Les dispositions pĂ©nales en matiĂšre de luttre contre le racisme, lâantisĂ©mitisme et les discriminations
La France a connu ces derniĂšres annĂ©es une augmentation particuliĂšrement inquiĂ©tante dâactes Ă caractĂšre
raciste, antisĂ©mite ou xĂ©nophobe, parfois dâune extrĂȘme violence.
Ces faits ont le plus souvent pris la forme dâactes de discrimination, notamment par des refus dâaccĂšs Ă des
lieux ouverts au public ou encore par des appels au boycott de produits Ă©trangers, dâatteintes aux biens, tels
que des incendies volontaires de lieux cultuels, ou dâatteintes aux personnes caractĂ©risĂ©es par des agressions
physiques ou verbales.
De tels comportements, qui demeurent toutefois minoritaires parmi nos concitoyens, sont intolérables en ce
quâils portent atteinte aux fondements mĂȘmes des principes rĂ©publicains dâaccueil, de tolĂ©rance et de respect
des convictions et des choix dâautrui.
Le lĂ©gislateur, pour lutter contre ces phĂ©nomĂšnes, a amĂ©liorĂ© lâarsenal rĂ©pressif Ă disposition des parquets et
des juridictions en votant les lois des 3 fĂ©vrier et 18 mars 2003 qui crĂ©ent, pour un certain nombre dâinfrac-
tions pénales, la circonstance aggravante à caractÚre raciste ou homophobe.
Le législateur a également voté la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la cri-
minalité qui aggrave les peines en cas de discrimination, élargit les cas permettant de retenir les circonstances
aggravantes à caractÚre raciste ou homophobe, étend la prescription trimestrielle à un an pour les délits de
presse à caractÚre raciste, et crée une nouvelle peine de stage de citoyenneté.
Le présent guide, actualisé au regard de ces derniers développements législatifs, a pour objet de
rappeler un certain nombre de points juridiques touchant aux infractions Ă caractĂšre discriminatoire, raciste ou
antisémite, ainsi que les actions engagées par la chancellerie dans ces domaines.
Ce guide, qui se veut ĂȘtre un outil simple et accessible dâinformation et de sensibilisation, sâadresse aussi bien
aux magistrats en charge de ces contentieux, quâĂ toutes personnes ayant Ă connaĂźtre de ces dossiers, et au-
delà à tout citoyen intéressé par ces questions.
Jean-Claude MARIN
Directeur des affaires criminelles et des grĂąces
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La loi 2003-88 du 3 février 2003 et la loi 2004-204 du 9 mars 2004
La loi du 3 fĂ©vrier 2003, issue dâune proposition de Monsieur LELLOUCHE, DĂ©putĂ©, a crĂ©Ă© une
nouvelle circonstance aggravante à caractÚre raciste, xénophobe ou antisémite
(article 132-76 du code
pénal).
La circonstance aggravante doit ĂȘtre Ă©tablie de maniĂšre objective et nâest caractĂ©risĂ©e, selon lâarticle
132-76 du code pĂ©nal, que lorsque lâinfraction est prĂ©cĂ©dĂ©e, accompagnĂ©e, ou suivie de propos,
Ă©crits, images, objets, ou actes de toute nature portant atteinte Ă lâhonneur ou Ă la considĂ©ration de
la victime ou dâun groupe de personnes dont fait partie la victime Ă raison de leur appartenance ou
de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, un race ou une religion
déterminée.
Cette circonstance aggravante a pour effet dâaugmenter la peine encourue, pouvant mĂȘme le cas
Ă©chĂ©ant modifier la nature de lâinfraction
(les dégradations dangereuses de bien privé assortie de la
circonstance aggravante Ă caractĂšre raciste deviennent un crime)
.
La loi 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a
Ă©largi aux menaces, vol, et extorsion la liste des infractions pour lesquelles la circonstance
aggravante Ă caractĂšre raciste ou antisĂ©mite peut ĂȘtre retenue.
Les dispositions pénales
â€
3
Racisme nouveau 16/06/04 10:03 Page 3
Ainsi le mobile raciste, xĂ©nophobe ou antisĂ©mite peut ĂȘtre retenu comme circonstance aggravante
pour les infractions suivantes :
INFRACTION
PEINE ENCOURUE
Lâhomicide volontaire
RCP au lieu de 30 ans de réclusion
Les tortures et actes de barbarie
20 ans de réclusion au lieu de 15 ans
Les violences ayant entraßné la mort
20 ans de réclusion au lieu de 15 ans
sans intention de la donner
Les violences ayant entraßné une mutilation
15 ans de réclusion au lieu de 10 ans
ou une infirmité permanente
dâemprisonnement et 150.000
âŹ
dâamende
Les violences ayant entraßné une I.T.T
5 ans dâemprisonnement et 75.000
âŹ
dâamende
supérieure à 8 jours
au lieu de 3 ans et 45.000
âŹ
dâamende
Les violences nâayant entraĂźnĂ© aucune I.T.T
3 ans dâemprisonnement et 45.000
âŹ
dâamende
ou une I.T.T. inférieure ou égale à 8 jours
au lieu dâune amende contraventionnelle de
5
e
classe
Dégradations de bien privé
3 ans dâemprisonnement et 45.000
âŹ
dâamende
au lieu de 2 ans et 30.000
âŹ
dâamende.
La peine est portĂ©e Ă 5 ans dâemprisonnement et
75.000
âŹ
dâamende lorsque le bien est un lieu
de culte
Les dispositions pénales
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Les dispositions pénales
â€
5
Dégradations de bien privé par moyens
20 ans de réclusion et 150.000
âŹ
dâamende
dangereux
au lieu de 10 ans dâemprisonnement et
150.000
âŹ
dâamende
Menaces de commettre un crime
2 ans dâemprisonnement et 30.000
âŹ
dâamende
ou un délit contre les personnes
au lieu de 6 mois dâemprisonnement
et 7500
âŹ
dâamende
Menaces de mort
5 ans dâemprisonnement et 75.000
âŹ
dâamende
au lieu de 3 ans dâemprisonnement
et 45.000
âŹ
dâamende
Menaces de commettre un crime ou
5 ans dâemprisonnement et 75.000
âŹ
dâamende
un dĂ©lit avec lâordre de remplir une condition
au lieu de 3 ans dâemprisonnement
et 45.000
âŹ
dâamende
Menaces de mort avec obligation de
7 ans dâemprisonnement et 100.000
âŹ
dâamende
remplir une condition
au lieu de 5 ans dâemprisonnement
et 75.000
âŹ
dâamende
Vol
5 ans dâemprisonnement et 75.000
âŹ
dâamende
au lieu de 3 ans et 45.000
âŹ
dâamende
Extorsion
10 ans dâemprisonnement et 150.000
âŹ
dâamende au lieu de 7 ans et 100.000
âŹ
dâamende
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Les dispositions pénales
La loi 2003-239 du 18 mars 2003 et la loi 2004-204 du 9 mars 2004
La loi du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure
(JO du 19 mars 2003)
crée un article 132-77 du
code pénal qui prévoit expressément la possibilité de retenir une nouvelle circonstance aggravante
lorsquâun crime oĂč un dĂ©lit est commis Ă raison de lâorientation sexuelle de la victime.
Pour la premiÚre fois, la loi prévoit la prise en compte du mobile homophobe comme circonstance
aggravante de certaines infractions pénales.
Cette circonstance est constituĂ©e lorsque lâinfraction est prĂ©cĂ©dĂ©e, accompagnĂ©e, ou suivie de
propos, Ă©crits, utilisation dâimages ou dâobjets ou dâactes de toute nature portant atteinte Ă lâhonneur
ou Ă la considĂ©ration de la victime ou dâun groupe de personnes dont fait partie la victime Ă raison
de leur orientation sexuelle vraie ou supposée.
Il doit donc sâagir dâĂ©lĂ©ments objectifs qui permettent de caractĂ©riser de maniĂšre prĂ©cise et concrĂšte
le mobile homophobe du comportement incriminé.
La mĂȘme dĂ©marche avait Ă©tĂ© suivie pour dĂ©finir, dans le cadre de la loi du 3 fĂ©vrier 2003, la
circonstance aggravante Ă caractĂšre raciste.
La loi 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a
Ă©largi aux menaces, vol, et extorsion la liste des infractions pour lesquelles la circonstance aggra-
vante Ă caractĂšre homophobe peut ĂȘtre retenue.
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Les dispositions pénales
â€
7
Les infractions visées sont les suivantes :
INFRACTION
PEINE ENCOURUE
Le meurtre
RCP au lieu de 30 ans de réclusion
Les tortures
20 ans de réclusion au lieu de 15 ans
Les violences ayant entraßné la mort
20 ans de réclusion au lieu de 15 ans
sans intention de la donner
Les violences ayant entraßné une mutilation
15 ans de réclusion au lieu de 10 ans
ou une infirmité permanente
dâemprisonnement et 150 000
âŹ
dâamende
Les violences ayant entraßné une incapacité
5 ans dâemprisonnement et 75 000
âŹ
dâamende
de travail pendant plus de 8 jours
au lieu de 3 ans et 45 000
âŹ
, la pénalité
maximale Ă©tant de 10 ans et 150 000
âŹ
euros
dâamende en cas de cumul de circonstances
aggravantes
Les violences ayant entraßné aucune incapacité
3 ans dâemprisonnement et 45 000
âŹ
dâamende
ou une incapacité inférieure à égale à 8 jours
eu lieu dâune pĂ©nalitĂ© contraventionnelle
Le viol
20 ans de réclusion au lieu de 15 ans de réclusion
Les agressions sexuelles
10 ans dâemprisonnement et 150.000
âŹ
dâamende au lieu de 5 ans et 75.000
âŹ
dâamende
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Les dispositions pénales
Menaces de commettre un crime ou
2 ans dâemprisonnement et 30.000
âŹ
dâamende
un délit contre les personnes
au lieu de 6 mois dâemprisonnement et 7500
âŹ
dâamende
Menaces de mort
5 ans dâemprisonnement et 75.000
âŹ
dâamende
au lieu de 3 ans dâemprisonnement et 45.000
âŹ
dâamende
Menaces de commettre un crime ou
5 ans dâemprisonnement et 75.000
âŹ
dâamende
un dĂ©lit avec lâordre de remplir une condition
au lieu de 3 ans dâemprisonnement et 45.000
âŹ
dâamende
Menaces de mort avec obligation de
7 ans dâemprisonnement et 100.000
âŹ
remplir une condition
dâamende au lieu de 5 ans dâemprisonnement
et 75.000
âŹ
dâamende
Vol
5 ans dâemprisonnement et 75.000
âŹ
dâamende
au lieu de 3 ans et 45.000
âŹ
dâamende
Extorsion
10 ans dâemprisonnement et 150.000
âŹ
dâamende au lieu de 7 ans et 100.000
âŹ
dâamende
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Les dispositions pénales
â€
9
Les discriminations
La loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la
criminalité aggrave les sanctions encourues en cas de discriminations.
Ainsi, les discriminations prĂ©vues Ă lâarticle 225-2 du Code pĂ©nal sont punies de 3 ans
dâemprisonnement et de 45 000
âŹ
dâamende au lieu de 2 ans dâemprisonnement et de 30 000
âŹ
dâamende.
De mĂȘme, lorsque le refus discriminatoire prĂ©vu au 1° de lâarticle sus visĂ© est commis dans un lieu
accueillant du public ou aux fins dâen interdire lâaccĂšs, les peines sont portĂ©es Ă 5 ans
dâemprisonnement et 75 000
âŹ
dâamende.
Enfin, les discriminations prĂ©vues Ă lâarticle 432-7 du Code pĂ©nal sont punies de 5 ans
dâemprisonnement et de 75 000
âŹ
dâamende au lieu de 3 ans dâemprisonnement et 45 000
âŹ
dâamende.
La jurisprudence de la Chambre criminelle en matiĂšre de testing
Par une décision du 1
er
juin 2002, la chambre criminelle de la Cour de cassation a admis la
pratique du testing comme moyen de preuve
au motif quâen matiĂšre pĂ©nale devait prĂ©valoir le
principe de la libertĂ© de la preuve, en application de lâarticle 427 du code de procĂ©dure pĂ©nale
(arrĂȘt
joint en annexe).
Il appartient dĂšs lors aux juridictions dâapprĂ©cier la valeur probante de la pratique du testing dans
le cas dâespĂšce qui lui est soumis.
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La loi sur la presse
Les infractions Ă caractĂšre raciste
INFRACTION
ARTICLES REPRESSIFS
PEINE ENCOURUE
Provocation publique Ă
art 23, 24 alinéa 6 et 7,
1 an dâemprisonnement
la discrimination Ă la haine ou
art 42 de la loi du 29
et 45.000
âŹ
dâamende
Ă la violence nationale, raciale
juillet 1881
ou religieuse
Contestation de crime contre
art 23, 24 bis et 42 de la
1 an dâemprisonnement
lâhumanitĂ©
loi du 29 juillet 1881
et 45.000
âŹ
dâamende
Diffamation raciale publique
art 23, 29, 32 alinéa 2
1 an dâemprisonnement
et 3, art 42 de la loi du
et 45.000
âŹ
dâamende
29 juillet 1881
Injure raciale publique
art 23, 29, 33 alinéa 3
6 mois dâemprisonnement
et 4, art 42 de la loi du
et 22.500
âŹ
dâamende
29 juillet 1881
Provocation non publique Ă la
art R 625-7 du code pénal
contravention de 5e classe :
discrimination, Ă la haine ou Ă
1500
âŹ
dâamende
la violence nationale, raciale ou
religieuse
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La loi sur la presse
â€
11
Diffamation raciale
art R624-3 du code pénal,
contravention de 4
e
classe
non publique
et art 29 alinéa 1
750
âŹ
dâamende
de la loi du 29 juillet 1881
Injure raciale non publique
art R624-4 du code pénal,
contravention de 4
e
classe
et art 29 alinéa 1
750
âŹ
dâamende
de la loi du 29 juillet 1881
Il convient de rappeler que lâensemble de ces infractions, quâelles soient intĂ©grĂ©es Ă la loi du 29 juillet
1881 ou au code pénal, sont soumises au rÚgles procédurales de la loi de 1881.
La loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a
créé un article 65-2 à la loi du 29 juillet 1881.
DĂ©sormais, les infractions prĂ©vues par le 8° alinĂ©a de lâarticle 24
(provocation Ă la discrimination, Ă la haine
ou Ă la violence Ă caractĂšre raciste ou religieuse)
prĂ©vues par lâarticle 24 bis
(contestation de crime contre lâhu-
manité),
par le 2° alinĂ©a de lâarticle 32
(diffamation Ă caractĂšre raciale)
et par le 3° alinĂ©a de lâarticle 33
(injure Ă caractĂšre raciale)
se prescrivent par 1 an et non plus par 3 mois Ă compter de la commission de
lâinfraction, quel que soit le support, y compris en cas dâinfractions commises sur Internet, selon une
jurisprudence Ă©tablie par la Cour de cassation.
De plus longs dĂ©veloppements sur ces questions pourront ĂȘtre trouvĂ©s dans les guides. mĂ©thodologiques
relatifs dâune part au droit pĂ©nal de la presse, dâautre part au traitement de la cybercriminalitĂ© rĂ©alisĂ©s
par la D.A.C.G., sur le site Intranet de la Direction.
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La création du stage de citoyenneté
La création du stage de citoyenneté
La loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de
la criminalitĂ© a modifiĂ© lâarticle 131-3 du code pĂ©nal en crĂ©ant une nouvelle peine, le stage de
citoyenneté.
Ce stage pourra ĂȘtre prononcĂ© toutes les fois que le dĂ©lit reprochĂ© au mis en cause est puni dâune
peine dâemprisonnement.
Les stages de citoyennetĂ© ont pour objet de rappeler, notamment Ă lâauteur dâun acte raciste ou
antisémite, les valeurs républicaines de tolérance et de respect de la dignité humaine sur
laquelle est fondée la société.
Ce stage peut ĂȘtre proposĂ© Ă plusieurs niveaux de lâintervention judiciaire.
Au niveau des alternatives aux poursuites :
- soit, il constitue lâune des modalitĂ©s de lâorientation
vers un organisme sanitaire, social ou profes-
sionnel
(art. 41-1 2° du code de procédure pénale );
- soit il constitue une mesure de la
composition pénale
étant précisé que le texte prévoit expressément
que celui-ci sera aux frais de lâintĂ©ressĂ©
(art. 41-2 13°du code de procédure pénale).
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La création du stage de citoyenneté
â€
13
Au niveau de la peine :
Le stage de citoyenneté
est lâune des mesures du rĂ©gime de mise Ă lâĂ©preuve imposĂ© au condamnĂ©
(art.132-45 18° du code pénal)
soit dans le cadre de lâemprisonnement assorti du sursis avec mise Ă
lâĂ©preuve, soit dans le cadre de lâajournement de peine avec mise Ă lâĂ©preuve.
- Il peut surtout ĂȘtre proposĂ© comme
peine principale ou peines complémentaires à certaines
infractions.
Le nouvel article 131-5-1 du code pénal, permet au tribunal, lorsque les faits
poursuivis sont passibles dâemprisonnement de condamner lâintĂ©ressĂ©, Ă titre de mesure
alternative Ă lâincarcĂ©ration, Ă accomplir un stage dont la durĂ©e et le contenu sont dĂ©terminĂ©s par
dĂ©cret en Conseil dâEtat.
En application de lâarticle 131-16 8° du code pĂ©nal, cette mesure peut Ă©galement ĂȘtre prononcĂ©e Ă
titre de peine complémentaire lorsque le rÚglement qui réprime la contravention le prévoit.
Régime spécifique applicable aux mineurs.
Pour les mineurs, lâarticle 20-4-1 de lâordonnance n° 45-174 du 2 fĂ©vrier 1945, issue de la loi
n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité,
prévoit que le stage de citoyenneté est applicable aux mineurs de 13 à 18 ans.
Le contenu du stage doit alors ĂȘtre adaptĂ© Ă lâĂąge du condamnĂ©, et ce stage ne peut ĂȘtre effectuĂ©
aux frais du mineur.
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Les actions engagées par le ministÚre de la Justice
Les actions engagées par le ministÚre de la Justice
Les directives de politique pénale du Garde des Sceaux en matiÚre de lutte contre les phénomÚnes
racistes antisémites ou xénophobes
La dĂ©pĂȘche du 21 mars 2003
Par cette dĂ©pĂȘche, le Garde des Sceaux a appelĂ© Ă la plus grande vigilance des parquets Ă lâĂ©gard
des actes racistes antisĂ©mites, ou xĂ©nophobes qui pourraient ĂȘtre commis sur le territoire national.
Il a en outre sollicitĂ© la mise en mouvement de lâaction publique suivant la plus haute qualification
pénale, en sollicitant que les parquets prennent des réquisitions empreintes de fermeté, tant en matiÚ-
re de dĂ©tention provisoire quâen matiĂšre de sanctions.
(DĂ©pĂȘche jointe en annexe)
La dĂ©pĂȘche du 18 novembre 2003
Par cette seconde dĂ©pĂȘche, le Garde des Sceaux a souhaitĂ© ĂȘtre avisĂ© en temps rĂ©el de toute infrac-
tion antisĂ©mite portĂ©e Ă la connaissance de lâautoritĂ© judiciaire et a demandĂ© aux Parquets dâuser
des voies rapides de comparution, tant Ă lâĂ©gard des majeurs que des mineurs chaque fois que la
procédure le permettait.
Le Garde des Sceaux a également donné comme instruction aux Procureurs de la République de
veiller Ă une stricte information des victimes sur les suites judiciaires de leur dossier.
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Les actions engagées par le ministÚre de la Justice
â€
15
Enfin, le Garde des Sceaux a demandé à chaque Procureur général de désigner au sein de chaque
Parquet gĂ©nĂ©ral un magistrat rĂ©fĂ©rent chargĂ© dâune part dâassurer les relations avec les associations
de lutte contre lâantisĂ©mitisme, et dâautre part de veiller Ă la cohĂ©rence de la rĂ©ponse pĂ©nale.
(DĂ©pĂȘche jointe en annexe)
La lutte contre les discriminations
Le bilan des opérations de testing dans les discothÚques :
Le 25 octobre 2001, dans le but de nourrir les pratiques locales des parquets, la D.A.C.G. a trans-
mis Ă lâensemble des parquets gĂ©nĂ©raux le bilan quantitatif et qualitatif qui avait Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© Ă la suite
de lâopĂ©ration nationale de testing lancĂ©e par lâassociation S.O.S. racisme le 17 mars 2000 dans un
certain nombre de discothĂšques.
Il a paru opportun dâinsister sur les point suivants.
Les infractions de discriminations raciales, tant dans le secteur des loisirs que dans celui du tourisme,
du logement, ou de tout autre type dâactivitĂ© Ă©conomique, sont souvent malaisĂ©es Ă dĂ©montrer et les
preuves difficiles Ă rassembler.
A cet Ă©gard, la pratique dite du âtestingâ a Ă©tĂ© admise comme moyen de preuve devant les
juridictions répressives, en particulier lorsque le constat du fait discriminatoire est effectué par des
tiers par rapport aux plaignants, mais est apparue insuffisante pour emporter la conviction des juges, et
doit donc ĂȘtre corroborĂ©e par une enquĂȘte approfondie de police judiciaire conduite sous lâautoritĂ© et
la direction des Procureurs de la RĂ©publique.
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Les actions engagées par le ministÚre de la Justice
Aussi, lorsque lâopĂ©ration de âtestingâ est initiĂ©e par une association, il est indispensable quâun
travail dâinformation prĂ©alable, et de concertation soit mis en oeuvre auprĂšs des parquets et des
services de police judiciaire.
A cette fin, la CODAC semble constituer lâorgane privilĂ©giĂ© de rencontre et dâĂ©change entre les
services de lâEtat, les partenaires locaux et le monde associatif.
En tout état de cause, il appartient aux Procureurs de la République, dans le cadre de leurs préro-
gatives de direction de la police judiciaire et de mise en mouvement de lâaction publique, de faire
constater les dĂ©lits de discrimination et dâen faire rechercher les auteurs, en sensibilisant les services
dâenquĂȘte et en suscitant des enquĂȘtes dâinitiative de la part des services de police judiciaire.
On trouvera en annexe lâintĂ©gralitĂ© de lâanalyse, qui reste dâautant plus pertinente Ă la lumiĂšre de
lâĂ©volution jurisprudentielle de la chambre criminelle.
La prĂ©paration de la crĂ©ation dâune AutoritĂ© Administrative IndĂ©pendante
En outre, comme lâa annoncĂ© le PrĂ©sident de la RĂ©publique le 14 octobre 2002, lâensemble des
ministÚres concernés, et notamment le ministÚre de la justice, travaille activement à la création
prochaine dâune autoritĂ© administrative indĂ©pendante chargĂ©e de lutter contre lâensemble des
phénomÚnes discriminatoires à caractÚre raciste et homophobe.
A ce titre, le Médiateur de la République a remis au Premier Ministre un rapport le 16 février 2004
préconisant des pouvoirs étendus pour la future Haute Autorité.
La crĂ©ation de cette autoritĂ© permettra dâune part de rĂ©pondre aux sollicitations prĂ©vues dans les
directives europĂ©ennes en matiĂšre de lutte contre les discriminations, et dâautre part de complĂ©ter le
dispositif préventif et répressif existant .
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Les actions engagées par le ministÚre de la Justice
â€
17
La rédaction du guide méthodologique relatif au droit pénal de la presse
La Direction des Affaires Criminelles et des GrĂąces
(D.A.C.G.)
a élaboré un guide méthodologique
relatif au droit pénal de la presse, accessible, pour tous les magistrats, sur le site Intranet du MinistÚre
de la Justice. Ce document constitue un outil pertinent mis Ă la disposition des magistrats pour
répondre à leurs interrogations sur des questions juridiques complexes en ce domaine, qui comporte
notamment plusieurs incriminations relatives Ă des infractions racistes.
A ce titre, comme cela est déjà fait dans certains parquets, il est préconisé, dans ce guide, la mise
en place par les parquets de rencontres réguliÚres avec les représentants locaux des associations de
lutte contre le racisme afin de faire le point sur lâĂ©tat dâavancement des procĂ©dures en cours.
Lâinformation de la D.A.C.G. en temps rĂ©el
Afin de permettre Ă la Chancellerie dâavoir une connaissance la plus complĂšte possible et en temps
rĂ©el de lâensemble des faits racistes, antisĂ©mites ou xĂ©nophobes commis, il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© la mise en
place, sur le site Intranet de la D.A.C.G., dans la rubrique politique pĂ©nale, dâune boĂźte aux lettres
Ă©lectronique.
Cet outil, qui ne saurait se substituer à la permanence téléphonique de la D.A.C.G. mais qui a pour
objet de la compléter, doit permettre aux parquets généraux de transmettre en temps réel les infor-
mations affĂ©rentes aux faits de racisme, dâantisĂ©mitisme ou de xĂ©nophobie, en utilisant, le cas
Ă©chĂ©ant, le formulaire simplifiĂ© de transmission joint Ă la dĂ©pĂȘche-circulaire n° 00-1500-A13-A4 du
2 avril 2002.
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L
ES ANNEXES
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21 mars 2003
C:clerc\P.Poirret\NoteCab\Bilan\juin2002(JC.Muller)
Bilan des rapports des procureurs généraux concernant la pratique du
"testing" en matiĂšre de discrimination raciale.
1. Contexte
Le 17 mars 2000, l'association S.O.S Racisme organisait une "nuit du testing" auprĂšs
de 88 Ă©tablissements de loisirs (bars et discothĂšques) en de nombreux points du territoire national.
L'exercice, déjà pratiqué auparavant mais de façon moins massive, notamment au
Mans et Ă Tours, consistait en ce que des couples d'origine Ă©thniques diffĂ©rentes se prĂ©sentent Ă
l'entrée desdits établissements tandis qu'en principe un huissier, requis par l'association, devait
consigner les réactions du portier.
Par dĂ©pĂȘche du 7 juin 2000, dix-sept procureurs gĂ©nĂ©raux Ă©taient interrogĂ©s d'une
part sur les suites que les parquets de leur ressort avaient réservées à ces opérations de "testing",
d'autre part sur l'impact, Ă leurs yeux, de ces pratiques en terme de direction de la police judiciaire et
de conduite de l'action publique.
Tous les procureurs gĂ©nĂ©raux ont rĂ©pondu Ă cette dĂ©pĂȘche. Le bilan qui peut ĂȘtre dressĂ© des
différents rapports est le suivant.
2. Les pratiques du "testing" et leur traitement judiciaire
2.1. Sous le vocable "testing". des pratiques trĂšs disparates et peu
rigoureuses.
Il convient de relever que :
- ces opérations n'ont jamais été précédées d'un avis préalable aux parquets ou aux
services de police judiciaire, qui aurait pu placer ces derniers en meilleure position
d'alerte afin de procĂ©der eux-mĂȘmes Ă des constatations immĂ©diates;
- les faits n'ont pas toujours été constatés par huissier de justice mais parfois attestés
par des journalistes, voire exclusivement par des membres ou des sympathisants de
"S.O.S. Racisme";
- une trÚs grande proportion des comportements dénoncés comme des "flagrants
délits" par l'association organisatrice n'a pourtant donné lieu à aucun dépÎt de plainte.
Ce décalage regrettable a été signalé, à jute titre, par certains procureurs de la
République dans le cadre des commissions départementales d'accÚs à la citoyenneté
(CO.D.A.C.).
Inversement, certains dépÎts de plaintes ont finalement concerné des établissements
ne figurant pas dans la liste rendue publique par l'association ;
- L'intense mĂ©diatisation de ces opĂ©rations a pu nuire aux enquĂȘtes judiciaires
ultĂ©rieures, et parfois troubler l'ordre public en suscitant des rĂ©actions violentes Ă
l'encontre des établissements stigmatisés.
2.2. Les données chiffrées
Sur les 45 établissements cités dans la lettre de "S.O.S Racisme", 21
seulement ont été visés dans des plaintes simples déposées auprÚs du procureur de la
RĂ©publique ou d'un service de police judiciaire.
Ces plaintes ont donné lieu :
- Ă des enquĂȘtes prĂ©liminaires, toujours en cours (7 cas);
- Ă des dĂ©cisions de classements sans suite aprĂšs enquĂȘte (3 cas);
- à des informations judiciaires clÎturées par une ordonnance de non-lieu (3
cas).
- Ă des dĂ©cisions de poursuites aprĂšs enquĂȘte (8 cas), qui ont abouti Ă des
condamnations dans 3 cas (dont 2 définitives) et à des relaxes dans 5 autres
(des pourvois en cassation contre ces arrĂȘts confirmatifs de relaxe sont
pendants).
Un vingt-deuxiĂšme Ă©tablissement a fait l'objet d'une citation directe devant un tribunal
correctionnel dĂ©livrĂ©e Ă la requĂȘte de "S.O.S. Racisme"; cette procĂ©dure a abouti Ă une relaxe des
prévenus. Ce jugement a été frappé d'appel.
La faiblesse des chiffres considĂ©rĂ©s empĂȘche Ă©videmment d'en tirer une quelconque
interprétation statistique.
3. L'analyse juridique de la pratique du testing
Si la chambre criminelle de la Cour de Cassation, par un arrĂȘt du 12 septembre
2000, a eu a connaßtre d'une procédure de discrimination raciale à l'entrée d'une discothÚque,
engagée à l'issue d'une opération de "testing", la haute juridiction, en rejetant le pourvoi formé contre
l'arrĂȘt confirmant les condamnations, ne s'est pas prononcĂ©e sur la validitĂ© de cette pratique
associative en tant que mode d'administration de la preuve.
Des premiÚres décisions rendues et sous réserve de la jurisprudence à venir des
cours d'appel et de la Cour de Cassation, il est possible néanmoins de dégager provisoirement les
éléments suivants, qui rejoignent en grande partie les observations formulées par les procureurs
généraux et les procureurs de la République interrogés dans le cadre de la présente étude.
3.1.
Le simple fait, pour des personnes d'origines ethniques différentes, de se
présenter à l'entrée de certains établissements de loisirs et de faire constater par huissier le
comportement du portier ne saurait, en lui-mĂȘme, constituer une provocation Ă commettre l'infraction
de discrimination prévue aux articles 225-1 et 225-2 du code pénal.
3.2.
La démarche susmentionnée s'apparenterait plutÎt à une préconstitution de
preuve pénale, procédé légal - des constatations par huissier de justice sont ainsi utilisées en matiÚre
de non-représentation d'enfant- mais qui, employé seul, s'avÚre insuffisant pour démontrer la réalité
de l'infraction.
3.2.1.
Il incombe au juge d'apprécier la valeur probante des éléments qui lui sont
soumis. DĂšs lors, pour ĂȘtre d'une quelconque utilitĂ©, le "testing" suppose la prĂ©sence d'un tiers par
rapport aux plaignants, afin, sinon de constater l'infraction, du moins d'attester les faits dont il a été le
témoin direct.
A cet Ă©gard, la cour d'appel de Montpellier, dans deux arrĂȘts du 5 juin 2001, , a
considéré, nonobstant le principe de la liberté de la preuve pénale, que "
la méthode du "testing"
employée par S.O.S Racisme, qui s'est déroulée, dans les conditions ci-dessus rappelées, sans
aucune intervention d'un officier ou agent de police judiciaire, ou d'un huissier de justice, est
un mode de preuve qui n 'offre aucune transparence, et n 'est pas empreint, de la loyauté
nécessaire à la recherche des preuves en procédure pénale, et porte atteinte aux droits de la
défense, principe général du droit incessamment rappelé par le législateur et la Cour
SuprĂȘme, et au droit Ă un procĂšs Ă©quitable, visĂ© Ă l'article 6 de la Convention EuropĂ©enne des
Droits de l'Homme".
3.2.2.
Quand ce tiers est un huissier de justice, la valeur probante de ses
constatations est malgré tout forcément limitée.
Ainsi, par un jugement du 23 octobre 2000, la 17
Ăšme
chambre correctionnelle du
tribunal de grande instance de Paris, saisie de la citation directe susmentionnée, a relevé que "
la
constatation [par huissier du refus d'entrer opposé aux personnes non blanches] est fondée
sur un Ă©lĂ©ment statistique trop peu fourni pour revĂȘtir la signification que lui prĂȘtent les
parties civiles "; que "l'huissier dĂ©signĂ© Ă la seule requĂȘte de "S.O.S. Racisme ", ne s'est pas
rendu Ă l'intĂ©rieur de l'Ă©tablissement oĂč auraient pu utilement ĂȘtre faites des constatations,
quant à l'éventuelle présence et importance d'une clientÚle autre que de race blanche ; que de
son cÎté, [le gérant de l'établissement] produit des constats d'huissier établis [...] les 16 et 18
juin 2000 [...} attestant qu'Ă ces dates une forte proportion de la clientĂšle de la discothĂšque
était constituée de personnes de type non européen";
3.2.3.
Les dĂ©cisions de condamnations se sont appuyĂ©es sur des enquĂȘtes judiciaires
vérifiant et corroborant les éléments révélés par le "testing", et diligentées sous le contrÎle des
parquets saisis.
Par un jugement du 21 décembre 2000, le tribunal de grande instance de Toulouse a
relevé que "
les policiers ont exploité les documents sonores et audiovisuels apportés par les
plaignants [...] leur contenu était conforme aux déclarations des acteurs et témoins du
"testing " [...] De plus, les policiers ont bien constaté, quelques mois aprÚs l'opération menée
par S.O.S. Racisme, qu'un homme d'origine antillaise Ă©tait refoulĂ© Ă la porte du mĂȘme
Ă©tablissement au motif qu 'il ne portait pas des chaussures conformes aux souhaits de la
direction de la discothÚque, alors que d'autres clients européens étaient admis, qui
présentaient des tenues trÚs décontractées voire négligées".
La pratique du "testing"semble donc, sous ces importantes rĂ©serves, de nature Ă
contribuer Ă l'administration de la preuve d'une discrimination mais elle ne saurait en aucune maniĂšre
supplĂ©er l'enquĂȘte de police judiciaire.
4. Les perspectives Ă envisager
La circulaire du 16 juillet 1998 relative à la lutte contre le racisme et la xénophobie
invitait les procureurs de la République à renforcer la concertation avec les associations spécialisées
tout en insistant sur la nĂ©cessitĂ© pour les magistrats du parquet de mettre eux-mĂȘmes en mouvement
l'action publique chaque fois qu'une infraction de cette nature leur paraissait constituée.
En effet, la lutte contre les discriminations raciales ne saurait ĂȘtre dĂ©lĂ©guĂ©e au secteur
associatif mais doit s'inscrire dans des politiques pénales adaptées aux spécificités locales.
Cette résolution peut se traduire:
- par la sensibilisation des officiers de police judiciaire Ă ce contentieux qui
pourra porter ses fruits tant Ă l'occasion du traitement des plaintes, qu'en ce qui concerne le
dĂ©clenchement d'enquĂȘtes d'initiative.
- par l'information des interlocuteurs associatifs et la coopération avec eux
dans le cadre des CO.D.A.C., afin que le "testing" soit d'abord préparé puis suivi sur le plan
de la direction de la police judiciaire ; ce sont là ,des conditions de son efficacité.
Des opérations ponctuelles de police judiciaire, sous la direction des procureurs de la
République, aprÚs contact préalable des associations de lutte contre le racisme, semblent en effet
constituer une formule satisfaisante.
Telle est, par exemple, l'option choisie par les procureurs de la RĂ©publique de
Marseille' et d'Aix-en-Provence (qui ont invité leurs substituts à participer personnellement à une
opération "testing"), qui constatent néanmoins que les associations concernées expriment des
réticences à participer à une action commune dans un cadre institutionnel.
Les considérations sur le "testing", objet de ce bilan, et sur les poursuites judiciaires
Ă©ventuelles ne sauraient bien sĂ»r occulter le travail qui peut ĂȘtre accompli au titre de la prĂ©vention
des phénomÚnes discriminatoires à l'entrée d'établissements de loisirs, dans le cadre des C.O.D.A.C.
ou par le biais notamment des rencontres des procureurs de la République avec des représentants
des exploitations de discothĂšques.
TESTING DANS LES DISCOTHEQUES
Le 17 mars 2000, lâassociation S.O.S. Racisme lançait, sur lâensemble du territoire national,
une campagne dite de âtestingâ destinĂ©e Ă dĂ©montrer lâexistence de discriminations raciales Ă lâentrĂ©e
de certains Ă©tablissements de nuit.
Compte tenu de lâampleur de lâopĂ©ration menĂ©e, les dix-sept parquets gĂ©nĂ©raux concernĂ©s
avaient été interrogés par la D.A.C.G. afin de pouvoir en dresser le bilan.
Ce bilan, que vous voudrez bien trouver en copie, a Ă©tĂ© adressĂ© Ă lâensemble des Procureurs
GĂ©nĂ©raux suivant une dĂ©pĂȘche du 25 octobre 2001 qui mettait en exergue les points suivants:
* La difficultĂ© Ă dĂ©montrer lâexistence des phĂ©nomĂšnes de discrimination;
* Lâadmission de la pratique du âTestingâ comme Ă©lĂ©ment de preuve devant les juridictions
rĂ©pressives qui doit ĂȘtre corroborĂ© par des enquĂȘtes judiciaires menĂ©es sous lâautoritĂ© des
Procureurs de la RĂ©publique.
* La nĂ©cessitĂ© dâune activitĂ© de concertation, Ă©ventuellement au sein des CODAC, lors quâil
est envisagĂ© la mise en place, Ă lâĂ©chelle locale, dâune opĂ©ration des testing.
* La nécessité pour les Procureurs de la République de sensibiliser les services de police
judiciaire en matiĂšre de lutte contre les discriminations, au besoin en suscitant des enquĂȘtes dâinitiative
de leur part.
La dĂ©cision rendue par la chambre criminelle, suivant un arrĂȘt en date du 11 juin 2002
confirme les termes juridiques de ce bilan.
En effet, la Cour de cassation a explicitement admis la pratique du âtestingâ comme moyen
de preuve, au motif que lâarticle 427 du code de procĂ©dure pĂ©nale dispose que la preuve pĂ©nale est
libre.
La Cour de cassation estime que sâil appartient aux juridictions dâapprĂ©cier la pertinence des
moyens de preuve qui leur sont présentées, elles ne peuvent rejeter un moyen de preuve comme le
âtestingâ au simple motif que celle-ci aurait Ă©tĂ© obtenue de façon illicite ou dĂ©loyale.
1
N° W 01-85.560 F-D
N°3294
VD
11 JUIN 2002
M. COTTE président,
R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANĂAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique
tenue au Palais de justice Ă PARIS, a rendu lâarrĂȘt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
-
LâASSOCIATION SOS RACISME, partie civile,
Contre lâarrĂȘt n° 870 de la cour dâappel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date
du 5 juin 2001, qui lâa dĂ©boutĂ©e de ses demandes aprĂšs relaxe de Didier ARNAUD, Jean-
François CANDELA, Gilles DROALIN, Patrick PINTO, Gérard SAADA et Aimé TESSIER,
du chef de discrimination en raison de la race ou de lâethnie ;
La COUR, statuant aprĂšs dĂ©bats en lâaudience publique du 28 mai 2002 oĂč Ă©taient
présents : M.Cotte président, M. Desportes conseiller rapporteur, M.Joly, Mmes Chanet,
Anzani, Mazars, MM. Beyer, Pometan conseillers de la chambre, Mme Karsenty conseiller
référendaire :
Avocat général : M. Di Guardia ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES, les observations de la
société civile professionnelle BARADUC et DUHAMEL, avocat en la Cour, et les
conclusions
de M. lâavocat gĂ©nĂ©ral DI GUARDIA ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 225-1, 225-2 du
2
Code pénal, 427,591, 593du code de procédure pénale, violation des droits de la défense,
défaut de motifs, manque de base légale ;
« en ce que lâarrĂȘt attaquĂ© a relaxĂ© les prĂ©venus du chef de discrimination raciale
lors de la fourniture dâun service en raison de lâorigine ou de lâethnie et a dĂ©boutĂ© la partie
civile ;
« aux motifs, dâune part, que lâadministration de la preuve en droit pĂ©nal, qui est
lâadministration de la vĂ©racitĂ© dâun fait, est libre et que juge fonde sa dĂ©cision sur les
preuves qui lui sont apportées et discutées contradictoirement ; que toutefois, si la
manifestation de la vĂ©ritĂ© est essentielle, elle ne peut ĂȘtre recherchĂ©e de nâimporte quelle
maniÚre, et une déontologie, une moralité et une éthique sont imposées en la matiÚre aux
services enquĂȘteurs de la police, de la gendarmerie, de la douane et des administrations
habilitĂ©es ; que si une association se charge elle-mĂȘme de lâadministration de la preuve,
elle est tenue des mĂȘmes obligations de loyautĂ© ; que tel est le cas de lâassociation SOS
Racisme, dont la valeur du combat quâelle mĂšne envers tout mode de sĂ©grĂ©gation ne lui
permet pas de sâaffranchir des rĂšgles de la procĂ©dure pĂ©nale, de la prĂ©somption
dâinnocence et de la loyautĂ© dans la recherche des preuves ; quâen lâespĂšce, lâopĂ©ration de
« testing » réalisée par des groupes de clients potentiels a été réalisée de maniÚre
unilatĂ©rale par lâassociation, qui a fait appel uniquement Ă ses adhĂ©rents ou sympathisants
dĂ»ment informĂ©s que le but de lâopĂ©ration Ă©tait, non pas dâentrer à « La Nuit », au
« Souleil » ou au « Toro Loko », mais de dĂ©montrer la sĂ©grĂ©gation existant Ă lâentrĂ©e de ces
Ă©tablissements ;
« aux motifs, dâautre part, quâaucun tĂ©moignage nâa Ă©tĂ© recueilli en dehors de ceux
des personnes recrutĂ©es par SOS Racisme et quâil nâexiste aucune constatation objective
qui permettrait de corroborer les témoignages des parties civiles ; que si le testing révÚle
une diffĂ©rence dâattitude de la part des portiers, aucun Ă©lĂ©ment ne permet dâaffirmer que le
critÚre racial propres aux intéressés motivait ce refus ; que par ailleurs, il résulte des
témoignages reçus devant le tribunal correctionnel et des attestations versées aux débats
par les prévenus que la clientÚle des établissements « La Nuit » et « Le Souleil » est
multiraciale ; que les divers prévenus ont contesté avoir pratiqué une discrimination
raciale ; que rien ne permet dâaffirmer que les prĂ©venus ont sĂ©lectionnĂ© la clientĂšle sur des
critĂšres raciaux, hormis lâopinion subjective des parties civiles, et qui si une sĂ©lection a
lieu, elle est habituelle dans ce type de commerce et repose sur des critÚres de commercialité
et de crĂ©neau de clientĂšle, comme câest lâusage pour des Ă©tablissements
réservés aux »gays », aux « blacks », aux « hétéros » ou à la « jet set » ;
« aux motifs, enfin, que la mĂ©thode du « testing » employĂ©e par lâassociation SOS
Racisme, qui sâest dĂ©roulĂ©e sans aucune intervention dâun officier de justice ou dâun
huissier de justice, est un mode de preuve qui nâoffre aucune transparence et nâest pas
empreint de la loyauté nécessaire à la recherche des preuves en procédure pénale et porte
atteinte aux droits de la défense, principe général du droit incessamment rappelé par le
lĂ©gislateur et la Cour SuprĂȘme, et au droit Ă un procĂšs Ă©quitable visĂ© Ă lâarticle 6 de la
Convention europĂ©enne des droits de lâhomme ;
« alors que, dâune part, la partie civile peut rĂ©guliĂšrement produire en justice, pour
dĂ©montrer la discrimination raciale dont elle est lâobjet dans une offre de prestation de
3
service, Ă lâoccasion dâun procĂšs qui lâoppose Ă un dirigeant et Ă des employĂ©s de
discothĂšque, le rĂ©sultat dâun « testing » rĂ©alisĂ© Ă lâaide de divers tĂ©moins et constatĂ© par des
officiers de gendarmerie appelés sur place à cet effet, dÚs lors que, dans cette situation
inĂ©galitaire, ce procĂ©dĂ© ne prĂ©sente aucun caractĂšre dĂ©loyal ; quâen lâespĂšce, aprĂšs avoir
rappelé les exigences relatives à la recherche des preuves en procédure pénale, notamment
concernant la loyauté des divers moyens de preuve, le respect des droits de la défense et de
la prĂ©somption dâinnocence, les juges dâappel ont relevĂ© que le « testing » rĂ©alisĂ© en
matiĂšre de discrimination raciale Ă lâentrĂ©e des discothĂšques est un mode de preuve qui
nâoffre aucune transparence et nâest pas empreint de la loyautĂ© susvisĂ©e, sâil nâest
accompagnĂ© de lâintervention concomitante dâun officier de police judiciaire ou celle dâun
huissier de justice ; quâen se prononçant ainsi, sans tenir compte de la situation inĂ©galitaire
qui permet Ă un directeur de discothĂšque de refuser des clients sur des critĂšres
commerciaux fantaisistes qui masquent le critĂšre racial ou ethnique du refus, tandis que les
autoritĂ©s judiciaires interviennent toujours a posteriori pour ne pas ĂȘtre suspectĂ©es de
provocation, les juges dâappel ont violĂ© les droits de la dĂ©fense qui exigent que toute
personne victime dâun dĂ©lit puisse faire valoir ses droits devant la juridiction de
jugement ; quâen se prononçant ainsi, lâarrĂȘt nâest pas lĂ©galement justifiĂ© ;
« alors que, dâautre part, Ă supposer que ce procĂ©dĂ© soit dĂ©loyal, les juges rĂ©pressifs
ne peuvent Ă©carter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif quâils
auraient été établis de maniÚre illicite ou déloyale mais doivent en apprécier la valeur
probante ; quâen dĂ©clarant que le « testing » est un mode de preuve qui ne peut, a dĂ©faut
dâintervention des autoritĂ©s judiciaires, Ă©tablir la preuve dâun dĂ©lit de discrimination dans
une offre de prestation de service, du seul fait de son caractĂšre dĂ©loyal, les juges dâappel
ont violĂ© les dispositions de lâarticle 427 du Code de procĂ©dure pĂ©nale qui
Ă©noncent que les infractions peuvent ĂȘtre Ă©tablies par tout mode de preuve ;
« alors que, enfin, la discrimination commise Ă lâĂ©gard dâune seule personne suffit Ă
constituer le dĂ©lit, sans que lâabsence de discrimination commise dans le mĂȘme temps
envers dâautres personnes soit une cause dâexonĂ©ration, pas plus que lâexistence dâun
usage de sĂ©lection dans les Ă©tablissements du mĂȘme type ; quâainsi, en se fondant sur les
motifs inopérants suivant lesquels en premier lieu la clientÚle des discothÚques « La Nuit »,
« Le Souleil » et le « Toro Loko » est multiraciale, et en second lieu la sélection fondée sur
des critÚres de « créneau de clientÚle » (sic !) est habituelle dans ce genre de commerce,
comme câest lâusage notamment pour des Ă©tablissements rĂ©servĂ©s aux « blacks », les juges
dâappel
ont violé les textes susvisés » ;
Vu lâarticle 427 du Code de procĂ©dure pĂ©nale ;
Attendu quâaucune disposition lĂ©gale ne permet aux juges rĂ©pressifs dâĂ©carter les
moyens de preuve produits par les parties au seul motif quâils auraient Ă©tĂ© obtenus de façon
illicite ou dĂ©loyale ; quâil leur appartient seulement, en application du texte susvisĂ©, dâen
apprécier la valeur
probante aprĂšs les avoir soumis Ă la discussion contradictoire ;
Attendu quâil rĂ©sulte de lâarrĂȘt attaquĂ© que plusieurs membres ou sympathisants de
lâassociation SOS Racisme ont organisĂ© une opĂ©ration, dite « testing », destinĂ©e Ă Ă©tablir
dâĂ©ventuelles pratiques discriminatoires Ă lâentrĂ©e de discothĂšques ou bars ; quâĂ cet effet, les
4
intĂ©ressĂ©s se sont repartis en trois groupes, lâun constituĂ© par deux femmes et un homme
dâorigine europĂ©enne et les deux autres dâorigine maghrĂ©bine ; quâainsi regroupĂ©s, il se sont
prĂ©sentĂ©s Ă lâentrĂ©e des Ă©tablissements concernĂ©s ; que, les personnes dâorigine maghrĂ©bine
sâĂ©tant vues refuser lâentrĂ©e, le procureur de la RĂ©publique a fait citer devant le tribunal
correctionnel Aimé Tessier et Gilles Doalin, exploitant des établissements concernés, ainsi
que les portiers, Jean-François Candela, Patrick Pinto, Gérard Saasa et Didier Arnaud, pour
discrimination dans la fourniture dâun service Ă raison de lâorigine raciale ou ethnique, sur le
fondement des articles 225-1 et 225-2 du Code pénal ; que plusieurs personnes, dont
lâassociation SOS Racisme, se sont constituĂ©es partie civile ; que le tribunal a relaxĂ© les
prévenus et débouté les
parties civiles de leurs demandes ;
Attendu que, pour confirmer ce jugement, la cour dâappel retient, substituant ses
motifs Ă ceux des premiers juges, que le procĂ©dĂ© dit « testing » est illicite ; quâelle Ă©nonce
quâil nâoffre « aucune transparence », ne respecte pas « la loyautĂ© nĂ©cessaire dans la
recherche des preuves et
porte atteinte aux droits de la dĂ©fense ainsi quâau droit Ă un procĂšs Ă©quitable » ;
Mais attendu quâen prononçant ainsi, la cour dâappel a mĂ©connu le texte susvisĂ© et le
principe ci-dessus énoncé ;
DâoĂč il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE lâarrĂȘt susvisĂ© de la cour dâappel de MONTPELLIER, en date du
5 juin 2001, mais uniquement en ce quâil a dĂ©boutĂ© lâassociation SOS Racisme de ses
demandes,
toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour quâil soit statuĂ© Ă nouveau, conformĂ©ment Ă la loi, dans les limites de la
cassation
ainsi prononcée ;
RENVOI la cause et les parties devant la cour dâappel de Lyon, Ă ce dĂ©signĂ©e par
délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE lâimpression du prĂ©sent arrĂȘt, sa transcription sur les registres du greffe de
la cour dâappel de Montpellier, sa mention en marge ou Ă la suite de lâarrĂȘt annulĂ©.
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le
président le onze juin deux mille deux ;
En foi de quoi le prĂ©sent arrĂȘt a Ă©tĂ© signĂ© par le prĂ©sident, le rapporteur et le greffier de
chambre ;