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Une rubrique qui vous invite à découvrir les origines et l'histoire de nos villes, villages, bourgs, régions, châteaux, chapelles, moulins, abbayes, églises, à travers des chroniques et récits des siècles passés. Les richesses patrimoniales et historiques de coins de France pittoresques.
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MARSEILLE (Bouches-du-Rhône)
(Partie 2/2)
(D'après un article paru en 1848)

L'HÔTEL DE VILLE
L'ancien hôtel de ville de Marseille était situé à mi-coteau de la crête sur laquelle la ville épiscopale était fortifiée. La place des Accoules, dont il ornait un des côtés, servait aux rassemblements du peuple qu'on appelait les parlements. Le palais de justice a remplacé le palais des magistrats de la ville centrale. Au dix-septième siècle, à l'époque où l'on remania le plan de la ville, dès que, pour faire communiquer la vieille cité avec les deux cités nouvelles qu'on élevait sur les deux autres côtés du port, on eut abattu les antiques remparts,
Loge ou Hotel de ville
Loge ou Hôtel de ville
il devint nécessaire d'établir le siège de l'administration municipale à la portée des habitants de tous les quartiers et sur le théâtre même de leurs grandes affaires.

On construisit auprès du port, à peu près vers le même temps, un édifice qui sert aujourd'hui d'hôtel aux successeurs des consuls de Marseille. Comme on le pourra voir par le dessin que nous en avons fait graver, c'est une construction d'une assez médiocre étendue : elle a été primitivement destinée à servir de bourse aux Marseillais, qui y traitaient leurs affaires dans une vaste salle occupant presque tout l'espace du rez-de-chaussée. Trois salles partageaient tout le premier étage. Ce qui est singulier, c'est qu'on ne trouve pas d'escalier pour monter directement du rez-de-chaussée à ce premier étage. L'escalier par où l'on arrive à celle-ci se trouve dans une maison voisine, qui encore est séparée de l'hôtel par une rue ; il franchit la rue sur une voûte légère. Cet escalier, si bizarrement placé, a du reste tous les airs d'un monument ; au bout de la première rampe, au pied de la statue de Libertat, qui livra la ville à Henri IV, il se partage en deux grandes rampes latérales, réunies à leur sommet par un beau palier chargé de colonnes. Mais, comme une bizarrerie ne peut jamais aller seule, tandis qu'il affiche tant de luxe pour conduire par un trou dans l'hôtel voisin, il n'a qu'un passage ténébreux et masqué dans un mur latéral pour mener aux nombreux bureaux qui remplissent la maison où il s'élève.

On a voulu rendre Puget responsable de ce plan extravagant, et on a accrédité l'idée que le grand architecte l'avait dessiné de sa main. Il paraît qu'il n'a même touché à la décoration que pour y sculpter un écusson aux armes de France. Un architecte italien, dont le nom inconnu du vulgaire ne se trouve même pas dans les livres les plus étendus consacrés à la description de Marseille, doit, à ce qu'il paraît, porter seul l'éloge ou le blâme de ce monument. Il l'a élevé à l'image d'un assez grand nombre de palais génois construits sous le règne de Louis XIII, dans le goût pesant et recherché à la fois du Borromini.

Le premier nom donné à l'hôtel fut lui-même italien : on l'appela la Loge, parce qu'en Italie Loggia sert à désigner la bourse des marchands. Ce nom s'est conservé dans le peuple jusqu'à nos jours, pour nous faire juger quelle action particulière les ultramontains ont eue sur les habitudes et sur les goûts des provinces méridionales de la France. Les traces de cette influence se perpétuent, nombreuses et plus brillantes, aux environs de Marseille, dans une foule de très belles campagnes, dont les bâtiments, les perrons, les balustres, les parterres même rappellent exactement les anciennes ville italiennes.

L'ARC DE TRIOMPHE
Dans ses plans pour Marseille, Puget avait dessiné à l'entrée de la rue d'Aix un arc de triomphe figurant la porte de la ville. Il a été érigé en souvenir de la victoire du Trocadéro. Le langage des documents officiels n'est point à omettre. « Le conseil municipal, dit la Statistique des Bouches-du-Rhône pénétré d'admiration et de reconnaissance, vota spontanément, après la glorieuse campagne de 1823, un arc de triomphe au prince généralissime et à son armée... La première pierre en fut posée le 4 novembre 1825, jour de Saint-Charles, par M. le marquis de Montgrand, gentilhomme honoraire de la chambre du roi, maire de Marseille. »


Arc de triomphe ou Porte d'Aix

M. Penchaud, architecte de ce monument, semble avoir pris pour modèle l'arc de Titus, placé à Rome sur la voie Sacrée, et qui a une seule ouverture. Les révolutions ont eu aussi plus de prise sur ce dernier, dont la destination a été vite changée et qui représente aujourd'hui toutes les victoires qu'il plaira aux passants d'imaginer, hormis les victoires d'Espagne, effacées de tous les esprits. M. David (d'Angers), chargé des sculptures de l'arc de triomphe, y a fait l'essai du style qu'il a appliqué ensuite à Paris, au fronton du Panthéon.

L'artiste a conçu les bas-reliefs monumentaux comme une écriture chargée de reproduire non seulement les idées, mais encore la figure extérieure et le costume même de l'époque qu'ils représentent.

PLAGE DU PRADO
Ce qui fait la sûreté du port de Marseille, est un obstacle à ce que les yeux y aient tous les plaisirs qu'ils s'y promettent. Les collines ont été jetées et rapprochées en avant de ce bassin comme pour le défendre des agitations de la mer ; elles l'en séparent si bien que ni du port, ni des quartiers bas et les plus nombreux de la ville on ne petit jouir du spectacle de la Méditerranée. Les Marseillais étaient très malheureux de se trouver si près de la mer, et de n'avoir pas un endroit d'où ils pussent la voir à leur aise.


C'est pour les tirer de cette peine, qu'inspirée par les plans de Vauban dont nous avons parlé (partie 1), l'administration municipale a fait tracer, dans les dernières années, la grande promenade du Prado. Cette avenue, qu'on trouvera étroite lorsque les chemins de fer auront permis aux Provençaux de mesurer plus souvent la largeur des promenades du Nord, prolonge d'abord directement la grande ligne de la rue d'Aix, du Cours et de la rue de Rome ; puis, parvenue assez loin, tourne dans un rond point, d'où, se repliant sur elle-même, elle atteint obliquement la mer.

Plage à l'extrémité de la promenade du Prado

L'espace parcouru est considérable, et se couvre peu à peu de constructions élégantes et de jardins de luxe ; d'un côté, les collines qui ceignent le port étalent leur charmant amphithéâtre orné, çà et là, de pins pittoresques et de pavillons somptueux ; de l'autre, les prairies que les eaux de l'Huveaune fécondent déroulent leurs tapis verts bordés aussi de maisons artistement dessinées. A l'extrémité on aperçoit une des plus jolies anses que la Méditerranée forme sur le rivage ; et on peut mouiller son pied dans le flot paresseux qui pousse doucement le sable vers le bord. Un peu plus à l'écart, des maisonnettes de bois qu'on roule sur la grève peuvent conduire jusqu'au milieu de l'eau les baigneurs qui vont y chercher la force et la santé. Ainsi les plaisirs de la campagne ne manquent pas autour de ce foyer actif du commerce et des affaires.


Port de Marseille au XVIIIe siècle,
par Joseph Vernet

Nulle part on ne trouve des sites plus beaux, peut-être même plus frais que ceux qu'on peut admirer dans les environs de Marseille. Au-dessous même de la route qui amène les gens du Nord à Marseille, à travers des nuages de poussière, la nature a creusé le vallon des Aygalades, où des sources abondantes tombent en riches cascades sur des rochers fantasques au milieu des prairies et des pins, en face du panorama splendide de la ville qu'elles dominent, et de la mer qui brille à l'horizon. C'est un paysage qui peut rivaliser avec les plus nobles et les plus variés. Mais c'est de l'autre côté de la ville, derrière, la vallée de l'Huveaune, qu'on peut rencontrer les plus éclatants.

Sans parler de la fraîcheur des bords de cette rivière, sans remonter jusqu'à Gémenos et à Saint-Pons, d'où ses eaux s'élancent du milieu des ruines d'une abbaye romane, sous le dôme immense, exubérant d'une forêt que la hache ne viole point, et que les oiseaux de la nuit sillonnent aux heures les plus ardentes du jour, il suffit de monter sur les collines auxquelles est adossé le bourg de Mazargue, pour jouir d'un spectacle qu'on va chercher à Naples et qu'on y croit unique. Elevé sur un des créneaux du rempart dont la main de Dieu a entouré le territoire de Marseille, on aperçoit là, à ses pieds, le cours de l'Huveaune couvert et tracé tout ensemble par les beaux arbres que la rivière nourrit ; au delà de cette campagne si verte et si inattendue, la ville éparpillée aux pieds des coteaux qui en portèrent les premières constructions ; au delà encore, d'un côté la chaîne des montagnes de l'Étoile qui s'élèvent en gradins majestueux jusqu'au ciel, de l'autre toutes les anses de la mer qui semble se jouer en pénétrant dans la terre, puis en reculant devant elle, et qui, dans ses replis innombrables et capricieux, fait briller les nuances infinies de son azur mobile. C'est un tableau éblouissant ; pour le reproduire il faudrait joindre les grands traits du Poussin, au coloris magique de Claude Lorrain.


 

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