1893 :
Gabriel Tarde, sociologue qui s’essaya à la criminologie, publie une série
d’articles qui paraîtront par la suite sous le nom de « L’opinion
et la foule », dont le premier est l’article suivant : « Foules
et sectes du point de vue criminel »
(in
La Revue
des Deux Mondes, 15
novembre, P. 349-387) [2].
Dans cet essai, qui explore les notions de foules,
de corporations, de public
et ce qui les différencie entre elles, la notion de secte
est ainsi définie : « Une
foule tend à se reproduire à la première occasion, à se reproduire à
intervalles de moins en moins irréguliers, et, en s'épurant chaque fois, à
s'organiser corporativement en une sorte de secte ou de parti ; un club
commence par être ouvert et public, puis, peu à peu, il se clôt et se
resserre ; d'autre part, les meneurs d'une foule sont le plus souvent non des
individus isolés, mais des sectaires. Les sectes sont les fermens des foules. (…)
Rien de plus bienfaisant que la Hanse
au Moyen-Âge ; rien de plus
malfaisant, de nos jours, que la secte anarchique. Ici et là, même
force d'expansion, salutaire ou terrible. » Sont cités comme sectes :
les Jacobins, la mafia sicilienne, la camorra napolitaine[4],
le nihilisme russe,….
Remarques
générales sur l’évolution des termes « sectes » et « sectaires »
Selon une étude réalisée en 2004 par M. Paul Airieau, historien, pour
la MIVILUDES , dans le cadre d’un séminaire : « Sectes et laïcité » :
« (Par
le) biais du catalogue de
la Bibliothèque
nationale de France, ont été relevés les livres dont le titre comportait
les mots « sectes », « secte », « sectaire », « sectaires », «
sectarisme » de 1900 à 2002, et « laïcité » de 1945 à 2002. (…) On
obtient ainsi 376 titres, dont la répartition chronologique n’est pas sans
intérêt. (…) La première partie du siècle retient l’attention : une
production relativement régulière, mais jamais supérieure à trois titres. Avant
1977, la production n’est jamais supérieure à cinq, et certaines années
ne comprennent aucun titre. Après
1977, on assiste à une explosion, la production (annuelle) n’étant
jamais inférieure à cinq, sauf en 1989 et 2002. 1990-2002,
avec une très forte poussée et un sommet en 1996 et 1997, et une chute
impressionnante en 2000. Les proportions sont tout aussi éloquentes. Entre
1977 et 2002 sont publiés 69,95% des ouvrages retenus, la période 1986-2002
en concentrant même 51,33% (193 titres). Quant à la période antérieure
à 1945, elle concentre 13,56% des titres (51), soit moins que la période
1945-1977 (16,48%, 62 titres). Le thème
devient donc socialement important à partir de la fin des années 1970, et très
porteur dans la décennie 1990. »[5]
« Les
mots « sectaire » et « sectaires » ne sont pas utilisés sur toute la période.
Ils sont présents presque uniquement avant 1914 et après 1998, « sectaires
» étant même majoritairement utilisé avant 1914 (54,54% des occurrences).
Quant à « sectarisme », il est utilisé majoritairement entre
1971 et 1972, disparaît (avec l’exception de 1980) et réapparaît à
partir de 2000. « Sectes » et « secte » présentent également des
particularités. « Sectes » connaît 56,25% de ses occurrences après 1986,
alors que « secte » n’en connaît que 44,23%. Avant 1945 se produisent
8,33% des utilisations de « sectes », mais 16,34% de celles de « secte ».
Un changement paraît s’être produit : les « sectes » ont remplacé la «
secte », et la mutation s’est accentuée à partir des années 1950, encore
plus après 1977. Ces éléments laissent donc supposer des déplacements dans
la signification des mots qu’il faudra préciser.»5
« Avant
1945, la question des « sectes » est quasiment inexistante. (…)
Dans les années 1950, outre l’utilisation sociologique et descriptive, on
voit apparaître la polémique catholique contre les groupes religieux non
catholiques en expansion en France : Témoins de Jéhovah, adventistes,
baptistes, mormons, essentiellement. »[6]
Chronologie
1946 :
Jean Herbert, auteur de nombreux ouvrages consacrés à l’Hindouisme, fonde
la collection Spiritualités vivantes
chez Albin Michel.
« Pour
qu’une véritable discipline de persuasion des masses se crée, il faudra
attendre les véritables manipulateurs du symbolisme politique, apparus aux États-Unis
au milieu des années 50. Ces maîtres d’une discipline d’un nouveau genre
faisaient la synthèse des travaux de Setchenov et de Pavlov (la psychologie
soviétique) et de leurs réflexes conditionnés, de Freud et de ses images du
père, de Rienman et de son idée de concevoir les électeurs américains
comme des spectateurs consommateurs de la politique. »[7]
1950 :
« Le renouveau de l’ésotérisme en France commence fin des années
1950 avec Le matin des magiciens
de Louis Pauwels, puis la revue Planète. »
[1]
« Vers
les années 50-60, l’Occident voit une soif de verticalité s’exprimer
soudain en de nombreuses personnes hors des Eglises traditionnelles. Il est
difficile de rendre compte de l’incroyable diversité et multiplicité des
enseignements et pratiques qui apparaissent alors
et du bouleversement qu’ont
pu vivre des millions de personnes à
travers eux. Certains
voyagent à
la rencontre de l'Orient et de ses traditions ancestrales ;
ils rapportent des images, des textes, et leur propre interprétation
de ces rencontres qui en inspirent d'autres à
leur tour. »[9]
« L'expression
brainwashing (lavage
de cerveau) apparaît pour la première fois le 24 septembre 1950 dans
un article du Miami Daily News traitant de méthodes utilisées par les
communistes chinois pour « retourner » des prisonniers de guerre ou des détenus
politiques. Il était signé par Edward Hunter, journaliste qui fut aussi
agent de l'OSS puis de
la CIA.
Dick
Anthony et Massimo
Introvigne distinguent trois périodes dans l'histoire de la notion de
« lavage de cerveau »: la période anticommuniste de 1950 à la fin des
années 1960, la période de la « première guerre anti-sectes » dans les
années 1970-1980 et la période de la « seconde guerre anti-sectes » dans
les années 1990. »[10]
« Le
maccarthysme est un épisode
de l'histoire américaine connu également sous le nom de « Terreur
Rouge » (Red Scare), qui s'étala approximativement de 1950 à 1956.
Elle désigne non seulement la procédure inquisitoriale menée par la
commission du Sénateur Joseph McCarthy consistant à traquer d'éventuels
agents, militants ou sympathisants communistes aux États-Unis mais également
une ambiance politique consistant à réduire l'expression d'opinions
politiques ou sociales jugées défavorables, en limitant les droits civiques
sous le motif de défendre la sécurité nationale. »[11]
Elle est considérée par certains observateurs comme un précédent à la
campagne anti-sectes en France, jugée parfois comme un paravent commode à
l’introduction d’une législation visant à réduire les libertés
individuelles à des fins assez éloignées des motifs d’origine.
1951 :
Parution des trois livres doctrinaux du Christ de Montfavet. « D’abord
à Noël 1947, puis à la même date en 1950, il se révèle à sa famille
comme une nouvelle incarnation de Jésus-Christ, le Christ revenu sur la
terre, révélation qui sera communiquée au grand public à partir de février
1954. Cependant, dès fin décembre
1950, de nombreux tracts sont distribués dans toute
la France
et même en-dehors de nos frontières, tracts ayant pour titre Hier
Jésus de Nazareth, aujourd’hui Georges [Roux] de Monfavet! Immédiatement
une mission, l’Agence Chrétienne d’information, s’établit à Paris 12. »
« Le
nombre d'études réalisées en sociologie des religions en France et en
Belgique ces dernières années est très impressionnant.
Non seulement y a-t-il un grand nombre de rapports sur le pourcentage
de ceux intéressés dans la religion en rapport avec la population globale,
avec des comparaisons par régions, communautés, sexe, âge, classe et
occupations, mais un nombre important d'enquêtes exhaustives par des
paroisses et des diocèses, des tentatives ont été faites pour mesurer les
effets de l'éducation, de l'appartenance à une classe sociale, du logement
sur les croyances religieuses, pour confirmer les résultats d'un changement
social ou d'une mobilité territoriale sur la croyance religieuse et, en
France, pour établir un lien entre la religion et le choix politique. (...)
Les études modernes en France et en Belgique sont en majorité conduites par
des Catholiques qui n'ont pas reçu de formation sociologique préalable. »
[13]
1953
– Parution du livre de M.
Colinon, Faux prophètes et sectes d'aujourd'hui, Plon, 1953,
coll. Présences.
1959 :
« En 1959, la spiritualité indienne n'est encore connue en France que
dans des cercles restreints. Arnaud Desjardins, réalisateur et chrétien
pratiquant le yoga, part vers l'Inde en voiture. Il compte approfondir ses
connaissances en yoga, mais aussi découvrir et faire découvrir, par la télévision,
un autre monde. D'ashram en ashram, il rencontre les plus grands maîtres du
XXe siècle : Swami Shivananda, Mâ Ananda Môyi, Swami Ramdas, Ramana
Maharshi. Il en ramène un film fondateur, Ashrams,
et un livre éponyme. Ces deux œuvres font découvrir à toute une génération
qu'un autre monde est possible, et qu'à l'Orient souffle l'Esprit. Arnaud
Desjardins avait ainsi ouvert la route de Katmandou. (…) Texte séminal, qui
marqua toute une époque, Ashrams
reste le témoignage vivant d'un monde toujours présent. »[16]
1960 :
Alain Danielou (1907-1994), écrivain, musicologue, philosophe et traducteur,
revient en France après 25 ans passés en Inde où il a vécu, étudié et
professé. Il publie « Mythes et dieux de l'Inde. Le polythéisme hindou »,
dans lequel il cherche à « permettre une meilleure compréhension
de la conception hindoue de la multiplicité du Divin et des dangers inhérents
à l'illusion monothéiste. »[17].
Il est revenu en France pour parler avec force de la pertinence actuelle
« d'une mythologie symbolique, d'une cosmologie qui ne sépare pas
religion, métaphysique et science ».
1966,
Bhaktivedanta Swami Prabhupada, fondateur de l’« Association
Internationale pour
la Conscience
de Krishna » (AICK, ou ISKCON[18]
en Anglais) s'embarque dans un cargo partant de l’Inde pour les Etats-Unis.
Seul, il débarque à New-York.
« Les
six premiers mois à New York sont difficiles. Un groupe de disciples de plus
en plus grand commence cependant à se rassembler autour de lui. Ils se
rendent souvent avec Swami Prabhupada au jardin public Thompkins Square Park,
pour y pratiquer le chant sacré du Nom de Dieu. Prabhupada y organise la
première réunion de chant en plein air (sankirtan) qui se soit jamais
produite en-dehors de l'Inde. Le développement de son mouvement, bien présent
de nos jours, est fulgurant. En moins de dix ans, il fera connaître le mantra
Hare Krishna dans les cinq continents en y instaurant plus d'une centaine de
centres. » [19]
Le
16 juin 1966, l’ORTF diffuse une
émission présentée par Arnaud Desjardins,
Le bouddhisme, le message des
Tibétains.[20]
« Arnaud Desjardins publie plusieurs ouvrages à la fin des années 60
qui auront un grand retentissement dans le public français et contribueront
grandement à faire connaître les spiritualités orientales, en particulier
indiennes et tibétaines.[21] »
1968 :
« L'année 1968 est marquée par une série de révoltes principalement
étudiantes un peu partout sur la planète. Début du « Printemps de
Prague » en Tchécoslovaquie, affrontements entre étudiants et
policiers en Italie, puis aux
Etats-Unis et en Pologne en février. (…) Émeutes dans la plupart des
grandes villes des Etats-Unis après l’assassinat de Martin Luther King le 4
avril. Des émeutes estudiantines éclatent ensuite à Tokyo, bientôt suivie
par
la France
en mai. Un violent affrontement entre policiers et manifestants indépendantistes
à Montréal, le 24 juin 1968, où 290 personnes sont arrêtées et 125 blessées,
entrera dans l’histoire québécoise sous le nom de « lundi de la
matraque ». (…) Les étudiants américains s’insurgent contre la
guerre du Viêt Nam et remettent en cause le modèle de vie
américain. Le 2 octobre 1968, en début de soirée, la « Noche
Triste », l'armée mexicaine ouvre le feu sur des étudiants
rassemblés sur la place des Trois Cultures de Tlatelolco à Mexico.
« L'année
1968 traduit un tournant dans les mentalités, en France comme dans le reste
du monde occidental. (…). La jeunesse étudiante se montre à l'écoute de
penseurs radicaux comme Michel Foucault, Jean-Paul
Sartre, Louis Althusser, Noam Chomski et Herbert Marcuse. »
« En
février 1968, les Beatles, Mike Love (Beach Boys) et Donovan s’envolent
vers l’Inde pour rendre visite à Maharishi Mahesh Yogi. Les Beatles écrirent
plus de trente chansons à Rishikesh, à l’ashram de Maharishi, dont leur
« Album Blanc » témoigne. Les
Beatles firent du Maharishi le maître spirituel indien le plus célèbre de
la planète. »[22]
« Les
premiers disciples de Moon sont venus dans notre pays le 12 novembre 1968,
appelés à cette époque: les Pionniers du Nouvel Age. »[23]
Les
Enfants de Dieu (EDD, ou Children of God, COG), connus plus tard sous le nom
de
La Famille
d’Amour,
La Famille
, et maintenant
La Famille
Internationale
(The Family International, TFI) est un mouvement fondé en 1968
par le pasteur David-Brandt Berg.
Ce dernier fut un prédicateur télévangéliste qui souhaitait porter le
message de l’Evangile à la jeunesse hippie des Etats-Unis. Il se fit
appeler par ses disciples Moïse-David
ou simplement MO. Il mit fin
à ses nombreuses pérégrinations pour s’installer, en 1968, à Huntington
Beach, en Californie. Les Enfants de Dieu, souvent désignés comme « secte »
par les médias et certaines organisations gouvernementales, faisait partie
des mouvements qui ont donné naissance à la controverse sur les sectes des
années 70 et 80 aux Etats-Unis et en Europe.
1969 :
Création de l’Aumisme par Gilbert Bourdin, ou Sa Sainteté Hamsah
Manarah, ou Messie Cosmo-planétaire.
« Il
s’est réellement passé quelque chose dans les années 1970 quant aux
« sectes », qui s’est accentué après 1995. »[24]
1971 :
Le premier groupe anti-sectes historique organisé est américain :
FREECOG (Free the Children of God : Libérez les Enfants de Dieu). Il a
été formé en grande partie en réponse au dévouement total demandé aux
membres des Enfants de Dieu et aux supposées techniques de contrôle mental
utilisées par ce groupe. Parmi les fondateurs de FREECOG se trouvaient Ian
Haworth, William Rambur, John Moody et Ted Patrick, l’un des pionniers du deprogramming.
« En
juillet 1971, des membres des Enfants de Dieu entrèrent en contact avec le
fils et le neveu de Ted Patrick sur Mission Beach, en Californie, et ceux-ci
se préparèrent à rejoindre l’organisation. Quand Patrick entendit leur récit
et qu’il commença par la suite à recevoir des plaintes de parents au sujet
de leurs enfants qui rejoignaient le groupe, il se sentit de plus en plus
concerné par cette organisation et décida d’enquêter sur ses activités.
Dans le cadre de son enquête, il infiltra le groupe et en devint membre en
tant que nouveau disciple. Peu de temps plus tard, il fonda, avec plusieurs
parents concernés de membres des Enfants de Dieu, une organisation appelée The
Parents' Committee to Free Our Children from the Children of God
(renommée par la suite Free the
Children of God ou FREECOG). Patrick était largement reconnu comme le
premier déprogrammeur et l’initiateur du terme « deprogramming ».
Pourtant, ce n’est pas avant sa première séance de déprogrammation
(d’un ex-membre des Enfants de Dieu) qu’il commença à utiliser ce terme. »[25]
« Nonobstant
la sympathie de quelques autorités politiques locales, dans sa forme plutôt
simple des origines le mouvement anti-sectes n’avait pas de grandes chances
de succès. Par contre - d’après le modèle résumé par Shupe et Bromley -
trois facteurs de développement ont permis une croissance presque continue du
milieu des années 1970 jusqu’à la fin des années 1980. Il s’agit de la
consolidation organisationnelle, de la professionnalisation et de
l’expansion des cibles[26].
D’une part, il faut reconnaître que les mouvements anti-sectes, qui étaient
nés comme groupes locaux, furent capables (également grâce à leurs bonnes
relations avec une certaine presse) de se lier entre eux à l’échelle
nationale et de mettre ensemble des personnes qui, à l’origine, ne s’intéressaient
qu’à un groupe particulier (par exemple aux Enfants de Dieu ou à l’Église
de l’Unification). Des groupes non structurés créèrent, peu à peu, des
structures visibles et importantes. Shupe et Bromley insistent d’ailleurs
sur le fait que, surtout avant 1980, cette consolidation organisationnelle
n’aurait pas été possible sans le rôle de « liant » joué par
les déprogrammeurs. Il est vrai que, par la suite, les plus grands mouvements
anti-sectes - après le passage des tribunaux américains d’une certaine
indulgence à la plus grande sévérité envers la déprogrammation – en
sont arrivés à se déclarer contraires à cette pratique, au moins de façon
publique. D’après Shupe et Bromley, « les déprogrammeurs violents
comme Ted Patrick ont été relégués de plus en plus sur la marge, en réalité
toujours honorés symboliquement par les mouvements [anti-sectes] à l’intérieur
comme héros fondateurs, mais soigneusement cachés à la vue publique[27]. »
1972
« Les Enfants de Dieu s’implantent en France à partir de 1972.
Ils rejettent les institutions de ce monde (famille, société) et prônent la
libération sexuelle, tout en attendant le retour de Jésus-Christ pour lutter
contre la dictature de Satan sur Terre. »[28]
1974
– Le dimanche 19 mai 1974, Valéry Giscard d'Estaing (48 ans) devient le
troisième président de
la Ve République.
« Jusque-là
employé par une Église reconnue et institutionnalisée (au moins par
l’effet du temps) pour qualifier des groupes schismatiques, le terme
« secte » est rapidement employé pour désigner des groupes arrivés
récemment sur le territoire national, et qui dénotent dans le paysage
socioculturel de l’époque. Qu’ils se réfèrent, de manière plus ou
moins lointaine, aux textes ou à l’esprit de la religion catholique (Moon,
Enfants de Dieu) ou à un tout autre culte (Krishna), ils ne passent pas
inaperçus. (…) Ces thèmes, particulièrement étrangers à la culture
dominante française des années 1970, font que ces trois groupes sont
particulièrement remarquables. Surtout, les pratiques mises en œuvre
attirent l’attention et une certaine réprobation (qui n’est toutefois ni
catégorique, ni générale). Elles partagent une certaine défiance vis-à-vis
de l’institution familiale, et la plupart des adeptes sont invités à
prendre des distances avec la leur. Pour beaucoup, cela passe alors par un
voyage à l’étranger. De même, la méfiance généralisée à l’égard
de la société (ce qui n’empêche pas un prosélytisme important) les
pousse à limiter les contacts avec les non-adeptes, ce qui renforce
l’impression communément partagée d’exclusion. Mais ce sont les faits
divers des journaux qui vont les faire connaître progressivement au public.
Les adeptes de l’AICK (Krishnas), vêtus de saris blancs ou safrans (crâne
rasé pour les hommes), pratiquent un végétalisme strict et refusent toute
« intoxication » (drogue, tabac, alcool, café, thé) et récitent
le Maha Mantra plusieurs heures par jour, en vue de se purifier et d’attirer
les conversions. »[29]
« L’Association
pour l’Unification du Christianisme Mondial s’implante en France vers
le milieu des années 70. Prenant ses distances avec certains points issus de
la tradition chrétienne, elle affirme que le Révérend Moon est le « Seigneur
du Second avènement », venu achever l’œuvre de Jésus-Christ sur
terre, en fondant une famille parfaite. Proclamés,
« vrais Parents » des adeptes, Moon et son épouse prennent
place à côté des Etats-Unis dans la lutte contre l’incarnation de Satan,
le communisme (à ce titre, le Révérend Moon sera reçu très officiellement
à
la Maison Blanche
par Richard Nixon). »[30]
« L'organisation actuelle date de 1976,
sous la forme juridique d'une Association 1901. » [30a]
« Beaucoup
de ces jeunes quittent
la France
pour les États-Unis. Le révérend Moon y mène la campagne du Day of Hope
qui culmine avec le discours du Madison Square Garden de New York le 18
septembre 1974 : un tournant. La presse américaine se déchaîne et
l’onde de choc touche
la France
quelques mois plus tard. »[31]
« La
presse française se fait l’écho de mariages gigantesques célébrés par
le Révérend Moon entre plusieurs milliers de couples. Des photos largement
diffusées montrent des alignements de couples – tous vêtus à
l’identique - attendant sa bénédiction nuptiale. »[29]
« Moins
remarquées, les pratiques des Enfants de Dieu suscitent toutefois une
indignation de ceux qui en ont vent. On évoque alors la méthode du Flirty
Fishing, prônée par Moïse David, et qui consiste à inciter les jeunes
femmes du groupe à séduire les hommes pour les amener à se convertir ou à
financer le mouvement. Mo déclare : « Le petit poisson
flirteur utilise tous les appâts dont il dispose pour ramener à Dieu toutes
les âmes égarées » [29]
Dans
le milieu des années 70, tandis que les Enfants de Dieu et d’autres
nouveaux mouvements religieux grandissaient et se répandaient partout dans le
monde, un mouvement anti-sectes plus vaste commença à se développer aux
Etats-Unis, en Europe Occidentale et ailleurs. Au début des années 80, de
nombreuses associations de parents se regroupèrent pour former le CAN (Cult
Awareness Network).
« En
octobre 1974. à leur domicile de Chantepie, Claire et Guy Champollion sont
inquiets. Un de leurs enfants. Yves, 18 ans, n'est pas rentré. (...) En moins
d'une journée, ses parents découvrent (...) l'existence d'un mouvement
« religieux »: l' « Association pour l'unification du
christianisme mondial ». Guy Champollion prend aussitôt la route de
Lyon (...). Sur place, les choses se compliquent : Yves ne veut pas rentrer
chez lui. (...) Le retour d'Yves dans le giron familial sera de courte durée.
Après une nuit passée chez ses parents, il rejoindra la secte... qu'il n'a
plus quittée depuis trente ans. Les époux Champollion perdent un fils et
entament un combat auquel ils vont consacrer toute leur vie. (...) [Ils] déposent,
le 18 décembre 1974 à la préfecture d'Ille-et-Vilaine, les statuts de
l'Association pour la défense des valeurs familiales et de l'individu (qui
deviendra ADFI). »[32]
« L’association
« antisectes » fondée par les Champollion (parents d’un
mooniste qui a adhéré à Rennes en 1974)[33]
se baptise elle-même « Association de Défense de
la Famille
et de l’Individu » par un curieux phénomène de mimétisme théologique
avec l’objet de son exécration. Interrogée sur le choix de ces termes,
madame Champollion dira d’ailleurs plus tard son embarras sur cette
terminologie. »31
« L’ADFI
se ramifie jusqu’au début des années
1980 et obtient en même temps une reconnaissance des pouvoirs publics :
subvention du Ministère de
la Santé
en 1977 puis en 1978 qui lui permet d’ouvrir un centre d’accueil et un
secrétariat permanent, d’engager des permanents, subvention de
la DASS
, de
la Fondation
de France, du Ministère de
la Jeunesse
et des Sports, agrément du Ministère du Temps libre. »[34]
« L'ADFI
déclare immédiatement son attachement aux théories pseudo-scientifiques des
psychiatres américains, notamment John Clark, Louis West et Margaret Singer
visant à une « normalisation de la société ». Cette dernière
serait mise en péril par les nouveaux mouvements sectaires. »[35]
« Le
phénomène de résonance entre le cri du cœur des proches et l’effet
tam-tam de la presse locale serait incomplet sans l’entrée en scène du Père
Pierre Le Cabellec. Dans une Bretagne catholique, le verbe d’un prêtre de
paroisse donne à la croisade de l’ADFI et de Ouest-France le côté
inquisitorial qui manquait pour susciter une panique collective. C’est là
qu’on voit combien la fabrication de l’image est aléatoire. Dans la phase
dite de « la secte Moon », où le pouvoir politique reste neutre,
l’adversaire joue la carte de l’horreur religieuse : Moon est
alors un « gourou », « le messie coréen » qui abuse
de la crédulité des « adeptes » et les « endoctrine »
avec une « hérésie ». D’autres
« sectes » font alors parler d’elles, comme les Enfants de Dieu,
la Scientologie
ou encore le mouvement de
la Conscience
de Krishna, mais le vocable trisyllabique « la secte Moon »
alimente les fantasmes. Ce mouvement apparaît alors comme l’archétype le
plus pur du « phénomène sectaire ».
Plus tard, l’image de « l’Empire Moon » joue plutôt la
carte de l’horreur politique. L’État, craignant de jouer les Néron,
cherche à nier le côté religieux du moonisme et de l’antimoonisme. Alors
que les religions établies, du temps de « la secte Moon » avaient
montré quelque solidarité spirituelle avec les familles et conseillé l’ADFI,
elles vont soupçonner l’État d’empiéter sur un domaine qui ne le
regarde pas. L’ADFI renonce d’ailleurs au vernis confessionnel des débuts,
acceptant l’instrumentalisation du pouvoir qui la déclare d’utilité
publique et lui donne des subventions. Dans la phase de « la secte Moon »,
l’ADFI attirait les parents de moonistes. Dans la phase de « l’Empire
Moon », elle les fait fuir et l’ADFI tend à devenir une coquille vide :
les parents de moonistes s’en éloignent, préférant pacifier leurs
rapports avec leurs enfants. L’État s’est servi de la haine tribale
initiale pour régler ses comptes en encadrant l’ADFI. »
[36]
« L'action
de ces associations est relayée et appuyée par les parlementaires. En 1974
et 1975, deux projets de mission d'information parlementaire sont lancés,
mais n'aboutissent pas, et c'est dans le cadre de la commission des lois
qu'est lancée en 1978 une action d'information. Alain Vivien, député de
la Seine-et
-Marne, est le parlementaire le plus impliqué dans le sujet. »[37]
1975
– « Lors d'un voyage en Corée, le révérend Sun Myung Moon préside
au rassemblement le plus important jamais vu au monde, réunissant plus d'1,2
million de participants, dans le cadre du « Rassemblement mondial pour
la liberté coréenne ». Cette année-là, il envoie des missionnaires
dans cent vingt autres pays du monde. »
« L’Association
Internationale pour
la Conscience
de Krishna, née en 1966 à l’instigation de S. Prabhupada,
connaît elle aussi un développement rapide en Occident. S’appuyant
sur les textes sacrés de l’Hindouisme (dont elle ne diverge fortement que
sur un point : Krishna est Dieu, et non un « avatar de Vishnu »).
La prière et la méditation sont considérées comme le meilleur moyen de ne
pas se perdre dans les turpitudes du monde contemporain, l’âge
noir de Kali. »[38]
Les
médias se font l’écho de cette richesse et de cette variété
d’approches spirituelles nouvelles.
Dans
une émission du 5/4/1975, TF1 présente un reportage sur l'engouement des
jeunes pour les religions orientales, et les adeptes de la secte Hare Krishna.
Alternance de séquences illustrant leur vie entre cours de yoga et méditation,
et témoignages des adeptes. Dans une interview du prêtre catholique Maurice
MAUPILIER : « Monsieur,
pourquoi les jeunes ont-ils si facilement adopté ces mouvements orientaux ? »
Réponse : « Comme la société
ne les satisfait pas, comme ils ne sont pas engagés dans cette société, ils
s’y refusent et cherchent quelque chose ailleurs, qui leur donnera un grand
élan et un sens nouveau à leur vie. » « Est-ce que ces religions
orientales remettent en cause les religions traditionnelles occidentales ? »
« Bonne question. Elles les mettent certainement en cause. Et elles les
mettent en cause plus profondément que jamais aujourd’hui. De deux choses
l’une : ou ces religions que vous appelez occidentales, ces religions
traditionnelles en Occident, n’ont plus rien à dire à l’homme
d’aujourd’hui et de demain, à
partir de ce moment-là une remise en cause est parfaite car elle les fait
mourir. Elle contribue à leur dissolution, tout le monde voit clair et
c’est très bien. Ou bien ces religions de type traditionnel en Occident ont
encore quelque chose à dire à l’homme, alors une remise en cause de ce
genre est extrêmement profitable car elle fera que ces religions se débarrasseront
de bagages qui sont superflus, se rénoveront et, revenant à leurs racines,
à leur profondeur essentielle, elles pourront peut-être trouver une forme
adaptée pour dire à l’homme d’aujourd’hui et de demain juste ce
qu’il cherche et qu’il n’a pas. »[39]
Un
reportage sur la communauté bouddhiste du château de Plaige, en Saône et
Loire, à 40 kms d’Autun, au journal de 20h sur l’A2 le 7/8/1976, Bouddha
sur Saône, décrit la vie dans cette communauté de prière et interroge
les habitants du village alentour, dont tous les témoignages sont élogieux.
Le journaliste commente : « Une
expérience qui a permis à ces jeunes de réapprendre à vivre heureux. Le
projet de Kalu Rimpoche, c’est sans doute d’abord cela ». En fin
d’émission, une chanson de Guy Skornik : « Partout
où je regarde, je ne vois que Tao… »
On
peut également noter l’apparition du thème des sectes à la radio, comme
dans cette Radioscopie de Jacques Chancel où Michel Viot, pasteur chrétien
protestant à l’époque, mentionne « une recrudescence des
sectes sataniques ». (Radioscopie
de Michel Viot avec Jacques Chancel, Radio France, le 17 juin 1975)
« En
janvier 1975, Ouest France est le
premier organe de presse du monde à parler de « la secte Moon (…)
Quand « la secte Moon » fait sa première entrée dans
l’actualité française en 1975, le mouvement existe déjà depuis 7 ans et
a gagné toutes ses figures historiques ou presque, sans attirer
l’attention. Mais pendant un an, il occupe le devant de la scène avec des
pics en janvier-février 1975, juin 1975 et janvier 1976. La haine persécutrice
culmine avec l’enlèvement de Marie-Christine Amadéo[42]
et le plastiquage du centre mooniste de
la Villa Aublet.
Ces douze mois verront le terme de « secte Moon » marquer en profondeur
l’opinion publique française puis mondiale. (…) Dans la phase de
« la secte Moon », celle-ci est accusée de « voler »
les enfants à leurs parents, de leur « laver le cerveau ». Or
Marie-Christine Amadéo, pourtant majeure quand elle adhère à l’Église de
l’Unification, sera enlevée deux fois par sa parenté. »
« La
vague du moonisme à Rennes bute soudain sur trois écueils : l’ADFI née à
Rennes représente le ressentiment des familles qui se disent « brisées »
par la secte Moon. Ce cri du cœur et des tripes, Ouest-France
lui donne une amplification régionale : le quotidien (conscience de l’Ouest
et voix de la tribu bretonne) dénonce le péril et alerte
la France
entière. Enfin, le Père Le Cabellec agite le danger de l’hérésie. Par
ses explications théologiques sommaires, il amène le pays à se passionner
pour des questions christologiques : le Christ est-il Dieu ou pas ? Y a-t-il
une trinité ? Jésus est-il venu pour mourir sur la croix ? Pendant des années,
ces questions reviendront sans cesse à propos de « la secte Moon ». Elles
disparaîtront à l’époque de « l’Empire Moon ». Le phénomène français
de la « secte Moon » s’explique donc par un trio régional : la tribu des
familles trahies déclenche les foudres de la presse et du clergé local
contre de jeunes hérétiques, dans un pays où l’abaissement de la majorité
a remis en cause des siècles de rapports entre parents et enfants. Ce
cocktail explose en janvier 1975, avec un nouveau pic en février. Pour la
première fois en effet,
la France
sidérée découvre à la télévision les « mariages de masse » célébrés
par Moon et son épouse. Le 8 février 1975, 1 800 couples reçoivent à Séoul
la Bénédiction
des Vrais Parents ; parmi ces nouveaux couples, il y a six français. PARIS
MATCH publie un long reportage sur l’événement et n’hésite pas à
titrer : « Moon, le dieu vivant nous
prend nos enfants. » 36
« A
la mort de mon mari (en 1975), il y
avait des ADFI à Lyon, Toulouse, Bordeaux, Lille, Paris. A Nancy, DEFI (Défense
de l'Enfant, de
la Famille
et d'Individu) s'occupait spécialement des « Enfants de Dieu ».
Les responsables des ADFI ont informé le plus de dirigeants possible :
religieux, civils, administratifs, politiques (Ministère de l'Intérieur par
exemple : Guy a fait des rapports pour
la Police Judiciaire
- Si le fonctionnaire l'écoutait avec compréhension et sympathie, et
transmettait, il ne se faisait et ne lui laissait guère d'illusion sur la
destination finale de ces rapports : le placard). » (Témoignage
de Claire Champollion dans BULLES, 1er trimestre 1992)
1976
– « Création de l'ADIF (Association de
la Défense
de l’Individu et de
la Famille
) en Belgique par Mme Julia Nyssens-Dussart. »[44]
« Juriste de formation, Julia Nyssens était la fondatrice et présidente
de l’Association de Défense de l’Individu et de
la Famille
(ADIF), créée en 1976, suite au procès et à la condamnation des frères
Melchior, fondateurs des Trois Saints-Coeurs. »[45]
« C'est à elle que l'on doit la mobilisation générale antisectaire
qui a débouché en 1997 sur la commission d'enquête parlementaire belge. »[46]
« En
1976, Jo Di Mambro fonde le Centre pour
la Préparation
de l'Âge Nouveau. »[47]
« En
1976, Madame Lidwine Ovigneur, dirigeante de l’ADFI de Lille, déclare au
journal L’Aurore à propos de Brigitte Backeland, une jeune adepte de l’Église
de l’Unification, qu’après l’ « enlèvement », elle
« se repose maintenant à la campagne où elle va être déprogrammée ».
Ce n’est pas le premier cas, d’après Madame Ovigneur, qui ajoute :
« Nos techniques de déprogrammation sont maintenant bien au point, grâce
notamment aux expériences américaines » (Francis
Schull, « L’étonnante histoire d’un patron ‘mooniste’ »,
L’Aurore, 27 janvier 1976) La jeune femme « déprogrammée »
a porté plainte pour coups et blessures volontaires, tentatives de viol et
menaces de mort. »[48]
« Une
démocratie libérale distingue d’abord entre la fonction spirituelle et
la fonction temporelle, puis, au sein de cette dernière, entre les
fonctions législative, exécutive et judiciaire. Elle confie ensuite chacune
de ces fonctions à des pouvoirs différents, indépendants l’un de
l’autre. » [49]
1977 :
Parution du livre d’Alain Woodrow : Les
nouvelles sectes, qui symbolise la mutation d’une polémique
essentiellement doctrinale contre les groupes religieux non catholiques à une
présentation des groupes religieux minoritaires « bientôt accompagnée
de leur dénonciation comme associations totalitaires à masque religieux. »[50]
Suicide
de Patrick Esnault, un jeune mooniste.
« La
presse française a inventé deux expressions qui ont fait mouche dans
l’imagerie populaire mondiale : en janvier 1975, Ouest France
est le premier organe de presse du monde à parler de « la secte Moon ».
Dans les années 1980, Jean-François Boyer, grand reporter à TF1 signe un
best-seller traduit dans de multiples langues : « L’Empire Moon ».
« La secte Moon » et « L’Empire Moon » :
deux trouvailles journalistiques percutantes, imprimant dans le zeitgeist
deux images ou deux galaxies mentales comportant des sous-ensembles :
« La secte Moon » évoque des images de messie coréen, mariages
collectifs, privations de sommeil et de nourriture, zombies, dépersonnalisation,
lavage de cerveau. « L’Empire Moon » est un univers de
moines-soldats, de stratégie de l’araignée, d’infiltration, de
noyautage. Ces deux images appliquées à un même objet ne sont pas
compatibles : la première évoque la subversion d’un personnage
oriental tout-puissant venu « voler nos enfants », les empêcher
de réaliser les ambitions et espoirs placés en eux par leurs parents. Les
clichés faciles vont fuser : « D'un côté, des organismes
puissants, riches, habiles à recruter. De l'autre, des individus - souvent très
jeunes - épris d'idéal, qui abandonnent famille, études, carrière pour
suivre ce qu'ils croient être leur voie spirituelle ».
La deuxième image suppose
qu’une multitude de révérends Moon sont parmi nous, fort intelligents et
motivés et travaillent à subvertir nos élites. Certes, ces deux images
suivent l’évolution objective du mouvement lui-même qui a changé de
nature et de méthode. Mais ces deux images sont aussi des « clichés »
du temps qui passe, deux photos de
la France
des années 70 et 80. L’image de « la secte Moon » est
irrationnelle et archaïque, relevant d’une psychologie des foules comme
dans « M. le Maudit » et « Furie » de Fritz Lang.
L’image mentale induite par « l’Empire Moon » est plus
sophistiquée. Elle reflète l’idéologie mitterrandienne et renvoie donc à
la capacité d’un État moderne de créer de la mythologie. Le mythe de
« la secte Moon » est typique de l’inconscient collectif français,
celui de « l’Empire Moon » de l’État français. »[51]
1978 :
Le 18 novembre 1978, 914 personnes sont retrouvées mortes à Jonestown au
Guyana (ancienne Guyanne Britannique, près du Vénézuela), où vivaient un
millier de membres de la congrégation du Temple du Peuple du Pasteur Jim
Jones. On parle d'empoisonnement, de suicide collectif, de massacre. Cet
événement constitue le premier traumatisme collectif qui servira de
fondation à la campagne antisectes mondiale qui se mit en branle à cette époque.
Les journalistes font rapidement un lien entre le drame et les mouvements
spirituels dans leur ensemble, alors désignés par le terme « sectes »
(« cults » en Anglais), qui n’avait encore aucune charge péjorative.
Cinq mille organisations recensées sous cette dénomination aux Etats-Unis
font soudain l’objet d’une méfiance généralisée.
Première
demande pour une commission d'enquête à l'Assemblée Nationale. Elle a été
refusée mais a donné lieu en 1981 à la création au sein de la commission
des lois d'une mission d'information présidée par M. Philippe Marchand. (cf
Rapport Vivien)
En
février 1978, après qu'on lui ai rapporté des abus de pouvoir, des
malversations et autres fautes graves au sein des "Enfants de Dieu", leur
leader David Berg décida de la destitution de 300 des dirigeants du
mouvement et de sa refonte sous un nouveau nom : "La Famille d'Amour" qui
deviendra ensuite simplement "la Famille".
Parution
du livre de Jean-Pierre Morin, capitaine de gendarmerie : « Le viol
psychique - La psychopolémologie : un nouveau procédé de la subversion »,
aux Nouvelles Éditions Roger Garry.
« L'ADFI
est la « courroie de transmission » qui véhicule l'idéologie
totalitaire des psychiatres américains. Elle tente régulièrement, notamment
à l'occasion des élections politiques, d'imposer ses thèses aux autorités
publiques, médias et population, d'accréditer sa « dernière Croisade ».
« L'ADFI
traduit, distribue et diffuse largement ces études américaines. Ainsi, un
bulletin d'information de 1978 déclare : « (...) par le biais des
UDAF (Union Départementale des Associations Familiales) », le Président
de l'ADFI « compte faire parvenir à l'UNAF le rapport Clark et par
cette voie au Ministère de
la Santé
(...) ». Le Président de l'ADFI possède « actuellement une conférence
faite à des psychiatres en Allemagne par le Docteur Clark. Ce serait son
dernier texte. Ce rapport date de février 1978. Il est à la traduction,
outil de première importance qui sera à divulguer au maximum (...). »[52]
1980
– Le terme « mouvement anti-sectes » (counter cult movement) est
apparu la première fois sous la plume des sociologues en 1980 (Bromley et
Haden).
« Création
au Québec de Projet Culte. À la fin des années 1970, le besoin
d'informations sur le phénomène sectaire croît tant au Québec qu'ailleurs
dans le monde. Après la tragédie de Jonestown (…), des étudiants de
l'université McGill s'interrogent sur le phénomène sectaire et ses conséquences
sur l'individu et la communauté. En 1990,
Projet Culte est dissout et devient Info-Secte, un centre indépendant,
bilingue et non confessionnel dirigé par un conseil d'administration. »[55]
A
la suite du suicide de son plus jeune fils, adepte du Zen macrobiotique, à
l’âge de vingt ans, l’écrivain Roger Ikor (prix Goncourt 1955) dénonce
les sectes dans son livre : Je
porte plainte, lettre ouverte au Président de
la République
, paru chez Albin Michel en 1980 : « Mon fils s'est pendu
le 31 décembre 1979, il est mort le 30 août 1980. Dès janvier 1980, j'ai eu
l'idée d'écrire Je porte plainte
mais pendant les huit mois où Vincent est resté dans le coma, j'étais bloqué.
Tout de suite après sa mort j'ai écrit ce livre, en deux mois. »
Dans
un article d’Emmanuelle Plas paru le 6 février 1981 dans L’Unité N° 409
(hebdomadaire du Parti Socialiste), Roger Ikor accuse les pouvoirs publics de
complicité : Question : « Que
comptez-vous faire pour que les pouvoirs publics agissent ? » Roger
Ikor : « Je veux procéder
en plusieurs étapes. Pour le moment je requiers les pouvoirs publics d'agir
comme je crois qu'ils sont en droit et en devoir de le faire. Je les requiers
par-delà toute idée politique. C'est une demande de faire leur métier.
C'est une question d'administration publique : il faut défendre la
jeunesse qui est attaquée par les sectes, le suicide, la drogue. Mon livre
vient tout juste de sortir aussi pendant quelque temps, je vais attendre. Si
les pouvoirs publics n'agissent pas, je verrais à constituer un mouvement qui
fera pression de manière plus directe. On parle de lobby, je veux bien
appeler ça un lobby : je suis prêt à tout pour faire agir les pouvoirs
publics. Puisque dans notre société on ne peut rien obtenir sans se battre,
je le ferais et même physiquement si cela est nécessaire. Si je réussis à
fonder des comités, nous verrons quels moyens d'action nous pourrons mettre
sur pied. On peut dire de toutes façons aux gens d'écrire à leur député,
aux pouvoirs publics, de faire pression sur eux en cette période électorale.
Et puis si cela ne suffit pas et bien on ira f... la m... dans ces antres de
mort que sont les sectes : flanquer en l'air les restaurants macrobiotiques,
les centres Krishna et autres. A ce moment-là, les pouvoirs publics y prêteront
peut-être plus d'attention. Mais derrière l'existence des sectes il y a les
causes de cette existence et de leur influence sur la jeunesse. Je résumerais
ces causes en un mot : notre civilisation — au-delà de la société
capitaliste. »56
1981 :
Le 10 mai, François Mitterand est élu 1er président socialiste
de
la Ve République.
Son septennat commence
officiellement le 21 mai. Le 22 mai, François Mitterand dissout l'Assemblée
Nationale. Les élections législatives qui suivent, les 14 et 21 juin 1981,
lui donnent la majorité absolue au Parlement.
« A
partir de 1981, une volonté se manifeste clairement. Le Premier ministre (Pierre
Mauroy) souhaite initier d'autres méthodes de travail. »[57]
Roger
Ikor fonde le CCMM (Centre Contre les Manipulations Mentales) cette même année,
dans une optique laïque. Le site internet du CCMM décrit ainsi son action :
« Il mène une action
d’information, d’éducation et de mise en garde du public fondée sur
la Déclaration
des Droits de l’Homme et du Citoyen, la convention internationale des droits
de l’enfant et en référence aux valeurs républicaines, au principe de laïcité
en particulier. » Dans le contexte familial fortement émotionnel
qui a prévalu lors de la création des principales associations anti-sectes,
les propos du fondateur du CCMM ont été particulièrement violents
l'encontre des expressions du spirituel et même du religieux.[58]
Selon
Massimo Introvigne, sociologue italien et fondateur du CESNUR[59] :
« La définition théologique de la secte par le mouvement contre les
sectes (chrétien) accentue l'importance en tant que cibles des Mormons et des
Franc-maçons, pratiquement ignorés par le mouvement anti-sectes laïc. »[60]
1982 :
En 1982, les ADFI se fédèrent en UNADFI, qui se situe dans la perspective de
la défense de la famille et des droits de l'homme.
« Il
y a eu en France, en 1982, le Rapport Ravail mais il est inédit et
confidentiel. »[61]
« Un rapport est tout d'abord établi, en janvier 1982, par la
mission interministérielle Intérieur-Santé, dirigée par M. Jean Ravail,
inspecteur général de l'Administration. Elle constitue le premier effort sérieux
de clarification tenté par les pouvoirs publics. » (Source :
Rapport Vivien)
L’affaire
Turpin (enlèvement par ses parents d’un jeune adhérent à l’Association
Universelle de
la Conscience
de Krishna) trouve un écho retentissant dans les médias.
Le
commandant Jean-Pierre Morin publie son livre : Sectarus
– Le violeur de conscience aux éditions Eboli (autorisé par le
Ministère de
la Défense
), dans lequel il écrit : « Tant
qu'il n'y aura pas en France une affaire identique à celle de Guyana, on peut
être certain que ce texte proposé au Parlement n'obtiendra pas l'assentiment
des députés et des sénateurs. »
Deux
propositions de résolution ont été déposées au Parlement européen les 9
mars 1982 et 13 avril 1982. Elles invoquent la détresse et les ruptures
familiales provoquées par l’Association pour l’unification du
christianisme mondial de Sun Myung Moon (Doc. n° 1-2/82 et Doc. n° 1-109/82).[62]
« Un
indice peu connu montre l’ampleur du phénomène de mimétisme. Le 8 juin
1982, une perquisition a lieu à 6 heures au siège de l’AUCM, 18 rue
Friant. Plusieurs professeurs d’université sympathisants reçoivent eux
aussi des visites matinales. Ce que cherchent les forces de l’ordre ?
Des armes, de la drogue. Qui les a mis sur la voie ? Deux déprogrammeurs
dont un ancien membre du mouvement, Martin Faiers. En mars 1982, les deux
acolytes ont séquestré Claire Chateau dans une villa du Doubs. Sur ordre du
procureur, la police libérera la jeune mooniste. Faiers risque les assises,
mais il confie alors au juge d’instruction que Claire a été enlevée pour
son bien et que les policiers s’en rendront compte en fouillant les locaux
de la secte. Rien évidemment ne sera retrouvé. Dans les mois qui suivirent,
l’AUCM, harcelée par un procès fiscal ruineux, quitte son siège du 18 rue
Friant. Or en 1985, une grande affaire du premier septennat tient la presse en
haleine pendant des semaines : l’affaire du Carrefour du Développement
liée au ministère de la coopération : Yves Challier, directeur de cabinet
du ministre de l’époque sera accusé d’avoir détourné 27 millions de
francs entre 1984 et 1986 dans les caisses du ministère, à l’aide de faux
en écritures publiques et abus de confiance. Certes, le péché du
Carrefour apparaît véniel par rapport à des scandales financiers bien plus
lourds touchant le pouvoir mitterrandien. Mais qui vole un œuf vole un bœuf,
et l’escroquerie est un des indices les plus fréquents d’une « dérive
sectaire ». Or le péché a été commis à une curieuse adresse dans
Paris : au 18 Rue Friant. La société de développement vénale avait aménagé
là même où la police avait perquisitionné des innocents en 1982. »[63]
1983 :
« Sous la pression des associations anti-sectes, les parlementaires se
sont penchés sur le phénomène des sectes. Un premier rapport établi sous
la direction de M. Alain Vivien (parti socialiste) a été déposé en 1983. »[64]
Ce rapport intitulé Les sectes en France -
Expressions de la liberté morale ou facteurs de manipulations ?,
commandé par Pierre Mauroy, Premier ministre, à Alain Vivien, président du
CCMM, en 1982 (le 1er
septembre), a été achevé en
1983 mais rendu public seulement en 1985 (le 9 avril). »[65]
Ce rapport contenait neuf propositions.[66]
« Le
rapport de M. Alain Vivien répartissait, en 1982, les 116 sectes recensées
en trois catégories : orientales, syncrétiques et ésotériques, racistes et
fascistes. »[67]
12
août 1983 : Début d’un procès contre
la Scientologie
, qui se terminera en 2005 par un jugement rendu par la 1ère chambre du
tribunal de grande instance (TGI) de Paris, condamnant l’Etat français à
verser un total de 109.400 euros de dommages-intérêts et autres indemnités
aux seize personnes mises en cause notamment pour « escroquerie »
et « exercice illégal de la médecine » dans ce dossier. »
(AFP, 8 novembre 2005)
1984 :
« L’Ordre du Temple Solaire est
fondé en 1984, en France par Jo Di Mambro et Luc Jouret. »
(Jean-François Meyer)
« L'on
peut noter que le Parlement Européen avait déjà consacré lui aussi un précédent
rapport aux sectes en 1984 (Rapport Cottrell). »[69]
En
mars 1984, la commission de
la Jeunesse
du Parlement européen approuvait le rapport Cottrell sur l’activité de
certains « nouveaux mouvements religieux ». Le rapport Cottrell conduisit à
l’adoption par le Parlement européen, le 22 mai 1984, de la résolution sur
une action commune des États membres de
la Communauté Européenne
visant à contrôler les activités des nouveaux mouvements religieux dans les
pays de l’Union européenne. [70]
Le
12 février, « le Conseil de
la Fédération
protestante de France (FPF) ayant pris connaissance du projet de résolution
sur l'influence des nouveaux mouvements religieux à l'intérieur de
la Communauté
européenne, a décidé d'adresser une lettre à tous les députés européens
pour leur (…) faire savoir sa
ferme opposition à ce projet. Sans méconnaître les problèmes douloureux
parfois provoqués par le développement de ce qu'on appelle « les
sectes », ce texte nous semble à plusieurs égards inutile et
dangereux. (…) Nous vous demandons de repousser un projet qui pourrait avoir
des conséquences nocives et n'apporte pas de solution positive au problème
soulevé. » [71]
1987 :
« A la demande de
la Cour Suprême
des U.S.A, l'American Psychological Association a déclaré, dans un mémorandum
daté du 11 mai 1987, que les informations étaient insuffisantes pour prendre
position sur la question de la fiabilité scientifique des théories de la
manipulation mentale appliquées aux « Nouveaux Mouvements Religieux ». »
1989 :
L’ouverture du mur de Berlin survient « le 9 novembre 1989 (...),
quand (...) le porte-parole du bureau politique du Parti communiste annonce à
la télévision est-allemande : « Les frontières sont ouvertes avec
effet immédiat ». (…) La
chute du mur qui, en 28 ans[73],
avait causé la mort d'au moins quatre-vingts personnes tentant de passer à
l'Ouest, entraîne l'effondrement du régime communiste. »[74]
« Le
29 novembre 1989, assaut de la communauté agricole Longo Maï. A sept heures
du matin, 200 CRS, gardes mobiles, inspecteurs de la police judiciaire, de
la DST
et des gendarmes locaux sont déployés, des camions barrent les voies d'accès
et deux hélicoptères survolent les lieux. Tout le monde est poussé dehors,
en pyjama ou à moitié nu dans le froid, les enfants comme les adultes. Les
adultes doivent s'agenouiller, les mains sur la tête, devant leurs enfants,
sous la menace des armes. Le matériel de la radio est cassé, tous les bâtiments
sont fouillés. On apprendra que le gouvernement a agi sur demande du
gouvernement allemand qui suspectait Longo Maï de servir de base arrière aux
militants kurdes. Encore un assaut pour rien... »[75]
1990 :
« Anne-Catherine Bouvier de Cachard est amoureuse d'un modeste
« roturier » d'origine portugaise. Cette perte de discernement,
selon la famille, ne peut s'expliquer que par l'adhésion à une secte.
Pourtant, les amoureux de Peynet ne constituent pas une secte ! Ce groupe
est largement majoritaire. Avec l'aide de l'ADFI, d'un prêtre et
d'un commando, l'opération est conçue et rapidement exécutée. Kidnappée,
droguée, la jeune femme est « soignée » aux neuroleptiques, thérapeutique
adaptée aux patients présentant de graves troubles psychiques. Cette
affaire s'est déroulée en 1990 près de Châlons-sur-Marne et s'est achevée
en 1992 par l'inculpation de deux membres de la famille et d'un prêtre. »[76]
1991 :
Le Rapport Hunt de 1991, à l’instar du rapport Cottrell de 1984, énonce :
« La liberté de conscience et de religion garantie par l’article 9 de
la Convention
européenne des droits de l’homme rend inopportun le recours à une législation
majeure pour les sectes […] »[77]
« Septembre
1991, la communauté agraire Horus, dans
la Drôme
, voit les gendarmes et les médias débarquer sur leur propriété. Le
reportage issu de cette journée est une manipulation des faits, comme c'est
souvent le cas. Un avocat invité sur les lieux a servi de médiateur afin que
l'assaut ne tourne pas au drame. »[78]
« La communauté agraire, de par son fonctionnement, peut représenter
un modèle d'économie totalement différent des modèles classiques,
capitalistes ou communistes. Si 50 personnes sont capables de se nourrir en ne
demandant plus rien à personne, si elles sont capables de rester en bonne
santé et, conséquemment, n'ont plus besoin de fréquenter ni les grandes
surfaces ni les pharmacies, qu'elles n'achètent plus d'engrais chimiques,
bref, qu'elles se suffisent à elles-mêmes, il y a là un exemple qui risque
de faire tache d'huile. Demain, tous ceux qui sont sur les trottoirs,
notamment les chômeurs, pourraient très bien dire : « Donnez-nous ou
louez-nous un terrain, des instruments et nous ferons pareil. Nous serons
certainement mieux que sur notre mètre carré de goudron. »
Seulement
voilà : il ne faut pas que le public sache que cette solution est possible.
Sinon, demain matin, des milliers de gens s'installeront à la campagne,
produiront leur nourriture, apprendront à vivre en bonne santé, refuseront
les vaccinations et déserteront les cabinets médicaux, les centres
hospitaliers et les pharmacies. Bref, des milliers de personnes cesseront d'être
assistées, et surtout... de payer. Aucun gouvernement ne le souhaite. »[79]
1992
– « Dès
1992, l
'ADFI avait révélé ses plans lors d'une conférence à caractère
juridique. Le colonel Morin y avait exposé ses thèses sur le viol psychique
ainsi qu'une stratégie qui fut effectivement appliquée par la suite. Il
fallait selon lui combattre les mouvements religieux minoritaires avec les
techniques des services secrets. Des fonctionnaires diffuseraient des rapports
alarmistes dans les médias afin de créer un climat de peur. Le colonel Morin
fut très vite nommé en 1993 à l'IHESI. Un groupe d'étude sur les « sectes »
fut mis en place, composé de membres de la police et des Renseignements Généraux,
avec à sa tête Jean Albouy, assistant du député Jacques Guyard,
l'initiateur et le rapporteur de la fameuse commission parlementaire. Un
psychiatre, Jean-Marie Abgrall, fut également consulté dès le début pour
apporter une caution « scientifique » au mouvement. Cependant, les
thèses des deux « spécialistes », MM. Abgrall et Morin, ont été
clairement invalidées par les membres de la communauté scientifique,
notamment en ce qui concerne la théorie du lavage de cerveau, après des études
menées sur d'anciens prisonniers de guerre ou des études cliniques et
quantitatives menées aux Etats-Unis sur les membres de nouveaux mouvements
religieux. »[80]
« L’Institut
des Hautes Etudes de Sécurité Intérieure (IHESI [81])
a, par ailleurs, créé en 1992, un groupe de travail sur les sectes.
Toutefois, ce groupe n’a pas d’existence officielle. En outre, il ne
dispose pas de moyens suffisants pour assurer un suivi global des activités
sectaires. »[82]
Dans
sa recommandation 1178 (1992) relative aux sectes et aux nouveaux mouvements
religieux en Europe, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, « prenant
en compte l'invitation, adressée par le Parlement européen au Conseil de
l'Europe dans le rapport Cottrell, à se pencher sur ce problème »,
estime que « la liberté de
conscience et de religion garantie par l'article 9 de
la Convention
européenne des Droits de l'Homme rend inopportun le recours à une législation
majeure pour les sectes, qui risquerait de porter atteinte à ce droit
fondamental et aux religions traditionnelles. » Elle recommande au
Comité des Ministres d'inviter les Etats membres du Conseil de l'Europe à
adopter les mesures suivantes : le programme du système général d'éducation
devrait comprendre une information concrète et objective sur les religions
majeures et leurs principales variantes (…) ; une information supplémentaire
équivalente sur la nature et les activités des sectes et des nouveaux
mouvements religieux devrait également être largement diffusée auprès du
grand public. Des organismes indépendants devraient être créés pour
collecter et diffuser cette information ; une législation devrait être
adoptée, si elle n'existe pas déjà, accordant la personnalité juridique
aux sectes et aux nouveaux mouvements religieux dûment enregistrés, ainsi
qu'à tous les groupements issus de la secte mère ; afin de protéger les
mineurs et de prévenir les cas d'enlèvement ou de transfert à l'étranger,
les Etats membres qui ne l'ont pas encore fait devraient ratifier
la Convention
européenne sur la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière
de garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants (1980), et
adopter une législation permettant de lui donner effet ; la législation
existante concernant la protection des enfants devrait être appliquée plus
rigoureusement. De plus, les membres d'une secte doivent être informés
qu'ils ont le droit de la quitter ; les personnes employées par les sectes
devraient être déclarées auprès des organismes sociaux leur garantissant
une couverture sociale, et une telle couverture sociale devrait aussi être prévue
pour ceux qui décident de quitter les sectes. ».[83]
« Le
28 juillet 1992, sous les yeux horrifiés des passants, Roger Dorysse tira
plusieurs coups de carabine sur son beau-fils, Jean-Richard Miguères. Après
avoir rechargé son fusil, le meurtrier revint achever froidement sa victime.
Les époux Dorysse étaient membres de l’ADFI. Le gendre, Jean-Richard Miguères,
était le fondateur du Ceirus, Centre européen d’initiation à la recherche
ufologique à caractère scientifique. Il donnait souvent des conférences où
il faisait salle comble. Son association était étiquetée comme “secte UFO”
(sic) par l’ADFI. Roger Dorysse fut arrêté par la police et incarcéré.
Le 25 janvier 1995, il fut jugé coupable de meurtre avec préméditation et
condamné à 6 ans de réclusion. Deux jours après le drame, un article paru
dans Le Figaro Lyon chargea entièrement la victime au lieu de condamner
l’assassin. Son sous-titre était même d’un humour douteux “Cette fois
les extraterrestres n'ont rien pu faire. Le président d’une association
d’ufologie est mort mardi à
la Croix-Rousse
, abattu par son beau-père.” Cet article citait largement l’ADFI pour
expliquer que le Ceirus avait bien les caractéristiques d’une secte ! »[84]
1993 :
Tragédie de Waco, au Texas, dans
la communauté des Davidiens du Mont Carmel : « L’assaut final
eut lieu à l’aube du 19 avril 1993, conduisant à la mort de 74 Davidiens
et la destruction totale de leur résidence. Aux yeux des témoins, l'assaut
ressemblait à une attaque au napalm comme celles que l’armée américaine
avaient menées au Vietnam (un des
pilotes d'hélicoptère était un vétéran du Viêt Nam). »[85]
L'action la plus catastrophique du gouvernement américain sur son propre
territoire n'a pourtant servi de leçon à personne.
« Le
9 juin 1993, dans plusieurs des 30 communautés de
la Famille
en France, 200 gendarmes ont
interpellé 43 membres adultes et 143 mineurs de 3 mois (sic) à 16 ans.
Adultes menottés, jetés au bas d'escaliers et traînés sur les graviers.
Six ans plus tard, les accusés étaient acquittés (Les membres de
La Famille
étaient coutumiers des descentes de police, car leurs communautés en ont
subis plusieurs au début des années 1990 dans plusieurs pays, avec les mêmes
résultats). Il est à noter que ces assauts musclés sur ces communautés se
sont déroulés en France au moment même où l'action catastrophique des
forces de l'ordre à Waco aux États-Unis était largement médiatisée dans
le monde entier. »[86]
« Les membres de
La Famille
ont pour beaucoup, et suite à cette affaire, décidé de quitter
la France.
»[87]
« Terminons
par l'évocation de
la Firephim
(Fédération des religions et des philosophies minoritaires) qui a été créée
en 1993 et qui regroupe de nombreux mouvements philosophiques et religieux.
Dans son communiqué de presse, cette association indiquait : « Les
Nouveaux Mouvements Philosophiques et Religieux se rassemblent passant outre
leurs points de divergence, et coordonnent leurs actions afin de lutter contre
les injustices, les fausses informations, l'intolérance et toutes les formes
de discriminations dont ils font l'objet.
La Firephim
s'insurge contre le financement par les Pouvoirs Publics d'associations type
ADFI, qui sous des dehors très respectables utilisent des fonds publics pour
inciter à la haine, à la violence, et orchestrer des campagnes d'intolérance
(...) »
1994 :
Le 30 septembre 1994, 5
membres de l'OTS meurent dans
l'incendie d'une maison à Morin Heights, au Québec. Le 5 octobre 1994, 48
corps carbonisés sont retrouvés en Suisse, 23 à Cheiry et 25 aux
Granges-sur-Salvan, dont les deux maîtres de l'OTS, Luc Jouret et Joseph Di
Mambro. Autant au Canada qu’en Suisse, l’enquête est rapidement close et
la thèse du suicide collectif est officiellement admise.
« Nombreux
sont ceux qui croient que le facteur religieux a une influence négative, à
la suite de l’observation de David Miller que 80% de la terreur et de la
violence organisées dans le monde se joue au nom de la religion. » (The
effect of September 11 (Miller 1994)
« Si
tant de consciences sont fragilisées et poursuivent une quête incertaine, on
ne saurait répondre à leur attente sans une attention nouvelle aux immenses
besoins d'éducation, d'information, de formation et, plus généralement de
solidarité humaine dans des situations d'angoisse et de solitude. Plus que le
vide juridique, c'est bien d'un vide affectif et spirituel dont souffre trop
souvent la société moderne. La loi peut garantir la liberté contre ceux qui
la menacent. Elle peut et doit assurer l'égalité devant elle, sans
discrimination arbitraire. Elle est impuissante, au-delà des mesures de
solidarité matérielle, à réaliser une vraie fraternité. » (Paul
Bouchet
(« Appliquer la loi », Le Monde des débats, février 1994)
1995 :
« Le 20 mars 1995, un attentat terroriste a été perpétré dans le
métro de Tokyo par quelques membres de Aum
Shinri-Kyo, un groupe fondé en 1984 par Shoko Asahara, tuant 12 personnes
et en blessant plusieurs milliers.
L'événement
a été largement médiatisé et récupéré par les activistes de la
destruction des minorités spirituelles qui semblaient détenir, avec cet événement,
la preuve de la nocivité des « sectes ».
Shoko
Asahara a été condamné à mort par pendaison en février 2004 après 9 ans
de procès (la sentence a été confirmée en appel en septembre 2006). Bien
que, durant ces dix années, la lumière n'ait jamais été faite sur toute
cette affaire, en partie parce que Shoko Asahara a toujours gardé le silence,
le juge a déclaré que l'ambition de Shoko Asahara était de renverser le
gouvernement pour devenir le « maître du Japon » et qu'il s'était
« servi du rempart de la religion » pour cacher ses actes. A aucun
moment, il n'a été démontré que Shoko Asahara avait demandé à ses
disciples de perpétrer un attentat. De même, des chercheurs américains qui
se sont déplacés sur les lieux ont déclaré que, contrairement à ce qui
avait été dit, Aum Shinri-Kyo n'avait pas les moyens de produire le gaz
sarin qui avait été utilisé lors de l'attentat. Cette accusation d'une
usine d'armes chimiques appartenant à la secte était une des plus choquantes
pour l'opinion publique, dans une période où la menace du spectre
grandissant du terrorisme est brandie quotidiennement par la télévision. »[91]
Ordre
du Temple Solaire : Dans la nuit du 15 au 16 décembre 1995, 16 personnes
sont brûlées dans une clairière du Vercors, à St Pierre de Chérenne près
d'Autrans, dont 3 enfants ainsi que la femme et le fils de Jean Vuarnet, tous
membres de l’Ordre du Temple Solaire. « Les recherches aboutissent le
23 décembre 1995 à neuf heures à la découverte de seize cadavres
partiellement carbonisés regroupés en cercle au centre d'une doline dans une
clairière située au lieu-dit Le Serre du Page ».[92].
Alain
Gest (UMP) est nommé en 1995 président de la première commission d’enquête
sur Les sectes en France à
l’Assemblée Nationale. Le rapport de cette commission, présenté par M.
Jacques Guyard, établit une
liste de 173 mouvements « à caractère sectaire » en France. M.
Charles Pasqua est alors Ministre de l’Intérieur.
« Un
second rapport (N°
2468)
confié à Jacques Guyard (parti socialiste) intitulé : Les
sectes en France a été remis au gouvernement le 22 décembre 1995. Il
est inutile de revenir sur la méthodologie de cette enquête. Elle a été
suffisamment critiquée et discréditée par de nombreux chercheurs étrangers
et français[93]. »[94]
« Plus
récemment, après le carnage de l'Ordre du Temple Solaire, à l'hiver 1995,
le sujet des sectes a tenu en haleine les médias. Les RG, sur la question,
n'avaient pas grand chose. En catastrophe, il a fallu fabriquer un « rapport ».
Un fonctionnaire s'est chargé de compiler les travaux faits par d'autres,
notamment par les gendarmes. Un rapport avait déjà été écrit, notamment
par
la Cellule
interministérielle de recherche et d'exploitation du renseignement de la zone
centre-est (CIRER). Il a en grande partie été « recopié ». Le
rapport des RG sur les sectes a ensuite inondé toutes les rédactions, comme
un document de référence. Quelques semaines après, certaines associations,
fichées dans l'urgence comme des sectes sanguinaires par les renseignements généraux,
ont obtenu réparation devant les tribunaux. Les procès ont eu lieu, sans caméras
cette fois. »[95]
A
la suite de la publication de ce rapport, de nombreuses organisations
spirituelles ou religieuses protestent de différentes manières contre la
stigmatisation de leur mouvement.
La Société
française
pour la défense de l’association « Tradition, Famille et Propriété »
publie, sous la plume de Benoît Bemelmans, un document intitulé :
« Le Rapport Guyard à la lumière de la doctrine catholique et du droit
français »[96],
« avant
tout écrit en légitime défense contre une accusation calomnieuse dont le
Rapport Guyard se fait l’écho :
la TFP
serait une « secte pseudo-catholique ».
« Vie
Chrétienne en France, qui a vu le jour en 1990 comme un mouvement pionnier
d’églises (protestantes) »[97]
« change de nom et devient l'Union d'Assemblées protestantes en Mission
(UAPM) afin de se dissocier de l'erreur commise à l'encontre de VCF par le
rapport Guyard de
la Commission Parlementaire
sur les sectes en France, publié en janvier 1996. »[98]
« Le
rapport Guyard est tellement bâclé que, comme l’a justement fait remarquer
le journaliste François Devinat, dans un article de Libération du 9 février
1996, les auteurs ont mystérieusement oublié de mentionner l’Ordre du
Temple Solaire parmi les mouvements dangereux ! » 96a
Une citation du sociologue Louis Hourmant paraît également dans cet
article : « Une bonne part de la
controverse antisectes peut s’analyser comme un produit de l’illettrisme
croissant de nos contemporains en matière de religion, y compris parmi les
gens qui s’affirment nominalement croyants ».
« L’Eglise
de l’Unification (Moon) se fit remarquer en 1995 par le plus grand mariage
collectif jamais organisé, unissant 35000 couples à Séoul. »[99]
Décembre
1995 : parution du livre de Jean-François Meyer : Religions
et sécurité internationale (Office central de la défense, 3003 Berne, décembre
1995, 143 pages). Une réévaluation de
l’impact des facteurs religieux sur les conflits : identités,
tensions, militances, stratégies : « Cette
étude très pointue de Jean-François Mayer a pour objectif de démontrer que
les facteurs religieux doivent nécessairement être pris en compte dans les
analyses de politique de sécurité, ce qui n’est pour le moment pas le cas,
diplomates et services de renseignement demeurant ignorants du sujet. Le
religieux interagit avec les dynamiques et les problématiques qui se
manifestent par les conflits. Jean-François Mayer propose notamment que
l’analyse à long terme des équilibres internationaux explore de façon
plus approfondie les probabilités et potentialités des déplacements de
frontières religieuses ainsi que les modifications dans les rapports de force
entre religions afin d’en évaluer les conséquences sur la carte du monde. »
1996 : « Les conclusions alarmantes auxquelles aboutissait (la
commission d’enquête parlementaire sur les sectes de 1995) incitèrent le
Premier Ministre de la droite revenue au gouvernement, M. Juppé, à créer un
observatoire des sectes placé sous la direction de M. Guerrier de Dumast en
1996. »[101] Cet « Observatoire interministériel des sectes » fut créé par décret (n° 96-387) le 9 mai 1996.
Parution
du livre Pour en finir avec les sectes
- Le débat sur le rapport de la commission parlementaire, sous la
direction de Massimo Introvigne et J. Gordon Melton, Éditions Dervy : « Suite
à la publication du rapport Guyard de la commission parlementaire française
sur les sectes, contenant une liste controversée de mouvements très divers,
M. Introvigne et G. Melton ont demandé à une série d'experts de se
prononcer sur ce document. Même si aucun auteur n'approuve la publication de
cette liste, les avis divergent quant à la démarche. L'avantage d'un tel
ouvrage est de présenter des approches très diverses sur le phénomène :
• des sociologues des religions (comme Wilson, Dericquebourg ou
Baubérot), • des juristes (comme O.-L. Séguy ou P. Gast), • des
théologiens (comme Mgr Vernette ou le père Bergeron). Ce livre très intéressant
n'a pas pour but de répondre à toutes les questions. Au contraire, les deux
directeurs de l'ouvrage souhaitent profiter de la controverse créée par le
rapport pour poser davantage de questions, mais en tentant de donner des bases
aussi objectives que possible au dialogue. »
« En
1995-96, Anne Fournier et Michel Monroy, alors membres du Centre Roger Ikor,
ont rédigé le livre Les
sectes
(collection Les essentiels Milan, numéro 55). A la suite du
colloque organisé par le CESNUR à
la Sorbonne
en 1996 et la publication du livre Pour
en finir avec les sectes (Dervy,
1996), ils ont pris conscience de la nécessité d'un débat sur le
terrain scientifique face à des universitaires tels que R. Dericquebourg ou
M. Introvigne (en écoutant ces chercheurs, en rencontrant des responsables
des sectes) et ont proposé cette démarche au CCMM qui a estimé que là n'était
pas l'objet d'une association d'information et de défense. Le GRAPHES
(Groupement de Réflexion et d'Analyse des PHEnomènes Sectaires), structure
informelle, est né en décembre 1996 avec pour objectif l'étude scientifique
des mécanismes impliqués dans le phénomène sectaire. L'activité du
GRAPHES s'est limitée jusqu'à présent à la préparation de quelques
articles. »[103]
Des
religions et des hommes est une série de 46 émissions, réalisées par
Théret Claude en 1996, écrites et présentées par Jean Delumeau,
membre de l’Institut et professeur au Collège de France. Ces émissions
ont été diffusées sur
la Cinquième
à la fin des années 1990, dans l’émission Voir
et Dire. Cette série présentait, de manière courte (13 minutes par épisodes)
et très didactique (Jean Delumeau est un excellent pédagogue), les diverses
approches religieuses actuellement vivantes dans le monde, avec leurs
ressemblances et leurs différences. Le 29 février 1996, un livre a aussi été
édité chez Desclée de Brouwer. « Au cours des siècles, à travers la
multiplicité des lieux et des cultures, les religions se sont étonnamment
diversifiées. Moïse, Jésus, Mahomet, Bouddha et d'autres ont fondé à leur
manière des traditions riches et diverses qui perdurent aujourd'hui encore.
Sous toutes leurs formes, les religions ont accompagné l'histoire des hommes
en inspirant jusqu'aux expressions les plus contemporaines de la littérature,
de l'architecture, de la musique ou de la peinture. A l'heure où la société
s'ouvre à la culture religieuse mais où, dans le même temps, les adultes ne
savent plus transmettre ne serait-ce que leur propre religion, l'auteur,
membre de l'Institut et professeur au Collège de France, propose une
initiation pédagogique et vivante à la mémoire religieuse de l'humanité.
Initiation placée sous le signe de la tolérance. » (Présentation
de l'éditeur)
« Le
Groupement de protection de la famille et de l'individu (GPFI) est une
association constituée le 21 septembre 1995 à Veyrier, en Suisse. Elle
« étudie les nouveaux mouvements ou groupements religieux, spirituels
ou magiques, cherche à en connaître les origines, les doctrines enseignées,
les buts poursuivis, les modes de recrutement de leurs adeptes, ainsi que
leurs financements, afin de déterminer leur éventuelle nature sectaire;
veille à ce que leur développement ne porte pas atteinte aux droits de
l'homme, tels que définis dans
la Charte
des Nations Unies et
la Convention Européenne
des Droits de l'Homme, à ceux de la famille et ceux de notre société;
veille également à ce que ces groupements ou mouvements respectent la liberté
de sortie de leurs adeptes sans exercer de pressions sur ceux-ci, leurs
familles et leur environnement; assiste les victimes d'abus; tient à la
disposition de ses membres ou de victimes les fruits de ses recherches et
analyses ainsi que la documentation en sa possession; dénonce aux autorités
compétentes tous les abus de droit constitutionnel à la liberté religieuse
et les éventuelles infractions. Comité de sept membres: Lavergnat François,
de Troinex, à Veyrier, président; Monod Auguste, de Genève, à Veyrier,
secrétaire, et Jaquier Gilbert, de Vufflens-la-Ville, à Genève. »[104]
« Le
9 octobre 1996, le professeur Beljanski (Isère), ce médecin de 74 ans, voit
surgir chez lui plus de 200 gendarmes cagoulés, certains armés de bazookas,
des membres du GIGN (pour arrêter 3 personnes !) qui l'emmènent menotté en
TGV jusqu'à Pau. L'assaut est décrit par les témoins comme d'une grande
violence. Profondément choqué, il va mourir deux ans plus tard et ne sera
disculpé des accusations portées contre lui qu'à titre posthume.
La France
a en effet été condamnée par
la Cour
européenne des droits de l'homme, pour dépassement du « délai
raisonnable » de l'instruction et violation de
la Convention
européenne des droits de l'homme, compte tenu de l'âge de Mirko Beljanski et
de l'atteinte portée à sa réputation de scientifique et au sérieux de ses
recherches (Beljanski c. France du 7 février 2002 - req. n/ 44070/98). »[105]
Parution
en février du livre de Christian Paturel : Sectes,
Religions et Libertés publiques aux éditions
La Pensée
Universelle.
La sortie de ce livre entraînera neuf années de poursuites judiciaires qui
se termineront par une condamnation de
la France
en décembre 2005 par
la Cour
Européenne
des Droits de l’Homme.
1997 :
« La lumière n'a jamais été faite publiquement sur l’affaire de Jonestown
en 1978. En 1997, le FBI[106]
est contraint de rendre public 39 000 pages sur cette affaire. Ces
documents font aux Etats-Unis l'effet d'une bombe tant ils s’opposent à la
vision véhiculée par les médias pendant 20 ans. Ils montrent surtout que le
gouvernement américain est impliqué dans cette affaire et a tenté de garder
secret certains faits. »
« J'ai
travaillé sur Jonestown et plusieurs autres présumés « suicides
collectifs ». Je crois qu'il n'y a jamais eu de suicide collectif dans
l'histoire humaine. Je ne crois pas qu'une famille, ou même trois ou quatre
personnes puissent décider dans un moment de tension de commettre un suicide
ensemble. Même si le cerveau décide la destruction, le reste de l'organisme
se révolte. Des personnes ne peuvent pas se tuer en se mettant un sac en
plastique sur la tête car l'organisme physique les oblige automatiquement à
le retirer. Il faudrait pouvoir se discipliner comme les moines bouddhistes
qui se sont immolés à cause de l'oppression dans une situation de combat.
Mais, quand on parle de jeunes de la classe moyenne américaine, et qu'on
s'attend à ce qu'ils s'assoient tous ensemble et se tuent collectivement, ce
n'est pas crédible. »
(John Judge, membre de la « Coalition
contre les Assassinats Politiques ». Il est réputé pour ses recherches
sur certains crimes politiques aux USA et a mené une enquête sur le prétendu
« suicide collectif de Jonestown à Guyana en 1978
« Le
22 mars 1997, 5 adeptes du Temple solaire, dont 3 Français, sont retrouvés
carbonisés à Saint-Casimir, au Québec. »[109]
« Le
26 mars 1997, les corps de 39 jeunes hommes sont trouvés dans une propriété
de San Diego, au sud de la californie. Ces hommes appartenaient à un groupe
appelé "Heaven's gate" (la porte du paradis) dont le leader
s'appelait Marshall Applewhite.
On
a rapidement entendu parler de suicide collectif, dans la foulée du temple
solaire. »[110]
« Des
enseignants orientaux viennent en Occident à l'invitation de leurs nouveaux
adeptes ou parfois simplement porteurs d'un message qu'ils sentent devoir être
divulgué. D'autres chercheurs puisent à des enseignements occidentaux,
revisités ou remis en valeur. En une dizaine d'années des milliers de
groupes, d'associations, de cercles plus ou moins formels voient le jour, dont
les plus connus ne sont qu'un aspect. Ce qui relie ces groupes est
l'aspiration à vivre le partage, la paix, l'amour, mais aussi les notions de
transcendance, de révélation d'éveil. Certains sociologues voient dans ce
phénomène une approche radicalement nouvelle de la relation au monde matériel
et spirituel qui se poursuit encore aujourd'hui. » (Extraits
de « 120 minutes pour la liberté
spirituelle », film-documentaire du CICNS)
Tabitha’s
Place (« Ordre
Apostolique » ou « Les 12 tribus ») dans les Pyrénées-Atlantique :
« Le 7 avril 1997, à la suite du
décès du petit Raphaël, atteint d’une malformation cardiaque et âgé
de dix-neuf mois, près de 50
gendarmes, 12 médecins et le procureur de
la République
de Pau investissent la ferme de la communauté afin de « vérifier l'état
de santé des enfants » (lors d'un assaut, des bungalows de la communauté
ont été détruits au bulldozer). Ils ne trouvèrent aucune trace de mauvais
traitement et il n'y eut donc pas de poursuite judicaire en conséquence de
cet assaut. En 1996, 30 gendarmes avaient déjà effectué une visite de la même
communauté sans rien trouver d'anormal. Les parents de l'enfant décédé ont
cependant été condamnés en 2001 pour « privations alimentaires et de
soins ayant entraîné la mort » (l'enfant avait une malformation
cardiaque de naissance que les parents n'avaient pas fait opérer). »[111]
Dans la foulée du rapport parlementaire de 1996, la communauté allait
redevenir pendant un temps une cible privilégiée de la lutte anti-sectes. »
Ogyen
Kunzang Choling (OKC) (Alpes de Haute-Provence) : 30 mai 1997, 150
gendarmes soutenus par deux hélicoptères (« pour éviter toute
surprise désagréable », selon le commandant de gendarmerie)
investissent par surprise et pendant 6 heures le lieu de résidence d'une
communauté proche du bouddhisme tibétain, la propriété de « château
de soleils » (même déploiement de forces en Belgique, au même moment,
sur la même communauté). Rapidement, des ossements attirèrent l'attention
mais « heureusement, un médecin appelé sur les lieux a pu confirmer
qu'il ne s'agissait pas d'ossements humains » (!). 30 enfants ont été
auditionnés mais personne n'a été emmené par les gendarmes. Un procès en
1996 avait abouti à une relaxe de plusieurs membres de la communauté. Cela
n'a pas empêché une nouvelle « visite » similaire en mars 2000
sans plus de « résultats ».[112]
« Le
rapport annuel 1997 de l'Observatoire Interministériel sur les Sectes
publiait en annexe (p. 51) les recommandations des députés JP Brard, J
Guyard et A. Gest pour « renforcer le contrôle scolaire et la
protection sanitaire des enfants. Cette proposition a pour but la sauvegarde
des enfants hébergés dans des sectes, dont l'éducation et la santé sont
souvent compromises. ».[113]
« Domaine
de Faujas, Docteur Tal Schaller (Drôme) : 10 octobre 1997, trois
bataillons de gendarmes lourdement armés pénètrent dans la propriété du
docteur Christian Tal Schaller que les autorités avaient associé à
l'affaire du Temple Solaire parce que le nom de ses éditions s'appelaient
« Vivez soleil » ! Des véhicules militaires se sont enfoncés aux
quatre coins de la propriété pour prévenir des fuites éventuelles de
membres de « la secte ». Après de multiples interrogatoires sur 6
heures, rien n'a pu être trouvé démontrant qu'il y avait une quelconque
activité sectaire de leur part. »[114]
04/11/1997 :
Proposition de loi n°402 de M. Jean-Pierre Brard visant à restreindre
l'attribution de permis de construire à des associations à caractère
sectaire : « Il apparaît indispensable de donner, d'une manière
très précise et ponctuelle, le moyen de refuser un permis de construire
sollicité par des associations se réclamant de la législation relative aux
associations cultuelles et dont l'activité constitue une menace à l'ordre
public. Il conviendra à cet effet d'établir une liste de ce type
d'associations, dont les méfaits sont d'ailleurs très bien connus de
l'opinion et des pouvoirs publics. Sous le bénéfice de ces observations,
nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, d'adopter la proposition de loi
suivante. Article unique : L'article L. 421-1 du code de l'urbanisme est
complété par un alinéa ainsi rédigé : « Le
permis peut être refusé à toute association se réclamant de la législation
relative aux associations cultuelles dont l'activité constitue une menace à
l'ordre public et figurant, en conséquence, sur une liste fixée par décret
en Conseil d'Etat. »
11
décembre 1997 : rapport A4-0408/1997 sur les sectes dans l'Union européenne
- Commission des libertés publiques et des affaires intérieures -
Rapporteur: Madame Maria Berger. « Par lettre du 18 février 1997, la
commission des libertés publiques et des affaires intérieures a demandé
l'autorisation de présenter un rapport sur les sectes dans l'Union européenne.
(…) Au cours de ses réunions, elle a adopté la proposition de résolution
par 15 voix contre 7 et 3 abstentions. [116]
1998 :
« En janvier, proposition de loi de Nicolas About « tendant à
renforcer le contrôle de l'obligation scolaire. » La nouvelle loi, votée
à l’unanimité par une quinzaine de parlementaires le 10 décembre
1998, a
été publiée au J.O. le 22 décembre. »[117]
En
octobre 1998, le Ministère de l'Intérieur publiait une circulaire
définissant les moyens mis en place pour lutter contre les dérives sectaires.
Dans ce document, adressé à tous les préfets, il est précisé : « Ces
rapports parlementaires ne constituent qu'un élément d'information et de
proposition, ils ne prétendent pas avoir valeur normative et ne sauraient
fonder ni des distinctions entre les associations qualifiées de « sectaires »
et celles qui ne le sont pas au regard desdits rapports ni des sanctions
quelconques. Tant qu'une association ne fait pas l'objet d'une dissolution
administrative ou judiciaire, elle jouit des libertés constitutionnellement
reconnues et peut exercer l'activité correspondant à son objet dans le
strict cadre des lois en vigueur. »[119]
7
octobre 1998 : Création par décret (n° 98-890)[120]
de
la Mission
Interministérielle
de Lutte contre les Sectes (MILS)[121]
« De nouveau au pouvoir, le
gouvernement socialiste a créé, en 1998, à côté du Bureau central des
Cultes (mais sans lien officiel avec lui), un organisme chargé de lutter
contre le sectes, placé sous la direction du premier ministre et appelé Mission
interministérielle de lutte contre les sectes, dont le responsable fut
Alain Vivien, ancien dirigeant d’un mouvement anti-sectes, le Centre
contre les manipulations mentales (CCMM), fondé par l’écrivain
rationaliste Roger Ikor. Les pouvoirs de cette mission étaient mal définis.
En principe, elle coordonne la lutte contre les sectes, ce qui signifie que le
premier ministre de l’époque, Lionel Jospin, officialisait un combat contre
les sectes. Cette mission était composée de quarante personnes. Elle
entretenait des liens étroits avec les groupes anti-sectes, dont elle était
le relais officiel. Elle eut un rôle de conseil auprès des ministères pour
établir un maillage d’agents chargés de contrer les sectes par le biais de
cellules anti-sectes dans les administrations de l’Education nationale, de
la jeunesse et des sports, des affaires sociales. »[122]
20
novembre 1998 : Proposition de loi N°79 présentée au Sénat par M.
Nicolas About, tendant à renforcer le dispositif pénal à l'encontre des associations
ou groupements à caractère sectaire qui constituent, par leurs
agissements délictueux, un trouble
à l'ordre public ou un péril majeur pour la personne
humaine ou la sûreté
de l'Etat.[123]
Cette proposition de loi débouchera en juin 2001 sur la loi About-Picard (voir
« 2001 », plus loin).
« Le
procès en sorcellerie n'est pas allé au bout, Bernard Lempert est descendu
juste à temps du bûcher. La messe était pourtant dite depuis un moment : ce
psychothérapeute était accusé d'être le gourou d'une secte, et son nom
s'est retrouvé inscrit, sans appel, dans le fameux rapport parlementaire sur
les sectes, en 1996. Après deux ans d'une désespérante bataille contre la
rumeur, Bernard Lempert est enfin blanchi par le parquet du tribunal de Rennes
et par le propre rapporteur de la commission parlementaire, non sans réticences. »[124]
« Une
deuxième commission d’enquête parlementaire sur le thème « Secte et
argent » en
1998 a
conduit à la publication
en 1999 du rapport du même nom. La liste des sectes est complétée
avec quelques mouvements supplémentaires dont le mouvement anthroposophe. »[125]
1999
– « Le nombre de plaintes en France relatives aux activités des
« sectes » est passé de 15 en 1983 à 260 en 1999. Cela peut être
le signe d’une plus grande activité illégale des groupes tombant sous ces
chefs d’accusation, mais aussi un changement dans la manière de percevoir
certaines activités – qui sont désormais problématiques voire réprouvées,
et d’une moindre tolérance à leur égard. »[126]
En
janvier 1999, Anne Fournier et Michel Monroy
(initiateurs du GRAPHES)
font paraître La
dérive sectaire (PUF, collection Le sociologue).
Le
10 juin 1999,
la Commission
d'enquête sur la situation financière,
patrimoniale et fiscale des sectes, ainsi que sur leurs activités économiques
et leurs relations avec les milieux économiques et financiers présente
son rapport (N° 1687) à l’Assemblée Nationale[128].
Rapporteur : Jean-Pierre Brard.
« Un
nouveau rapport parlementaire français, daté du 10 juin, est consacré à
l'argent des sectes. C'est un document de 322 pages, signé par le député
Jacques Guyard (auteur du rapport « Les Sectes en France » de
1996) en tant que président de la commission et le député Jean-Pierre Brard
(l'un des membres les plus extrémistes de
la Mission
interministérielle de lutte contre les sectes) en tant que rapporteur. La
commission parlementaire et
la Mission
de lutte contre les sectes sont deux structures différentes et ne devraient
pas être confondues, quoique Guyard et Brard soient membres des deux. Le
rapport est divisé en trois parties. La première a trait à la situation
actuelle des sectes et à la façon dont elles sont organisées. Elle indique
que la liste des sectes du rapport de 1996 est toujours valide, mais que de
nouvelles « sectes », exclues à l'origine, car elles avaient (à
tort) été déclarées non dangereuses, devraient à présent y être
incluses, tout particulièrement l'Anthroposophie et l'ordre de
la Rose-Croix AMORC.
(…) Ici, des noms sont donnés. Des informations budgétaires et financières
de nature évidemment confidentielle (y compris un nombre conséquent de noms
d'individus) sont jetées au grand public. Elles ont été rassemblées à
partir d'enregistrements d'impôts (quoique, dit le rapport, toutes les
autorités des impôts n'ont pas coopéré), de rapports de services de
renseignement, de réponses obligatoires à un questionnaire envoyé à 60
groupes et d'une participation également obligatoire à des audiences secrètes
(les personnes absentes étaient menacées d'amendes et de prison, comme ceux
qui divulgueraient le contenu des audiences). Tout autre individu ou
association, n'importe où dans le monde, poursuivrait simplement en justice
pour violation de la vie privée et gagnerait. En France, les commissions
parlementaires sont exemptées de toute responsabilité légale, et la vie
privée des « sectaires » est évidemment considérée comme
sacrifiable. »[129]
22
juin 1999 : « Trop c'est trop !
La Fédération
des Écoles Rudolf Steiner en France est scandalisée à la lecture des
passages du rapport de
la Commission
d'enquête parlementaire sur le patrimoine des sectes qui mettent en cause le
courant pédagogique dans lequel travaillent ses membres. Elle s'interroge sur
la nature véritable des buts poursuivis tant sont flagrants le manque de
rigueur, les amalgames et la hâte de la rédaction. (…) Au nom d'une prétendue
protection des libertés des consciences, voudrait-on aujourd'hui encore
museler tous ceux qui, à partir d'une pensée libre s'emploient à développer
une attitude éducative qui lutte contre l'hégémonie d'une pensée unique et
la prédominance du dogme matérialiste en éducation ? (…) Veut-on laisser
se développer cette attitude insidieuse qui sous le prétexte de protection
des enfants voudrait les voir éduquer dans un seul moule ? (…)
La Fédération
des Écoles Steiner, membre de nombreuses organisations internationales de défense
de la liberté en éducation ne se laissera pas enfermer insidieusement dans
une catégorie d'épouvantails sans réagir par toutes les voies appropriées
visant à obtenir le rétablissement de la vérité et la réparation des préjudices. »[130]
Rapport
de
la Commission
des questions juridiques et des droits de l’homme, Conseil de l’Europe, du
13 avril 1999, voté le 22 juin 1999. Rapporteur : M. Adrian Nastase,
Roumanie, Groupe socialiste : « Pourquoi un rapport sur les activités
illégales des groupes à caractère religieux, ésotérique ou spirituel
seulement six ans après que l'Assemblée ait adopté
la Recommandation
1178 (1992) relative aux sectes et aux nouveaux mouvements religieux ?
(…) Le contenu de
la Recommandation
( …) reste parfaitement d'actualité (…). Mais deux
raisons importantes justifient que l'Assemblée se penche à nouveau sur le phénomène.
D'une part, le nombre des adeptes ne cesse d'augmenter (60% en France entre
1982, date du rapport Vivien et 1995, date du rapport Guyard) en dépit de
l'information donnée sur les activités de certaines sectes notamment à
l'occasion de troubles graves à l'ordre public (tuerie de la secte du Temple
Solaire, tuerie de la secte Aoum au Japon, condamnations de membres de sectes
pour viols, manœuvres frauduleuses etc.) ou encore accusations portées par
l’Eglise de Scientologie contre le Gouvernement allemand accusé de
pratiquer l'intolérance religieuse et le racisme (…). D'autre part
l'apparition du phénomène sectaire dans les pays d'Europe centrale et
orientale où la liberté retrouvée a eu pour corollaire le foisonnement de
groupements proposant du spirituel, de l'ésotérique ou du religieux à des
individus qui en avaient été privés pendant longtemps. Le premier danger
qui guette les autorités souhaitant pallier les risques liés aux activités
sectaires est l’amalgame entre les groupements inoffensifs et les
groupements dangereux. (…) Le second piège (…) est la distinction entre
les sectes et les religions. (…) Ces deux dangers peuvent être aisément évités
par les autorités étatiques moyennant une certaine prudence quant au
vocabulaire et le choix d’un mode d’action relatif aux actes des
groupements. (…) Il est évident que l’utilisation du terme « secte »
est très tentante par les autorités étatiques, compte-tenu du fait qu’il
est facilement compris par tout un chacun. Il conviendrait cependant que les
autorités étatiques renoncent à son utilisation dans la mesure où il
n’existe pas de définition juridique de ce terme[131]
et où il a une trop forte connotation péjorative. Aujourdhui, pour le
public, une secte est fortement mauvaise ou dangereuse. Pour éviter ce terme
« secte », trois voies sont envisageables. En premier lieu, il
serait possible de renoncer à la qualification de « secte » en
assimilant tous les groupements à des religions. Toutefois, à notre avis,
cette approche serait erronée, car trop restrictive face à la diversité du
phénomène sectaire. (…) En deuxième lieu, l’Etat pourrait accepter de
suivre la voie ouverte par certains groupements et établir une distinction
entre les religions, par définition bonnes, et les sectes, forcément
dangereuses, voire une séparation entre les bonnes et les mauvaises sectes.
À nouveau, une telle démarche ne nous paraît pas acceptable. Au regard de
l’article 9 de
la CEDH
, il est interdit à l’Etat d’effectuer une distinction entre les différentes
croyances et de déterminer une échelle de valeur des croyances. (…)
Ce type de débat constitue donc un piège dans lequel certains
groupements essaient systématiquement d’entraîner les autorités et que
celles-ci doivent absolument éviter. (…) En réalité, le seul moyen d’échapper
à ce piège est d’éviter toute qualification des croyances en cause comme
croyance non religieuse ou religion. Ce qui nous amène à la troisième et
dernière voie envisageable, qui nous semble être la seule acceptable. Elle
permet d’éviter les obstacles que nous avons évoqués en se fondant sur
une approche plus descriptive du phénomène sectaire et en s’intéressant
non à la qualification des croyances mais aux actes commis
au nom ou sous couvert de ces croyances. »
« Au
31 juillet 1999, 134 enquêtes préliminaires avaient été traitées par le
parquet et 116 informations judiciaires ouvertes sur des incriminations graves
telles que violences, agressions sexuelles, escroqueries et abus de faiblesse.
Cette attitude plus répressive du ministère public date de 1996, juste après
le traumatisme créé par la mort collective des adeptes de la secte de
l’Ordre du Temple solaire. Le garde des Sceaux de l’époque, Jacques
Toubon, avait diffusé une circulaire appelant l’attention du parquet sur la
dangerosité du phénomène sectaire. »[133]
« Le
22 juillet 1999, l’annonce officielle de l’interdiction du Falungong était
faite en ces termes : « Le département des affaires civiles de
la République Populaire
de Chine déclare que
la Société
de Recherche sur le Falun Dafa
et l’organisation Falun Gong
sous son contrôle sont des organisations illégales et doivent être
interdites. Il est en conséquent interdit à quiconque en toute circonstance
de distribuer des livres, des cassettes audio/vidéo ou tout autre matériel
de diffusion de Falun Dafa (Falun Gong). Il est interdit de se rassembler ou
de manifester pour soutenir ou diffuser Falun Gong, comme les sit-ins et les
appels. Il est interdit à quiconque d’organiser, de coordonner ou de
diriger n’importe quelle activité anti-gouvernementale. »
L'UNADFI
renonce à poursuivre Libération :
« La principale association antisecte, l'UNADFI, s'est désistée
vendredi du procès qu'elle avait intenté à Libération, à trois jours de
l'audience, prévue hier à Paris. L'Union nationale des associations de défense
de la famille et de l'individu avait porté plainte avec constitution de
partie civile après la parution, le 30 mars 1998, d'un article, « Le
complot qui fit de Bernard Lempert un gourou ». Libération montrait que
ce psychothérapeute avait été classé par erreur dans la liste des sectes
après l'étrange alliance des représentants bretons de l’UNADFI et d'une
association qui regroupait des maltraiteurs d'enfants et dont le président était
un nostalgique de
la Waffen SS.
»[135]
2000 :
« En mars 2000, le tribunal de grande instance de Paris condamnait
le président de la commission parlementaire « Sectes et Argent »,
M. Guyard, pour diffamation
à l'encontre de trois mouvements anthroposophes, suite à son intervention télévisée
sur France 2 en Juin 1999. Le motif de cette condamnation : « Le
rapport n’est pas en mesure de justifier d’une enquête sérieuse »
à l’appui de ses accusations, les documents produits n’étaient pas « pertinents »
et « sans valeur probante »
(Le Monde, 23 mars 2000). En septembre 2001
la Cour
d'Appel reconnaîtra le caractère diffamatoire des propos tout en considérant
M. Guyard de bonne foi et donc non coupable du délit de diffamation
publique. »[136]
Première
affaire concernant la kinésiologie :
« Le 12 novembre 2000, Kerywan, 16 mois et demi, mourait au domicile
familial de Moëlan-sur-Mer (Finistère), avec un poids de six kilos, soit
celui d'un enfant de quatre mois. Les experts devaient déceler une carence
nutritionnelle « importante et chronique » imputable selon eux à
un régime alimentaire sans protéine animale ni supplément vitaminique.
L'enfant était depuis sa naissance allaité par sa mère adepte d'un régime
végétalien.
La
justice reproche au couple, déjà parent de trois filles, d'avoir privé de
soins son dernier enfant non pas par négligence ou imprudence mais au nom de
"conceptions idéologiques" inhérentes à la pratique de la kinésiologie,
technique psycho-corporelle développée dans les années 60 aux Etats-Unis. »[137]
« Le
20 novembre 2000 à 6h du matin, une petite communauté spirituelle de
l'Aveyron a dû subir l'assaut brutal d'une soixantaine de gendarmes
lourdement armés. Des séquelles psychologiques sont toujours présentes chez
les enfants et les adultes six ans plus tard. La longue liste des accusations
s'est révélée sans fondement et les condamnations finales, dérisoires, ne
semblent là que pour justifier un tel déploiement de force. »[138]
Selon un juriste : « Tout
ce qu'ils avaient dans le dossier, au départ, c'est un stationnement de
caravane interdit et un défaut de déclaration aux Assedic. Vous vous rendez
compte qu'ils ont envoyé 60 gendarmes pour ça ! »
2001 :
« Au début de l'année, l'épouse
de Vivien s'était elle-même chargée de négocier à Matignon, dans le
bureau du chef de cabinet de Jospin, une subvention de 4,5 millions de francs
pour l'achat d'un nouveau siège de l'association antisectes. La somme lui a
été allouée en février 2001, sur la ligne budgétaire de la défense des
droits de l'homme, du ressort du Premier ministre. « En bonne logique, Alain
Vivien a été consulté », note un proche du dossier. Or Vivien est président
de
la Mils
, mais aussi de la commission DOM-TOM de
la Ligue
des droits de l'homme depuis 1996. » (Le
Point, 19 octobre 2001)[140]
Loi
N° 2001504 du 12 juin 2001 tendant à
renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant
atteinte aux droits de l’homme et aux liberté fondamentales, publiée
au Journal Officiel du 13 juin 2001.
« Cette
proposition de loi a d'abord été présentée par le sénateur centriste des
Yvelines (apparenté Républicains Indépendants), Nicolas About (voir
« 1998 », ndlr), puis, après quelques remaniements, à
l'Assemblée Nationale par la députée socialiste de l'Eure, Catherine
Picard. Cette dernière proposition de loi « tendant à renforcer la
prévention et la répression à l'encontre des groupements à caractère
sectaire », a été adoptée, le 22 juin 2000, en première lecture
par les députés. La navette parlementaire a donc repris, et un nouveau
texte, préparé en commun par M.About et Mme Picard, a été présenté
au Sénat le 25 janvier 2001. »[142]
« La
loi du 12 juin 2001 est explicitement une loi contre les sectes. Cinq grandes
dispositions en font une loi de répression qui pourrait se montrer redoutable
si les circonstances s'y prêtent : dissolution civile de certaines
personnes morales ; extension de la responsabilité pénale des personnes
morales ; limitation de la publicité des mouvements sectaires ; sanction de
l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse ; droit de se porter
partie civile pour certaines associations. L'origine du texte est une
proposition de loi du sénateur About, adoptée en décembre 1999, qui
entendait simplement permettre l'application aux sectes de la loi de 1936
contre les groupes de combat et milices privées. L'Assemblée nationale, le
22 juin 2000, à la suite d'un amendement de Catherine Picard, introduisit
dans le texte en débat le délit de manipulation mentale ainsi que de
nombreux autres amendements. En seconde lecture, le 3 mai 2001, le Sénat
corrigea de façon importante le texte et les députés le votèrent définitivement
sans grandes modifications, le 31 mai 2001. Les parlementaires ont souligné
à l'envi le caractère consensuel du débat. Il n'y a pas eu de scrutin
public ni au Sénat ni à l'Assemblée nationale et on ne relève
qu'exceptionnellement une explication de vote négatif[143].
Il y avait une grande unanimité des intervenants quant à l'évidence du
danger sectaire. Même les rares parlementaires qui mirent en garde contre la
difficulté d'analyser le phénomène ne sont pas revenus sur cette évidence.
Il est vrai que les débats ont été largement menés par le groupe des
parlementaires spécialisés dans la lutte contre les sectes[144].
Dans ces conditions le consensus évoqué semble plutôt avoir été acquis
par défaut. Ceci souligne une étrange perception du phénomène sectaire :
une apparente évidence du danger justifiant une répression assez stricte et
une faible mobilisation pour une loi concernant une liberté fondamentale. »[145]
« Tout
leader de secte déclaré coupable de « l'abus frauduleux de l'état
d'ignorance ou de faiblesse » sera passible de 5 années de prison
et d'une amende pouvant aller jusqu'à 750.000 euros de dommages et intérêts. »[146]
PARIS,
18 juin (AFP) – « Paris a accueilli les 14 et 15 juin une réunion de
travail sur « les activités illégales des organismes à caractère
sectaire en Europe », à laquelle ont participé les représentants de
22 gouvernements européens, a annoncé lundi la mission interministérielle
de lutte contre les sectes (MILS). (…) Interrogée par l'AFP,
la MILS
n'a pas précisé le nom des pays participants ni le thème des discussions. »[147]
« Les
observateurs américains sont inquiets de l'atmosphère d'intolérance qui
semble se développer aujourd'hui en Europe. En France, l'attitude à l'égard
des sectes (les Américains parlent de « cults ») inquiète
la Commission
sur la liberté religieuse internationale. En particulier le rapport Guyard
dans lequel figure une liste de mouvements qualifiés de sectes, s'il n'a pas
été voté, continue de circuler, dans l'administration notamment, au risque
d'ouvrir la voie de la discrimination. De la même manière, la création de
la Mission Interministérielle
de Lutte contre les Sectes (MILS) ou l'adoption de la loi About-Picard en mai
2001 condamnant pénalement l'abus frauduleux d'état d'ignorance ou de
situation de faiblesse, sont susceptibles de violer la liberté religieuse
internationale ; non pas en France directement, mais par effet de contagion
dans des pays moins tolérants.
Or
la Commission
nationale de contrôle des droits de l'homme a estimé que la liberté de
conscience garantie par
la Déclaration
des Droits de l'Homme et par
la Convention Européenne
des Droits de l'Homme rend inopportune ce type de lois ou de rapports. Le même
constat a été fait aux Etats-Unis: l'application de la loi pénale existante
permet de punir les actes sans stigmatiser les croyances religieuses. »
(« Les Etats-Unis et la liberté
religieuse dans le monde », 5 juin 2002)[148]
« Le
5 septembre 2001, la statue du Mandarom est dynamitée par les forces
de l'ordre qui se présentent lourdement armées sur la propriété de la
communauté pour évacuer « les fidèles ». La communauté a démontré
que l'accusation qui lui était faite d'un défaut de permis de
construire pour cette statue était mensongère. »[149]
11
septembre : chute des Twin Towers[150]
à Manhattan, dans le « centre des affaires » de New York. La période
suivant ces attentats a vu un recul des libertés individuelles dans de
nombreux pays.[151]
2002 :
Parution du livre de Maurice Duval : Un
ethnologue au Mandarom.[152]
Bernard
Lempert publie Le retour de l’intolérance
– Sectarisme et chasse aux sorcières, aux éditions Bayard :
« Bernard Lempert montre les affinités entre la « chasse
aux sectes » actuelle et les multiples chasses aux sorcières de
l'histoire. Depuis le Moyen-Âge jusqu'aujourd'hui sans oublier Mc Carthy il y
a plus que des ressemblances, une véritable filiation. Puisant dans son expérience
de la maltraitance, il met en évidence le lien qui existe entre famille
maltraitante - ou famille-clan - et « secte ». Enfin il pointe les
risques que fait courir à notre vie démocratique cette loi d'exception, qui
a déjà été exportée en Chine via Hong Kong pour combattre Fa Lun Gong.
Cet essai dérangeant, remarquablement documenté, fait ressortir les vrais
enjeux culturels, politiques et sociaux d'une attitude de désignation et
d'exclusion rarement mise en cause. »[153]
Création
de
la MIVILUDES
(Mission Interministérrielle de Vigilance et de Lutte contres les Dérives
Sectaires par décret n° 278 du 29 novembre 2002)[154],
par le gouvernement Raffarin. Son premier président, Jean-Louis Langlais,
entrera en fonction en janvier 2003.
« Les
missions de
la Miviludes
s’inscrivent dans le consensus français de protection des victimes et de
l’ordre public. La veille et la lutte prennent en compte les seuls actes et
comportements contraires aux lois et règlements troublant l’ordre public. (…)
La Miviludes
est une structure interministérielle dont la mission est de favoriser la
concertation entre les services de l’Etat. Elle est constituée d’une équipe
permanente interdisciplinaire autour du secrétaire général, magistrat de
l’ordre judiciaire. Le Président, préfet hors cadre, est également assisté
: d’un comité exécutif qui réunit les représentants des différentes
grandes directions des ministères concernés (arrêté de nomination des
membres du CEPO) ; d’un conseil d’orientation. Structure de dialogue,
ouverte à la société civile, le Conseil d’orientation est composé de 30
membres, nommés par arrêté du Premier ministre : parlementaires, représentants
de la haute fonction publique, du mouvement associatif, du monde médical ou
du secteur économique et social. »
2003 : Parution du premier numéro du journal « Le Monde des
Religions » en septembre.
En
février 2003, Jean-Marie Abgrall, expert psychiatre dans l’affaire de l’OTS,
déclare au journal Nice matin : « L'Ordre rénové du Temple (ORT),
ancêtre de l'OTS, a été un relais du réseau Gladio soit l'AMORC qui aurait
contribué au financement du service secret français en Afrique et en
particulier ce que l'on a appelé les réseaux Foccart. (…) C'est une vérité
qui nous dépasse, qui va jusqu'au secret d'Etat, je m'exprimerai un jour,
comme le juge on a tous des versions officielles ! »[156]
2004 :
L’affaire MISA (Mouvement pour l'Intégration Spirituelle dans l'Absolu) en
Roumanie : « La brutalité de l'action commence le 18 mars 2004 et
dépasse tout ce qui est imaginable pour les personnes concernées. Plus de
300 gendarmes accompagnés de procureurs ont attaqué simultanément 16
immeubles où se trouvaient des membres MISA (enseignement du Yoga). Ils ont
cassé des portes et des fenêtres bien que les entrées ne présentaient pas
d'obstacles. Ils ont frappé et mis à terre avec violence tous ceux qu'ils
ont trouvés sur place, les menaçant avec des armes à feu. L'obtention des
signatures sur les déclarations dictées par les procureurs s'est fait par la
violence. Des biens personnels ont été confisqués sans leur consignation
dans le procès verbal de perquisition. Une fois ces gens retenus, leurs
avocats ont été empêchés de prendre contact avec leurs clients. »[157]
« La
loi About-Picard a rapidement prouvé être plus qu'un simple emblème. En
octobre 2004, Arnaud Mussy, un prophète de Néo-Phare, une minuscule groupe
apocalyptique de Nantes, fut jugé par le Tribunal Correctionnel de Nantes
pour « abus de faiblesse ». Il fut déclaré coupable et condamné
à une peine de trois années de prison avec sursis ainsi qu'à une amende de
115.000 euros. » Il est intéressant de lire le détail des événements
qui ont conduit à cette condamnation, considérée comme « emblématique
» par les acteurs anti-sectes. Comme le propre avocat de M. Mussy l'a admis: « Il
ne s'agit pas d'une condamnation anodine. Elle contient un avertissement
très fort ! Nous avons là la première jurisprudence ! »[158]
En
décembre 2004, l’AFF (American Family Foundation[159])
change officiellement de nom pour devenir l’International Cultic Studies
Association (ICSA, ou Association International pour l’Etude des Sectes)[160].
2005
: Dans le rapport
annuel de
la MIVILUDES
, son président déclare: « L'adoption
en 2001 de la loi dite About-Picard a constitué une remarquable avancée de
la jurisprudence dans la bataille contre le méfait de l'abus frauduleux et de
l'état d'ignorance. »
Le
27 mai 2005, le Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin publiait une circulaire relative
à la lutte contre les dérives sectaires[161]
dans laquelle il est dit : « L'expérience
a montré qu'une démarche consistant, pour les pouvoirs publics, à qualifier
de « secte » tel ou tel groupement et à fonder leur action sur cette seule
qualification ne permettrait pas d'assurer efficacement cette conciliation et
de fonder solidement en droit les initiatives prises (...) le
recours à des listes de groupements sera évité au profit de l'utilisation
de faisceaux de critères. »
« Par
décret du Président de
la République
en date du 29 août 2005[163],
Monsieur Jean-Michel Roulet, préfet, secrétaire général de
la Commission
consultative du secret de
la Défense
nationale, a été nommé à la présidence de
la Mission
interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. Il
prendra ses fonctions à compter du premier octobre 2005. »155
« Le
21 octobre dernier, le Ministre de l’Intérieur (Nicolas
Sarkozy) qui, en France, à la charge des « cultes » (désignation
juridique pour parler des religions) a confié au professeur Jean-Pierre
Machelon, qui est un éminent juriste et historien des institutions européennes,
la mission de former une Commission pour examiner la loi de 1905 (Commission
de réflexion juridique sur les relations des cultes avec les pouvoirs
publics). »[164]
« Le
22 décembre 2005, un témoin de Jéhovah et ancien avocat qui avait été
condamné pour diffamation envers l’UNADFI obtient réparation à
Strasbourg. Dans un arrêt[165]
rendu à l'unanimité des juges,
la Cour
Européenne
des Droits de l'Homme estime que le requérant a été victime d'une violation
de son droit à la liberté d'expression. Elle condamne
la France
à lui verser 6.900 euros pour dommage matériel. Christian Paturel, qui est
âgé de 58 ans et qui réside dans l'Eure, avait publié en 1996 à compte
d'auteur un ouvrage intitulé « Sectes, religions et libertés publiques ».
Il y dénonçait en termes virulents les mouvements antisectes, et l'UNADFI en
particulier, qu'il comparait aux mouvements antisémites et antimaçonniques
d'avant-guerre, voire à l'Inquisition, et qu'il accusait de pratiquer la
violence pour « déprogrammer » certains adeptes. »[166]
2006 :
« Manifestement on est en train d'accéder à un autre rapport au monde
et aux autres, actuellement, nous passons dans un autre type de civilisation,
on est en train de quitter ce qu'on a pu appeler la modernité, qui s'était
élaborée, comme cela, péniblement dans les trois siècles qui viennent de
s'écouler, et qu'il y a en effet quelque chose qui est en train de se mettre
en place de notre rapport aux autres. Dans le fond c'est ça, la religion, la
religiosité. Un de mes collègues parle même de reliance, dans le sens
simple du terme. De plus en plus, ce qui est primordial, c'est de me relier à
l'autre, du fait que je me relie à la nature, à la déité, d'une manière
vaste ou vague. (…) Ce qu'on peut dire et qui est essentiel c'est qu'il y a
retour de ce qu'on avait cru dépasser. » (Interview
de Michel Maffesoli, sociologue, par le CICNS le 16 janvier 2006.)
Belgique, 10 avril 2006 : sur proposition de Mme Laurette Onkelinx,
Ministre de
la Justice
, le Conseil des Ministres a approuvé l'avant-projet de loi visant à réprimer
l'abus de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse des personnes.
30
mai 2006 - Janine Tavernier, ancienne présidente de l'UNADFI de 1993 à 2001,
défend la liberté spirituelle de l'AMORC, dans la préface d'un ouvrage de
Serge Toussaint : « Sectes sur ordonnance » : « C'est
pour rester fidèle à moi-même, à mes convictions, refusant le silence et
la lâcheté, que j'ai accepté de m'associer à ce livre qui dénonce
l'injustice dont l'A.M.O.R.C. a été victime en ayant été classé comme
sectes. Les explications de l'auteur, son érudition, permettent de mieux
connaître et comprendre les racines de cet Ordre, son évolution, son
enseignement, sa philosophie. A l'évidence, il n'a rien d'un Nouveau
Mouvement Religieux, et encore moins d'une secte. Mais il a suffi qu'une
commission parlementaire, ou plutôt quelques députés d'une commission, le
mettent à l'index dans un rapport, pour que l'opprobre, relayé par
l'emballement médiatique, devienne une condamnation publique. » [168]
6
juin 2006 : « C'est non ! Sébastien Fath, l'un des meilleurs
spécialistes du protestantisme évangélique, a décliné le poste que lui
proposait
la Mission
interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires
(MIVILUDES) dans son conseil d'orientation. Ce membre du CNRS refuse de servir
de caution scientifique à un organisme qui, selon lui, fait « un usage
trop réduit, et comme suspicieux, des travaux des chercheurs spécialisés »
dans le religieux. »[169]
Une
réponse de Philippe Vuilque, député PS des Ardennes, à la question posée
par le journal
La Croix
le 30 juin 2006 : Pourquoi à nouveau une commission sur les sectes ? :
« Depuis une vingtaine d'années,
le Parlement s'intéresse de près aux sectes. Il était important de
continuer ce travail, en particulier après l'affaire du Temple solaire en
1995, surtout concernant le problème dramatique de l'embrigadement des enfants.
Aujourd'hui, la vigilance est nécessaire et indispensable. Selon le rapport
établi par
la MIVILUDES
en 2005, près de 20 000 enfants sont concernés. Le groupe d'études
parlementaire que je préside recueille des témoignages dramatiques. Mon
propre engagement depuis 1997, date à laquelle j'ai intégré le premier
groupe de travail, est né d'un dégoût, d'une exécration pour les
manipulations, et de la volonté de défendre les libertés individuelles.
Dans ce sens, le Parlement doit, de manière pédagogique mais aussi préventive,
avoir une action concrète et efficace. Ce que nous voulons, c'est aboutir à
un état des lieux qui nous permettra à la fois de mieux lutter contre les
embrigadements sectaires et d'informer l'opinion publique. Car si le phénomène
sectaire n'est pas forcément plus important qu'avant, il est très mouvant. »
« Le
28 juin 2006, la proposition de résolution de M. Philippe Vuilque « tendant
à la création d'une commission d'enquête relative à l'influence des
mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur
la santé physique et mentale des mineurs » a donc été adoptée à
l'unanimité des députés présents. Soit deux jours avant la fermeture
estivale de l'Assemblée nationale. Tout a été fait pour que, sous la
pression d'un député, M. Philippe Vuilque (PS), qui, selon les termes de Mme
Martine David (PS) a réussi à « arracher
la création de cette commission d'enquête » et « n'a
pas ménagé sa peine pour emporter la conviction », cette résolution
adoptée dans l'urgence au point de « bousculer
l'ordre du jour de l'Assemblée », soit votée à l'unanimité, « unanimité
dont nous sommes sûrs, au fond », selon M. Guy Geoffroy (UMP). »[171]
« PARIS
- Georges
Fenech (UMP, Rhône) et Philippe
Vuilque (PS, Ardennes) ont été désignés jeudi
respectivement président et rapporteur de la commission d'enquête sur
l'influence des sectes, lors de la réunion constitutive de la commission,
a-t-on appris de source parlementaire. La commission a été créée en séance
publique mercredi et elle a jusqu'à décembre pour rendre son rapport.
Martine David (PS, Rhône) et Alain Gest (UMP, Somme) ont été nommés
vice-présidents, et Jean-Pierre Brard (app-PCF, Seine-Saint-Denis) et Rudy
Salles (UDF, Alpes-Maritimes) secrétaires. Les six députés, à l'exception
de Georges Fenech, ont participé soit à la précédente commission d'enquête
sur l'aspect financier des sectes, qui a rendu son rapport en juin 1999 et
dont M. Brard était le rapporteur, soit à celle présidée par Alain Gest,
qui avait rendu son rapport en décembre 1995. » (AFP,
28 juin 2006)
« Une
commission d’enquête parlementaire sur le thème des sectes (la troisième
en 11 ans) a été initiée en juin 2006 par le Parlement. Elle vise à évaluer
« l'influence des mouvements à
caractère sectaire et les conséquences de leurs pratiques sur la santé
physique et mentale des mineurs ». Aucun des groupes spirituels «
à caractère sectaire » n’a été auditionné. Certains d’entre eux ont
reçu un questionnaire dont on ignore les modalités de dépouillement. En
particulier, la focalisation de nombreuses interventions sur les Témoins de Jéhovah
laisse perplexe. Les personnalités entendues étaient majoritairement
acquises à un discours justifiant pleinement la lutte contre des « dérives
sectaires » considérées comme un véritable fléau social. A noter :
l’absence de sociologues, d’historiens des religions et d‘ethnologues.
L’intervention de Didier Leschi, chef du Bureau Central des Cultes au
Ministère de l’Intérieur, mérite d’être mentionnée comme ayant été
potentiellement de nature à équilibrer un débat partiel et partial. Un
certain nombre d'autres intervenants ont su également avoir des propos assez
mesurés souvent mal reçus par la commission. Les preuves du danger sectaire
– un prétendu fléau social pour les mineurs -, sous forme d’enquêtes
scientifiques, statistiques, croisées et vérifiables par des tiers indépendants,
étaient inexistantes ou en tous cas non référencées lors des auditions.
Les chiffres fournis pendant les auditions étaient approximatifs et leur
interprétation aléatoire, voire insuffisante, quand ils ne dénotaient pas
tout simplement le caractère inexistant de ce problème de société. »[172]
Parmi
les 30 membres de cette commission, quatre (Madame David, Messieurs Brard,
Fenech et Gest) étaient membres du Conseil d’orientation de
la MIVILUDES.[173]
« Le
21 novembre 2006, la troisième
commission d’enquête parlementaire sur les sectes[174],
étudiant l’impact des dérives sectaires sur les mineurs, rendait une
visite surprise de trois heures à la communauté (de
Tabhita’s Place, à Sus, dans les Pyrénées-Atlantique) qui donna lieu,
lors de la conférence de presse de 18h le jour même, à un compte-rendu
alarmiste sur la situation des enfants dans la communauté. »[175]
23
juillet 2006 : Communiqué de presse de Michel Thooris, secrétaire général
du syndicat Action Police CFTC : Le député maire communiste de
Montreuil (Seine-Saint-Denis), Jean-Pierre Brard s'en est pris aux
responsables des Témoins de Jéhovah, jeudi 20 juillet sur TF1, les
qualifiant de « parfaits délinquants » tandis que le maire de
Lens (62) souhaitait faire interdire leur assemblée qui se tient ce week-end
au stade Bollaert à Lens (Pas-de-Calais). « Les Témoins de Jéhovah
sont des citoyens respectueux des lois républicaines. II n'y a aucun critère
dans leur vie de tous les jours qui permet de les classer « secte »
estime Michel Thooris, secrétaire général du syndicat Action Police CFTC.
Ils ne créaient aucun trouble à l'ordre public. Ils travaillent, paient des
impôts, participent au développement économique de notre pays et font des
dons à des associations caritatives. Le mélange de ces personnes issues de
toutes les races et de toutes les origines se rassemblant dans la paix fait
plaisir à voir. Nous n'avons jamais constaté lors de leurs rassemblements, même
si l'on remonte très loin dans le temps, la moindre bagarre ou altercation
qui aurait justifié notre intervention. Si tout le monde était Témoin de Jéhovah,
nous policiers, nous serions au chômage. Nous comprenons mal la polémique
autour du rassemblement des Témoins de Jéhovah au stade Bollaert à Lens
(62). Vouloir interdire ce type de rassemblement pacifique est une très grave
atteinte à la liberté de culte dans notre pays et une remise en cause très
profonde de la loi de 1901 sur les associations. (…). »[176]
« Le
6 septembre 2006, une lettre est adressée par le CICNS au Commandant du
groupement de gendarmerie de chaque département français, pour inviter les
forces de l'ordre à découvrir un autre point de vue sur les mouvements
spirituels que celui dont ils ont généralement connaissance. Le CICNS
informe que le « fléau social » dénoncé par les activistes de
la lutte anti-sectes ne correspond généralement à aucune réalité
objective sur le terrain, et que nous sommes déterminés à dénoncer les
abus quand il y en a. »[177]
Le
rapport 2006 de
la MIVILUDES
mentionne pour la première fois le CICNS: « Originalité de ce rapport sans
surprise sur le fond (nous n’en attendions donc pas) :
la MIVILUDES
s’essaye, pages 14 à 36, à une étude psychanalytique et sociologique des
travers attribués aux sectes. Il est clair que certains reproches adressés
ces dernières années à
la MIVILUDES
ne sont pas tombés dans l’oreille de sourds et qu’une tentative de donner
une image plus académique et moins antireligieuse primaire leur est apparue
indispensable.
La MIVILUDES
s’est donc façonné un joli paravent (reproche que l’on fait volontiers
aux sectes) devant sa campagne menée sans discernement contre toutes les
nouvelles expressions de la spiritualité et non contre les dérives
sectaires, comme elle voudrait le faire croire (s’il en était autrement,
la MIVILUDES
aurait pris à son compte les mises en garde que nous lui adressons depuis près
de trois ans sur les dommages causés à de nombreuses personnes par la
campagne antisectes telle qu’elle est menée aujourd’hui). Cette quête
d'une meilleure image serait louable s'il n'y avait cette tentative de discréditer
de la manière la plus superficielle et la plus diffamatoire le son de cloche
apporté par les critiques de l’action de
la MIVILUDES
comme le CICNS. On trouve ainsi cette affirmation au sujet de notre
association : « Le CICNS mène
campagne … pour la libéralisation du droit de propriété intellectuelle »
et « sa cible principale est le droit d’auteur ». Quelle
plaisanterie douteuse ! Comme si l’action de notre association était
concernée en priorité par cette question dont nous avons fait un petit
encart hors sujet à l’occasion d’un litige de copyright. Il est sans
doute plus fructueux, pour
la MIVILUDES
, de définir le CICNS à partir de propos pris hors contexte de son action véritable
(en y réfléchissant, ce petit tour de passe passe qui réduit l'action du
CICNS à une absurde « lutte contre les droits d'auteurs » et dont
l'effet serait dommageable pour « le tissu économique » n'est
sans doute pas un hasard et nous éclaire certainement sur les craintes et
objectifs de la mouvance anti-sectes). Plus loin, la
traditionnelle affiliation à la Scientologie[178]
permet d’ajouter une couche de suspicion pour ceux qui auraient
encore des velléités de trouver un quelconque intérêt à notre travail :
« La scientologie n’apparaît pas en première ligne,
mais l’analyse attentive des arguments utilisés et des méthodes déployées
(…) contre la commission d’enquête parlementaire laisse à penser
qu’elle les a beaucoup inspirés… et plus si affinités ».
« La
commision Machelon a rendu son rapport mercredi 20 septembre. Elle préconise
un « toilettage » de la loi de 1905 portant séparation des
Eglises et de l'Etat : 1. Elle se prononce pour un financement des lieux
de culte par les collectivités territoriales ; 2. Elle propose
d'assouplir le fonctionnement des associations cultuelles en élargissant leur
objet social par une modification de l'article 19 de la loi de 1905 qui préconise
l'exercice du culte comme « objet exclusif », ce qui rend
difficile d'intégrer des activités annexes telles que vente de livres,
activités sociales ou culturelles ; 3. Elle traite ensuite de la législation
funéraire : plutôt que de préconiser l'extension des carrés
confessionnels dans les cimetières publics, elle suggère « d'autoriser
l'agrandissement » des cimetières privés existants, voire « d'ouvrir
la faculté d'en créer de nouveaux », ce qui est interdit par la loi du
14 novembre 1881. » (adapté
d’un article du journal Le Monde, 21 septembre 2006)
« Le
rapport Machelon nous rappelle que le dernier recensement officiel de
l’appartenance religieuse des Français remonte à 1872. »[180]
« Silence
total de
la France
tandis que le gouvernement de l'Etat de Borat dans le Kazakhstan détruit 13
maisons d'une communauté Hare Krishna. Le 20 novembre à 6h du matin, une
personne anonyme remit un dossier contenant des ordres du procureur du
tribunal du district de Karasai. Ces ordres déclaraient que les propriétaires
des maisons devaient détruire leurs propres maisons, ou qu'elles seraient détruites
par le gouvernement aux frais des propriétaires. « Le 21 novembre 2006
à 13 h l'information nous parvint qu'en vertu d'une décision du tribunal,
l'expulsion des membres de l'organisation spirituelle « Société pour
la Conscience
de Krishna » du terrain qu'elle occupe près de la ferme de Sri
Vrindavan Dham et la démolition de 13 maisons commenceraient immédiatement. (…)
Un équipement important arriva dans cette communauté suburbaine : camions,
machines de démolition, trois autobus avec des policiers d'émeute, un
autobus avec l'équipe de démolition et les autorités locales, y compris le
Hakim. L'électricité avait été déconnectée le matin du même jour. (…)
A la tombée de la nuit, vers 18 h, tout était fini : 13 maisons détruites,
les gens jetés à la rue couverte de neige, le village sans électricité,
sans chauffage, sans eau. Les témoins étaient en
état de choc, mais l'état des personnes jetées hors de leurs maisons détruites,
dans la saleté et la neige, est indescriptible. »[181]
Le
rapport de la troisième commission d’enquête (L’Enfance
volée, rapport N°3507),
présenté par M. Philippe Vuilque (PS), rapporteur, à la présidence de
l’Assemblée Nationale le 12 décembre
2006 a
été adopté à l’unanimité des présents. Il comporte 50 propositions
pour lutter plus efficacement contre la menace de ce prétendu « fléau
social ».
Un
député membre de cette commission, M. Christian Vanneste (UMP), a refusé de
voter le rapport. Dans une « contribution au rapport de la commission
d’enquête, publié sur son blog le 6 décembre
2006, M
. Vanneste explique notamment : « Il
faut toutefois émettre quelques réserves qui, je l’espère, permettront
d’approfondir la réflexion, et notamment sur un problème de fond que
j’avais déjà souligné lors de nos réunions : la secte n’est pas définie
sur le plan juridique. Les mots ou expressions « sectes », « dérive
sectaire », « fait sectaire », sont utilisés sans différentiation et
recouvrent des situations et des personnes les plus diverses. Finalement, une
confusion est entretenue. L’absence de définition conduit à la fois à une
conception trop large qui embrasserait des mouvements religieux minoritaires dénués
de la moindre nocivité et exclurait paradoxalement des dérives thérapeutiques
qui se situent davantage dans le domaine des médecines alternatives.
(…)
Je m’inquiète, dans la partie « Education », de la première proposition
relative à l’instruction à domicile : il me semble que « limiter
l’instruction à domicile à deux familles » et exiger « un recours à
l’enseignement à distance » constituent une intrusion dans l’autonomie
de la famille et dans la vie privée. Au même titre que lorsque le rapport
exige une certaine « moralité » dans les organismes à distance, il
m’apparaît utile de définir la notion au préalable pour une meilleure sécurité
juridique.
J’aimerais
donc rappeler ma proposition de s’inspirer de la législation belge qui,
faisant preuve d’un certain bon sens, lorsqu’elle parle des sectes,
distingue les mouvements nuisibles des autres. (...) En outre, il convient de
mieux circonscrire les dangers effectifs quant à la santé morale, mentale,
psychologique et matérielle de l’enfant. Les propositions numéros 21 et
22, qui prévoient la mise en place de thérapeutes spécialisés afin de
prendre en charge les sortants de secte et la constitution d’une monographie
sociale sanitaire des conséquences de l’appartenance des jeunes à des
organisations sectaires, me paraissent créer certains dangers. Il s’agirait
en fin de compte d’une atteinte à la neutralité de l’Etat face au fait
religieux. De ce point de vue, la contradiction du rapport qui cite les
mouvements à exigence morale forte et ceux à transgression, relèvent de
l’ambiguïté et de la subjectivité. La potentialité du danger laisse
apparaître le risque d’une attitude de suspicion difficilement compatible
avec une société démocratique et libérale. »
2007 :
« Le 17 janvier 2007, 40 représentants des forces de l’ordre
investissent le château de
la Balme
à Belberaud, près de Toulouse, où résident Claude David, psychologue et
psychanalyste, ainsi qu'une trentaine de personnes (la
communauté des Gens de Bernard). Au cours de l’opération coup de
poing, quatre membres de la communauté sont mis en garde à vue. A la suite
de cette garde à vue, Claude David, dans le collimateur de l’antisectarisme
depuis 15 ans, est placé en détention provisoire et mis en examen. La
couverture médiatique ne présente que la version des victimes autoproclamées
de Claude David et celle de l'association anti-sectes locale (Info-Sectes
Midi-Pyrénées à Toulouse). Selon cette dernière, Claude David « avait
tout le monde sous sa coupe et était la prothèse pensante des membres de la
communauté ». Il est présenté dans la presse comme un « gourou ».
La France
est familière de ces assauts violents à l’encontre des minorités et
d’un traitement journalistique qui s’apparente à un véritable lynchage médiatique
ne permettant plus la présomption d'innocence et ternissant des réputations
de façon irrémédiable. Le CICNS a souhaité donner la parole aux résidents
du château afin d’offrir au public l’occasion, devenue trop rare dans
notre Etat de droit, de croiser ses sources d’informations. Et nous
attendons l'évolution de cette affaire pour déterminer s'il ne s'agit pas
d'une autre de ces affaires montées de toutes pièces pour donner du poids à
des commissions parlementaires qui en manquent cruellement. Selon Me Françoise
Mathe, avocate de M. David : « Au
château, chacun menait une vie professionnelle normale. Les enfants étaient
scolarisés. La vie sociale était suffisamment ouverte sur l'extérieur. »
(Interview des membres de la communauté des Gens de Bernard par le CICNS, février
2007)
« La
Cour d'appel de Rouen a condamné mercredi la présidente de l'Union nationale
des associations de défense des familles et de l'individu (UNADFI), Catherine
Picard, à verser 6.750 euros aux Témoins de Jéhovah pour diffamation,
a-t-on appris vendredi de source judiciaire. » (AFP,
Rouen, 20 juillet 2007)
« Plus
d'une centaine de personnes sont venues assister au colloque organisé par le
CICNS à Paris sur le thème : « Sectes
: fléau social ou bouc émissaire ? » C'est un thème d'actualité
difficile car il dérange. Il trouble le confort précaire d'une société qui
fixe son idéologie sur la peur de celui qui est différent. Les intervenants
présents : sociologues, historiens, avocats, de France, du Royaume-Uni, de
Belgique et de Suisse sont depuis longtemps engagés dans la défense des
libertés fondamentales et en particulier de la liberté de conscience et la
liberté spirituelle. Leur travail universitaire, leurs actions juridiques se
déroulent dans un contexte souvent hostile. Beaucoup n'hésitent pas à aller
à contre-courant des opinions reçues sur la question des sectes, quitte à
devoir sans arrêt agir contre leur « délégitimation » (selon
une expression de Jean Baubérot au cours d'un colloque précédent) parce
qu'ils osent dénoncer les amalgames et les discriminations. (…) Les
errances de l'action publique et médiatique sur la question desdites sectes
ont été dénoncées par chacun des intervenants à sa manière. Pour lutter
contre d'éventuels groupes dangereux, la méthode employée aujourd'hui en
France est une impasse. L'exemple d'autres pays européens montre qu'une démarche
de connaissance alternative est possible. »[185]
Octobre
2007, parution du livre d’Yves Bertrand, directeur des Renseignements Généraux
de 1992 à 2004 : Je ne sais rien
mais je dirai (presque) tout.
Extrait : « Il est exact que
les Renseignements Généraux ont contribué à nourrir la réflexion de la
commission d'enquête parlementaire qui, en
1996, a
rendu un rapport très dur sur la question, en ne recensant pas moins de 172
mouvements qualifiés de sectaires. Je ne renie pas le travail que nous avons
fait alors pour éclairer les parlementaires. Mais ce travail a
incontestablement vieilli. Et j'ai moi-même évolué sur la question. A côté
de sectes authentiques et dangereuses, pratiquant la déscolarisation des
enfants, l'abus de faiblesse, voire la pédophilie, certains groupes se sont
vus un peu vite affublés du vocable de secte. La sémantique elle-même
devrait être modifiée. Le terme secte a été forgé à une époque où le
catholicisme et le protestantisme constituaient la norme dominante et où il
s'agissait, en quelque sorte, de stigmatiser les hérésies chrétiennes.
Doit-il être utilisé aussi facilement aujourd'hui ? J'en doute sincèrement.
(...) Doit-on confondre en un même vocable, sectes et mouvements
minoritaires, pratiquant le prosélytisme comme les témoins de Jéhovah ?
Franchement je ne le pense pas. On a le droit de critiquer la Scientologie ou
les Témoins de Jéhovah, mais faut-il pour autant les transformer en diable ?
Je pense même qu'à placer sur le même plan certaines sociétés de pensée
et d'authentiques mouvements sectaires qui aliènent la liberté de leurs
membres, on aboutit à l'inverse du but recherché. Sous prétexte de protéger
la liberté de conscience, on empêche les citoyens d'embrasser les croyances
de leur choix, ce qui est le contraire de la laïcité bien comprise... »
[1]
Bernard
Renaud de la Faverie, directeur des éditions Dervy, dans une interview réalisée par le CICNS
en novembre 2004.
[3]
« Née en 1241,
la Hanse
était devenue, en peu d'années, avec une rapidité de propagation inouïe
à cette époque « la suprême expression de la vie collective, la
concentration de toutes les gildes marchandes de l'Europe ». Au XVIe
siècle, elle forme une fédération qui comprend plus de quatre-vingts
villes et étend ses factories de Londres à Novgorod. Elle n'est cependant
« fondée que sur le libre consentement des gildes et des villes; elle
ne connaît d'autre moyen de discipline que l'exclusion, et si grande est la
force corporative que
la Hanse
exerce néanmoins un ascendant sur toute l'Europe », dans l'intérêt
majeur du commerce européen. » (L’opinion
et la foule, de Gabriel Tarde, citant des extraits du livre d’Adolphe
Prins, La démocratie et le régime
parlementaire: Etude sur le régime corporatif et la représentation des intérêts,
Bruxelles, 1887)
[4]
La Camorra
, « la protection », est un phénomène mafieux issu de la ville. C'est un
type de Mafia né à Naples en Italie aux environs du début du XIXe siècle.
À partir de Naples, elle s’est diffusée dans toute
la Campanie.
[8]
Livre de Louis Pauwels (journaliste
et écrivain français décédé en 1997) et Jacques Bergier publié
en 1960. Il constitue un phénomène
sociologique non négligeable puisqu'il a provoqué en pays cartésien une
vogue considérable pour l'imaginaire, l'irrationnel et l'étrange. Sous la
forme d'un essai captivant poursuivi par la revue Planète qui en est issu,
« rien de ce qui est étrange ne leur fut étranger ».
[9]
Tiré
de « 120 minutes pour la liberté spirituelle », un
film-documentaire du CICNS.
[13]
http://links.jstor.org/ Modern
Studies in the Sociology of Religion in France and Belgium,
Eva J. Ross, The
American Catholic Sociological Review, Vol. 15, No. 2 (Jun., 1954), pp.
115-140
[18]
International
Society for
Krishna
Consciousness.
Le Message des Tibétains : Le Bouddhisme (première partie), 1966,
Le Message des Tibétains: Le Tantrisme (deuxième partie), 1966, Himalaya,
Terre de Sérénité: Le Lac des Yogis (première partie), 1968 , Himalaya,
Terre de Sérénité: Les Enfants de
la Sagesse
(deuxième partie), 1968, Les Chemins de
la Sagesse
(Tomes I,II,III), Paris,
La Table
ronde, 1968, 1970 et 1972, Monde Moderne et Sagesse Ancienne, Paris,
La Table
ronde, 1973
[22]
Adapté d’un documentaire vidéo sur Maharishi Mahesh Yogi réalisé par
History International en 2007.
Librement extrait du livre de Jean
Vernette, Les sectes, Puf, 2002. Le père Vernette « fut, durant près
de trente ans, secrétaire général du service national « Pastorale,
sectes et nouvelles croyances », c’est-à-dire le délégué officiel de
l’épiscopat français sur ces questions. » (Source :
Psyvig.com)
[30a] http://www.vigi-sectes.org/visage_decouvert/moon.html
[33]
et le psychiatre André
Badiche.
[35]
Sectes,
religions et libertés publiques,
de Christian Paturel,
La Pensée Universelle
, 1996
[38]
Librement
extrait du livre de Jean Vernette, Les sectes, Puf, 2002.
[42]
En janvier 1976, le Manoir fleuri, centre de l’Eglise de l’Unification
(Moon) à Saint-Germain-au-Mont-d'or, devient
célèbre en raison de « l'affaire Amadeo » où l’enlèvement
d’une jeune mooniste par ses parents, devant les caméras de télévision,
entraîne un reportage de FR3 en avril.
[46]
La libre belgique, 2
octobre 2004 par Christian Laporte
Sectes, Religions et Libertés
Publiques, de Christian Paturel,
La Pensée
Universelle
, février 1996
[52]
http://www.droitdesreligions.net/ldr_pdf/ldr_janvier_2006.pdf
[56]
L’Unité, hebdomadaire du Parti Socialiste, N°409 du 6 février 1981
[57]
Rapport Vivien, 1983
[59]
Le Centre pour l'études des nouvelles religions (CESNUR - Center for
studies on new religions) est une association internationale d'étude du
pluralisme religieux et des nouveaux mouvements religieux. Site : http://www.cesnur.org
[64]
De
la Mils
à
la Miviludes
- La politique envers les sectes en France après la chute du gouvernement
socialiste, un discours
de Régis Dericquebourg, sociologue, prononcé à la conférence du Cesnur
à Vilnius en avril 2003.
[73]
Depuis le 13 août 1961.
[74]
C. BUFFET, professeur à l'Ecole Supérieure de Journalisme de Lille, dans L'Histoire,
n°220, avril 1998.
[76]
Sectes, religions et libertés
publiques, de Christian Paturel aux éditions
La Pensée
Universelle
, 1996
[77]
Citation extraite du livre de Gérard GONZALES : La
convention européenne des droits de l’homme et la liberté des religions,
Centre d’Etudes et de Recherches Internationales et Communautaires
Université d’Aix – Marseille III – Economica, 1997, pp. 75-82
[79]
Les radis de la colère, de Me
Jean-Pierre Joseph, Editions Louise Courteau, 3 septembre 1999
[81]
Organe de réflexion rattaché au Ministère de l’Intérieur. M.
Jean-Michel Roulet, président de
la MIVILUDES, en a été le directeur de décembre 1994 à juin 1995 (cf.
site de
la MIVILUDES
).
[90]
Paul Bouchet était à l'époque président
de
la Commission
nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS). A ce titre,
le premier ministre de l’époque, Pierre Bérégovoy, lui avait commandé
en 1993 un rapport sur les écoutes de l’Elysée. Ce fut la première
« grande » affaire sous la présidence de
la République
de François Mitterand.
[91]
http://www.cicns.net/Aum.htm
[94]
De
la Mils
à
la Miviludes
- La politique envers les sectes en France après la chute du gouvernement
socialiste, un discours de Régis Dericquebourg, sociologue, prononcé
à la conférence du Cesnur à Vilnius en avril 2003.
[95]
Patrick Rougelet, RG, la machine à
scandales, Albin Michel, mars 1997.
[101]
De
la Mils
à
la Miviludes
- La politique envers les sectes en France après la chute du gouvernement
socialiste, un discours de Régis Dericquebourg, sociologue, prononcé
à la conférence du Cesnur à Vilnius en avril 2003.
[106]
Le Bureau fédéral d'investigation
ou FBI (Federal Bureau of Investigation) est aux États-Unis le principal
service fédéral de police judiciaire et un service de renseignement intérieur.
[121]
Journal Officiel N° 234,
du 9 Octobre 1998, page 15286
[131]
« La définition
traditionnelle du terme « secte », soit selon le Petit Larousse
1996, un « ensemble de personnes qui professent une même doctrine
philosophique ou religieuse » ou un « groupement religieux clos
sur lui-même et créé en opposition à des idées ou des pratiques
religieuses dominantes ». Cette définition, qui contient plusieurs éléments
pertinents, ne permet toutefois pas d’appréhender l’ensemble du phénomène
sectaire moderne : de nombreux mouvements de pensée n’ont rien de
commun avec les courants religieux traditionnels, qu’ils proposent une
doctrine syncrétique assemblant des éléments de diverses religions ou
qu’ils prônent des théories scientifiques ou ésotériques. »
[143]
C'est, en pratique, le cas du seul sénateur Caldaguès (RPR) qui n'est
intervenu qu'en seconde lecture et fut une fois rejoint par son collègue
Hamel (RPR) cf. Sénat II, pp. 1719 et 1722.
[144]
Sur les 18 interventions motivées dans les deux assemblées, 11
parlementaires avaient appartenu, soit au conseil d'orientation de
la Mission
interministérielle de lutte contre les sectes (au 5 février 2001 c'était
Nicolas About, J.-P. Brard, Martine David, Serge Lagauche), soit aux deux
commissions d'enquête parlementaire sur les sectes. Le conseil
d'orientation de
la MILS
a pu examiner une première version de la proposition de loi About (cf.
rapport de janvier 2000, p. 58).
Arch. de Sc. soc. des Rel., 2003, 121, (janvier-mars 2003) 149-166 - Patrice
ROLLAND, sur la-loi-17.htm
[152]
Presses Universitaires de France - PUF (28 janvier 2002).
[159]
L’American Family Foundation est la « maison mère » du Cult
Awareness Networdk (CAN).
Haut de page