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Historique de la lutte anti-sectes en France de 1945 à nos jours


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1. Au XIXe siècle 

2. Depuis l’après-guerre jusqu’en 1977 

Remarques générales sur l’évolution des termes « sectes » et « sectaires »  

Chronologie 

3. A partir de 1977 


1. Au XIXe siècle


XIXe siècle :
« A la fin du XIXe siècle et au début du XXe, le mouvement ésotérique était excessivement important en France et on était même leader sur l’Europe. Il y avait tout un tas de mouvements ésotériques, d’associations, de sociétés qui avaient leur siège en France ou en Angleterre et des ramifications partout dans le monde. Il y avait dans ces mouvements-là des écrivains célèbres, des hommes politiques,… Et il n’y avait pas d’incompatibilité, cela semblait aller de soi. Les mouvements ésotériques ont influencé une partie de la littérature de la fin du XIXe, c’était quelque chose de connu et d’avéré. Puis il y a eu un trou jusque dans les années 1950. Ce mouvement s’est re-développé à partir des années 1960 et a pris petit à petit de l’ampleur. »[1]  

1893 : Gabriel Tarde, sociologue qui s’essaya à la criminologie, publie une série d’articles qui paraîtront par la suite sous le nom de « L’opinion et la foule », dont le premier est l’article suivant : « Foules et sectes du point de vue criminel » (in La Revue des Deux Mondes, 15 novembre, P. 349-387) [2]. Dans cet essai, qui explore les notions de foules, de corporations, de public et ce qui les différencie entre elles, la notion de secte est ainsi définie : « Une foule tend à se reproduire à la première occasion, à se reproduire à intervalles de moins en moins irréguliers, et, en s'épurant chaque fois, à s'organiser corporativement en une sorte de secte ou de parti ; un club commence par être ouvert et public, puis, peu à peu, il se clôt et se resserre ; d'autre part, les meneurs d'une foule sont le plus souvent non des individus isolés, mais des sectaires. Les sectes sont les fermens des foules. (…) Rien de plus bienfaisant que la Hanse [3] au Moyen-Âge ; rien de plus malfaisant, de nos jours, que la secte anarchique. Ici et là, même force d'expansion, salutaire ou terrible. » Sont cités comme sectes : les Jacobins, la mafia sicilienne, la camorra napolitaine[4], le nihilisme russe,….

2. Depuis l’après-guerre jusqu’en 1977

Remarques générales sur l’évolution des termes « sectes » et « sectaires »  

Selon une étude réalisée en 2004 par M. Paul Airieau, historien, pour la MIVILUDES , dans le cadre d’un séminaire : « Sectes et laïcité » :

« (Par le) biais du catalogue de la Bibliothèque nationale de France, ont été relevés les livres dont le titre comportait les mots « sectes », « secte », « sectaire », « sectaires », « sectarisme » de 1900 à 2002, et « laïcité » de 1945 à 2002. (…) On obtient ainsi 376 titres, dont la répartition chronologique n’est pas sans intérêt. (…) La première partie du siècle retient l’attention : une production relativement régulière, mais jamais supérieure à trois titres. Avant 1977, la production n’est jamais supérieure à cinq, et certaines années ne comprennent aucun titre. Après 1977, on assiste à une explosion, la production (annuelle) n’étant jamais inférieure à cinq, sauf en 1989 et 2002. 1990-2002, avec une très forte poussée et un sommet en 1996 et 1997, et une chute impressionnante en 2000. Les proportions sont tout aussi éloquentes. Entre 1977 et 2002 sont publiés 69,95% des ouvrages retenus, la période 1986-2002 en concentrant même 51,33% (193 titres). Quant à la période antérieure à 1945, elle concentre 13,56% des titres (51), soit moins que la période 1945-1977 (16,48%, 62 titres). Le thème devient donc socialement important à partir de la fin des années 1970, et très porteur dans la décennie 1990. »[5]

« Les mots « sectaire » et « sectaires » ne sont pas utilisés sur toute la période. Ils sont présents presque uniquement avant 1914 et après 1998, « sectaires » étant même majoritairement utilisé avant 1914 (54,54% des occurrences). Quant à « sectarisme », il est utilisé majoritairement entre 1971 et 1972, disparaît (avec l’exception de 1980) et réapparaît à partir de 2000. « Sectes » et « secte » présentent également des particularités. « Sectes » connaît 56,25% de ses occurrences après 1986, alors que « secte » n’en connaît que 44,23%. Avant 1945 se produisent 8,33% des utilisations de « sectes », mais 16,34% de celles de « secte ». Un changement paraît s’être produit : les « sectes » ont remplacé la « secte », et la mutation s’est accentuée à partir des années 1950, encore plus après 1977. Ces éléments laissent donc supposer des déplacements dans la signification des mots qu’il faudra préciser.»5

« Avant 1945, la question des « sectes » est quasiment inexistante. (…) Dans les années 1950, outre l’utilisation sociologique et descriptive, on voit apparaître la polémique catholique contre les groupes religieux non catholiques en expansion en France : Témoins de Jéhovah, adventistes, baptistes, mormons, essentiellement. »[6]

Chronologie

1946 : Jean Herbert, auteur de nombreux ouvrages consacrés à l’Hindouisme, fonde la collection Spiritualités vivantes chez Albin Michel.

« Pour qu’une véritable discipline de persuasion des masses se crée, il faudra attendre les véritables manipulateurs du symbolisme politique, apparus aux États-Unis au milieu des années 50. Ces maîtres d’une discipline d’un nouveau genre faisaient la synthèse des travaux de Setchenov et de Pavlov (la psychologie soviétique) et de leurs réflexes conditionnés, de Freud et de ses images du père, de Rienman et de son idée de concevoir les électeurs américains comme des spectateurs consommateurs de la politique. »[7]

1950 : « Le renouveau de l’ésotérisme en France commence fin des années 1950 avec Le matin des magiciens [8] de Louis Pauwels, puis la revue Planète. » [1] 

« Vers les années 50-60, l’Occident voit une soif de verticalité s’exprimer soudain en de nombreuses personnes hors des Eglises traditionnelles. Il est difficile de rendre compte de l’incroyable diversité et multiplicité des enseignements et pratiques qui apparaissent alors et du bouleversement quont pu vivre des millions de personnes à travers eux. Certains voyagent à la rencontre de l'Orient et de ses traditions ancestrales ; ils rapportent des images, des textes, et leur propre interprétation de ces rencontres qui en inspirent d'autres à leur tour. »[9]

« L'expression brainwashing (lavage de cerveau) apparaît pour la première fois le 24 septembre 1950 dans un article du Miami Daily News traitant de méthodes utilisées par les communistes chinois pour « retourner » des prisonniers de guerre ou des détenus politiques. Il était signé par Edward Hunter, journaliste qui fut aussi agent de l'OSS puis de la CIA. Dick Anthony et Massimo Introvigne distinguent trois périodes dans l'histoire de la notion de « lavage de cerveau »: la période anticommuniste de 1950 à la fin des années 1960, la période de la « première guerre anti-sectes » dans les années 1970-1980 et la période de la « seconde guerre anti-sectes » dans les années 1990. »[10]

« Le maccarthysme est un épisode de l'histoire américaine connu également sous le nom de « Terreur Rouge » (Red Scare), qui s'étala approximativement de 1950 à 1956. Elle désigne non seulement la procédure inquisitoriale menée par la commission du Sénateur Joseph McCarthy consistant à traquer d'éventuels agents, militants ou sympathisants communistes aux États-Unis mais également une ambiance politique consistant à réduire l'expression d'opinions politiques ou sociales jugées défavorables, en limitant les droits civiques sous le motif de défendre la sécurité nationale. »[11] Elle est considérée par certains observateurs comme un précédent à la campagne anti-sectes en France, jugée parfois comme un paravent commode à l’introduction d’une législation visant à réduire les libertés individuelles à des fins assez éloignées des motifs d’origine.

1951 : Parution des trois livres doctrinaux du Christ de Montfavet. « D’abord à Noël 1947, puis à la même date en 1950, il se révèle à sa famille comme une nouvelle incarnation de Jésus-Christ, le Christ revenu sur la terre, révélation qui sera communiquée au grand public à partir de février 1954. Cependant, dès fin décembre 1950, de nombreux tracts sont distribués dans toute la France et même en-dehors de nos frontières, tracts ayant pour titre Hier Jésus de Nazareth, aujourd’hui Georges [Roux] de Monfavet! Immédiatement une mission, l’Agence Chrétienne d’information, s’établit à Paris 12. »

« Le nombre d'études réalisées en sociologie des religions en France et en Belgique ces dernières années est très impressionnant.  Non seulement y a-t-il un grand nombre de rapports sur le pourcentage de ceux intéressés dans la religion en rapport avec la population globale, avec des comparaisons par régions, communautés, sexe, âge, classe et occupations, mais un nombre important d'enquêtes exhaustives par des paroisses et des diocèses, des tentatives ont été faites pour mesurer les effets de l'éducation, de l'appartenance à une classe sociale, du logement sur les croyances religieuses, pour confirmer les résultats d'un changement social ou d'une mobilité territoriale sur la croyance religieuse et, en France, pour établir un lien entre la religion et le choix politique. (...) Les études modernes en France et en Belgique sont en majorité conduites par des Catholiques qui n'ont pas reçu de formation sociologique préalable. » [13]

1953 – Parution du livre de M. Colinon, Faux prophètes et sectes d'aujourd'hui, Plon, 1953, coll. Présences.

1954 : « Le révérend Sun Myung Moon fonde officiellement, à Séoul, l'Association du Saint-Esprit pour l'Unification du Christianisme Mondial (communément appelée « Église de l'Unification », ou Moon). Dès 1957, trente villes et communes coréennes voient s'ériger de nouvelles églises. En 1958, il envoie ses premiers missionnaires vers le Japon voisin, et en 1959, sa première mission arrive en Amérique. »[14]

« La Scientologie, ou Église de Scientologie, une organisation fondée aux États-Unis par L. Ron Hubbard. promeut une méthode appelée « dianétique » par son fondateur et propose plus largement un ensemble de croyances et de pratiques relatives à la nature de l'homme et de sa place dans l'univers. »[15] En 1954, fondation de la première Église de Scientologie.

1959 : « En 1959, la spiritualité indienne n'est encore connue en France que dans des cercles restreints. Arnaud Desjardins, réalisateur et chrétien pratiquant le yoga, part vers l'Inde en voiture. Il compte approfondir ses connaissances en yoga, mais aussi découvrir et faire découvrir, par la télévision, un autre monde. D'ashram en ashram, il rencontre les plus grands maîtres du XXe siècle : Swami Shivananda, Mâ Ananda Môyi, Swami Ramdas, Ramana Maharshi. Il en ramène un film fondateur, Ashrams, et un livre éponyme. Ces deux œuvres font découvrir à toute une génération qu'un autre monde est possible, et qu'à l'Orient souffle l'Esprit. Arnaud Desjardins avait ainsi ouvert la route de Katmandou. (…) Texte séminal, qui marqua toute une époque, Ashrams reste le témoignage vivant d'un monde toujours présent. »[16]

1960 : Alain Danielou (1907-1994), écrivain, musicologue, philosophe et traducteur, revient en France après 25 ans passés en Inde où il a vécu, étudié et professé. Il publie « Mythes et dieux de l'Inde. Le polythéisme hindou », dans lequel il cherche à « permettre une meilleure compréhension de la conception hindoue de la multiplicité du Divin et des dangers inhérents à l'illusion monothéiste. »[17]. Il est revenu en France pour parler avec force de la pertinence actuelle « d'une mythologie symbolique, d'une cosmologie qui ne sépare pas religion, métaphysique et science ».

1966, Bhaktivedanta Swami Prabhupada, fondateur de l’« Association Internationale pour la Conscience de Krishna » (AICK, ou ISKCON[18] en Anglais) s'embarque dans un cargo partant de l’Inde pour les Etats-Unis. Seul, il débarque à New-York.

« Les six premiers mois à New York sont difficiles. Un groupe de disciples de plus en plus grand commence cependant  à se rassembler autour de lui. Ils se rendent souvent avec Swami Prabhupada au jardin public Thompkins Square Park, pour y pratiquer le chant sacré du Nom de Dieu. Prabhupada y organise la première réunion de chant en plein air (sankirtan) qui se soit jamais produite en-dehors de l'Inde. Le développement de son mouvement, bien présent de nos jours, est fulgurant. En moins de dix ans, il fera connaître le mantra Hare Krishna dans les cinq continents en y instaurant plus d'une centaine de centres. » [19]

Le 16 juin 1966, l’ORTF diffuse une émission présentée par Arnaud Desjardins, Le bouddhisme, le message des Tibétains.[20] « Arnaud Desjardins publie plusieurs ouvrages à la fin des années 60 qui auront un grand retentissement dans le public français et contribueront grandement à faire connaître les spiritualités orientales, en particulier indiennes et tibétaines.[21] »

1968 : « L'année 1968 est marquée par une série de révoltes principalement étudiantes un peu partout sur la planète. Début du « Printemps de Prague » en Tchécoslovaquie, affrontements entre étudiants et policiers en Italie,  puis aux Etats-Unis et en Pologne en février. (…) Émeutes dans la plupart des grandes villes des Etats-Unis après l’assassinat de Martin Luther King le 4 avril. Des émeutes estudiantines éclatent ensuite à Tokyo, bientôt suivie par la France en mai. Un violent affrontement entre policiers et manifestants indépendantistes à Montréal, le 24 juin 1968, où 290 personnes sont arrêtées et 125 blessées, entrera dans l’histoire québécoise sous le nom de « lundi de la matraque ». (…) Les étudiants américains s’insurgent contre la guerre du Viêt Nam et remettent en cause le modèle de vie américain. Le 2 octobre 1968, en début de soirée, la « Noche Triste », l'armée mexicaine ouvre le feu sur des étudiants rassemblés sur la place des Trois Cultures de Tlatelolco à Mexico.

« L'année 1968 traduit un tournant dans les mentalités, en France comme dans le reste du monde occidental. (…). La jeunesse étudiante se montre à l'écoute de penseurs radicaux comme Michel Foucault, Jean-Paul Sartre, Louis Althusser, Noam Chomski et Herbert Marcuse. »

« En février 1968, les Beatles, Mike Love (Beach Boys) et Donovan s’envolent vers l’Inde pour rendre visite à Maharishi Mahesh Yogi. Les Beatles écrirent plus de trente chansons à Rishikesh, à l’ashram de Maharishi, dont leur « Album Blanc » témoigne.  Les Beatles firent du Maharishi le maître spirituel indien le plus célèbre de la planète. »[22]

« Les premiers disciples de Moon sont venus dans notre pays le 12 novembre 1968, appelés à cette époque: les Pionniers du Nouvel Age. »[23]

Les Enfants de Dieu (EDD, ou Children of God, COG), connus plus tard sous le nom de La Famille d’Amour, La Famille , et maintenant La Famille Internationale (The Family International, TFI) est un mouvement fondé en 1968 par le pasteur David-Brandt Berg. Ce dernier fut un prédicateur télévangéliste qui souhaitait porter le message de l’Evangile à la jeunesse hippie des Etats-Unis. Il se fit appeler par ses disciples Moïse-David ou simplement MO. Il mit fin à ses nombreuses pérégrinations pour s’installer, en 1968, à Huntington Beach, en Californie. Les Enfants de Dieu, souvent désignés comme « secte » par les médias et certaines organisations gouvernementales, faisait partie des mouvements qui ont donné naissance à la controverse sur les sectes des années 70 et 80 aux Etats-Unis et en Europe.

1969 : Création de l’Aumisme par Gilbert Bourdin, ou Sa Sainteté Hamsah Manarah, ou Messie Cosmo-planétaire.

« Il s’est réellement passé quelque chose dans les années 1970 quant aux « sectes », qui s’est accentué après 1995. »[24]

1971 : Le premier groupe anti-sectes historique organisé est américain : FREECOG (Free the Children of God : Libérez les Enfants de Dieu). Il a été formé en grande partie en réponse au dévouement total demandé aux membres des Enfants de Dieu et aux supposées techniques de contrôle mental utilisées par ce groupe. Parmi les fondateurs de FREECOG se trouvaient Ian Haworth, William Rambur, John Moody et Ted Patrick, l’un des pionniers du deprogramming. « En juillet 1971, des membres des Enfants de Dieu entrèrent en contact avec le fils et le neveu de Ted Patrick sur Mission Beach, en Californie, et ceux-ci se préparèrent à rejoindre l’organisation. Quand Patrick entendit leur récit et qu’il commença par la suite à recevoir des plaintes de parents au sujet de leurs enfants qui rejoignaient le groupe, il se sentit de plus en plus concerné par cette organisation et décida d’enquêter sur ses activités. Dans le cadre de son enquête, il infiltra le groupe et en devint membre en tant que nouveau disciple. Peu de temps plus tard, il fonda, avec plusieurs parents concernés de membres des Enfants de Dieu, une organisation appelée The Parents' Committee to Free Our Children from the Children of God (renommée par la suite Free the Children of God ou FREECOG). Patrick était largement reconnu comme le premier déprogrammeur et l’initiateur du terme « deprogramming ». Pourtant, ce n’est pas avant sa première séance de déprogrammation (d’un ex-membre des Enfants de Dieu) qu’il commença à utiliser ce terme. »[25]

« Nonobstant la sympathie de quelques autorités politiques locales, dans sa forme plutôt simple des origines le mouvement anti-sectes n’avait pas de grandes chances de succès. Par contre - d’après le modèle résumé par Shupe et Bromley - trois facteurs de développement ont permis une croissance presque continue du milieu des années 1970 jusqu’à la fin des années 1980. Il s’agit de la consolidation organisationnelle, de la professionnalisation et de l’expansion des cibles[26]. D’une part, il faut reconnaître que les mouvements anti-sectes, qui étaient nés comme groupes locaux, furent capables (également grâce à leurs bonnes relations avec une certaine presse) de se lier entre eux à l’échelle nationale et de mettre ensemble des personnes qui, à l’origine, ne s’intéressaient qu’à un groupe particulier (par exemple aux Enfants de Dieu ou à l’Église de l’Unification). Des groupes non structurés créèrent, peu à peu, des structures visibles et importantes. Shupe et Bromley insistent d’ailleurs sur le fait que, surtout avant 1980, cette consolidation organisationnelle n’aurait pas été possible sans le rôle de « liant » joué par les déprogrammeurs. Il est vrai que, par la suite, les plus grands mouvements anti-sectes - après le passage des tribunaux américains d’une certaine indulgence à la plus grande sévérité envers la déprogrammation – en sont arrivés à se déclarer contraires à cette pratique, au moins de façon publique. D’après Shupe et Bromley, « les déprogrammeurs violents comme Ted Patrick ont été relégués de plus en plus sur la marge, en réalité toujours honorés symboliquement par les mouvements [anti-sectes] à l’intérieur comme héros fondateurs, mais soigneusement cachés à la vue publique[27]. »

1972 « Les Enfants de Dieu s’implantent en France à partir de 1972. Ils rejettent les institutions de ce monde (famille, société) et prônent la libération sexuelle, tout en attendant le retour de Jésus-Christ pour lutter contre la dictature de Satan sur Terre. »[28]

1974 – Le dimanche 19 mai 1974, Valéry Giscard d'Estaing (48 ans) devient le troisième président de la Ve République.

« Jusque-là employé par une Église reconnue et institutionnalisée (au moins par l’effet du temps) pour qualifier des groupes schismatiques, le terme « secte » est rapidement employé pour désigner des groupes arrivés récemment sur le territoire national, et qui dénotent dans le paysage socioculturel de l’époque. Qu’ils se réfèrent, de manière plus ou moins lointaine, aux textes ou à l’esprit de la religion catholique (Moon, Enfants de Dieu) ou à un tout autre culte (Krishna), ils ne passent pas inaperçus. (…) Ces thèmes, particulièrement étrangers à la culture dominante française des années 1970, font que ces trois groupes sont particulièrement remarquables. Surtout, les pratiques mises en œuvre attirent l’attention et une certaine réprobation (qui n’est toutefois ni catégorique, ni générale). Elles partagent une certaine défiance vis-à-vis de l’institution familiale, et la plupart des adeptes sont invités à prendre des distances avec la leur. Pour beaucoup, cela passe alors par un voyage à l’étranger. De même, la méfiance généralisée à l’égard de la société (ce qui n’empêche pas un prosélytisme important) les pousse à limiter les contacts avec les non-adeptes, ce qui renforce l’impression communément partagée d’exclusion. Mais ce sont les faits divers des journaux qui vont les faire connaître progressivement au public. Les adeptes de l’AICK (Krishnas), vêtus de saris blancs ou safrans (crâne rasé pour les hommes), pratiquent un végétalisme strict et refusent toute « intoxication » (drogue, tabac, alcool, café, thé) et récitent le Maha Mantra plusieurs heures par jour, en vue de se purifier et d’attirer les conversions. »[29]

« L’Association pour l’Unification du Christianisme Mondial s’implante en France vers le milieu des années 70. Prenant ses distances avec certains points issus de la tradition chrétienne, elle affirme que le Révérend Moon est le « Seigneur du Second avènement », venu achever l’œuvre de Jésus-Christ sur terre, en fondant une famille parfaite. Proclamés,  « vrais Parents » des adeptes, Moon et son épouse prennent place à côté des Etats-Unis dans la lutte contre l’incarnation de Satan, le communisme (à ce titre, le Révérend Moon sera reçu très officiellement à la Maison Blanche par Richard Nixon). »[30] « L'organisation actuelle date de 1976, sous la forme juridique d'une Association 1901. » [30a]

« Beaucoup de ces jeunes quittent la France pour les États-Unis. Le révérend Moon y mène la campagne du Day of Hope qui culmine avec le discours du Madison Square Garden de New York le 18 septembre 1974 : un tournant. La presse américaine se déchaîne et l’onde de choc touche la France quelques mois plus tard. »[31]

« La presse française se fait l’écho de mariages gigantesques célébrés par le Révérend Moon entre plusieurs milliers de couples. Des photos largement diffusées montrent des alignements de couples – tous vêtus à l’identique - attendant sa bénédiction nuptiale. »[29]

« Moins remarquées, les pratiques des Enfants de Dieu suscitent toutefois une indignation de ceux qui en ont vent. On évoque alors la méthode du Flirty Fishing, prônée par Moïse David, et qui consiste à inciter les jeunes femmes du groupe à séduire les hommes pour les amener à se convertir ou à financer le mouvement. Mo déclare : « Le petit poisson flirteur utilise tous les appâts dont il dispose pour ramener à Dieu toutes les âmes égarées » [29]

Dans le milieu des années 70, tandis que les Enfants de Dieu et d’autres nouveaux mouvements religieux grandissaient et se répandaient partout dans le monde, un mouvement anti-sectes plus vaste commença à se développer aux Etats-Unis, en Europe Occidentale et ailleurs. Au début des années 80, de nombreuses associations de parents se regroupèrent pour former le CAN (Cult Awareness Network).

« En octobre 1974. à leur domicile de Chantepie, Claire et Guy Champollion sont inquiets. Un de leurs enfants. Yves, 18 ans, n'est pas rentré. (...) En moins d'une journée, ses parents découvrent (...) l'existence d'un mouvement « religieux »: l' « Association pour l'unification du christianisme mondial ». Guy Champollion prend aussitôt la route de Lyon (...). Sur place, les choses se compliquent : Yves ne veut pas rentrer chez lui. (...) Le retour d'Yves dans le giron familial sera de courte durée. Après une nuit passée chez ses parents, il rejoindra la secte... qu'il n'a plus quittée depuis trente ans. Les époux Champollion perdent un fils et entament un combat auquel ils vont consacrer toute leur vie. (...) [Ils] déposent, le 18 décembre 1974 à la préfecture d'Ille-et-Vilaine, les statuts de l'Association pour la défense des valeurs familiales et de l'individu (qui deviendra ADFI). »[32]

« L’association « antisectes » fondée par les Champollion (parents d’un mooniste qui a adhéré à Rennes en 1974)[33] se baptise elle-même « Association de Défense de la Famille et de l’Individu » par un curieux phénomène de mimétisme théologique avec l’objet de son exécration. Interrogée sur le choix de ces termes, madame Champollion dira d’ailleurs plus tard son embarras sur cette terminologie. »31 

« L’ADFI se ramifie jusqu’au début des années 1980 et obtient en même temps une reconnaissance des pouvoirs publics : subvention du Ministère de la Santé en 1977 puis en 1978 qui lui permet d’ouvrir un centre d’accueil et un secrétariat permanent, d’engager des permanents, subvention de la DASS , de la Fondation de France, du Ministère de la Jeunesse et des Sports, agrément du Ministère du Temps libre. »[34]

« L'ADFI déclare immédiatement son attachement aux théories pseudo-scientifiques des psychiatres américains, notamment John Clark, Louis West et Margaret Singer visant à une « normalisation de la société ». Cette dernière serait mise en péril par les nouveaux mouvements sectaires. »[35]

« Le phénomène de résonance entre le cri du cœur des proches et l’effet tam-tam de la presse locale serait incomplet sans l’entrée en scène du Père Pierre Le Cabellec. Dans une Bretagne catholique, le verbe d’un prêtre de paroisse donne à la croisade de l’ADFI et de Ouest-France le côté inquisitorial qui manquait pour susciter une panique collective. C’est là qu’on voit combien la fabrication de l’image est aléatoire. Dans la phase dite de « la secte Moon », où le pouvoir politique reste neutre, l’adversaire joue la carte de l’horreur religieuse : Moon est alors un « gourou », « le messie coréen » qui abuse de la crédulité des « adeptes » et les « endoctrine » avec une « hérésie ».  D’autres « sectes » font alors parler d’elles, comme les Enfants de Dieu, la Scientologie ou encore le mouvement de la Conscience de Krishna, mais le vocable trisyllabique « la secte Moon » alimente les fantasmes. Ce mouvement apparaît alors comme l’archétype le plus pur du « phénomène sectaire ».  Plus tard, l’image de « l’Empire Moon » joue plutôt la carte de l’horreur politique. L’État, craignant de jouer les Néron, cherche à nier le côté religieux du moonisme et de l’antimoonisme. Alors que les religions établies, du temps de « la secte Moon » avaient montré quelque solidarité spirituelle avec les familles et conseillé l’ADFI, elles vont soupçonner l’État d’empiéter sur un domaine qui ne le regarde pas. L’ADFI renonce d’ailleurs au vernis confessionnel des débuts, acceptant l’instrumentalisation du pouvoir qui la déclare d’utilité publique et lui donne des subventions. Dans la phase de « la secte Moon », l’ADFI attirait les parents de moonistes. Dans la phase de « l’Empire Moon », elle les fait fuir et l’ADFI tend à devenir une coquille vide : les parents de moonistes s’en éloignent, préférant pacifier leurs rapports avec leurs enfants. L’État s’est servi de la haine tribale initiale pour régler ses comptes en encadrant l’ADFI. » [36]

« L'action de ces associations est relayée et appuyée par les parlementaires. En 1974 et 1975, deux projets de mission d'information parlementaire sont lancés, mais n'aboutissent pas, et c'est dans le cadre de la commission des lois qu'est lancée en 1978 une action d'information. Alain Vivien, député de la Seine-et -Marne, est le parlementaire le plus impliqué dans le sujet. »[37]

1975 – « Lors d'un voyage en Corée, le révérend Sun Myung Moon préside au rassemblement le plus important jamais vu au monde, réunissant plus d'1,2 million de participants, dans le cadre du « Rassemblement mondial pour la liberté coréenne ». Cette année-là, il envoie des missionnaires dans cent vingt autres pays du monde. »

« L’Association Internationale pour la Conscience de Krishna, née en 1966 à l’instigation de S. Prabhupada,  connaît elle aussi un développement rapide en Occident. S’appuyant sur les textes sacrés de l’Hindouisme (dont elle ne diverge fortement que sur un point : Krishna est Dieu, et non un « avatar de Vishnu »). La prière et la méditation sont considérées comme le meilleur moyen de ne pas se perdre dans les turpitudes du monde contemporain, l’âge noir de Kali. »[38]

Les médias se font l’écho de cette richesse et de cette variété d’approches spirituelles nouvelles.

Dans une émission du 5/4/1975, TF1 présente un reportage sur l'engouement des jeunes pour les religions orientales, et les adeptes de la secte Hare Krishna. Alternance de séquences illustrant leur vie entre cours de yoga et méditation, et témoignages des adeptes. Dans une interview du prêtre catholique Maurice MAUPILIER : « Monsieur, pourquoi les jeunes ont-ils si facilement adopté ces mouvements orientaux ? » Réponse : « Comme la société ne les satisfait pas, comme ils ne sont pas engagés dans cette société, ils s’y refusent et cherchent quelque chose ailleurs, qui leur donnera un grand élan et un sens nouveau à leur vie. » « Est-ce que ces religions orientales remettent en cause les religions traditionnelles occidentales ? » « Bonne question. Elles les mettent certainement en cause. Et elles les mettent en cause plus profondément que jamais aujourd’hui. De deux choses l’une : ou ces religions que vous appelez occidentales, ces religions traditionnelles en Occident, n’ont plus rien à dire à l’homme d’aujourd’hui et de demain, à partir de ce moment-là une remise en cause est parfaite car elle les fait mourir. Elle contribue à leur dissolution, tout le monde voit clair et c’est très bien. Ou bien ces religions de type traditionnel en Occident ont encore quelque chose à dire à l’homme, alors une remise en cause de ce genre est extrêmement profitable car elle fera que ces religions se débarrasseront de bagages qui sont superflus, se rénoveront et, revenant à leurs racines, à leur profondeur essentielle, elles pourront peut-être trouver une forme adaptée pour dire à l’homme d’aujourd’hui et de demain juste ce qu’il cherche et qu’il n’a pas. »[39]

Un reportage sur la communauté bouddhiste du château de Plaige, en Saône et Loire, à 40 kms d’Autun, au journal de 20h sur l’A2 le 7/8/1976, Bouddha sur Saône, décrit la vie dans cette communauté de prière et interroge les habitants du village alentour, dont tous les témoignages sont élogieux. Le journaliste commente : « Une expérience qui a permis à ces jeunes de réapprendre à vivre heureux. Le projet de Kalu Rimpoche, c’est sans doute d’abord cela ». En fin d’émission, une chanson de Guy Skornik : « Partout où je regarde, je ne vois que Tao… » [40]

On peut également noter l’apparition du thème des sectes à la radio, comme dans cette Radioscopie de Jacques Chancel où Michel Viot, pasteur chrétien protestant à l’époque,  mentionne « une  recrudescence des sectes sataniques ». (Radioscopie  de Michel Viot avec Jacques Chancel, Radio France, le 17 juin 1975) [41]

« En janvier 1975, Ouest France est le premier organe de presse du monde à parler de « la secte Moon (…) Quand « la secte Moon » fait sa première entrée dans l’actualité française en 1975, le mouvement existe déjà depuis 7 ans et a gagné toutes ses figures historiques ou presque, sans attirer l’attention. Mais pendant un an, il occupe le devant de la scène avec des pics en janvier-février 1975, juin 1975 et janvier 1976. La haine persécutrice culmine avec l’enlèvement de Marie-Christine Amadéo[42] et le plastiquage du centre mooniste de la Villa Aublet. Ces douze mois verront le terme de « secte Moon » marquer en profondeur l’opinion publique française puis mondiale. (…) Dans la phase de « la secte Moon », celle-ci est accusée de « voler » les enfants à leurs parents, de leur « laver le cerveau ». Or Marie-Christine Amadéo, pourtant majeure quand elle adhère à l’Église de l’Unification, sera enlevée deux fois par sa parenté. » [43]

« La vague du moonisme à Rennes bute soudain sur trois écueils : l’ADFI née à Rennes représente le ressentiment des familles qui se disent « brisées » par la secte Moon. Ce cri du cœur et des tripes, Ouest-France lui donne une amplification régionale : le quotidien (conscience de l’Ouest et voix de la tribu bretonne) dénonce le péril et alerte la France entière. Enfin, le Père Le Cabellec agite le danger de l’hérésie. Par ses explications théologiques sommaires, il amène le pays à se passionner pour des questions christologiques : le Christ est-il Dieu ou pas ? Y a-t-il une trinité ? Jésus est-il venu pour mourir sur la croix ? Pendant des années, ces questions reviendront sans cesse à propos de « la secte Moon ». Elles disparaîtront à l’époque de « l’Empire Moon ». Le phénomène français de la « secte Moon » s’explique donc par un trio régional : la tribu des familles trahies déclenche les foudres de la presse et du clergé local contre de jeunes hérétiques, dans un pays où l’abaissement de la majorité a remis en cause des siècles de rapports entre parents et enfants. Ce cocktail explose en janvier 1975, avec un nouveau pic en février. Pour la première fois en effet, la France sidérée découvre à la télévision les « mariages de masse » célébrés par Moon et son épouse. Le 8 février 1975, 1 800 couples reçoivent à Séoul la Bénédiction des Vrais Parents ; parmi ces nouveaux couples, il y a six français. PARIS MATCH publie un long reportage sur l’événement et n’hésite pas à titrer : « Moon, le dieu vivant nous prend nos enfants. » 36

« A la mort de mon mari (en 1975), il y avait des ADFI à Lyon, Toulouse, Bordeaux, Lille, Paris. A Nancy, DEFI (Défense de l'Enfant, de la Famille et d'Individu) s'occupait spécialement des « Enfants de Dieu ». Les responsables des ADFI ont informé le plus de dirigeants possible : religieux, civils, administratifs, politiques (Ministère de l'Intérieur par exemple : Guy a fait des rapports pour la Police Judiciaire - Si le fonctionnaire l'écoutait avec compréhension et sympathie, et transmettait, il ne se faisait et ne lui laissait guère d'illusion sur la destination finale de ces rapports : le placard). » (Témoignage de Claire Champollion dans BULLES, 1er trimestre 1992)

1976 – « Création de l'ADIF (Association de la Défense de l’Individu et de la Famille ) en Belgique par Mme Julia Nyssens-Dussart. »[44] « Juriste de formation, Julia Nyssens était la fondatrice et présidente de l’Association de Défense de l’Individu et de la Famille (ADIF), créée en 1976, suite au procès et à la condamnation des frères Melchior, fondateurs des Trois Saints-Coeurs. »[45] « C'est à elle que l'on doit la mobilisation générale antisectaire qui a débouché en 1997 sur la commission d'enquête parlementaire belge. »[46]

« En 1976, Jo Di Mambro fonde le Centre pour la Préparation de l'Âge Nouveau. »[47]

« En 1976, Madame Lidwine Ovigneur, dirigeante de l’ADFI de Lille, déclare au journal L’Aurore à propos de Brigitte Backeland, une jeune adepte de l’Église de l’Unification, qu’après l’ « enlèvement », elle « se repose maintenant à la campagne où elle va être déprogrammée ». Ce n’est pas le premier cas, d’après Madame Ovigneur, qui ajoute : « Nos techniques de déprogrammation sont maintenant bien au point, grâce notamment aux expériences américaines » (Francis Schull, « L’étonnante histoire d’un patron ‘mooniste’ », L’Aurore, 27 janvier 1976) La jeune femme « déprogrammée » a porté plainte pour coups et blessures volontaires, tentatives de viol et menaces de mort. »[48]

3. A partir de 1977

« Une démocratie libérale distingue d’abord entre la fonction spirituelle et la fonction temporelle, puis, au sein de cette dernière, entre les fonctions législative, exécutive et judiciaire. Elle confie ensuite chacune de ces fonctions à des pouvoirs différents, indépendants l’un de l’autre. » [49]

1977 : Parution du livre d’Alain Woodrow : Les nouvelles sectes, qui symbolise la mutation d’une polémique essentiellement doctrinale contre les groupes religieux non catholiques à une présentation des groupes religieux minoritaires « bientôt accompagnée de leur dénonciation comme associations totalitaires à masque religieux. »[50]

Suicide de Patrick Esnault, un jeune mooniste.

« La presse française a inventé deux expressions qui ont fait mouche dans l’imagerie populaire mondiale : en janvier 1975, Ouest France est le premier organe de presse du monde à parler de « la secte Moon ». Dans les années 1980, Jean-François Boyer, grand reporter à TF1 signe un best-seller traduit dans de multiples langues : « L’Empire Moon ».  « La secte Moon » et « L’Empire Moon » : deux trouvailles journalistiques percutantes, imprimant dans le zeitgeist deux images ou deux galaxies mentales comportant des sous-ensembles : « La secte Moon » évoque des images de messie coréen, mariages collectifs, privations de sommeil et de nourriture, zombies, dépersonnalisation, lavage de cerveau. « L’Empire Moon » est un univers de moines-soldats, de stratégie de l’araignée, d’infiltration, de noyautage. Ces deux images appliquées à un même objet ne sont pas compatibles : la première évoque la subversion d’un personnage oriental tout-puissant venu « voler nos enfants », les empêcher de réaliser les ambitions et espoirs placés en eux par leurs parents. Les clichés faciles vont fuser : « D'un côté, des organismes puissants, riches, habiles à recruter. De l'autre, des individus - souvent très jeunes - épris d'idéal, qui abandonnent famille, études, carrière pour suivre ce qu'ils croient être leur voie spirituelle ». La deuxième image suppose qu’une multitude de révérends Moon sont parmi nous, fort intelligents et motivés et travaillent à subvertir nos élites. Certes, ces deux images suivent l’évolution objective du mouvement lui-même qui a changé de nature et de méthode. Mais ces deux images sont aussi des « clichés » du temps qui passe, deux photos de la France des années 70 et 80. L’image de « la secte Moon » est irrationnelle et archaïque, relevant d’une psychologie des foules comme dans « M. le Maudit » et « Furie » de Fritz Lang. L’image mentale induite par « l’Empire Moon » est plus sophistiquée. Elle reflète l’idéologie mitterrandienne et renvoie donc à la capacité d’un État moderne de créer de la mythologie. Le mythe de « la secte Moon » est typique de l’inconscient collectif français, celui de « l’Empire Moon » de l’État français. »[51]

1978 : Le 18 novembre 1978, 914 personnes sont retrouvées mortes à Jonestown au Guyana (ancienne Guyanne Britannique, près du Vénézuela), où vivaient un millier de membres de la congrégation du Temple du Peuple du Pasteur Jim Jones. On parle d'empoisonnement, de suicide collectif, de massacre. Cet événement constitue le premier traumatisme collectif qui servira de fondation à la campagne antisectes mondiale qui se mit en branle à cette époque. Les journalistes font rapidement un lien entre le drame et les mouvements spirituels dans leur ensemble, alors désignés par le terme « sectes » (« cults » en Anglais), qui n’avait encore aucune charge péjorative. Cinq mille organisations recensées sous cette dénomination aux Etats-Unis font soudain l’objet d’une méfiance généralisée.

Première demande pour une commission d'enquête à l'Assemblée Nationale. Elle a été refusée mais a donné lieu en 1981 à la création au sein de la commission des lois d'une mission d'information présidée par M. Philippe Marchand. (cf Rapport Vivien)

En février 1978, après qu'on lui ai rapporté des abus de pouvoir, des malversations et autres fautes graves au sein des "Enfants de Dieu", leur leader David Berg décida de la destitution de 300 des dirigeants du mouvement et de sa refonte sous un nouveau nom : "La Famille d'Amour" qui deviendra ensuite simplement "la Famille".

Parution du livre de Jean-Pierre Morin, capitaine de gendarmerie : « Le viol psychique - La psychopolémologie : un nouveau procédé de la subversion », aux Nouvelles Éditions Roger Garry.

« L'ADFI est la « courroie de transmission » qui véhicule l'idéologie totalitaire des psychiatres américains. Elle tente régulièrement, notamment à l'occasion des élections politiques, d'imposer ses thèses aux autorités publiques, médias et population, d'accréditer sa « dernière Croisade ». « L'ADFI traduit, distribue et diffuse largement ces études américaines. Ainsi, un bulletin d'information de 1978 déclare : « (...) par le biais des UDAF (Union Départementale des Associations Familiales) », le Président de l'ADFI « compte faire parvenir à l'UNAF le rapport Clark et par cette voie au Ministère de la Santé (...) ». Le Président de l'ADFI possède « actuellement une conférence faite à des psychiatres en Allemagne par le Docteur Clark. Ce serait son dernier texte. Ce rapport date de février 1978. Il est à la traduction, outil de première importance qui sera à divulguer au maximum (...). »[52]

1979 – « L’American Family Fondation est fondée en 1979 par Kay Barney dont la fille était devenue membre de l’Eglise de l’Unification (Moon). À l'inverse d'autres associations contemporaines concernées par les sectes, Barney a voulu s'adresser aux professionnels et aux scientifiques, c'est pourquoi elle créa cette association à but non-lucratif consacrée à la recherche et à l'information. »[53] 

« Dans son livre Karma Cola, Gita Mehta, essayiste indienne, annonçait la globalisation et la commercialisation de l’« Orient ». »[54] 

1980 – Le terme « mouvement anti-sectes » (counter cult movement) est apparu la première fois sous la plume des sociologues en 1980 (Bromley et Haden).

« Création au Québec de Projet Culte. À la fin des années 1970, le besoin d'informations sur le phénomène sectaire croît tant au Québec qu'ailleurs dans le monde. Après la tragédie de Jonestown (…), des étudiants de l'université McGill s'interrogent sur le phénomène sectaire et ses conséquences sur l'individu et la communauté. En 1990, Projet Culte est dissout et devient Info-Secte, un centre indépendant, bilingue et non confessionnel dirigé par un conseil d'administration. »[55]

A la suite du suicide de son plus jeune fils, adepte du Zen macrobiotique, à l’âge de vingt ans, l’écrivain Roger Ikor (prix Goncourt 1955) dénonce les sectes dans son livre : Je porte plainte, lettre ouverte au Président de la République , paru chez Albin Michel en 1980 : « Mon fils s'est pendu le 31 décembre 1979, il est mort le 30 août 1980. Dès janvier 1980, j'ai eu l'idée d'écrire Je porte plainte mais pendant les huit mois où Vincent est resté dans le coma, j'étais bloqué. Tout de suite après sa mort j'ai écrit ce livre, en deux mois. » [56]

Dans un article d’Emmanuelle Plas paru le 6 février 1981 dans L’Unité N° 409 (hebdomadaire du Parti Socialiste), Roger Ikor accuse les pouvoirs publics de complicité : Question : « Que comptez-vous faire pour que les pouvoirs publics agissent ? » Roger Ikor : « Je veux procéder en plusieurs étapes. Pour le moment je requiers les pouvoirs publics d'agir comme je crois qu'ils sont en droit et en devoir de le faire. Je les requiers par-delà toute idée politique. C'est une demande de faire leur métier. C'est une question d'administration publique : il faut défendre la jeunesse qui est attaquée par les sectes, le suicide, la drogue. Mon livre vient tout juste de sortir aussi pendant quelque temps, je vais attendre. Si les pouvoirs publics n'agissent pas, je verrais à constituer un mouvement qui fera pression de manière plus directe. On parle de lobby, je veux bien appeler ça un lobby : je suis prêt à tout pour faire agir les pouvoirs publics. Puisque dans notre société on ne peut rien obtenir sans se battre, je le ferais et même physiquement si cela est nécessaire. Si je réussis à fonder des comités, nous verrons quels moyens d'action nous pourrons mettre sur pied. On peut dire de toutes façons aux gens d'écrire à leur député, aux pouvoirs publics, de faire pression sur eux en cette période électorale. Et puis si cela ne suffit pas et bien on ira f... la m... dans ces antres de mort que sont les sectes : flanquer en l'air les restaurants macrobiotiques, les centres Krishna et autres. A ce moment-là, les pouvoirs publics y prêteront peut-être plus d'attention. Mais derrière l'existence des sectes il y a les causes de cette existence et de leur influence sur la jeunesse. Je résumerais ces causes en un mot : notre civilisation — au-delà de la société capitaliste. »56

1981 : Le 10 mai, François Mitterand est élu 1er président socialiste de la Ve République.   Son septennat commence officiellement le 21 mai. Le 22 mai, François Mitterand dissout l'Assemblée Nationale. Les élections législatives qui suivent, les 14 et 21 juin 1981, lui donnent la majorité absolue au Parlement.

« A partir de 1981, une volonté se manifeste clairement. Le Premier ministre (Pierre Mauroy) souhaite initier d'autres méthodes de travail. »[57]

Roger Ikor fonde le CCMM (Centre Contre les Manipulations Mentales) cette même année, dans une optique laïque. Le site internet du CCMM décrit ainsi son action : « Il mène une action d’information, d’éducation et de mise en garde du public fondée sur la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, la convention internationale des droits de l’enfant et en référence aux valeurs républicaines, au principe de laïcité en particulier. » Dans le contexte familial fortement émotionnel qui a prévalu lors de la création des principales associations anti-sectes, les propos du fondateur du CCMM ont été particulièrement violents l'encontre des expressions du spirituel et même du religieux.[58]

Selon Massimo Introvigne, sociologue italien et fondateur du CESNUR[59] : « La définition théologique de la secte par le mouvement contre les sectes (chrétien) accentue l'importance en tant que cibles des Mormons et des Franc-maçons, pratiquement ignorés par le mouvement anti-sectes laïc. »[60]

1982 : En 1982, les ADFI se fédèrent en UNADFI, qui se situe dans la perspective de la défense de la famille et des droits de l'homme.

« Il y a eu en France, en 1982, le Rapport Ravail mais il est inédit et confidentiel. »[61] « Un rapport est tout d'abord établi, en janvier 1982, par la mission interministérielle Intérieur-Santé, dirigée par M. Jean Ravail, inspecteur général de l'Administration. Elle constitue le premier effort sérieux de clarification tenté par les pouvoirs publics. » (Source : Rapport Vivien)

L’affaire Turpin (enlèvement par ses parents d’un jeune adhérent à l’Association Universelle de la Conscience de Krishna) trouve un écho retentissant dans les médias.

Le commandant Jean-Pierre Morin publie son livre : Sectarus – Le violeur de conscience aux éditions Eboli (autorisé par le Ministère de la Défense ), dans lequel il écrit : « Tant qu'il n'y aura pas en France une affaire identique à celle de Guyana, on peut être certain que ce texte proposé au Parlement n'obtiendra pas l'assentiment des députés et des sénateurs. »

Deux propositions de résolution ont été déposées au Parlement européen les 9 mars 1982 et 13 avril 1982. Elles invoquent la détresse et les ruptures familiales provoquées par l’Association pour l’unification du christianisme mondial de Sun Myung Moon (Doc. n° 1-2/82 et Doc. n° 1-109/82).[62]

« Un indice peu connu montre l’ampleur du phénomène de mimétisme. Le 8 juin 1982, une perquisition a lieu à 6 heures au siège de l’AUCM, 18 rue Friant. Plusieurs professeurs d’université sympathisants reçoivent eux aussi des visites matinales. Ce que cherchent les forces de l’ordre ? Des armes, de la drogue. Qui les a mis sur la voie ? Deux déprogrammeurs dont un ancien membre du mouvement, Martin Faiers. En mars 1982, les deux acolytes ont séquestré Claire Chateau dans une villa du Doubs. Sur ordre du procureur, la police libérera la jeune mooniste. Faiers risque les assises, mais il confie alors au juge d’instruction que Claire a été enlevée pour son bien et que les policiers s’en rendront compte en fouillant les locaux de la secte. Rien évidemment ne sera retrouvé. Dans les mois qui suivirent, l’AUCM, harcelée par un procès fiscal ruineux, quitte son siège du 18 rue Friant. Or en 1985, une grande affaire du premier septennat tient la presse en haleine pendant des semaines : l’affaire du Carrefour du Développement liée au ministère de la coopération : Yves Challier, directeur de cabinet du ministre de l’époque sera accusé d’avoir détourné 27 millions de francs entre 1984 et 1986 dans les caisses du ministère, à l’aide de faux en écritures publiques et abus de confiance. Certes, le péché du Carrefour apparaît véniel par rapport à des scandales financiers bien plus lourds touchant le pouvoir mitterrandien. Mais qui vole un œuf vole un bœuf, et l’escroquerie est un des indices les plus fréquents d’une « dérive sectaire ». Or le péché a été commis à une curieuse adresse dans Paris : au 18 Rue Friant. La société de développement vénale avait aménagé là même où la police avait perquisitionné des innocents en 1982. »[63]

1983 : « Sous la pression des associations anti-sectes, les parlementaires se sont penchés sur le phénomène des sectes. Un premier rapport établi sous la direction de M. Alain Vivien (parti socialiste) a été déposé en 1983. »[64] Ce rapport intitulé Les sectes en France - Expressions de la liberté morale ou facteurs de manipulations ?, commandé par Pierre Mauroy, Premier ministre, à Alain Vivien, président du CCMM, en 1982 (le 1er septembre), a été achevé en 1983 mais rendu public seulement en 1985 (le 9 avril). »[65] Ce rapport contenait neuf propositions.[66]

« Le rapport de M. Alain Vivien répartissait, en 1982, les 116 sectes recensées en trois catégories : orientales, syncrétiques et ésotériques, racistes et fascistes. »[67]

12 août 1983 : Début d’un procès contre la Scientologie , qui se terminera en 2005 par un jugement rendu par la 1ère chambre du tribunal de grande instance (TGI) de Paris, condamnant l’Etat français à verser un total de 109.400 euros de dommages-intérêts et autres indemnités aux seize personnes mises en cause notamment pour « escroquerie » et « exercice illégal de la médecine » dans ce dossier. » (AFP, 8 novembre 2005[68])

1984 : « L’Ordre du Temple Solaire est fondé en 1984, en France par Jo Di Mambro et Luc Jouret. » (Jean-François Meyer)

« L'on peut noter que le Parlement Européen avait déjà consacré lui aussi un précédent rapport aux sectes en 1984 (Rapport Cottrell). »[69]

En mars 1984, la commission de la Jeunesse du Parlement européen approuvait le rapport Cottrell sur l’activité de certains « nouveaux mouvements religieux ». Le rapport Cottrell conduisit à l’adoption par le Parlement européen, le 22 mai 1984, de la résolution sur une action commune des États membres de la Communauté Européenne visant à contrôler les activités des nouveaux mouvements religieux dans les pays de l’Union européenne. [70]

Le 12 février, « le Conseil de la Fédération protestante de France (FPF) ayant pris connaissance du projet de résolution sur l'influence des nouveaux mouvements religieux à l'intérieur de la Communauté européenne, a décidé d'adresser une lettre à tous les députés européens pour leur  (…) faire savoir sa ferme opposition à ce projet. Sans méconnaître les problèmes douloureux parfois provoqués par le développement de ce qu'on appelle « les sectes », ce texte nous semble à plusieurs égards inutile et dangereux. (…) Nous vous demandons de repousser un projet qui pourrait avoir des conséquences nocives et n'apporte pas de solution positive au problème soulevé. » [71]

1987 : « A la demande de la Cour Suprême des U.S.A, l'American Psychological Association a déclaré, dans un mémorandum daté du 11 mai 1987, que les informations étaient insuffisantes pour prendre position sur la question de la fiabilité scientifique des théories de la manipulation mentale appliquées aux « Nouveaux Mouvements Religieux ». »[72]

1989 : L’ouverture du mur de Berlin survient « le 9 novembre 1989 (...), quand (...) le porte-parole du bureau politique du Parti communiste annonce à la télévision est-allemande : « Les frontières sont ouvertes avec effet immédiat ». (…)  La chute du mur qui, en 28 ans[73], avait causé la mort d'au moins quatre-vingts personnes tentant de passer à l'Ouest, entraîne l'effondrement du régime communiste. »[74]

« Le 29 novembre 1989, assaut de la communauté agricole Longo Maï. A sept heures du matin, 200 CRS, gardes mobiles, inspecteurs de la police judiciaire, de la DST et des gendarmes locaux sont déployés, des camions barrent les voies d'accès et deux hélicoptères survolent les lieux. Tout le monde est poussé dehors, en pyjama ou à moitié nu dans le froid, les enfants comme les adultes. Les adultes doivent s'agenouiller, les mains sur la tête, devant leurs enfants, sous la menace des armes. Le matériel de la radio est cassé, tous les bâtiments sont fouillés. On apprendra que le gouvernement a agi sur demande du gouvernement allemand qui suspectait Longo Maï de servir de base arrière aux militants kurdes.  Encore un assaut pour rien... »[75]

1990 : « Anne-Catherine Bouvier de Cachard est amoureuse d'un modeste « roturier » d'origine portugaise. Cette perte de discernement, selon la famille, ne peut s'expliquer que par l'adhésion à une secte. Pourtant, les amoureux de Peynet ne constituent pas une secte ! Ce groupe est largement majoritaire.  Avec l'aide de l'ADFI, d'un prêtre et d'un commando, l'opération est conçue et rapidement exécutée. Kidnappée, droguée, la jeune femme est « soignée » aux neuroleptiques, thérapeutique adaptée aux patients présentant de graves troubles psychiques. Cette affaire s'est déroulée en 1990 près de Châlons-sur-Marne et s'est achevée en 1992 par l'inculpation de deux membres de la famille et d'un prêtre. »[76]

1991 : Le Rapport Hunt de 1991, à l’instar du rapport Cottrell de 1984, énonce : « La liberté de conscience et de religion garantie par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme rend inopportun le recours à une législation majeure pour les sectes […] »[77]

« Septembre 1991, la communauté agraire Horus, dans la Drôme , voit les gendarmes et les médias débarquer sur leur propriété. Le reportage issu de cette journée est une manipulation des faits, comme c'est souvent le cas. Un avocat invité sur les lieux a servi de médiateur afin que l'assaut ne tourne pas au drame. »[78] « La communauté agraire, de par son fonctionnement, peut représenter un modèle d'économie totalement différent des modèles classiques, capitalistes ou communistes. Si 50 personnes sont capables de se nourrir en ne demandant plus rien à personne, si elles sont capables de rester en bonne santé et, conséquemment, n'ont plus besoin de fréquenter ni les grandes surfaces ni les pharmacies, qu'elles n'achètent plus d'engrais chimiques, bref, qu'elles se suffisent à elles-mêmes, il y a là un exemple qui risque de faire tache d'huile. Demain, tous ceux qui sont sur les trottoirs, notamment les chômeurs, pourraient très bien dire : « Donnez-nous ou louez-nous un terrain, des instruments et nous ferons pareil. Nous serons certainement mieux que sur notre mètre carré de goudron. »  

Seulement voilà : il ne faut pas que le public sache que cette solution est possible. Sinon, demain matin, des milliers de gens s'installeront à la campagne, produiront leur nourriture, apprendront à vivre en bonne santé, refuseront les vaccinations et déserteront les cabinets médicaux, les centres hospitaliers et les pharmacies. Bref, des milliers de personnes cesseront d'être assistées, et surtout... de payer. Aucun gouvernement ne le souhaite. »[79]

1992 – « Dès 1992, l 'ADFI avait révélé ses plans lors d'une conférence à caractère juridique. Le colonel Morin y avait exposé ses thèses sur le viol psychique ainsi qu'une stratégie qui fut effectivement appliquée par la suite. Il fallait selon lui combattre les mouvements religieux minoritaires avec les techniques des services secrets. Des fonctionnaires diffuseraient des rapports alarmistes dans les médias afin de créer un climat de peur. Le colonel Morin fut très vite nommé en 1993 à l'IHESI. Un groupe d'étude sur les « sectes » fut mis en place, composé de membres de la police et des Renseignements Généraux, avec à sa tête Jean Albouy, assistant du député Jacques Guyard, l'initiateur et le rapporteur de la fameuse commission parlementaire. Un psychiatre, Jean-Marie Abgrall, fut également consulté dès le début pour apporter une caution « scientifique » au mouvement. Cependant, les thèses des deux « spécialistes », MM. Abgrall et Morin, ont été clairement invalidées par les membres de la communauté scientifique, notamment en ce qui concerne la théorie du lavage de cerveau, après des études menées sur d'anciens prisonniers de guerre ou des études cliniques et quantitatives menées aux Etats-Unis sur les membres de nouveaux mouvements religieux. »[80]

« L’Institut des Hautes Etudes de Sécurité Intérieure (IHESI [81]) a, par ailleurs, créé en 1992, un groupe de travail sur les sectes. Toutefois, ce groupe n’a pas d’existence officielle. En outre, il ne dispose pas de moyens suffisants pour assurer un suivi global des activités sectaires. »[82]

Dans sa recommandation 1178 (1992) relative aux sectes et aux nouveaux mouvements religieux en Europe, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, « prenant en compte l'invitation, adressée par le Parlement européen au Conseil de l'Europe dans le rapport Cottrell, à se pencher sur ce problème », estime que « la liberté de conscience et de religion garantie par l'article 9 de la Convention européenne des Droits de l'Homme rend inopportun le recours à une législation majeure pour les sectes, qui risquerait de porter atteinte à ce droit fondamental et aux religions traditionnelles. » Elle recommande au Comité des Ministres d'inviter les Etats membres du Conseil de l'Europe à adopter les mesures suivantes : le programme du système général d'éducation devrait comprendre une information concrète et objective sur les religions majeures et leurs principales variantes (…) ; une information supplémentaire équivalente sur la nature et les activités des sectes et des nouveaux mouvements religieux devrait également être largement diffusée auprès du grand public. Des organismes indépendants devraient être créés pour collecter et diffuser cette information ; une législation devrait être adoptée, si elle n'existe pas déjà, accordant la personnalité juridique aux sectes et aux nouveaux mouvements religieux dûment enregistrés, ainsi qu'à tous les groupements issus de la secte mère ; afin de protéger les mineurs et de prévenir les cas d'enlèvement ou de transfert à l'étranger, les Etats membres qui ne l'ont pas encore fait devraient ratifier la Convention européenne sur la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants (1980), et adopter une législation permettant de lui donner effet ; la législation existante concernant la protection des enfants devrait être appliquée plus rigoureusement. De plus, les membres d'une secte doivent être informés qu'ils ont le droit de la quitter ; les personnes employées par les sectes devraient être déclarées auprès des organismes sociaux leur garantissant une couverture sociale, et une telle couverture sociale devrait aussi être prévue pour ceux qui décident de quitter les sectes. ».[83]

« Le 28 juillet 1992, sous les yeux horrifiés des passants, Roger Dorysse tira plusieurs coups de carabine sur son beau-fils, Jean-Richard Miguères. Après avoir rechargé son fusil, le meurtrier revint achever froidement sa victime. Les époux Dorysse étaient membres de l’ADFI. Le gendre, Jean-Richard Miguères, était le fondateur du Ceirus, Centre européen d’initiation à la recherche ufologique à caractère scientifique. Il donnait souvent des conférences où il faisait salle comble. Son association était étiquetée comme “secte UFO” (sic) par l’ADFI. Roger Dorysse fut arrêté par la police et incarcéré. Le 25 janvier 1995, il fut jugé coupable de meurtre avec préméditation et condamné à 6 ans de réclusion. Deux jours après le drame, un article paru dans Le Figaro Lyon chargea entièrement la victime au lieu de condamner l’assassin. Son sous-titre était même d’un humour douteux “Cette fois les extraterrestres n'ont rien pu faire. Le président d’une association d’ufologie est mort mardi à la Croix-Rousse , abattu par son beau-père.” Cet article citait largement l’ADFI pour expliquer que le Ceirus avait bien les caractéristiques d’une secte ! »[84]

1993 : Tragédie de Waco, au Texas, dans la communauté des Davidiens du Mont Carmel : « L’assaut final eut lieu à l’aube du 19 avril 1993, conduisant à la mort de 74 Davidiens et la destruction totale de leur résidence. Aux yeux des témoins, l'assaut ressemblait à une attaque au napalm comme celles que l’armée américaine avaient menées au Vietnam (un des pilotes d'hélicoptère était un vétéran du Viêt Nam). »[85] L'action la plus catastrophique du gouvernement américain sur son propre territoire n'a pourtant servi de leçon à personne.

« Le 9 juin 1993, dans plusieurs des 30 communautés de la Famille en France, 200 gendarmes ont interpellé 43 membres adultes et 143 mineurs de 3 mois (sic) à 16 ans. Adultes menottés, jetés au bas d'escaliers et traînés sur les graviers. Six ans plus tard, les accusés étaient acquittés (Les membres de La Famille étaient coutumiers des descentes de police, car leurs communautés en ont subis plusieurs au début des années 1990 dans plusieurs pays, avec les mêmes résultats). Il est à noter que ces assauts musclés sur ces communautés se sont déroulés en France au moment même où l'action catastrophique des forces de l'ordre à Waco aux États-Unis était largement médiatisée dans le monde entier. »[86] « Les membres de La Famille ont pour beaucoup, et suite à cette affaire, décidé de quitter la France.  »[87]

« Terminons par l'évocation de la Firephim (Fédération des religions et des philosophies minoritaires) qui a été créée en 1993 et qui regroupe de nombreux mouvements philosophiques et religieux. Dans son communiqué de presse, cette association indiquait : « Les Nouveaux Mouvements Philosophiques et Religieux se rassemblent passant outre leurs points de divergence, et coordonnent leurs actions afin de lutter contre les injustices, les fausses informations, l'intolérance et toutes les formes de discriminations dont ils font l'objet. La Firephim s'insurge contre le financement par les Pouvoirs Publics d'associations type ADFI, qui sous des dehors très respectables utilisent des fonds publics pour inciter à la haine, à la violence, et orchestrer des campagnes d'intolérance (...) »[88]

1994 : Le 30 septembre 1994, 5 membres de l'OTS meurent dans l'incendie d'une maison à Morin Heights, au Québec. Le 5 octobre 1994, 48 corps carbonisés sont retrouvés en Suisse, 23 à Cheiry et 25 aux Granges-sur-Salvan, dont les deux maîtres de l'OTS, Luc Jouret et Joseph Di Mambro. Autant au Canada qu’en Suisse, l’enquête est rapidement close et la thèse du suicide collectif est officiellement admise.

« Nombreux sont ceux qui croient que le facteur religieux a une influence négative, à la suite de l’observation de David Miller que 80% de la terreur et de la violence organisées dans le monde se joue au nom de la religion. » (The effect of September 11 (Miller 1994)[89]

« Si tant de consciences sont fragilisées et poursuivent une quête incertaine, on ne saurait répondre à leur attente sans une attention nouvelle aux immenses besoins d'éducation, d'information, de formation et, plus généralement de solidarité humaine dans des situations d'angoisse et de solitude. Plus que le vide juridique, c'est bien d'un vide affectif et spirituel dont souffre trop souvent la société moderne. La loi peut garantir la liberté contre ceux qui la menacent. Elle peut et doit assurer l'égalité devant elle, sans discrimination arbitraire. Elle est impuissante, au-delà des mesures de solidarité matérielle, à réaliser une vraie fraternité. » (Paul Bouchet[90] (« Appliquer la loi », Le Monde des débats, février 1994)

1995 : « Le 20 mars 1995, un attentat terroriste a été perpétré dans le métro de Tokyo par quelques membres de Aum Shinri-Kyo, un groupe fondé en 1984 par Shoko Asahara, tuant 12 personnes et en blessant plusieurs milliers.

L'événement a été largement médiatisé et récupéré par les activistes de la destruction des minorités spirituelles qui semblaient détenir, avec cet événement, la preuve de la nocivité des « sectes ».

Shoko Asahara a été condamné à mort par pendaison en février 2004 après 9 ans de procès (la sentence a été confirmée en appel en septembre 2006). Bien que, durant ces dix années, la lumière n'ait jamais été faite sur toute cette affaire, en partie parce que Shoko Asahara a toujours gardé le silence, le juge a déclaré que l'ambition de Shoko Asahara était de renverser le gouvernement pour devenir le « maître du Japon » et qu'il s'était « servi du rempart de la religion » pour cacher ses actes. A aucun moment, il n'a été démontré que Shoko Asahara avait demandé à ses disciples de perpétrer un attentat. De même, des chercheurs américains qui se sont déplacés sur les lieux ont déclaré que, contrairement à ce qui avait été dit, Aum Shinri-Kyo n'avait pas les moyens de produire le gaz sarin qui avait été utilisé lors de l'attentat. Cette accusation d'une usine d'armes chimiques appartenant à la secte était une des plus choquantes pour l'opinion publique, dans une période où la menace du spectre grandissant du terrorisme est brandie quotidiennement par la télévision. »[91]

Ordre du Temple Solaire : Dans la nuit du 15 au 16 décembre 1995, 16 personnes sont brûlées dans une clairière du Vercors, à St Pierre de Chérenne près d'Autrans, dont 3 enfants ainsi que la femme et le fils de Jean Vuarnet, tous membres de l’Ordre du Temple Solaire. « Les recherches aboutissent le 23 décembre 1995 à neuf heures à la découverte de seize cadavres partiellement carbonisés regroupés en cercle au centre d'une doline dans une clairière située au lieu-dit Le Serre du Page ».[92].

Alain Gest (UMP) est nommé en 1995 président de la première commission d’enquête sur Les sectes en France à l’Assemblée Nationale. Le rapport de cette commission, présenté par M. Jacques Guyard, établit une liste de 173 mouvements « à caractère sectaire » en France. M. Charles Pasqua est alors Ministre de l’Intérieur.

« Un second rapport (N° 2468) confié à Jacques Guyard (parti socialiste) intitulé : Les sectes en France a été remis au gouvernement le 22 décembre 1995. Il est inutile de revenir sur la méthodologie de cette enquête. Elle a été suffisamment critiquée et discréditée par de nombreux chercheurs étrangers et français[93]. »[94]

« Plus récemment, après le carnage de l'Ordre du Temple Solaire, à l'hiver 1995, le sujet des sectes a tenu en haleine les médias. Les RG, sur la question, n'avaient pas grand chose. En catastrophe, il a fallu fabriquer un « rapport ». Un fonctionnaire s'est chargé de compiler les travaux faits par d'autres, notamment par les gendarmes. Un rapport avait déjà été écrit, notamment par la Cellule interministérielle de recherche et d'exploitation du renseignement de la zone centre-est (CIRER). Il a en grande partie été « recopié ». Le rapport des RG sur les sectes a ensuite inondé toutes les rédactions, comme un document de référence. Quelques semaines après, certaines associations, fichées dans l'urgence comme des sectes sanguinaires par les renseignements généraux, ont obtenu réparation devant les tribunaux. Les procès ont eu lieu, sans caméras cette fois. »[95]

A la suite de la publication de ce rapport, de nombreuses organisations spirituelles ou religieuses protestent de différentes manières contre la stigmatisation de leur mouvement.

La Société française pour la défense de l’association « Tradition, Famille et Propriété » publie, sous la plume de Benoît Bemelmans, un document intitulé : « Le Rapport Guyard à la lumière de la doctrine catholique et du droit français »[96], « avant tout écrit en légitime défense contre une accusation calomnieuse dont le Rapport Guyard se fait l’écho : la TFP serait une « secte pseudo-catholique ».

« Vie Chrétienne en France, qui a vu le jour en 1990 comme un mouvement pionnier d’églises (protestantes) »[97] « change de nom et devient l'Union d'Assemblées protestantes en Mission (UAPM) afin de se dissocier de l'erreur commise à l'encontre de VCF par le rapport Guyard de la Commission Parlementaire sur les sectes en France, publié en janvier 1996. »[98]

« Le rapport Guyard est tellement bâclé que, comme l’a justement fait remarquer le journaliste François Devinat, dans un article de Libération du 9 février 1996, les auteurs ont mystérieusement oublié de mentionner l’Ordre du Temple Solaire parmi les mouvements dangereux ! » 96a Une citation du sociologue Louis Hourmant paraît également dans cet article : « Une bonne part de la controverse antisectes peut s’analyser comme un produit de l’illettrisme croissant de nos contemporains en matière de religion, y compris parmi les gens qui s’affirment nominalement croyants ».

« L’Eglise de l’Unification (Moon) se fit remarquer en 1995 par le plus grand mariage collectif jamais organisé, unissant 35000 couples à Séoul. »[99]

Décembre 1995 : parution du livre de Jean-François Meyer : Religions et sécurité internationale (Office central de la défense, 3003 Berne, décembre 1995, 143 pages). Une réévaluation de l’impact des facteurs religieux sur les conflits : identités, tensions, militances, stratégies : « Cette étude très pointue de Jean-François Mayer a pour objectif de démontrer que les facteurs religieux doivent nécessairement être pris en compte dans les analyses de politique de sécurité, ce qui n’est pour le moment pas le cas, diplomates et services de renseignement demeurant ignorants du sujet. Le religieux interagit avec les dynamiques et les problématiques qui se manifestent par les conflits. Jean-François Mayer propose notamment que l’analyse à long terme des équilibres internationaux explore de façon plus approfondie les probabilités et potentialités des déplacements de frontières religieuses ainsi que les modifications dans les rapports de force entre religions afin d’en évaluer les conséquences sur la carte du monde. »[100]

1996 : « Les conclusions alarmantes auxquelles aboutissait (la commission d’enquête parlementaire sur les sectes de 1995) incitèrent le Premier Ministre de la droite revenue au gouvernement, M. Juppé, à créer un observatoire des sectes placé sous la direction de M. Guerrier de Dumast en 1996. »[101] Cet « Observatoire interministériel des sectes » fut créé par décret (n° 96-387) le 9 mai 1996.

Parution du livre Pour en finir avec les sectes - Le débat sur le rapport de la commission parlementaire, sous la direction de Massimo Introvigne et J. Gordon Melton, Éditions Dervy : « Suite à la publication du rapport Guyard de la commission parlementaire française sur les sectes, contenant une liste controversée de mouvements très divers, M. Introvigne et G. Melton ont demandé à une série d'experts de se prononcer sur ce document. Même si aucun auteur n'approuve la publication de cette liste, les avis divergent quant à la démarche. L'avantage d'un tel ouvrage est de présenter des approches très diverses sur le phénomène :  des sociologues des religions (comme Wilson, Dericquebourg ou Baubérot),  des juristes (comme O.-L. Séguy ou P. Gast),  des théologiens (comme Mgr Vernette ou le père Bergeron). Ce livre très intéressant n'a pas pour but de répondre à toutes les questions. Au contraire, les deux directeurs de l'ouvrage souhaitent profiter de la controverse créée par le rapport pour poser davantage de questions, mais en tentant de donner des bases aussi objectives que possible au dialogue. »[102]

« En 1995-96, Anne Fournier et Michel Monroy, alors membres du Centre Roger Ikor, ont rédigé le livre Les sectes (collection Les essentiels Milan, numéro 55). A la suite du colloque organisé par le CESNUR à la Sorbonne en 1996 et la publication du livre Pour en finir avec les sectes (Dervy, 1996), ils ont pris conscience de la nécessité d'un débat sur le terrain scientifique face à des universitaires tels que R. Dericquebourg ou M. Introvigne (en écoutant ces chercheurs, en rencontrant des responsables des sectes) et ont proposé cette démarche au CCMM qui a estimé que là n'était pas l'objet d'une association d'information et de défense. Le GRAPHES (Groupement de Réflexion et d'Analyse des PHEnomènes Sectaires), structure informelle, est né en décembre 1996 avec pour objectif l'étude scientifique des mécanismes impliqués dans le phénomène sectaire. L'activité du GRAPHES s'est limitée jusqu'à présent à la préparation de quelques articles. »[103]

Des religions et des hommes est une série de 46 émissions, réalisées par Théret Claude en 1996, écrites et présentées par Jean Delumeau, membre de l’Institut et professeur au Collège de France.  Ces émissions ont été diffusées sur la Cinquième à la fin des années 1990, dans l’émission Voir et Dire. Cette série présentait, de manière courte (13 minutes par épisodes) et très didactique (Jean Delumeau est un excellent pédagogue), les diverses approches religieuses actuellement vivantes dans le monde, avec leurs ressemblances et leurs différences. Le 29 février 1996, un livre a aussi été édité chez Desclée de Brouwer. « Au cours des siècles, à travers la multiplicité des lieux et des cultures, les religions se sont étonnamment diversifiées. Moïse, Jésus, Mahomet, Bouddha et d'autres ont fondé à leur manière des traditions riches et diverses qui perdurent aujourd'hui encore. Sous toutes leurs formes, les religions ont accompagné l'histoire des hommes en inspirant jusqu'aux expressions les plus contemporaines de la littérature, de l'architecture, de la musique ou de la peinture. A l'heure où la société s'ouvre à la culture religieuse mais où, dans le même temps, les adultes ne savent plus transmettre ne serait-ce que leur propre religion, l'auteur, membre de l'Institut et professeur au Collège de France, propose une initiation pédagogique et vivante à la mémoire religieuse de l'humanité. Initiation placée sous le signe de la tolérance. » (Présentation de l'éditeur)

« Le Groupement de protection de la famille et de l'individu (GPFI) est une association constituée le 21 septembre 1995 à Veyrier, en Suisse. Elle « étudie les nouveaux mouvements ou groupements religieux, spirituels ou magiques, cherche à en connaître les origines, les doctrines enseignées, les buts poursuivis, les modes de recrutement de leurs adeptes, ainsi que leurs financements, afin de déterminer leur éventuelle nature sectaire; veille à ce que leur développement ne porte pas atteinte aux droits de l'homme, tels que définis dans la Charte des Nations Unies et la Convention Européenne des Droits de l'Homme, à ceux de la famille et ceux de notre société; veille également à ce que ces groupements ou mouvements respectent la liberté de sortie de leurs adeptes sans exercer de pressions sur ceux-ci, leurs familles et leur environnement; assiste les victimes d'abus; tient à la disposition de ses membres ou de victimes les fruits de ses recherches et analyses ainsi que la documentation en sa possession; dénonce aux autorités compétentes tous les abus de droit constitutionnel à la liberté religieuse et les éventuelles infractions. Comité de sept membres: Lavergnat François, de Troinex, à Veyrier, président; Monod Auguste, de Genève, à Veyrier, secrétaire, et Jaquier Gilbert, de Vufflens-la-Ville, à Genève. »[104]

« Le 9 octobre 1996, le professeur Beljanski (Isère), ce médecin de 74 ans, voit surgir chez lui plus de 200 gendarmes cagoulés, certains armés de bazookas, des membres du GIGN (pour arrêter 3 personnes !) qui l'emmènent menotté en TGV jusqu'à Pau. L'assaut est décrit par les témoins comme d'une grande violence. Profondément choqué, il va mourir deux ans plus tard et ne sera disculpé des accusations portées contre lui qu'à titre posthume. La France a en effet été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme, pour dépassement du « délai raisonnable » de l'instruction et violation de la Convention européenne des droits de l'homme, compte tenu de l'âge de Mirko Beljanski et de l'atteinte portée à sa réputation de scientifique et au sérieux de ses recherches (Beljanski c. France du 7 février 2002 - req. n/ 44070/98). »[105]

Parution en février du livre de Christian Paturel : Sectes, Religions et Libertés publiques aux éditions La Pensée Universelle. La sortie de ce livre entraînera neuf années de poursuites judiciaires qui se termineront par une condamnation de la France en décembre 2005 par la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

1997 : « La lumière n'a jamais été faite publiquement sur l’affaire de Jonestown en 1978. En 1997, le FBI[106] est contraint de rendre public 39 000 pages sur cette affaire. Ces documents font aux Etats-Unis l'effet d'une bombe tant ils s’opposent à la vision véhiculée par les médias pendant 20 ans. Ils montrent surtout que le gouvernement américain est impliqué dans cette affaire et a tenté de garder secret certains faits. »

« J'ai travaillé sur Jonestown et plusieurs autres présumés « suicides collectifs ». Je crois qu'il n'y a jamais eu de suicide collectif dans l'histoire humaine. Je ne crois pas qu'une famille, ou même trois ou quatre personnes puissent décider dans un moment de tension de commettre un suicide ensemble. Même si le cerveau décide la destruction, le reste de l'organisme se révolte. Des personnes ne peuvent pas se tuer en se mettant un sac en plastique sur la tête car l'organisme physique les oblige automatiquement à le retirer. Il faudrait pouvoir se discipliner comme les moines bouddhistes qui se sont immolés à cause de l'oppression dans une situation de combat. Mais, quand on parle de jeunes de la classe moyenne américaine, et qu'on s'attend à ce qu'ils s'assoient tous ensemble et se tuent collectivement, ce n'est pas crédible. » [107] (John Judge, membre de la « Coalition contre les Assassinats Politiques ». Il est réputé pour ses recherches sur certains crimes politiques aux USA et a mené une enquête sur le prétendu « suicide collectif de Jonestown à Guyana en 1978[108]  

« Le 22 mars 1997, 5 adeptes du Temple solaire, dont 3 Français, sont retrouvés carbonisés à Saint-Casimir, au Québec. »[109]

« Le 26 mars 1997, les corps de 39 jeunes hommes sont trouvés dans une propriété de San Diego, au sud de la californie. Ces hommes appartenaient à un groupe appelé "Heaven's gate" (la porte du paradis) dont le leader s'appelait Marshall Applewhite. 

On a rapidement entendu parler de suicide collectif, dans la foulée du temple solaire. »[110]

« Des enseignants orientaux viennent en Occident à l'invitation de leurs nouveaux adeptes ou parfois simplement porteurs d'un message qu'ils sentent devoir être divulgué. D'autres chercheurs puisent à des enseignements occidentaux, revisités ou remis en valeur. En une dizaine d'années des milliers de groupes, d'associations, de cercles plus ou moins formels voient le jour, dont les plus connus ne sont qu'un aspect. Ce qui relie ces groupes est l'aspiration à vivre le partage, la paix, l'amour, mais aussi les notions de transcendance, de révélation d'éveil. Certains sociologues voient dans ce phénomène une approche radicalement nouvelle de la relation au monde matériel et spirituel qui se poursuit encore aujourd'hui. » (Extraits de « 120 minutes pour la liberté spirituelle », film-documentaire du CICNS)

Tabitha’s Place (« Ordre Apostolique » ou « Les 12 tribus ») dans les Pyrénées-Atlantique : « Le 7 avril 1997, à la suite du décès du petit Raphaël, atteint d’une malformation cardiaque et âgé de dix-neuf mois, près de 50 gendarmes, 12 médecins et le procureur de la République de Pau investissent la ferme de la communauté afin de « vérifier l'état de santé des enfants » (lors d'un assaut, des bungalows de la communauté ont été détruits au bulldozer). Ils ne trouvèrent aucune trace de mauvais traitement et il n'y eut donc pas de poursuite judicaire en conséquence de cet assaut. En 1996, 30 gendarmes avaient déjà effectué une visite de la même communauté sans rien trouver d'anormal. Les parents de l'enfant décédé ont cependant été condamnés en 2001 pour « privations alimentaires et de soins ayant entraîné la mort » (l'enfant avait une malformation cardiaque de naissance que les parents n'avaient pas fait opérer). »[111] Dans la foulée du rapport parlementaire de 1996, la communauté allait redevenir pendant un temps une cible privilégiée de la lutte anti-sectes. »

Ogyen Kunzang Choling (OKC) (Alpes de Haute-Provence) : 30 mai 1997, 150 gendarmes soutenus par deux hélicoptères (« pour éviter toute surprise désagréable », selon le commandant de gendarmerie) investissent par surprise et pendant 6 heures le lieu de résidence d'une communauté proche du bouddhisme tibétain, la propriété de « château de soleils » (même déploiement de forces en Belgique, au même moment, sur la même communauté). Rapidement, des ossements attirèrent l'attention mais « heureusement, un médecin appelé sur les lieux a pu confirmer qu'il ne s'agissait pas d'ossements humains » (!). 30 enfants ont été auditionnés mais personne n'a été emmené par les gendarmes. Un procès en 1996 avait abouti à une relaxe de plusieurs membres de la communauté. Cela n'a pas empêché une nouvelle « visite » similaire en mars 2000 sans plus de « résultats ».[112]

« Le rapport annuel 1997 de l'Observatoire Interministériel sur les Sectes  publiait en annexe (p. 51) les recommandations des députés JP Brard, J Guyard et A. Gest pour « renforcer le contrôle scolaire et la protection sanitaire des enfants. Cette proposition a pour but la sauvegarde des enfants hébergés dans des sectes, dont l'éducation et la santé sont souvent compromises. ».[113]

« Domaine de Faujas, Docteur Tal Schaller (Drôme) : 10 octobre 1997, trois bataillons de gendarmes lourdement armés pénètrent dans la propriété du docteur Christian Tal Schaller que les autorités avaient associé à l'affaire du Temple Solaire parce que le nom de ses éditions s'appelaient « Vivez soleil » ! Des véhicules militaires se sont enfoncés aux quatre coins de la propriété pour prévenir des fuites éventuelles de membres de « la secte ». Après de multiples interrogatoires sur 6 heures, rien n'a pu être trouvé démontrant qu'il y avait une quelconque activité sectaire de leur part. »[114]

04/11/1997 : Proposition de loi n°402 de M. Jean-Pierre Brard visant à restreindre l'attribution de permis de construire à des associations à caractère sectaire : « Il apparaît indispensable de donner, d'une manière très précise et ponctuelle, le moyen de refuser un permis de construire sollicité par des associations se réclamant de la législation relative aux associations cultuelles et dont l'activité constitue une menace à l'ordre public. Il conviendra à cet effet d'établir une liste de ce type d'associations, dont les méfaits sont d'ailleurs très bien connus de l'opinion et des pouvoirs publics. Sous le bénéfice de ces observations, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, d'adopter la proposition de loi suivante. Article unique : L'article L. 421-1 du code de l'urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Le permis peut être refusé à toute association se réclamant de la législation relative aux associations cultuelles dont l'activité constitue une menace à l'ordre public et figurant, en conséquence, sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat. »[115]

11 décembre 1997 : rapport A4-0408/1997 sur les sectes dans l'Union européenne - Commission des libertés publiques et des affaires intérieures - Rapporteur: Madame Maria Berger. « Par lettre du 18 février 1997, la commission des libertés publiques et des affaires intérieures a demandé l'autorisation de présenter un rapport sur les sectes dans l'Union européenne. (…) Au cours de ses réunions, elle a adopté la proposition de résolution par 15 voix contre 7 et 3 abstentions. [116]

1998 : « En janvier, proposition de loi de Nicolas About « tendant à renforcer le contrôle de l'obligation scolaire. » La nouvelle loi, votée à l’unanimité par une quinzaine de parlementaires le 10 décembre 1998, a été publiée au J.O. le 22 décembre. »[117]

En octobre 1998, le Ministère de l'Intérieur publiait une circulaire définissant les moyens mis en place pour lutter contre les dérives sectaires. Dans ce document, adressé à tous les préfets, il est précisé : « Ces rapports parlementaires ne constituent qu'un élément d'information et de proposition, ils ne prétendent pas avoir valeur normative et ne sauraient fonder ni des distinctions entre les associations qualifiées de « sectaires » et celles qui ne le sont pas au regard desdits rapports ni des sanctions quelconques. Tant qu'une association ne fait pas l'objet d'une dissolution administrative ou judiciaire, elle jouit des libertés constitutionnellement reconnues et peut exercer l'activité correspondant à son objet dans le strict cadre des lois en vigueur. »[119]

7 octobre 1998 : Création par décret (n° 98-890)[120] de la Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes (MILS)[121] « De nouveau au pouvoir, le gouvernement socialiste a créé, en 1998, à côté du Bureau central des Cultes (mais sans lien officiel avec lui), un organisme chargé de lutter contre le sectes, placé sous la direction du premier ministre et appelé Mission interministérielle de lutte contre les sectes, dont le responsable fut Alain Vivien, ancien dirigeant d’un mouvement anti-sectes, le Centre contre les manipulations mentales (CCMM), fondé par l’écrivain rationaliste Roger Ikor. Les pouvoirs de cette mission étaient mal définis. En principe, elle coordonne la lutte contre les sectes, ce qui signifie que le premier ministre de l’époque, Lionel Jospin, officialisait un combat contre les sectes. Cette mission était composée de quarante personnes. Elle entretenait des liens étroits avec les groupes anti-sectes, dont elle était le relais officiel. Elle eut un rôle de conseil auprès des ministères pour établir un maillage d’agents chargés de contrer les sectes par le biais de cellules anti-sectes dans les administrations de l’Education nationale, de la jeunesse et des sports, des affaires sociales. »[122]

20 novembre 1998 : Proposition de loi N°79 présentée au Sénat par M. Nicolas About, tendant à renforcer le dispositif pénal à l'encontre des associations ou groupements à caractère sectaire qui constituent, par leurs agissements délictueux, un trouble à l'ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine ou la sûreté de l'Etat.[123] Cette proposition de loi débouchera en juin 2001 sur la loi About-Picard (voir « 2001 », plus loin).

« Le procès en sorcellerie n'est pas allé au bout, Bernard Lempert est descendu juste à temps du bûcher. La messe était pourtant dite depuis un moment : ce psychothérapeute était accusé d'être le gourou d'une secte, et son nom s'est retrouvé inscrit, sans appel, dans le fameux rapport parlementaire sur les sectes, en 1996. Après deux ans d'une désespérante bataille contre la rumeur, Bernard Lempert est enfin blanchi par le parquet du tribunal de Rennes et par le propre rapporteur de la commission parlementaire, non sans réticences. »[124]

« Une deuxième commission d’enquête parlementaire sur le thème « Secte et argent » en 1998 a conduit à la publication en 1999 du rapport du même nom. La liste des sectes est complétée avec quelques mouvements supplémentaires dont le mouvement anthroposophe. »[125]  

1999 – « Le nombre de plaintes en France relatives aux activités des « sectes » est passé de 15 en 1983 à 260 en 1999. Cela peut être le signe d’une plus grande activité illégale des groupes tombant sous ces chefs d’accusation, mais aussi un changement dans la manière de percevoir certaines activités – qui sont désormais problématiques voire réprouvées, et d’une moindre tolérance à leur égard. »[126]

En janvier 1999, Anne Fournier et Michel Monroy (initiateurs du GRAPHES[127]) font paraître La dérive sectaire (PUF, collection Le sociologue).

Le 10 juin 1999, la Commission d'enquête sur la situation financière, patrimoniale et fiscale des sectes, ainsi que sur leurs activités économiques et leurs relations avec les milieux économiques et financiers présente son rapport (N° 1687) à l’Assemblée Nationale[128]. Rapporteur : Jean-Pierre Brard.

« Un nouveau rapport parlementaire français, daté du 10 juin, est consacré à l'argent des sectes. C'est un document de 322 pages, signé par le député Jacques Guyard (auteur du rapport « Les Sectes en France » de 1996) en tant que président de la commission et le député Jean-Pierre Brard (l'un des membres les plus extrémistes de la Mission interministérielle de lutte contre les sectes) en tant que rapporteur. La commission parlementaire et la Mission de lutte contre les sectes sont deux structures différentes et ne devraient pas être confondues, quoique Guyard et Brard soient membres des deux. Le rapport est divisé en trois parties. La première a trait à la situation actuelle des sectes et à la façon dont elles sont organisées. Elle indique que la liste des sectes du rapport de 1996 est toujours valide, mais que de nouvelles « sectes », exclues à l'origine, car elles avaient (à tort) été déclarées non dangereuses, devraient à présent y être incluses, tout particulièrement l'Anthroposophie et l'ordre de la Rose-Croix AMORC. (…) Ici, des noms sont donnés. Des informations budgétaires et financières de nature évidemment confidentielle (y compris un nombre conséquent de noms d'individus) sont jetées au grand public. Elles ont été rassemblées à partir d'enregistrements d'impôts (quoique, dit le rapport, toutes les autorités des impôts n'ont pas coopéré), de rapports de services de renseignement, de réponses obligatoires à un questionnaire envoyé à 60 groupes et d'une participation également obligatoire à des audiences secrètes (les personnes absentes étaient menacées d'amendes et de prison, comme ceux qui divulgueraient le contenu des audiences). Tout autre individu ou association, n'importe où dans le monde, poursuivrait simplement en justice pour violation de la vie privée et gagnerait. En France, les commissions parlementaires sont exemptées de toute responsabilité légale, et la vie privée des « sectaires » est évidemment considérée comme sacrifiable. »[129]

22 juin 1999 : « Trop c'est trop ! La Fédération des Écoles Rudolf Steiner en France est scandalisée à la lecture des passages du rapport de la Commission d'enquête parlementaire sur le patrimoine des sectes qui mettent en cause le courant pédagogique dans lequel travaillent ses membres. Elle s'interroge sur la nature véritable des buts poursuivis tant sont flagrants le manque de rigueur, les amalgames et la hâte de la rédaction. (…) Au nom d'une prétendue protection des libertés des consciences, voudrait-on aujourd'hui encore museler tous ceux qui, à partir d'une pensée libre s'emploient à développer une attitude éducative qui lutte contre l'hégémonie d'une pensée unique et la prédominance du dogme matérialiste en éducation ? (…) Veut-on laisser se développer cette attitude insidieuse qui sous le prétexte de protection des enfants voudrait les voir éduquer dans un seul moule ? (…) La Fédération des Écoles Steiner, membre de nombreuses organisations internationales de défense de la liberté en éducation ne se laissera pas enfermer insidieusement dans une catégorie d'épouvantails sans réagir par toutes les voies appropriées visant à obtenir le rétablissement de la vérité et la réparation des préjudices. »[130]

Rapport de la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme, Conseil de l’Europe, du 13 avril 1999, voté le 22 juin 1999. Rapporteur : M. Adrian Nastase, Roumanie, Groupe socialiste : « Pourquoi un rapport sur les activités illégales des groupes à caractère religieux, ésotérique ou spirituel seulement six ans après que l'Assemblée ait adopté la Recommandation 1178 (1992) relative aux sectes et aux nouveaux mouvements religieux ? (…) Le contenu de la Recommandation ( …) reste parfaitement d'actualité (…). Mais deux raisons importantes justifient que l'Assemblée se penche à nouveau sur le phénomène. D'une part, le nombre des adeptes ne cesse d'augmenter (60% en France entre 1982, date du rapport Vivien et 1995, date du rapport Guyard) en dépit de l'information donnée sur les activités de certaines sectes notamment à l'occasion de troubles graves à l'ordre public (tuerie de la secte du Temple Solaire, tuerie de la secte Aoum au Japon, condamnations de membres de sectes pour viols, manœuvres frauduleuses etc.) ou encore accusations portées par l’Eglise de Scientologie contre le Gouvernement allemand accusé de pratiquer l'intolérance religieuse et le racisme (…). D'autre part l'apparition du phénomène sectaire dans les pays d'Europe centrale et orientale où la liberté retrouvée a eu pour corollaire le foisonnement de groupements proposant du spirituel, de l'ésotérique ou du religieux à des individus qui en avaient été privés pendant longtemps. Le premier danger qui guette les autorités souhaitant pallier les risques liés aux activités sectaires est l’amalgame entre les groupements inoffensifs et les groupements dangereux. (…) Le second piège (…) est la distinction entre les sectes et les religions. (…) Ces deux dangers peuvent être aisément évités par les autorités étatiques moyennant une certaine prudence quant au vocabulaire et le choix d’un mode d’action relatif aux actes des groupements. (…) Il est évident que l’utilisation du terme « secte » est très tentante par les autorités étatiques, compte-tenu du fait qu’il est facilement compris par tout un chacun. Il conviendrait cependant que les autorités étatiques renoncent à son utilisation dans la mesure où il n’existe pas de définition juridique de ce terme[131] et où il a une trop forte connotation péjorative. Aujourdhui, pour le public, une secte est fortement mauvaise ou dangereuse. Pour éviter ce terme « secte », trois voies sont envisageables. En premier lieu, il serait possible de renoncer à la qualification de « secte » en assimilant tous les groupements à des religions. Toutefois, à notre avis, cette approche serait erronée, car trop restrictive face à la diversité du phénomène sectaire. (…) En deuxième lieu, l’Etat pourrait accepter de suivre la voie ouverte par certains groupements et établir une distinction entre les religions, par définition bonnes, et les sectes, forcément dangereuses, voire une séparation entre les bonnes et les mauvaises sectes. À nouveau, une telle démarche ne nous paraît pas acceptable. Au regard de l’article 9 de la CEDH , il est interdit à l’Etat d’effectuer une distinction entre les différentes croyances et de déterminer une échelle de valeur des croyances. (…)  Ce type de débat constitue donc un piège dans lequel certains groupements essaient systématiquement d’entraîner les autorités et que celles-ci doivent absolument éviter. (…) En réalité, le seul moyen d’échapper à ce piège est d’éviter toute qualification des croyances en cause comme croyance non religieuse ou religion. Ce qui nous amène à la troisième et dernière voie envisageable, qui nous semble être la seule acceptable. Elle permet d’éviter les obstacles que nous avons évoqués en se fondant sur une approche plus descriptive du phénomène sectaire et en s’intéressant non à la qualification des croyances mais aux actes commis au nom ou sous couvert de ces croyances. » [132]

« Au 31 juillet 1999, 134 enquêtes préliminaires avaient été traitées par le parquet et 116 informations judiciaires ouvertes sur des incriminations graves telles que violences, agressions sexuelles, escroqueries et abus de faiblesse. Cette attitude plus répressive du ministère public date de 1996, juste après le traumatisme créé par la mort collective des adeptes de la secte de l’Ordre du Temple solaire. Le garde des Sceaux de l’époque, Jacques Toubon, avait diffusé une circulaire appelant l’attention du parquet sur la dangerosité du phénomène sectaire. »[133]

« Le 22 juillet 1999, l’annonce officielle de l’interdiction du Falungong était faite en ces termes : « Le département des affaires civiles de la République Populaire de Chine déclare que la Société de Recherche sur le Falun Dafa et l’organisation Falun Gong sous son contrôle sont des organisations illégales et doivent être interdites. Il est en conséquent interdit à quiconque en toute circonstance de distribuer des livres, des cassettes audio/vidéo ou tout autre matériel de diffusion de Falun Dafa (Falun Gong). Il est interdit de se rassembler ou de manifester pour soutenir ou diffuser Falun Gong, comme les sit-ins et les appels. Il est interdit à quiconque d’organiser, de coordonner ou de diriger n’importe quelle activité anti-gouvernementale. »[134]

L'UNADFI renonce à poursuivre Libération : « La principale association antisecte, l'UNADFI, s'est désistée vendredi du procès qu'elle avait intenté à Libération, à trois jours de l'audience, prévue hier à Paris. L'Union nationale des associations de défense de la famille et de l'individu avait porté plainte avec constitution de partie civile après la parution, le 30 mars 1998, d'un article, « Le complot qui fit de Bernard Lempert un gourou ». Libération montrait que ce psychothérapeute avait été classé par erreur dans la liste des sectes après l'étrange alliance des représentants bretons de l’UNADFI et d'une association qui regroupait des maltraiteurs d'enfants et dont le président était un nostalgique de la Waffen SS.  »[135]

2000 : « En mars 2000, le tribunal de grande instance de Paris condamnait le président de la commission parlementaire « Sectes et Argent », M. Guyard, pour diffamation à l'encontre de trois mouvements anthroposophes, suite à son intervention télévisée sur France 2 en Juin 1999. Le motif de cette condamnation : « Le rapport n’est pas en mesure de justifier d’une enquête sérieuse » à l’appui de ses accusations, les documents produits n’étaient pas « pertinents » et « sans valeur probante » (Le Monde, 23 mars 2000). En septembre 2001 la Cour d'Appel reconnaîtra le caractère diffamatoire des propos tout en considérant M. Guyard de bonne foi et donc non coupable du délit de diffamation publique. »[136]

Première affaire concernant la kinésiologie : « Le 12 novembre 2000, Kerywan, 16 mois et demi, mourait au domicile familial de Moëlan-sur-Mer (Finistère), avec un poids de six kilos, soit celui d'un enfant de quatre mois. Les experts devaient déceler une carence nutritionnelle « importante et chronique » imputable selon eux à un régime alimentaire sans protéine animale ni supplément vitaminique. L'enfant était depuis sa naissance allaité par sa mère adepte d'un régime végétalien.

La justice reproche au couple, déjà parent de trois filles, d'avoir privé de soins son dernier enfant non pas par négligence ou imprudence mais au nom de "conceptions idéologiques" inhérentes à la pratique de la kinésiologie, technique psycho-corporelle développée dans les années 60 aux Etats-Unis. »[137]

« Le 20 novembre 2000 à 6h du matin, une petite communauté spirituelle de l'Aveyron a dû subir l'assaut brutal d'une soixantaine de gendarmes lourdement armés. Des séquelles psychologiques sont toujours présentes chez les enfants et les adultes six ans plus tard. La longue liste des accusations s'est révélée sans fondement et les condamnations finales, dérisoires, ne semblent là que pour justifier un tel déploiement de force. »[138] Selon un juriste : « Tout ce qu'ils avaient dans le dossier, au départ, c'est un stationnement de caravane interdit et un défaut de déclaration aux Assedic. Vous vous rendez compte qu'ils ont envoyé 60 gendarmes pour ça ! »[139]

2001 : « Au début de l'année, l'épouse de Vivien s'était elle-même chargée de négocier à Matignon, dans le bureau du chef de cabinet de Jospin, une subvention de 4,5 millions de francs pour l'achat d'un nouveau siège de l'association antisectes. La somme lui a été allouée en février 2001, sur la ligne budgétaire de la défense des droits de l'homme, du ressort du Premier ministre. « En bonne logique, Alain Vivien a été consulté », note un proche du dossier. Or Vivien est président de la Mils , mais aussi de la commission DOM-TOM de la Ligue des droits de l'homme depuis 1996. » (Le Point, 19 octobre 2001)[140]

Loi N° 2001504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux liberté fondamentales, publiée au Journal Officiel du 13 juin 2001.[141]

« Cette proposition de loi a d'abord été présentée par le sénateur centriste des Yvelines (apparenté Républicains Indépendants), Nicolas About (voir « 1998 », ndlr), puis, après quelques remaniements, à l'Assemblée Nationale par la députée socialiste de l'Eure, Catherine Picard. Cette dernière proposition de loi « tendant à renforcer la prévention et la répression à l'encontre des groupements à caractère sectaire », a été adoptée, le 22 juin 2000, en première lecture par les députés. La navette parlementaire a donc repris, et un nouveau texte, préparé en commun par M.About et Mme Picard, a été présenté au Sénat le 25 janvier 2001. »[142]

« La loi du 12 juin 2001 est explicitement une loi contre les sectes. Cinq grandes dispositions en font une loi de répression qui pourrait se montrer redoutable si les circonstances s'y prêtent : dissolution civile de certaines personnes morales ; extension de la responsabilité pénale des personnes morales ; limitation de la publicité des mouvements sectaires ; sanction de l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse ; droit de se porter partie civile pour certaines associations. L'origine du texte est une proposition de loi du sénateur About, adoptée en décembre 1999, qui entendait simplement permettre l'application aux sectes de la loi de 1936 contre les groupes de combat et milices privées. L'Assemblée nationale, le 22 juin 2000, à la suite d'un amendement de Catherine Picard, introduisit dans le texte en débat le délit de manipulation mentale ainsi que de nombreux autres amendements. En seconde lecture, le 3 mai 2001, le Sénat corrigea de façon importante le texte et les députés le votèrent définitivement sans grandes modifications, le 31 mai 2001. Les parlementaires ont souligné à l'envi le caractère consensuel du débat. Il n'y a pas eu de scrutin public ni au Sénat ni à l'Assemblée nationale et on ne relève qu'exceptionnellement une explication de vote négatif[143]. Il y avait une grande unanimité des intervenants quant à l'évidence du danger sectaire. Même les rares parlementaires qui mirent en garde contre la difficulté d'analyser le phénomène ne sont pas revenus sur cette évidence. Il est vrai que les débats ont été largement menés par le groupe des parlementaires spécialisés dans la lutte contre les sectes[144]. Dans ces conditions le consensus évoqué semble plutôt avoir été acquis par défaut. Ceci souligne une étrange perception du phénomène sectaire : une apparente évidence du danger justifiant une répression assez stricte et une faible mobilisation pour une loi concernant une liberté fondamentale. »[145]

« Tout leader de secte déclaré coupable de « l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse » sera passible de 5 années de prison et d'une amende pouvant aller jusqu'à 750.000 euros de dommages et intérêts. »[146]

PARIS, 18 juin (AFP) – « Paris a accueilli les 14 et 15 juin une réunion de travail sur « les activités illégales des organismes à caractère sectaire en Europe », à laquelle ont participé les représentants de 22 gouvernements européens, a annoncé lundi la mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS). (…) Interrogée par l'AFP, la MILS n'a pas précisé le nom des pays participants ni le thème des discussions. »[147]

« Les observateurs américains sont inquiets de l'atmosphère d'intolérance qui semble se développer aujourd'hui en Europe. En France, l'attitude à l'égard des sectes (les Américains parlent de « cults ») inquiète la Commission sur la liberté religieuse internationale. En particulier le rapport Guyard dans lequel figure une liste de mouvements qualifiés de sectes, s'il n'a pas été voté, continue de circuler, dans l'administration notamment, au risque d'ouvrir la voie de la discrimination. De la même manière, la création de la Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes (MILS) ou l'adoption de la loi About-Picard en mai 2001 condamnant pénalement l'abus frauduleux d'état d'ignorance ou de situation de faiblesse, sont susceptibles de violer la liberté religieuse internationale ; non pas en France directement, mais par effet de contagion dans des pays moins tolérants.

Or la Commission nationale de contrôle des droits de l'homme a estimé que la liberté de conscience garantie par la Déclaration des Droits de l'Homme et par la Convention Européenne des Droits de l'Homme rend inopportune ce type de lois ou de rapports. Le même constat a été fait aux Etats-Unis: l'application de la loi pénale existante permet de punir les actes sans stigmatiser les croyances religieuses. » (« Les Etats-Unis et la liberté religieuse dans le monde », 5 juin 2002)[148]

« Le 5 septembre 2001, la statue du Mandarom est dynamitée par les forces de l'ordre qui se présentent lourdement armées sur la propriété de la communauté pour évacuer « les fidèles ». La communauté a démontré que l'accusation qui lui  était faite d'un défaut de permis de construire pour cette statue était mensongère. »[149]

11 septembre : chute des Twin Towers[150] à Manhattan, dans le « centre des affaires » de New York. La période suivant ces attentats a vu un recul des libertés individuelles dans de nombreux pays.[151]

2002 : Parution du livre de Maurice Duval : Un ethnologue au Mandarom.[152]

Bernard Lempert publie Le retour de l’intolérance – Sectarisme et chasse aux sorcières, aux éditions Bayard : « Bernard Lempert montre les affinités entre la « chasse aux sectes » actuelle et les multiples chasses aux sorcières de l'histoire. Depuis le Moyen-Âge jusqu'aujourd'hui sans oublier Mc Carthy il y a plus que des ressemblances, une véritable filiation. Puisant dans son expérience de la maltraitance, il met en évidence le lien qui existe entre famille maltraitante - ou famille-clan - et « secte ». Enfin il pointe les risques que fait courir à notre vie démocratique cette loi d'exception, qui a déjà été exportée en Chine via Hong Kong pour combattre Fa Lun Gong. Cet essai dérangeant, remarquablement documenté, fait ressortir les vrais enjeux culturels, politiques et sociaux d'une attitude de désignation et d'exclusion rarement mise en cause. »[153]

Création de la MIVILUDES (Mission Interministérrielle de Vigilance et de Lutte contres les Dérives Sectaires par décret n° 278 du 29 novembre 2002)[154], par le gouvernement Raffarin. Son premier président, Jean-Louis Langlais, entrera en fonction en janvier 2003.

« Les missions de la Miviludes s’inscrivent dans le consensus français de protection des victimes et de l’ordre public. La veille et la lutte prennent en compte les seuls actes et comportements contraires aux lois et règlements troublant l’ordre public. (…) La Miviludes est une structure interministérielle dont la mission est de favoriser la concertation entre les services de l’Etat. Elle est constituée d’une équipe permanente interdisciplinaire autour du secrétaire général, magistrat de l’ordre judiciaire. Le Président, préfet hors cadre, est également assisté : d’un comité exécutif qui réunit les représentants des différentes grandes directions des ministères concernés (arrêté de nomination des membres du CEPO) ; d’un conseil d’orientation. Structure de dialogue, ouverte à la société civile, le Conseil d’orientation est composé de 30 membres, nommés par arrêté du Premier ministre : parlementaires, représentants de la haute fonction publique, du mouvement associatif, du monde médical ou du secteur économique et social. » [155]

2003 : Parution du premier numéro du journal « Le Monde des Religions » en septembre.

En février 2003, Jean-Marie Abgrall, expert psychiatre dans l’affaire de l’OTS, déclare au journal Nice matin : « L'Ordre rénové du Temple (ORT), ancêtre de l'OTS, a été un relais du réseau Gladio soit l'AMORC qui aurait contribué au financement du service secret français en Afrique et en particulier ce que l'on a appelé les réseaux Foccart. (…) C'est une vérité qui nous dépasse, qui va jusqu'au secret d'Etat, je m'exprimerai un jour, comme le juge on a tous des versions officielles ! »[156]

2004 : L’affaire MISA (Mouvement pour l'Intégration Spirituelle dans l'Absolu) en Roumanie : « La brutalité de l'action commence le 18 mars 2004 et dépasse tout ce qui est imaginable pour les personnes concernées. Plus de 300 gendarmes accompagnés de procureurs ont attaqué simultanément 16 immeubles où se trouvaient des membres MISA (enseignement du Yoga). Ils ont cassé des portes et des fenêtres bien que les entrées ne présentaient pas d'obstacles. Ils ont frappé et mis à terre avec violence tous ceux qu'ils ont trouvés sur place, les menaçant avec des armes à feu. L'obtention des signatures sur les déclarations dictées par les procureurs s'est fait par la violence. Des biens personnels ont été confisqués sans leur consignation dans le procès verbal de perquisition. Une fois ces gens retenus, leurs avocats ont été empêchés de prendre contact avec leurs clients. »[157]

« La loi About-Picard a rapidement prouvé être plus qu'un simple emblème. En octobre 2004, Arnaud Mussy, un prophète de Néo-Phare, une minuscule groupe apocalyptique de Nantes, fut jugé par le Tribunal Correctionnel de Nantes pour « abus de faiblesse ». Il fut déclaré coupable et condamné à une peine de trois années de prison avec sursis ainsi qu'à une amende de 115.000 euros. » Il est intéressant de lire le détail des événements qui ont conduit à cette condamnation, considérée comme « emblématique » par les acteurs anti-sectes. Comme le propre avocat de M. Mussy l'a admis: « Il ne s'agit pas d'une condamnation  anodine. Elle contient un avertissement très fort ! Nous avons là la première jurisprudence ! »[158]

En décembre 2004, l’AFF (American Family Foundation[159]) change officiellement de nom pour devenir l’International Cultic Studies Association (ICSA, ou Association International pour l’Etude des Sectes)[160].

2005 : Dans le rapport annuel de la MIVILUDES , son président déclare: « L'adoption en 2001 de la loi dite About-Picard a constitué une remarquable avancée de la jurisprudence dans la bataille contre le méfait de l'abus frauduleux et de l'état d'ignorance. »

Le 27 mai 2005, le Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin publiait une circulaire relative à la lutte contre les dérives sectaires[161] dans laquelle il est dit : « L'expérience a montré qu'une démarche consistant, pour les pouvoirs publics, à qualifier de « secte » tel ou tel groupement et à fonder leur action sur cette seule qualification ne permettrait pas d'assurer efficacement cette conciliation et de fonder solidement en droit les initiatives prises (...) le recours à des listes de groupements sera évité au profit de l'utilisation de faisceaux de critères. »[162]

« Par décret du Président de la République en date du 29 août 2005[163], Monsieur Jean-Michel Roulet, préfet, secrétaire général de la Commission consultative du secret de la Défense nationale, a été nommé à la présidence de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. Il prendra ses fonctions à compter du premier octobre 2005. »155

« Le 21 octobre dernier, le Ministre de l’Intérieur (Nicolas Sarkozy) qui, en France, à la charge des « cultes » (désignation juridique pour parler des religions) a confié au professeur Jean-Pierre Machelon, qui est un éminent juriste et historien des institutions européennes, la mission de former une Commission pour examiner la loi de 1905 (Commission de réflexion juridique sur les relations des cultes avec les pouvoirs publics). »[164]

« Le 22 décembre 2005, un témoin de Jéhovah et ancien avocat qui avait été condamné pour diffamation envers l’UNADFI obtient réparation à Strasbourg. Dans un arrêt[165] rendu à l'unanimité des juges, la Cour Européenne des Droits de l'Homme estime que le requérant a été victime d'une violation de son droit à la liberté d'expression. Elle condamne la France à lui verser 6.900 euros pour dommage matériel. Christian Paturel, qui est âgé de 58 ans et qui réside dans l'Eure, avait publié en 1996 à compte d'auteur un ouvrage intitulé « Sectes, religions et libertés publiques ». Il y dénonçait en termes virulents les mouvements antisectes, et l'UNADFI en particulier, qu'il comparait aux mouvements antisémites et antimaçonniques d'avant-guerre, voire à l'Inquisition, et qu'il accusait de pratiquer la violence pour « déprogrammer » certains adeptes. »[166]

2006 : « Manifestement on est en train d'accéder à un autre rapport au monde et aux autres, actuellement, nous passons dans un autre type de civilisation, on est en train de quitter ce qu'on a pu appeler la modernité, qui s'était élaborée, comme cela, péniblement dans les trois siècles qui viennent de s'écouler, et qu'il y a en effet quelque chose qui est en train de se mettre en place de notre rapport aux autres. Dans le fond c'est ça, la religion, la religiosité. Un de mes collègues parle même de reliance, dans le sens simple du terme. De plus en plus, ce qui est primordial, c'est de me relier à l'autre, du fait que je me relie à la nature, à la déité, d'une manière vaste ou vague. (…) Ce qu'on peut dire et qui est essentiel c'est qu'il y a retour de ce qu'on avait cru dépasser. » (Interview de Michel Maffesoli, sociologue, par le CICNS le 16 janvier 2006.)[167]

« Je le vois davantage comme un meurtre collectif. Je rejette formellement la thèse du suicide collectif décidé par tous – cette idée est du pur cinéma. » - déclare Bernard Geiger, Commissaire de police, canton du Valais (Suisse), ayant participé à l’enquête sur la mort des membres du Temple Solaire. (Extrait du documentaire d’Yves Boisset : « Les mystères sanglants de l’OTS », diffusé sur France 2 le 2 février 2006 à 22h55.)
 
Belgique, 10 avril 2006 : sur proposition de Mme Laurette Onkelinx, Ministre de la Justice , le Conseil des Ministres a approuvé l'avant-projet de loi visant à réprimer l'abus de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse des personnes.

30 mai 2006 - Janine Tavernier, ancienne présidente de l'UNADFI de 1993 à 2001, défend la liberté spirituelle de l'AMORC, dans la préface d'un ouvrage de Serge Toussaint : « Sectes sur ordonnance » : « C'est pour rester fidèle à moi-même, à mes convictions, refusant le silence et la lâcheté, que j'ai accepté de m'associer à ce livre qui dénonce l'injustice dont l'A.M.O.R.C. a été victime en ayant été classé comme sectes. Les explications de l'auteur, son érudition, permettent de mieux connaître et comprendre les racines de cet Ordre, son évolution, son enseignement, sa philosophie. A l'évidence, il n'a rien d'un Nouveau Mouvement Religieux, et encore moins d'une secte. Mais il a suffi qu'une commission parlementaire, ou plutôt quelques députés d'une commission, le mettent à l'index dans un rapport, pour que l'opprobre, relayé par l'emballement médiatique, devienne une condamnation publique. » [168]

6 juin 2006 : « C'est non ! Sébastien Fath, l'un des meilleurs spécialistes du protestantisme évangélique, a décliné le poste que lui proposait la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) dans son conseil d'orientation. Ce membre du CNRS refuse de servir de caution scientifique à un organisme qui, selon lui, fait « un usage trop réduit, et comme suspicieux, des travaux des chercheurs spécialisés » dans le religieux. »[169]

Une réponse de Philippe Vuilque, député PS des Ardennes, à la question posée par le journal La Croix le 30 juin 2006 : Pourquoi à nouveau une commission sur les sectes ? : « Depuis une vingtaine d'années, le Parlement s'intéresse de près aux sectes. Il était important de continuer ce travail, en particulier après l'affaire du Temple solaire en 1995, surtout concernant le problème dramatique de l'embrigadement des en­fants. Aujourd'hui, la vigilance est néces­saire et indispensable. Selon le rapport établi par la MIVILUDES en 2005, près de 20 000 en­fants sont concernés. Le groupe d'études parlementaire que je préside recueille des témoignages dramatiques. Mon propre engagement depuis 1997, date à laquelle j'ai intégré le premier groupe de travail, est né d'un dégoût, d'une exécration pour les manipulations, et de la volonté de défendre les libertés individuelles. Dans ce sens, le Parlement doit, de ma­nière pédagogique mais aussi préventive, avoir une action concrète et efficace. Ce que nous voulons, c'est aboutir à un état des lieux qui nous permettra à la fois de mieux lutter contre les embrigadements sectaires et d'informer l'opinion publique. Car si le phénomène sectaire n'est pas forcément plus important qu'avant, il est très mouvant. »[170]  

« Le 28 juin 2006, la proposition de résolution de M. Philippe Vuilque « tendant à la création d'une commission d'enquête relative à l'influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs » a donc été adoptée à l'unanimité des députés présents. Soit deux jours avant la fermeture estivale de l'Assemblée nationale. Tout a été fait pour que, sous la pression d'un député, M. Philippe Vuilque (PS), qui, selon les termes de Mme Martine David (PS) a réussi à « arracher la création de cette commission d'enquête » et « n'a pas ménagé sa peine pour emporter la conviction », cette résolution adoptée dans l'urgence au point de « bousculer l'ordre du jour de l'Assemblée », soit votée à l'unanimité, « unanimité dont nous sommes sûrs, au fond », selon M. Guy Geoffroy (UMP). »[171]

« PARIS - Georges Fenech (UMP, Rhône) et Philippe Vuilque (PS, Ardennes) ont été désignés jeudi respectivement président et rapporteur de la commission d'enquête sur l'influence des sectes, lors de la réunion constitutive de la commission, a-t-on appris de source parlementaire. La commission a été créée en séance publique mercredi et elle a jusqu'à décembre pour rendre son rapport. Martine David (PS, Rhône) et Alain Gest (UMP, Somme) ont été nommés vice-présidents, et Jean-Pierre Brard (app-PCF, Seine-Saint-Denis) et Rudy Salles (UDF, Alpes-Maritimes) secrétaires. Les six députés, à l'exception de Georges Fenech, ont participé soit à la précédente commission d'enquête sur l'aspect financier des sectes, qui a rendu son rapport en juin 1999 et dont M. Brard était le rapporteur, soit à celle présidée par Alain Gest, qui avait rendu son rapport en décembre 1995. » (AFP, 28 juin 2006)

« Une commission d’enquête parlementaire sur le thème des sectes (la troisième en 11 ans) a été initiée en juin 2006 par le Parlement. Elle vise à évaluer « l'influence des mouvements à caractère sectaire et les conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs  ». Aucun des groupes spirituels « à caractère sectaire » n’a été auditionné. Certains d’entre eux ont reçu un questionnaire dont on ignore les modalités de dépouillement. En particulier, la focalisation de nombreuses interventions sur les Témoins de Jéhovah laisse perplexe. Les personnalités entendues étaient majoritairement acquises à un discours justifiant pleinement la lutte contre des « dérives sectaires » considérées comme un véritable fléau social. A noter : l’absence de sociologues, d’historiens des religions et d‘ethnologues.  L’intervention de Didier Leschi, chef du Bureau Central des Cultes au Ministère de l’Intérieur, mérite d’être mentionnée comme ayant été potentiellement de nature à équilibrer un débat partiel et partial. Un certain nombre d'autres intervenants ont su également avoir des propos assez mesurés souvent mal reçus par la commission. Les preuves du danger sectaire – un prétendu fléau social pour les mineurs -, sous forme d’enquêtes scientifiques, statistiques, croisées et vérifiables par des tiers indépendants, étaient inexistantes ou en tous cas non référencées lors des auditions. Les chiffres fournis pendant les auditions étaient approximatifs et leur interprétation aléatoire, voire insuffisante, quand ils ne dénotaient pas tout simplement le caractère inexistant de ce problème de société. »[172]

Parmi les 30 membres de cette commission, quatre (Madame David, Messieurs Brard, Fenech et Gest) étaient membres du Conseil d’orientation de la MIVILUDES.[173]

« Le 21 novembre 2006, la troisième commission d’enquête parlementaire sur les sectes[174], étudiant l’impact des dérives sectaires sur les mineurs, rendait une visite surprise de trois heures à la communauté (de Tabhita’s Place, à Sus, dans les Pyrénées-Atlantique) qui donna lieu, lors de la conférence de presse de 18h le jour même, à un compte-rendu alarmiste sur la situation des enfants dans la communauté. »[175]

23 juillet 2006 : Communiqué de presse de Michel Thooris, secrétaire général du syndicat Action Police CFTC : Le député maire communiste de Montreuil (Seine-Saint-Denis), Jean-Pierre Brard s'en est pris aux responsables des Témoins de Jéhovah, jeudi 20 juillet sur TF1, les qualifiant de « parfaits délinquants » tandis que le maire de Lens (62) souhaitait faire interdire leur assemblée qui se tient ce week-end au stade Bollaert à Lens (Pas-de-Calais). « Les Témoins de Jéhovah sont des citoyens respectueux des lois républicaines. II n'y a aucun critère dans leur vie de tous les jours qui permet de les classer « secte » estime Michel Thooris, secrétaire général du syndicat Action Police CFTC. Ils ne créaient aucun trouble à l'ordre public. Ils travaillent, paient des impôts, participent au développement économique de notre pays et font des dons à des associations caritatives. Le mélange de ces personnes issues de toutes les races et de toutes les origines se rassemblant dans la paix fait plaisir à voir. Nous n'avons jamais constaté lors de leurs rassemblements, même si l'on remonte très loin dans le temps, la moindre bagarre ou altercation qui aurait justifié notre intervention. Si tout le monde était Témoin de Jéhovah, nous policiers, nous serions au chômage. Nous comprenons mal la polémique autour du rassemblement des Témoins de Jéhovah au stade Bollaert à Lens (62). Vouloir interdire ce type de rassemblement pacifique est une très grave atteinte à la liberté de culte dans notre pays et une remise en cause très profonde de la loi de 1901 sur les associations. (…). »[176]

« Le 6 septembre 2006, une lettre est adressée par le CICNS au Commandant du groupement de gendarmerie de chaque département français, pour inviter les forces de l'ordre à découvrir un autre point de vue sur les mouvements spirituels que celui dont ils ont généralement connaissance. Le CICNS informe que le « fléau social » dénoncé par les activistes de la lutte anti-sectes ne correspond généralement à aucune réalité objective sur le terrain, et que nous sommes déterminés à dénoncer les abus quand il y en a. »[177]

Le rapport 2006 de la MIVILUDES mentionne pour la première fois le CICNS: « Originalité de ce rapport sans surprise sur le fond (nous n’en attendions donc pas) : la MIVILUDES s’essaye, pages 14 à 36, à une étude psychanalytique et sociologique des travers attribués aux sectes. Il est clair que certains reproches adressés ces dernières années à la MIVILUDES ne sont pas tombés dans l’oreille de sourds et qu’une tentative de donner une image plus académique et moins antireligieuse primaire leur est apparue indispensable. La MIVILUDES s’est donc façonné un joli paravent (reproche que l’on fait volontiers aux sectes) devant sa campagne menée sans discernement contre toutes les nouvelles expressions de la spiritualité et non contre les dérives sectaires, comme elle voudrait le faire croire (s’il en était autrement, la MIVILUDES aurait pris à son compte les mises en garde que nous lui adressons depuis près de trois ans sur les dommages causés à de nombreuses personnes par la campagne antisectes telle qu’elle est menée aujourd’hui). Cette quête d'une meilleure image serait louable s'il n'y avait cette tentative de discréditer de la manière la plus superficielle et la plus diffamatoire le son de cloche apporté par les critiques de l’action de la MIVILUDES comme le CICNS. On trouve ainsi cette affirmation au sujet de notre association : « Le CICNS mène campagne … pour la libéralisation du droit de propriété intellectuelle » et « sa cible principale est le droit d’auteur ». Quelle plaisanterie douteuse ! Comme si l’action de notre association était concernée en priorité par cette question dont nous avons fait un petit encart hors sujet à l’occasion d’un litige de copyright. Il est sans doute plus fructueux, pour la MIVILUDES , de définir le CICNS à partir de propos pris hors contexte de son action véritable (en y réfléchissant, ce petit tour de passe passe qui réduit l'action du CICNS à une absurde « lutte contre les droits d'auteurs » et dont l'effet serait dommageable pour « le tissu économique » n'est sans doute pas un hasard et nous éclaire certainement sur les craintes et objectifs de la mouvance anti-sectes). Plus loin, la traditionnelle affiliation à la Scientologie[178] permet d’ajouter une couche de suspicion pour ceux qui auraient encore des velléités de trouver un quelconque intérêt à notre travail : « La scientologie n’apparaît pas en première ligne, mais l’analyse attentive des arguments utilisés et des méthodes déployées (…) contre la commission d’enquête parlementaire laisse à penser qu’elle les a beaucoup inspirés… et plus si affinités ».

« La commision Machelon a rendu son rapport mercredi 20 septembre. Elle préconise un « toilettage » de la loi de 1905 portant séparation des Eglises et de l'Etat : 1. Elle se prononce pour un financement des lieux de culte par les collectivités territoriales ; 2. Elle propose d'assouplir le fonctionnement des associations cultuelles en élargissant leur objet social par une modification de l'article 19 de la loi de 1905 qui préconise l'exercice du culte comme « objet exclusif », ce qui rend difficile d'intégrer des activités annexes telles que vente de livres, activités sociales ou culturelles ; 3. Elle traite ensuite de la législation funéraire : plutôt que de préconiser l'extension des carrés confessionnels dans les cimetières publics, elle suggère « d'autoriser l'agrandissement » des cimetières privés existants, voire « d'ouvrir la faculté d'en créer de nouveaux », ce qui est interdit par la loi du 14 novembre 1881. » (adapté d’un article du journal Le Monde, 21 septembre 2006)[179]

« Le rapport Machelon nous rappelle que le dernier recensement officiel de l’appartenance religieuse des Français remonte à 1872. »[180]

« Silence total de la France tandis que le gouvernement de l'Etat de Borat dans le Kazakhstan détruit 13 maisons d'une communauté Hare Krishna. Le 20 novembre à 6h du matin, une personne anonyme remit un dossier contenant des ordres du procureur du tribunal du district de Karasai. Ces ordres déclaraient que les propriétaires des maisons devaient détruire leurs propres maisons, ou qu'elles seraient détruites par le gouvernement aux frais des propriétaires. « Le 21 novembre 2006 à 13 h l'information nous parvint qu'en vertu d'une décision du tribunal, l'expulsion des membres de l'organisation spirituelle « Société pour la Conscience de Krishna » du terrain qu'elle occupe près de la ferme de Sri Vrindavan Dham et la démolition de 13 maisons commenceraient immédiatement. (…) Un équipement important arriva dans cette communauté suburbaine : camions, machines de démolition, trois autobus avec des policiers d'émeute, un autobus avec l'équipe de démolition et les autorités locales, y compris le Hakim. L'électricité avait été déconnectée le matin du même jour. (…) A la tombée de la nuit, vers 18 h, tout était fini : 13 maisons détruites, les gens jetés à la rue couverte de neige, le village sans électricité, sans chauffage, sans eau. Les témoins étaient en état de choc, mais l'état des personnes jetées hors de leurs maisons détruites, dans la saleté et la neige, est indescriptible. »[181]

Le rapport de la troisième commission d’enquête (L’Enfance volée, rapport N°3507[182]), présenté par M. Philippe Vuilque (PS), rapporteur, à la présidence de l’Assemblée Nationale le 12 décembre 2006 a été adopté à l’unanimité des présents. Il comporte 50 propositions pour lutter plus efficacement contre la menace de ce prétendu « fléau social ».

Un député membre de cette commission, M. Christian Vanneste (UMP), a refusé de voter le rapport. Dans une « contribution au rapport de la commission d’enquête, publié sur son blog le 6 décembre 2006, M . Vanneste explique notamment : « Il faut toutefois émettre quelques réserves qui, je l’espère, permettront d’approfondir la réflexion, et notamment sur un problème de fond que j’avais déjà souligné lors de nos réunions : la secte n’est pas définie sur le plan juridique. Les mots ou expressions « sectes », « dérive sectaire », « fait sectaire », sont utilisés sans différentiation et recouvrent des situations et des personnes les plus diverses. Finalement, une confusion est entretenue. L’absence de définition conduit à la fois à une conception trop large qui embrasserait des mouvements religieux minoritaires dénués de la moindre nocivité et exclurait paradoxalement des dérives thérapeutiques qui se situent davantage dans le domaine des médecines alternatives.

(…) Je m’inquiète, dans la partie « Education », de la première proposition relative à l’instruction à domicile : il me semble que « limiter l’instruction à domicile à deux familles » et exiger « un recours à l’enseignement à distance » constituent une intrusion dans l’autonomie de la famille et dans la vie privée. Au même titre que lorsque le rapport exige une certaine « moralité » dans les organismes à distance, il m’apparaît utile de définir la notion au préalable pour une meilleure sécurité juridique.

J’aimerais donc rappeler ma proposition de s’inspirer de la législation belge qui, faisant preuve d’un certain bon sens, lorsqu’elle parle des sectes, distingue les mouvements nuisibles des autres. (...) En outre, il convient de mieux circonscrire les dangers effectifs quant à la santé morale, mentale, psychologique et matérielle de l’enfant. Les propositions numéros 21 et 22, qui prévoient la mise en place de thérapeutes spécialisés afin de prendre en charge les sortants de secte et la constitution d’une monographie sociale sanitaire des conséquences de l’appartenance des jeunes à des organisations sectaires, me paraissent créer certains dangers. Il s’agirait en fin de compte d’une atteinte à la neutralité de l’Etat face au fait religieux. De ce point de vue, la contradiction du rapport qui cite les mouvements à exigence morale forte et ceux à transgression, relèvent de l’ambiguïté et de la subjectivité. La potentialité du danger laisse apparaître le risque d’une attitude de suspicion difficilement compatible avec une société démocratique et libérale. »[183]

2007 : « Le 17 janvier 2007, 40 représentants des forces de l’ordre investissent le château de la Balme à Belberaud, près de Toulouse, où résident Claude David, psychologue et psychanalyste, ainsi qu'une trentaine de personnes (la communauté des Gens de Bernard). Au cours de l’opération coup de poing, quatre membres de la communauté sont mis en garde à vue. A la suite de cette garde à vue, Claude David, dans le collimateur de l’antisectarisme depuis 15 ans, est placé en détention provisoire et mis en examen. La couverture médiatique ne présente que la version des victimes autoproclamées de Claude David et celle de l'association anti-sectes locale (Info-Sectes Midi-Pyrénées à Toulouse). Selon cette dernière, Claude David « avait tout le monde sous sa coupe et était la prothèse pensante des membres de la communauté ». Il est présenté dans la presse comme un « gourou ». La France est familière de ces assauts violents à l’encontre des minorités et d’un traitement journalistique qui s’apparente à un véritable lynchage médiatique ne permettant plus la présomption d'innocence et ternissant des réputations de façon irrémédiable. Le CICNS a souhaité donner la parole aux résidents du château afin d’offrir au public l’occasion, devenue trop rare dans notre Etat de droit, de croiser ses sources d’informations. Et nous attendons l'évolution de cette affaire pour déterminer s'il ne s'agit pas d'une autre de ces affaires montées de toutes pièces pour donner du poids à des commissions parlementaires qui en manquent cruellement. Selon Me Françoise Mathe, avocate de M. David : « Au château, chacun menait une vie professionnelle normale. Les enfants étaient scolarisés. La vie sociale était suffisamment ouverte sur l'extérieur. » (Interview des membres de la communauté des Gens de Bernard par le CICNS, février 2007)[184]

« La Cour d'appel de Rouen a condamné mercredi la présidente de l'Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu (UNADFI), Catherine Picard, à verser 6.750 euros aux Témoins de Jéhovah pour diffamation, a-t-on appris vendredi de source judiciaire. » (AFP, Rouen, 20 juillet 2007)

« Plus d'une centaine de personnes sont venues assister au colloque organisé par le CICNS à Paris sur le thème : « Sectes : fléau social ou bouc émissaire ? » C'est un thème d'actualité difficile car il dérange. Il trouble le confort précaire d'une société qui fixe son idéologie sur la peur de celui qui est différent. Les intervenants présents : sociologues, historiens, avocats, de France, du Royaume-Uni, de Belgique et de Suisse sont depuis longtemps engagés dans la défense des libertés fondamentales et en particulier de la liberté de conscience et la liberté spirituelle. Leur travail universitaire, leurs actions juridiques se déroulent dans un contexte souvent hostile. Beaucoup n'hésitent pas à aller à contre-courant des opinions reçues sur la question des sectes, quitte à devoir sans arrêt agir contre leur « délégitimation » (selon une expression de Jean Baubérot au cours d'un colloque précédent) parce qu'ils osent dénoncer les amalgames et les discriminations. (…) Les errances de l'action publique et médiatique sur la question desdites sectes ont été dénoncées par chacun des intervenants à sa manière. Pour lutter contre d'éventuels groupes dangereux, la méthode employée aujourd'hui en France est une impasse. L'exemple d'autres pays européens montre qu'une démarche de connaissance alternative est possible. »[185]

Octobre 2007, parution du livre d’Yves Bertrand, directeur des Renseignements Généraux de 1992 à 2004 : Je ne sais rien mais je dirai (presque) tout[186]. Extrait : « Il est exact que les Renseignements Généraux ont contribué à nourrir la réflexion de la commission d'enquête parlementaire qui, en 1996, a rendu un rapport très dur sur la question, en ne recensant pas moins de 172 mouvements qualifiés de sectaires. Je ne renie pas le travail que nous avons fait alors pour éclairer les parlementaires. Mais ce travail a incontestablement vieilli. Et j'ai moi-même évolué sur la question. A côté de sectes authentiques et dangereuses, pratiquant la déscolarisation des enfants, l'abus de faiblesse, voire la pédophilie, certains groupes se sont vus un peu vite affublés du vocable de secte. La sémantique elle-même devrait être modifiée. Le terme secte a été forgé à une époque où le catholicisme et le protestantisme constituaient la norme dominante et où il s'agissait, en quelque sorte, de stigmatiser les hérésies chrétiennes. Doit-il être utilisé aussi facilement aujourd'hui ? J'en doute sincèrement. (...) Doit-on confondre en un même vocable, sectes et mouvements minoritaires, pratiquant le prosélytisme comme les témoins de Jéhovah ? Franchement je ne le pense pas. On a le droit de critiquer la Scientologie ou les Témoins de Jéhovah, mais faut-il pour autant les transformer en diable ? Je pense même qu'à placer sur le même plan certaines sociétés de pensée et d'authentiques mouvements sectaires qui aliènent la liberté de leurs membres, on aboutit à l'inverse du but recherché. Sous prétexte de protéger la liberté de conscience, on empêche les citoyens d'embrasser les croyances de leur choix, ce qui est le contraire de la laïcité bien comprise... »  


[1] Bernard Renaud de la Faverie, directeur des éditions Dervy, dans une interview réalisée par le CICNS en novembre 2004.

[3] « Née en 1241, la Hanse était devenue, en peu d'années, avec une rapidité de propagation inouïe à cette époque « la suprême expression de la vie collective, la concentration de toutes les gildes marchandes de l'Europe ». Au XVIe siècle, elle forme une fédération qui comprend plus de quatre-vingts villes et étend ses factories de Londres à Novgorod. Elle n'est cependant « fondée que sur le libre consentement des gildes et des villes; elle ne connaît d'autre moyen de discipline que l'exclusion, et si grande est la force corporative que la Hanse exerce néanmoins un ascendant sur toute l'Europe », dans l'intérêt majeur du commerce européen. » (L’opinion et la foule, de Gabriel Tarde, citant des extraits du livre d’Adolphe Prins, La démocratie et le régime parlementaire: Etude sur le régime corporatif et la représentation des intérêts, Bruxelles, 1887)

[4] La Camorra , « la protection », est un phénomène mafieux issu de la ville. C'est un type de Mafia né à Naples en Italie aux environs du début du XIXe siècle. À partir de Naples, elle s’est diffusée dans toute la Campanie.

[8] Livre de Louis Pauwels (journaliste et écrivain français décédé en 1997) et Jacques Bergier publié en 1960. Il  constitue un phénomène sociologique non négligeable puisqu'il a provoqué en pays cartésien une vogue considérable pour l'imaginaire, l'irrationnel et l'étrange. Sous la forme d'un essai captivant poursuivi par la revue Planète qui en est issu, « rien de ce qui est étrange ne leur fut étranger ».

[9] Tiré de « 120 minutes pour la liberté spirituelle », un film-documentaire du CICNS.

[13] http://links.jstor.org/ Modern Studies in the Sociology of Religion in France and Belgium, Eva J. Ross, The American Catholic Sociological Review, Vol. 15, No. 2 (Jun., 1954), pp. 115-140

[18] International Society for Krishna Consciousness.

[21] Le Message des Tibétains : Le Bouddhisme (première partie), 1966, Le Message des Tibétains: Le Tantrisme (deuxième partie), 1966, Himalaya, Terre de Sérénité: Le Lac des Yogis (première partie), 1968 , Himalaya, Terre de Sérénité: Les Enfants de la Sagesse (deuxième partie), 1968, Les Chemins de la Sagesse (Tomes I,II,III), Paris, La Table ronde, 1968, 1970 et 1972, Monde Moderne et Sagesse Ancienne, Paris, La Table ronde, 1973 

[22] Adapté d’un documentaire vidéo sur Maharishi Mahesh Yogi réalisé par History International en 2007.

[30] Librement extrait du livre de Jean Vernette, Les sectes, Puf, 2002. Le père Vernette « fut, durant près de trente ans, secrétaire général du service national « Pastorale, sectes et nouvelles croyances », c’est-à-dire le délégué officiel de l’épiscopat français sur ces questions. » (Source : Psyvig.com)  

[30a] http://www.vigi-sectes.org/visage_decouvert/moon.html 

[31] Interview de Laurent Ladouce, chargé des relations publiques pour l'Église de l'Unification en France, par le CICNS sur http://www.cicns.net/Moon.htm 

[33] et le psychiatre André Badiche.

[35] Sectes, religions et libertés publiques, de Christian Paturel, La Pensée Universelle , 1996

[36] Interview de Laurent Ladouce, chargé des relations publiques pour l'Église de l'Unification en France, par le CICNS sur http://www.cicns.net/Moon.htm 

[38] Librement extrait du livre de Jean Vernette, Les sectes, Puf, 2002.

[42] En janvier 1976, le Manoir fleuri, centre de l’Eglise de l’Unification (Moon) à Saint-Germain-au-Mont-d'or,  devient célèbre en raison de « l'affaire Amadeo » où l’enlèvement d’une jeune mooniste par ses parents, devant les caméras de télévision, entraîne un reportage de FR3 en avril.

[43] Interview de Laurent Ladouce, chargé des relations publiques pour l'Église de l'Unification en France, par le CICNS sur http://www.cicns.net/Moon.htm 

[46] La libre belgique, 2 octobre 2004 par Christian Laporte

[48] Sectes, Religions et Libertés Publiques, de Christian Paturel, La Pensée Universelle , février 1996

[51] Interview de Laurent Ladouce par le CICNS sur http://www.cicns.net/Moon.htm 

[52] http://www.droitdesreligions.net/ldr_pdf/ldr_janvier_2006.pdf

[56] L’Unité, hebdomadaire du Parti Socialiste, N°409 du 6 février 1981

[57] Rapport Vivien, 1983

[59] Le Centre pour l'études des nouvelles religions (CESNUR - Center for studies on new religions) est une association internationale d'étude du pluralisme religieux et des nouveaux mouvements religieux. Site : http://www.cesnur.org 

[60] L'évolution du mouvement contre les sectes chrétien 1978-1993, Massimo Introvigne, sur http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=3289080 

[63] Interview de Laurent Ladouce par le CICNS sur http://www.cicns.net/Moon.htm 

[64] De la Mils à la Miviludes - La politique envers les sectes en France après la chute du gouvernement socialiste, un discours de Régis Dericquebourg, sociologue, prononcé à la conférence du Cesnur à Vilnius en avril 2003.

[67] Rapport Guyard.

[73] Depuis le 13 août 1961.

[74] C. BUFFET, professeur à l'Ecole Supérieure de Journalisme de Lille, dans L'Histoire, n°220, avril 1998.

[76] Sectes, religions et libertés publiques, de Christian Paturel aux éditions La Pensée Universelle , 1996

[77] Citation extraite du livre de Gérard GONZALES : La convention européenne des droits de l’homme et la liberté des religions, Centre d’Etudes et de Recherches Internationales et Communautaires Université d’Aix – Marseille III – Economica, 1997, pp. 75-82

[79] Les radis de la colère, de Me Jean-Pierre Joseph, Editions Louise Courteau, 3 septembre 1999

[81] Organe de réflexion rattaché au Ministère de l’Intérieur. M. Jean-Michel Roulet, président de la MIVILUDES, en a été le directeur de décembre 1994 à juin 1995 (cf. site de la MIVILUDES ).

[90] Paul Bouchet était à l'époque président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS). A ce titre, le premier ministre de l’époque, Pierre Bérégovoy, lui avait commandé en 1993 un rapport sur les écoutes de l’Elysée. Ce fut la première « grande » affaire sous la présidence de la République de François Mitterand.

[91] http://www.cicns.net/Aum.htm 

[92] Arrêt Tabachnik, 25 juin 2001 à Grenoble, sur http://www.cesnur.org/2001/fr_solar_1.htm

[93] Cf Massimo Introvigne  Pour en finir avec les sectes, Paris, éd. Dervy, 1996 ; Françoise Champion et Martine Cohen , éd. : Sectes et démocratie, Paris, Seuil, 1999

[94] De la Mils à la Miviludes - La politique envers les sectes en France après la chute du gouvernement socialiste, un discours de Régis Dericquebourg, sociologue, prononcé à la conférence du Cesnur à Vilnius en avril 2003.

[95] Patrick Rougelet, RG, la machine à scandales, Albin Michel, mars 1997.

[101] De la Mils à la Miviludes - La politique envers les sectes en France après la chute du gouvernement socialiste, un discours de Régis Dericquebourg, sociologue, prononcé à la conférence du Cesnur à Vilnius en avril 2003.

[106] Le Bureau fédéral d'investigation ou FBI (Federal Bureau of Investigation) est aux États-Unis le principal service fédéral de police judiciaire et un service de renseignement intérieur.

[117] Lire l’article sur http://www.cicns.net/ObligationScolaire.htm : « Obligation scolaire : Chronologie de l’assassinat du droit à la liberté d’instruction »

[121] Journal Officiel N° 234, du 9 Octobre 1998, page 15286

[131] « La définition traditionnelle du terme « secte », soit selon le Petit Larousse 1996, un « ensemble de personnes qui professent une même doctrine philosophique ou religieuse » ou un « groupement religieux clos sur lui-même et créé en opposition à des idées ou des pratiques religieuses dominantes ». Cette définition, qui contient plusieurs éléments pertinents, ne permet toutefois pas d’appréhender l’ensemble du phénomène sectaire moderne : de nombreux mouvements de pensée n’ont rien de commun avec les courants religieux traditionnels, qu’ils proposent une doctrine syncrétique assemblant des éléments de diverses religions ou qu’ils prônent des théories scientifiques ou ésotériques. »

[143] C'est, en pratique, le cas du seul sénateur Caldaguès (RPR) qui n'est intervenu qu'en seconde lecture et fut une fois rejoint par son collègue Hamel (RPR) cf. Sénat II, pp. 1719 et 1722.

[144] Sur les 18 interventions motivées dans les deux assemblées, 11 parlementaires avaient appartenu, soit au conseil d'orientation de la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (au 5 février 2001 c'était Nicolas About, J.-P. Brard, Martine David, Serge Lagauche), soit aux deux commissions d'enquête parlementaire sur les sectes. Le conseil d'orientation de la MILS a pu examiner une première version de la proposition de loi About (cf. rapport de janvier 2000, p. 58).

[145] Arch. de Sc. soc. des Rel., 2003, 121, (janvier-mars 2003) 149-166 - Patrice ROLLAND, sur la-loi-17.htm 

[146] « La loi About-Picard renforce l'arsenal législatif contre les sectes », Laïc info, 16 octobre 2004, mentionné par Susan J. Palmer sur http://www.cesnur.org/2006/sd_palmer_fr.htm  

[149] Lire les extraits du livre de Maurice Duval, Un ethnologue au Mandarom, sur http://www.cicns.net/Mandarom.htm 

[150] Tours jumelles.

[151] 11 septembre 2001 - 11 janvier 2002 : cent vingt jours d'atteintes aux libertés immuables http://www.conflits.org/index1294.html

[152] Presses Universitaires de France - PUF (28 janvier 2002).

[159] L’American Family Foundation est la « maison mère » du Cult Awareness Networdk (CAN).

[177] Lire cette lettre sur Courriers-gendarmerie1.htm 

[186] Editions Plon.

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