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MARSEILLE (Bouches-du-Rhône)
(Partie 2/2) (D'après un article paru en 1848)
L'HÔTEL DE VILLE
On construisit auprès du port, à peu près vers le même temps, un édifice qui sert aujourd'hui d'hôtel aux successeurs des consuls de Marseille. Comme on le pourra voir par le dessin que nous en avons fait graver, c'est une construction d'une assez médiocre étendue : elle a été primitivement destinée à servir de bourse aux Marseillais, qui y traitaient leurs affaires dans une vaste salle occupant presque tout l'espace du rez-de-chaussée. Trois salles partageaient tout le premier étage. Ce qui est singulier, c'est qu'on ne trouve pas d'escalier pour monter directement du rez-de-chaussée à ce premier étage. L'escalier par où l'on arrive à celle-ci se trouve dans une maison voisine, qui encore est séparée de l'hôtel par une rue ; il franchit la rue sur une voûte légère. Cet escalier, si bizarrement placé, a du reste tous les airs d'un monument ; au bout de la première rampe, au pied de la statue de Libertat, qui livra la ville à Henri IV, il se partage en deux grandes rampes latérales, réunies à leur sommet par un beau palier chargé de colonnes. Mais, comme une bizarrerie ne peut jamais aller seule, tandis qu'il affiche tant de luxe pour conduire par un trou dans l'hôtel voisin, il n'a qu'un passage ténébreux et masqué dans un mur latéral pour mener aux nombreux bureaux qui remplissent la maison où il s'élève. On a voulu rendre Puget responsable de ce plan extravagant, et on a accrédité l'idée que le grand architecte l'avait dessiné de sa main. Il paraît qu'il n'a même touché à la décoration que pour y sculpter un écusson aux armes de France. Un architecte italien, dont le nom inconnu du vulgaire ne se trouve même pas dans les livres les plus étendus consacrés à la description de Marseille, doit, à ce qu'il paraît, porter seul l'éloge ou le blâme de ce monument. Il l'a élevé à l'image d'un assez grand nombre de palais génois construits sous le règne de Louis XIII, dans le goût pesant et recherché à la fois du Borromini. Le premier nom donné à l'hôtel fut lui-même italien : on l'appela la Loge, parce qu'en Italie Loggia sert à désigner la bourse des marchands. Ce nom s'est conservé dans le peuple jusqu'à nos jours, pour nous faire juger quelle action particulière les ultramontains ont eue sur les habitudes et sur les goûts des provinces méridionales de la France. Les traces de cette influence se perpétuent, nombreuses et plus brillantes, aux environs de Marseille, dans une foule de très belles campagnes, dont les bâtiments, les perrons, les balustres, les parterres même rappellent exactement les anciennes ville italiennes. L'ARC DE TRIOMPHE
L'artiste a conçu les bas-reliefs monumentaux comme une écriture chargée de reproduire non seulement les idées, mais encore la figure extérieure et le costume même de l'époque qu'ils représentent. PLAGE DU PRADO
L'espace parcouru est considérable, et se couvre peu à peu de constructions élégantes et de jardins de luxe ; d'un côté, les collines qui ceignent le port étalent leur charmant amphithéâtre orné, çà et là, de pins pittoresques et de pavillons somptueux ; de l'autre, les prairies que les eaux de l'Huveaune fécondent déroulent leurs tapis verts bordés aussi de maisons artistement dessinées. A l'extrémité on aperçoit une des plus jolies anses que la Méditerranée forme sur le rivage ; et on peut mouiller son pied dans le flot paresseux qui pousse doucement le sable vers le bord. Un peu plus à l'écart, des maisonnettes de bois qu'on roule sur la grève peuvent conduire jusqu'au milieu de l'eau les baigneurs qui vont y chercher la force et la santé. Ainsi les plaisirs de la campagne ne manquent pas autour de ce foyer actif du commerce et des affaires.
Sans parler de la fraîcheur des bords de cette rivière, sans remonter jusqu'à Gémenos et à Saint-Pons, d'où ses eaux s'élancent du milieu des ruines d'une abbaye romane, sous le dôme immense, exubérant d'une forêt que la hache ne viole point, et que les oiseaux de la nuit sillonnent aux heures les plus ardentes du jour, il suffit de monter sur les collines auxquelles est adossé le bourg de Mazargue, pour jouir d'un spectacle qu'on va chercher à Naples et qu'on y croit unique. Elevé sur un des créneaux du rempart dont la main de Dieu a entouré le territoire de Marseille, on aperçoit là, à ses pieds, le cours de l'Huveaune couvert et tracé tout ensemble par les beaux arbres que la rivière nourrit ; au delà de cette campagne si verte et si inattendue, la ville éparpillée aux pieds des coteaux qui en portèrent les premières constructions ; au delà encore, d'un côté la chaîne des montagnes de l'Étoile qui s'élèvent en gradins majestueux jusqu'au ciel, de l'autre toutes les anses de la mer qui semble se jouer en pénétrant dans la terre, puis en reculant devant elle, et qui, dans ses replis innombrables et capricieux, fait briller les nuances infinies de son azur mobile. C'est un tableau éblouissant ; pour le reproduire il faudrait joindre les grands traits du Poussin, au coloris magique de Claude Lorrain. |
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