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Doctor NO

Marie Claire Novembre 93
Centre de Formation des Journalistes Juin 92

La vie se bloque : mettez une télé dans vos sentiments !

Les reality shows, une nouvelle façon de parler de l'amour

La rubrique téléréalité de Yahoo

 

 

Annexes:
Petit bréviaire du Reality Show
La mondiale du Show
Pascale Breugnot : l'amour des sentiments

Apparus voici un an et demi, les Reality Shows font l'objet d'une intense polémique : est-ce de la télé perverse ou pédagogique ? Au delà des débats d'idées, quelque peu stériles, nous sommes allés voir comment ils se fabriquent et à quels besoins ils correspondent.Nous espérons pouvoir montrer que sous la polémique se cache une très belle émission. ....

Valèrie et Alexander sont étudiants à Strasbourg. Ce soir, ils passent à "l'Amour en Danger". Il y a comme un air de fête autour des studio d'enregistrement de la Porte de la Chapelle : les invités viennent s'asseoir autour du plateau, les techniciens s'affairent pour positionner les caméras en engouffrant un dernier sandwich..

Le bébé couple

Ils ont vingt ans, sont mariés depuis dix-huit mois et ont déjà l'air d'un vieux couple, se parlant avec tendresse mais sans passion. "Maintenant j'ai vieilli" Très croyants, ils partagent la même foi dans la religion catholique. Depuis leur mariage, ils n'ont pas arrêté de se disputer. Alexander trouve sa compagne trop indolente et Valèrie ne supporte plus sa tyrannie. "J'ai l'impression d'avoir un robot en face de moi". Résultat : ils ne se parlent plus, se chamaillent à la moindre occasion, pour une chaise mal rangée ou pour un geste déplacé.

Pourtant ah dieu, qu'ils s'aiment.... Valèrie ne peut pas supporter que son compagnon ne soit pas là. Lui à chaque dispute part errer dans les rues de Strasbourg. Ils sont incapables de poursuivre leurs études, Valèrie ne mange plus, n'ose plus sortir de leur foyer. Alexander, quant à lui devient de plus en plus maniaque et taciturne.

Jacques Pradel, visiblement ému, leur demande de choisir chacun un objet pour symboliser l'autre. On sent soudain le jeune couple se rapprocher . "Il va nous falloir aborder les questions d'ordre sexuel,et cela sera moins facile". Alexander se tortille sur sa chaise, il a l'air visiblement mal à l'aise. Leurs ombres dansent sur un fond légèrement rose. Catherine Muller, la psychanalyste, s'avance alors, leur pose quelques questions puis s'engage dans une interprétation onirique. Les protagonistes commencent par raconter une banale histoire de couple, de difficultés relationnelles. Mais peu à peu les visages se tendent, une seconde histoire commence, celle qui avait été enfouie dans la mémoire, celle dont ils n'avaient jamais parlé.

La réalité toute show

Sous le terme de Reality shows, on regroupe une très grande diversité d'émissions qui ont pour point commun de mêler information-vérité et fiction-mise en scène. Ces histoires, contrairement aux variétés, racontent la vie de monsieur tout-le-monde.

Après "Perdu de vue" à l'automne 1990, quatres nouveaux Reality shows sont apparus ces derniers mois. Au printemps 1991, ce fut au tour d'Antenne 2 de lancer le Samedi soir, "La Nuit des Héros". FR3 a renouvelé le genre en présentant dans "C'est mon histoire" des téléfilms basés sur des histoires vraies et volontairement banales.

Les Reality shows coûtent trois fois moins chers à réaliser qu'une fiction et rapportent deux fois plus d'audience. Six millions de téléspectateurs assistent à la "Nuit des Héros" diffusée en prime-time, quatre millions à "Perdu de vue", détrônant Patrick Sébastien lui-même. En seconde partie de soirée, ces émissions atteignent encore 10% d'audience.

Il s'agit d'une véritable révolution dans le monde de la télévision qui pourrait annoncer la fin des animateurs, mais aussi des documentaires.

Pourquoi tant de haine

"C'est de l'exhibition de chair fraîche et de pulsions qui offre un spectacle pitoyable." Gérard Miller, célèbre et très médiatique psychanalyste, n'a pas de mots assez durs pour stigmatiser ces émissions. Il pense qu'elles ont un rôle extrêmement pernicieux et sont symptomatiques d'une société en déliquescence, qui a perdu ses règles de conduite. Phénomène qu'il faut, selon lui, rapprocher de la percée de l'extrême droite : montrer "tout haut" ce qu'il y a de plus bas dans l'homme. "La télévision d'aujourd'hui veut aller tout au bout, tout montrer, alors qu'il faut respecter le silence et la pudeur".

Rarement programmation télévisuelle aura suscitée autant de débats et de haine. S'il est vrai que ces émissions questionnent et ont des aspects contestables, faut-il pour autant les rejeter en bloc ? Les Reality Shows appliquent les recettes normales de toutes les émissions à succès : un dosage efficace de spectacle et d'émotions. La véritable question demeure : les bons sentiments sont-ils compatibles avec la politique de l'audimat.

Un audimat pavé de bons sentiments

Il faut reconnaître que ces émissions ont un plus ou moins grand degré de perversité et un certain voyeurisme, la caméra mettant bien en relief toutes les explosions lacrymales.

Les responsables de ces émissions mettent en branle des mécanismes très complexes sans avoir toujours la possibilité d'assurer un suivi suffisant. La première édition de "Méa Culpa" (TF1) réunissait les parents d'un enfant séropositifs et le voisinage qui les avait exclus de la vie sociale. Les opposants des Reality Shows y virent avant tout le spectacle obscène de la mort d'un enfant tandis que ses zélateurs veulent en faire un appel à de meilleures relations entre chacun. Son premier présentateur Ladislas de Hoyos a accentué cette ambiance de conflit. Bernard Bouthier, producteur de ces émissions, le reconnaît lui-même : "nous n'avons pas su maîtriser la situation parce qu'il y avait trop d'histoires personnelles, et l'animateur n'avait pas le bon rôle: il devenait l'accusateur."

Il peut aussi y avoir des conséquences inattendues, mais dramatiques. Evelyne, qui était venue à la deuxième émission de l'"Amour en Dangers" a fait la semaine suivante une tentative de suicide. En Italie Télé Uno avait retrouvé une femme soldat de l'Otan qui avait fugué sa base pour retrouver un Sicilien. Elle fut condamnée pour désertion. D'autre part, on a constaté que seulement la moitié des personnes retrouvées, acceptent de renouer à l'antenne avec leur famille.

Un indéniable effort pédagogique, pourtant

Les bonnes intentions de chacun des présentateurs contrastent fortement avec la réprobation générale des milieux intellectuels et parisiens. Jean Marie Perthuis présente "Perdu de vue" comme une émission à caractère public. "Nous rétablissons la communication coupée entre les personnes, entre les couples, c'est le nouvel âge de la télévision" surenchérit Jacques Pradel. "Nous abordons un gros problème de société avec des cas concrets qui parlent à tout le monde." Après chaque émission, "Perdu de vue" reçoit quelques 2000 lettres. Parmi elles, cent histoires sont sélectionnées et vingt seulement passeront effectivement à l'antenne. L'émission s'est d'ailleurs associée à "Médecins du Monde" et a créé sa propre fondation pour venir en aide à "ceux qui ont tout perdu".

Dans "L'amour en danger", chaque cas est minutieusement analysé pour faire ressortir un message essentiel et organiser la discussion. Même s'ils s'en défendent , les réalisateurs de "l'amour en danger" savent pertinemment qu'ils jouent avec le feu et prennent donc beaucoup de précautions. Un journaliste est dépêché sur les lieux de l'affaire et prépare pendant quinze jours les retrouvailles tant attendues. De ces rencontres, il va tirer un petit film de présentation générale qui introduira la discussion du couple.

Le tournage proprement dit n'est que l'aboutissement d'un long processus pendant lequel le couple se dévoile peu à peu. Vient ensuite la phase du montage, faite en étroite collaboration avec le couple : celui reste maître de ce qui sera montré à l'antenne. Son dialogue est entièrement reconstruit pour améliorer l'aspect dramatique de l'action. Pour aboutir à une heure d'antenne, il faut quelques cinq heures de tournage. Le déroulement de la cure est analysé et remixé pour arriver à quelques six-cent coupes de visage.

Les séquences où le couple se montre sous un trop mauvais jour, sont supprimées. "Nous faisons attention à ce que certaines scènes ne risquent pas de provoquer des passages à l'acte." Pour Catherine Muller, il faut sans cesse trouver l'équilibre entre trop d'informations et trop de simplifications. S'il n'y avait pas un minutieux travail de scénarisation, le dialogue du couple serait incompréhensible, n'aurait aucune cohérence. "Nous enlevons beaucoup d'éléments soit parce qu'ils sont négatifs, soit parce qu'ils entraînent trop de complexité." Les orthodoxes hurlent au détournement de la psychanalyse et les interprétations de Catherine Muller sont en effet d'une simplicité désarmante. Mais cela n'est-il pas la seule façon d'aborder simplement des sujets aussi complexes ?

Après l'émission les participants sont soutenus moralement par l'équipe de réalisation toute entière et s'engagent généralement dans une psychothérapie. C'est pour toute l'équipe une formidable expérience humaine, une expérience parfois lourde à porter, avec ces crises de larmes mais aussi ces moments d'émotion pure. Les journalistes David Bensoussan et Géraldine Roustau gardent pendant des mois un contact régulier et amical. Géraldine ne cache pas son enthousiasme : "On est là pour répondre à toutes leurs questions, les aider à passer le cap, empêcher les journalistes de trop les maltraiter, mais il faut faire attention à ne pas se faire dévorer ou les laisser trop s'investir."

La télé pour pouvoir tout se dire

Pour Pascale Breugnot "les gens font plus confiance à la télévision qu'à un psychanalyste". Même si le rôle thérapeutique de "l'amour en danger" reste fort douteux, on peut convenir que l'électrochoc qu'elles provoquent chez leurs participants peut avoir des effets positifs. La situation était bloquée depuis des années, le couple s'enfermait dans une relation pathologique... et voilà soudain qu'ils sont obligés de tout changer, que cet isolement devient communion avec trois millions de téléspectateurs.

La télévision a un indéniable pouvoir facilitateur : les images, les contrechamps permettent de mieux exprimer un vécu douloureux. Luc Patry, le psychiatre d'Alexander et Valèrie,qui les a lui même convaincu de participer, témoigne : " on ne pouvait plus rien pour eux, ils étaient tellement pris dans leur engrenage."Les couples se retrouvent par la grâce des média sous les feux de l'actualité. Après la diffusion de l'émission, beaucoup sont profondément blessés par l'atmosphère de dénigrement. "C'est vrai, ça m'a fait perdre beaucoup d'amis." Pour d'autres, au contraire, l'émission permet de renouer le contact avec leurs voisins. "J'ai compris ce qu'ils vivaient et que cela ressemblait fort à ma propre histoire"", se souvient avec émotion Jacqueline, la boulangère d'Alexander et Valérie.

Pour les téléspectateurs en revanche l'effet ne peut qu'être positif. Quelle autre émission leur apprend autant de choses sur eux-même et les pousse à réfléchir à ce point ? "Puisque qu'ils le disent, ça aussi nous pouvons le dire." Chaque édition de "L'amour en danger" déclenche plus de 300 lettres et des dizaines de messages minitel, qui sont parfois de véritables appels au secours. Beaucoup de téléspectateurs se reconnaissent dans ces héros d'un soir e trouvant dans l'émission valeur d'exemple pour leur propre vie : "Si j'avais vu cette émission j'aurais divorcé beaucoup plutôt plutôt que de vivre un martyr de dix ans. " nous dit Sylvie. C'est souvent ainsi que débute la rencontre avec un "futur" couple. Flo après une émission a pianoté sur son minitel, "Je me suis reconnue dans l'histoire d'Evelyne et Bart." Elle est venue sur le plateau quelques mois plus tard.

Le couple, en dévoilant sa part intime, fait dorénavant parti de la famille de nombreux téléspectateurs. D'autres veulent leur apporter de l'aide: "ne vous quittez surtout pas, j'ai fait la même erreur." Les responsables de l'émission retransmettent ce courrier aux couples qui y trouvent tout un nouveau réseau relationnel.

Cette émission suscite tant de polémique parce qu'elle touche aux enjeux les plus fondamentaux de l'existence humaine : Apprendre à vivre avec l'autre, sans s'oublier soi-même, aimer et aimer souffrir... Les voies de l'amour sont impénétrables.

 

Petits bréviaires des Reality shows français

"Perdu de vue: TF1 un lundi par mois

Des personnes viennent lancer un appel à témoin pour retrouver un proche et l'inviter à téléphoner.

L'amour en danger: TF1 un lundi par mois

Un couple vient parler de ses difficultés quotidiennes, autant sexuelles que pratiques. Leurs proches participent également à l'antenne et en dernière analyse, une psychanalyste apporte son interprétation ultime.

Mea Culpa: TF1 un mardi par mois

Cette émission met en scène un drame qui a opposé deux groupes de personnes. Les deux groupes sont présents sur le plateau et s'expliquent.

La vie continue: TF1 Un jeudi par mois

Un accident est reconstitué et sa victime vient parler d'elle.

La nuit des héros: A2 Tous les samedi

Reconstitution d'accidents et de l'intervention héroïque d'un tiers qui vient ensuite sur le plateau brièvement expliquer ce qu'il a ressenti.

C'est mon histoire: Un mardi par mois

Des histoires vraies jouées par des comédiens.

 

Le Reality Show un phénomène mondial

La palme de l'ancienneté revient à "Dossier XZ" l'émission de la chaîne allemande ZDF qui propose des affaires criminelles depuis 1967. L'émission reconstitue le crime, montre les interviews de suspects, donne aux spectateurs tous les éléments de l'enquête et reçoit quelques 150 coups de fil. C'est ainsi qu'elle arrive à résoudre 30% des cas présentés aux téléspectateurs.

Les Reality shows se sont généralisés aux Etats-Unis à partir de 1987 où on n'en recense pas moins de 37. Les plus connus sont Court-TV, qui retransmet des procès à longueur de journée, "Missing Person" a inspiré "Perdu de vue" , "American Most Wanted" affiche les têtes des plus grands criminels.

L'Italie également en est friande avec "Chi l'a vista" sur Italia Uno et "Pronto Polizia" qui montre des interventions policières, parfois musclées.

Pascale Breugnot : L'amour du chaud

Pascale Breugnot productrice de la création française à TF1, est une véritable fan des tranches de vie Elle n'en est d'ailleurs pas à son premier coup médiatique. Dès 1984,elle avait inauguré, en équipe avec un célèbre psychanalyste, Serge Leclaire, le genre avec "Psy show", pour "montrer au gens ce qu'est l'inconscient" . L'émission avait provoqué un tel tollé qu'elle avait fait l'objet d'un débat à l'Assemblée Nationale, Pascale Breugnot avait récidivé avec "La vie de Famille" , "Moi-je" puis "Sexy folies". En Juin 1990 un projet d'émission de TF1, "La Trace",qui se proposait de retrouver des personnes disparues, avait fait naître un large débat public. L'émission il est vrai venait peu après les appels à la délation lancés par le gouvernement Pasqua. Etienne Mougeotte, devant ses remous, avait retiré son projet pour présenter à l'automne suivant "Perdu de vue", un projet fort semblable, dans l'indifférence générale.