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HTA maligne

par Thierry Hannedouche

1ère parution 2001 | Mise à jour 5 juillet 2007


L’HTA maligne est définie comme une HTA sévère compliquée de retentissement sur les organes cibles, avec une rétinopathie hypertensive de stade 3 ou 4.

1. Présentation clinique

L’HTA maligne est définie comme une HTA sévère compliquée de retentissement sur les organes cibles, avec une rétinopathie hypertensive de stade 3 ou 4.

1.1. L’hypertension artérielle est manométriquement sévère avec des pressions artérielles diastoliques variant de100 à 180 mmHg et des pressions artérielles systoliques de 150 à 290 mmHg. Une hypertension artérielle préexistante est fréquente mais inconstante. C’est en fait plus la rapidité d’installation ou de progression de l’HTA que les valeurs absolues de pression artérielle qui déterminent la gravité.

1.2. La rétinopathie comporte des hémorragies, des exsudats ou un oedème papillaire généralement bilatéral. Les exsudats secs traduisent l’extravasation de protéines plasmatiques dans la rétine postérieure alors que les exsudats cotonneux correspondent à des microinfarctus des fibres nerveuses. Les hémorragies résultent de la nécrose des parois capillaires et artériolaires précapillaires. Les exsudats et hémorragies rétiniens sont maintenant rattachés à l’HTA maligne car ils ont une signification pronostique similaire à celle de l’oedème papillaire.

Rétinopathie hypertensive de stade IV avec hémorragies, exsudats et oedème.

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Rétinopathie hypertensive sévère avec oedème papillaire

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1.3. Les signes neurologiques sont souvent au premier plan et ont une signification multiple. Les signes neurologiques peuvent être liés à des infarctus lacunaires, à une hémorragie sous-arachnoïdienne ou intracérébrale ou encore à une encéphalopathie hypertensive. L’encéphalopathie, liée à l’oedème cérébral, est caractérisée par la survenue progressive de céphalée, nausée, vomissement, agitation, confusion et à un stade plus tardif convulsions et coma. Ces signes doivent être distingués des signes neurologiques focaux liés à un AVC ischémique ou hémorragique. Une imagerie cérébrale par scanner est indispensable dans la mesure où l’AVC ne nécessite pas une réduction aussi agressive de la pression artérielle.

Encéphalopathie hypertensive au cours d’une HTA maligne. Aspect RMN d’oedème cérébral plus marqué dans la fosse postérieure où il peut entraîner un engagement.

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1.4. Une insuffisance cardiaque gauche avec oedème pulmonaire est observée chez environ 10 % des petients et peut être secondaire à la surcharge de pression ou à la surcharge de volume. L’HVG est fréquente (75%) mais peut manquer lorsque l’HTA est d’installation récente.

1.5. L’association d’une HTA maligne et de signes rénaux définit la néphroangiosclérose « maligne » caractérisée par une insuffisance rénale rapidement progressive et une protéinurie variable. Environ 30% des petients ont une créatinine plasmatique > 200 µmoml/l lors de la présentation. La protéinurie est généralement <1 g/j et une protéinurie néphrotique doit faire rechercher une attteinte rénale sous-jacente. L’histologie rénale est caractérisée par des lésions exsudatives de nécrose fibrinoïde artériolo-capillaire, et une prolifération intimale ("endartérite") qui va occlure progressivement la lumière artérielle en donnant des aspects dits en "bulbe d’oignon". Ces lésions sont similaires à celle observée au cours de toutes les formes de microangiopathie thrombotique ainsi que la sclérodermie aiguë. L’atteinte artérielle entraîne une ischémie glomérulaire et l’activation du système rénine-angiotensine qui exacerbe probablement l’HTA.

Aspect macroscopique des reins au cours d’une néphroangiosclérose maligne : les reins sont oedématiés et le cortex est le siège de pétéchies hémorragiques ("reins mouchetés")

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Nécrose fibrinoide (en orange) de l’artériole afférente préglomérulaire au cours d’une néphroangiosclérose maligne

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Néphroangiosclérose maligne : artériolopathie hyperplasique d’une artériole rénale. La coloration argentique accentue l’aspect en couche concentrique réalisant l’aspect caractéristique dit en « bulbe d’oignon »

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Néphroangiosclérose maligne : rétrécissement quasi-occlusif de l’artériole afférente entraînant une ischémie rétractile du glomérule d’aval.

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1.6. Une anémie hémolytique microangiopathique avec schizocytose est assez souvent présente. Une hypokaliémie avec alcalose métabolique de contraction peut survenir suite à la déplétion volémique et à l’hyperaldostéronisme secondaire. La plupart des patients ont un profil hormonal d’hyper-réninisme-hyperaldostéronisme secondaire (sauf en cas de syndrome néphritique avec hypervolémie).

1.7. L’évolution spontanée et en l’absence de traitement est gravissime : 50 % de décès à 2 mois, 90 % de décès à 1 an. La mortalité est essentiellement liée à l’insuffisance cardiaque (oedème pulmonaire), à l’insuffisance rénale, à l’encéphalopathie hypertensive, ou à des complications vasculaires cérébrales.

 2. Etiologie de l’HTA maligne

L’HTA maligne survient le plus souvent chez des patients ayant une HTA ancienne non-contrôlée, beaucoup ayant interrompu un traitement antérieur.

  • Chez les sujets noirs l’HTA maligne fait assez souvent suite à une HTA essentielle.
  • Chez les sujets blancs, généralement plus agés, une néphropathie sous-jacente est fréquente (50-75%). Il peut s’agir d’hypertension associée à des néphropathies glomérulaires chroniques ou à des néphropathies vasculaires (polyartérite noueuse, sclérodermie, microangiopathie thrombotique). Dans ces cas, il n’est pas toujours facile de faire la part dans la présentation rénale de ce qui revient à l’affection sous-jacente et à la néphroangiosclérose maligne.
  • L’existence d’une sténose artérielle rénale doit être toujours suspectée en raison de sa grande fréquence, en particulier chez les sujets âgés. Une artériographie rénale est très souvent indiquée à distance de l’épisode aigu d’HTA.

Enfin quelques causes endocriniennes plus rares peuvent être responsables de néphroangiosclérose maligne : hyperminéralocorticisme, phéochromocytome, réninome, intoxication par le pastis sans alcool, contraception hormonale. Dans ces cas, la sévérité de l’hypertension est souvent liée à la relative résistance thérapeutique compte tenu du mécanisme plus particulier de l’hypertension artérielle.

3. Traitement de l’HTA maligne

Le traitement de la néphroangiosclérose maligne ou de l’hypertension artérielle maligne est une urgence médicale. L’hospitalisation est indispensable pour permettre la surveillance de la pression artérielle, souvent par voie intra-artérielle, et le contrôle de l’HTA par l’administration de médicaments parentéraux. Le traitement antihypertenseur parentéral est le seul qui remplisse à la fois (1) les critères d’efficacité constante et (2) la possibilité de titrer et d’ajuster la réponse hypotensive grace à la courte durée d’action des produits utilisés. Ce traitement antihypertenseur peut être complété selon les cas par des anticomitiaux, des anticoagulants (microangiopathie thrombotique), et souvent des diurétiques de l’anse voire l’hémodialyse. Rappelons que dans tous les cas, le traitement de la cause est fondamental.

L’objectif initial du traitement consiste à diminuer rapidement la PAD à 100-105 mmHg, la baisse tensionnelle ne dépassant pas 25 % de la valeur initiale. Une telle cible ne peut être atteinte en sécurité qu’avec des antihypertenseurs IV administrés à débit contrôlé et sous stricte surveillance tensionnelle. Certains proposent même une mesure simultanée de la pression intracrânienne car la pression artérielle systémique et la pression intracrânienne peuvent évoluer de façon dissociée en particulier à l’instauration du traitement.

Le nitroprussiate sodique (Nitriate®, Nipride®) et la nicardipine (Loxen®) constituent les traitements de choix. Ces vasodilatateurs artériolaires, qui augmentent la perméabilité capillaire, pourraient cependant aggraver l’oedème cérébral.

Lorsque la pression artérielle est contrôlée, un traitement oral est institué après quelques jours en relais avec l’objectif de normaliser progressivement la PA diastolique à 85-90 mmHg en 2-3 mois. La baisse initiale de la pression artérielle est souvent accompagnée d’une aggravation fonctionnelle de la fonction rénale, suivie après quelques mois de traitement efficace d’une amélioration traduisant la guérison des lésions vasculaires nécrosantes.

Ces modifications de la fonction rénale (aggravation comme amélioration ultérieure) sont plus marquées avec les IEC. A moins d’épisodes d’hypotension excessive ou de l’association à des sténoses bilatérales des artères rénales, l’aggravation fonctionnelle initiale ne doit pas inciter à diminuer le traitement. Le pronostic vital de l’HTA maligne a été bouleversé par les traitements antihypertenseurs puissants.

Actuellement la survie est de 75-85 % à un an, et 60-75 % à 5 ans. Certaines lésions vasculaires sont par contre définitives et ces patients restent exposés à un excès de risque coronaire, cérébro-vasculaire et rénal. Les patients avec une atteinte rénale ont un taux de survie inférieur. A distance (6 mois), certains patients initialement dépendants d’un traitement par dialyse peuvent être sevrés. Cette amélioration tardive n’est pas exceptionnelle mais elle n’est observée que chez les patients maintenus strictement normotendus sous IEC pendant toute cette période.




LECTURES RECOMMANDÉES

Kitiyakara C, Guzman NJ. Malignant hypertension and hypertensive emergencies. J Am Soc Nephrol 1998 ; 1 : 133-42






 
 
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