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La vie quotidienne de Freud

(Ernest Jones)

« A l'âge de cinquante-deux ans, Freud commençait à peine à grisonner. Il avait une tête admirablement conformée, ornée d'une chevelure noire, épaisse et soignée. Sa moustache et sa barbe étaient élégamment taillées. Il mesurait 1,72 m environ et avait un certain embonpoint, encore que son tour de taille n'excédât probablement point son tour de poitrine.

Tout révélait une vie sédentaire. Il était plein d'entrain et montrait une certaine agitation et même un peu d'anxiété. Son regard vif semblait pénétrant et grave. J'eus l'impression confuse qu'il y avait, dans sa manière d'être et ses gestes, quelque chose d'un peu féminin.

Son premier malade venait à 8 heures du matin, ce qui obligeait Freud à se lever peu après 7 heures, chose qu'il ne faisait jamais de bon gré. Il ne s'attardait pas au petit déjeuner et jetait un simple coup d’œil sur la Neue Freie Presse. Il gardait chacun de ses malades pendant exactement 55 minutes, afin de se réserver entre les séances 5 minutes qu'il utilisait à reposer son esprit et à le rendre apte à recevoir de nouvelles impressions.

Ou encore il allait hâtivement prendre les dernières nouvelles de la maisonnée, mais se faisait un point d'honneur d'être exact avec ses malades. Le déjeuner familial avait lieu à 13 heures. C'était généralement le seul moment où tous les membres de la famille se retrouvaient: le repas du soir était souvent si tardif que les plus jeunes étaient alors déjà couchés.

A table, il se montrait très taciturne, cela embarrassait quelquefois beaucoup de ses hôtes étrangers qui ne pouvaient converser qu'avec les membres de la famille. Sauf dans certaines périodes de travail intensif, Freud était libre de une à trois heures, et après s'être reposé quelques minutes, il allait régulièrement faire un tour à pied dans les rues avoisinantes.

Sa consultation commençait à 3 heures et, à cette occasion, il revêtait sa redingote. Lorsque Freud se voyait forcé d'avoir une séance d'analyse à trois heures, il fallait que la consultation commençât à 2 heures. Ensuite, son travail thérapeutique se poursuivait sans interruption jusqu'à 9 heures du soir, heure du souper. Quand il était particulièrement surchargé de travail, il lui arrivait de ne le terminer qu'à 10 heures, ce qui signifiait que les séances d'analyse s'étaient poursuivies pendant douze ou même treize heures au cours de la journée.

Ce ne fut qu'après avoir atteint sa 66ème année que Freud s'offrit le luxe d'une tasse de café à 5 heures. Après le souper, il faisait une nouvelle promenade, cette fois en compagnie de sa femme, de sa belle-sœur ou, plus tard, de l'une de ses filles. La longueur de ces promenades variait. Quelquefois il s'arrêtait dans un café, en hiver le café Landmann, en été le café Central. Quand ses filles allaient au théâtre, Freud leur donnait rendez-vous devant un certain réverbère pour les reconduire.

Dés le retour à la maison, Freud se retirait dans son bureau pour faire sa correspondance - ce qu'il faisait toujours lui-même - et pour rédiger l'article qu'il avait alors composé. En outre, il y avait la corvée de préparer de nouvelles éditions, de corriger des épreuves, non seulement celles de ses propres travaux, mais aussi celles de périodiques qu'il dirigeait. Il ne se couchait jamais avant i heure du matin et souvent bien plus tard encore. Ce train-train journalier était parfois interrompu. Tous les mercredis, la Société Viennoise se réunissait. Il y faisait toujours une communication ou participait à la discussion.

Un mardi sur deux, il assistait aux séances de la Société juive Bnaï Brith ou il lui arrivait aussi de parler. Le samedi soir était sacré, car Freud renonçait fort rarement à la détente agréable que lui procurait son cher jeu de cartes, le Tarock.

La journée du dimanche était une journée à part - sans malades. Le matin, Freud, accompagné d'un ou de deux membres de sa famille, allait toujours voir sa mère. Quelquefois, il allait voir un ami ou recevait une visite tard dans la matinée, mais cela n'arrivait que peu de fois au cours de l'année.

Dans l'après-midi, « Frau Professor » recevait. Plus tard, le dimanche devint le jour favori de Freud ; il pouvait alors consacrer de longues heures à ses amis psychanalystes étrangers. Il m'est arrivé plusieurs fois de rester avec lui jusqu'à 3 heures du matin.

Le dimanche soir, la mère et toutes les sœurs de Freud venaient dîner en famille, mais Freud, dès la fin du repas, se retirait dans sa chambre. Si quelqu'un désirait s'entretenir en particulier avec lui ou lui demander conseil, il devait le suivre chez lui.

Freud désirait aussi consacrer les dimanches à ses propres travaux. Nous avons vu le peu de temps et d'énergie dont il disposait en semaine. Le fait qu'il fût capable de passer sans interruption neuf mois de l'année dans l'ambiance d'une grande ville, sans prendre le dimanche de tramway pour aller respirer l'air frais d'une campagne si aisément accessible, nous semble aujourd'hui surprenant.

D'autant plus que nous connaissons l'amour passionné de Freud pour la nature. Mais il préférait partager sa vie entre un travail sans répit et un changement total pendant les vacances prises dans une région éloignée et très différente.

On sait que Freud était grand fumeur. Sa moyenne était de vingt cigares par jour. Nous pourrions qualifier cette habitude de toxicomanie puisque les souffrances qu'il endurait lorsqu'il ne pouvait plus fumer étaient insupportables, comme il advint dans les dernières années de guerre, et plus tard pour raison de santé. »

1876-1878

Premières recherches anatomiques à l'institut de Physiologie d'Ernst Brücke. Premières publications dans le bulletin de l'Académie des Sciences: à cette occasion Freud change définitivement en Sigmund son prénom de Sigismund.

Relations amicales avec Ernst von Fleischl, assistant de Brücke et Josef Breuer, médecin et chercheur.

Mi 1879-mi 1880

Service militaire. Traduction du 12e volume des œuvres complètes de Stuart Mill.

1881

Mars. Freud est docteur en médecine.

1882

Avril. Rencontre avec Martha Bernays.

17 juin. Fiançailles secrètes de Freud et de Martha.

« Il faut bien que ce soit vrai. Martha est mienne ; cette délicieuse jeune fille dont chacun me parle avec admiration, qui, dés notre première rencontre et malgré toutes mes résistances, a conquis mon cœur, que je craignais de courtiser et qui, pleine d'une généreuse confiance, est venue à moi, a renforcé ma foi en ma propre valeur, m'a donné un nouvel espoir, une force nouvelle pour travailler - et tout cela au moment même où j'en avais le plus besoin. » (A Martha, le 19 juin, c. 18).

Pour pouvoir acquérir une situation et épouser Martha, Freud se décide aussitôt à gagner sa vie comme médecin. Il quitte le laboratoire de Brucke et entre en octobre jusqu'en avril 1883) dans le service de médecine interne du Professeur Nothnagel.

Novembre. Josef Breuer met Freud au courant du cas d'Anna O. (Bertha Pappenheim, une amie de Martha Bernays), une jeune hystérique qu'il soigne depuis 1880 par une méthode nouvelle, qui mélange l'hypnose et la parole: la méthode cathartique.

1883

Mai. Freud a désormais une chambre à l'hôpital. Stage de trois mois à la clinique psychiatrique du Professeur Meynert travaux dans son laboratoire d'anatomie cérébrale.

Juin. Mme Bernays et ses deux filles (Martha et Minna) quittent Vienne pour s'installer à Wandsbek. Freud supporte mal cette séparation.

« Nous sommes d'accord, je crois, toi et moi, pour estimer que la tenue du ménage, l'éducation des enfants et les soins à leur donner accaparent entièrement un être humain et excluent à peu près toute possibilité de gagner de l'argent (...) Devrais-je, par exemple, considérer ma douce et délicate chérie comme une concurrente? Dans ce cas, je finirai par lui dire, comme je l'ai fait, il y a dix-sept mois, que je l'aime et que je mets tout en œuvre pour la soustraire à cette concurrence et que je lui attribue pour domaine exclusif la paisible activité de mon foyer. Il est possible qu'une éducation nouvelle arrive à étouffer toutes les qualités délicates de la femme, son besoin de protection qui n'empêche nullement ses victoires, de manière qu'elle puisse, comme les hommes, gagner sa vie. Il est généralement possible que, dans ce cas, on ait tort de déplorer la disparition de la chose la plus délicieuse que le monde ait à nous offrir: notre idéal de la féminité. » (A Martha, 15-11, C. 87).

Au cours des années 1883-1884, Freud poursuit dans divers laboratoires une série de recherches sur le système nerveux et l'anatomie du cerveau.

1884

Janvier. « J'ai commencé à étudier un cas de maladie nerveuse c'est donc le début d'une ère nouvelle.» (A Martha, 7-1, C. 97).

Allusion, dans une lettre à Martha, à leur projet commun, demeuré virtuel, d'écrire ensemble une « chronique des fiançailles ».

Avril. En compagnie de son ami Konigstein, recherches sur les propriétés énergétiques et anti-dépressives de la cocaïne, dont Koller découvrira avant eux le pouvoir anesthésiant.

Septembre. Vacances à Wandsbek auprès de Martha.

1885

Janvier. Freud soigne son ami Fleischl par des injections de cocaïne, et provoque chez lui une très grave intoxication.

Mars-Mai. Stage en ophtalmologie.

Juin. Freud obtient une bourse pour un séjour de six mois à l'étranger.

« Je partirai pour Paris, je deviendrai un grand savant et je reviendrai à Vienne, paré d'une grande, d'une énorme auréole, et nous nous marierons bientôt et je guérirai tous les malades nerveux incurables et tu me conserveras en bonne santé et je t'embrasserai sans cesse jusqu'à ce que tu sois forte, gaie et heureuse. » (A Martha, 20 juin, C. 166).

Juin-Août Stage en dermatologie. Premier essai de traitement hypnotique au cours d'un bref séjour dans un sanatorium privé.

5 septembre. Le conseil de la Faculté nomme Freud Privat-Dozent en neuro-pathologie.

Octobre. Après un séjour à Wandsbek. Freud part pour Paris où il commence le 13 son stage à l'hôpital de la Salpêtrière dans le service de Charcot. Il y restera jusqu'au 28 février 1886, enthousiasmé par les conceptions de Charcot sur l'hystérie et le traitement hypnotique.

1886

Freud décide de se consacrer plus spécifiquement à la psychopathologie, tout en continuant à poursuivre ses travaux anatomiques.

Avril. Il ouvre un cabinet de consultation et prend la direction du service de neurologie à la clinique des Entants malades.

Ses gains sont encore très modestes et il subsiste en partie grâce à certains amis, en particulier Breuer.

Mai. Conférences sur l'hypnotisme dont il se tait un ardent défenseur.

Juillet. Il termine la traduction du tome II des Leçons de Charcot

13 et 15 septembre. Mariage civil et religieux de Freud et de Martha Bernays à Wandsbek.

Octobre-Novembre. Communications devant la Société Médicale de vienne sur l'hystérie masculine, qui rencontrent le doute, la désapprobation polie ou la réprobation, en particulier de la part de Meynert.

1887

18 mars. Freud est élu membre de la Société Médicale de Vienne.

Eté. Vacances dans le Semmering, dans les Alpes d'Autriche. Dès lors, tous les étés, la famille Freud prend de longues vacances plus ou moins loin de Vienne, généralement dans des régions montagneuses. Moins libre de son temps, Freud rejoint cependant toujours sa famille plusieurs semaines, et terminera très souvent ses vacances (laborieuses) par un voyage à l'étranger.

16 octobre. Naissance de Mathilde Freud, prénommée d'après la femme de Breuer.

Novembre. Rencontre avec Wilhelm Fliess, rhino-laryngologiste berlinois en stage à Vienne, qui poursuit de vastes recherches de physiologie et de biologie générale. Début de leur correspondance.

1888-1889

Travaux divers sur les affections hystériques, l'analyse comparée des paralysies hystériques et des paralysies organiques. Traduction et introduction au livre de Bernheim De la suggestion et de ses applications à la thérapeutique.

Mr. Freud commence à traiter Emmy von N., et applique pour la première tois la méthode cathartique de Breuer.

Juillet. Freud se rend à Nancy, pour perfectionner auprès de Bernheim et de Liebault sa technique hypnotique, avant d'assister en août au Congrès International d'hypnotisme.

6 décembre. Naissance de Jean-Martin Freud, prénommé d'après Charcot

1890

Eté. Premier « Congrès » avec Fliess à Salzbourg. En le quittant, Freud a eu un accès de phobie ferroviaire.

1891

Premier livre de Freud, dédié à Breuer, Sur la conception de l'aphasie.

19 février. Naissance de Olivier Freud, prénommé d'après Cromwell.

Août. Installation de la famille Freud au 19 Berggasse, où ils demeureront jusqu'en 1938.

1891-1895

Collaboration avec Breuer.

Développement parallèle, de plus en plus intense, de ses rapports et de sa correspondance avec Fliess à qui, dès latin de 1892, il adresse de nombreux manuscrits scientifiques.

Abandon progressif de l'hypnose et de la méthode cathartique au profit de « l'analyse psychique » par concentration des pensées), puis de la méthode des associations libres (qui le conduira peu à peu vers la cure psychanalytique).

Elaboration des concepts de défense, de contre-volonté inconsciente et de transfert, distinction des mécanismes de conversion, de négation, de projection et de déplacement qui déterminent les différentes affections psychiques, se recentrent autour d'une hypothèse sur l'étiologie sexuelle de l'hystérie et plus généralement des psychonévroses: hypothèse que Breuer ne pourra jamais se résoudre à accepter vraiment, ce qui entraînera leur rupture.

1892

Traduction d'un nouvel ouvrage de Bernheim: Hypnotisme, Suggestion, Psychothérapie. Mort de Brucke et de Meynert.

Avril. Naissance de Ernest Freud, prénommé d'après Brücke.

Mai. Jakob Freud offre à son fils son exemplaire de la Bible pour son 35e anniversaire.

Automne-hiver. Traitement de Elisabeth von R., Frau Katharine, Miss Lucy qui formeront, avec Emmy von N., les quatre « Histoires de malades » des Eludes sur l'hystérie.

1892-1893

Nouvelle traduction de Charcot: Leçons du Mardi, 1887-1888, accompagnée de notes personnelles.

1893

La biographie de Freud apparaît dans un « Who's Who » viennois.

Avril. Voyage à Berlin pour voir Fliess. Les deux amis se retrouveront désormais une ou plusieurs fois par an à Berlin ou à Vienne, et dans diverses villes où ils tiendront leurs « Congrès » scientifiques privés.

12 avril. Naissance de Sophie Freud, prénommée d'après la nièce de son professeur d'hébreu.

Septembre. Article nécrologique sur Charcot.

- « Mon activité s'est accrue, les questions sexuelles intéressent les gens qui s'en vont impressionnés et convaincus après s'être écriés: 'Personne ne m'avait interrogé là-dessus". En se confirmant, les choses se compliquent toujours davantage. « (A Fliess, 6 octobre, N.P. 70).

Avril. Troubles cardiaques: Freud renonce à fumer et réagit par un épisode névrotique. « Quelle tristesse pour un médecin qui consacre toutes les heures de la journée à l'étude des névroses d'ignorer s'il est lui-même atteint d'une dépression raisonnablement motivée ou bien hypocondriatique. » (A Fliess, 19 avril, N.P. 75).

1895

Mai. Etudes sur l'Hystérie (en collaboration avec Breuer).

- « Deux ambitions me dévorent: découvrir quelle forme assume la théorie du fonctionnement mental quand on y introduit la notion de quantité, une sorte d'économie des forces nerveuses et, deuxièmement, tirer de la psychopathologie quelque gain pour la psychologie normale. » (A Fliess, 25 mai, N.P. 106).

- « J'ai recommencé à fumer, ce qui ne laissait pas que de me manquer (après une privation de quatorze mois). Il faut bien que je traite décemment mon pauvre psychisme, sans quoi il ne travaillerait plus pour moi. J'exige beaucoup de lui et sa tâche est la plupart du temps surhumaine. » (A Fliess, 12juin, N.P. 108).

Juillet. Première auto-analyse complète d'un rêve (« l'injection faite à Irma »), qui confirme la théorie du rêve comme accomplissement du désir.

Août. Premier voyage (suivi, jusqu'en 1900, de plusieurs autres) en Italie du Nord, avec son frère Alexander qui sera pendant longtemps (avec Minna Bernays) son plus fidèle compagnon de voyage.

Septembre. Rédaction de l'Esquisse pour une psychologie scientifique (inédit jusqu'à sa mort), ou Freud tente de conjoindre les acquis de ses travaux physiologiques et psychologiques.

3 décembre. Naissance d'Anna Freud, sixième et dernier enfant, prénommée d'après la patiente préférée de Freud - Freud adhère à l'Association juive Bnaï Brith.

1896

Freud se détache définitivement de Breuer qui refuse d'admettre ses conceptions sur la sexualité. Il abandonne progressivement le modèle neurologique de l'Esquisse pour se consacrer exclusivement à la constitution d'une psychologie générale.

- « J'espère que l'amour des sciences m'absorbera jusqu'à la fin de ma vie. A part cela, je reste à peine un être humain. Quand j'ai fini de m'occuper de ma clientèle, le soir vers 10h 1/2, je suis mort de fatigue. » (A Fliess, 12 février, N.P. 140).

Mars. Premier emploi du mot « psycho-analyse » par Freud dans un article en français.

« Je n'ai aspiré dans mes années de jeunesse qu'à la connaissance philosophique et maintenant je suis sur le point de réaliser ce vœu en passant de la médecine à la psychologie. » (A Fliess, 2 avril, N.P. 144).

Mai. Conférence sur l'étiologie de l'hystérie devant la Société viennoise de psychiatrie et de neurologie. vrafft-Ebing, qui préside, accueille les conceptions sexuelles de Freud comme « un conte de fées scientifique ».

« Le silence qui suivit mes interventions, le vide qui se faisait peu à peu autour de moi, les allusions qui parvenaient à mes oreilles ont fini par me faire comprendre que des déclarations sur le rôle de la sexualité dans l'étiologie des névroses ne pouvaient s'attendre à être accueillies comme les autres communications. J'ai fini par comprendre que je faisais partie dorénavant de ceux qui, selon l'expression de Hebbel, "troublaient le sommeil du monde" et que je n'avais pas à compter sur l'objectivité et la tolérance. »(Contribution à l'histoire du mouvement psychanalytique, p. 89).

Octobre. Minna Bernays, inconsolable de la mort de son fiancé, vient s'installer dans la famille Freud où elle demeurera toute sa vie.

23 octobre. Mort de Jakob Freud. " Par l'une des voies obscures situées à l'arrière-plan du conscient officiel, la mort de mon vieux père m'a profondément affecté. Je l'estimais fort et le comprenais tout à fait bien et, grâce au mélange chez lui de profonde sagesse et de fantaisie légère, il a joué un grand rôle dans ma vie. Il se survivait depuis longtemps, mais, du fait de sa mort, tout le passé resurgit » (A Fliess, 2 novembre, N.P. 151).

- Débuts de la passion de Freud pour les antiquités.

1897

- Les Paralysies cérébrales infantiles, dernier grand travail neurologique, écrit avec retard, à contre-coeur.

Mai. Freud décide d'écrire un livre sur les rêves. « J'ai jeté un coup d’œil sur la littérature et je me dis, comme l'espiègle démon celte: "Que je suis content! Nul regard n'a percé le voile du déguisement de Puck". Personne ne soupçonne le moins du monde que le rêve, loin d'être quelque chose d'insensé, est bien une réalisation de désir. » (A Fliess, 16 mai, N.P. 177).

Juin-juillet. Débuts d'une auto-analyse systématique. Freud la poursuivra, fragmentairement, toute sa vie, et ne consentira qu'avec difficulté à en publier de larges pans dans l'lnterprétation des rêves et La psychopathologie de la vie quotidienne.

« Je continue à ne pas savoir ce qui m'est arrivé. Quelque chose venu des profondeurs abyssales de ma propre névrose s'est opposé à ce que j'avance encore dans la compréhension de tout le problème, se poursuit dans mes rêves et m'a fourni les preuves et les renseignements les plus précieux. »

« Celui de mes malades qui me préoccupe le plus, c'est moi-même. (...) Cette analyse est plus malaisée que n'importe quelle autre et c'est elle aussi qui paralyse mon pouvoir d'exposer et de communiquer les notions déjà acquises. » (A Fliess, 14 août, N.P. 189).

Septembre.

Freud se voit progressivement contraint d'abandonner sa théorie de la séduction précoce par les parents comme origine du traumatisme sexuel refoulé, qui soutient l'ensemble de ses conceptions sur l'étiologie sexuelle des névroses. Il fait le 28 un voyage-éclair à Berlin pour en parier à Fliess.

Octobre. Conversation avec sa mère sur les souvenirs de sa petite enfance.

« Depuis quatre jours, mon analyse, que je considère comme indispensable à la compréhension des névroses et tu y étais, j'ignore pourquoi, impliquée. L'impossibilité d'écrire qui m'affecte semble avoir pour but de gêner nos relations. » (7 juillet N.P. 187).

« En certains endroits, j'ai l'impression d'avoir abouti et, jusqu'ici, j'ai toujours prévu le point d'où allaient repartir les rêves de la nuit suivante. Ce qui me semble le plus difficile c'est d'exposer tout cela par écrit, le sujet est bien trop vaste. (...)Je ne puis te donner la moindre idée de la beauté intellectuelle de ce travail. » (A Fliess, 3 octobre, N.P. 193).

Le 15, il annonce à Fliess sa découverte de l’œdipe:

« Il ne m'est venu à l'esprit qu'une seule idée ayant une valeur générale. J'ai trouvé en moi comme partout ailleurs des sentiments d'amour envers ma mère et de jalousie envers mon père qui sont, je pense, communs a tous les jeunes entants. (...) S'il en est bien ainsi, on comprend, en dépit de toutes les objections rationnelles, qui s'opposent à l'hypothèse d'une inexorable fatalité, l'effet saisissant d’œdipe Roi. » (N.P. 198).

1898

« Je me suis plongé dans mon travail sur le rêve que je rédige rapidement en me réjouissant intérieurement de tous les 'hochements de tête" que vont susciter les indiscrétions et les audaces qu'il renferme. » (A Fliess, 9 février, N.P. 217).

« Je crois vraiment que ma façon de vivre, mes heures d'analyse pendant huit mois de l'année m'épuisent »(A Fliess, 15 mars, N.P. 220).

Août Premier exemple, dans une lettre à Fliess, d'analyse d'un oubli de nom propre (Julius Mosen).

« Je ne suis d'ailleurs pas en état de taire autre chose qu'étudier la topographie de Rome dont la nostalgie devient de plus en plus aiguë. Le livre sur les rêves est irrémédiablement laissé de côté. Je manque de stimulant pour en préparer la publication, mais ses lacunes en psychologie et celles aussi qui subsistent dans l'exemple analysé à fond, gênent ma conclusion. Ces obstacles, je ne puis encore les surmonter. En dehors de cela je suis complètement isolé, j'ai même renoncé, cette année, à mes conférences, pour ne pas me voir obligé de parler de choses que je ne comprends pas encore très bien. »(A Fliess, 23 octobre, N.P. 239).

1899

Mars-septembre. Rédaction de la version définitive de L'Interprétation des rêves qu'il achève dans un état d'exaltation. Le livre paraît le 4 novembre et passe à peu près inaperçu.

« On me signale maintenant des erreurs ridicules qui se trouvaient dans le livre des Rêves. J'ai écrit que Schiller était né à Marburg, or il est né à Marbach. Je t'ai déjà parlé du père d'Annibal que j'ai appelé Asdrubal au lieu d'Amilcar. Il ne s'agit pas d'erreurs de mémoire, mais de déplacement et de symptômes. La critique ne trouvera rien de mieux à faire que de souligner ces négligences qui n'en sont point » (A Fliess, 12 novembre, N.P. 269).

1900

J'ai voué à Vienne une haine personnelle et, à l'inverse du géant Antée, je prends des forces nouvelles dès que je pose le pied hors du sol de la ville où je réside. »

(A Fliess, il mars 1900, N.P. 277).

« Crois-tu vraiment qu'il y aura, un jour sur la maison, une plaque de marbre sur laquelle on pourra lire: C'est dans cette maison que le 24 juillet 1895 le mystère du rêve fut révélé au Dr Sigmund Freud (A Fliess, 12juin, N.P. 286).

Août. Dernière rencontre avec Fliess dans le Tyrol.

Octobre. Rédaction d'une version abrégée de L'interprétation des rêves (Le rêve et son interprétation, 1901).

Octobre-décembre. Traitement de » Dora », que la jeune fille interrompt brusquement Freud n'osera publier que quatre ans plus tard ce cas, qu'il rédige dès janvier1901.

1901

Eté. La Psychopathologie de la vie quotidienne, où Freud analyse systématiquement depuis deux ans ses lapsus, oublis, actes manqués et choix de chiffres, paraît sous forme d'articles (avant d'être reprise en livre en 1904). «Il est impossible de nous dissimuler que, toi et moi, nous nous sommes éloignés l'un de l'autre toutes sortes de petites choses me le font voir. Tu atteins là les limites de ta perspicacité. Tu prends parti contre moi en disant que « celui qui lit dans la pensée d'autrui n'y trouve que ses propres pensées », ce qui ôte toute valeur à mes recherches. S'il en est ainsi, jette sans lire ma Psychopathologie dans la corbeille à papier.

Il y a dans ce livre des tas de choses qui te concernent, des choses manifestes pour lesquelles tu m'as fourni des matériaux et des choses cachées dont la motivation t'est due. Tu m'as aussi fourni l'épigraphe. Quelle que soit la valeur durable de cet ouvrage, tu y trouveras la preuve du rôle que tu as, jusqu'à présent, tenu dans ma vie. » (A Fliess, 7 août, N.P. 296-297).

1902

5 mars. Freud est nommé professeur associé.

Fin août. Nouveau voyage en Italie avec son frère Alexander. Venise, Bologne, Orvieto, Rome (où ils ne demeurent qu'un jour), Naples, Sorrente, Pompei, Capri, Amalfi, Salerne et Venise où ils retrouvent Minna Bernays.

Octobre. Sur une suggestion de Wilhelm Stekel (analysé précédemment par lui), Freud invite Adler, Kahane, Restler et Stekel à se réunir chez lui pour discuter de son travail ainsi naît la première société de psychanalyse : la «Société psychologique du Mercredi ».

Septembre. Fin de sa correspondance avec Fliess. La rupture, qui s'explique largement par la relation transférentielle opérée par Freud sur Fliess pendant ces années de découverte, est motivée par un ensemble de divergences scientifiques et un débat de priorité sur la question de la bisexualité.

1903

Stekel commence à pratiquer la psychanalyse. Paul Federn se joint à la Société.

1904

Fin août - début septembre. Voyage à Athènes, avec son frère Alexander. Trente ans plus tard, Freud analysera dans une lettre à Romain Rolland son « trouble de mémoire sur l'Acropole ».

Automne. Freud apprend par Bleuler, psychiatre zurichois, que la psychanalyse est appliquée depuis deux ou trois ans dans ses services à l'hôpital du Burgholzli sous l'impulsion de son principal assistant, C.G. Jung.

Otto Gross de Graz publie un article favorable aux travaux de Freud, suivi en 1907 par un « livre original où il reconnaît l'exactitude des théories freudiennes de la libido, du refoulement, du symbolisme, etc. » (Jones, 11, 32).

1905

Hitzschmann se joint à la Société.

- LB mot d'esprit dans ses rapports avec l'inconscient.

Trois essais sur la théorie de la sexualité. « Freud conservait le manuscrit de ces deux œuvres sur deux tables contiguës et rédigeait suivant son état d'esprit tantôt l'un tantôt l'autre. Je ne crois pas que Freud ait jamais auparavant ni par la suite aussi étroitement associé la composition de deux travaux. » (Ernest Jones, Jones II, 12).

1906

Otto Rank se joint à la Société.

Février.

James Putnam consacre dans le premier numéro de la revue américaine Journal of Abnormal Psychology le premier article en langue anglaise exclusivement consacré à la psychanalyse.

Avril. Débuts de la correspondance entre Freud et Jung.

Mai. Pour son cinquantième anniversaire, le petit groupe de ses disciples viennois offre à Freud une médaille gravée : à l'avers, le profil de Freud, au revers Œdipe répondant au Sphinx sur la tranche, en grec, ce vers de Sophocle « Qui résolut l'énigme et fut un homme de très grand pouvoir ».

Novembre. Freud annonce devant la Société son intention d'écrire un livre sur « la vie amoureuse de l'homme », dont quelques articles échelonnés au fil des années tiendront lieu.

1907

30 janvier. Max Eitingon, alors étudiant à Zurich, est le premier étranger à participer aux travaux de la Société. Il commence avec Freud, au cours de longues promenades, la première des analyses didactiques.

27 février. Première visite de Jung. Il assiste, début mars, aux travaux de la Société en compagnie d'un de ses élèves, Ludwig Binswanger.

Février. Freud devient corédacteur d'une nouvelle revue, Zeitschrift für Religionpsychologie et publie dans le premier numéro le premier des nombreux textes qu'il consacra à la religion.

- Délires et rêves dans la Gradiva de Jensen, où Freud étend l'analyse du rêve et du délire à leurs équivalents dans le texte littéraire. « Je savais cette fois que mon petit travail mérite des éloges. Il a été écrit pendant des jours ensoleillés où j'avais eu moi-même grand plaisir à le rédiger. Evidemment il ne nous apprend rien de nouveau, mais nous permet de nous réjouir de la richesse de nos vues. » (A Jung, 26 mai, C. 271).

« Nous ne sommes pas les premiers à avoir attendu que le monde comprenne leur langage. J'ai toujours pensé que nous avions plus de disciples secrets que nous ne le savons. (...) Chaque fois que l'on se moque de nous, j'ai plus que jamais la certitude que nous avons entre les mains quelque chose de grand. Dans la notice nécrologique que vous écrirez un jour pour moi, n'oubliez pas de témoigner que toute l'opposition que l'on m'a faite n'a jamais réussi à me détourner de mon but. » (A Jung, 26 mai, septembre 1907, C. 237, 277).

Septembre. Voyage improvisé en Italie avec Minna Bernays. Freud séjourne quelques jours seul à Rome. « Pense à ma joie en rencontrant aujourd'hui au Vatican, après une si longue solitude, le visage connu d'un être cher; mais la reconnaissance a été unilatérale, car il s'agissait de Gradiva accrochée tout en haut d'un mur. Le temps devient toujours plus magnifique. La ville toujours plus splendide. » (A Martha, 24septembre, C. 287).

Septembre. Jung tonde à Zurich la « Société Freud ».

15 décembre. Karl Abraham, ancien élève de Bleuler et de Jung, qui vient de s'installer à Berlin comme psychanalyste, rend visite à Freud.

1908

2 février. Sandor Ferenczi, médecin hongrois, rend visite à Freud, qui éprouve aussitôt pour lui une vive sympathie et l'invitera à passer pendant l'été deux semaines à Berchtesgaden où il est en vacances avec sa famille.

4 mars. Après avoir habité Vienne prés de 50 ans, Freud se décide à devenir officiellement citoyen de Vienne.

Avril. Sous l'impulsion de Jung, le premier Congrès International de Psychanalyse se réunit à Salzbourg sous le titre « Rencontre des psychologues freudiens «.42 membres de six nations (Etats-Unis, Autriche, Angleterre, Allemagne, Hongrie, Suisse) participent à cette manifestation. Freud y présente une analyse de cas:

Remarques sur un cas de névroses obsessionnelles (l'homme aux rats, 1909). Fondation du Jahrbuch (Bleuler et Freud directeurs, Jung rédacteur en chef). Premiers signes de la rivalité entre les Viennois et les Suisses, et de l'opposition entre Abraham et Jung sur l'étiologie de la démence précoce que Jung attribue à une cause organique.

« Soyez tolérant et n'oubliez pas à vrai dire qu'il vous est plus facile qu'à Jung de suivre mes pensées, car (...) de par notre même appartenance raciale, vous êtes plus proche de ma constitution intellectuelle, tandis que lui, comme chrétien et fils de pasteur, trouve son chemin vers moi seulement en luttant contre de grandes résistances intérieures. Son ralliement a donc d'autant plus de valeur. Je dirais presque que c'est seulement à partir de son arrivée que la psychanalyse a été soustraite au danger de devenir une affaire de la nation juive. » (A Abraham, 3 mai. FIA. 42).

6 mai.

L'Américain A.A. Brill et Ernest Jones, médecin anglais travaillant alors aux Etats-Unis, rendent visite à Freud. Brill obtient de Freud le droit de traduction de ses œuvres. Une première traduction paraîtra dès 1909.

Septembre. Voyage en Angleterre chez son demi-frère Emmanuel, en passant par La Haye pour voir les Rembrandt qui lui laissent « une immense impression ». Enthousiasme pour Londres où il s'attarde longuement devant les collections d'antiquités du British Museum. Il s'arrête quelques jours au retour à Zurich pour voir Jung.

- La société atteint le chiffre de 32 membres et prend le titre de « Société Psychanalytique de Vienne ».

- Abraham fonde la Société psychanalytique de Berlin.

- la morale sexuelle dans la civilisation et la nervosité moderne: première incursion de Freud dans le domaine de la sociologie.

1909

Victor Tausk se joint à la Société viennoise.

25 avril. visite du pasteur suisse Oskar Pfister, qui

deviendra l'un des plus fidèles élèves et amis de Freud.

Août-septembre. Voyage en Amérique en compagnie de Jung et de Ferenczi. Freud est invité par Stanley Hall à prononcer une série de conférences à la Clark University (Massachussets). (Cinq leçons sur la Psychanalyse, 1970).

A Brême, avant de s'embarquer, Freud est victime d'un évanouissement devant Jung. Sur le bateau les trois hommes analysent leurs rêves. Visite de New York avec Brill et Jones. Débuts de son amitié avec J.J. Putnam, professeur de neurologie à Harvard. « Lorsque je gravis l'estrade à Worcester, il me sembla que se réalisait un incroyable rêve diurne. La psychanalyse n'était donc plus une production délirante, elle était devenue une partie précieuse de la réalité ».

- Analyse d'une phobie d'un petit garçon de cinq ans (Le petit Hans).

- Le roman familial des névrosés.

1910

Hans Sachs, Viennois, non médecin, se joint à la Société.

30-31 mars. Second Congrès international de Psychanalyse à Nuremberg, organisé par Jung. Ferenczi y soulève la nécessité d'une organisation psychanalytique internationale qui comprendrait des sociétés affiliées dans les différents pays. Sa proposition de porter Jung à la présidence et de faire ainsi de Zurich le siège du futur organisme suscite une protestation violente du groupe viennois.

Pour les apaiser, Freud accepte d'être remplacé par Adler à la présidence du groupe viennois et propose la publication d'un nouveau périodique, le Zentralblatt destiné à concurrencer le Jahrbuch de Jung (Freud en est directeur, Adler et Stekel rédacteurs en chef). Jung est nommé président par l'Association Psychanalytique Internationale qui définit ainsi ses buts: « Cultiver et promouvoir la science psychanalytique fondée par Freud aussi bien en tant que psychologie pure que dans ses applications à la médecine et aux sciences de l'esprit ».(F/J, II, 354).

Eté. Vacances en Hollande où, malgré son habitude de n'accepter aucun rendez-vous professionnel, Freud répond à un appel du compositeur Gustav Mahler qu'il « psychanalyse » pendant un après-midi de promenade à travers la ville. Puis voyage en Sicile en passant par Paris, Rome et Naples, en compagnie de Ferenczi, qui sera pendant de longues années son ami le plus proche et son fidèle compagnon de voyage.

- A propos de la psychanalyse dite sauvage: Freud s'élève contre l'usage abusif ou détourné de la pratique psychanalytique.

- Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci. « La seule belle chose que j'ai écrite » (à Lou Andreas-Salomé, 9 février1926, F/LAS, 117).

« Je suis plus que jamais convaincu qu'il (Jung) est l'homme de l'avenir. Ses propres travaux ont pénétré profondément dans la mythologie, qu'il veut ouvrir avec la clef de la théorie de la libido. Si réjouissant que cela paraisse, je lui ai demandé de revenir quand même à la théorie des névroses. C'est là que se trouve la mère patrie dans laquelle il nous faut d'abord assurer, contre tous et tout, notre domination. » (A Ferenczi, 29 décembre, F/FER).

1911

Février. A. Brill fonde la Société psychanalytique de New York.

Mai. Ernest Jones et J.J. Putman fondent l'Association Psychanalytique Américaine.

Février-mai. Adler et Stekel démissionnent de leurs fonctions de président et vice-président de la Société viennoise, devant l'opposition que leurs idées rencontrent de la part de Freud. Je ne cesse d'être ennuyé par ces deux-là, qui rétrogradent rapidement et vont finir par nier « l'existence de l'inconscient » (A Ferenczi, 6 avril, Jones Il, 138).

Adler quitte ensuite la Société, se démet de ses fonctions au Zentralblatt, et fonde une « Société pour la psychanalyse libre », pour promouvoir sa psychologie du Moi, ses théories de l'agressivité et de la « protestation mâle ».

21-22 septembre. Congrès de Weimar. Freud y présente son analyse du Président Schreber. L'Association Internationale compte maintenant 106 membres.

- Formulations concernant les deux principes du fonctionnement mental (Principe de plaisir principe de réalité).

1912

Tout au long de cette année, le différend entre Freud et Stekel s'aggrave, moins pour des raisons de théorie que de comportement personnel et de compétence scientifique («L'élimination d'une personnalité aussi douteuse que Stekel est une bénédiction «, à Abraham, 3 novembre, F/A, 130).

A la fin de l'année, Freud demande à ses collaborateurs et amis de faire disparaître leurs noms du Zentralblatt qui subsistera quelque temps avant de disparaître. Il est remplacé par l'internationale Zeitschrift für Psychoanalysis dirigé par Ferenczi, Rank et Jones.

D'un autre côté, depuis deux ans déjà, certaines divergences se sont laites très progressivement jour entre Jung et Freud, sur des points fondamentaux. La parution, en 1912, de la seconde partie du grand livre de Jung, Métamorphoses et Symboles de la Libido accuse ces divergences dont Freud se montre alors pleinement conscient: Jung élargit le concept de « libido » (qui désigne une sorte de « tension générale », perd ainsi sa spécification fondamentale d'énergie proprement sexuelle) et tend corollairement à taire de l’Oedipe un symbole et une métaphore de tendances supérieures. Ce conflit se précise à l'occasion de conférences données par Jung aux Etats-Unis, où il cherche à rendre la psychanalyse « plus acceptable ».

Une rencontre des Présidents, à Munich, au mois de Novembre, semble cependant apaiser le différend, au moins sur le plan institutionnel. Une discussion sur le désir de mort et les problèmes de priorité scientifique provoque un deuxième évanouissement de Freud en présence de Jung. (Plus tard, Freud l'expliquera comme une réactivation homosexuelle non résolue dans ses rapports avec Fliess).

Janvier. Parution de la revue Imago, consacrée aux applications extra-médicales de la psychanalyse, dont Freud assume la direction avec Rank, et Sachs.

Eté. Avec l'accord enthousiaste de Freud, Jones prend l'initiative de fonder autour de Freud un « Comité » secret de ses plus proches amis et disciples, pour défendre sa pensée et veiller sur l'avenir de la psychanalyse. Il se composera de Ferenczi, Jones, Rank, Sachs, Abraham et Jones.

Septembre. Vacances à Rome. « Je jouis d'une solitude délicieuse, quelque peu mélancolique je me promène beaucoup par ce temps magnifique sur le Palatin, à travers les ruines, dans la Villa Borghese, parc immense mais tout à fait romain, et je rends visite tous les jours au Moïse de S. Pietro in Vincoli, sur lequel j'écrirai peut-être un jour quelque chose. » (A Martha, 20 et 21 septembre, C. 316-317).

Automne. Débuts de son amitié avec Lou Andreas-Salomé.

1913

3 janvier. Un échange de lettres où Freud analyse un lapsus révélateur de Jung, ou Jung reproche à Freud en termes blessants sa névrose, entraîne la détérioration définitive de leurs rapports. Freud propose à Jung d'interrompre leur correspondance privée.

Mars. Voyage avec sa fille Anna à Venise et Trieste.

1er mai. Ferenczi fonde la Société Psychanalytique de Budapest

25 mai. Première réunion du Comité dont Jones prend la Présidence. Freud offre à chacun des membres une intaille grecque de sa collection montée en chevalière.

7 septembre. Congrès de Munich. Les partisans de Freud protestent contre l'attitude partiale de Jung en mettant des bulletins blancs lors de sa réélection à la Présidence de l'Association Internationale. Peu après le Congrès, Jung résignera ses fonctions de rédacteur en chef du Jahrbuch.

Aussitôt après, Freud part pour Rome en compagnie de Minna. Il y trace le cadre d'un travail qui amorce un des grands tournants de la théorie psychanalytique : Pour introduire le narcissisme (1914), et rédige la préface de Totem et Tabou (paru dans Imago en 1912-1913), où il édifie à partir d'un mythe scientifique - le meurtre originel du père et de la horde - une théorie de la société et de la culture fondée sur la toute puissance des désirs œdipiens et de la culpabilité qui s'y inscrit. 

« Ce livre constitue la première tentative que j'ai faite en vue d'appliquer à certains phénomènes encore obscurs de la psychologie collective les points de vue et les données de la psychanalyse. (...) Il se propose de créer un lien entre ethnologues, linguistes, folkloristes, etc., d'une part, et psychanalystes, de l'autre. »

Octobre. Jones fonde la Société psychanalytique de Londres.

1914

Janvier-février. Freud réagit aux dissensions avec Adler, Stekel et Jung en publiant sa Contribution à l'histoire du mouvement psychanalytique. « La psychanalyse est ma création: pendant dix ans, j'ai été le seul à m'en occuper, et pendant dix ans c'est sur ma tête que s'abattaient les critiques par lesquelles les contemporains exprimaient leur mécontentement envers la psychanalyse et leur mauvaise humeur à son égard. Je crois même pouvoir affirmer qu'aujourd'hui encore, où je suis loin d'être le seul psychanalyste, personne n'est à même de savoir mieux que moi ce qu'est la psychanalyse, en quoi elle diffère d'autres modes d'exploration de la vie psychique, ce qui peut être désigné par ce terme ou ce qui pourrait mieux être désigné autrement ».

Avril. Voyage à Brioni avec Ferenczi et Rank.

- Jung se démet de ses fonctions de Président de l'Association Internationale, et quittera bientôt l'Association. Abraham est élu Président intérimaire. (La présidence sera pour longtemps régulièrement assurée par un membre du Comité Abraham, Ferenczi, Eltingon, Jones).

Juillet-août. Débuts de la Première Guerre mondiale. Freud réagit par un nationalisme austro-allemand qui se changera progressivement en scepticisme généralisé. Pour la première fois depuis 30 ans, il passe le mois d'août à Vienne.

Septembre. Ferenczi commence une analyse avec Freud, interrompue au bout de trois semaines par ses obligations militaires. Deux des fils de Freud, Martin et Ernst, sont mobilisés.

Octobre.

L'affluence des auditeurs à ses cours hebdomadaires à l'Université pousse Freud à les développer, puis à les publier en livre. Ces leçons seront les dernières. L'ouvrage qui en sort en 1916-1917, Introduction à la psychanalyse, deviendra vite le plus populaire des travaux de Freud. Il écrit le cas de « L'homme aux loups » (extrait de l'Histoire d'une névrose infantile), publié quatre ans plus tard.

11 novembre. Mort de son demi-frère Emmanuel, à 81 ans.

- Le Mois e de Michel Ange paraît dans Imago, sans nom d'auteur, avec la note suivante : « La rédaction ne s'est pas refusée à accepter cet article qui, à strictement parler, ne rentre pas dans son programme, l'auteur, qui lui est connu, touchant de près aux cercles analytiques, et sa manière de penser présentant quelque analogie avec les méthodes de la psychanalyse. »

1915

Dès le début des hostilités, Freud réagit à un relatif isolement par un surcroît de productivité intellectuelle et de travail matériel. En l'absence de ses principaux collaborateurs, devenus inaccessibles, il parvient à sauver la Zeitschrift et l'Imago. Le Jahrbuch disparaît par contre dès 1915. Les années de guerre entraîneront progressivement de lourdes restrictions alimentaires, des privations de chauffage, et une irrégularité dans la clientèle, aggravée par la dévaluation de la monnaie autrichienne.

Mars-août. « J'osai tenter l'essai d'une "Métapsychologie". J'appelai ainsi un mode d'observation d'après lequel chaque processus psychique est envisagé d'après les trois coordonnées de la dynamique, de la topique et de l'économie, et j'y vis le but extrême qui soit accessible à la psychologie.

La tentative demeura une statue tronquée : le l'interrompis après avoir écrit quelques essais: Les pulsions et leur destin, Le refoulement, L'inconscient, Deuil et mélancolie, et j'eus certes raison d'agir ainsi car l'heure de telles mises à l'ancre théorique n'avait pas encore sonné. » (M.V.P., 92). Sept des douze essais écrits presque d'une traite demeureront impubliés et les manuscrits en seront détruits.

Freud reçoit la visite de Rilke qui effectue à Vienne une période militaire.

- Considérations actuelles sur la guerre et la mort

1916

6 mai. Freud a 60 ans.

Juin. Ferenczi tait un nouveau séjour de trois semaines à Vienne pour reprendre son analyse qui sera de nouveau brutalement interrompue.

1917

Georg Groddeck adhère à la Société Viennoise.

- « Malgré tout cela, je me sens parfaitement bien et mon état d'esprit demeure introublé. Preuve que le bien-être intérieur dépend vraiment peu des faits réels. »

(A Ferenczi, 18mai, Jones 11,205). « J'ai beaucoup travaillé, je suis usé et commence à trouver le monde affreusement repoussant. La superstition qui limite ma vie au mois de février 1918 me semble souvent bien aimable.

Il m'arrive d'avoir à lutter longtemps pour reprendre le dessus.» (A Ferenczi, 20 novembre, F/FER).

Freud envisage d'entreprendre, en collaboration avec Ferenczi, une étude consacrée aux répercussions des idées de Lamarck sur la psychanalyse.

1918

Anton von Freund, riche brasseur de Budapest, ancien patient et proche ami de Freud, décide de consacrer sa fortune au développement de la psychanalyse Freud envisage de pouvoir fonder une maison d'édition indépendante.

Septembre. Un congrès limité est organisé à Budapest que Freud considère alors comme « le centre du mouvement psychanalytique».

« Qu'est-ce qui vous prend de contester la fragmentation de la pulsion sexuelle en pulsions partielles, alors que l'analyse nous y contraint tous les jours ? (...) Ne voyez-vous pas que la pluralité de ces pulsions se réfère à la pluralité des organes, lesquels sont tous érogènes, c'est-à-dire qu'ils aspirent tous à se reproduire dans l'organisme à venir ? (...) En science, il faut d'abord décomposer puis reconstituer. Il me semble que vous cherchez la synthèse sans analyse préalable. Dans la technique psychanalytique, il n'est point besoin d'un travail spécial de synthèse cela, l'individu s'en charge mieux que nous. (A Pfister, 9 octobre 1918, F/P, 103-104).

1919

Tout au cours de l'année, retrouvailles entre Freud et les membres du Comité. La dévaluation croissante de la monnaie pousse Freud à rechercher, parmi les Anglais et les Américains, malgré les difficultés de langue, des patients et des médecins désireux de s'initier à la psychanalyse.

1er janvier. Naissance du deuxième petit-fils de Freud, Heinerlé, pour lequel il aura toujours une prédilection. Janvier. Fondation de la maison d'édition psychanalytique, le «Verlag», dirigé par Freud, Ferenczi, Anton von Freund et Rank.

Mars-mai. Freud commence à écrire Au-delà du principe de plaisir (1920) et donne « libre cours à la tendance longtemps réprimée à la spéculation » (M.V.P. 90).

A partir de la notion de compulsion de répétition, il réoriente la théorie des pulsions autour de l'opposition et du couplage entre la pulsion de mort Thanatos) et la pulsion de vie (Eros).

Mars-août. Les événements de Hongrie (révolution bolchévique de Béla Kun, invasion roumaine, prise du pouvoir par Horthy) ruinent définitivement tous les espoirs fondés par Freud de créer à Budapest un véritable centre psychanalytique. Désormais « le centre de gravité de la psychanalyse » se déplacera vers l'Ouest, en parle sous l'impulsion de Jones qui coordonne l'ensemble des activités de publication en langue anglaise.

Septembre. Max Eitington entre au « Comité » à la place de Anton von Freund, très gravement malade.

Octobre. Freud est nommé professeur ordinaire à l'Université de Vienne: « titre vide de sens ».

- On bat un enfant - L'inquiétante étrangeté.

1920

Janvier. Jones fonde L'international Journal 0f Psychoanalysis.

20 janvier. Mort de Anton von Freund.

25 janvier. Sophie, « notre enfant du dimanche », meurt brutalement à Hambourg d'une pneumonie grippale. « Je me suis préparé pendant des années à la perte de mes fils, et maintenant c'est ma fille qui est morte comme je suis profondément incroyant, je n'ai personne à accuser et je sais qu'il n'existe aucun lieu où l'on puisse porter sa plainte. (...) Tout au fond de mon être je décèle le sentiment d'une offense narcissique irréparable. Ma femme et Annerl sont terriblement affectées, pour paner un langage plus humain. « (A Ferenczi, 4 février, C. 358).

Mai. Freud remet à sa fille Anna une bague semblable à celle des membres du Comité.

8-11 septembre. Congrès de La Haye. Georg Groddeck, Geza Roheim, Mélanie Klein et Anna Freud y sont présents. Première réunion plénière des membres du Comité.

Septembre. Freud témoigne devant la Commission chargée d'enquêter sur les plaintes relatives au traitement des névroses de guerre et peut mesurer une fois encore l'agressivité rétrograde des psychiatres viennois envers la psychanalyse.

- Achèvement de Au-delà du principe de plaisir. Rédaction de Psychologie collective et analyse du moi (1921). Elaboration de la seconde topique (Le Moi, le Ça le Surmoi), qui se substitue et se superpose à la première (inconscient, préconscient, conscient).

1921

"Le 13 mars de cette année, je suis entré brusquement dans la véritable vieillesse. Depuis, la pensée de la mort ne m'a pas quitté, et quelquefois j'ai l'impression que sept de mes organes internes se disputent l'honneur de mettre fin à ma vie. (...) Malgré tout je n'ai pas succombé à cette hypocondrie mais je la contemple avec détachement, un peu comme pour les Spéculations d'Au-delà du principe de plaisir. « (A Ferenczi, 8 mai, Jones III, 89).

Septembre. Réunion du Comité à Berlin, qui sera l'occasion, unique, de dix jours de vacances communes dans le Harz.

1922

13 juin. Anna Freud et Lou Andreas-Salomé sont admises comme membres de la Société Viennoise.

25-27 septembre. Congrès de Berlin, le dernier auquel son état de santé permettra à Freud d'assister.

L'Association Internationale est passée en deux ans de 191 à 239 membres.

1923

Février. Débuts de la correspondance avec Romain Rolland. « J'ai passé vraiment une grande partie de ma vie à travailler à la destruction de mes propres illusions et de celles de l'humanité. » (A Romain Rolland, 4 mars 1923, C., 373). Première manifestation du cancer de la mâchoire dont Freud mourra treize ans plus tard.

Avril. Felix Deutsch cache à Freud la nature de son mal. Première opération, mal réussie, par le docteur Hejek.

19 juin. Mort de Heinerlé, le petit-fils favori de Freud. « Je supporte très mal cette perte, je crois n'avoir jamais éprouvé un tel chagrin peut-être le choc est-il plus durement ressenti du fait de ma propre maladie. Je travaille contraint et forcé dans le tond, tout m'est devenu indifférent. » (A Kata et Lajos Levy, 11juin, C. 376).

« Il me tenait lieu de tous mes enfants et autres petits-enfants et depuis, depuis la mort de Heinerlé, je n'aime plus mes petits-enfants, et je ne me réjouis plus de la vie. C'est là le secret de l'indifférence. » (A Ludwig Binswanger, 15 octobre 1926, Schur; 430).

Septembre. Voyage à Rome avec sa fille Anna, depuis longtemps projeté et toujours remis.

4-11 octobre. Deuxième opération, par Hans Pichler. Freud devra désormais porter une énorme prothèse, « le monstre », qui sépare la bouche de la cavité nasale. Cet appareil, maintes fois transformé, modifie son élocution, lui rend difficile de manger et de fumer et lui cause de continuelles souffrances. Cette opération sera suivie de 31 autres. De ce jour, Freud n'admettra plus d'autre infirmière que sa fille Anna, « Antigone-Anna ».

- Le Moi et le Ça.

Ferenczi et Rank publient Le développement de la psychanalyse. Rank publie Le traumatisme de la naissance.

1924-1926

Rupture progressive de Rank avec Freud et la Société Viennoise. Dans le livre qu'il publie à la fin de 1923, Rank relègue l’œdipe au second plan pour constituer à partir du « traumatisme de la naissance » et des relatons premières de l'enfant avec la mère une nouvelle étiologie de la névrose. Il réduit d'autre part la durée des analyses à travers lesquelles le sujet doit délier le traumatisme par une seconde naissance.

Ce livre suscite des réactions opposées : beaucoup de proximité chez Ferenczi, une violente opposition chez Jones et Abraham (qui y voient une résurgence des positions de Adler et de Jung), un intérêt réel chez Freud, qui s'affaiblit très vite, mais sans attenter apparemment à son désir de laisser les idées suivre leur cours et subir l'épreuve du temps, dans les limites du travail commun.

Il semble que ce soit ce détachement de Freud que Rank n'ait pas pu supporter: en trois ans, scandés par trois voyages aux Etats-Unis, il manifestera tour à tour des phases d'agressivité et de dépendance excessives envers Freud, entrecoupées de dépressions et de réconciliations, jusqu'à la rupture finale en avril 1926. Deux mois plus tard, dans un essai, il accusera Freud de s'être laissé mystifier par « l'homme aux loups » : son fameux rêve n'aurait figuré rien d'autre que les photos des membres du Comité pendus dans le bureau de Freud.

1924

Mai. La ville de Vienne décerne à Freud, pour 50fl 68e anniversaire, le titre de «Bürgerrecht. »

14 mai. Visite de Romain Rolland.

Juin.

La Hearst Press offre à Freud une somme considérable pour aller « psychanalyser » deux jeunes criminels dont le procès passionnera l'Amérique.

Automne. Parution du « mauvais, inexact et fallacieux pamphlet biographique de Wittels » (Freud à Ernest Jones, 23 octobre, Jones 111, 120). Premier volume des Collected Papers de Freud en Angleterre.

Freud prie Federn, devenu à la place de Rank vice-président de la société viennoise, d'assumer désormais ses fonctions de président.

- Le problème économique du masochisme.

1925

Février. Samuel Goldwyn propose à Freud 100 000 dollars pour sa collaboration à un film sur les amours célèbres. Freud décline cette offre et refuse de recevoir Goldwyn. Parution de l'Autobiographie de Freud (Ma vie et la psychanalyse), consacrée à sa carrière scientifique et au développement de ses idées beaucoup plus qu'à sa vie personnelle.

Juin. Mort de Josef Breuer.

Hans Neumann propose à Abraham, au nom de la UFA, de réaliser un film pour illustrer les mécanismes de la psychanalyse. Sollicité par Abraham, Freud refuse son autorisation sans toutefois le dissuader de tenter l'expérience. « Ma principale objection reste qu'il ne me paraît pas possible de faire de nos abstractions une représentation plastique, qui se respecte tant soit peu. (...) M. Goldwyn était suffisamment intelligent au moins, pour s'en tenir à l'aspect de notre objet qui supporte très bien une représentation plastique, à savoir l'amour. » (A Abraham, 9 juin, FIA, 390).

- Le film, Les mystères d'une âme, est réalisé par Pabst cette année même avec la collaboration de Abraham et de Sachs.

2-5 septembre. Congrès de Hambourg. Pour la dernière fois, Freud tente d'y assister, mais ne pourra s'y rendre. Anna Freud lit sa contribution : « Quelques conséquences psychologiques de la distinction anatomique entre les sexes ».

25 décembre. Mort de Karl Abraham, atteint vraisemblablement d'un cancer au poumon qui l'emporte en six mois. « Nous devons continuer à travailler et à nous soutenir mutuellement ; en tant qu'être humain personne ne pourra le remplacer, mais au point de vue travail nul ne doit être irremplaçable. Je vais bientôt disparaître longtemps seulement après moi, je l'espère, viendra le tour des autres; il faut que l’œuvre se poursuive comparée à elle, nous n'avons tous guère d'importance. « (A Jones, 30 décembre, C. 393).

1926

6 janvier. Freud assiste pour la dernière fois aux séances de la Société de Vienne pour commémorer la mort d'Abraham.

Février. Légers troubles cardiaques. Ferenczi, qui croit à des raisons psychologiques, propose à Freud de l'analyser. « Il se pourrait bien qu'il y ait à la racine une raison psychologique, mais je doute fort qu'elle puisse être contrôlée par l'analyse et puis lorsqu'on a soixante-dix ans, n'a-t-on pas droit à toutes sortes de repos ?» (A Ferenczi, 27 février, Jones 111,137).

6 mai. 70e anniversaire. Devant ses plus proches élèves, Freud annonce sa renonciation à une participation active au mouvement psychanalytique.

Juillet. Theodor Reik, membre de la Société de Vienne, est accusé de « charlatanisme » dans sa pratique psychanalytique. Freud réagit aussitôt pour défendre vivement L'analyse pratiquée par les non-médecins (en fr. Psychanalyse et Médecine) : cette question divisera l'Association et suscitera en particulier une grande réticence dans les milieux anglo-américains. Freud maintiendra toujours ses positions « face à l'évidente tendance qu'ont les Américains à transformer la psychanalyse en bonne à tout faire de la psychiatrie «(à M. Schnier, 5 juillet 1938, Jones 111, 342).

Décembre. Rencontre à Berlin avec Ernstein.

- Inhibition, symptôme. angoisse.

1927

Septembre. Congrès d'lnnsbruck. Dissolution du Comité, qui devient une structure administrative composée par les têtes de l'Association Internationale.

«En secret - on ne doit pas dire ces choses-là trop haut - je crois que la métaphysique sera considérée un jour comme une nuisance, comme un abus de la pensée, comme une survival de la période d'une conception religieuse de l'univers. » (A Werner Achelis, 30 janvier 1927, C., 407).

- Le fétichisme; L'Avenir d'une illusion, essai sur la religion comme névrose (obsessionnelle) de l'humanité.

1928

« Je tiens la signification scientifique de l'analyse pour plus importante que sa signification médicale et, dans la thérapeutique, son action de masse par l'explication et l'exposition pour plus efficace que la guérison des personnes isolées. » (A Pfister, 18 janvier 1928, F/P, 175-176).

« Je ne sais pas si vous avez saisi le lien secret qui existe entre L'Analyse par les non-médecins et L'illusion. Dans l'un je veux protéger l'analyse contre les médecins, dans l'autre contre les prêtres. Je voudrais lui assigner un statut qui n'existe pas encore, le statut de pasteurs d'âmes séculiers qui n'auraient pas besoin d'être médecins et pas le droit d'être prêtres. » (A Pfister, 25 novembre 1928, F/P, 183.).

1929

« Un cas, cependant, pourrait m'inciter à me rendre moi-même à Elseneur, en dépit de toutes mes infirmités : si vous déterminiez le prince Hamlet en personne à faire une conférence dans laquelle il reconnaîtrait avoir souffert du complexe d’œdipe, ce que tant de gens ne veulent pas croire. » (A Pfister, 16 février 1929, F/P, 185).

Printemps. Par l'intermédiaire de Marie Bonaparte, Max Schur devient médecin personnel de Freud, qu'il ne quittera plus jusqu'à sa mort.

- Malaise dans la civilisation. « Il s'agit de culture, de sentiment de culpabilité, de bonheur et autres sujets élevés et, me semble-t-il avec raison, tout à fait superflu, à la différence de travaux antérieurs, derrière lesquels se trouvait toujours quelque poussée interne. Mais que faire ? On ne peut pas fumer et jouer aux cartes toute la journée, je résiste moins à la marche qu'autrefois et la plupart des ouvrages qu'on peut lire ne m'intéressent plus. J'écrivais, et le temps passait très agréablement pour moi. Pendant ce travail j'ai redécouvert les vérités les plus banales. » (A Lou, 28juillet, F/LAS, 226).

1930

Mai-iuin. W.C. Bullitt, ambassadeur des Etats-Unis à Berlin, persuade Freud d'écrire avec lui une étude psychanalytique du Président des Etats-Unis, Woodrow Wilson (le livre, terminé en 1931, paraîtra en 1967).

Juillet. On décerne à Freud le Prix Goethe. Anna Freud lira, le 28 août, le discours de son père.» Je ne le conteste pas, le prix Goethe m'a fait un très grand plaisir. Le fantasme d'avoir avec Goethe des rapports plus étroits est par trop séduisant et le prix lui-même est plus un hommage rendu à la personne du bénéficiaire qu'un jugement sur son œuvre.

Mais d'autre part, à mon âge, de telles marques d'estime n'ont ni grande valeur pratique, ni grande importance affective. Il est vraiment bien tard pour me réconcilier avec mes contemporains; quant à la victoire finale de la psychanalyse longtemps après ma mort, je n'en ai jamais douté. » (A Arnold Zweig, 21 août, C. 436).

12 septembre. Mort de la mère de Freud, à l'âge de 95 ans. « Ce grand événement m'a affecté d'une façon toute particulière. Pas de douleur, pas de regret, ce qu'expliquent probablement les circonstances accessoires son grand âge, la pitié qu'inspirait vers la fin sa détresse et, en même temps, un sentiment de délivrance, d'affranchissement, dont je crois comprendre aussi la raison. C'est que je n'avais pas le droit de mourir tant qu'elle était encore en vie, et maintenant j'ai ce droit. D'une façon ou de l'autre, les valeurs de la vie seront sensiblement modifiées dans les couches profondes. »(A Ferenczi, 16 septembre, C. 436).

1931

Sous le titre la Guérison par l'esprit, Stefan Zweig réunit trois essais consacrés à Mary Baker-Eddy, Mesmer et Freud. Ce dernier lui écrit « Je pourrais m'élever contre le fait que vous mettiez l'accent exclusivement sur l'élément de correction petit bourgeois de ma personne le bonhomme est tout de même un peu plus compliqué.

Votre description ne s'accorde pas avec le fait que j'ai eu, moi aussi, mes céphalées et mes états de fatigue, comme tout le monde, que j'ai été un tumeur passionné je voudrais l'être encore) qui attribuait au cigare le rôle le plus important dans la maîtrise de soi-même et dans la ténacité au travail, qu'en dépit de la modestie si vantée de mon train de vie, j'ai tait beaucoup de sacrifices pour ma collection d'antiquités grecques, romaines et égyptiennes, que j'ai lu en réalité plus d'ouvrages sur l'archéologie que sur la psychologie, que jusqu'à la guerre il me fallut passer, au moins une fois par an, quelques jours ou quelques semaines à Rome (et une fois encore après la guerre). » (A Stefan Zweig, 7 février 1931, C. 440).

Mars. Il est nommé membre honoraire de la Société des Médecins de Vienne. « Un geste lâche, dégoûtant et répugnant devant la venue du succès. Impossible de refuser; cela ne servirait qu'à faire sensation. »(A Eitingon, 20 mars, Jones 111,178).

25 octobre. La municipalité de Freiberg, sa ville natale, rend hommage à Freud. « Depuis le prix Goethe de l'année dernière, le monde me reconnaît différemment et reconnaît avec mauvaise grâce mon existence, mais seulement pour me montrer combien cela importe peu. Quel contraste apporterait une prothèse supportable, une prothèse qui n'exigerait pas d'être la principale préoccupation d'une existence. » (A Eitingon, 15 novembre, Jones III, 185).

L'année 1931 voit la détérioration explicite des rapports de Freud et de Ferenczi. Depuis plusieurs années, Ferenczi s'était orienté progressivement, dans une perspective assez proche de celle de Rank dont il avait partagé dès 1923 certaines options, vers des techniques de « thérapie active », d' «acting ouf» entre le patient et l'analyste. Là encore l’Oedipe se trouvait relégué au second plan, puisque la cure se donne alors comme objet de répondre par une gratification amoureuse à la violence des traumatismes de l'enfance, dus en partie au manque d'amour des parents.

Il semble que Ferenczi, en s'attachant à ces idées, se soit de lui-même d'autant plus éloigné de Freud qu'il ne pouvait supporter sa désapprobation, s'enfermant ainsi dans la logique oedipienne à laquelle il voulait se soustraire. Cette désapprobation finira par s'exprimer ouvertement à la fin de l'année dans une lettre de Freud.

- Sur la sexualité féminine.

La grande question restée sans réponse et à laquelle moi-même n'ai jamais pu répondre malgré mes trente années d'étude de l'âme féminine est la suivante: "que veut la femme?" » (Jones II, 445).

1932

Mars. Première visite de Thomas Mann.

24 août. Dernière entrevue de Freud et de Ferenczi, qui refusera la présidence de l'Association Internationale au Congrès de Wiesbaden. « Pendant approximativement deux ans, vous vous êtes systématiquement détourné de moi et avez probablement développé une animosité personnelle à mon égard qui dépasse celle que vous avez été capable d'exprimer. Chacun de ceux qui furent un jour proches de moi aurait pu trouver plus à me reprocher que vous tout particulièrement (non, Rank était dans le même cas).

Ce qui arrive n'a aucun effet traumatisant sur moi, je suis préparé et habitué à de tels événements. Je pense objectivement que je pourrai vous montrer les erreurs techniques que vous commettez dans vos conclusions, mais à quoi bon. Je suis convaincu que vous êtes imperméable à quelque doute que ce soit. Aussi ne me reste-t-il plus qu'à vous souhaiter bonne chance. »(2 octobre, Jones III,198).

Ils resteront néanmoins en termes amicaux, et Freud ne cessera pas de se soucier de l'état de santé de plus en plus alarmant de Ferenczi atteint d'anémie pernicieuse.

1933

Janvier. Prise du pouvoir par Hitler. Peu après les livres de Freud sont brûlés à Berlin. En quelques années la psychanalyse «juive» va disparaître d'Allemagne au profit d'une psychanalyse aryenne dont Jung deviendra (jusqu'en 1940) le représentant officiel.

« Le monde se transforme en une énorme prison. L'Allemagne est la pire de ses cellules. (...) Ils ont commencé avec le bolchévisme comme leur pire ennemi mortel, et ils termineront avec quelque chose qui ne s'en distinguera pas - sauf que le bolchévisme a après tout adapté des idéaux révolutionnaires alors que ceux de l'hitlérisme sont purement médiévaux et réactionnaires. (A Marie Bonaparte, 22juin, Jones III, 208).

24 mai. Mort de Ferenczi. « Ce m'est une perte très douloureuse. (...) Il restera dans notre mémoire ce qu'il avait été pendant les vingt années précédentes. »(A Pfister, 28 mai, F/P, 199).

- Avec Einstein : Pourquoi la guerre?

1934

Freud commence Moïse et le Monothéisme, ou' il éclaire l'origine de la religion juive, et dont il différera trois ans la publication. « Les religions doivent leur puissance contraignante au retour du refoulé, ce sont des réminiscences de processus archaïque disparus, hautement effectifs, de l'histoire de l'humanité. J'ai déjà dit cela dans Totem et Tabou. Et je le condense maintenant en une formule ce qui rend la religion forte, ce n'est pas sa sévérité réelle, mais bien l'historique. Et voyez-vous, Lou, cette formule qui m'a totalement fasciné, on ne peut plus, de nos jours, l'énoncer en Autriche, sous peine d'encourir du gouvernement à prépondérance catholique qui nous dirige une condamnation publique de l'analyse. Et c'est uniquement ce catholicisme qui nous défend contre le nazisme. En outre, les fondements historiques de l'histoire de Moïse ne sont pas assez solides pour servir de base à mon estimable intuition. Donc, je me tais. Il me suffit de pouvoir croire moi-même à la solution de ce problème. Il m'a poursuivi tout au long de ma vie. » (6 janvier 1935, FILAS, 254).

6 février. Visite de Levi-Bruhl : « un vrai savant, surtout par comparaison avec moi ». (A Marte Bonaparte, 7 février, Jones 111, 223).

1936

Mars. Tous les stocks de livres du Verlag sont saisis à Leipzig par la Gestapo.

6 mai. 80e anniversaire de Freud. Parmi de très nombreuses manifestations, dont Freud a tout tait pour limiter l'ampleur, une conférence de Thomas Mann, « Freud et l'avenir ». Freud interdit à Arnold Zweig, un de ses anciens patients, un de ses plus assidus correspondants, d'entreprendre sa biographie: « Qui devient biographe s'astreint à mentir, à dissimuler, à embellir et même à cacher son propre manque de compréhension, car on ne peut pas posséder la vérité biographique et celui qui la posséderait ne pourrait pas s'en servir. Dire la vérité est chose impraticable... »(A Arnold Zweig, 31 mai, C. 469).

Mai. Mort d'Alfred Adler. « Je ne comprends pas votre sympathie pour Adler. Pour un garçon juif d'un faubourg viennois, une mort à Aberdeen est une carrière inhabituelle en elle-même et une preuve de son avancement. Le monde l'a réellement généreusement récompensé pour le service qu'il lui a rendu en s'opposant à la psychanalyse. » (A Arnold Zweig, 2 juin, Jones III, 238).

Juillet. Aggravation de l'état de Freud : un cancer manifeste est de nouveau décelé.

13 septembre. Célébration des noces d'or de Freud et de Martha. « Ce ne fut vraiment pas une mauvaise solution au problème du manage, et elle est encore aujourd'hui tendre, active et en bonne santé. » (A Marie Bonaparte, 27juillet, Jones III, 240).

1937

Janvier. Freud apprend de Marie Bonaparte qu'elle a racheté ses lettres à Fliess. « Notre correspondance était aussi intime que vous pouvez l'imaginer.(...) Je ne voudrais pas qu'elles viennent même en partie à la connaissance de la soi-disant postérité. » (A Marie Bonaparte, 3janvier, Jones III, 243).

Février. Mort de Lou Andreas-Salomé, qui affecte profondément Freud.

- Analyse terminée et analyse interminable.

1938

11 mars. Invasion de l'Autriche par les Nazis. Quelques jours plus tard, la maison de Freud est fouillée par les SA ; Anna Freud, arrêtée par la Gestapo, est relâchée le soir même. Devant l'insistance de Jones et de Marie Bonaparte, Freud se décide à quitter vienne pour s'installer à Londres. » Après la destruction du Temple de Jérusalem par Titus, Rabbi Jachanen ben Sakkai demanda la permission d'ouvrir une école à Jabneh pour l'étude de la Torah. Nous allons faire la même chose. Nous sommes, après tout, habitués à être persécutés par notre histoire, nos traditions et certains d'entre nous par expérience. » (A la Société Viennoise, Jones 111,252).

4 juin. Grâce à de multiples interventions, en particulier celle de l'ambassadeur américain W.C. Bullitt, Freud peut enfin quitter Vienne avec sa femme et sa fille. Deux de ses enfants et Minna Bernays l'ont déjà précédé à Londres où il reçoit un accueil enthousiaste. « Une psychose des foules nous a soulevés sur ses ailes. (...) Dès le troisième jour, la poste nous faisait parvenir des lettres qui avaient pour adresse: "Dr Freud, Londres", ou bien "Overlooking Regent's Park". Un chauffeur de taxi qui amenait Anna s'est exclamé en voyant le numéro de la maison: Oh, it's Dr Freud's place! Les journaux nous avaient rendu populaires (...). Pour la première fois et tard dans la vie, j'ai appris ce qu'est la célébrité. » (A Alexander Freud, 22 juin, C. 489).

Dès l'été, malgré son état de santé toujours plus précaire, Freud continue à traiter quelques patients.

19 juillet. Visite de Salvador Dali, sur une recommandation de Stefan Zweig. « Jusqu'alors, semble-t-il, j'ai tenu les surréalistes, qui apparemment m'ont choisi pour saint-patron, pour des fous intégraux. (...) Le jeune Espagnol, avec ses candides yeux de fanatique et son indéniable maîtrise technique, m'a incité à reconsidérer mon opinion. Il serait en effet très intéressant d'étudier analytiquement la genèse d'un tableau de ce genre. Du point de vue critique, on pourrait cependant toujours dire que la notion d'art se refuse à toute extension lorsque le rapport quantitatif entre le matériel inconscient et l'élaboration préconsciente ne se maintient pas dans des limites déterminées. » (A Stefan Zweig, 20 juillet 1938, C., 490).

Septembre. Installation définitive à Maresfield Gardens.

- Fondation de l’Imago Publishing Company qui assure la publication des périodiques psychanalytiques et entreprend la publication des Œuvres complètes de Freud en allemand.

1939

Février-mars. Le cancer de Freud est devenu inopérable.

Mars. Moïse et le monothéisme paraît en anglais. « Le Moïse n'est pas une façon indigne de prendre congé. » (A Sachs, Jones III, 276).

Juillet. Visite de Hans Sachs.

« Le lendemain, 21 septembre, tandis que j'étais à son chevet, Freud me prit la main et me dit: "Mon cher Schur, vous vous souvenez de notre première conversation. Vous m'avez promis alors de ne pas m'abandonner lorsque mon temps serait venu. Maintenant ce n'est plus qu'une torture et cela n'a plus de sens."

Je lui fis signe que je n'avais pas oublié ma promesse. Soulagé, il soupira et, gardant ma main dans la sienne, il me dit: "Je vous remercie." Puis il ajouta après un moment d'hésitation "Parlez de cela à Anna." Il n'y avait dans tout cela pas la moindre trace de sentimentalisme ou de pitié envers lui-même, rien qu'une pleine conscience de la réalité.

Selon le désir de Freud, je mis Anna au courant de notre conversation. Lorsque la souffrance redevint insupportable, je lui fis une injection sous-cutanée de deux centigrammes de morphine. Il se sentit bientôt soulagé et s'endormit d'un sommeil paisible. L'expression de souffrance avait disparu de son visage. Je répétais la dose environ douze heures plus tard. Il entra dans le coma et ne se réveilla plus. Il mourut le 23 septembre 1939 a trois heures du matin. » (Schur, 622-623).

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