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COMPTES RENDUS


Compte rendu de l'audition du mardi 17 octobre 2000

 Audition du professeur Samdhong Rinpoche, Président du Parlement tibétain en exil

 

M. Claude Huriet :

Nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui un homologue tibétain, parlementaire comme nous, en la personne du Professeur Samdhong Rinpoché, président de l'Assemblée des députés du peuple tibétain.

Monsieur le Président, cette audition est, pour nous, l'occasion de vous informer des activités de notre groupe d'information, pour vous, de mieux nous faire connaître le Parlement tibétain en exil siégeant à Dharamsala et, pour nous tous, d'étudier les échanges possibles entre l'assemblée que vous présidez et le Sénat.

Le 26 septembre dernier, avec nos collègues députés, nous avons eu l'honneur d'accueillir au Sénat sa Sainteté le Dalaï Lama. Cette audition a été un grand moment dans l'histoire du Parlement français, qui est engagé depuis de nombreuses années en faveur du peuple tibétain. Vous avez des amis très attentifs chez les parlementaires français, qui ont pris position très clairement contre l'oppression chinoise, et qui demeureront aux côtés des Tibétains lorsque leur rêve d'un retour à la liberté se réalisera.

Je précise que le compte rendu de votre audition d'aujourd'hui figurera dans un rapport d'information, qui sera le premier rapport parlementaire officiellement consacré au Tibet.

Je salue également la présence à vos côtés de Mme Tinlay Dewatshang, députée élue par la communauté tibétaine d'Europe, qui pourrait devenir, si vous en êtes d'accord, l'intermédiaire privilégiée entre notre groupe d'information et votre assemblée.

Ma première question portera sur l'évolution de la situation depuis 1996, date de votre première visite à l'Assemblée nationale.

 

Pr. Samdhong Rinpoché :

Je vous remercie de me recevoir au Sénat, c'est pour moi un honneur d'être ici. Je n'ai pas eu l'occasion de revenir en France depuis ma première visite en 1996, et j'ai saisi l'opportunité de ce court séjour pour avoir des contacts aussi nombreux que possible avec le Gouvernement et le Parlement français.

Le peuple français et ses représentant élus ont soutenu fermement les Tibétains dans leur juste cause. Ce soutien est pour nous très encourageant, et nous donne confiance pour l'avenir. J'espère qu'il se maintiendra jusqu'à ce que les Tibétains retrouvent leur liberté, dans une relation amicale avec les Chinois.

Mes collègues et moi-même sommes très conscients du travail que votre groupe d'information a accompli. Vous avez signé des appels, reçu le Dalaï Lama et de nombreuses autres délégations tibétaines. Tout cela est, pour nous, très important et je veux vous dire, au nom du Parlement tibétain en exil, combien nous apprécions votre merveilleuse action.

Le Tibet est occupé militairement par la Chine communiste depuis 1951. Au cours de ces cinquante années, le peuple tibétain a subi la torture et un génocide culturel, qui continue encore aujourd'hui. Nous ne serons satisfaits que lorsque le peuple tibétain se sentira à nouveau chez lui dans les frontières du Tibet.

Entre 1951 et 1959, nous avons sincèrement essayé de coopérer avec les Chinois, dans le cadre de « l'accord en 17 points ». Malheureusement, ces efforts ont échoué. Le soulèvement de la population de Lhassa en 1959 a entraîné la fuite du Dalaï Lama et de 100.000 Tibétains. La répression féroce qui a suivi s'est prolongée dans la révolution culturelle.

La période 1959-1970 a été la plus noire pour les Tibétains, au cours de laquelle 1,2 million d'entre eux sont morts. Notre responsabilité, à nous Tibétains de la Diaspora, est de conserver vivantes la culture tibétaine et la lutte politique.

 

M. Claude Huriet :

            Ma deuxième question portera sur le Parlement tibétain en exil. Comment est-il constitué ? Comment fonctionne-t-il ? Quelle coopération vous paraît souhaitable entre le Parlement tibétain et le Parlement français ?

          

Pr. Samdhong Rinpoché

            Depuis que le Dalaï Lama a fui le Tibet en 1959, son souci constant a été de démocratiser la société tibétaine. Le Gouvernement tibétain traditionnel, tel qu'il a été établi au XVIIème siècle, en 1642, n'était pas démocratique, même s'il n'était pas non plus totalitaire.

Le Dalaï Lama, dès son accession au pouvoir à l'âge de 16 ans, n'a pas été satisfait de cet héritage politique, et s'est déclaré favorable à la démocratie. Malheureusement, le Tibet a été envahi par les Chinois avant qu'il puisse mettre en œuvre les réformes qu'il souhaitait.

Lorsque le Dalaï Lama est arrivé en Inde en 1959, l'une des premières choses qu'il a faites, alors qu'il y avait tant d'autres urgences, a été de lancer la démocratisation. Dans un discours fondateur, il s'est adressé en 1960 aux réfugiés tibétains pour leur annoncer qu'il souhaitait qu'un corps électoral fût constitué, symbole de la démocratie future pour le Tibet. Une première assemblée de 12 membres a prêté serment dès le 2 septembre 1960, qui est depuis commémoré comme le « jour de la démocratie » par les Tibétains.

En  1963, le Dalaï Lama a promulgué une Constitution pour le Tibet futur, qui instaure un système parlementaire. Mais, faite pour le Tibet futur, nous n'avons jamais été en situation de la mettre en application jusqu'à aujourd'hui.

Le premier Parlement tibétain en exil était élu pour trois ans. Cette durée a été ensuite portée à cinq ans. Mais, lors des 10ème élections en 1990, le Dalaï Lama n'était toujours pas satisfait du fonctionnement d'une démocratie dont les Tibétains n'avaient pas l'expérience. Car il s'agit du cas bien particulier d'une démocratisation imposée d'en haut, et non d'en bas comme il est d'habitude.

Trois mois après les 10ème élections, le Dalaï Lama a dissous à la fois le Parlement et le Gouvernement tibétains, et convoqué une grande réunion de 300 délégués de la communauté tibétaine en exil. Il en est ressorti une Charte spéciale pour les Tibétains en exil, distincte de la Constitution du Tibet futur. Cette Charte pour le Gouvernement en exil a été ratifiée un an plus tard, en 1991.

D'après la Constitution ratifiée en 1991, l'Assemblée des députés du peuple tibétain se compose de 43 représentants élus et de 3 personnalités qualifiées désignées par le Dalaï Lama. Cette assemblée exerce le pouvoir législatif, oriente et contrôle la politique du Gouvernement, qui procède d'elle et non plus du Dalaï Lama. C'est la plus haute autorité politique tibétaine.

Le Parlement élit le Gouvernement tibétain en exil, ou Kashag, qui est responsable devant lui et peut être renversé à la majorité simple des députés. Le Dalaï Lama reste le chef de l'Etat, mais le Parlement peut lui retirer ses responsabilités politiques à la majorité des deux tiers et nommer un Conseil de régence.

Le Parlement supervise la Commission électorale, la Commission de nomination des fonctionnaires du Gouvernement tibétain en exil, ainsi que la Commission judiciaire. En effet, la communauté tibétaine en exil relève des juridictions indiennes ou népalaises en matière pénale, mais la Commission judiciaire tibétaine intervient dans les camps de réfugiés pour les autres matières.

La répartition des 46 membres du Parlement tibétain en exil est la suivante : 10 députés élus pour chacune des trois grandes régions du Tibet (U-Tsang, Amdo et Kham), 2 députés élus pour chacune des 5 principaux ordres religieux tibétains, 2 députés élus pour la communauté tibétaine d'Europe, 1 député élu pour la communauté tibétaine d'Amérique du Nord, et 3 personnalités qualifiées.

 

M. Claude Huriet

C'est la première fois que nous avons un exposé aussi clair des institutions tibétaines. Conformément aux propos constants du Dalaï Lama, la démocratisation est en marche. Je donne la parole à ceux de mes collègues qui souhaitent vous poser des questions.

 

M. Louis de Broissia

Monsieur le Président, j'avais déjà eu le plaisir de vous accueillir lors de votre visite à l'Assemblée nationale en 1991.

Le maintien de contacts avec la Chine me paraît indispensable. Or, le Dalaï Lama nous a dit lors de son audition qu'il n'en a plus depuis plusieurs années. L'Assemblée des députés du peuple tibétain a-t-elle des relations avec le Parlement chinois ? Les parlementaires français pourraient-ils servir de pont entre les deux ?

 

Pr. Samdhong Rinpoché

Nous n'avons aucun contact ni avec le Gouvernement ni avec le Parlement chinois. Mais nous avons des relations avec le Parlement de Taïwan. Nous avons aussi reçu à Dharamsala des délégations des Parlements suisse, lituanien et japonais.

Jusqu'à présent, l'accès à l'Union Inter Parlementaire nous a été refusé. Un groupe de neuf Parlements membres de l'UIP a pourtant soulevé la question depuis plusieurs années.

Nous serions bien sûr heureux d'avoir plus de relations avec le Parlement français, et je vous invite à venir nous rendre visite à Dharamsala.

 

M. Hubert Durand-Chastel

Je souhaiterais avoir une idée plus précise du corps électoral constitué par la communauté tibétaine en exil.

 

Pr. Samdhong Rinpoché

Tous les Tibétains en exil, qui sont au nombre de 130.000 environ, ont le droit de vote. Leur taux de participation aux élections varie entre 62 % et 74 %.

 

M. Claude Huriet

Cette rencontre a été très intéressante. Nous avons découvert le fonctionnement du Parlement tibétain en exil, et vos responsabilités de président. Nous restons à votre disposition pour développer les liens entre nos deux Parlements. Celle-ci pourrait, si vous en êtes d'accord, prendre d'abord la forme d'un lien, d'une coopération avec les deux députés tibétains représentant la communauté exilée en Europe.

Pour conclure, j'ai l'honneur de vous remettre le Manifeste 2000 des parlementaires français pour le Tibet, dont le premier exemplaire a été remis au Dalaï Lama lors de son audition au Sénat le 26 septembre dernier. C'est un signe tangible de l'engagement constant des parlementaires français pour la cause tibétaine.

 




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