MPERATOR
1912 - 1938


Imperator est annoncé
la HAPAG est de retour
La mise en service de Kaiser Wilhelm Der Grosse, armé par la Norddeutscher Lloyd en 1897, offre à l'Allemagne la tête du marché des lignes de l'Atlantique Nord. Entre 1901 et 1906, la compagnie lance trois autres navires construits sur le même modèle, (Kronprinz Wilhelm, Kaiser Wilhelm II, Kronprinzessin Cecilie) et détient ainsi le quatuor de quatre cheminées suscitant le plus d'intérêt chez les voyageurs. Contre attaque, l'autre grande compagnie allemande, la Hamburg-Amerika Linie (HAPAG), lance en 1900 son premier quatre cheminées, Deutschland. Il s'adjuge quatre fois le Ruban Bleu dont trois fois dans le sens est-ouest. Mais le manque de confort
Le lancement d'Imperator
et les maudites vibrations qui se font ressentir à son bord compromettent sérieusement sa carrière. La HAPAG convient alors de privilégier le confort et la sécurité de ses prochaines unités en abandonnant le paramètre de la vitesse. Ainsi voient le jour Amerika et Kaiserin Auguste Victoria, des deux cheminées au luxe extrême et aux aménagements de la plus haute qualité. En septembre 1907, le premier superpaquebot anglais, le 31 500 tonneaux Lusitania, entre en service pour le compte de la Cunard. Son succès est tel que la domination allemande à la tête dy marché touche à sa fin. Désireuse de poursuivre le succès d'Amerika et de Kaiserin Auguste Victoria et dans l'objectif de toujours surpasser la rivale Norddeutscher Lloyd qui subsiste avec son quatuor, la HAPAG entreprend la construction de trois géants au printemps 1911. Alors qu'en Angleterre et en France, la mode des quatre cheminées est à son apogée avec les unités Lusitania, Mauretania, Olympic, Titanic et France (II), les compagnies allemandes, qui sont à l'origine de cette caractéristique, se confortent dans l'idée que ce symbole de puissance et de prestige est désormais obsolète et préferent opter pour trois cheminées. Le phénomène du trois cheminées sera également suivi, dans la seconde moitié des années 20, par les compagnies britanniques et françaises. La quille de la première unité du nouveau trio de la HAPAG, initialement appelée Europa, est posée au printemps 1911 aux chantiers A. G. Vulkan de Stettin. Lorsqu'en avril 1912, Titanic sombre après avoir heurté un iceberg, la sécurité à bord des paquebots est
Un retour aux trois cheminées
complètement remise en question. Ainsi la direction de la HAPAG ordonne d'ores et déjà que le nombre de canots de sauvetage à bord d'Europa soit doublé et que son double fond soit renforcé. Le 23 mai 1912, en présence de l'Empereur Guillaume II, l'immense coque du nouveau fleuron allemand est baptisée sous le nom d'Imperator. Après avoir lancé
L'imposante figure de proue
la traditionelle bouteille de champagne sur l'étrave, le mastodonte embrasse la mer devant plusieurs milliers de personnes. Avec une jauge s'élevant à 51 270 tonneaux et une longueur exceptionelle de 280 mètres, Imperator est le plus grand navire allemand mais également le plus grand objet mobile construit par la main de l'homme. En guise de figure de proue, un immense aigle en bronze. La représentation de l'animal aux ailes déployées tenant entre ses griffes un globe flanqué de l'inscription "Mein felt ist die Welt" ("Mon champ est la Terre") intensifie considérablement la valeur symbolique du navire1. Lors de l'armement, la HAPAG fait d'Imperator un magnifique et grandiose palace flottant. La décoration des intérieurs est signée Charles Mewès, qui avait opéré sur Amerika et Kaiserin Auguste Victoria. Ce dernier repousse les limites de ses précédents travaux en offrant ici des pièces démesurément grandes décorées avec goût à grand renfort de panneaux de bois monumentaux, d'imposantes rotondes et de mobilier de style Néo-Baroque et Renaissance. Au centre du navire se trouve le grand salon avec la plus grande piste de danse jamais aménagée à bord d'un transatlantique. On accède à cette immense pièce recouverte de stuc et de lourds ornements par d'imposantes portes vitrées. La pisine des première classe est décorée dans un style gréco-romain, un travail semblable à celui effectué au Royal Sporting Club de Londres, également signé Mewès. Les cabines sont toutes revêtues de riches étoffes et sont si spacieuses que les passagers bénéficient de tous les aménagements et de tout le confort d'un appartement de haut standing. Pour les plus fortunés d'entre eux, des suites impériales sont disponibles, offrant une véranda privée et toute une clique de domestiques spécialement dédiée. La capacité d'accueil d'Imperator est sans précédent, 4 234 passagers répartis dans quatre classes. Lusitania, Mauretania et Olympic font bien pâle figure.


Imperator arrivant à New York
Le colosse allemand quitte Hambourg le 13 juin 1913 pour rallier New York via Southampton et Cherbourg. Cependant le voyage inaugural ne se déroule pas comme prévu. Cette première traversée révèle de gros défauts de conception, Imperator, véritable mastodonte d'acier, manque cruellement de stabilité. Dès son retour en Allemagne, il entre en radoub pour de profondes et coûteuses révisions. Tout le lourd matériel (comme une statue de marbre de l'Empereur) se trouvant sur les ponts surpérieurs est retiré puis remplacé par des répliques plus légères, la plupart du temps en plâtre. Plusieurs tonnes de ciment sont ajoutées dans le double fond et les trois cheminées sont raccourcies. Imperator retourne en service, bien qu'atténués, les problèmes de stabilité perstistent et lui valent le surnom d'"Empereur boiteux".
Le plus grand paquebot du
monde est allemand
Avec ses quatre hélices propulsées par des turbines à vapeur, il atteint la vitesse de 23 noeuds, une performance loin de lui permettre d'homologuer un nouveau record de vitesse, le Ruban Bleu étant entre les mains de Mauretania depuis septembre 1909 avec une traversée effectuée à plus de 26 noeuds. L'idée d'Albert Ballin, directeur de la HAPAG, est donc confirmée, Deutschland est le premier et le dernier navire de la compagnie à détenir le Ruban Bleu, depuis, les unités de la HAPAG, dont Imperator et ses sister ships, ne sont pas des prétendants à la course à la vitesse. En avril 1913, la seconde unité de la classe Imperator est lancée et baptisée Vaterland. Il entre en service en mai 1914 et seulement trois mois plus tard, le premier conflit mondial est déclaré. Au déclenchement des hostilités, Imperator est sur le point de lever l'ancre pour New York quand la marine impériale allemande lui ordonne de stopper.
Représentation de Berengaria
Contrairement aux bâtiments de la Lloyd comme Kronprinz Wilhelm, Kaiser Wilhelm II et Kronprinzessin Cecilie ou encore comme Amerika et Vaterland de la HAPAG qui sont réquisitionnés par l'US Navy lorsque les Etats-Unis entrent dans le conflit en 1917, Imperator reste immobile et sous propriété allemande jusqu'à la fin de la guerre. Ce n'est qu'en 1919 qu'il est saisi par l'US Navy pour rapatrier les soldats d'Europe jusqu'aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, ses chances de retourner auprès de sa compagnie sont alors très minces. En effet, le Traité de Versailles tombe et Imperator est cédé à la Cunard pour compenser la perte de Lusitania, torpillé par les Allemands durant le conflit. Vaterland passe quand à lui sous le pavillon américain et Bismarck, troisième unité de la classe Imperator, lancé en juin 1914, est confié inachevé à la White Star pour compenser la perte de Britannic, initialement Gigantic, sister ship d'Olympic et de Titanic coulé comme navire-hôpital après avoir heurté une mine allemande. Devenant officiellement la propriété de la Cunard en 1921, Imperator est rebaptisé Berengaria, le nom de l'épouse de Richard Coeur de Lion. Il subit aussitôt d'importants travaux de refonte destinés à effacer toute trace d'appartenance à son ancienne compagnie ou au pavillon allemand.


Un aperçu des intérieurs de Berengaria
Respectant son affectation à la lettre, Berengaria remplace Lusitania aux côtés de Mauretania et de son sister ship, Aquitania, sur la route des plus prestigieux navires anglais, celle de Southampton - Cherbourg - New York. Littéralement transformé, ses intérieurs sont réaménagés et redécorés pour accueillir les trois classes en vigueur. Cette nouvelle carrière débute en 1921 et c'est un succès. Le trio recomposé bénéficie d'une excellente campagne publicitaire et en 1924, Berengaria, à l'apogée de sa carrière, accueille à son bord les plus grandes stars; Mary Pikford, Will Rogers ou encore Douglas Fairbanks ainsi que des têtes couronnées comme le Prince de Galles et la Reine de Roumanie.
Berengaria, un prestigieux Cunarder
En 1929, la Krach Boursier est un coup dur pour les compagnies transatlantiques et sonne le glas de nombreux paquebots. Berengaria, comme les autres, est vidé de presque tous ses passagers. Pour faire face, la Cunard affecte l'ex navire allemand à des croisières dans les Caraïbes afin de combler la perte d'argent, un reconversion vaine. En 1934, la Cunard et la White Star fusionnent et les deux flottes s'assemblent, Berengaria retrouve ainsi son sister ship Majestic, ex Bismarck. Ces deux navires conçus avant la guerre et autrefois plus grands paquebots du monde paraissent désormais bien dépassée à côté des nouveaux paquebots qui courent l'Océan comme le français Normandie ou encore, au sein même de la compagnie, l'immense Queen Mary. Mais Berengaria continue malgré tout - et tant bien que mal - sa carrière pour le compte de la Cunard White Star Line jusqu'en 1938. Cette année là, le 3 mars, alors qu'il se trouve dans le port de New York, un incendie se déclare à son bord, les dégâts sont importants mais il parvient malgré tout à rester à flot. Il rentre alors à Southampton à vide et avec un équipage réduit. De retour en Grande-Bretagne, il est immobilisé et aucune réparation n'est effectuée, la compagnie le retire officiellement du service à la fin de l'année. Il est vendu à la casse à Jarrow où il est en partie démantelé en décembre 1938. Mais la démolition de l'ex Imperator, mastodonte jusqu'au bout, n'est pas une mince affaire. Ce n'est pas avant 1946 que sa coque est remorquée jusqu'à Rosyth pour sa destruction finale.


1 La fonction de cette figure de proue n'est pas que symbolique, elle contribue également à faire d'Imperator le plus grand paquebot du monde. La HAPAG ayant eu vent des 274 mètres d'Aquitania alors en construction, il est impératif que les 277 mètres d'Imperator initialement prévus soient allongés, d'où la présence de l'aigle fixé à la proue. Cependant, Imperator retrouve rapidement sa longueur d'origine car lors de sa seconde traversée sous une forte houle, les ailes de l'oiseau sont arrachées. A son retour en Allemagne, les restes de la figure de proue sont retirés.


Fiche Technique
Nom : Imperator
Autres noms : Europa (aucun service) / Berengaria
Sister ships : Vaterland / Bismarck
Etiquette : SS (Steam Ship) /
RMS (Royal Mail Steamer) - 1921
Armateur : Hamburg Amerika Line / Cunard (1921)
Pavillon : Allemand / Britannique (1921)
Constructeur : Chantiers A.G Vulkan (Stettin)
Nombre de cheminées : 3
Nombre de mâts : 2
Année de lancement : 1912
Année de mise en service : 1913
Année de retrait du service : 1938
Service militaire : 1919
Année de démolition: 1946
Longueur (en mètres) : 277
Largeur (en mètres) : 29,9
Jauge (en tonneaux) : 51 269
Capacité en passagers : 4 234
Propulsion : Turbines à vapeur actionnant quatre hélices
Vitesse moyenne (en noeuds) : 23
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© 2008 Il était une fois les Grands Paquebots
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