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PRB 05-43F
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LE GOUVERNEMENT DU CANADA
ET LA 39E LÉGISLATURE : QUESTIONS ET RÉPONSES

Rédaction :
Brian O'Neal
Division des affaires politiques et sociales

Peter Niemczak, James Robertson, Michael Rowland,
Tim Schobert, Margaret Young
Division du droit et du gouvernement
Le 7 décembre 2005


TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

LES RÉSULTATS ÉLECTORAUX
   A.  Quand les résultats de l’élection fédérale du 23 janvier 2006 seront-ils connus?
   B.  Quelle est l’importance de la date fixée pour les « rapports d’élection »?
   C.  Quelle est la date de remise des rapports d’élection après les élections du 23 janvier 2006?

LES GENS
   A.  Le gouverneur général
      1.  Quels sont les pouvoirs et les attributions du gouverneur général?
      2.  Qui est la gouverneure générale actuelle et quand a-t-elle été nommée?
            Quand son mandat prend-il fin?  Peut‑elle être nommée de nouveau?
            Peut-elle demeurer en poste?
      3.  Quel est le pouvoir du gouverneur général en ce qui concerne   la dissolution du Parlement et le déclenchement d’élections?
      4.  Dans quelle mesure le gouverneur général peut‑il demander  à un chef de parti de former un gouvernement?
      5.  Le gouverneur général dispose‑t‑il du droit ou des pouvoirs nécessaires pour destituer ou remplacer un
            premier ministre ou un gouvernement?
      6.  De quelle marge de manœuvre le gouverneur général dispose-t-il pour ce qui est de demander
            à un chef de parti de former un gouvernement et d’interpréter les résultats d’une élection?
      7.  Le gouverneur général doit‑il accepter les avis que lui donne  le premier ministre dûment nommé
            (concernant la dissolution, la formation d’un gouvernement, etc.)?
      8.   De quelles options le gouverneur général dispose-t-il si une deuxième dissolution est réclamée avant
             que la Chambre des communes se réunisse?
      9.   Qu’est‑ce que la controverse King‑Byng?
             Demeure-t-elle pertinente aujourd’hui?
      10. Que s’est‑il passé lors des élections provinciales en Ontario en 1985?
             Qu’a fait alors le lieutenant-gouverneur?
   B.  Le premier ministre
      1.   À quel moment un premier ministre cesse‑t‑il d’exercer cette charge?
      2.   Un premier ministre doit‑il remettre sa démission?  Peut‑il être destitué, c’est-à-dire
             remplacé sans remettre sa démission?
      3.   Que se produit‑il si un premier ministre décède ou devient incapable de décision pendant qu’il est en poste?
      4.   Le gouverneur général doit‑il accepter la démission d’un premier ministre?
      5.   Quels ont été les plus courts mandats de la charge de premier ministre?
   C.  Les ministres
      1.   Quand un ministre cesse-t-il d’exercer ses fonctions et quand un nouveau ministre entre-il en fonction?
      2.   Qu’arrive-t-il quand un ministre est défait?
      3.   Les ministres doivent-ils être choisis parmi les députés ou les sénateurs?
      4.   Un sénateur peut-il être nommé ministre?
      5.   Que se passe-t-il lorsqu’un gouvernement compte très peu de députés d’une région ou d’une province, voire aucun?
   D.  Les députés
      1.   Quand un député cesse-t-il de l’être?
      2.   Quand un député entre-t-il en fonction après une élection?
      3.   Quand les députés commencent-ils à bénéficier des allocations et services?

LE GOUVERNEMENT
   A.  Les finances publiques
      1.   Comment le gouvernement fédéral se finance-t-il pendant et après une période électorale?
      2.   Qu’est-ce qu’un mandat spécial du gouverneur général?
             Quelles restrictions en régissent l’emploi?
      3.   Qu’arrive-t-il si la législature est dissoute avant que le Budget  supplémentaire des dépenses
             à l’étude à la Chambre ne soit adopté?
   B.  Former le gouvernement
      1.   Si un gouvernement au pouvoir est réélu – obtient une majorité de sièges à l’issue d’élections –,
            demeure‑t‑il automatiquement au pouvoir ou son chef doit‑il être invité à former un gouvernement?
      2.  S’il n’y a pas de majorité absolue, à quel parti faut-il demander en premier de former un gouvernement :
            le parti qui a le plus grand nombre de sièges à la Chambre des communes ou celui qui
            formait le précédent gouvernement?
      3.   S’il n’y a pas de majorité absolue et le gouvernement démissionne, comment détermine‑t‑on qui sera premier ministre?
      4.   Que se passe‑t‑il lorsque deux partis obtiennent un nombre égal de sièges à la Chambre des communes?
      5.   Si aucun parti n’a obtenu la majorité absolue, de quelles options disposent les partis pour gouverner le pays?
      6.   Lors d’une élection, un gouvernement (Cabinet) conserve‑t-il tous ses pouvoirs jusqu’à l’assermentation
             d’un nouveau gouvernement?
      7.  Combien de temps s’écoule‑t‑il après une élection avant qu’un nouveau gouvernement assume le pouvoir?
   C.  Le gouvernement majoritaire
      1.   En quoi consiste un gouvernement majoritaire?
      2.   Si le Président appartient au parti ministériel, est‑il un élément de la majorité?  A‑t‑il le droit de vote?
   D.  Le gouvernement minoritaire
      1.   Qu’entend-on par gouvernement minoritaire?
      2.   Quelles dispositions les partis politiques peuvent-ils prendre pour coopérer?
             Qu’est-ce qui les distingue?  Quels sont les précédents?
      3.   Combien y a-t-il eu de gouvernements minoritaires dans l’histoire du Canada?
      4.   Combien de temps un gouvernement minoritaire peut-il rester au pouvoir?
      5.   Quand un gouvernement minoritaire peut-il demander la dissolution de la législature pour solliciter un nouveau mandat?
      6.   Un gouvernement minoritaire a-t-il nécessairement besoin de l’appui en bonne et due forme des
             petits partis pour gouverner?
      7.   Y a-t-il des règles particulières au sujet des gouvernements minoritaires?
   E.   La convention sur la confiance
      1.   Qu’est-ce que la « convention sur la confiance »?
      2.   Qu’est-ce qu’un vote de confiance?
      3.   Qui décide si un vote est un vote de confiance?
      4.   Le gouvernement peut-il être défait à la Chambre des communes sans perdre la confiance de la Chambre?
      5.   Qu’arrive-t-il si le gouvernement perd un vote au Sénat?
      6.   À quel moment peut-on s’attendre de voir le premier vote de confiance d’une nouvelle législature?

LE PARLEMENT
   A.  La dissolution
      1.   Quel est le statut des députés à la Chambre des communes après la dissolution?
      2.   À quels salaires, indemnités et services les députés ont-ils droit entre les législatures?
   B.  Reprise des travaux parlementaires
      1.   Qui décide quand commence la nouvelle législature?
      2.   Quand le Parlement doit-il reprendre ses activités après les élections de janvier 2006?
      3.   Un gouvernement (en particulier un gouvernement minoritaire) peut-il repousser la date de convocation
             du Parlement et de la Chambre des communes?
      4.   Quelles conditions la Constitution impose-t-elle relativement à la convocation du Parlement?
      5.   Quelles contraintes concrètes influent sur la convocation du Parlement?
      6.   Le report de la reprise des travaux de la Chambre des communes a-t-il un effet sur les salaires,
             allocations et avantages sociaux des députés?
   C.  La nouvelle Chambre des communes
      1.   Quelle législature et quelle session commenceront après les élections de janvier 2006?
      2.   Quand et comment les comités de la Chambre et du Sénat sont-ils constitués?
      3.   Comment détermine-t-on quel parti constitue l’opposition officielle?
             Qu’arrive-t-il si deux partis d’opposition ont exactement le même nombre de sièges, comme cela s’est produit en 1996?
   D.  Le Président de la Chambre
      1.   Quand le Président de la Chambre des communes est-il élu?
      2.   Le Président doit-il être choisi parmi les députés du gouvernement?
      3.   Qu’arrive-t-il si le Président n’est pas réélu à titre de député à  la Chambre?
   E.   Le Sénat
      1.   En quoi le fonctionnement du Sénat est-il touché par un gouvernement minoritaire?
      2.   L’opposition officielle au Sénat est-elle nécessairement a même qu’à la Chambre des communes?
      3.   Comment choisit-on le leader de l’opposition au Sénat?
   F.   Le Président du Sénat
      1.   Quand le Président du Sénat est‑il nommé?
      2.   Le Président doit-il être choisi parmi les sénateurs appartenant au parti au pouvoir?


LE GOUVERNEMENT DU CANADA
ET LA 39E LÉGISLATURE : QUESTIONS ET RÉPONSES(1)

 

INTRODUCTION

Le présent document est composé d’une série de questions et de réponses sur de grandes thématiques reliées, de façon générale, à la transition entre deux législatures(2) et, en particulier, au passage de la 38e à la 39e législature – par exemple l’entrée en fonctions des députés et la reprise des travaux parlementaires.  Il explique la modulation des activités au sein du Parlement et du gouvernement pendant la période électorale et décrit la situation de divers acteurs sur la scène politique – gouverneur général, premier ministre, ministres et députés – entre la dissolution de la législature et la reprise des travaux. 

Les auteurs abordent notamment la question du gouvernement minoritaire, un scénario qui pourrait très vraisemblablement se concrétiser une deuxième fois de suite à l’issue des élections générales du 23 janvier 2006, ainsi que les aspects constitutionnels, conventionnels et pratiques d’un tel gouvernement.

LES RÉSULTATS ÉLECTORAUX

A.  Quand les résultats de l’élection fédérale du 23 janvier 2006 seront-ils connus?

L’élection d’un député devient officielle lorsque le DGE publie un avis à cet effet dans la Gazette du Canada et qu’il envoie une lettre de confirmation au greffier de la Chambre des communes.

S’il y a égalité des voix ou si les deux premiers candidats sont séparés par une marge moindre qu’un millième de l’ensemble des votes exprimés, un dépouillement judiciaire est obligatoire.  En outre, n’importe quel électeur peut demander à un juge d’effectuer un dépouillement judiciaire.  Il doit alors faire un dépôt de 250 $ et attester sous serment qu’il y a eu des irrégularités dans certains aspects des procédures.

S’il y a toujours égalité des voix après un dépouillement judiciaire, on doit procéder à une élection partielle.

B.  Quelle est l’importance de la date fixée pour les « rapports d’élection »?

La date en question est la date où le DGE doit avoir reçu tous les documents de tous les directeurs de scrutin.  Dans la pratique, la date de réception peut varier, de sorte que les rapports envoyés rapidement sont considérés comme reçus à la date fixée.  (Si un dépouillement judiciaire a été retardé, un nouveau rapport d’élection peut être établi après cette date si le dépouillement modifie le résultat.)

Sauf en cas de guerre, d’invasion ou d’insurrection réelle ou appréhendée, la Chambre des communes ne peut siéger plus de cinq ans après l’établissement des rapports d’élection à la suite d’une élection générale (voir la Loi constitutionnelle de 1982).  Voir aussi plus loin la rubrique « Le gouvernement », partie A, question 2.

C.  Quelle est la date de remise des rapports d’élection après les élections du 23 janvier 2006?

Proclamation émise le 29 novembre 2005 (TR/2005‑131) : les rapports « seront retournés au directeur général des élections le 13 février 2006 ».

LES GENS

A.  Le gouverneur général

1.   Quels sont les pouvoirs et les attributions du gouverneur général?

Le gouverneur général représente la reine, qui est le chef d’État du Canada (le premier ministre est le chef du gouvernement).  Le gouverneur général est nommé par la reine, sur l’avis du premier ministre du Canada.  Depuis les années 1950, seuls des Canadiens ont accédé à cette charge.  Le mode de nomination du gouverneur général, qui n’est pas mentionné dans la Constitution du Canada, exige l’intervention d’une commission sous le grand sceau du Canada.  Le poste de gouverneur général est en fait institué par lettre patente royale, dont la dernière en date remonte à 1947 et émane du roi George VI(3).

En vertu de la Constitution canadienne, le gouverneur général possède d’énormes pouvoirs, mais, par convention, ceux‑ci ne sont exercés que sur l’avis du premier ministre et du Cabinet.  Dans une monarchie constitutionnelle, sauf dans des situations exceptionnelles – habituellement rattachées aux résultats d’élections, à la dissolution du Parlement et à la formation d’un gouvernement –, le gouverneur général n’a aucun pouvoir discrétionnaire et doit suivre les avis et conseils qu’il reçoit.

Si une situation urgente ou une catastrophe se produisait et que le premier ministre était incapable de prendre une décision ainsi qu’une partie importante de son Cabinet et de l’assemblée législative, le gouverneur général se verrait dans une large mesure libéré des contraintes imposées à sa marge de manœuvre et pourrait vraisemblablement nommer un gouvernement provisoire d’urgence.

2.   Qui est la gouverneure générale actuelle et quand a-t-elle été nommée?
              Quand son mandat prend-il fin?  Peut‑elle être nommée de nouveau?
              Peut-elle demeurer en poste?

L’actuelle gouverneure générale est la très honorable Michaëlle Jean.  Sa nomination a été approuvée par la reine Élizabeth II le 10 septembre 2005, et son installation a eu lieu le 27 septembre suivant.  Le mandat d’un gouverneur général est normalement d’une durée de cinq ans, et le cinquième anniversaire de l’installation de Mme Jean sera le 27 septembre 2010.  Toutefois, sa nomination est à la discrétion de la reine, ce qui signifie qu’elle demeurera en poste jusqu’à ce que le gouvernement décide de la remplacer.  Par exemple, en septembre 2004, juste avant le cinquième anniversaire de la nomination de la gouverneure générale précédente, Adrienne Clarkson, le premier ministre Martin a annoncé que celle-ci demeurerait en poste une année de plus.

3.   Quel est le pouvoir du gouverneur général en ce qui concerne la dissolution du Parlement
              et le déclenchement d’élections?

Si un premier ministre qui bénéficie de la confiance de la Chambre des communes demande au gouverneur général de dissoudre le Parlement et d’émettre une proclamation pour le déclenchement d’élections, sa demande est presque automatiquement acceptée.

Si un premier ministre qui a perdu la confiance de la Chambre demande une dissolution, le gouverneur général est probablement habilité à décider si quelqu’un d’autre est en mesure de former un gouvernement (voir la question 9 de la présente rubrique).

4.   Dans quelle mesure le gouverneur général peut‑il demander à un chef de parti
              de former un gouvernement?

Sauf si le gouvernement en place demeure au pouvoir, le gouverneur général demande à la personne qui est la plus susceptible de bénéficier de la confiance de la Chambre de former un gouvernement.  Normalement, c’est le chef du parti disposant du plus grand nombre de sièges à la Chambre qui a le plus de chance de bénéficier de la confiance de la Chambre, mais ce n’est pas nécessairement toujours le cas.

Tous les experts constitutionnels s’entendent pour dire qu’un gouvernement a le droit de demeurer en place et de rencontrer l’assemblée législative lorsqu’une élection ne crée pour aucun parti une position majoritaire.(4)

5.   Le gouverneur général dispose‑t‑il du droit ou des pouvoirs nécessaires
              pour destituer ou remplacer un premier ministre ou un gouvernement?

En vertu de la loi, le gouverneur général a le pouvoir de nommer un gouvernement ou de le destituer.  Toutefois, ce pouvoir est strictement limité par les règles conventionnelles.

En règle générale, les experts constitutionnels s’entendent pour dire que le gouverneur général peut destituer un gouvernement si ce dernier a subi la défaite lors d’un vote sur une question qui engageait clairement la confiance et qu’il refuse de démissionner et de déclencher des élections, ou si un autre parti a obtenu la majorité aux élections et que le gouvernement en place refuse de démissionner.

6.   De quelle marge de manœuvre le gouverneur général dispose-t-il pour ce qui est de
             demander à un chef de parti de former un
gouvernement et d’interpréter les résultats
             d’une élection?

De toute évidence, le gouverneur général ne peut nommer un nouveau gouvernement tant que le gouvernement existant n’a pas démissionné ou été destitué (sous réserve de la réponse donnée à la question précédente).

Si aucun parti n’a obtenu la majorité absolue à l’issue des élections, le premier ministre en poste rendra probablement visite au gouverneur général pour lui dire s’il a l’intention d’essayer de gagner un vote de confiance au retour du Parlement, ou de démissionner.

On ne saurait dire exactement de combien de temps le premier ministre dispose avant de devoir informer le gouverneur général de ses intentions.  On ne peut dire non plus à quel moment le gouverneur général pourrait exiger une décision du premier ministre.  D’après la Constitution écrite, il doit y avoir une session du Parlement au moins une fois par année.

Dans la mesure où son rôle n’est pas clair, le gouverneur général consulterait sans doute ses propres conseillers et d’autres experts constitutionnels.

L’usage veut que le monarque ou son représentant puisse consulter qui il veut, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Parlement, pour le choix du nouveau premier ministre.(5)

Son travail consiste toujours à protéger la démocratie parlementaire et le Parlement élu par le peuple [doit avoir la possibilité] d’établir s’il est en mesure de soutenir un gouvernement.(6)


7.   Le gouverneur général doit‑il accepter les avis que lui donne le premier ministre
              dûment nommé (concernant la dissolution, la formation d’un gouvernement, etc.)?

Dès qu’il nomme un premier ministre jusqu’au moment où ce dernier perd la confiance de la Chambre ou est défait à l’issue d’élections, le gouverneur général doit normalement suivre les avis du premier ministre.  On a aussi fait valoir que le gouverneur général a le droit et le devoir d’utiliser les pouvoirs réservés à la Couronne afin de protéger les principes fondamentaux de la Constitution, mais ce point est beaucoup plus controversé(7).

8.   De quelles options le gouverneur général dispose-t-il si une deuxième
             
dissolution est réclamée avant que la Chambre des communes se réunisse?

On a parfois exprimé l’avis, au Canada, qu’à l’issue d’élections non concluantes, le premier ministre serait en droit de demander une dissolution et, partant, une deuxième élection sans même attendre que le Parlement se réunisse.  Cela est presque certainement erroné.  La Chambre des communes a été élue et elle devrait pouvoir se réunir afin de déterminer si elle peut administrer les affaires publiques.  S’il s’avère qu’elle ne peut même pas élire un Président, ou que ni le premier ministre ni le chef d’un quelconque autre parti ne peut rallier l’appui d’une majorité des députés, alors il n’y aurait pas d’autre solution que la dissolution; mais de dissoudre la Chambre avant qu’elle se réunisse constituerait un abus du système électoral, abus que le gouverneur général serait certes en droit de refuser.(8)

Toutefois, la situation serait peut-être différente si les chefs des partis détenant une majorité de sièges à la Chambre des communes demandaient d’une seule voix au gouverneur général de déclencher de nouvelles élections avant le retour de la nouvelle Chambre, en faisant valoir qu’aucun d’entre eux ne saurait se ménager la confiance de la Chambre pour un discours du Trône.

Andrew Heard donne deux exemples d’élections déclenchées avant que les assemblées législatives provinciales ne se réunissent officiellement après des élections : à l’Île‑du‑Prince‑Édouard, en 1859, et à Terre‑Neuve, en 1909.  Dans chacun des deux cas, l’assemblée législative n’a même pas pu élire un président(9).

9.   Qu’est‑ce que la controverse King‑Byng?
              Demeure-t-elle pertinente aujourd’hui?

Après les élections générales d’octobre 1925, le gouvernement libéral (dirigé par Mackenzie King) avait 101 députés, tandis que les Conservateurs (dirigés par Arthur Meighen) en avaient 116.  Toutefois, les Libéraux bénéficiaient de l’appui des 24 députés du Parti progressiste ainsi que des quatre députés travaillistes et indépendants, de sorte que le premier ministre King a pu gouverner pendant près d’un an.

En juin 1926, le premier ministre a perdu l’appui de certains députés des petits partis.  Face à une défaite presque certaine sur une motion de confiance et puisque le gouvernement avait déjà subi la défaite sur des motions d’amendement et d’ajournement, King a demandé au gouverneur général de l’époque, lord Byng, de dissoudre le Parlement et de déclencher de nouvelles élections.

Lord Byng a refusé la dissolution pour un certain nombre de raisons : il lui semblait qu’un autre gouvernement serait capable de gouverner le Canada et les progressistes lui ont donné l’assurance qu’ils appuieraient un gouvernement Meighen pendant la période des crédits; moins d’un an s’était écoulé depuis l’élection précédente; et un vote de confiance devait avoir lieu que le gouvernement était presque certain de perdre.  À la suite du refus de lord Byng, le gouvernement King a démissionné et le gouverneur général a demandé à Meighen de former le gouvernement.

À l’époque, il était obligatoire pour les ministres nouvellement nommés de céder leur siège et de se présenter à une élection partielle (obligation abrogée en 1931).  Puisque le premier ministre Meighen ne pouvait se permettre de perdre un si grand nombre de députés, même temporairement, il a recouru à des subtilités techniques, comme la création de « ministères temporaires » et la nomination de « ministres par intérim », afin d’éviter la tenue d’élections partielles.  Une motion condamnant le recours à ces procédés a été présentée à la Chambre et le gouvernement a perdu le vote par une voix.  Lord Byng a alors accordé la dissolution au premier ministre Meighen.

Lors des élections qui ont suivi, MacKenzie King a fait de la question un enjeu important et soutenu qu’on avait porté atteinte à l’indépendance du Canada à l’égard de l’Empire britannique.  Il a alors remporté la majorité des sièges.

La question demeure pertinente car, encore à l’heure actuelle, même les principaux experts constitutionnels ne s’entendent pas sur la question de savoir si lord Byng a agi correctement ou avec prudence.  Son défenseur le plus connu est le regretté Eugene Forsey.  Peter Hogg considère le refus de dissoudre le Parlement comme étant « à tout le moins malavisé », compte tenu de l’exigence que les ministres quittent leurs sièges(10).

10.  Que s’est‑il passé lors des élections provinciales en Ontario en 1985?
              Qu’a fait alors le lieutenant-gouverneur?

Aux élections ontariennes de mai 1985, les Progressistes-conservateurs au pouvoir (dirigés par Frank Miller) ont obtenu 52 sièges, tandis que les Libéraux (David Peterson) en obtenaient 48, et le Nouveau Parti Démocratique (Bob Rae), 25.  Le chef conservateur a nommé son cabinet, dont les membres ont été assermentés.  Les deux autres partis ont alors passé un accord écrit selon lequel, dans l’éventualité où les Libéraux formeraient le gouvernement, le NPD ne chercherait pas à leur infliger la défaite pendant deux ans et les Libéraux ne déclencheraient pas d’élections pendant la même période.

Le gouvernement Miller a été défait le 18 juin 1985, après le débat sur le discours du Trône.  Bien que M. Miller ait menacé de demander la dissolution, sa lettre de démission laissait entendre que M. Peterson serait en mesure d’obtenir la confiance de la Chambre et qu’il y aurait lieu de lui demander de former un gouvernement.  Le lieutenant-gouverneur a suivi son conseil et le gouvernement Peterson a assumé le pouvoir le 26 juin 1985.  Toutefois, le lieutenant‑gouverneur a indiqué clairement dans sa déclaration officielle que l’accord écrit n’avait aucune force obligatoire ni effet juridique, ni aucune incidence sur les pouvoirs du lieutenant‑gouverneur ou des députés de l’Assemblée législative.

B.  Le premier ministre

1.   À quel moment un premier ministre cesse‑t‑il d’exercer cette charge?

Un premier ministre cesse d’exercer cette charge lorsque le gouverneur général accepte sa démission ou le destitue.  Après une défaite électorale, le premier ministre remet sa démission lorsque son successeur est prêt à former un gouvernement(11).

2.  Un premier ministre doit‑il remettre sa démission?  Peut‑il être destitué, c’est-à-dire
            remplacé sans remettre sa démission?

Aucun premier ministre n’a été destitué depuis la Confédération, mais cela ne veut pas dire que la chose soit impossible(12).  Ce serait vraisemblablement nécessaire si un premier ministre était frappé d’incapacité et ne pouvait pas remettre sa démission.

3.   Que se produit‑il si un premier ministre décède ou devient incapable de décision
              pendant qu’il est en poste?

Il y a peu d’implications sur le plan de la procédure lorsqu’un premier ministre en poste décède.  Si le décès se produit pendant qu’elle siège, la Chambre des communes peut ajourner ses activités pour une période prolongée.  Seuls deux premiers ministres sont décédés pendant qu’ils étaient en poste : sir John A. Macdonald, le 6 juin 1891 (pendant une session), et sir John Sparrow David Thompson, le 12 décembre 1894 (pendant une prorogation).  M. Macdonald a été remplacé par John Abbott, un sénateur, et M. Thompson, par Mackenzie Bowell.

L’incapacité d’un premier ministre serait plus problématique, car il n’existe pas de précédent à cet égard.

Lorsqu’un nouveau ministère est formé par suite du décès, de la démission ou de la destitution d’un premier ministre, il convient que la Chambre ajourne ses activités d’un jour à l’autre et ne s’occupe que des affaires courantes les jours où elle se réunit(13).

4.   Le gouverneur général doit‑il accepter la démission d’un premier ministre?

Normalement, le gouverneur général doit suivre les avis et conseils du premier ministre.

 

5.   Quels ont été les plus courts mandats de la charge de premier ministre?

Les plus courts mandats de la charge de premier ministre
Premier ministre Parti Jours Durée
MEIGHEN, Arthur
Parti libéral et conservateur national, Conservateur
623
1 an,
8 mois et
14 jours
ABBOTT, John Joseph Caldwell
Libéral-conservateur
527
1 an,
5 mois et
9 jours
BOWELL, Mackenzie
Conservateur
493
1 an,
4 mois et
6 jours
CLARK, Charles Joseph (Joe)
Progressiste-Conservateur
272
8 mois et
28 jours
CAMPBELL, A. Kim
Progressiste-Conservateur
131
4 mois et
9 jours
TURNER, John Napier
Libéral
78
2 mois et
17 jours
TUPPER, Charles
Conservateur
68
2 mois et
7 jours

 

C.  Les ministres

1.   Quand un ministre cesse-t-il d’exercer ses fonctions et quand
              un nouveau ministre entre-il en fonction?

Les ministres sont choisis par le premier ministre et peuvent être révoqués par celui-ci, bien qu’ils soient assermentés par le gouverneur général.

Un gouvernement défait à l’issue d’élections générales peut demeurer en fonction pour affronter la nouvelle Chambre.  Le gouvernement ne cesse d’exister que lorsque le premier ministre – et non un ministre ou un groupe de ministres – remet sa démission au gouverneur général.  À ce moment-là seulement, les ministres perdent leur charge.

Les nouveaux ministres entrent en fonction après leur assermentation comme membres du Conseil privé par le greffier du Conseil privé au cours d’une cérémonie présidée par le gouverneur général.  Durant cette cérémonie, les ministres prononcent le serment d’allégeance, sont assermentés au Conseil privé et prononcent le serment d’office correspondant à leur portefeuille.

2.   Qu’arrive-t-il quand un ministre est défait?

L’usage consiste à remplacer les ministres défaits au moment de l’assermentation du nouveau Cabinet, ce qui se produit peu après les élections.

3.   Les ministres doivent-ils être choisis parmi les députés ou les sénateurs?

Non.  Le premier ministre peut choisir ses ministres en dehors du Parlement, mais la coutume veut que les personnes ainsi nommées se fassent élire à la Chambre ou nommer au Sénat dès la première occasion.

4.   Un sénateur peut-il être nommé ministre?

Oui, et ce, depuis la Confédération.  Le premier Cabinet de sir John A. Macdonald comptait 13 ministres, dont cinq sénateurs.  Au cours des dernières années, l’usage a été en général d’avoir un seul sénateur au Cabinet.

5.   Que se passe-t-il lorsqu’un gouvernement compte très peu de députés
             d’une région ou d’une province, voire aucun?

Dans le passé, dans de tels cas, les premiers ministres se sont tournés vers le Sénat pour compenser le manque de représentation d’une région ou d’une province au caucus.  C’est ce qu’ont fait par exemple le premier ministre Joe Clark en 1979, pour compenser le faible nombre de députés québécois dans les rangs conservateurs à la Chambre des communes, et le gouvernement libéral de 1980-1984, pour compenser le manque de députés de l’Ouest.  En 1997, le premier ministre Jean Chrétien a nommé le sénateur Alasdair Graham leader du gouvernement au Sénat pour compenser l’absence de représentation libérale en Nouvelle-Écosse.  Depuis 1969, le leader du gouvernement au Sénat a rang de ministre, bien qu’aucune disposition de la Constitution ou d’une autre loi n’exige l’association des deux fonctions.

D.  Les députés

1.   Quand un député cesse‑t‑il de l’être?

Voir plus loin la rubrique « Le Parlement », partie A, question 1.

2.   Quand un député entre-t-il en fonction après une élection?

Aux termes de l’article 128 de la Loi constitutionnelle de 1867, les députés doivent jurer ou déclarer allégeance à la reine avant d’entrer en fonction.  C’est généralement le greffier de la Chambre des communes qui se charge de faire prêter serment aux députés avant l’ouverture du Parlement.  La cérémonie d’assermentation est individuelle.
Tous les députés (non seulement les nouveaux députés) doivent être assermentés.

3.   Quand les députés commencent-ils à bénéficier des allocations et services?

Les nouveaux députés touchent une indemnité parlementaire – un salaire – à partir de la date où ils ont été élus telle qu’elle est attestée par le bref approprié du directeur général des élections.  Les députés réélus conservent la plupart de leurs droits et privilèges, et les services auxquels ils ont droit sont rétablis. 

Le budget de bureau de tous les députés est établi au prorata du nombre de jours entre la date de leur élection et la fin de l’exercice financier (31 mars).

LE GOUVERNEMENT

A.  Les finances publiques

1.   Comment le gouvernement fédéral se finance-t-ilpendant et après une période électorale?

Il existe plusieurs manières de s’assurer que le gouvernement fédéral dispose des moyens financiers nécessaires pour continuer de fonctionner durant une période électorale.  Tout dépend du moment où ont lieu les élections.

Si elles ont lieu après l’adoption du Budget principal des dépenses et des lois de crédits afférentes, les fonds dont le gouvernement a besoin sont déjà approuvés par le Parlement.

Si, par contre, elles sont déclenchées avant l’adoption du Budget principal des dépenses et des lois de crédits, deux solutions se présentent.  La première consiste à faire appel à des crédits provisoires, auxquels on a régulièrement recours pour assurer la continuité du financement pendant que la Chambre étudie le Budget principal des dépenses, qui n’est adopté que plusieurs mois après le début de l’année financière.  Marleau et Montpetit décrivent ainsi la procédure relative aux crédits provisoires :

Comme l’exercice commence le 1er avril et que le cycle normal des subsides prévoit que la Chambre ne se prononcera sur le Budget principal des dépenses qu’en juin, le gouvernement devrait en théorie se retrouver sans fonds pendant cet intervalle de trois mois.  La Chambre autorise donc une avance sur les fonds demandés dans le Budget principal des dépenses afin de combler les besoins des services publics du début du nouvel exercice jusqu’à la date d’adoption de la loi de crédits fondée sur le Budget principal des dépenses de l’exercice.  C’est cette avance qu’on appelle « crédits provisoires », c’est-à-dire une autorisation de dépenser accordée au gouvernement en attendant l’approbation du Budget principal des dépenses.

Le gouvernement donne avis d’une motion précisant les sommes d’argent dont il aura besoin, exprimées en douzièmes des crédits qui doivent être adoptés dans le Budget principal des dépenses.  La plupart de ces sommes équivalent aux trois douzièmes du montant total, ce qui correspond à l’intervalle de trois mois entre le début de l’exercice et la date d’adoption définitive du Budget principal, mais le gouvernement peut demander davantage.  La motion sur les crédits provisoires est étudiée lors du dernier jour désigné de la période de subsides se terminant le 26 mars.  L’adoption de la motion est suivie de l’étude et de l’adoption à toutes les étapes d’un projet de loi de crédits fondé sur les crédits provisoires et autorisant les retraits prescrits du Trésor.  L’approbation des crédits provisoires ne signifie pas nécessairement que la Chambre approuve immédiatement les programmes auxquels ils s’appliquent dans le Budget principal des dépenses.(14)

Une autre solution consiste à faire appel à des mandats spéciaux du gouverneur général (voir la question suivante).

2.   Qu’est-ce qu’un mandat spécial du gouverneur général?
              Quelles restrictions en régissent l’emploi?

Marleau et Montpetit décrivent le mandat spécial du gouverneur général de la façon suivante :

    Dans des circonstances exceptionnelles, la Loi sur la gestion des finances publiques autorise le gouverneur en conseil à demander au gouverneur général de délivrer un mandat spécial pour autoriser le gouvernement à effectuer des paiements sur le Trésor qui n’ont pas été autorisés par le Parlement, pourvu que les conditions suivantes soient remplies :

    1. le Parlement est dissous;
    2. un ministre a remis un rapport attestant l’urgence du paiement et sa nécessité dans l’intérêt public;
    3. le président du Conseil du Trésor a remis un rapport attestant l’absence de tout crédit pouvant autoriser le paiement.(15)

Les mandats spéciaux ne peuvent être utilisés qu’entre la date de la dissolution et le soixantième jour suivant la date fixée pour le retour des brefs après une élection.  Ils ne peuvent pas être utilisés durant cette période si le Parlement est convoqué puis prorogé.  Marleau et Montpetit ajoutent la précision suivante :

La Loi sur la gestion des finances publiques exige que tous les mandats spéciaux soient publiés dans la Gazette du Canada dans les 30 jours suivant leur établissement.  Un avis précisant le montant autorisé en vertu d’un tel mandat doit également être déposé à la Chambre dans les 15 jours suivant le début de la prochaine session du Parlement et une autorisation doit être rétroactivement incluse dans la première loi de crédits adoptée au cours de cette session.(16)

3.   Qu’arrive‑t‑il si la législature est dissoute avant que le Budget supplémentaire
              des dépenses à l’étude à la Chambre ne soit adopté?

Le Budget supplémentaire des dépenses « A » pour l’exercice se terminant le 31 mars 2006 a été déposé à la Chambre des communes le 27 octobre 2005.  Dans ce budget, le gouvernement demandait l’approbation par le Parlement de dépenses de 7 milliards de dollars dont il n’était pas tenu compte dans le Budget principal des dépenses déposé le 25 février 2005.  Ces dépenses n’étaient pas nouvelles puisqu’elles faisaient partie des dépenses totales prévues pour l’exercice 2005-2006 et des prévisions du Budget de 2005, mais il fallait tout de même qu’elles soient approuvées par le Parlement.  La dissolution a toutefois eu lieu le 29 novembre 2005, avant que l’approbation en question ait pu être obtenue.  Il convient donc de se demander comment les ministères et organismes vont s’y prendre pour financer certaines de leurs activités en l’absence de crédits approuvés.

Dans des cas semblables, les ministères et organismes doivent d’abord procéder à une réaffectation des ressources à l’intérieur de leurs propres budgets pour arriver à subvenir à leurs besoins.  S’il leur faut davantage de fonds, ils peuvent puiser dans le crédit pour éventualités (crédit 5) et le crédit pour conventions collectives (crédit 14) du Conseil du Trésor.  Une fois que ces crédits ont été épuisés, ils ont recours aux mandats spéciaux du gouverneur général pour financer le reste des dépenses nécessaires.  La dernière fois où il a fallu le faire remonte au 22 octobre 2000, lorsque le Parlement avait été dissous en vue d’une élection générale et que le Budget supplémentaire des dépenses n’avait pu être déposé à temps pour être étudié et adopté(17).

B.  Former le gouvernement

1.   Si un gouvernement au pouvoir est réélu – obtient une majorité de sièges
             à l’issue d’élections –, demeure‑t‑il automatiquement au pouvoir ou son chef
             doit‑il être invité à former un gouvernement?

Le gouvernement demeure au pouvoir jusqu’à ce que le premier ministre démissionne ou soit destitué par le gouverneur général.

2.   S’il n’y a pas de majorité absolue, à quel parti faut-il demander en premier
            de former un gouvernement : le parti qui a le plus grand nombre de sièges

            à la Chambre des communes ou celui qui formait le précédent gouvernement?

S’il n’y a pas de majorité absolue, le premier ministre en place a le choix de démissionner ou de rencontrer la Chambre pour déterminer s’il jouit de sa confiance(18).

3.   S’il n’y a pas de majorité absolue et le gouvernement démissionne,
              comment détermine‑t‑on qui sera premier ministre?

Si le premier ministre et le Cabinet en place démissionnent parce qu’il n’y a pas de majorité absolue, il est fort probable que le gouverneur général demandera au chef du parti de l’opposition qui est le plus susceptible d’obtenir la confiance de la Chambre de former un gouvernement.  Cette confiance peut s’exprimer par un accord officieux ou une coalition entre partis.

Dans presque tous les cas, le gouverneur général a choisi comme premier ministre le chef du parti ayant obtenu le plus grand nombre de sièges à la Chambre des communes, même si ce nombre ne constituait pas la majorité absolue(19).

4.   Que se passe‑t‑il lorsque deux partis obtiennent un nombre égal
             de sièges à la Chambre des communes?

Si deux partis obtiennent un nombre égal de sièges après des élections, le premier ministre doit prendre une décision.  Il pourrait essayer d’obtenir l’appui des autres partis – soit officiellement ou officieusement (un gouvernement de coalition ou une entente; voir la prochaine question).  Si cela s’avérait impossible, il pourrait toujours tenter de former un gouvernement et d’obtenir l’appui de la Chambre.  Il semble qu’un premier ministre en poste ait le droit d’essayer de former un gouvernement en premier.  S’il était clair qu’aucun autre parti n’était prêt à appuyer le premier ministre, le gouverneur général serait confronté à une question constitutionnelle délicate, mais il laisserait probablement le premier ministre tenter de former un gouvernement. 

S’il essayait de former un gouvernement, le premier ministre devrait faire assermenter de nouveaux ministres.  Il demanderait alors au gouverneur général de rappeler le Parlement et présenterait un discours du Trône, qui serait suivi inévitablement d’un vote de confiance.

S’il était défait lors de ce vote, le premier ministre devrait remettre sa démission au gouverneur général.  Il pourrait conseiller à celui-ci la dissolution et la tenue d’élections générales, ou recommander que le chef de l’autre parti soit appelé à former un gouvernement.  (La première éventualité soulèverait bon nombre des mêmes questions que la controverse King-Byng; voir la question 9 sous la rubrique « Le gouverneur général ».)  Le gouverneur général devrait tenir compte de nombreux facteurs : le nombre de sièges des deux partis (et des autres partis), le fait qu’il y a eu des offres officielles ou officieuses d’appui à l’autre parti, etc.  Si une telle situation se produisait peu de temps après les élections et que l’autre parti avait une chance raisonnable de former un gouvernement et d’obtenir la confiance de la Chambre, il est probable que le gouverneur général inviterait le chef de ce parti à former le gouvernement.

5.   Si aucun parti n’a obtenu la majorité absolue, de quelles options
             
disposent les partis pour gouverner le pays?

Deux partis (ou davantage) peuvent former une coalition.  Dans un gouvernement de coalition, des membres de différents partis sont réunis au sein d’un Cabinet et contribuent ensemble à l’élaboration de politiques qui deviennent partie intégrante du programme législatif du gouvernement.  Il n’y a eu qu’un seul gouvernement de coalition à l’échelon fédéral dans l’histoire du Canada, mais il ne résultait pas de l’absence d’une majorité absolue.  En 1917, afin d’accroître l’appui à la conscription pour la Première Guerre mondiale, le premier ministre conservateur, sir Robert Borden, a invité certains députés libéraux et indépendants à adhérer à une coalition connue sous le nom de gouvernement d’union, qui a duré jusqu’à la retraite de Borden en 1920.  Les gouvernements de coalition sont plus communs dans les pays dont le système électoral est basé sur la représentation proportionnelle.  D’après C.E.S. Franks, il est plus probable qu’un gouvernement minoritaire fera des concessions à un tiers parti au sujet de politiques et de mesures législatives que d’adhérer à une coalition(20).  Les événements qui se sont produits au cours de la 38e législature viennent corroborer l’observation de Franks.  Le gouvernement libéral a en effet conclu une entente avec un parti d’opposition, en l’occurrence le Nouveau Parti démocratique  (NPD), et des changements ont ainsi été apportés au Budget de 2005 en échange de l’appui des néo-démocrates.

Deux partis (ou davantage) peuvent aussi choisir de conclure un pacte officiel en vertu duquel, même s’il n’est pas représenté au Cabinet, un petit parti convient publiquement par écrit d’appuyer un autre parti au pouvoir pendant une période limitée en échange de concessions précises en matière de politiques.  Le gouvernement minoritaire de l’Ontario, en 1985‑1987, est un exemple de ce type d’arrangement(21).

Une autre option consiste à former une alliance officieuse ou à conclure un accord avec un autre parti, mais sans engagement écrit.  Cela n’est pas aussi officiel qu’une coalition et n’entraîne pas la participation de membres d’un autre parti au Cabinet.  D’après Peter Dobell, l’alliance officieuse de 1972 entre les libéraux fédéraux et le NPD signifiait que « toute politique mise de l’avant et tout projet de loi à soumettre à la Chambre faisaient l’objet de discussions préalables entre les représentants des deux partis […] Parvenu à une entente – et seulement alors –, le gouvernement présentait le projet de loi à la Chambre »(22).

Les gouvernements minoritaires peuvent également aborder la situation en gouvernant au cas par cas, chaque projet de loi faisant l’objet d’une entente distincte avec les partis d’opposition(23).

6.   Lors d’une élection, un gouvernement (Cabinet) conserve‑t-il tous ses
             pouvoirs jusqu’à l’assermentation d’un nouveau gouvernement?

Lorsqu’un gouvernement majoritaire déclenche une élection au moment de son choix (sous réserve des exigences constitutionnelles voulant qu’une élection générale doit avoir lieu au moins à tous les cinq ans), ses ministres et lui conservent tous leurs pouvoirs jusqu’à ce qu’un nouveau gouvernement soit assermenté.

Dans un cas semblable, un gouvernement préférera peut-être faire preuve de prudence pendant une campagne électorale et la période précédent l’assermentation d’un nouveau gouvernement.  À moins d’une urgence, les décisions controversées, les nominations à des postes importants ou les décisions stratégiques susceptibles de lier indûment les gouvernements futurs devraient être reportées jusqu’à l’assermentation du nouveau gouvernement.  Aucune sanction n’est toutefois prévue dans la loi à l’égard d’un gouvernement qui omettrait délibérément de respecter ces restrictions.  (Une sanction politique pouvant prendre la forme d’une défaite électorale n’est toutefois pas à écarter.)

Lorsqu’un gouvernement est défait sur un vote de confiance sans équivoque à la Chambre des communes, les restrictions applicables à sa capacité d’agir avant l’assermentation d’un nouveau gouvernement sont alors plus contraignantes, même s’il n’existe toujours aucune interdiction formelle dans la loi.  Encore une fois, lorsqu’un gouvernement qui a perdu la confiance de la Chambre intervient malgré tout dans les dossiers susmentionnés pendant une campagne électorale (c.-à-d. pendant que la Chambre ne siège pas), il s’expose encore plus à devoir en subir les conséquences lors du scrutin.

La situation d’un gouvernement défait à l’issue des élections et qui attend l’assermentation d’un nouveau gouvernement est plus beaucoup plus claire.  Comme l’a écrit le regretté politologue J.R. Mallory, il existe une solide jurisprudence constitutionnelle en vertu de laquelle un gouvernement qui a été défait aux élections doit s’abstenir de prendre des décisions stratégiques portant à conséquence et de procéder à des nominations importantes(24).  Mallory a résumé les différentes situations évoquées ci-dessus de la façon suivante :

Lorsqu’un gouvernement a été défait aux élections ou à la Chambre des communes, tous les chefs de parti ont l’obligation de collaborer à la constitution d’un nouveau gouvernement.  Tant qu’un nouveau gouvernement n’a pas été formé, il est du devoir du gouvernement sortant de demeurer en poste.  Tant qu’il demeure en fonction, il a l’obligation et le pouvoir de gouverner, même si un gouvernement qui a perdu la confiance de la population ou de la Chambre ne peut prendre que des décisions courantes jusqu’à  ce qu’un gouvernement ayant l’appui de la Chambre puisse être formé.(25)

7.    Combien de temps s’écoule‑t‑il après une élection avant
            
   qu’un nouveau gouvernement assume le pouvoir?

Depuis 1957, dans les élections ayant mené à la formation d’un nouveau gouvernement, il s’est écoulé entre 10 et 14 jours suivant l’élection avant que le nouveau gouvernement ne soit assermenté.  Depuis 1920, la tradition veut que le nouveau ministère soit assermenté quand il est prêt à former le gouvernement(26).

Le tableau suivant indique la date des élections tenues depuis 1957 qui ont entraîné la chute du parti au pouvoir, la date où le nouveau gouvernement a été assermenté et le nombre de jours qui se sont écoulés avant l’assermentation.

 

Date de l'élection Assermentation du gouvernement Délai
25 octobre 1993
4 novembre 1993
10 jours
4 septembre 1984
17 septembre 1984
13 jours
18 février 1980
3 mars 1980
14 jours
22 mai 1979
4 juin 1979
13 jours
8 avril 1963
22 avril 1963
14 jours
10 juin 1957
21 juin 1957
11 jours

 

C.  Le gouvernement majoritaire

1.   En quoi consiste un gouvernement majoritaire?

Les élections du 23 janvier 2006 créeront une Chambre des communes de 308 députés (une augmentation par rapport aux 301 députés issus de l’élection de 2000).  La majorité absolue consiste en 50 p. 100 des sièges – 154 – plus un.  C’est donc dire qu’au moins 155 sièges sont nécessaires pour former un gouvernement majoritaire (voir la prochaine question).

2.   Si le Président appartient au parti ministériel, est-il un élément de la majorité?
              A‑t‑il le droit de vote?

Le Président en fait partie.  L’élection du Président est le premier point à l’ordre du jour de la Chambre lorsque celle‑ci reprend ses travaux.  Le Président ne vote que pour briser une égalité.  Il dispose d’un « vote prépondérant » et non partisan, c’est‑à‑dire que le Président vote afin de permettre que la question soit remise sur le tapis ultérieurement, de reporter la question afin qu’un vote majoritaire soit possible ou de préserver le statu quo.  Par conséquent, si un gouvernement dispose tout juste de la majorité absolue – 155 sièges –, il se trouverait en difficulté après l’élection d’un Président choisi parmi ses députés.

D.  Le gouvernement minoritaire

1.   Qu’entend-on par gouvernement minoritaire?

Un gouvernement minoritaire est un gouvernement dont le caucus ne détient pas la majorité absolue des sièges(27).  Au cours de la 39e législature, un gouvernement qui détiendrait moins de 155 sièges à la Chambre des communes serait minoritaire.

Comme l’expliquait la réponse à la question précédente, si le Président élu fait partie des députés ministériels, une majorité de 155 sièges ne suffira plus, puisque le Président ne vote que pour briser une égalité. 

2.   Quelles dispositions les partis politiques peuvent-ils prendre pour coopérer?
             Qu’est-ce qui les distingue?  Quels sont les précédents?

La politicologue Linda Geller-Schwartz distingue cinq modes de coopération des gouvernements minoritaires, allant de la coalition au pacte en bonne et due forme, en passant par des solutions intermédiaires : entente officieuse, majorités ad hoc au coup par coup et retenue du parti d’opposition permettant au gouvernement d’agir comme s’il avait la majorité absolue(28).

Il n’y a jamais eu de gouvernement de coalition ni d’entente de coopération en bonne et due forme entre partis au niveau fédéral au Canada.

Il y a eu une entente officieuse entre le Parti libéral et le NPD entre 1972 et 1974.

Les formes de coopération assez souples que Geller-Schwartz appelle « majorités ad hoc » ont été observées durant les gouvernements minoritaires de Mackenzie King dans les années 1920 et les gouvernements minoritaires de Pearson dans les années 1960.

Le moindre degré de coopération est associé au cas où les partis d’opposition choisiraient de faire preuve de retenue et de laisser le gouvernement agir comme s’il était majoritaire, par crainte de précipiter des élections où ils craindraient de perdre des sièges.  On a pu observer ce phénomène durant les gouvernements Diefenbaker des années 1950 et 1960, dans les premiers temps des gouvernements Pearson et durant le gouvernement Clark de 1979.

(Voir aussi la question 5 sous la rubrique « Former le gouvernement » ci-dessus.)

3.   Combien y a-t-il eu de gouvernements minoritaires dans l’histoire du Canada?

Gouvernements minoritaires : premier ministre, date des élections générales, durée du Parlement, nombre de jours de séance de la Chambre des communes, taille de minorité
Premier ministre Élections générales Durée de
la législature
Jours de séance de
la Chambre des communes
Minorité*
William Lyon Mackenzie King 12 juin 1921 Du 8 mars 1922
au 27 juin 1925
366 Gouvernement – 116
Opposition – 119
Minorité – 3
William Lyon Mackenzie King (jusqu’au
28 juin 1926)
Arthur Meighen
(du 29 juin 1926 au 24 septembre 1926)
29 octobre 1925 Du 7 janvier 1926
au 2 juillet 1926
111
(Meighen n’a été présent à la Chambre que trois jours)
Gouvernement – 99
Opposition – 146
Minorité – 47
John George Diefenbaker 10 juin 1957 Du 14 octobre 1957
au 1er février 1958
78 Gouvernement – 112
Opposition – 153
Minorité – 41
John George Diefenbaker 18 juin 1962 Du 27 septembre 1962 au 6 février 1963 72 Gouvernement – 116
Opposition – 149
Minorité – 33
Lester Bowles Pearson 8 avril 1963 Du 16 mai 1963
au 8 septembre 1965
418 Gouvernement – 129
Opposition – 136
Minorité – 7
Lester Bowles Pearson 8 novembre 1965 Du 18 janvier 1966
au 23 avril 1968
405 Gouvernement – 131
Opposition – 134
Minorité – 3
Pierre Elliott Trudeau 30 octobre 1972 Du 4 janvier 1973
au 9 mai 1974
256 Gouvernement – 109
Opposition – 155
Minorité – 46
Charles Joseph (Joe) Clark 22 mai 1979 Du 9 octobre 1979
au 14 décembre 1979
49 Gouvernement – 136
Opposition – 146
Minorité – 10
Paul Martin 28 juin 2004 Du 4 octobre 2004
au 29 novembre 2005
160 Gouvernement – 135
Opposition – 173
Minorité – 38

*    À l’issue des élections générales.
Source :  Bibliothèque du Parlement, PARLINFO.

4.   Combien de temps un gouvernement minoritaire peut-il rester au pouvoir?

Un gouvernement minoritaire peut rester au pouvoir aussi longtemps qu’un gouvernement majoritaire – c’est-à-dire cinq ans – pourvu qu’il ne soit pas défait à la Chambre sur une question de confiance.  Une durée aussi longue est plutôt rare.  En général, les gouvernements minoritaires ne restent pas longtemps en place, soit parce qu’ils sont défaits sur une importante question politique, soit parce que le parti au pouvoir ou un parti de l’opposition croit qu’il a de bonnes chances de remporter des élections et qu’il en précipite le déclenchement.

5.   Quand un gouvernement minoritaire peut-il demander la dissolution
             
de la législature pour solliciter un nouveau mandat?

Le premier ministre d’un gouvernement minoritaire peut en tout temps demander la dissolution de la législature (voir aussi la question 9 sous la rubrique « Le gouverneur général » ci-dessus).

6.   Un gouvernement minoritaire a-t-il nécessairement besoin de l’appui
              en bonne et due forme des petits partis pour gouverner?

Non.  Un gouvernement minoritaire peut survivre sans l’appui explicite des petits partis.  Il lui faut espérer que les députés à titre individuel ou ces petits partis l’appuieront ou essaieront au moins d’éviter de le défaire par crainte des conséquences d’élections générales.

7.   Y a-t-il des règles particulières au sujet des gouvernements minoritaires?

Non.

E.  La convention sur la confiance

1.   Qu’est-ce que la « convention sur la confiance »?

La convention sur la confiance est une tradition et un usage parlementaires qui ne figurent ni dans les lois ni dans le Règlement de la Chambre.  Selon cette convention, si le gouvernement est défait à la Chambre sur une question de confiance, on s’attend qu’il démissionne ou demande la dissolution de la législature pour déclencher des élections générales. 

2.   Qu’est-ce qu’un vote de confiance?

Selon Marleau et Montpetit :

3.   Qui décide si un vote est un vote de confiance?

Le gouvernement prend cette décision.  Il peut annoncer, avant un vote, qu’il ne considère pas que le vote en question met en jeu la confiance ou il peut réclamer un vote de confiance en bonne et due forme après qu’il a été défait sur une question traditionnellement considérée comme une question de confiance.

4.   Le gouvernement peut-il être défait à la Chambre des communes
             sans perdre la confiance de la Chambre?

Oui (voir ci-dessus).  Durant le gouvernement libéral minoritaire de Pierre Elliott Trudeau, en 1972-1974, le gouvernement a perdu huit des 81 votes par appel nominal tenus, mais n’a demandé la dissolution que lorsqu’il a été défait sur une question importante liée au budget.  Le gouvernement minoritaire libéral de Pearson a perdu trois votes sans démissionner ni déclencher des élections générales.  Un de ces votes concernait une question budgétaire, mais le gouvernement a alors demandé et remporté un vote de confiance explicite.

5.   Qu’arrive-t-il si le gouvernement perd un vote au Sénat?

La mesure est défaite, mais cela ne touche pas le gouvernement : le rejet d’un projet de loi au Sénat n’entraîne pas la chute du gouvernement, car celui-ci n’est responsable que devant la Chambre élue.

6.   À quel moment peut-on s’attendre de voir le premier vote de confiance
             d’une nouvelle législature?

Le premier vote de confiance se produit vraisemblablement durant le débat sur l’Adresse en réponse au discours du Trône – lequel a lieu lorsque le nouveau Parlement est convoqué.

LE PARLEMENT

A.  La dissolution

1.   Quel est le statut des députés à la Chambre des communes après la dissolution?

En vertu de la loi, les députés à la Chambre des communes cessent d’être députés dès la dissolution de la législature et la délivrance des brefs en vue des élections générales.  

Cet état de choses n’est fondé sur aucune disposition habilitante précise.  L’article 69 de la Loi sur le Parlement du Canada prévoit toutefois ce qui suit :

En cas de dissolution de la Chambre des communes, les députés sortants sont réputés, pour le paiement des indemnités prévues aux articles 55 et 63, conserver leur qualité jusqu’à la date des élections générales suivantes.

Cette disposition déterminative de la Loi sur le Parlement du Canada ne s’applique que pour le paiement des salaires et de certaines indemnités supplémentaires et la prestation de certains autres services(30).  Il ne s’ensuit pas qu’un député conserve ce titre entre la dissolution du Parlement et les élections qui suivent.

La conclusion selon laquelle la dissolution met fin à la charge publique de député à la Chambre des communes est étayée par J.P. Joseph Maingot, qui décrit les circonstances dans lesquelles une personne cesse d’être députée à la Chambre des communes, notamment quand mandat est donné de délivrer un bref pour l’élection d’un nouveau député dans sa circonscription(31).

Le fait de cesser d’être député à la Chambre des communes a une incidence à l’extérieur du Parlement.  Un exemple est relié à la Loi sur la protection des renseignements personnels, dont le paragraphe 8(2) prévoit l’exception suivante à l’application de ses dispositions :

8(2) Sous réserve d’autres lois fédérales, la communication des renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale est autorisée dans les cas suivants :

g) communication à un parlementaire fédéral en vue d’aider l’individu concerné par les renseignements à résoudre un problème;

En d’autres termes, des renseignements personnels peuvent être communiqués à un député.  Cette exception est opportune et logique quand on songe au travail qu’il doit faire dans sa circonscription et qui fait partie intégrante de ses fonctions de député. Le Secrétariat du Conseil du Trésor a réglé la question de ce qui arrive après la dissolution de la législature.  Sa politique, intitulée « Portée de l’alinéa 8(2)g) de la Loi sur la protection des renseignements personnels lorsque le Parlement est dissou[s] » prévoit ce qui suit :

Lorsque le Parlement est dissou[s], les représentants à la Chambre des communes perdent leur statut et leur titre.  Par conséquent, les renseignements personnels sous le contrôle d’une institution gouvernementale ne peuvent plus leur être communiqués en vertu de l’alinéa 8(2)g).  En outre, on ne peut pas user de cette disposition avant que les représentants à la Chambre des communes aient prêté serment.

Les anciens parlementaires peuvent demander des renseignements au sujet d’un particulier qui a sollicité leur aide, à condition que cette personne ait accordé préalablement son consentement.  Dans des circonstances spéciales, les institutions peuvent divulguer des renseignements personnels à d’anciens parlementaires en vertu du sous-alinéa 8(2)m)(ii) « dans le cas où, de l’avis du responsable de l’institution […] l’individu concerné en tirerait un avantage ».  Veuillez prendre note que, en vertu du paragraphe 8(5), les institutions sont tenues d’informer le Commissaire à la protection de la vie privée de tout renseignement divulgué en vertu de l’alinéa 8(2)m).(32)

La politique du Conseil du Trésor signale aussi que, comme les sénateurs demeurent en poste après la dissolution du Parlement, des renseignements personnels peuvent encore leur être communiqués en vertu de l’alinéa 8(2)g) de la Loi.

2.   À quels salaires, indemnités et services les députés ont-ils droit entre les législatures(33)?

Pour assurer la continuité dans l’administration de la Chambre des communes entre les législatures, le budget du Président et celui du Vice-président sont maintenus jusqu’à l’élection de leurs successeurs.

Les services de recherche des partis, les bureaux des chefs et des leaders à la Chambre des partis de l’opposition et ceux des whips en chef de tous les partis peuvent continuer de puiser dans leurs budgets entre les législatures, à condition de ne pas dépenser plus du 1/12e de leurs budgets annuels pour chaque mois entier écoulé entre la date de la dissolution et celle des élections.  Les budgets des présidents des caucus nationaux et des vice-président et vice-président adjoint des comités pléniers sont suspendus dès la dissolution.

Les députés ou dirigeants de la Chambre qui utilisent à des fins électorales l’une ou l’autre des ressources mises à leur disposition pour les aider dans l’exercice de leurs fonctions parlementaires doivent remettre à la Chambre l’équivalent de sa valeur pécuniaire.

B.  Reprise des travaux parlementaires

1.   Qui décide quand commence la nouvelle législature?

Le gouverneur général, sur la recommandation du premier ministre, fixe la date de la reprise des travaux parlementaires(34).

2.   Quand le Parlement doit-il reprendre ses activités après les élections de janvier 2006?

Une proclamation faite le 29 novembre 2005, en même temps que celle qui mettait fin à la législature, convoquait le Parlement pour le 20 février 2006.  Suivant le calendrier établi aux termes des articles 24, 27 et 28 du Règlement, la Chambre des communes doit en principe reprendre ses travaux le 6 février 2006.  Ce calendrier ne vaut toutefois que si la Chambre siège.  Le Sénat devait reprendre ses travaux le 31 janvier 2006.

3.   Un gouvernement (en particulier un gouvernement minoritaire) peut-il
             repousser la date de convocation du Parlement et de la Chambre des communes?

Oui.  La proclamation qui établit la date de convocation du Parlement peut être modifiée.

4.   Quelles conditions la Constitution impose-t-elle relativement à la convocation du Parlement?

L’article 5 de la Charte canadienne des droits et libertés (qui remplace une disposition de la Loi constitutionnelle de 1867) dispose que le Parlement doit siéger au moins une fois tous les 12 mois.

5.   Quelles contraintes concrètes influent sur la convocation du Parlement?

Le Parlement doit voter des crédits pour le gouvernement.  Voir la rubrique « Les finances publiques » ci-dessus.

6.   Le report de la reprise des travaux de la Chambre des communes a-t-il
             un effet sur les salaires, allocations et avantages sociaux des députés?

Non.

C.  La nouvelle Chambre des communes

1.   Quelle législature et quelle session commenceront après les élections de janvier 2006?

Ce sera la 1re session de la 39e législature.

2.   Quand et comment les comités de la Chambre et du Sénat sont-ils constitués?

Au début de la première session d’une nouvelle législature, la Chambre des communes nomme les membres de Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre (la composition de ce comité demeure, d’une session à l’autre, au cours d’une même législature).  Dans les 10 jours de séance qui suivent sa création, le Comité doit établir et remettre à la Chambre un rapport sur la composition de chaque comité de la Chambre.  Dans les 10 jours de séance qui suivent l’adoption du rapport sur la composition des comités, le Greffier de la Chambre convoque tous les comités permanents à se réunir pour élire leurs présidents respectifs.  Après qu’il a élu un président et deux vice-présidents (deux députés du parti du gouvernement et un député de l’opposition), chaque comité adopte les motions de régie interne qui lui permettent d’organiser son travail, notamment par la création d’un « comité directeur ».

Au Sénat, un comité de sélection composé de neuf sénateurs est constitué au début de chaque session.  Ce comité désigne le sénateur qui sera Président du Sénat, de même que les sénateurs membres de certains comités(35).  Une fois la composition des comités déterminée, ceux-ci tiennent une réunion d’organisation durant laquelle ils élisent un président et un vice-président et adoptent les motions de procédure qui leur permettront de fonctionner.

3.   Comment détermine-t-on quel parti constitue l’opposition officielle?
              Qu’arrive-t-il si deux partis d’opposition ont exactement le même
              nombre de sièges, comme cela s’est produit en 1996?

L’usage veut que le parti d’opposition ayant le plus grand nombre de sièges à la Chambre soit désigné comme l’opposition officielle, bien qu’il n’en soit pas fait mention dans les lois ou règlements.  La seule exception à l’usage s’est produite en 1922 lorsque le Parti progressiste a décliné le rôle d’opposition officielle, parce qu’il soutenait le gouvernement.

Quand deux partis d’opposition ont le même nombre de députés, le Président peut être appelé à trancher.  Cela s’est produit en 1996 quand les deux plus importants partis d’opposition, le Parti réformiste et le Bloc québécois, se sont retrouvés avec le même nombre de députés.  Le Président a jugé que l’antériorité était le facteur déterminant et que le statu quo devrait donc être maintenu.

Dans sa décision, le Président Parent a cité deux exemples où, pour une raison ou une autre, le choix de l’opposition officielle a posé des problèmes.  Le premier cas s’est produit en 1983 à la législature de l’Alberta.  Après des élections générales, l’opposition comptait deux députés néo-démocrates et deux députés indépendants.  Le Président de l’Assemblée législative a décidé d’accorder au Nouveau Parti Démocratique le statut d’opposition officielle, en partie sur la base de la proportion du vote populaire recueillie par le parti.

Le second cas s’est produit en 1994, lorsque le Président de la législature du Nouveau-Brunswick a dû choisir entre deux partis comptant le même nombre de députés.  Le Président Parent s’est dit en accord avec la décision du Président de la législature du Nouveau-Brunswick, qui a appliqué le principe de l’antériorité et du statu quo en précisant que : « [F]onder une décision sur des facteurs extérieurs au Parlement, c’est ouvrir la voie ou faire une invite à des décisions futures qui ne trouvent pas leur fondement dans les précédents ni la coutume parlementaires ».

En Grande-Bretagne, en 1918, dans des circonstances très compliquées, les chefs du Parti libéral et du Parti travailliste ont convenu de se diviser la direction de l’opposition officielle, en semaines alternées(36).

D.  Le Président de la Chambre

1.   Quand le Président de la Chambre des communes est-il élu?

Aux termes de la Loi constitutionnelle de 1867 (art. 44), l’élection du Président est la première tâche à l’ordre du jour dès l’ouverture du Parlement après une élection.

2.   Le Président doit-il être choisi parmi les députés du gouvernement?

Non.  À titre d’exemple, le Président Lucien Lamoureux était libéral quand il est devenu Président en 1966, mais il s’est présenté comme candidat indépendant aux élections de 1968 et 1972.  Il a été réélu chaque fois et a retrouvé son poste de Président après chacune de ces élections.  Son successeur, James Jerome (un libéral), est demeuré Président pendant tout le temps où le gouvernement progressiste-conservateur de Joe Clark a été au pouvoir (1979‑1980)(37).

3.   Qu’arrive-t-il si le Président n’est pas réélu à titre de député à la Chambre?

L’élection du Président de la Chambre des communes a lieu de toute façon à l’ouverture d’une nouvelle législature, que l’ancien Président soit réélu à la Chambre ou non.  Elle est présidée par le député ayant le plus grand nombre d’années de service ininterrompu, ne faisant pas partie du Cabinet et ne détenant aucune charge à la Chambre(38).

E.  Le Sénat

1.   En quoi le fonctionnement du Sénat est-il touché par un gouvernement minoritaire?

Un gouvernement minoritaire n’influe en rien sur le fonctionnement du Sénat.  On peut cependant s’attendre à une recrudescence des manœuvres politiques.

2.   L’opposition officielle au Sénat est-elle nécessairement la même
             qu’à la Chambre des communes?

Non.  C’est le parti d’opposition qui compte le plus grand nombre de sénateurs qui constitue l’opposition officielle au Sénat.  Si l’opposition officielle au Sénat dispose de plus de sièges que le parti du gouvernement, l’adoption des projets de loi émanant du gouvernement peut devenir très problématique.

Jusqu’à tout récemment, deux partis seulement étaient représentés au Sénat, généralement ceux du gouvernement et de l’opposition officielle à la Chambre des communes.  En pratique, donc, l’opposition au Sénat était la même qu’à la Chambre.  C’est sans doute ce qui a fait penser à certains, à tort, que l’opposition officielle était nécessairement la même dans les deux chambres.

3.   Comment choisit-on le leader de l’opposition au Sénat?

Le leader de l’opposition au Sénat est choisi par son propre parti, mais suivant un mécanisme qui manque de clarté.  Il semblerait que, à tout le moins jusque dans les années 1960, il était élu par le caucus des sénateurs appartenant au parti en question.

Apparemment, depuis les années 1970, les chefs de parti joueraient un rôle dans le choix du leader de l’opposition au Sénat.  Cela tient peut-être à la personnalité du chef du parti, à une volonté de consolidation du contrôle au sein du parti, ou à une tendance générale vers un type d’action politique axé davantage sur le chef de parti.

On peut aussi dire que la nomination du leader de l’opposition au Sénat par le chef du parti se faisait avec l’accord du caucus du parti au Sénat et que les sénateurs n’ont d’aucune manière abdiqué leur droit de faire eux-mêmes ce choix à l’avenir.

F.  Le Président du Sénat

1.   Quand le Président du Sénat est-il nommé?

Il n’y a pas de règle ou de disposition précise quant au moment où s’effectuent les nominations.  Le premier ministre nomme habituellement un nouveau Président avant la date prévue de convocation de la nouvelle législature.  Ces dernières années, les Présidents du Sénat sont invariablement demeurés en poste pendant la durée de deux législatures.

2.   Le Président doit-il être choisi parmi les sénateurs appartenant au parti au pouvoir?

Il n’y a pas de loi qui exige que le Président soit choisi parmi les sénateurs appartenant au parti au pouvoir, mais le premier ministre nomme habituellement un Président de son parti, en particulier lorsque le gouvernement est minoritaire au Sénat.


(1)    Le document s’inspire en grande partie, mais avec certaines adaptations, d’un document analogue produit au sujet de la transition de la 37e à la 38e législature.  Michael Dewing, Mollie Dunsmuir et Megan Furi avaient participé à la rédaction de ce document.

(2)   On trouvera aussi une liste de questions fréquentes concernant les élections sur le site Web d’Élections Canada.

(3)     Andrew Heard, Canadian Constitutional Conventions:  The Marriage of Law and Politics, Toronto, Oxford University Press, 1991, p. 16.

(4)     Ibid., p. 23 [traduction].

(5)    Ronald I. Cheffins, « La prérogative royale et la charge de lieutenant-gouverneur », Revue parlementaire canadienne, vol. 23, no 1, printemps 2000, p. 18.

(6)     Peter Russell, interview radiophonique à CFRA AM, Ottawa, 2 juin 2004 [traduction].

( 7)     Heard (1991), p. 47 .

(8)     Peter Hogg, Constitutional Law of Canada, 4e éd., Toronto, Carswell, 1997, 9.6(d), renvoi à Eugene Forsey, Freedom and Order, Toronto, McClelland & Stewart, 1974, p. 40 [traduction].

(9)     Heard (1991), p. 23.

(10)     Hogg (1997), 9.6(d); Cheffins (2000).

(11)     Bureau du Conseil Privé, Répertoire des ministères canadiens depuis la Confédération.

(12)     Robert Marleau et Camille Montpetit, La procédure et les usages de la Chambre des communes, Ottawa, Chambre des communes, 2000, p. 46.

(13)     Ibid., p. 47.

(14)     Marleau et Montpetit (2000), p. 731 et 732 (notes omises).

(15)     Ibid., p. 747 (notes omises).

(16)     Ibid., p. 747 et 748.

(17)     Secrétariat du Conseil du Trésor, Rapport sur les Mandats spéciaux du gouverneur général pour l’exercice se terminant le 31 mars 2001.

(18)     Eugene Forsey, Les Canadiens et leur système de gouvernement, 5e éd., 2003.

(19)     Robert Jackson et Doreen Jackson, Politics in Canada:  Culture, Institutions, Behaviour and Public Policy, 6e éd., Toronto, Pearson Prentice-Hall, 2006, p. 258.

(20)     C.E.S. Franks, The Parliament of Canada, Toronto, University of Toronto Press, 1987, p. 49; voir aussi Peter Dobell, « À quoi les Canadiens peuvent‑ils s’attendre advenant un gouvernement minoritaire? », Enjeux publics, vol. 1, no 6, 2000, p. 10.

(21)     Stewart Hyson, « La Nouvelle-Écosse et le “problème” du gouvernement minoritaire », Revue parlementaire canadienne, hiver 1998-1999, vol. 21, no 4, p. 12 à 16.

(22)     Dobell (2000), p. 5.

(23)     Hyson (1998-1999), p. 13.

(24)     J.R. Mallory, lettre au rédacteur en chef du Ottawa Journal, 3 juillet 1953, cité dans les Délibérations du Comité sénatorial sur les accords de l’aéroport Pearson, 1re session, 35e législature, fascicule no 24, p. 6.

(25)    J.R. Mallory, The Structure of Canadian Government, édition révisée, Toronto, Gage Publishing, 1984, p. 82 [traduction].

(26)     Bureau du Conseil Privé, Répertoire des ministères canadiens depuis la Confédération.

(27)     D. Kwavnick, « Gouvernement minoritaire », L’Encyclopédie canadienne, 2005.

(28)     Linda Geller-Schwartz, « Minority Government Reconsidered », Journal of Canadian Studies, vol. 14, no 2, été 1979, p. 68.

(29)     Marleau et Montpetit (2000), p. 37 (notes omises).

(30)     Autrefois, le salaire des députés leur était versé une fois par session (d’où son appellation d’« indemnité de session »).  Dans les faits, cette indemnité est maintenant échelonnée sur l’année civile, et le Parlement a adopté l’art. 69 de la Loi pour que son versement ne prenne pas immédiatement fin dès la dissolution.

(31)     Le privilège parlementaire au Canada, 2e éd., Montréal, Presses universitaires McGill-Queen’s, 1997, p. 22 et 23.

(32)    Secrétariat du Conseil du Trésor, « Portée de l’alinéa 8(2)g) de la Loi sur la protection des renseignements personnels lorsque le Parlement est dissou[s] », Politique no 2004-16, 25 mai 2004.

(33)     Pour avoir tous les détails, voir Chambre des communes, « Dissolution de la législature », Allocations et services aux députés, 2005.

(34)     Selon l’art. 38 de la Loi constitutionnelle de 1867, « [l]e gouverneur général convoquera, de temps à autre, la Chambre des communes au nom de la Reine, par instrument sous le grand sceau du Canada ».

(35)     Une procédure distincte s’applique au Comité sur les conflits d’intérêts des sénateurs (voir le par. 85(2.1) du Règlement du Sénat du Canada).

(36)     Marleau et Montpetit (2000), p. 33; Chambre des communes, Débats, 27 février 1996.

(37)     John Fraser, La Chambre des communes en action, Montréal, Éditions de la Chenelière, 1993.

(38)     Précis de procédure, Chambre des communes, novembre 2003.

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