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Le texte suivant est tiré de Perspectives : revue trimestrielle d’éducation comparée
(Paris, UNESCO : Bureau international d’éducation), vol. XXIV, n
°
1-2, 1994, p. 307-320.
©UNESCO : Bureau international d’éducation, 2000
Ce document peut être reproduit librement, à condition d’en mentionner la source
.
JOHANN HEINRICH PESTALOZZI
(1746-1827)
Michel Soëtard
1
Pestalozzi est un nom très souvent cité, mais peu de gens le lisent. Aussi, son œuvre comme sa
pensée demeurent très mal connues : on s’en tien ordinairement à l’image lénifiante de « grand
cœur maternel » ou du « père des pauvres », alors qu’il fut un homme de réflexion et, avant
tout, un passionné d’action. Père de la pédagogie moderne, il a directement inspiré Fröbel et
Herbart, et son nom a été associé à tous les mouvement de réforme de l’éducation qui ont
travaillé le XIX
e
siècle
2
. Il est vrai, cependant, que son œuvre écrite n’est pas d’un accès facile.
Abondante
3
, inachevée, écrite dans tous les styles et sur tous les registres, elle constitue un
défi permanent à l’esprit cartésien.
Entreprendre de dégager l’actualité de Johann Heinrich Pestalozzi en 1983, c’est, à
mon sens, s’efforcer d’interpréter les moments fondamentaux de son existence d’homme et de
pédagogue à la lumière des préoccupations présentes. On y retrouvera les rêves et les illusions
qui ont présidé à la naissance de la pensée éducative, et qui n’ont pas cessé de la travailler
jusqu’à nos jours. Mais on rencontrera surtout quelqu’un qui, après avoir vu son rêve
philanthropique se briser dans une première expérience, a su entreprendre un effort pour
prendre toute la mesure historique de l’idée éducative, et l’enraciner dans une attitude
pédagogique devenue la raison d’être de toute une existence
4
.
L’EXPÉRIENCE FONDATRICE : LE NEUHOF
Tout s’est joué, dès le début, dans une expérience qui a fini en catastrophe. Ayant fait en
Argovi l’acquisition d’un domaine, baptisé le Neuhof, Pestalozzi y accueille au début des
années 1770 des enfants pauvres du voisinage qu’il fait travailler au filage et au tissage du
coton, le produit de leur travail devant assurer à terme le financement de leur formation. Pour
l’époque, c’était là une entreprise d’éducation tout à fait originale, fondée sur le travail
autogéré des enfants. Pour Pestalozzi, cette expérience était l’ultime avatar d’un grand rêve de
jeunesse.
Il a d’abord partagé les interrogations et les agitations de jeunes activistes en quête
d’un nouvel ordre social. Rompant avec le système éducatif de sa ville natale, réputé pourtant
l’un des meilleurs d’Europe, mais jugé trop compromis avec un régime politique qui réserve
les droits essentiels aux citoyens de la ville et en prive complètement ceux de la campagne, le
jeune Pestalozzi préfère fréquenter les cercles d’étudiants où l’on aborde librement les vrais
problèmes de la cité. Il lui arrive même de faire le coup de main contre des personnalités
corrompues : c’est ainsi qu’il passera en prison les derniers jours de janvier 1767.
Il est très lié aux milieux piétistes zurichois, où l’on s’efforce de vivre un christianisme
tourné vers la pratique, loin de la « religion du verbe », des contraintes dogmatiques et des
compromissions politiques. Il a en particulier sous les yeux des réalisations d’anabaptistes et
de frères-moraves qui mènent ici et là, dans le sillage du prestigieux Waisenhaus de Francke à
Halle, des expériences de formation liée au travail agricole et au travail industriel.
Mais c’est de son compatriote Rousseau qu’il reçoit l’impulsion décisive. l’Émile en
particulier restera, son existence durant, son livre de chevet et, un an avant sa mort, il saluera
2
encore en son auteur le « centre de mouvement de l’ancien et du nouveau monde en fait
d’éducation », celui qui « brisa [...] les chaînes de l’esprit et rendit l’enfant à lui-même, et
l’éducation à l’enfant et à la nature humaine
5
».
L’entreprise du Neuhof est ainsi portée par le grand rêve de refaire une humanité
autonome, loin de la civilisation citadine et des bavardages des jeunes aristocrates. Pestalozzi
se fera pauvre parmi les pauvres, soucieux de leur faire découvrir dans leur condition même les
instruments de leur libération, en l’occurrence le salaire industriel : la propagation du filage et
du tissage du coton dans les campagnes tend en effet à procurer aux familles paysannes un
moyen de subsistance stable que la nature n’avait pas su leur garantir. Encore fallait-il que les
intéressés sachent maîtriser la nouvelle source de profit et que les hommes, une fois rompu le
lien à la nature nourricière, prennent toute la dimension humaine de cette émancipation. C’est
ainsi que le Neuhof s’efforça de réaliser simultanément un double objectif : introduire les
enfants dans la rationalité économique tout en favorisant pour chacun la réalisation de sa
personnalité autonome au sein d’une société de liberté et de responsabilité.
L’expérience pédagogico-industrielle ne tarda pas à buter sur d’insurmontables
difficultés et sa faillite dut être prononcée en 1780. On a coutume d’attribuer cet échec à des
causes extérieures, mais c’est oublier que Pestalozzi a constamment revendiqué la
responsabilité de son échec initial ; c’est surtout se priver d’un élément décisif pour
comprendre son évolution ultérieure, qui, jusqu’aux Recherches sur la marche de la nature
dans le développement du genre humain, de 1797, à l’élaboration de la « méthode » et à
l’apogée d’Yverdon, peut être interprétée comme un effort pour surmonter les contradictions
qui avaient fait éclater l’expérience du Neuhof. On retrouve en outre, dans cette expérience, la
plupart des problèmes qui ne cesseront d’agiter par la suite l’éducation dite « nouvelle » dans
ses composantes les plus remarquables, en particulier celles qui sont liées au travail industriel
6
.
Toute l’entreprise est fondée sur le travail social conçu comme l’instrument décisif de
désaliénation du processus éducatif : finançant leur propre formation par le produit de leur
labeur, les enfants ne devront rien à personne. Dans la réalité, cependant, Pestalozzi ne tarde
pas à découvrir que cette vue philanthropique du travail doit aussi tenir compte d’un
environnement socio-économique qui impose à la petite entreprise de telles exigences de
rentabilité que celles-ci finissent par engloutir les buts éducatifs de l’entreprise. Quant à penser
que le travail est une chose naturelle chez l’homme, c’est une conception que le maître du
Neuhof doit encore réviser lorsqu’il entend les enfants regretter le temps où ils battaient
librement la campagne.
Il mise sur l’intérêt de ses pensionnaires dans une expérience ainsi centrée sur le bien
de chacun et de tous, mais il doit vite convenir que l’intérêt demeure une réalité relative et bien
ancrée dans le désir égoïste de chacun : c’est ainsi qu’il ne peut empêcher les parents de venir
à tout moment rechercher leur enfant revigoré, habillé de neuf et surtout apte à rapporter à la
famille un salaire qui n’a aucune raison de tomber dans une escarcelle étrangère.
Pestalozzi se trouve ainsi dans une position institutionnelle intenable : celui qui veut
vraiment donner à chaque enfant les instruments de son autonomie est constamment contraint
de plier ces mêles enfants aux exigences de rentabilité, et son discours philanthropique, qui
met en œuvre tous les ressorts de la morale et de la religion, est finalement perçu comme un
insupportable chantage à la productivité. C’est ainsi que le plus généreux des hommes, qui a
engagé dans l’expérience toute sa fortune, se voit accusé par les premiers intéressés de
rechercher avant tout dans l’affaire ... son seul intérêt.
Pestalozzi voudrait au fond, selon la formule qu’il utilise dans le journal de 1774 sur
l’éducation de son fils Jakob, « relier ce que Rousseau a séparé » : la liberté et la contrainte, le
désir naturel et la loi voulue par tous et pour tous. Mais le même Rousseau avait indiqué que
cette cohabitation idéale ne pouvait que se briser à la première tentative de réalisation.
Pestalozzi vérifie encore dans son échec le paradoxe développé au livre premier de l’Émile, à
3
savoir qu’on ne peut plus fondre dans un même projet l’éducation de l’homme (libre) et celle
du citoyen (utilisable). Il aura eu au moins, sur tous les disciples plus ou moins fidèles de
Rousseau, le mérite d’avoir tenté de réaliser l’Émile dans sa vigueur paradoxale, se mettant
ainsi, le moment venu, en position de dépasser les contradictions fécondes de l’œuvre de
Rousseau.
Pestalozzi dut se résoudre à assister impuissant à l’échec de son expérience dans un
déchaînement d’égoïsmes. Cependant, loin de renoncer à son projet fondamental pour se
soumettre sagement à la conformité sociale, il va entreprendre un remarquable effort pour
enraciner envers et contre tous la volonté d’autonomie dans cette réalité sociale qui l’a
d’abord rejeté, réflexion qui l’amènera à prendre encore plus clairement la mesure de l’acte
éducatif, de l’éducation comme action au cœur d’une société incertaine de ses buts.
L’éducateur comme éducateur
La période qui sépare l’échec du Neuhof (1780) de la nouvelle expérience de Stans (1799) ne
retient guère l’attention des analystes de l’œuvre de Pestalozzi. Elle porte pourtant la marque
d’une mutation décisive de son univers intellectuel et de son action qui, des ruines de sa
première expérience, va faire naître un nouveau type d’homme, et qui se pense comme tel :
l’éducateur.
Cette réflexion ne cesse de s’enraciner dans l’expérience de son protagoniste. Certes,
l’aventure du Neuhof l’a pour longtemps déconsidéré aux yeux des praticiens sérieux, mais
l’école qu’il met en place dans son roman des années 1780, Léonard et Gertrude, puis dans la
version remaniée des années 1790/92, est à chaque fois une sorte d’expérience simulée
7
;
expérience aussi que le destin dramatique de son fils Jakob, dont il avait voulu faire au Neuhof
la réalisation historique d’Émile et qui, éloigné de lui après la ruine de l’institut, lui revient, un
jour de 1787, brisé par des crises nerveuses et victime du paradoxe rousseauiste ; expérience
encore que ce grand ébranlement sociale de 1789, réplique macrocosmique de ce qu’il avait
voulu faire au Neuhof ; sa consécration, en août 1792, au titre de citoyen d’honneur de la
Révolution française ; l’impossibilité où il fut mis à faire entendre sa voix de pédagogue ; sa
déception enfin devant l’éclatement des égoïsmes démocratiques : c’est à travers tous ces
événements une intense période de clarification qui trouve son point d’aboutissement dans le
texte théorique majeur de 1797 : Mes recherches sur la marche de la nature dans le
développement du genre humain.
Il n’est pas aisé de résumer en quelques lignes ce bouillonnement de réflexion. Par
bonheur, on dispose d’une lettre en date du 1
er
octobre 1793, que Pestalozzi adresse à son
confident de l’époque, Nicolovius, et où il résume, à la lumière des événements passés et
présents, l’évolution qu’il est en train de vivre
8
. Il révèle ainsi qu’au plus profond de lui-même
sa réflexion comme son action ont été écartelées entre deux directions opposées.
1.
Il a, raconte-t-il, d’abord été la proie inconsciente d’un « rêve d’éducation »,
s’alimentant à des « fautes économiques » et renvoyant en définitive à une profonde « erreur »
sur le sens de l’homme. C’est toute l’affaire du Neuhof : une foi naïve dans le miracle de
l’industrie en même temps que dans la capacité de l’homme de le maîtriser spontanément ; une
croyance profonde en une liberté naturelle des enfants de Dieu et en la vertu d’une éducation
qui se contenterait d’accompagner le mouvement de la nature.
2.
Intéressante est la façon dont il met en rapport cette première erreur avec une
seconde qui l’a totalement absorbé au cours de la période suivante. Il s’emploiera désormais,
avec la volonté passionnée de percer à jour cette réalité humaine qui avait eu raison de sa
grande idée, à faire œuvre de pédagogie scientifique : en témoignant ces tableaux
d’observation quotidienne et cette arithmétique des comportements dont il conseille et dirige
la pratique chez le précepteur Petersen ; en témoigne aussi l’attitude du maître d’école Gluphi,
4
qui, d’une version à l’autre du roman, se montre toujours plus préoccupé de connaître les
hommes tels qu’ils sont et renvoie, en laïc positif, le pasteur à ses rêves d’humanité.
A ces deux conceptions de l’homme se rattachent deux projets éducatifs, ces deux
projets que Pestalozzi avait précisément essayé, en vain, de conjuguer au Neuhof :
l’accomplissement de la « dignité intérieure la plus pure de l’homme », d’une part, « sa bonne
formation pour les besoins essentiels de sa vie terrestre », d’autre part.
La nouveauté de la réflexion de Pestalozzi dans les années 1790, c’est qu’il perçoit que
ces deux objectifs s’enracinent en réalité dans une même illusion : on prétend pouvoir définir a
priori, comme s’il était possible de se placer du point de vue de Dieu, ici les « besoins
essentiels » de l’homme en ce monde, là les critères de sa « dignité intérieure » dans l’autre.
Plus profondément, on prétend encadrer dans sa dimension intérieure comme dans son
expression extérieure, la liberté de l’homme, alors que le développement autonome de cette
liberté constitue précisément la meilleure chance de l’éducation.
En effet, si elle doit se satisfaire de réaliser un type d’homme défini à l’extérieur d’elle-
même, l’éducation ne peut avoir qu’un sens accessoire. Pestalozzi refuse désormais qu’elle
fonctionne comme un simple instrument de modelage au service d’un monde donné, réel ou
idéal : elle sera une forme d’action qui permettra à chacun de se faire, à partir de ce qu’il est et
dans le sens de ce qu’il veut être, « une œuvre de soi-même ».
L’éducation trouve ainsi son sens dans le projet d’autonomie. Mais Pestalozzi
s’empresse d’insister pour que la substance de ce mot, cher à l’idéalisme allemand, ne s’épuise
pas dans un nouveau concept humaniste à l’abri duquel on continuerait, dans la pratique, à
bafouer la dignité de l’homme. L’autonomie n’a de réalité, pour l’auteur de Recherches, que
dans la mesure où elle ne cesse pas de se faire entre les mains des intéressés.
Du sens de l’éducation ainsi dégagé dans Recherches découlent pour la réflexion et
l’action de Pestalozzi quelques conséquences essentielles.
1.
La politique comme la religion, engagées dans un conflit sans issue entre la
défense de la dignité de l’individu et sa nécessaire mutilation sociale, ne trouveront la solution
de leur conflit dans l’œuvre d’éducation. C’est en effet dans la mesure où la législation sera
pratiquée comme une éducation que l’homme d’État saura tout à la fois prévenir les
conflagrations sociales, chaque jour plus menaçantes à mesure que les intérêts s’aiguisent, et
mettre en œuvre l’indispensable volonté générale la plus proche possible de la volonté de
chacun. Pour sa part, la religion, abandonnant une fois pour toutes sa prétention à dominer
dans le même temps la chair et l’esprit, se mettra en position de retrouver son rôle de « sel de
la terre », mais d’une terre où, pour reprendre les formules de la lettre à Nicolovius, « l’or et
les pierres et le sable et les perles ont leur valeur indépendamment de ce sel ». L’attitude
d’éducateur réduit ainsi le conflit de la politique et de la religion, renvoyées l’une et l’autre à
leur ordre propre.
2.
Pestalozzi se met du même coup en position de comprendre son erreur du
Neuhof. A vouloir jouer simultanément le jeu de la rationalité économique et celui du plein
épanouissement de l’individu, il s’était placé en toute inconscience au cœur du tourbillon qui
était en train de disloquer la société d’alors. Ni dur entrepreneur ni bon père du peuple, il se
fera désormais éducateur, à distance tout à la fois des exigences sociales et du désir des
intéressés, travaillant à aménager le rapprochement des deux pôles dans le sens de la
constitution en chacun de la liberté autonome, d’une liberté à la fois engagée dans le monde
social par l’acquisition du métier et s’employant à trouver dans cette réalisation le plein
accomplissement. L’action éducative permet ainsi de venir à bout du paradoxe rousseauiste
qui concluait à l’impossibilité de former dans le même temps l’homme et le citoyen.
3.
Pestalozzi jette ainsi la base d’un lieu privilégié qui, entre la famille, toujours
plus ou moins empêtrée dans ses intérêts privés, et la société civile, toujours plus pressée par
les exigences inhumaines de la rationalité économique, devrait non seulement favoriser chez
5
l’enfant le passage d’un univers à un autre, mais encore œuvrer à la constitution de cette
liberté autonome que ni la seule nature ni le seul droit ne peuvent garantir. Ce lieu privilégié,
c’est l’école. L’idéal serait, bien sûr, qu’au même titre que les artisans du bien commun les
parents se fassent éducateurs ; mais, l’évolution de la cellule familiale étant ce qu’elle est,
l’école comme lieu d’éducation est appelée à jouer un rôle toujours plus important au cœur de
la société civilisée
9
.
4.
Cette tâche, l’école ne l’accomplira vraiment que si elle consent à faire œuvre
de pédagogie. Le mot prend désormais tout son relief sous la plume de Pestalozzi : il s’agira
bien de mettre en œuvre une pratique spécifique, qui ne se satisfasse pas de transmettre aux
jeunes générations les acquis de la civilisation, mais s’organise d’une façon telle que les
intéressés puissent construire leur liberté autonome. Ni simple prolongement de l’ordre familial
ni simple lieu de reproduction de l’ordre social, l’école aura à manifester son ordre propre à
travers l’œuvre pédagogique : ce sera tout le sens de la Méthode.
5.
Mais la conséquence la plus importante de la réflexion qui trouve son point
d’aboutissement dans les Recherches de 1797 — conséquence que, à vrai dire, Pestalozzi ne
thématise pas, mais qui va sous-tendre toute son œuvre à venir —, c’est qu’il se met
désormais en position de comprendre l’enfant dans sa réalité en devenir. Au Neuhof, il avait
plutôt utilisé l’enfant pour la réalisation d’un rêve d’adulte, celui de l’alliance entre une
parfaite insertion sociale et le maintien de l’innocence naturelle. En le reconnaissant désormais
dans son aptitude à « se faire une œuvre de soi-même », Pestalozzi rejoint la nature enfantine
dans ce qu’elle a de spécifique, à savoir son pouvoir de se constituer de façon autonome. Bien
plus, c’est l’humanité adulte, prétendument constituée, qui est appelée à se régénérer à travers
l’enfant et à travers la façon dont, en favorisant par l’éducation le développement de sa liberté
autonome, elle se dégagera elle-même de ses pesanteurs sociales. L’éducation, jeunesse
éternellement voulue de l’humanité : « La nature a accompli son œuvre : à toi de faire
maintenant la tienne
10
! »
La « méthode » et son esprit
Les Recherches de 1797 sont un appel à l’action. Or voici qu’avec le bouleversement politique
que connaît la Suisse ne 17988 « l’éducateur du peuple » a de nouveau le vent en poupe. C’est
d’abord l’expérience de Stans, engagée en janvier 1799 et balayée par la guerre après quelques
mois d’existence. Puis c’est l’installation à Burgdorf (Berthoud) : le nouvel institut ne résiste
pas à la chute de la République helvétique en 1803. Pestalozzi est enfin appelé à Yverdon, où
il ouvre le 1
er
janvier 1805, dans le château, un établissement qui prend rapidement de
l’extension et connaît bientôt une renommée européenne : on vient de partout observer le
phénomène pédagogique, et les maîtres stagiaires s’y succèdent par vagues (prussienne,
française, anglaise) afin de s’initier à la « méthode Pestalozzi ».
La « méthode » est assurément le projet pédagogique qui porte toute l’œuvre de
Pestalozzi dans ses trois instituts. Pratiquement amorcée à Stans, les grandes lignes en seront
tracées dans l’ouvrage de 1801, Comment Gertrude instruit ses enfants, et elle ne cessera de
s’élaborer dans ses différentes composantes au fil des expériences de Burgdorf et d’Yverdon
11
.
On pose volontiers la question de l’originalité de la « méthode Pestalozzi »
(l’expression est de Herbart). S’il faut entendre par là un matériel et des techniques, on risque
d’être déçu : c’est en vain que le visiteur du château d’Yverdon cherchera ces « trucs
pédagogiques » qu’il pourrait reprendre dans sa pratique. En fait de techniques pédagogiques,
je serais tenté de dire que Pestalozzi n’a rien inventé, pas même l’ardoise, et qu’il a pris son
bien un peu partout : il faut en effet savoir que, loin de se développer dans un désert
pédagogique, son expérience s’inscrivait dans un vaste mouvement de rénovation de
l’enseignement qui touchait jusqu’au plus humble pasteur de village. Par surcroît, Pestalozzi a
6
lui-même avoué qu’il s’était complètement trompé en élaborant certaines techniques, en
particulier pour l’apprentissage du langage, et il ne s’est pas privé de modifier profondément
l’instrument à un moment du parcours. Bref, ce n’est pas du côté matériel de la méthode qu’il
faut aller chercher son originalité.
Et, cependant, il y a une originalité, historiquement
vérifiée, dans la façon dont
pratiquement tous les pédagogues
praticiens des XIX
e
et XX
e
siècles s’y référeront comme à
une source et ne cesseront de regarder vers elle par-delà leurs difficultés et leurs échecs.
On dira que l’originalité de la méthode élaborée par Pestalozzi réside
fondamentalement dans son esprit. Son mérite est en effet le suivant : là où pratiquement tous
ses disciples, avoués, ou inavoués, ont régulièrement laissé s’engloutir leur intention dans la
matérialité d’un savoir, d’une technique, d’une conception a priori de l’homme, et se sont
régulièrement défendus pour qu’on ne confond pas ce qu’ils voulaient avec ce qui se trouvait
réalisé par eux, Pestalozzi a saisi que la méthode et toutes ses composantes ne devraient
jamais être plus que des instruments entre les mains du pédagogue, afin que celui-ci produise
« quelque chose » qui n’est pas dans la méthode et se révèle d’une tout autre nature que son
processus mécanique : la liberté autonome.
La méthode est un instrument assurément nécessaire. Il importe d’observer la nature
enfantine, de dégager les lois propres de son développement, d’agencer un environnement
favorable à ce développement, de prendre en considération explicitement la dimension sociale
de la relation éducative, de rendre effective la capacité d’action de l’enfant, toutes choses que
les Makarenko, Montessori, Freinet, Piaget continueront à élaborer et à perfectionner
techniquement. Il s’agit de scruter inlassablement le mécanisme de la nature humaine dans ses
différentes manifestions : sans savoir, pas de pouvoir possible sur cette nature.
Mais c’est une erreur de croire que le savoir est en soi libérateur : moyen nécessaire,
mais non suffisant. La méthode, avec tout son contenu de connaissances positives sur l’enfant,
peut contribuer tout autant à l’asservir qu’à le libérer. Pour que le mouvement aille dans le
second sens, il importe de développer une action spécifique qui mette en œuvre les instruments
de la méthode d’une façon telle qu’ils soient effectivement générateurs de liberté autonome.
C’est ici que commence à proprement parler le travail pédagogique ; c’est ici qu’intervient,
par-delà la lettre, l’esprit de la méthode, un esprit qui n’utilise les techniques que pour leur
faire produire le contraire d’un résultat technique : « Examinez tout, dira Pestalozzi en 1826,
retenez ce qui est bien et, si quelque chose de mieux a mûri en vous-mêmes, ajoutez-le en
vérité et en amour à ce que j’essaie de vous donner dans ces pages en vérité et en amour
12
. »
On comprend que l’essentiel se joue dans une pratique, qui renvoie elle-même à une
attitude, et qu’on ne puisse faire la théorie de cette attitude sans courir le risque de tuer ce que
le processus méthodique a pour mission de faire naître et de soutenir dans son développement.
Il y a, explique encore Pestalozzi, une limite au-delà de laquelle le processus méthodique doit
complètement s’inverser pour laisser l’initiative à la liberté autonome : « Quiconque
s’approprie la méthode, que ce soit un enfant, que ce soit un jeune, que ce soit un homme ou
une femme, celui-là se heurtera toujours dans ses exercices à un point qui sollicitera tout
particulièrement son individualité : en le saisissant et en le développant, il déploiera à coup sûr
en lui des forces et des moyens qui l’élèveront en majeure partie au-dessus du besoin d’aide et
de soutien pour sa formation qui demeure à ce stade indispensable à d’autres, et il se mettra en
situation de parcourir et d’achever de ce côté, d’un pas assuré et d’une façon autonome, le
chemin restant de sa formation. S’il n’en était pas ainsi, ma maison ne tiendrait pas debout,
mon entreprise aurait échoué
13
. »
S’il fallait cependant donner aux praticiens de la pédagogie une indication sur la façon
dont était mis en œuvre, dans les instituts de Pestalozzi, cet esprit de la méthode, on pourrait
étudier la manière dont s’articulent, au centre du processus, les trois éléments du cœur, de la
tête et de la main (Herz, Kopf, Hand). Il ne s’agit pas de trois « parties » de l’homme, ni même
7
de trois « facultés », mais de trois point de vue pris sur une seule et même humanité en action
d’autonomie. Avec la tête, Pestalozzi veut désigner le pouvoir qu’à l’homme de se dégager
par la réflexion du monde et de ses impressions confuses en élaborant concepts et idées. Mais
l’homme demeure, en tant qu’individu situé, complètement immergé dans un monde qui ne
cesse, à travers l’expérience, de solliciter sa sensibilité, et le rapproche de ses semblables dans
la lutte engagée en vue de maîtriser la nature par le travail : c’est la dimension du cœur.
L’homme, ainsi provoqué par ce qui est et sollicité par ce qu’il doit être, n’a d’autre issue que
de se faire, à la faveur de ce conflit toujours ouvert et pleinement assumé, une œuvre de soi-
même : c’est la main.
Ces trois éléments concourent ainsi à la production de la force autonome en chacun
des intéressés : la part raisonnable est garante de l’universalité de la nature humaine, la part
sensible de sa particularité radicale, tandis que la contradiction entre les deux libère à son tour
le pouvoir proprement humain de développer une action constituant la personnalité autonome.
Il faut encore noter que ce processus se développe dan son intégralité à l’intérieur du cadre de
la société, dans la mesure où c’est elle qui à la fois modèle la raison humaine et fait l’objet de
l’insatisfaction essentielle des intéressés.
L’instituteur et, plus en amont, le père et la mère, pour autant qu’ils se font
éducateurs, occupent une position privilégiée au point de rencontre du désir sensible et de la
raison sociale chez l’enfant. Ils ont, à cette période décisive, le pouvoir de favoriser le
développement de la force autonome ou de l’entraver, peut-être pour toute une existence.
Telle est l’immense responsabilité morale du pédagogue.
Cette responsabilité se donnera un moyen essentiel de s’exercer dans la façon dont le
pédagogue, quels que soient le lieu et le temps de son action, quelle que soit la matière
d’enseignement dont il a la charge, saura maintenir l’équilibre entre les trois composantes de la
méthode. C’est dire qu’il ne suffit pas, à l’intérieur de l’institution scolaire, de distribuer
harmonieusement les matières entre le pôle intellectuel, le pôle sensible (artistique) et le pôle
technique, mais que chaque enseignant doit s’employer à mettre en œuvre, dans chacune de
ses démarches pédagogiques, les trois éléments autour desquels s’articule le développement de
la force autonome : le professeur d’éducation physique restera attentif à la maîtrise
intellectuelle des exercices, en même temps qu’à leur répercussion sensible chez l’enfant,
tandis que l’enseignant de mathématiques veillera à ne pas perdre de vue l’enracinement de sa
matière dans l’existence concrète des enfants et sa mise en œuvre autonome à un moment du
processus pédagogique ... C’est un équilibre qui, ne cesse de répéter Pestalozzi, n’est jamais
définitivement acquis et peut se rompre à chaque instant pour alimenter l’une des trois
« bestialités » de la tête, du cœur et de la main.
Cette analyse ne vaut pas seulement pour les acquisitions scolaires du savoir, du
savoir-faire et du savoir-sentir, mais aussi et surtout pour la marche de l’institution qui, entre
la chaude cellule familiale et le monstre froid de l’État, a pour mission d’instituer la liberté
autonome d’une façon vivante, réfléchie et pratique. Plutôt que d’installer les enfants dans
l’illusion d’une démocratie immédiate, comme cela avait été le cas au Neuhof, Pestalozzi va
s’employer, dès Stans et à travers la relation qu’il nous a laissée de sa brève expérience, à
construire une humanité sociale aussi proche que possible du désir de chacun et de l’intérêt de
l’ensemble, mais sans cesse appelée à se dépasser dans l’action : pauvres parmi les pauvres, les
enfants de Stans se serreront pour accueillir de plus pauvres encore
14
.
Il s’ensuit que le système éducatif, dans ses différentes structures, n’échappera pas à la
nécessité de s’agencer d’une façon telle que l’action du pédagogue, eu égard à ce qu’il a pour
mission de produire, puisse s’exercer dans un climat de liberté autonome et responsable.
Chacun des rouages institutionnels devra rester au service du projet qui singularise l’action
pédagogique par rapport au reste des actions humaines, un projet qui vise essentiellement
l’humanité en train de se constituer sur fond d’autonomie au sein de la relation pédagogique.
8
L’ultime débat : pratique et théorie pédagogique
On mesure l’actualité de Pestalozzi dans la façon dont il a su penser jusqu’au fond la
contradiction entre la fonction d’intégration sociale de l’école et son devoir
d’accomplissement des individus dans la liberté : Durkheim et Illich sont ici renvoyés dos à
dos. Les partisans de l’« école dans la vie » pourront encore, avec Pestalozzi, prendre la
mesure des obstacles qui continuent à avoir raison de leurs expériences. Mais ceux qui
voudraient tirer parti des difficultés de tels précédents pour restaurer le vieil humanisme autour
de l’Idée d’éducation, ceux-là en seront aussi pour leurs frais : c’est un non catégorique que
Pestalozzi va leur opposer à travers ses rapports avec le pasteur Niederer, d’abord son plus
proche collaborateur à Yverdon, bientôt son adversaire, enfin son ennemi acharné à abattre
une entreprise qui n’a pas accepté de se plier à son idée.
La controverse qui s’est développé à Yverdon, au point de faire éclater une nouvelle
fois l’expérience, est volontiers réduite à une querelle de personnes et à un conflit de
tempéraments. Il y a en vérité, au fond de cette affaire, un débat fondamental qui demeure
d’une actualité brûlante en pédagogie : celui du rapport entre la pratique et la théorie. Si
l’éducateur est bien, à la différence du philosophe et de l’homme de science, « un praticien à la
recherche d’une théorie praticable de sa pratique » (D. Hameline), on peut dire que l’existence
de Pestalozzi fut l’incarnation même de cette définition. Praticien, il le fut absolument au
Neuhof, qui se voulait pure liberté en action. Les Recherches de 1797 peuvent ensuite être
interprétées comme le point d’aboutissement d’une longue marche qui a permis à Pestalozzi
d’élaborer la théorie de sa pratique, en écartant à la fois le discours inopérant des philosophes
et la démarche stérilisante de la « science de l’homme ».
Mais nous avons vu que, si la réflexion de Recherches appelait bien une pratique, celle-
ci demeurait en rupture avec celle-là : la méthode se veut aussi une théorie praticable de la
pratique développée à Stans, Burgdorf, Yverdon et la volonté d’autonomie qui la porte n’a
pas à chercher son fondement à l’extérieur d’elle-même. Ce sera l’erreur de Niederer qui,
imprégné de la philosophie de Fichte et de celle de Schelling, et se présentant comme le Platon
du Socrate de la pédagogie, va entreprendre de transformer en théorie l’expérience qui se
développe sous ses yeux. Pestalozzi, conscient de la nécessité d’une telle élucidation, suivra un
moment son collaborateur, mais il ne tardera pas à ressentir ce qui s’élabore comme un corps
de plus en plus étranger à ce qu’il veut au plus profond de lui-même et finira par récuser
brutalement la théorie de Niederer en même temps que son emprise dogmatique sur l’institut.
L’objection fondamental que Pestalozzi formule à l’endroit de cette théorie, c’est
qu’en transformant en système le projet de liberté qui la porte elle le rend en réalité
impraticable. Niederer, prenant en main la direction de l’institut, inspire bien une pratique,
mais celle-ci ne tarde pas à se développer à tous les niveaux au détriment de ce qui est
recherché à travers elle : la réalisation effective de la liberté en chacun comme en tous.
Concrètement, les maîtres passent plus volontiers leur temps en séminaires sur la Liberté, sur
la Force autonome de l’enfant, sur la Pédagogie chrétienne, mais se préoccupent chaque jour
moins des seuls êtres qui puissent en réalité donner sens à ces belles idées : les enfants ici
présents, la réalité quotidienne de l’institut, ces petites choses qui alimentent la force
autonome de chacun. Pestalozzi assiste ainsi à une fuite généralisée des maîtres, et par voie de
conséquence des enfants, devant les responsabilités de l’action : on comprend que celui qui
avait fini par lier l’éducation au projet moral de l’homme, manifeste dans son aptitude à
développer une action autonome, ait jugé insoutenable cette dérive de sa propre intention, et
qu’il ait préféré saborder son institut plutôt que de céder sur l’essentiel de son projet. Dans le
calme retrouvé du Neuhof, sa réflexion lui permet de dégager une vérité pédagogique
fondamental et d’en faire l’axe de son testament d’éducateur, Le chant du cygne
15
.
9
Ce principe peut paraître, à première lecture, d’une banalité déconcertante : tout
homme qui réfléchit tant soit peu est bien conscient du fossé qui sépare les idées des réalités
concrètes. Mais, quand on observe la marche forcée des pédagogues soucieux de théorie en
vue de réaliser dans leur pratique la synthèse entre la théorie qu’ils ont en tête et les êtres
sensibles auxquels ils ont affaire, quand on observe par ailleurs leurs échecs fracassants et la
façon dont ils se trouvent à chaque fois contraints d’aller vivre leur utopie comme marginaux,
on en arrive à se dire que l’auteur du Chant du cygne est sans doute parvenu à résoudre un
des problèmes fondamentaux de la pédagogie : la main du pédagogue ne pourra accomplir son
ouvrage que dans la mesure où sont maintenus à distance — à distance de la main et à distance
entre eux — le pôle de l’intelligence universalisante et le pôle de la sensibilité particularisante.
C’est à ce prix que la liberté autonome peut réellement se constituer chez les enfants, en
évitant de s’évaporer dans l’impuissance de la théorie comme de s’enliser dans l’imbroglio des
intérêts. Cette volonté de distinguer est si forte que Le chant du cygne, qui prétend saisir
l’essence de la formation élémentaire, est une invitation à chaque individu à prendre la
responsabilité de son action, et à ne pas hésiter à se créer éventuellement d’autres moyens et
d’autres techniques dès lors qu’il le fait « en vérité et en amour », comprenons : porté par la
volonté de faire se lever autour de lui d’autres forces autonomes
16
.
La démarche de Pestalozzi manifeste ainsi sa plus profonde actualité dans la façon,
jusqu’à ce jour inégalée, dont il a sur articuler sa théorie et sa pratique. Et, si l’éducation a des
chances de se développer comme processus d’action où la pratique, la recherche scientifique
et la théorie se fécondent mutuellement (G. Mialaret), on peut dire que Pestalozzi a réussi à
mener de front ce triple attelage.
Pestalozzi se met ainsi en position d’agir sur la nature spécifique de l’enfant. En brisant
la continuité naturelle entre l’approche théorique et l’approche pratique des questions
pédagogiques, Pestalozzi brise aussi le ressort du mécanisme qui faisait de l’enfant, depuis des
siècles, l’instrument docile de vérification du bien-fondé de théories préconçues. En laissant
béant le fossé entre théorie et pratique, l’auteur du Chant du cygne libère au cœur de l’enfant
la force par laquelle il pourra faire « une œuvre de soi-même », et il jette du même coup la
base d’une recherche scientifique d’ordre spécifiquement pédagogique. L’éducation fait
assurément partie des sciences humaines, mais ce n’est pas une science humaine comme les
autres : le rapport dialectique qu’elle entretient avec la pratique, au nom même du respect de
la liberté en devenir, lui fait récuser le schéma hypothético-déductif qui préside à la démarche
des sciences de l’homme.
Pestalozzi laisse au pédagogue la mission de vivre et de creuser la contradiction
développée à longueur de pages dans Le chant du cygne. Nous aurions sans doute préféré
qu’allant jusqu’au bout de sa réflexion il nous laisse une véritable « théorie praticable de sa
pratique », que chaque instituteur puisse avoir en main. Sa grande faiblesse demeure
assurément qu’il n’est jamais parvenu à détacher vraiment son œuvre de lui-même, de son
existence, de ses expériences. Mais cette faiblesse devient à son tour une force eu égard à ce
qu’il n’a pas cessé de rechercher depuis l’origine : la réalisation de la liberté autonome en
chacun comme en tous.
Notes
1.
Michel Soëtard (France). Docteur ès lettres et sciences humaines, professeur d’histoire de la pensée
pédagogique et de philosophie de l’éducation à l’Institut des sciences de l’éducation, Université
catholique de l’Ouest, Angers. Directeur de recherche à l’Université Lumière, Lyon 2. Auteur de
Pestalozzi ou la naissance de l’éducateur (1981), d’un Pestalozzi (1987), d’un Rousseau (1988) et
d’un Fröbel (1990). Il a collaboré à plusieurs ouvrages et dictionnaires, et rédigé pour des revues
françaises, allemandes, suisses et italiennes de nombreux articles sur l’histoire de la pédagogie et sur
les problèmes actuels de l’éducation. Professeur invité aux Universités de Würzburg (Allemagne) et
10
de Padoue (Italie). Membre du Conseil et de l’Association mondiale des sciences de l’éducation
(AMSE) et du Comité exécutif de l’Institut pour la formation européenne (ISFE), Secrétaire général
de l’Association française d’éducation comparée (ADEC).
2.
Centre de documentation et de recherche Pestalozzi, CP 138, 1400 Yverdon, Suisse, La revue
Pestalozzianum de Zurich (Beckenhofstrasse 31-33) informe régulièrement des publications sur le
pédagogue suisse.
3.
Le seul texte de références et désormais celui de l’Édition critique des œuvre et des lettres : a)
Pestalozzi, Sämtliche Werke (SW), lancée en 1927 par A. Buchenau, E. Spraner et H. Stettbacher, et
en cours d’achèvement sous la direction d’E. Dejung — 28 volumes parus à ce jour chez W. de
Gruyter (Berlin) puis chez Orell Füssli (Zurich) ; b) Pestalozzi, Sämtliche Briefs, 13 volumes parus
depuis 1946 chez Orell Füssli, Zurich (notés SB). Le Dictionnaire de F. Buisson contenait
d’importants articles sur Pestalozzi, sur ses expériences et sur ses principaux collaborateurs ; J.
Guillaume avait publié en 1890 une Étude biographique de Pestalozzi, remarquable pour l’époque, et
la traduction par Darin de Comment Gertrude instruit ses enfants avait été un succès d’édition au
début de ce siècle. Si l’on ne dispose pas actuellement d’une biographie à jour en langue française (la
meilleure reste, en allemand et en anglais, celle de K. Silber : Johann Heinrich Pestalozzi. Der
Mensch un sein Werk, publiée en 1957), on peut se reporter à deux ouvrages : Qui êtes-vous,
Monsieur Pestalozzi ?, de J. Cornez-Besson (Yverdon, 1977), et le Pestalozzi de G. Piaton, paru chez
Privat en 1982. Nous indiquerons, dans le cours de cet article, les traductions françaises disponibles
ou en préparation.
4.
Les développements qui suivent reprennent l’essentiel des résultats de notre étude : Pestalozzi ou la
naissance de l’éducateur — étude sur l’évolution de la pensée et de l’action du pédagogue suisse
(1746-1827), Berne, P. Lang, coll. « Publications universitaires européennes », 1981, 671 p.
5.
Méthode théorique et pratique, texte de 1826 publié en français par Pestalozzi, SW, vol. XXVIII, p.
319.
6.
C. Pistrak : Les problèmes fondamentaux de l’école du travail, Paris, Desclée de Brouwer, 1973.
7.
Une traduction française de la première version est disponible aux Éditions La Baconnière, Boudry
(Suisse).
8.
SB, vol. III, p. 298-302.
9.
L’association du nom de Pestalozzi au principe de l’éducation familiale (Wohnstube), et à celle de la
mère en particulier, procède d’une analyse insuffisante des textes du pédagogue et de l’évolution de sa
pensée. Il est en effet tout aussi vrai de dire qu’il lutte avec la réalité d’une cellule familiale en crise et
que l’éducation, en même temps que l’institution scolaire, se dégage progressivement dans son œuvre
comme le moyen de surmonter l’inéluctable dislocation de la première cellule naturelle : la mère est
appelée, jusqu’à un certain point contre sa nature, à se faire éducatrice.
10.
SW, vol. XII, p. 125.
11.
Nous préparons une nouvelle traduction française, avec introduction et notes, de l’ouvrage
pédagogique fondamental de Pestalozzi : Comment Gertrude instruit ses enfants, ainsi que de la
Lettre de Stans. Pour une présentation d’ensemble de la méthode, on pourra se reporter aux texte que
Pestalozzi a lui-même publiés en français : Méthode théorique et pratique de Pestalozzi pour
l’éducation et l’instruction élémentaire, Paris, 1826, SW, XXVIII, p. 287-319.
12.
SW, vol. XXVIII, p. 57, trad. La Baconnière.
13.
Geist und Herz in der Methode, SW, vol. XVIII, p. 35.
14.
SW, vol. XIII, p. 1-32.
15.
SW, vol. XXVIII, p. 53-286, trad. La Baconnière.
16.
Voir ci-dessus, note 11.
Œuvres de Johann Pestalozzi
Les principales œuvres der Pestalozzi ont été publiées dans de très nombreuses langues. Le texte de référence est
désormais celui de l’édition Critique des œuvres et des lettres :
Pestalozzi Sämtliche Werke [Pestalozzi : œuvres complètes], fondée en 1927 par A. Buchenau, E. Spranger et
H. Stettbacher, poursuivie par E. Dejung, et en cours d’achèvement par les soins de la Forshungsstelle du
Pestalozzianum de Zurich (Beckenhofstrasse 31-33) — 28 volumes parus à ce jour chez W. de Gruyter
(Berlin), puis chez Orell Füssli (Zurich);
Pestalozzi Sämtliche Briefe [Pestalozzi : lettres complètes], publiée par le Pestalozzianum et la Zentralbibliothek de
Zurich, 1946-1971, 13 volumes à ce jour chez Orell Füssli, Zurich.
11
Principales œuvres sur Johann Pestalozzi
La bibliographie des ouvrages parus principalement en allemand sur Pestalozzi a été successivement réunie par :
Israel, A. Pestalozzi-Bibliographie, 3 vol. (Monumenta Germaniae paedagogica 25, 29, 31), 1904.
Klinke, W. Pestalozzi-Bibliographie. 1923.
Klink, J.-G./L. Bibliographie J. H. Pestalozzi. 1968.
Kuhlemann, G. Pestalozzi-Bibliographie 1966-1977 in: Pädagogische Rundschau, 1980, 2/3, pp. 189-202.
Une bibliographie générale est en cours d’élaboration à la Forschungsstelle du Pestalozzianum de Zurich. Parmi les
ouvrages qui ont marqué l’interprétation de l’œuvre de Pestalozzi, on distinguera :
Barth, H. Pestalozzis Philosophie der Politik [La philosophie politique de Pestalozzi]. 1954.
Delekat, F. Johann Heinrich Pestalozzi, der Mensch, der Philosoph und der Erzieher [Johann Heinrich Pestalozzi :
l’homme, le philosophe, l’éducateur]. , 3
e
éd
.
1968.
Froese, L. ; Kamper, D., usw. Zur Diskussion : Der politische Pestalozzi [ Sujet à débattre : le Pestalozzi politique ].
1972.
Litt, Th. Der lebendige Pestalozzi [Le pétulant Pestalozzi ], 2
e
éd. 1961.
Meier, U. Pestalozzis Pädagogik der sehenden Liebe [La pédagogie de l’amour conscient chez Pestalozzi] . 1987.
Natorp, P. Der Idealismus Pestalozzis [L’idéalisme de Pestalozzi]. 1919.
Rang, A. Der politische Pestalozzi [Le Pestalozzi politique]. 1967.
Schönebaum, H. Johann Heinrich Pestalozzi. Wesen und Werk [Johann Heinrich Pestalozzi : son essence et son
œuvre] . 1954 .
Silber, K. Pestalozzi — der Mensch und sein Werk [Pestalozzi : l’homme et l’œuvre]. 1957.
Soëtard, M. Pestalozzi ou la naissance de l’éducateur. Berne, P. Lang, 1981.
Spranger, E. Pestalozzis Denkformen [La façon de penser de Pestalozzi], 3
e
. éd. 1966.
Stadler, P. Pestalozzi. 1988.
Stein, A. Pestalozzi und die Kantische Philosophie [Pestalozzi et la philosophie de Kant]. 1927.
Wernle, P. Pestalozzi und die Religion [Pestalozzi et la religion]. 1927.
Würzburger, K. Der Angefochtene [L’adversaire]. 1940