Le Libre Poitou

mardi 27 janvier 2004 dans Presse de la Résistance
Un des premiers journaux de la Résistance fut "Le Libre Poitou".

Edition de sept. 44

CREATION ET OBJECTIFS

C’est Louis Renard un avoué de Poitiers mutilé de guerre 1914-1918, officier de la Légion d’Honneur et fervent patriote, qui lança la feuille clandestine "Le Libre Poitou". Il était aidé dans la confection du journal par son jeune clerc Maurice Baudet.

Le premier exemplaire circula dès le 11 novembre1940 puis cette feuille ronéotypée hebdomadaire parut régulièrement, distribuée dans les boites aux lettres, de novembre1940 à novembre 1942, date de l’arrestation du réseau Louis Renard. Dans l’esprit de son fondateur, Le Libre Poitou, se présentait comme le lien entre celles et ceux qui étaient déjà entrés en Résistance et le journal de la vérité face à la presse du mensonge et de la collaboration.

Il fustigeait les traîtres en apportant dans les foyers de précieuses nouvelles et en disant à chacun les raisons d’espérer. Le journal se voulait l’âme venue de la population. Louis Renard assura avec une grande régularité la parution du Libre Poitou.

On trouvera dans « les dossiers de la Vienne pendant la seconde guerre mondiale », tome 2, publiés par MM Roger Picard et Gaston Racault, un certain nombre de numéros du Libre Poitou de cette époque dont la lecture permet de subodorer l’esprit de ceux qui participaient à sa rédaction.

Lors du premier numéro du « Libre Poitou », Louis Renard écrivait dans une note d’éditeur : « De 1914 à 1918, nos alliés et amis Belges connurent les rigueurs de l’occupation allemande. Leur dignité, leur Résistance, leur héroïsme firent l’admiration du monde. Il paraissait alors un petit journal « La Libre Belgique » ; quelques poitevins ont décidé de faire paraître « Le Libre Poitou ». Nous n’avons aucun moyen pour le faire imprimer. A vrai dire, ce ne sera pas un journal, seulement une liaison entre inconnus unis par amour de la Patrie et une même foi dans sa résurrection glorieuse. Vous qui recevez cet exemplaire, diffusez-le autour de vous, faites le taper en plusieurs exemplaires que vous ferez parvenir à vos amis, faites ainsi que chez tous, riches et pauvres, patrons et ouvriers, intellectuels et travailleurs manuels, de la France en prison ou de celle de la France Libre, un rayon d’espérance et de soleil pénètre partout ».

EVOLUTION

Lorsque le Comité de Libération (C.D.L) tint ses premières assises, le journaliste Résistant Henri Viaux se vit confier la direction d’un journal qui devait être publié le jour de la Libération. Il fut décidé unanimement par le C.D.L qu’on reprendrait le titre même qu’avait choisi Louis Renard et que le "Libre Poitou" allait renaître de ses cendres. Plus d’un an après sa mort, l’oeuvre du premier Résistant Poitevin allait donc être poursuivie dans l’esprit même où elle avait été entreprise. Le premier numéro officiel sortit des presses de la rue Victor Hugo le 6 septembre 1944. Le 15 janvier 1958 "Le Libre Poitou" prit le nom de "Centre Presse".

CONCLUSION

D’abord organe de presse du réseau Louis Renard,« Le Libre Poitou » devint ensuite l’organe officiel du Comité Départemental de Libération. Par la suite, il devint un quotidien régional (Vienne-Deux Sèvres) puis départemental (Vienne) qui disparut en 1958. Le groupe Hersant l’ayant racheté, le nouveau propriétaire en changea le titre et en fit « Centre Presse ». En 1996, le groupe Hersant cède le titre « Centre Presse » à La Nouvelle République de Tours qui en assure la diffusion et la gestion actuellement.

Source Echo de la Vienne 1945 Par Roland BARRAT



Texte du "LIBRE POITOU N° 1"


Le premier "LIBRE POITOU" date du 11 novembre 1940. Il s’agissait d’une feuille rédigée, ronéotypée et distribuée discrètement, très discrètement, par les membres du réseau Louis Renard.



N° I LE LIBRE POITOU II Novembre 1940
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NOTE de l’ EDITEUR
De 1914 à 1918, nos alliés et amis Belges connurent les rigueurs de l’occupation allemande.
Leur dignité, leur résistance, Leur héroïsme firent l’admiration du monde.

Paraissait alors régulièrement un petit journal "La LIBRE BELGIQUE" Quelques Poitevins ont
décidé de faire paraître "Le LIBRE POITOU".
Nous n’avons aucun moyen de le faire imprimer. A vrai dire ce ne sera pas un journal, seulement une liaison entre inconnus unis par le même amour de la patrie et la même foi dans sa résurrection glorieuse.
Vous qui recevrez cet exemplaire diffusez-le autour de vous, faites le taper en plusieurs exemplaires que vous ferez parvenir à vos amis et faites ainsi que tous, riches et pauvres, patrons et ouvriers, intellectuels et travailleurs manuels, de la France occupée ou de celle dite libre, un rayon de soleil et d’ espérance pénètre partout.
Nous déclarons de suite que les amis qui se groupent, sont tous d’anciens combattants authentiques de l’une ou l’autre guerre, quelques uns des deux.
Nous déclarons encore qu’aucun de nous n’est Israélite, mais que nous ne sommes pas antisémites et considérons comme abominables les mesures d’exception prises contre les juifs français.
Enfin si nous avons des opinions politiques, au surplus diverses, nous ne sommes pas des politiciens.
Ceci dit il est inutile, pour le moment, de chercher à savoir qui nous sommes. Notre anonymat forcé nous pèse, habitués que nous sommes à prendre nos responsabilités, mais il sera dévoilé un jour, le jour de la délivrance et de la Victoire.

L’ANGLETERRE & NOUS
Nous sommes de ceux qui pensent que l’Angleterre gagnera la guerre, de ceux qui l’y aideront. Ceci par patriotisme pur. La France n’a de chance de redevenir libre que si l’Angleterre est victorieuse.
Il est permis de n’être pas anglophile, c’est une question de sentiment, mais il n’est pas permis d’être anglophobe, c’est une question de patriotisme français.

LES ALLEMANDS & NOUS
Nous ne sommes pas par définition anti-allemands. Pris individuellement ils sont possibles, mais quand ils sont trois ils deviennent des Germains et sont odieux.
Qu’ils retournent chez eux, nous causeront, mais pas avant, et s’ils ne partent pas de bon gré, nous les mettront dehors.

11 NOVEMBRE 1918 - 11 NOVEMBRE 1940
II y a 22 ans c’était l’ivresse du triomphe, la fierté de la Victoire, la joie de la fin des meurtres.
Aujourd’hui c’est le deuil, la honte de la capitulation, demain peut-être l’opprobre de la trahison.
En ce jour anniversaire où nous n’aurons même pas le droit de faire flotter nos drapeaux et de fleurir en cortège les monuments de nos morts, recueillons-nous, pleurons notre misère, mais relevons la tête et haussons nos cœurs. Trouvons, en ces prières, la force de reconquérir notre liberté et notre gloire.

COLLABORATION
La collaboration de Monsieur Pierre Laval :
Celle du cavalier et de la monture
Celle de l’araignée et de la mouche
Celle du souteneur et de la fille soumise
Nous ne voulons pas de ça. Mais M. Laval, au mois de Juin, pour ne pas dire beaucoup plu tôt a joué la carte des défaites françaises et anglaises contre celle du triomphe de l’Allemagne.
Il sait qu’il paiera cette trahison de sa tête, alors il continue à jouer les mêmes cartes, dut la France en périr.

LA GUERRE
La Grèce résiste à la puissante Italie. C’est magnifique et quelle
leçon pour nous.
Le peuple anglais par son héroïsme et son stoïcisme fait l’admiration du monde. Quelle autre leçon pour les paniquarts, les fuyards, les capitulards et les lâches.

Monsieur Roosevelt prononce le 11 Novembre à 11 heures une allocution radiodiffusée au peuple américain. Qu’en diront les radios allemandes de Paris et de Vichy ?

CHRONIQUE LOCALE
On nous demande de déclarer nos stocks de charbon supérieurs à 300 kg. Il faut que vous sachiez pourquoi.
Très simplement pour prendre le surplus afin de le donner dans des maisons où se trouvent des officiers et des soldats allemands. Nos gosses auront froid mais ces Messieurs auront chaud.
Bien entendu dans le seul but de collaboration.

LES PRETENTIONS DE M. HITLER
Méfiez-vous quand M. Hitler parle de la Lorraine, il faut comprendre non seulement : METZ, mais aussi NANCY, TOUL et VERDUN.
En attendant les Français Alsaciens-Lorrains sont envoyés en Pologne s’ils déclarent vouloir rester chez eux. Nous n’abandonnerons pas nos frères, l’Alsace et la Lorraine resteront Françaises.
Malgré Monsieur LAVAL !



Texte intégral du "Libre Poitou" n° 1 mis en lignes par Sabine Renard-Darson le 16 février 2009