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JE T'AIME MOI NON PLUS Chanson cul(te)

JE T'AIME MOI NON PLUS

Scandale à sa sortie, interdit, conspué et insulté, ce duo très chaud entre Jane Birkin et Serge Gainsbourg sera pourtant un succès retentissant dans le monde entier. Quarante après sa parution en février 1969, il n'a pas pris une ride. Retour sur le destin mouvementé d'un hymne érotico-provocateur destiné, au départ, à la Bardot.

Ce qui différencie l'érotisme de la pornographie ne fait plus de secret pour personne : l'un suggère, tandis que l'autre pointe du doigt. L'un cache quand l'autre exhibe. Gainsbourg savait justement se cacher derrière les voix féminines lorsqu'il s'agissait de chanter ses vers les plus coquins. Il était passé maître dans l'art de la suggestivité. 'Les Sucettes' (1966) écrites par le grand Serge pour une France Gall juvénile. Derrière une comptine naïve censée louer le goût pour les sucreries, se cache bien évidemment une ode à la fellation : "Pour quelques pennies Annie / A ses sucettes à l'anis." Bien évidemment ? Pas tant que ça puisque France Gall a mis des années avant de se rendre compte du "vilain" tour que venait de lui jouer l'homme à la tête de chou qui devait bien rigoler dans sa barbe de trois jours. C'est cette malice qui fait de Gainsbourg le roi de la chanson érotique. Mais la suggestion, l'homme à la tête de chou va l'abandonner trois ans plus tard avec la chanson qui va déchaîner simultanément les foules et les foudres, 'Je t'aime moi non plus'.

Une chanson d'amour

Celle qui va tout de suite être considérée comme une chanson obscène à éloigner des âmes sensibles est à l'origine… une chanson d'amour. D'amour certes, il en est question dans 'Je t'aime moi non plus', mais il s'agirait à première écoute plutôt d'amour charnel. Tandis que, dans l'esprit de Gainsbourg, il est question de l'amour, le vrai, le beau, le (quasi) platonique. "Je ne suis pas un cynique, je suis un romantique", déclare Gainsbourg à l'envi. D'amour et surtout d'un sévère penchant pour celle qui est considérée à l'époque comme la plus belle femme du monde, Brigitte Bardot. En cette année 1967, avec déjà quelques beaux succès à son actif (tel 'Le Poinçonneur des Lilas'), Gainsbourg vit une brève et torride passion avec l'actrice à laquelle il offrira de nombreux tubes solo ('Harley Davidson') ou duo ('Bonnie & Clyde'). Un jour il lui propose d'enregistrer la plus belle chanson d'amour du monde, au titre inspiré d'un bon mot de Salvador Dali : "Picasso est espagnol, moi aussi. Picasso est un génie, moi aussi. Picasso est communiste, moi non plus". L'intéressé raconte : "C'est la première chanson hard que l'on ait jamais écrite dans l'histoire de cet art mineur. (…) Je dînais avec Brigitte et sciemment, je me pète la gueule. Elle m'appelle le lendemain, elle me dit : 'Pourquoi tu t'es pété la gueule comme ça ?' Et moi, silence, du genre 'J'étais subjugué par ta beauté." BB lui demande alors qu'il lui écrive la plus belle chanson d'amour qu'il puisse imaginer. "Dans la nuit, j'ai écrit 'Je t'aime moi non plus' et 'Bonnie and Clyde'. On l'a enregistrée dans des conditions terrifiantes, dans une tension de passion. Main dans la main avec deux micros." (1) La Belle accepte donc de la chanter en décembre 1967 puis, tel Kant devant le concept de l'imagination transcendantale (2), recule d'effroi et supplie son amant de ne pas publier l'enregistrement – son nouveau mari Gunther Sachs pourrait mal le prendre… L'amoureux transi accepte, mais s'en va chercher une autre voix pour ce tête-à-tête musical qui vire au corps à corps.

(1) Les citations de Serge Gainsbourg sont extraites d'une interview télévisée datant de 1970.
(2) Dixit Heidegger dans
'Kant et le problème de la métaphysique', un autre genre d'érotisme.

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