crêtes mastoïdiennes et supramastoïdiennes

jonction

pas de jonction

inclinaison de la région de la nuque

faible

forte

torus occipital

absent

développement médial

forme de la racine du processus zygomatique de l'os temporal

plane

elliptique

largeur de la face supérieure / face moyenne

large

identique

position du point frontomaxillaire par rapport à la rangée dentaire

P4-M1

M1

taille de l'os zygomatique

grand

court

fosse zygomatico-maxillaire

absente

présente

individualisation de la région incisive par rapport à l'ouverture nasale

région incisive participe à l'ouverture nasale

région incisive indépendante de l'ouverture nasale

forme des orbites

carrée

rectangulaire à allongement supéro-inférieur

position du bord supérieur de l'orbite par rapport au bord inférieur
dans le même plan
en position antérieure
surface occlusale de la troisième molaire/ à la deuxième molaire
>1
<1
taille des incisives
grande
petite
forme de la région mentonnière
subrectangulaire
convexité médio-latérale
parallélisme du grand axe de la mandibule et de la rangée dentaire
parallèle
< 15°
     

Tableau 3 : Caractères anatomiques permettant de distinguer les spécimens attribués à Homo rudolfensis et à Homo habilis.

 

 

 

Sandrine Prat

Bibliographie
Alexeev V.P. (1986). The origin of Human race, Progress, Moscow, 356 p.
Leakey L.S.B., Tobias P.V., Napier J.R. (1964). A new species of the genus Homo from Olduvai Gorge, Nature, 202 : 7-9.
Prat S. (1997). Problème taxinomique des premiers représentants du genre Homo. Études crâniennes des individus d'Olduvai et de Koobi Fora, Bull. Mém.Soc.Anthrop. Paris, 9 (3-4) : 251-266.
Tobias P.V. (1991). Olduvai Gorge Volume IV et IVb : Homo habilis, skulls, endocasts and teeth, Cambridge University Press, Cambridge, 900 p.
Wood B.A.(1991). Koobi Fora : Research Project Volume 4 : Hominid cranial remains, Oxford University Press, 466 p.


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