La décision de la Grande-Bretagne d'abandonner ses remorqueurs de sauvetage va faire reposer sur les seules épaules de la France les capacités d'assistance de la pointe Bretagne au détroit du Pas-de-Calais. Afin de réaliser des économies budgétaires, les Anglian Prince, Anglian Princess et Anglian Sovereign, basés à Stornoway, Lerwick et Falmouth, doivent cesser d'ici septembre 2011 leur activité au profit de la Maritime Cost-guard Agency (MCA). Il en sera de même pour l'Anglian Monarch, positionné à Douvres et affrété conjointement, depuis 2000, par la Grande-Bretagne et la France (la contribution journalière de cette dernière est estimée à 9000 euros). En Bretagne et en Manche centrale, le retrait britannique reste gérable, la France disposant à Brest et Cherbourg de puissants remorqueurs affectés à l'assistance et au sauvetage de navires en difficulté. En revanche, le retrait de l'Anglian Monarch laisserait le détroit du Pas-de-Calais dépourvu de tout moyen d'intervention lourd. « Rappelons que le détroit du Pas-de-Calais est l'une des principales routes maritimes mondiales, avec un trafic considérable de navires de commerce qui transportent notamment, chaque année, des dizaines de millions de tonnes de matières dangereuses. Le désengagement britannique de l'assistance aux navires en difficulté est une décision très grave et dangereuse. Il augmente les risques de catastrophe maritime. L'Etat français, la région Nord-Pas-de-Calais et les départements du nord de la France doivent s'organiser face aux dangers qui croisent au large », affirme l'association Mor Glaz, qui demande qu'un remorqueur d'intervention, d'assistance et de sauvetage (RIAS) supplémentaire, comme l'Abeille Bourbon à Brest et l'Abeille Liberté à Cherbourg, soit positionné dans le détroit.
L'Anglian Monarch (© : MARINE NATIONALE) Il ne faudra pas compter sur l'EMSA
Prévenues il y a quelques semaines par leurs homologues britanniques, les autorités françaises étudient les conséquences de la décision britannique et les mesures à apporter pour assurer la continuité du dispositif de sauvetage en Manche et mer du Nord. « Nous travaillons sur le sujet avec les administrations concernées afin de trouver une solution », indique-t-on au Secrétariat Général de la Mer. Logiquement, la France n'a pas à assumer seule le poids d'un dispositif de sauvetage dédié à la principale route maritime européenne, empruntée pour l'essentiel par des navires faisant escale dans des ports étrangers, principalement en Europe du nord. On aurait donc pu imaginer que des perspectives s'ouvrent au niveau de l'agence européenne de sécurité maritime (EMSA). Celle-ci a mis en place, ces dernières années, une flotte de navires antipollution chargés de protéger le littoral communautaire. Pourquoi pas des remorqueurs de sauvetage ? Interrogé sur ce sujet par la rédaction de Mer et Marine, Willem de Ruiter, directeur de l'EMSA, indique que cette piste n'est pas à l'ordre du jour. Selon lui, l'agence n'a pas vocation, aujourd'hui, à exploiter de tels navires, une option qu'il ne considère d'ailleurs pas comme souhaitable. L'assistance aux bateaux en perdition devrait donc rester une compétence nationale. Dans ces conditions, la France pourra difficilement faire l'impasse sur l'affrètement d'un nouveau RIAS, dont le coût quotidien est estimé à plus de 15.000 euros.
Remorquage d'un navire par l'Abeille Bourbon (© : CHARLES CLADEN)