Monde 02/02/2010 à 16h00 (mise à jour le 03/02/2010 à 15h29)

Au Maroc, le «Journal hebdomadaire» jette l'éponge

Criblé de dettes, ce titre historique a été poussé à la fermeture par la justice du royaume. Le résultat d'une stratégie «d'asphyxie financière», selon un de ses fondateurs.

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Par SYLVAIN MOUILLARD

La dernière Une du JH

La dernière Une du JH (DR)

«Une mort programmée.» Pour Ali Amar, un des fondateurs du Journal hebdomadaire, la mise sous scellé des locaux du titre marocain, jeudi dernier, n'est que l'aboutissement d'un processus «d'asphyxie financière» mené par le pouvoir de Mohammed VI.

Le 25 janvier, le tribunal de commerce de Casablanca a ordonné la «liquidation judiciaire» de Média Trust, la société éditrice du JH jusqu'en 2003. Une décision qui concerne également la société Trimédia, qui édite le titre depuis, considérée comme une extension de Média Trust.

La décision, «exécutoire sur le champ», empêche toute nouvelle publication du JH. L'explication est simple : le non-paiement d'«importantes dettes» (5 millions de dirhams – 450 000 euros) par Média Trust envers la sécurité sociale et le fisc marocains.

Ali Amar ne nie pas «un endettement colossal». Mais il assure que «ce n'est pas le fruit d'une mauvaise gestion, plutôt le résultat d'un harcèlement judiciaire». Une position partagée par Soazig Dollet, de Reporters sans frontières (RSF) qui a apporté son soutien à l'hebdomadaire marocain.

Prise de liberté durant l'inter-règne

Le Journal voit le jour en 1997. «Le début d'une ère identifiée comme le printemps marocain», note Ali Amar. Profitant de la fin de règne d'Hassan II et des débuts de son fils Mohammed VI (en 1999), la presse marocaine en profite pour «prendre sa liberté».

Le Journal, autour de ses fondateurs Ali Amar, Aboubakr Jamaï et Hassan Mansouri, gagne ses galons de titre le plus indépendant du pays, fustigeant Driss Basri, l'ancien ministre de l'Intérieur d'Hassan II, ou donnant la parole au chef du front Polisario.

En 2000, Le Journal ferme une première fois, après un décret du pouvoir. Il renaît en hebdomadaire en janvier 2001 et dénonce dans la foulée les activités immobilières aux Etats-Unis de Mohamed Benaïssa, ministre des Affaires étrangères marocain. Le JH écope, après appel, d'une peine de 500.000 dirhams de dommages et intérêts.

Trimédia parvient ensuite à échelonner les dettes du titre jusqu'en 2007, mais doit faire face à des problèmes de paiement d'impôts.

Boycott publicitaire

En 2007, autre affaire, celle de Claude Moniquet, dans laquelle le JH doit payer une amende de 3 millions de dirhams. Les ennuis ne s'arrêtent pas là, puisqu'au printemps 2009, «le secrétaire particulier du Roi Mounir Majidi a demandé aux principaux annonceurs du pays de ne plus passer de publicités dans le Journal Hebdo», précise Soazig Dollet.

Privée de cette manne financière importante, le journal ne peut plus fonctionner, d'autant plus qu'il continue de sortir des articles sans concession, notamment sur le Sahara occidental et l'affaire Haminatour Haïdar.

«Le pouvoir a gagné, le journal a fermé», résume la responsable de RSF. Qui commence désormais à compter les derniers titres indépendants dans le royaume chérifien: «En francophone, on n'a guère plus que Tel Quel, déjà ennuyé cet été par la publication d'un sondage sur le Roi. Les titres arabophones comme Akhbar Al Youm ou Al Jarida Al Oula ont aussi des problèmes.»

«Il y a une crispation sur les libertés flagrante depuis 2009. Dernièrement, deux blogueurs ont aussi été arrêtés», ajoute Soazig Dollet. De son côté, Ali Amar souligne que «le Palais n'a jamais accepté la liberté des médias». Pour lui, «le raidissement actuel est concomitant d'un raidissement politique», palpable notamment avec l'affaire Haïdar.

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