L'AGRICULTURE DE
DESTRUCTION MASSIVE
Les conséquences sociales et écologiques
de l'agriculture intensive
Les renseignements gĂ©nĂ©reux â octobre 2006
Pourquoi cette brochure ?
Epidémies de ''vache folle'', pollutions par les pesticides, légumes et fruits
insipides, poulets Ă la dioxine, dumping dans les pays du Sud
*
... Partout sur la
planĂšte, la course au rendement et la recherche du profit maximal produisent des
effets dont il n'est pas sûr que nous mesurions l'ampleur. Nous sommes tellement
bombardés d'informations éparses au sujet de l'agriculture intensive qu'il est bien
difficile d'en saisir les mécanismes globaux, et, mieux encore, de pouvoir les
expliquer simplement.
L'objectif de cette brochure est précisément celui-là : fournir des points de repÚres
pour qui souhaite appréhender les conséquences sociales et écologiques de
l'agriculture intensive. Ce petit exposé n'est évidemment pas exhaustif, étant donné
l'étendue du sujet. Parmi de multiples études et analyses, nous avons sélectionné
ce qui nous semblait essentiel.
Nous présentons de nombreuses statistiques dans ce texte. Elles sont quasiment
toutes issues de rapports d'institutions internationales, en premier lieu la FAO,
Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (www.fao.org).
Cependant, nous sommes dans l'incapacité de vérifier ces données officielles. Il
convient donc de conserver, malgré tout, un regard critique à leur égard. C'est
pourquoi nous avons généralement arrondi les chiffres sélectionnés, afin de nous
concentrer sur les tendances qu'ils mettent en Ă©vidence.
Fructueuse lecture
PLAN
I
L'agriculture intensive
page 3
II
Impacts sur les pays du Sud
page 14
III
Impacts Ă©cologiques : le cas des pesticides
page 22
*
Par l'expression
pays du Sud
nous ferons référence aux pays dits ''en développement'' (en Afrique, en Asie et en
Amérique du Sud) ainsi qu'aux pays de l'Est. Par
pays du Nord
, nous désignerons les pays occidentaux industrialisés (en
premier lieu l'Amérique du Nord et l'Europe des 15). Ces conventions, certes simplistes, épousent cependant assez
fidĂšlement la bipolarisation de l'agriculture mondiale.
2
I L'agriculture intensive
L'ensemble de ce chapitre est un peu fastidieux (beaucoup de graphiques
et de chiffres). Mais il nous semble indispensable de comprendre les mécanismes
de l'agriculture intensive pour en expliquer ensuite les conséquences.
1. Une productivité incomparable
L'agriculture intensive désigne des techniques agricoles permettant
d'atteindre un maximum de rendement avec un minimum de main d'oeuvre. La
planĂšte compte environ 1,3 milliards d'agriculteurs. Seuls quelques millions
pratiquent l'agriculture intensive, dans les pays du Nord et dans quelques secteurs
limités des pays du Sud. Par la motorisation, la mécanisation, la sélection animale
et vĂ©gĂ©tale, l'utilisation dâengrais et de pesticides, un agriculteur ''intensif'' peut
cultiver plus de 100 hectares de céréales et obtenir des rendements proches de 10
tonnes par hectare.
Cette productivité est sans commune mesure avec celle des autres paysans sur la
planĂšte. En effet, si deux tiers des agriculteurs du monde utilisent des engrais, des
pesticides et pratiquent la sélection animale et végétale, ils ne disposent pas de
motorisation
*
. En consĂ©quence, bien que les rendements soient comparables Ă
l'agriculture intensive, les surfaces cultivées par travailleur sont plus faibles :
environ cinq hectares pour ceux qui disposent de la traction animale, un seul pour
ceux qui ne disposent que dâun outillage strictement manuel. Enfin, le dernier tiers
des agriculteurs ne dispose que dâun outillage manuel, sans engrais ni produit de
traitement, sans sélection animale ou végétale. Leurs rendements dépassent
rarement la tonne par hectare.
Moyen mécanique utilisé
manuel
traction animale
moteurs
Population agricole concernée (millions)
~ 860
~ 430
~ 25
Productivité par travailleur (tonnes)
1-10
10-50
500-1000
Source : M.MAZOYER, sommet de la FAO, juin 2002
*
En 1999, sur un parc mondial d'environ 26 millions de tracteurs, 45% Ă©taient utilisĂ©s aux Ătats-Unis et en Union
Européenne, 28% en Asie, 15% en Russie et dans les pays de l'Est, 5% en Amérique du Sud et 2% en Afrique. Rapporté
à la population agricole active, cela représentait deux tracteurs pour un agriculteur américain, un tracteur pour 150
agriculteurs asiatiques et un pour 400 agriculteurs africains.
Source : statistiques FAO (FAOSTAT)
3
2. Des subventions massives
DÚs le début des années 60, les gouvernements des pays du Nord ont
développé une importante politique de soutien agricole afin d'augmenter :
la production
, pour l'autosuffisance alimentaire.
la productivité
, afin de favoriser l'afflux de main-d'Ćuvre vers l'industrie.
les exportations
, afin d'améliorer le commerce extérieur.
Pour atteindre ces objectifs, diverses aides publiques ont été mises en place :
subventions, crĂ©dits Ă lâexportation
*
, protection vis-Ă -vis des importations, etc. Ces
mesures nécessitent d'importants financements publics. Actuellement, l'Union
européennne y consacre la moitié de son budget, soit environ 50 milliards de
dollars, au titre de la Politique Agricole Commune (PAC). Dans lâensemble de la
zone OCDE
**
, le soutien total Ă lâagriculture sâest Ă©levĂ© Ă plus de 300 milliards de
dollars en 2002. En moyenne, cela représente plus de 30 000 dollars par
agriculteur américain en activité, prÚs de 14 000 dollars par agriculteur européen.
A titre de comparaison, les exportations agricoles des pays dits ''en développement''
s'Ă©levaient la mĂȘme annĂ©e Ă 190 milliards de dollars environ.
source : OCDE, cité dans le magazine BMA de janvier 2003
L'essentiel des subventions est destiné aux gros producteurs. Ainsi, la moitié des
subventions européennes est versée à seulement 5% des exploitations agricoles (si
on exclut la GrĂšce), 80% des aides vont Ă 20% des paysans
***
. Ces aides placent les
agriculteurs du Nord dans une situation de dépendance. Pour la période 1999-
2001, le soutien aux agriculteurs des pays de l'OCDE représentait environ 37% du
total de la valeur de leur production agricole en sortie exploitation
****
. En
simplifiant, lorsqu'un quintal de céréales rapporte 100 euros à un exploitant
agricole, 60 euros proviennent des ventes de sa récolte et 40 euros des aides
directes.
*
Un crĂ©dit Ă lâexportation est un prĂȘt Ă conditions favorables pouvant ĂȘtre accordĂ© aux pays acheteurs.
** L'Organisation de Coopération et de Développement Economique rassemble 29 pays parmi les plus industrialisés de la
planĂšte (voir site http://www.oecd.org).
*** Sources : Commission européenne, Confédération paysanne
**** Source : OCDE
4
Exportations agricoles des pays dits en développement
Aide Ă l'agriculture dans les pays de l'OCDE
0 25 50 75 125 175 225 275 325
milliards de dollars
3. Des mécanismes de protection
Les pays du Nord ont toujours redouté l'impact des importations sur leur
agriculture. Ils ont développé toute une gamme de mécanismes de protection.
Citons par exemple :
Les mécanismes d'intervention
La Politique Agricole Commune est un exemple significatif : tout produit importé
à l'intérieur de l'Union européenne subit un prélÚvement variable, sorte de
''taxe'' qui correspond à la différence entre son prix d'entrée et le niveau des prix
européens. Inversement, pour vendre et compenser la différence entre le prix
mondial et le prix européen, il est versé une subvention à l'exportation, appelée
restitution. ParallĂšlement, les pouvoirs publics interviennent pour l'achat et le
stockage quand le prix européen se situe en-dessous d'un prix dit
« d'intervention », afin de provoquer une remontée des cours. Les stocks sont
écoulés quand les prix remontent au-dessus d'un prix dit « d'orientation ». Les
produits périssables, dont le stockage est impossible, sont détruits.
La substitution de produits ou l'utilisation des biotechnologies
Certaines denrées, dont les pays du Sud étaient les seuls producteurs, sont
maintenant fabriquées industriellement par des biotechnologies ou remplacées
par des produits de substitution. Ainsi, en mai 2000, l'Union européenne a voté
une directive modifiant la définition de la composition du chocolat pour
permettre à diverses huiles végétales de remplacer partiellement le beurre de
cacao. Citons Ă©galement la vanille, dont les exportateurs Ă©taient Madagascar et
l'Indonésie. Elle est actuellement produite artificiellement à partie d'essence de
pin. Les coûts de production seraient 40 fois inférieurs aux coûts des cultures
traditionnelles.
Des droits de douane élevés ou progressifs
La protection aux frontiÚres dont bénéficie l'agriculture dans huit des dix pays
de l'OCDE Ă©tait plus forte en 1996 qu'en 1993. Les droits de douane demeurent
de l'ordre de 35% pour les produits agricoles (contre environ 4% pour les
produits industriels). De plus, ils augmentent généralement à mesure du niveau
de transformation des produits. Par exemple, les Ătats-Unis taxent lâimportation
de la tomate chilienne Ă 2,2% pour le fruit brut, mais Ă 8,7% pour la tomate
séchée ou mise en boßte et à 11,6% pour la sauce tomate. Cela permet de
contribuer Ă cantonner les pays du Sud dans l'exportation de produits
primaires.
5
4. De moins en moins de paysans
En France, on recensait 7 millions de paysans aprĂšs la seconde guerre
mondiale. On en compte aujourd'hui moins de 700 000, représentant à peine 4%
de la population active. Cet exode rural a touché tous les paysans du Nord.
Actuellement, ils ne représentent qu'environ 1% des 1,3 milliards agriculteurs du
monde.
Population
agricole active*
(en millions)
% / population
active du pays
% / population
agricole active
mondiale
Union européenne
7,6
4,5 %
0,5 %
dont France
0,7
3,5 %
< 0,1 %
Ătats-Unis
3
2 %
0,2 %
Asie
1 040
56 %
80 %
dont Chine
511
67 %
40 %
Afrique
197
57 %
15 %
Russie et pays de lâEst
29
15 %
2 %
Amérique du Sud
27
18 %
2 %
* Personnes travaillant dans lâagriculture, la chasse, les forĂȘts ou la pĂȘche. Source : statistiques FAO, 2001
ParallĂšlement, la taille des exploitations augmente. 60% des exploitations
françaises de moins de 20 hectares ont disparu entre 1967 et 1997, tandis que le
nombre de celles de plus de 50 hectares a quasiment doublé.
La concentration Ă©conomique accompagne ce processus. En 1997, 10% des
exploitations européennes réalisaient plus de 65% des revenus agricoles, les 50%
plus petites nâen rĂ©alisant que 5%.
*
*
Rapport d'Orientation 2002 de la Confédération Paysanne.
6
5. Les champions des exportations
DÚs les années 70, le modÚle productiviste avait dépassé ses objectifs
d'autosuffisance alimentaire. Les stocks de surproduction se comptaient en
millions de tonnes, les débouchés intérieurs étaient saturés
*
. Les pays du Nord se
sont alors tournés vers le marché mondial. Forts de leurs excédents subventionnés,
ils sont rapidement devenus les champions des exportations agricoles.
Actuellement, 70% des échanges agricoles mondiaux sont réalisés par les pays du
Nord. Certains pays sont fortement bĂ©nĂ©ficiaires comme les Ătats-Unis, le Canada,
la France, l'Espagne, ainsi que certains pays dits ''en développement'' comme le
Brésil et l'Argentine. Les 15 plus grands exportateurs représentent à eux seuls 65%
du commerce total de produits agricoles.
Commerce de produits agricoles en 2002
* 70% de ces échanges agricoles sont réalisés au sein de l'Europe.
Source : statistiques FAO
L'agriculture française occupe une place centrale. En 2001, elle était le second
exportateur mondial de produits agricoles et alimentaires, juste derriĂšre les Ătats-
Unis. En 2002, son excédent commercial avoisinait les 9 milliards d'euros, presque
autant que son secteur automobile et aéronautique - respectivement 11 et 12
milliards dâeuros la mĂȘme annĂ©e. C'est dire l'enjeu Ă©conomique que reprĂ©sente
*
Cette situation de surproduction oriente la gestion des stocks alimentaires vers le gaspillage. Par exemple, sur 1000
salades qui arrivent en grande surface, 500 sont refusées parce qu'elles ne correspondent pas au standard requis, 150
sont retirées un peu plus tard des rayons (abßmées ou invendues). L'agriculture intensive , c'est le gaspillage intensif.
7
Afrique
dont Argentine
dont Brésil
Amérique latine et caraïbes
Proche et Moyen-Orient
Asie
Ătats-Unis + Canada
dont Espagne
dont France
Europe des 15 *
0
25
50
75
100
125
150
175
200
Exportations
Importations
milliards de dollars
l'agriculture française. En comparaison, l'Asie, l'Afrique et le Moyen-Orient sont
fortement déficitaires dans leurs échanges agricoles. Notons que si l'Amérique
latine présente une balance commerciale fortement positive, elle le doit surtout au
Brésil et à l'Argentine.
Certains pays du Nord sont leaders sur le commerce de produits dits ''de base'' :
céréales, laits, viande, etc. Le blé, le maïs et le soja sont par exemple les fers de
lance de l'agriculture américaine.
Commerce du blé en 2002 Commerce du soja en 2002
Aux Ătats-Unis, le commerce du soja a rapportĂ© 5,6 milliards de dollars en 2002,
celui du blé 3,4 milliards, celui du maïs 5 milliards, soit un total de 14 milliards de
dollars. A titre de comparaison, pour tout le continent africain et lâAmĂ©rique du
Sud, le solde commercial du commerce des fruits et légumes, café, thé, cacao,
tabac rĂ©unis reprĂ©sentait la mĂȘme annĂ©e environ 15 milliards de dollars. Enfin,
l'Ă©levage intensif constitue un pivot des exportations des pays du Nord.
Commerce de la viande en 2002
8
Amérique du Sud
Afrique
Asie
France
Ătats-Unis
0
10
20
30
40
50
Exportations
Importations
millions de tonnes
Afrique
Europe des 15
Asie
Brésil
Ătats-Unis
0
5
10
15
20
25
30
Exportations
Importations
millions de tonnes
Afrique
Asie
Australie
Brésil
Ătats-Unis
dont France
Europe des 15
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
Exportations
Importations
millions de tonnes
6. La dépendance au pétrole
Pour la production agricole, la transformation et le transport des denrées,
l'agriculture intensive nécessite une trÚs grande quantité d'énergie. La chaßne
agroalimentaire industrielle dépense 10 kilo-calories pour fournir 1 kilo-calorie
alimentaire dans l'assiette des consommateurs (hors énergie consommée pour
cuisiner). La haute productivité et le déficit énergétique de l'agriculture industrielle
sont entiÚrement dus à la disponibilité bon marché des hydrocarbures.
*
En France, les produits agricoles (comme tous les biens de consommation)
circulent en moyenne sur 5000 km. Au niveau mondial, les "périssables" -c'est-à -
dire les produits frais- traversent les mers et les airs pour un volume en croissance
de 3 à 5% par an. Une laitue cultivée en Californie arrive sur les marchés de
Washington aprĂšs 5 000 km de route et, pour ce seul transport, consomme 36 fois
plus d'énergie (en pétrole) qu'elle ne contient de calories. Lorsque la laitue parvient
finalement à Londres par avion, elle a consommé 127 fois l'énergie (en pétrole)
qu'elle contient.
A titre d'exemple, voici le pétrole nécessaire, ''de la fourche à la fourchette'', à la
production de quelques produits alimentaires (en systĂšme productiviste, et en
incluant la chaĂźne agroalimentaire) :
produit
pétrole pour en produire 1 kg
pétrole pour en produire 1 kg en protéines
Porc
2 litres
16 litres
Boeuf
1,5 litres
9 litres
Oeufs
1,5 litres
7 litres
Lait
1 litre
5 litres
MaĂŻs
1 litre
3 litres
Blé
1 litre
2,5 litres
Riz
1 litre
5 litres
Pommes de terre
0,5 litre
3 litres
Tomates
0,5 litre
2 litres
Pommes
0,2 litre
24 litres
Ces chiffres sont des moyennes. De grandes variations peuvent ĂȘtre constatĂ©es
selon les produits et les pays. Ne sont pas inclues les dépenses énergétiques aprÚs
la consommation domestique (traitement des déchets). Tous ces chiffres incluent
un transport forfaitaire de 1 000 km, par camion. Si 1 kg de produit alimentaire a
effectué un trajet plus long, il faut ajouter environ 0,1 litre de pétrole par millier de
kilomÚtres supplémentaire. Si le trajet de 1 000 km a été effectué par avion, il faut
estimer la dépense énergétique à 0,5 litre de kérosÚne par kg d'aliments.
*
L'ensemble des données de ce chapitre sont extraites de
PĂ©trole apocalypse
, Yves Cochet, Fayard, 2005.
9
La viande, une impasse Ă©cologique
La consommation de viande dans les pays occidentaux a énormément augmenté en un siÚcle.
Chaque français mange en moyenne 200 grammes de viande par jour, un américain 300
grammes. Par comparaison, un nigérien en consomme 30 grammes par jour, 20 grammes en
Inde, 10 grammes au Bangladesh.
Pour produire Ă bas prix de telles quantitĂ©s de viande, lâĂ©levage intensif sâest gĂ©nĂ©ralisĂ©.
Hormones de croissances, antibiotiques, farines animales, tous les moyens sont bons pour
augmenter les rendements et minimiser les coûts, avec les conséquences que nous
connaissons : poulet Ă la dioxine, maladie de la ''vache folle'', grippe aviaire, etc. Si l'on ajoute Ă
cela la pollution des eaux et surtout les souffrances supplémentaires infligées aux animaux
*
, le
tableau n'est guĂšre reluisant.
De plus, la gĂ©nĂ©ralisation du modĂšle dâalimentation carnĂ©e occidental est impossible Ă lâĂ©chelle
planĂ©taire. Si chaque humain consommait autant de viande quâun EuropĂ©en, il faudrait quintupler
lâensemble de la production cĂ©rĂ©aliĂšre mondiale, simplement pour nourrir le bĂ©tail. En effet, selon
la FAO, entre 30 et 50 % des céréales produites dans le monde sont utilisées pour nourrir le
bétail destiné à la production de viande (90 % dans le cas du soja). On estime à environ 20
milliards le cheptel des animaux d'Ă©levage. Ce secteur est le plus gros utilisateur de terres
agricoles, directement sous forme de pĂąturages et indirectement pour la production de cultures
fourragÚres et autres aliments du bétail. En 1999, les pùturages permanents représentaient plus
de deux fois la superficie des cultures arables et permanentes. Inversement, si toutes les
céréales produites pour le bétail au détriment de cultures vivriÚres étaient réparties de maniÚre
égale entre tous les habitants, la population aurait bien plus que ses besoins en protéines. Il faut
entre 5 et 20 kg de protéines végétales pour produire 1 kg de protéines animales. Pour produire
1 kg de viande, il faut la mĂȘme surface de terre que pour cultiver 200 kg de tomates ou 160 kg
de pommes de terre, dans le mĂȘme laps de temps. Notons enfin la consommation accrue en
eau : il faut 10 000 Ă 25 000 litres dâeau pour produire 1 kg de viande, contre 250 Ă 1 200 litres
pour produire 1 kg de céréales.
Enfin,
« la production de viande en général, et particuliÚrement de viande rouge, engendre des
Ă©missions trĂšs significatives de gaz Ă effet de serre. Les trĂšs fortes Ă©missions "contenues" dans
un kilogramme de viande de boeuf ou de veau ne proviennent pas seulement du méthane émis
par l'animal : entrent aussi en ligne de compte les quelques dizaines de tonnes de céréales qu'il
faut cultiver -et donc les émanations des engrais et la dépense énergétique afférentes- pour
produire une tonne de carcasse. Les choix alimentaires sont trĂšs loins d'ĂȘtre neutres vis-Ă -vis
des Ă©missions de gaz Ă effet de serre : manger un steak d'un demi-kilo, ou parcourir 50 km en
petite voiture, c'est Ă peu prĂšs Ă©quivalent ! [...] il faut environ 50 fois plus de surface agricole pour
faire un kilo de boeuf que pour faire un kilo de blé. »
**
*
Sur la souffrance animale, lire
Les cahiers antispécistes
(http://www.cahiers-antispecistes.org)
**
L'avenir climatique
, Jean-Marc Jancovici, points, 2002, p175 et 256.
10
7. La puissance des multinationales
Depuis les années 80, des multinationales de l'agro-alimentaire
(transformation et distribution de produits alimentaires) dominent peu Ă peu
l'ensemble du marché mondial des produits agricoles.
... multinationales contrÎlent ⊠du marché mondial
du ou des âŠ
4
85 %
semences
6
85 %
blé, maïs, soja
6
85 %
café
3
85 %
thé
3
80 %
cacao
3
80 %
banane
Source : Fédération Internationale des Producteurs Agricoles, 2002
Ces multinationales jouent un rĂŽle central dans les Ă©conomies des pays du Nord.
Aux Ătats-Unis, elles emploient environ 25 % des travailleurs amĂ©ricains (contre
2,7 % pour l'agriculture). Leurs chiffres d'affaires sont trĂšs importants. Selon
AGRODATA, les ventes de
Nestlé
s'Ă©levaient Ă 48 milliards de dollars en 1997, 59
milliards pour
Philipp Morris
, 29 milliards pour
Carrefour
(second distributeur de
produits alimentaires dans le monde). A elles seules, les firmes nord-américaines
contrĂŽlent 50 % du chiffre d'affaires mondial de produits agricoles. Le groupe
Continental/Cargill
assure plus de 40 % des exportations américaines de maïs, 30
% de celles de soja et 20 % de celles de blé. En France, 5 firmes contrÎlent prÚs de
95 % des ventes de produits alimentaires.
Les multinationales s'efforcent de contrĂŽler toute la chaĂźne alimentaire, de la
production Ă la vente. Aux Ătats-Unis, le tiers des produits agricoles est produit
par des agriculteurs sous contrat avec des complexes agro-industriels. L'agriculteur
devient en quelque sorte un ''employĂ©''. Par exemple, 70 % des volailles et des Ćufs
amĂ©ricains sont vendus dans le cadre de contrats de production, oĂč les conditions
de production sont dictĂ©es par lâacheteur industriel.
Les multinationales jouent Ă©galement un rĂŽle de
lobbying au sein des institutions internationales,
oĂč elles militent gĂ©nĂ©ralement pour la
libéralisation du commerce dans les pays du Sud
(cf. page 19). Par exemple, le représentant des
Ătats-Unis chargĂ© au dĂ©part de la nĂ©gociation de
lâUruguay Round (premier cycle « agricole » de
l'Organisation Mondiale du Commerce) Ă©tait
lâancien vice-prĂ©sident de
CARGILL
, leader
céréalier.
11
Le lobbying est vraiment lâeffort
numéro 1 interne auquel nous
avons dĂ©cidĂ© dâallouer beaucoup
de ressources.
Alain LabergĂšre
président de la Confédération des industries
agro-alimentaires de lâUnion EuropĂ©enne,
janvier 2000
La puissance des multinationales leur permet d'exercer un contrĂŽle des prix, Ă leur
avantage. Lorsque les prix agricoles baissent, les firmes ne les répercutent
généralement pas sur les consommateurs mais en profitent pour augmenter leurs
marges. Ainsi, alors que le prix mondial du café a baissé de 18 % de 1975 à 1993,
le prix a augmenté de 240 % pour les consommateurs américains. De 1990 à 1998,
lâindice des prix agricoles Ă la production a baissĂ© en France de 11 %, tandis que
lâindice des prix alimentaires Ă la consommation a augmentĂ© de plus de 10 %. De
1990 Ă 1996, la baisse de 17 % du prix de la viande bovine Ă la production sâest
accompagnĂ©e dâune hausse de 8 % du prix Ă la consommation.
Au final, les prix augmentent pour les consommateurs et les revenus diminuent
pour les paysans. Depuis 1950, la part revenant aux agriculteurs dans le prix payé
par le consommateur nâa cessĂ© de baisser. Pour toute la consommation alimentaire,
elle est passée de 40 % en 1952 à 21 % en 1997.
Les multinationales des OGM
*
Les cultures transgéniques commerciales se développent de plus en plus. Elles
reprĂ©sentaient 67 millions dâhectares en 2003
**
. Les Ătats-Unis et l'Argentine
arrivent de loin en tĂȘte. Dâautres pays adoptent ou effectuent des essais de
cultures transgéniques : France, Espagne, Mexique, Bulgarie, Ukraine, Chine,
Roumanie, Russie, Afrique du Sud, Australie, Brésil. Les cultures transgéniques
concernent en premier lieu le soja et le maĂŻs, fers de lance de l'agriculture
américaine.
RĂ©partition en 2000
source : infogm (http://www.infogm.org)
*
Il faut plutĂŽt parler d'organismes transgĂ©niques, câest-Ă -dire issu du mĂ©lange de gĂšnes dâespĂšces diffĂ©rentes. Car tous
les animaux et presque toutes les plantes sont
génétiquement modifiés
: ils sont le rĂ©sultat original dâun brassage de
dizaines de milliers de gĂšnes avec quelques mutations...
** soit, Ă titre de comparaison, le triple des surfaces sous certification ''agriculture biologique''.
12
Ătats-Unis
Argentine
Chine
Canada
autres
Soja
MaĂŻs
Coton
Colza
Les multinationales des OGM (suite)
Le commerce des cultures transgéniques est concentré et lucratif. En 1998, 3 multinationales
contrÎlaient la quasi intégralité du marché américain des semences transgéniques : Monsanto
(88%), Aventis (8%) et Novartis (4%). Le chiffre dâaffaire mondial des plantes transgĂ©niques
augmente chaque année. Il s'élevait en 1999 à 2,2 milliards de dollars.
Le caractÚre génétique introduit dans les cultures transgéniques concerne essentiellement la
tolérance aux herbicides (74 % des cultures en 2000). But recherché : commercialiser des
plantes avec un herbicide liĂ©, produit de prĂ©fĂ©rence par la mĂȘme firme. On est bien loin des
voeux pieux des Nations Unies qui préconisent le développement des OGM pour
« améliorer
le sort des populations du Tiers Monde »,
sans préciser que la faim dans le monde n'est pas
une affaire de technologie mais de politique. Les multinationales contrĂŽlant la
commercialisation dâOGM ne sont Ă©videmment pas philantropiques. Elles se tournent vers
des secteurs promettant des profits, ce qui correspond Ă©videmment mieux Ă leurs intĂ©rĂȘts que
la sécurité alimentaire mondiale. Que l'on songe également à la tentative de commercialiser
des semences stériles (cf.
Terminator
).
Les OGM se dispersent dans l'environnement et se retrouvent de plus en plus dans les
aliments. Ainsi, en janvier 2002, le magazine
60 millions de consommateurs
dévoilait une
étude indiquant des traces d'OGM dans 36 des 103 denrées alimentaires analysées
contenant du soja et du maĂŻs, Ă des doses infĂ©rieures Ă moins de 1 % (pourcentage au-delĂ
duquel le fabricant doit mentionner la présence d'OGM sur l'étiquette du produit).
Enfin, le débat sur les OGM soulÚve celui de la brevetabilité du vivant. Depuis la fin des
années 70 (depuis 1998 en Europe), tout organisme modifié ne fût-ce que d'un seul gÚne,
peut ĂȘtre brevetĂ©. L'intĂ©rĂȘt commercial est essentiel. Le brevet une fois dĂ©posĂ©, personne ne
peut l'exploiter sans autorisation. Ătant donnĂ© que les moyens de recherche des pays du Sud,
qui possÚdent 80 % de la biodiversité mondiale, sont sans commune mesure avec ceux des
pays du Nord, il est aisé de comprendre à qui profite ce systÚme de brevetabilité. Chaque
brevet restreint le libre accÚs à un patrimoine génétique appartenant à l'ensemble de
l'humanité.
Source : infogm (htttp://www.infogm.org)
13
II Conséquences sur les pays du Sud
Nous avons présenté les caractéristiques générales de l'agriculture
intensive des pays du Nord. Examinons à présent comment cette agriculture se
développe au détriment des pays du Sud.
1. Le dumping
Fortement subventionnés, les produits agricoles occidentaux sont exportés
Ă des prix imbattables. Quelques exemples
*
:
Viande de poulet
: en 2000, la viande de poulet en provenance de lâUnion
européenne était vendue à 1100 FCFA/kg environ sur le marché de Dakar. La
viande de poulet locale, elle, Ă©tait vendue Ă 1535 FCFA/kg. Depuis 1999, les
importations de poulet congelé ont été multipliées par dix, entraßnant la faillite
de plus de la moitié des élevages locaux.
Viande bovine
: en 1991, la viande bovine en provenance de lâUnion europĂ©enne
arrivait Ă 4,5 F/kg en CĂŽte dâIvoire (aprĂšs avoir reçu une subvention de
13 F/kg), pour ĂȘtre revendue au dĂ©tail Ă 10 F/kg, contre 19 F/kg pour la viande
locale. Ce type dâexportation aurait fait chuter les exportations traditionnelles
du Niger, du Mali et du Burkina Faso de 430 000 tĂȘtes de bĂ©tail en 1980 Ă 250
000 en 1988.
Blé
: en Afrique noire, lâimportation croissante de blĂ© fortement subventionnĂ© y
a rendu non rentable la fabrication de substituts au pain et gĂąteaux,
techniquement possible avec 50 % des produits locaux.
Lait
: le lait subventionné exporté a réduit la production de produits laitiers de
prÚs de moitié en Afrique, Asie du Sud-Est et autres régions du Sud.
Nous pourrions multiplier les exemples. Pour la Commission européenne, cette
situation est malgré tout positive : les exportations de produits européens à bas
prix permettent aux consommateurs des pays du Sud de bénéficier de prix
avantageux. Mais quand, du mĂȘme coup, les paysans du Sud disparaissent, nâest-
ce pas un cercle vicieux ? Le dumping prive inexorablement les pays du Sud de leur
indépendance alimentaire. Résultat : des millions de petits producteurs vivent dans
une précarité de plus en plus forte. Bien souvent, ils fuient les campagnes pour
s'entasser dans des bidonvilles périurbains.
*
En partie extraits de
L'agriculture, talon d'achille de la mondialisation
, cf. bibliographie.
14
2. L'endettement
Les pays du Sud sont fortement dépendants des exportations de produits
agricoles dits ''exotiques''. Ces exportations constituent souvent leur principale
source de devises. Ainsi, en 2000, le coton représentait plus de 80 % des revenus
d'exportation du BĂ©nin, prĂšs de 40 % au Burkina Faso. La mĂȘme annĂ©e, le cafĂ©
représentait plus de la moitié des revenus d'exportation de l'Ouganda, prÚs du
quart au Nicaragua.
Part de l'agriculture dans le total
des exportations en 1995-97
Soudan
94 %
Tchad
68 %
Guatemala
62 %
Mali
59 %
Cuba
56 %
CĂŽte d'Ivoire
55 %
Argentine
45 %
Bolivie
30 %
Vietnam
23 %
Source: Banque mondiale, FAO, CADTM
A partir des années 70, les pays du Sud ont intensifié leurs exportations,
encouragés -ou forcés- en ce sens par les puissances occidentales. Le Fonds
Monétaire International exige notamment que les pays du Sud développent leurs
exportations afin de générer davantage de devises pour rembourser leurs dettes.
*
Au final, la production des principales matiÚres premiÚres agricoles a augmenté
d'un tiers depuis le début des années 80. Mais, comparativement, la demande
mondiale a peu augmenté. Cette situation de surproduction a entraßné une baisse
des prix.
Produit
1980
1990
2000
Unité
Café
481,4
197,2
190,9
Cents/kg
Thé
230,5
205,8
186,4
Cents/kg
Huile de palme 810,7
289,9
308,2
$/tonne
Riz ThaĂŻ
570,5
270,9
201,2
$/tonne
Sucre
87,7
27,7
17,9
Cents/kg
Coton
286,4
181,9
129,5
Cents/kg
Prix en dollars constant de 1990,
Source : Banque Mondiale, Global Development Finance 2001
*
Plus de détails dans la brochure
Pourquoi la dette des pays du Sud
, Les renseignements généreux.
15
Comment maintenir les revenus lorsque les prix du marché mondial s'effondrent ?
PremiÚre possibilité : accroßtre le volume de la production. C'est précisément ce
qu'ont fait de nombreux exportateurs de matiĂšres premiĂšres. Bien entendu, il s'agit
d'un cercle vicieux : les producteurs du Sud exportent davantage, ce qui fait chuter
les cours, puis ils cherchent Ă augmenter encore le volume de leurs exportations,
ce qui produit les mĂȘmes rĂ©sultats. Un exemple : entre 1996 et 2000, le Ghana a
accru sa production de cacao de 320 000 Ă 450 000 tonnes. Mais, dans le mĂȘme
temps, les prix ont chutĂ© de 40%. Par consĂ©quent, la valeur de la production Ă
l'exportation a baissé d'un tiers en termes de devises étrangÚres.
ParallÚlement, les produits manufacturés exportés par les pays du Nord sont de
plus en plus chers. Entre 1980 et 1998, les prix internationaux des produits
manufacturés ont augmenté de 40%, alors que ceux des produits agricoles ont
globalement diminuĂ© dâenviron 35%.
Au final, les pays du Sud sont face à une crise économique : d'un cÎté, ils sont de
plus en plus nombreux Ă exporter toujours davantage dans des conditions de
moins en moins avantageuses ; de l'autre, les produits manufacturés qu'ils
importent sont de plus en plus chers. Entre 1974 et 1997, la part des pays du Sud
dans les exportations agricoles et alimentaires mondiales est passée de 30 à 34%.
Mais dans le mĂȘme temps, leur part dans les importations mondiales a augmentĂ©
de 28 Ă 37%. Cela signifie que, globalement, le commerce agricole des pays du Sud
est déficitaire.
Commerce agricole des pays du Sud
en pourcentage du commerce agricole mondial
source : OCDE
Notons enfin que la plupart des matiÚres premiÚres sont exportées
non
transformées
par les pays du Sud. Cela signifie que la valeur ajoutée par la
transformation demeure dans les pays industrialisés. Les pays du Sud produisent
par exemple plus de 90 % des graines de cacao, moins de 50 % du beurre de cacao,
un tiers de la poudre de cacao et seulement 4% du chocolat. L'Allemagne moud
plus de cacao que le plus gros producteur du monde, la CĂŽte d'Ivoire. En 2000, les
ventes Ă l'exportation des pays producteurs de cacao s'Ă©levaient Ă 2 milliards de
dollars, alors que les ventes de chocolat dans les pays industrialisés représentaient
plus de 60 milliards de dollars.
16
année 1997
année 1974
0
10
20
30
40
Exportations
Importations
17
Davantage d'exportations, moins de devises
l'exemple du café
Les pays industrialisés représentent les deux tiers de la consommation mondiale de
café, soit 4,5 kg/habitant/an environ. La consommation par habitant y est restée
pratiquement constante pendant deux décennies. En revanche, la production de
cafĂ© dans les pays du Sud a augmentĂ© (+ 25 % entre 1990 et 2000) et les prix Ă
l'exportation ont baissé. Pour les pays du Sud, cela signifie davantage d'exportations
pour de moins en moins de devises. Dans les années 70, les pays producteurs de
café percevaient environ 20 % des revenus totaux du café consommé sur la planÚte.
Cette part était tombée à 13 % au début des années 90. Du prix moyen de la tasse
de café bue sur un comptoir, l'agriculteur du début de la chaßne de production ne
perçoit vraisemblablement que moins de 1 %. Pourtant, le prix du café à la
consommation n'a cessé de grimper : les ventes de café à la consommation sont
passĂ©es en dix ans de 30 Ă 60 milliards de dollars. Dans le mĂȘme temps, la part
reçue par les pays producteurs de café est tombée de 10 à 6 milliards de dollars.
Le commerce du café vert de l'Amérique du Sud et de l'Afrique réunis :
source : statistiques FAO; en dollars constants
source :
Café commerce
, GeneviĂšve de Boeck, Ă©d OXFAM, 2002
1982
1992
2002
0
1
2
3
4
5
6
Productions
(millions de tonnes)
Exportations
(millions de tonnes)
Bénéfices (milliards
de dollars)
3. La dépendance alimentaire
Les pays du Sud sont encouragés à exporter toujours davantage de
matiĂšres premiĂšres Ă destination des pays du Nord. Ils se trouvent aujourd'hui
dans une situation critique : les cultures vivriĂšres sont insuffisantes. C'est
pourquoi les pays du Sud importent de plus en plus de céréales des pays du Nord,
se plaçant ainsi en situation de dépendance. Selon la FAO,
« les pays en
développement vont devenir de plus en plus dépendants des importations de
cĂ©rĂ©ales. [âŠ] Cependant, les pays les plus pauvres et qui souffrent de la plus grande
insĂ©curitĂ© alimentaire auront aussi tendance Ă ĂȘtre le moins en mesure d'importer
des céréales. »
*
Cette prévision de la FAO est à rapprocher des chiffres de la faim dans le monde.
Sur notre planĂšte, entre 1997 et 1999, 800 millions d' humains ont souffert de la
faim tous les jours, prĂšs de deux milliards Ă©taient atteints de carences
alimentaires. En Asie, 35% de la population était considérée comme sous-
alimentée, 34% en Afrique subsaharienne, 11% en Amérique latine et Caraïbes.
Importations de céréales des pays dits «
en développement
»
ParallĂšlement, lâaide alimentaire occidentale (trĂšs
utilisĂ©e par les Ătats-Unis) peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e
comme un soutien Ă l'exportation. En effet, les
excédents de production sont achetés par
l'administration et sont ensuite bradés ou
donnés, ce qui permet d'écouler les stocks, de
conquérir de nouveaux marchés et d'exercer une
concurrence déloyale sur les productions locales.
De fait, force est de constater que plus le prix
mondial des céréales est bas, plus l'aide
alimentaire dĂ©livrĂ©e par les Ătats-Unis est forte.
Ceci n'arrange évidemment pas l'insécurité
alimentaire des pays du Sud.
*
FAO,
rapport sur l'agriculture mondiale Ă l'horizon 2015-2030 (http://www.fao.org).
18
Projection 2030
1997-1999
Années 70
0
50
100
150
200
250
300
millions de tonnes
4.
La libéralisation des marchés agricoles
Depuis les années 80, l'agriculture des pays du Sud a été progressivement
libéralisée, en grande partie sous la pression du Fonds Monétaire International :
retrait de l'Ătat, diminution des droits de douanes, suppression de certains quotas,
etc.
*
Depuis 1995, ce processus s'amplifie sous l'impulsion
de l'Organisation Mondiale du Commerce. Aux
agriculteurs des pays du Nord, on fait miroiter la
perspective de fabuleux marchĂ©s alimentaires Ă
conquérir dans les pays du Sud. Aux pays du Sud,
on promet un accÚs plus facile aux marchés du Nord.
Enfin, aux consommateurs de tous les pays, on
promet la baisse des prix. Mais comme le souligne le
chercheur Jacques Berthelot,
« ne sont en fait
comptabilisés que les effets directement marchands
des Ă©changes. Tous les effets externes sont passĂ©s Ă
la trappe : effets sur lâemploi, amĂ©nagement du
territoire, environnement, qualité des produits, sécurité
alimentaire, etc. »
**
Parmi les mesures dictées par l'OMC, notons la diminution des subventions
directes (taxes, douanes, restitutions Ă l'exportation).
***
NĂ©anmoins, l'OMC autorise
les aides dites
découplées
(aides gĂ©nĂ©rales de l'Ătat, assurance-revenu, mesures
agri-environnementales, etc.). Cette distinction est de taille puisque seuls les pays
du Nord ont le potentiel Ă©conomique pour
découpler
leurs aides. Ces derniers ont
d'ailleurs entamé ce processus de transformation de leurs aides directes en aides
dĂ©couplĂ©es. Les Ătats-Unis ont par exemple votĂ© en 2002 une loi accroissant de
prĂšs de 80% ces derniĂšres.
Autre mesure dictée par l'OMC : tous les pays doivent ouvrir leur marché intérieur
agricole aux importations, et ce sans droits de douane
****
. Par exemple, la Corée du
Sud, autosuffisante en riz, doit désormais en importer. Combien de paysans du
Sud vont disparaĂźtre du fait de la concurrence accrue avec les paysans du Nord,
mieux équipés, plus productifs, subventionnés ? Contrairement à ce qu'affirment
les institutions internationales, la libéralisation accroßt l'appauvrissement et la
dépendance des pays du Sud.
*
cf. brochure
Pourquoi la dette des pays du Sud,
les renseignements généreux.
**
L'agriculture, talon d'achille de la mondialisation
(voir bibliographie).
*** Les pays dits « développés » doivent les réduire de 36%, les pays dits « en développement » de 24%. Enfin, les pays
dits « les moins avancés » ne sont pas contraints à prendre ces engagements.
**** à hauteur de 4% de la consommation intérieure pour les pays du Sud, 5% pour les pays du Nord.
19
« Les marchés agricoles
restent hautement
protégés et leur
libéralisation génÚrerait
une forte amélioration du
bien-ĂȘtre global, duquel
les Ă©conomies
Ă©mergentes et en
transition tireront, dans
lâensemble, avantage. »
site internet de l'OCDE
Les Ă©changes agricoles
Depuis 40 ans, le commerce mondial des matiĂšres premiĂšres agricoles augmente plus vite
que la production agricole. Cependant, la part des Ă©changes agricoles dans le commerce
mondial diminue. Dans les années 60, elle représentait 25% du commerce mondial (en
valeur). En 2001, ce chiffre est tombĂ© Ă 9%, soit autant que le commerce de lâindustrie
automobile. En revanche, les échanges de produits manufacturés progressent sans cesse. Ils
représentent désormais 75% des échanges mondiaux (4500 milliards de dollars environ).
Principales exportations mondiales en 2002 (estimations)
N.B : ce graphique ne prend pas en compte le total des fruits et légumes.
Ce graphique met en valeur l'importance Ă©conomique du commerce de la viande. Les
produits d'exportations ''exotiques'' des pays du Sud (bananes, thé, café...), bien que lucratifs,
sont d'un volume nettement plus modeste.
Notons que ces chiffres sont trÚs faibles comparés aux ventes pour les consommateurs. A
titre d'exemple, les ventes au dĂ©tail de produits alimentaires aux Ătats-Unis Ă©taient estimĂ©es Ă
440 milliards de dollars en 1999.
Source : statistiques FAO
20
Thé
Bananes
Café vert
Sucre
Fibres textiles
Laits et produits laitiers
Céréales
Huiles et oléagineux
Viande
0
25
50
75
100
125
150
175
200
225
250
275
300
milliards de dollars
millions de tonnes
Interlude : qui cueille les fruits des pays du Nord ?
Pour la rĂ©colte des fruits et lĂ©gumes, lâagriculture intensive des pays du Nord sâaccompagne
dâun recours massif Ă une main dâĆuvre issue de lâimmigration clandestine. Les exploitants
agricoles sont à la recherche d'une rentabilité maximale par la diminution des coûts de
récolte. Or les fruits et légumes sont fragiles et demandent une manipulation délicate,
difficilement mécanisable. Pour les choisir à la maturité voulue, rien ne remplace un cueilleur
manuel. Enfin, comme les pĂ©riodes et les volumes des rĂ©coltes sont alĂ©atoires, lâagriculture
intensive a besoin dâune grande quantitĂ© de mains pendant de brĂšves pĂ©riodes, mobilisables
rapidement.
MallĂ©able, disponible et sous-payĂ©e, la main dâĆuvre immigrĂ©e clandestine est idĂ©ale. Son
utilisation est donc massive. Selon lâObservatoire Permanent de lâImmigration en Espagne,
sur 9 000 travailleurs agricoles officiellement inscrits en Andalousie, on estime Ă 35 000 le
nombre de clandestins. En France, plus de la moitié des travailleurs agricoles saisonniers
seraient en situation irréguliÚre. Absence de protection sociale, salaires dérisoires, non-
application du droit de travail voire des droits humains les plus élémentaires, ségrégation (cf.
Ă©meutes sanglantes anti-marocaines de El Ejido en Andalousie, en fĂ©vrier 2000)âŠ. Cette face
cachĂ©e de lâagriculture intensive est prĂ©sente dans la plupart des pays europĂ©ens. Notons
que des dynamiques comparables sont présentes dans le secteur du BTP, de la restauration,
de la confection ou encore des réseaux de prostitution.
Pourquoi lâagriculture intensive ne fait-elle pas appel Ă une main dâĆuvre locale ? LâANPE
reçoit peu de demandes pour le travail de récolte saisonniÚre. Exposition aux produits
phytosanitaires souvent dangereux, rémunération faible, travail physiquement difficile : seuls
des Ă©tudiants, chĂŽmeurs ou gitans optent occasionnellement pour ce type de travail, le plus
souvent « au black ».
Cueillis encore verts et mĂ»rissant pendant leur stockage, bourrĂ©s de pesticides, gorgĂ©s dâeau
et transportĂ©s sur des milliers de kilomĂštres, les fruits et lĂ©gumes issus de lâagriculture
intensive ont également un goût social bien amer.
Sources :
Le goût amer de nos fruits et légumes, l'exploitation des migrants dans l'agriculture intensive en
Europe,
Forum Civique Européen, numéro hors série mars 2002. Lire également les articles du mensuel
CQFD
(http://www.cqfd.org).
21
III Pollution : le cas des pesticides
Pollution des eaux (engrais et pesticides), appauvrissement des sols
(diminution de l'humus, Ă©rosion)
*
, destruction de la biodiversité (disparition des
zones humides et des bocages)... En 40 ans, l'agriculture intensive s'est développée
au prix d'une importante dégradation des ressources naturelles. Nous avons choisi
d'approfondir ici la pollution par les pesticides.
1. Que sont les pesticides ?
Dérivés des armes chimiques mises au point pendant la premiÚre et la
seconde guerre mondiale, les pesticides sont des produits toxiques conçus pour
tuer les organismes vivants. Les trois grandes familles des pesticides les plus
utilisés sont les
insecticides
, les
herbicides
et les
fongicides
. Les principes actifs de
certains pesticides ont une durée de vie de plus d'une dizaine d'années. Cela
signifie que, bien aprÚs leur éventuelle interdiction, ils sont toujours présents dans
l'environnement. Le commerce des pesticides est une activité industrielle
florissante. En 2000, les ventes mondiales atteignaient environ 28 milliards de
dollars. Il s'agit d'un marché de plus en plus ouvert aux pays du Sud.
Ventes mondiales de pesticides en 2000
Source : UIPP
*
Selon la F.A.O., environ 10% des terres émergées de la planÚte sont propices à l'agriculture. Or plus de 50% des terres
cultivables seraient dĂ©gradĂ©es, c'est-Ă -dire appauvries du point de vue de leur richesse biologique, de leur capacitĂ© Ă
filtrer l'eau, parfois atteintes dans leur structure (porosité, formation d''agrégats...) ou emportées par l'érosion. En France,
le taux de matiÚre organique dans le sol serait passé d'une moyenne de 4 à 2 % en l'espace de 20 ans. Dans le bassin
parisien, ce taux frÎle le zéro : cela signifie que la production ne résulte que de l'apport continu d'engrais. Pour plus de
détails sur la destruction des sols par l'agriculture intensive, lire l'interview de Claude Bourguignon, microbiologiste des
sols, disponible sur le site des renseignements généreux.
22
Reste du monde
Amérique latine
Europe
Asie
Amérique du Nord
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
milliards de dollars
2. OĂč sont les pesticides ?
Les pesticides sont partout. Ils se dispersent dans lâenvironnement,
voyagent sur de longues distances par les courants atmosphériques et marins,
entrent sous forme de rĂ©sidus dans notre alimentation, sâaccumulent dans les
graisses, se concentrent le long des chaĂźnes alimentaires.
*
Il est cependant difficile
de mesurer précisément le niveau de contamination de l'environnement. La
pollution est hétérogÚne, les analyses sont onéreuses et les recherches relativement
rares. Néanmoins, voici un certain nombre de données permettant de mesurer
l'ampleur de la présence des pesticides...
... dans notre eau
En 1997, la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales
françaises mettait en évidence la présence de résidus de pesticides dans un tiers
des prélÚvements d'eau de consommation française (217 pesticides étaient
recherchés). Le Département américain de l'agriculture estime pour sa part que 50
millions d'américains consomment une eau potentiellement contaminée par les
résidus de l'agriculture. Les nappes phréatiques sont également touchées. Pour la
période 1995-1998, selon l'Institut Français de l'Environnement, le pesticide
atrazine est prĂ©sent dans plus de 50% des cas oĂč il a Ă©tĂ© recherchĂ© dans les eaux
souterraines. Les eaux embouteillées ne sont pas forcément épargnées. Une
enquĂȘte du magazine
Que Choisir ?
a en effet mis en Ă©vidence la prĂ©sence dâatrazine
dans certaines eaux de source et minérales.
**
Lors de la pulvérisation, 25 à 75% des quantités
de pesticides appliquées sur les cultures
s'Ă©vaporent et se retrouvent ensuite dans les eaux
de pluie. Un exemple : entre 1995 et 1996,
lâInstitut National de Recherche Agronomique de
Rennes a installé des stations de mesure de
pesticides dans les précipitations. Presque tous
les Ă©chantillons en contenaient. En 1998, une
étude similaire menée aux Pays-Bas mettait en
évidence la présence de pesticides dans l'eau de
pluie, dont certains interdits depuis des décennies
comme lâheptachlore. Au final, les pesticides
diffusés dans les champs peuvent faire le tour de
la terre, comme en témoigne l'intoxication grave
des Indiens Inuits du Canada. Les poissons et les
phoques dont ils se nourrissent sont contaminés
par les pesticides provenant des riviĂšres, de la mer
et des pluies.
*
Exemple : le pesticide DDD est prĂ©sent Ă 0,014 ppm â parties par millions- dans le lac « Clear » de Californie, Ă 5 ppm
dans le phytoplancton, Ă 100 ppm dans les poissons, Ă 2500 ppm dans la grĂšbe.
** http://www.quechoisir.org/
23
... dans nos maisons
Produits de traitement pulvérisés par les jardiniers amateurs, poussiÚres et
particules de terre, colliers antiparasites des animaux domestiques, bombes
aĂ©rosols, boĂźtes appĂąts... Lâair intĂ©rieur des maisons est parfois plus concentrĂ© en
pesticides que lâair extĂ©rieur. selon L'EPA (agence de l'environnement aux Ătats-
Unis), plus de 80% des ménages américains utilisent 3 à 4 pesticides différents
dans leur maison. Une étude allemande met en évidence du pesticide perméthrine
dans 90% des foyers étudiés.
... dans nos aliments
En 2001, une enquĂȘte de la Commission europĂ©enne signalait la prĂ©sence
de pesticides dans 36 % des quelques 40 000 échantillons de fruits, légumes et
céréales européens analysés (le contrÎle portait sur une centaine de pesticides). En
France, ce taux atteignait les 54 %, dont presque 10 % au-dessus des seuils
autorisés (notamment les laitues : 30 % d'entre elles dépassaient les doses
admissibles de pesticides). Une récente étude hollandaise a analysé
100 Ă©chantillons de raisins de table : 70 % des raisins contenaient au moins un
résidu de pesticide, 35 % à des teneurs plus élevées que la réglementation. Dans
l'Ătat de Californie, une Ă©tude portant sur plus de 5500 Ă©chantillons et
160 substances recherchées a conclu qu'un tiers des fruits et légumes contenaient
des résidus de pesticides.
... dans nos corps
Tout adulte européen a accumulé entre 300 et 500 produits chimiques
industriels différents qui se retrouvent stockés dans le sang, les urines, le lait
maternel, les tissus adipeux et autres organes.
24
La France, numéro 1 des pesticides
La France Ă©tait en 2002 le plus gros exportateur mondial de pesticides, (juste devant l'Allemagne
et les Ătats-Unis), et le troisiĂšme consommateur mondial (avec plus de 100 000 tonnes en 1999).
40 % des pesticides consommés sont utilisés pour la vigne, 10 % sont répartis vers des
utilisations autres quâagricoles (jardinage, espaces verts, voiries, etc.). Premier producteur
agricole européen (plus de 20% de la production), la France est notamment le premier producteur
de maïs, qui consomme plus de 40 % de la production totale européenne d'herbicides. Rapportée
Ă la consommation par hectare, la France est cependant dans une position moyenne (environ 4,5
kg de pesticides par hectare contre 17,5 pour les Pays-Bas). Elle dispose en effet de la plus
grande surface agricole utilisée (plus de 20% de la surface agricole européenne).
Paradoxalement, les villes sont les endroits oĂč l'on utilise le plus de dĂ©sherbants par hectare
d'espaces traités. Les golfs et équipements touristiques sont notamment de gros consommateurs
d'herbicides (une surface enherbĂ©e d'un sol consomme cinq fois plus de pesticides que la mĂȘme
surface cultivée).
Source : FAO, SĂ©nat
3. Les pesticides et la santé
L'impact des pesticides sur la santé est difficile à évaluer : il existe une
multitude de pesticides utilisés (entre 500 et 700 rien qu'en France), les études
épidémiologiques sont rares
*
, les recherches fixant les seuils réglementaires
admissibles dans les aliments sont réalisées sur des animaux, enfin, l'effet des
combinaisons de pesticides est mal connu. NĂ©anmoins, voici quelques pistes
suffisamment alarmantes :
Les pesticides organochlorés (chlordane, DDT, Lindane, methoxychlor, etc.) sont
considérés comme déclencheurs de tumeurs et de pathologies neurologiques
(atteintes de la mémoire, dépression, maladie de Parkinson, etc.). Certains types de
cancer, en particulier le cancer du sein et celui des testicules (de plus en plus
nombreux) sont liés à la présence d'oestrogÚnes synthétiques ou xénoestrogÚnes
dans notre environnement (produits par le DDT notamment). Ces substances sont
pour la plupart toujours utilisées. Des liens ont été démontrés entre certains
pesticides domestiques et des cas de leucémie ou de cancer du cerveau, de
l'estomac et de la prostate. Des pesticides et des fertilisants ont Ă©tĂ© associĂ©s Ă
l'apparition des cancers gastriques ou bronchiques, ou encore d'allergies. Les
viticulteurs français ont, selon une étude récente, un risque de cancer du cerveau
dû aux pesticides de 25 % supérieur à la population générale. De maniÚre générale,
la maladie de Parkinson, les sarcomes et les cancers du cerveau sont décelés en
proportion trÚs supérieure chez les agriculteurs : 5 % chez eux contre moins de 1 %
dans la population totale. Notons que selon la Mutualité sociale agricole, un
agriculteur sur dix déclare avoir été victime de troubles aprÚs la manipulation de
pesticides. Les pesticides constituent donc un risque de santé majeur.
**
Chaque année, les pays du Nord interdisent l'utilisation de certains pesticides suite
à la découverte de leur risques. Néanmoins, la plupart des pesticides périmés ou
interdits dans les pays industrialisés sont envoyés dans les pays du Sud (des
centaines de milliers de tonnes selon la FAO). Imaginons les conséquences dans ces
pays oĂč les normes de sĂ©curitĂ© et les contrĂŽles sont encore plus faibles que dans
les pays occidentaux... Enfin, notons que les industries ont tendance Ă augmenter
la toxicité de leurs produits, car les espÚces ciblées s'adaptent peu à peu aux
produits utilisés.
*
De maniÚre générale, les études sur la toxicité des produits chimiques pouvant se retrouver dans notre alimentation sont
rares. Sur les 23 millions de substances aujourd'hui répertoriées, seules un millier par an sont testées (source :
Toxiques
alimentaires
, Marie Langre, ed Librio, 2004).
** Pour les humains, mais aussi les animaux. Par exemple, on estime qu'aux Ătats-Unis, entre 1977 et 1987, 6 Ă 14 millions
de poissons sont morts, chaque année, à cause des pesticides. (cf.
Pesticides, le piĂšge se referme,
voir bibliographie)
25
En guise de conclusion
Les nuisances de l'agriculture intensive sont immenses : gaspillage,
dégradation de l'environnement, pollution par les pesticides, destruction de la
souveraineté alimentaire des pays du Sud, fruits et légumes de qualité lamentable,
etc.
Sachant tout cela, que faire ?
D'abord, ne pas nuire. A commencer par le choix de son alimentation : arpenter les
marchés de producteurs locaux plutÎt que les grandes surfaces, choisir de
préférence des produits issus de l'agriculture biologique, expérimenter d'autres
types d'alimentation (végétarisme
*
, végétalisme, etc.), rejoindre une AMAP
(Association de Maintien de l'Agriculture Paysanne)
**
, faire son propre jardin... Des
alternatives existent !
Cependant, cette démarche reste insuffisante si nous ne sommes pas plus
nombreux Ă refuser les tomates insipides, les pesticides ou l'agro-alimentaire
industriel. Des combats politiques sont également nécessaires. Pour lutter contre
l'agriculture productiviste, il est possible de participer aux actions de la
Confédération paysanne, des faucheurs volontaires
***
ou du mouvement
international Via Campesina
****
.
L'agriculture concerne la vie et l'environnement de tous les ĂȘtres vivants de la
planÚte. Espérons qu'elle deviendra de plus en plus
« un axe central de contestation
et une référence de la résistance. »
*****
*
S'informer sur le végétarisme
: http://www.vegetarisme.info/
**
Pour rejoindre ou créer une AMAP
: http://alliancepec.free.fr/Webamap/
***
pour rejoindre les faucheurs volontaires
: http://www.monde-solidaire.org
****
Mouvement Via Campesina :
http://fr.viacampesina.org
***** José Bové dans
Le monde nâest pas une marchandise,
La découverte, 2000
26
Pour aller (beaucoup) plus loin
Cette brochure est bien trop concise pour ĂȘtre exhaustive. Voici quelques ouvrages
pour approfondir...
L'agriculture, talon d'Achille de la mondialisation
Jacques Berthelot, Ă©d L'Harmattan, 2001
Un ouvrage touffu, prĂ©cis et mĂ©ticuleusement argumentĂ©. Chiffres Ă
l'appui, Jacques Berthelot décrypte les mécanismes de l'agriculture
mondiale et les impacts de l'agriculture intensive occidentale sur les
pays du Sud.
Pesticides, le piĂšge se referme
François Veillerette, éd Terre Vivante, 2002
François Veillerette présente ici une synthÚse des recherches
effectuées sur les pesticides à travers la planÚte, depuis plusieurs
dizaines d'années. Saisissant.
La guerre au vivant
Jean-Pierre Berlan, Ă©d Agone, 1999
Un recueil d'analyses de différents spécialistes des OGM, dont Jean-
Pierre Berlan, chercheur Ă l'INRA. PĂ©dagogique, cet ouvrage explique
pourquoi la présentation des OGM comme facteur d'amélioration du
sort des populations du Tiers Monde est une mystification.
Poissons, le carnage
Joan Dunayer, Ed Tahin-party, 2004
téléchargeable gratuitement sur http://tahin-party.org
AprĂšs l'agriculture, la pĂȘche intensive ! Selon le PNUD, presque
75 % des zones de pĂȘche sont exploitĂ©es Ă pleine capacitĂ©,
surexploitées ou épuisées. Environ 30% des espÚces marines
sont exterminĂ©es ou en voie dâextermination. Les coraux et les
mangroves ont été divisées par 2 en 40 ans. Alors que les
capacitĂ©s de pĂȘche dans le monde dĂ©passeraient de 30 Ă 40% les
ressources naturelles, les quantitĂ©s pĂȘchĂ©es stagnent voire
déclinent depuis plusieurs années.
27
Les renseignements généreux
production et diffusion de brochures pédagogiques
Notre collectif réalise des brochures qui se veulent concises
et pédagogiques sur des sujets qui nous préoccupent ou
nous révoltent. Nos exposés ne sont pas exhaustifs mais
constituent une premi
Ăš
re approche permettant de d
Ă©
gager
des pistes de r
Ă©
flexion et d'action. Si vous jugez que ces
brochures contiennent des erreurs ou pourraient
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tre
am
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es, n'h
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sitez pas
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nous pr
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senter votre
argumentation, ainsi nous progresserons ensemble vers une
plus juste vision de la r
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alit
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T
I T R E S
D I S P O N I B L E S
1. Critiques & espoirs du commerce Ă©quitable
2. Que fait la France en Afrique ?
3.
Ă
qui profite la dette ?
4. L'id
Ă©
ologie du d
Ă©
veloppement
5.
Ă
qui profite l'aide au d
Ă©
veloppement ?
6. Pub : la conqu
ĂȘ
te de notre imaginaire
7. Comment blanchir lâargent sale ?
8. Sommes-nous en d
Ă©
mocratie ?
9. La culture du narcissisme
10. Les illusions du progr
Ăš
s technique
11. Nucl
Ă©
aire : jusqu'ici tout va bien
12. L'agriculture de destruction massive
13. Les argumentocs
14. R
Ă©
inventer les m
Ă©
dias
R
E P R O D U C T I O N
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D I F F U S I O N
Vous
ĂȘ
tes libres de modifier, reproduire et diffuser toute ou partie de cette
brochure
Ă
condition que les libert
Ă©
s
Ă©
nonc
Ă©
es dans ce paragraphe s'appliquent
sans restriction
Ă
ce que vous en faites. Si vous modifiez cette brochure, indiquez-
le clairement sur la couverture. Si possible, imprimez-la sur papier recycl
Ă©
...
Enfin, ne la stockez pas : faites-la circuler autour de vous, offrez-la, posez-la dans
un endroit o
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elle sera lu. Face
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l'industrialisation des m
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dias, inventons des
alternatives pour faire circuler nos id
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es !
I
N T E R N E T
Retrouvez toutes nos brochures, des textes, des citations et bien d'autres choses.
site internet :
http://www.les-renseignements-genereux.org/
courrier
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lectronique :
rengen@no-log.org